CHAPITRE 4
Politiser le véganisme
Le mouvement animaliste au Québec 1
Alexia Renard
En décembre 2019, douze personnes, en majorité des femmes, s’introduisent dans une porcherie de Saint-Hyacinthe, en Montérégie, pour
filmer les conditions de vie des animaux. Accusées « d’introduction par
effraction dans le but de commettre un méfait » et « d’entrave au travail
d’un agent de la paix », elles ont été reconnues coupables du premier chef
d’accusation à l’issue de leur procès (Bilodeau, 2022). L’objectif de l’action
était de dénoncer le sort des cochons vivant dans cette porcherie, mais
aussi, et peut-être avant tout, de contester publiquement l’idée qu’il est
normal de tuer des animaux pour s’en nourrir.
Ce coup d’éclat militant, revendiqué par des personnes s’identifiant
comme véganes et antispécistes, surprend une partie du public québécois,
plus habitué à des événements rassembleurs2 qu’à des actions polarisantes.
La surprise est encore plus grande quand, un samedi soir de janvier 2020,
des activistes de Direct Action Everywhere (DxE), un groupe d’action
directe non violent, interrompent un souper dans le restaurant montréalais
1. Ce chapitre n’aurait pu être écrit sans l’aide précieuse d’une militante animaliste
québécoise, qui a souhaité conserver l’anonymat. Merci également à Valéry Giroux,
Virginie Simoneau-Gilbert, Pascale Dufour, Laurence Bherer. Je sais gré aux premiers
lecteurs et aux premières lectrices de ce texte pour leurs commentaires avisés. Je remercie
enfin le Groupe de recherche en éthique environnementale et animale (GRÉEA) pour son
soutien financier.
2. Comme le Festival végane de Montréal, créé en 2014.
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Joe Beef pour dénoncer la consommation de viande et demander la libération des animaux d’élevage. « Ce n’est pas de la nourriture, c’est de la
violence », scandent-ils à plusieurs reprises durant ce « disrupt3 ». Là
encore, le but affiché est de s’opposer à la banalisation de l’exploitation
animale. L’action bénéficie le jour même d’une couverture médiatique
majeure. Les débats sont nombreux, tant sur les revendications des activistes que sur la méthode employée, considérée comme agressive et inefficace par certains, nécessaire et salutaire par d’autres4. Quant au blocage
de l’élevage porcin, il inquiète les éleveurs : ces derniers demandent à
Québec de mettre sur pied une nouvelle législation pour empêcher les
intrusions sur les fermes, invoquant notamment des questions de biosécurité (Cameron, 2020). Plus généralement, le milieu de l’élevage s’inquiète de ce qui est perçu comme une radicalisation. Pierrette Desrosiers,
psychologue, conférencière et coach d’affaires spécialisée auprès d’entreprises agricoles, affirme ainsi à La Presse : « Je n’ai rien contre quelqu’un
qui pratique le véganisme de façon personnelle. Mais ce qu’on voit depuis
environ six mois, c’est la montée d’une idéologie pour faire en sorte
d’abolir l’élevage, les zoos, la pêche… ». (Gosselin, 2019)
En réalité, l’intrusion par effraction dans la porcherie Porgreg ainsi
que la protestation dans le restaurant montréalais s’inscrivent dans une
longue tradition d’action directe du mouvement animaliste. Plutôt rares
au Québec, l’occupation de fermes et le blocage d’abattoirs font partie du
répertoire d’actions de plusieurs groupes de défense des droits des animaux aux États-Unis, en Israël et dans plusieurs pays d’Europe. Quant
au véganisme, contrairement à ce qu’affirme Pierrette Desrosiers, il se
définit depuis ses débuts comme une position de principe contre l’exploitation des animaux, l’élevage au premier chef (Cross, 1949).
Il est vrai toutefois que les médias généralistes autant que les détracteurs du véganisme tendent souvent à occulter les revendications politiques du mouvement, en réduisant ce dernier à un choix personnel
(Giroux et Larue, 2017 ; Renard, 2019), ce qui conduit certains militants à
se qualifier d’antispécistes pour mettre l’accent sur le projet politique du
mouvement végane. D’autres critiquent la dimension consumériste et
selon eux trop passive du véganisme (pour un résumé des débats, voir
3. C’est le terme employé par la porte-parole du groupe DxE à Montréal, qu’on traduirait en français par perturbation.
4. Pour un résumé du débat, voir Dupuis-Déri, 2020d.
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Renard, 2019). En outre, parce qu’il s’appuie sur des actions individuelles
et qu’il cible des changements de normes culturelles (culinaires) plus que
les institutions politiques formelles, le véganisme a parfois été considéré
par les sociologues comme l’aile « mode de vie » du mouvement pour les
droits des animaux. Dans un article explorant les liens entre mouvements
lifestyle et mouvements politiques, Ross Haenfler, Brett Johnson et Ellis
Jones (2012) soulignent qu’il s’agit de mouvements relativement distincts.
Les mouvements lifestyle constitueraient toutefois un réservoir d’idées et
de membres pour les mouvements politiques.
Nous croyons que la séparation nette entre, d’un côté, des mouvements centrés sur le mode de vie et, de l’autre, des mouvements sociaux
contestataires ne reflète pas nécessairement la fluidité des mobilisations
contemporaines. Dans son ethnographie du mouvement végane français,
Ophélie Véron souligne par exemple à quel point « la vie quotidienne peut
être centrale dans la production d’espaces militants » (Véron, 2016, p. 757,
nous traduisons) et constitue une forme d’« activisme préfiguratif ». En ce
sens, selon Véron, le véganisme préfigure un monde sans exploitation
animale, où cuisiner une recette végane et se rendre à une marche pour
la fermeture des abattoirs sont autant de façons de contester le spécisme.
Nos propres travaux sur le mouvement végane au Québec soulignent la
continuité entre des actions de promotion de l’alimentation végétale et
d’autres actions explicitement politiques, et plus largement, la continuité
entre véganisme et antispécisme (Renard, 2019). Pour le dire simplement,
ce sont souvent les mêmes militants qui utilisent parfois des actions lifestyle et d’autres fois des actions labélisées comme politiques.
Dans le texte, nous utiliserons alternativement l’expression « mouvement animaliste », « mouvement pour les droits des animaux », ou encore
« mouvement végane » et « mouvement antispéciste ». Pour parler de la
cause au sens large, on emploiera plus volontiers le vocable « animaliste »
et l’expression « droits des animaux », même si cette dernière expression
met plutôt l’accent sur l’aspect législatif et juridique du mouvement. Pour
insister sur des aspects plus spécifiques du mouvement, on utilisera les
vocables « véganisme » et « antispécisme ». Le véganisme consiste à éliminer tout produit d’origine animale de sa consommation personnelle,
tandis que l’antispécisme se définit comme le refus de hiérarchiser d’un
point de vue moral les différentes espèces animales. De manière générale,
nous tendrons à utiliser les appellations par lesquelles les militants et
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militantes se qualifient le plus souvent. On a vu que pour certains, il est
stratégiquement préférable de revendiquer une identité antispéciste plutôt
que végane, afin de montrer le caractère politique et contestataire de la
cause. Pour d’autres, en revanche, le vocable « antispéciste » tend à trop
intellectualiser la cause animaliste et c’est à politiser l’identité du vocable
« végane » qu’il faut travailler. Finalement, par souci de clarté, nous avons
fait le choix de ne pas parler de « cause animale », car l’expression englobe
le milieu de la protection animale (refuges, etc.), dont nous ne parlons pas
dans le chapitre.
Le mouvement végane et le mouvement pour les droits
des animaux
Le véganisme connaît aujourd’hui une certaine popularité, avec une offre
élargie de produits alimentaires, de cosmétiques et de vêtements exempts
de produits d’origine animale. Des restaurants véganes fleurissent dans
les grandes villes5 tandis que les idées relatives à l’éthique animale foisonnent dans l’espace intellectuel. Les personnes véganes sont encore peu
nombreuses6, mais elles réussissent à faire entendre leurs revendications
éthiques, individuellement ou collectivement. C’est d’ailleurs la présence
de ces revendications, soit, minimalement, la lutte contre la cruauté envers
les animaux, qu’on distingue, sur le plan théorique, le véganisme du
végétalisme7.
Toutefois, au cours de son histoire, le mouvement pour les droits des
animaux n’a pas toujours mis de l’avant le véganisme. En réalité, les deux
mouvements ne se rejoignent véritablement que vers la fin du xxe siècle.
La convergence
Bien qu’ancré dans une attention éthique portée au sort des animaux (c’est
en effet contre l’industrie des œufs et du lait que s’est créée la Vegan Society
5. L’application Happy Cow recense ainsi une cinquantaine de restaurants véganes à
Montréal en 2022, contre douze restaurants végétariens en 2005 (d’après un article de
Radio-Canada paru en 2016 intitulé « 5 fois plus de restaurants végétariens à Montréal
qu’il y a 10 ans »).
6. Le Canada compterait 2,1 % de végétaliens, d’après une étude de Sylvain Charlebois
et al. (Université Dalhousie) parue en 2018. Aux États-Unis, l’enquête Harris de 2019
indique un total de 2 % de véganes alors qu’en 2016, on en comptait 1,6 %.
7. « Végétalisme » peut se traduire en anglais par l’expression plant-based diet et relève
de l’hygiène de vie plus que de l’éthique.
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originelle, en 1944), le véganisme a longtemps été cantonné à une pratique
marginale jusque dans les années 1990. À cette époque, le mouvement
environnementaliste jette un nouvel éclairage sur les conséquences de
l’élevage, tandis que des documentaires comme Terriens (2005) ou
Cowspiracy (2014) marquent les esprits en révélant les dessous de l’industrie animalière. C’est également grâce aux intrusions de militants et
militantes dans des élevages ou des abattoirs que sont documentées, dans
plusieurs pays, les conditions de vie et de mise à mort des animaux de
ferme. Par ces vidéos, généralement filmées en caméra cachée et diffusées
ensuite sur les médias sociaux, le grand public prend conscience des
questions éthiques que soulève l’élevage d’animaux pour la consommation
humaine. Commence alors ce que la sociologue Elizabeth Cherry nomme
« la seconde vague du militantisme pour les droits des animaux » (2016,
p. 19).
Jusqu’alors, le mouvement végane et le mouvement pour les droits
des animaux évoluaient de manière parallèle, le premier se concentrant
sur les changements alimentaires individuels et le second sur des causes
ciblées, comme la chasse ou l’expérimentation animale. Paradoxalement,
l’élevage, pourtant l’un des secteurs principaux de l’exploitation animale,
est alors peu ciblé.
Aux États-Unis, il faut attendre 1981 pour que soit fondée l’association
FARM (Farm Animal Rights Movement), qui met l’élevage au centre de
ses préoccupations à une époque où PETA (People for Ethical Treatment
of Animals) s’attaque surtout aux pratiques d’expérimentation animale
en laboratoire. En France, c’est en 1989 que paraît une brochure pointant
la nécessité de remettre en question la consommation de viande, « rempart
psychologique et symbolique du spécisme » (Bonnardel et al., 1989).
L’association française L214 éthique et animaux, qui conteste autant les
conditions de l’élevage que son principe même, est fondée dix ans plus
tard. À la fin des années 1990, Vegan Outreach et Mercy for Animals,
deux associations américaines, emboîtent le pas de L214 en contestant
l’élevage. Au début des années 2000 paraît un rapport de l’Organisation
des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO) soulignant
le rôle du bétail sur la dégradation des terres, les changements climatiques
et la qualité de l’eau (2006). Finalement, les théories antispécistes se diffusent dans l’espace public, apportant une caution politique au mouvement végane. Le véganisme devient alors, pour beaucoup, la mise en
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application concrète et quotidienne d’une position antispéciste et
écologiste.
Les actions directes et le mouvement animaliste :
une longue histoire
L’action directe est le fait de porter une revendication dans l’espace public
sans faire appel à la médiation politique ou juridique, et ce, pour reprendre
les mots de l’anarchiste Voltairine de Cleyre, « sans demander poliment
aux autorités compétentes » (1912). Autrement dit, ce n’est pas nécessairement l’illégalité qui détermine ce qu’est une action directe, mais plutôt
l’absence d’intermédiaire institutionnel.
Les premières actions directes du mouvement pour les droits des
animaux ont été l’apanage de femmes qui luttaient contre l’expérimentation animale et la tauromachie. La Française Marie Huot, féministe et
militante née en 1846, interrompt ainsi une dissection publique du physiologiste Charles-Édouard Brown-Séquard à coups d’ombrelle. Plus tard,
dans les années 1970 et 1980, des groupes britanniques tels que Band of
Mercy, devenu ensuite l’Animal Liberation Front (en français Front de
Libération des animaux8), sabotent les parties de chasse ou libèrent des
animaux de laboratoire, infligeant parfois des dommages matériels aux
établissements visés. En matière d’action directe, le Canada n’est pas en
reste : au Québec, notamment, les activistes ciblent la chasse au phoque
dès les années 1970. Entre 2004 et 2006, les militantes et militants de Stop
Huntingdon Animal Cruelty (SHAC), un réseau militant autonome international créé pour mettre fin aux expériences de Huntingdon Life Science,
manifestent bruyamment devant les maisons des cadres dirigeants du
laboratoire à Westmount sur l’île de Montréal (Walby et Monaghan, 2011).
Les actions directes aujourd’hui
Dans les dernières années, blocages d’abattoirs, sauvetages d’animaux
d’élevage et actions perturbatrices dans des commerces se sont succédé
partout dans le monde. Aux États-Unis, en plus de promouvoir le véga8. Le Front de libération des animaux est une organisation internationale décentralisée, née au Royaume-Uni dans les années 1970. Toute personne qui mène une action
contre l’abus envers les animaux, libère des animaux ou cause des dégâts contre les entreprises qui les exploitent peut revendiquer son action au nom de l’ALF.
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nisme et de pratiquer le lobbying politique, l’association FARM citée plus
haut encourage les actions directes avec son programme de mentorat.
Direct Action Everywhere (DxE), un groupe d’action fondé en 2013 aux
États-Unis, se spécialise quant à lui dans les open rescue (sauvetage à visage
découvert). Cette tactique consiste à opérer de manière pacifique, sans
cacher son identité, ce qui implique presque inévitablement de faire face
à des arrestations et à des inculpations, puisque les élevages sont des lieux
privés et qu’il est interdit d’y entrer sans autorisation. Outre le fait de
libérer des animaux, les sauvetages à visage découvert ont pour but de
rendre visibles les actions militantes jusque dans les cours de justice, afin
d’exposer publiquement le traitement des animaux et d’ouvrir un débat
politique. Risquées, ces actions ouvertes montrent que les militantes et
militants cherchent avant tout à assumer les conséquences judiciaires de
leurs gestes, tant la cause leur semble importante. L’intrusion dans la
porcherie de Saint-Hyacinthe évoquée plus haut, si elle ne constitue pas
à proprement parler un sauvetage à visage découvert, s’inscrit toutefois
dans la lignée des actions directes destinées à porter la cause des animaux
dans l’arène médiatique et juridique.
Les actions directes peuvent également prendre la forme de manifestations légales : c’est le cas de l’Animal Save Movement, un mouvement né en Ontario, au Canada. En 2015, Anita Kranjc, résidante d’une
banlieue de Toronto, remarque, au cours de ses promenades, des
camions transportant des porcs effrayés en direction d’un abattoir.
Bouleversée par cette vision, elle décide alors de fonder le groupe
Toronto Pig Save. L’idée est simple : des citoyens et citoyennes se réunissent pour être témoins du sort des poules, des vaches, des veaux et
des cochons emmenés chaque jour, par milliers, vers les abattoirs. Le
principe essaime rapidement à travers le monde ainsi que dans les autres
provinces : au Québec, plusieurs activistes ont fondé le collectif Montréal
Pig Save et tiennent régulièrement des vigiles de ce type devant l’entreprise de découpe et d’abattage Olymel, à Saint-Esprit, dans Lanaudière.
En 2020, cet engagement pacifique a malheureusement coûté la vie à
Regan Russell, une militante renversée par un camion de transport
animalier lors d’une vigile devant un abattoir porcin à Burlington, en
Ontario. La veille, la loi 156, rendant illégale toute interférence avec des
camions de transport d’animaux, avait été promulguée par l’Assemblée
législative ontarienne (2020).
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Que ce soient les tactiques d’open rescue de DxE ou les témoignages
silencieux des membres de l’Animal Save Movement, les actions directes
se sont donc multipliées dans les dernières années, y compris au Québec.
Pourquoi ? Assiste-t-on à une forme de radicalisation du mouvement
animaliste, à un changement de stratégie ou à la montée d’une nouvelle
idéologie ? Le cas du Québec est éclairant pour comprendre ces
transformations.
Le mouvement animaliste québécois
Au Québec, le mouvement végane et le mouvement pour les droits des
animaux convergent à partir de 2005. Avant cette date, la presse provinciale parle de végétalisme, parfois de végétalisme intégral, sous l’angle de
la santé et de l’environnement. De son côté, le combat en faveur des animaux s’illustre notamment à travers le médiatisé mouvement contre la
chasse aux phoques ou la lutte contre la fourrure.
Le véganisme au Québec
En 1999, un article évoque un endroit aujourd’hui bien connu des
Montréalais et l’un des premiers restaurants végétaliens au Québec : Aux
Vivres. Les personnes qui le fréquentent y sont présentées dans un article
de La Presse comme les héritières de Woodstock : « l’amour, l’entraide et
surtout, le respect de la nature sont des valeurs partagées autant par les
adeptes du végétalisme que ceux du peace and love » (Drouin, 1999, B11).
En 2002, la journaliste Émilie Dubreuil souligne quant à elle le caractère
anticapitaliste du végétalisme : « les végétaliens de la rue Saint-Dominique
sont jeunes et grunge, idéalistes et politisés. Ils refusent de mettre dans
leur assiette des produits qui, selon eux, sont des symboles du monde
mercantile contre lequel ils s’insurgent » (B1). Il faut attendre la fin des
années 2000 pour que les journalistes s’intéressent à l’éthique animale :
en 2008, un animateur vedette de Radio-Canada, Patrick Masbourian,
reçoit Valéry Giroux pour parler de droits des animaux.
Progressivement, le végétarisme et le végétalisme sont présentés
comme des choix éthiques. En 2005, l’Association végétarienne de
Montréal est ainsi fondée autour de trois arguments mis de l’avant à parts
égales : la défense de l’environnement, l’éthique animale et la santé. En
2009, George Laraque, joueur de hockey sur glace bien connu au Québec,
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embrasse publiquement le mode de vie végane et se porte à la défense des
droits des animaux. Sur le plan militant, entre 2005 et 2015, une trentaine
de groupes citoyens gérés de manière autonome, prônant autant le véganisme que l’antispécisme, apparaissent au Québec. Finalement, la création
du Festival végane de Montréal en 2014 met le véganisme et l’éthique
animale sur le devant de la scène et rassemble une bonne partie des acteurs
collectifs du mouvement québécois.
Le mouvement végane québécois s’est longtemps caractérisé par la
présence d’un discours de contestation radical contre l’exploitation animale, alors que les modes d’action étaient plutôt centrés sur la sensibilisation. La plupart des groupes citoyens québécois militant aujourd’hui
pour la libération animale revendiquent explicitement l’abolition de
l’exploitation des animaux. Ces groupes conçoivent le véganisme comme
une position morale, mais aussi comme une stratégie pour parvenir à la
libération animale. Ils utilisent différents répertoires d’actions : outre les
marches et manifestations pour la fin des abattoirs et contre le spécisme,
la sensibilisation et l’éducation au véganisme (souvent appelées outreach)
tiennent une grande place, notamment grâce à des événements tenus dans
la rue. Le groupe Anonymous for the Voiceless, très actif au Québec, se
spécialise d’ailleurs dans ce type d’action. Certaines associations, dont
l’Association végétarienne de Montréal, se concentrent sur la promotion
de l’alimentation végétale. L’activisme se situe parfois dans la sphère
juridique. Ainsi, le Festival de rodéo de Saint-Tite a été, entre 2017 et 2018,
l’objet d’une mobilisation importante, les militants et militantes reprochant aux organisateurs des manquements en matière de bien-être animal.
Finalement, le militantisme se déploie sur le plan intellectuel, avec des
conférences, des panels et des discussions sur l’éthique animale dans les
cégeps et les universités. En somme, jusqu’en 2019, les actions de confrontation sont plutôt rares : le déploiement d’actions, qui plus est médiatisées,
est un phénomène plutôt récent au Québec9.
Spécificité québécoise, le milieu universitaire est un important outil
de légitimation de la cause dans l’espace public. En 2011, Valéry Giroux
9. Notons tout de même qu’avant les actions contre Joe Beef et la porcherie Porgreg,
plusieurs actions directes ont eu lieu au Québec : outre les actions de SHAC dans les
années 2000, dont nous avons parlé plus haut, une course au cochon graissé à Sainte-
Perpétue a été interrompue par l’un des fondateurs de l’association Terriens et des activistes
se sont également introduits dans un élevage de visons en 2018.
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soutient une thèse en philosophie éthique sur l’antispécisme, tandis
qu’Élise Desaulniers, directrice générale de la SPCA de Montréal de 2017
à 2022, publie l’ouvrage Je mange avec ma tête, les conséquences de nos
choix alimentaires, suivi en 2013 par Vache à lait : dix mythes de l’industrie
laitière. Giroux et Desaulniers font toutes deux partie de ce que l’auteur
Théo Ribeton appelle « l’École de Montréal10 », composée d’universitaires
et d’intellectuels véganes et antispécistes. Pour Jean-François Guyon,
militant historique et végane depuis trente ans, ce passage par les canaux
universitaires, enclenché au début des années 2010, a d’ailleurs été un
point de bascule pour le mouvement végane québécois en apportant une
caution intellectuelle à la cause (Renard, 2019).
La question sociolinguistique et la place de la province dans la
fédération canadienne jouent également un rôle important dans la
politisation du véganisme, ainsi que dans la structuration du mouvement végane et antispéciste. Lors de notre recherche menée en 2019, la
plupart des militantes et des militants rencontrés (toutes et tous francophones) relevaient en effet l’existence de certaines divisions entre
anglophones et francophones québécois. Jusqu’en 2019, c’est en effet
entre les mouvements francophones français et québécois que les liens
semblent les plus étroits. Par exemple, les journées mondiales pour la
fin de la pêche et pour la fin du spécisme ont été lancées au Québec avec
l’aide de militants français, tandis qu’est créée en 2018 une revue antispéciste franco-québécoise, L’Amorce. Aujourd’hui, les liens semblent
plus nourris qu’auparavant entre militantes et militants ontariens et
québécois. Le renouveau de DxE au Québec en témoigne : en effet
jusqu’en 2018, le groupe, qui était bien implanté à Toronto, était en dormance dans la province québécoise. Autre changement : l’intérêt d’activistes montréalais pour le groupe de désobéissance civile anglophone
Meat the victims, fondé en 2018 en Australie.
Au regard du contexte historique, assiste-t-on aujourd’hui à un processus de radicalisation ou de transformation du mouvement animaliste ?
Comment la politisation du véganisme contribue-t-elle à ces changements ? Selon nos recherches, la récente politisation du véganisme,
observée au Québec comme ailleurs, s’explique par une convergence de
luttes politiques, culturelles, matérielles et idéologiques.
10. Voir le livre de Théo Ribeton, V comme végane, paru en 2017.
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De la conviction personnelle au mouvement social :
la politisation du véganisme au Québec
Nous donnons ici au concept de politisation une double définition.
D’abord, il s’agit de désigner l’inscription d’un enjeu dans l’arène politique,
qu’elle soit partisane ou législative. Sur ce plan, si le véganisme en tant
que tel n’est pas débattu par les parlementaires (quoiqu’en France, la
question des menus végétariens dans les cantines soulève des débats entre
élus municipaux), les enjeux autour du traitement des animaux sont, quant
à eux, bel et bien politisés. En témoignent les débats qui ont cours dans
différents pays11. Récemment, au Canada, la question animale s’est invitée
aux élections fédérales12 ainsi qu’aux élections municipales québécoises,
avec la tenue de débats dédiés au sujet. Ensuite, en nous inspirant des
travaux d’Eliasoph et de Lichtermann (2018), nous entendons le concept
de politisation comme un « processus [collectif ou individuel] de transformation d’un problème ou d’identités en sujet de délibération et de
contestation publique » (p. 469, nous traduisons). Or, en s’introduisant
chez Joe Beef pour dénoncer la consommation de viande, les militants et
militantes expriment l’idée que le véganisme ne relève pas simplement de
la conduite ou de l’identité personnelle, mais d’un problème public : nous
ne devrions pas, en tant que société, nous nourrir d’animaux.
Radicalité du discours
Cette transformation du véganisme en enjeu collectif sujet à débat doit
également beaucoup à l’élaboration d’un discours théorique influent
autour de l’antispécisme. Au Québec, les universitaires spécialistes de
l’éthique animale sont également engagés dans la cause et prônent une
vision du véganisme explicitement abolitionniste. Par exemple, Valéry
Giroux, citée plus haut comme une pionnière de l’éthique animale,
développe très tôt dans ses travaux un discours radical, à une époque
où les animalistes québécois privilégient des actions sectorielles : « à
l’époque [en 1995], les activistes de terrain étaient un peu perçus comme
des gens marginaux, très radicaux, même si moi, je ne les trouvais
11. Parmi ces débats, notons par exemple celui autour de la castration à vif des porcelets ou le broyage des poussins mâles en France.
12. Nathaniel Erskine-Smith, député fédéral ouvertement végane, représentait pour
l’occasion le Parti libéral.
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justement pas assez radicaux ». (Renard, 2019, p. 80) S’ils ne sont pas
assez radicaux, selon Giroux, c’est qu’ils ne remettent pas en question
l’exploitation animale en tant que telle, mais se focalisent sur le traitement des animaux ou sur certaines pratiques comme la chasse. La
philosophe Christiane Bailey a également joué un rôle notable, sur le
plan des idées, dans la politisation du véganisme au Québec. Travaillant
entre autres sur les liens entre animalisme et écoféminisme, elle souligne, à la suite des Critical Animal Studies, un champ d’étude qui allie
théorie et militantisme, qu’on ne peut être chercheuse sans être militante. Puisqu’ils ne dépendent pas de dons, comme certains organismes de défense des droits animaux parfois contraints d’être plus
mesurés dans leurs prises de position politiques, les chercheurs antispécistes, soutient Bailey, se doivent alors de défendre ouvertement
leurs arguments abolitionnistes.
Cette radicalité du discours, entendue ici comme manière de se saisir
d’un problème à la racine, existe également sur le terrain militant. Daniel
Roy, végane depuis les années 1980 et cofondateur du groupe antispéciste
Résistance animale, souligne l’importance de s’attaquer à la racine du
problème qu’est le spécisme13. La naissance du Festival végane de Montréal
en 2014 témoigne quant à lui d’un refus du « compromis » végétarien :
« l’idée du végé, puis des lundis végés […] n’ont pas vraiment pogné au
Québec. Puis arrive le Festival végane, beaucoup plus ambitieux. Le véganisme est présenté au Québec comme ayant un caractère politique »,
affirment ainsi Valéry Giroux et Martin Gibert14 (Renard, 2019, p. 81). En
somme, au Québec, le discours militant et intellectuel autour du véganisme a permis de présenter ce mouvement comme un projet de société
en lien avec l’antispécisme.
Véganisme et antispécisme
Alors que le véganisme, qui est autant une pratique qu’une philosophie,
peut recouvrir de multiples dimensions plus ou moins politisées, individuelles ou collectives, l’antispécisme relève plus explicitement de l’idéo13. Cela n’empêche pas des militants et militantes de se mobiliser pour des causes
ciblées, comme l’est par exemple l’interdiction des calèches à Montréal.
14. Éthicien, auteur du livre Voir son steak comme un animal mort (Lux éditeur, 2015)
et membre de l’École de Montréal.
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logie politique. Ces deux approches, si elles sont perçues par beaucoup de
militantes et de militants comme complémentaires, voire inséparables,
peuvent entrer en tension l’une avec l’autre.
Pour certains, le véganisme constitue la traduction pratique d’un idéal
politique antispéciste. Daniel Roy, militant antispéciste de la première
heure, précise : « Il faut faire une différence entre le végétalisme et le véganisme […] pour moi le véganisme, c’est politique, c’est important à dire ».
(Renard, 2019, p.87) Même son de cloche pour Valéry Giroux, qui explique
son rapport au véganisme comme « la preuve la plus concrète » de son
opposition au statu quo politique : « Moi, j’avais l’impression que ça allait
vraiment de pair, qu’on ne pouvait juste pas être politisé par rapport à
l’antispécisme sans être engagé dans le véganisme ». (Renard, 2019,
p. 87-88) D’autres militantes et militants s’inquiètent toutefois des risques
de dépolitisation que court le véganisme s’il ne s’accompagne pas d’une
réflexion globale sur le spécisme, et qu’il se mue uniquement en consumérisme passif ou individuel. Valéry Giroux et Renan Larue (2017)
relèvent ainsi que le mouvement végane ne doit pas oublier qu’à son
fondement, se trouve une exigence de justice fondamentale envers les êtres
sensibles. Élise Desaulniers note également : « Notre mouvement végane
est peut-être en train de devenir une espèce de mouvement végétalien
[…]. Ce n’est pas tout de manger du tofu et puis d’avoir du Beyond Meat
chez A&W. Il faut quand même comprendre que derrière tout ça, il y a
une question politique […] ». (Renard, 2019, p. 88-89)
Rencontrée en mars 2019 pour une entrevue, une militante, à l’époque
végane depuis un an et demi, explique : « […] aujourd’hui, je ne me qualifierais plus de végane, mais d’antispéciste […] pour politiser le mouvement, pour qu’on arrête de centrer le problème sur notre consumérisme,
puis qu’on se concentre sur les victimes, sur le mouvement politique ».
(Renard, 2019, p. 87)
Une autre militante juge quant à elle positive la mise en avant médiatique de l’antispécisme en lieu et place du véganisme lors des mobilisations
contre le spectacle de chevaux Cavalia, en 2018 : « Ça, c’est une nouveauté,
des activistes qui ne disaient pas : je suis végane, mais qui disaient : je suis
antispéciste ! ». (Renard, 2019, p. 87) Pour plusieurs militants et militantes,
se présenter comme antispéciste plutôt que végane permet de montrer
qu’au-delà de l’acte individuel, le véganisme porte un projet politique et
social. D’autres, toutefois, se méfient de la connotation trop théorique du
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vocable « antispécisme » et revendiquent fièrement une identité militante
végane.
Pourquoi une résurgence de l’action directe ?
Les militantes et militants constatent que les progrès en matière de droits
des animaux sont mitigés. Marginalement en baisse dans certains pays
industrialisés, la consommation de viande augmente dans les pays émergents (Gérard, 2019). Si la cruauté animale est réprouvée par l’ensemble
de la population, les changements de comportement alimentaire sont
timides et c’est toujours plus de 70 milliards d’animaux terrestres qui sont
abattus chaque année dans le monde (Gerber et al., 2013). Ces constats
conduisent plusieurs activistes à laisser de côté les tactiques de sensibilisation. Être végane et militer, pour elles et eux, ne peut plus consister
uniquement à populariser un mode de vie. C’est aussi refuser de banaliser
la consommation de viande et ce qu’elle implique. Dans le guide à destination des membres du chapitre de San Francisco aux États-Unis, Direct
Action Everywhere (DxE) se présente ainsi :
DxE a été fondé en 2013 par un petit groupe de militants frustrés par l’état
actuel du mouvement de défense des animaux. Le mouvement était fortement
axé sur les choix des consommateurs et de timides réformes du bien-être
animal. L’époque de l’action directe non violente et des revendications audacieuses semblait révolue – du moins aux États-Unis15. (2022, p. 2, nous
traduisons).
En pénétrant dans le restaurant Joe Beef, les militantes et les militants
souhaitaient donc montrer publiquement qu’être végane n’est pas qu’un
choix personnel. Sur le plan tactique, l’action traduit également un changement de stratégie : les consommateurs et consommatrices de produits
animaux étaient jusqu’alors rarement pris à partie par les militants et les
militantes, qui préféraient cibler les industries. Avec cette action chez
Joe Beef, puis celle dans une épicerie biologique Rachelle Béry au cours
des mois suivants, et en 2021, Au Pied de Cochon, les activistes souhaitent
mettre en lumière le comportement paradoxal de leurs contemporains,
15. « DxE was founded in 2013 by a small group of activists frustrated with the current
state of the animal rights movement. The movement was heavily focused on consumer
choices and small welfare reforms. It seemed like the days of nonviolent direct action and
bold demands – at least in the USA – were over. » (DxE 2022, p. 2)
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en particulier les plus progressistes et écologistes d’entre eux, qui refusent
la souffrance animale, mais qui continuent de se nourrir de produits
animaux.
***
Le mouvement animaliste au Québec est le théâtre d’actions a priori
différentes, mais liées les unes aux autres : production de contenu théorique sur le véganisme et l’antispécisme ; vigiles pacifiques devant les
abattoirs et les camions de transport animaliers ; organisation d’un
festival végane ; actions de sensibilisation au mode de vie végane ; manifestations silencieuses pour dénoncer la pêche, marches pour la fermeture des abattoirs et, enfin, actions directes dans les restaurants, les
élevages et devant les abattoirs. Prises une par une, ces actions ne sont
pas toutes radicalement nouvelles : rappelons que le végétarisme éthique
existe depuis l’Antiquité et que les femmes ont été les premières à troubler les séances de vivisection dès la fin du xixe siècle. Ce qui l’est, en
revanche, c’est leur convergence autour de revendications claires : la fin
de l’exploitation animale, en particulier de l’élevage, et la remise en
question de l’anthropocentrisme.
En s’opposant à la consommation de produits animaux, en proposant
de nouvelles recettes végétales, en pénétrant dans les élevages et en distribuant de l’information sur le véganisme, les militants et les militantes
tentent de produire une nouvelle norme culturelle et politique qui conteste
radicalement l’idée que les humains sont supérieurs aux individus sensibles qui les entourent. Toutefois, si ces actions convergent autour d’une
remise en cause de l’idéologie carniste, un système de croyances qui
normalise la consommation de viande (Joy, 2011), les stratégies diffèrent.
Certaines personnes critiquent l’action directe, car cette méthode priverait
le mouvement de l’appui de l’opinion publique nécessaire pour faire progresser les droits des animaux16. D’autres en saluent l’usage, jugeant peu
efficaces les tactiques classiques de sensibilisation au véganisme pour
changer une société spéciste. D’autres encore estiment que c’est sur les
institutions et non pas sur les consommateurs ou consommatrices qu’il
faut faire pression (Beaulieu, 2020). Ainsi, comme dans tout mouvement
16. Pour une critique de ce point de vue, voir Dupuis-Déri, 2020.
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social, les débats sont nombreux tant sur l’efficacité des stratégies que sur
leur complémentarité.
Cette diversité est un élément clé des mouvements végane, antispéciste
et, plus généralement, du mouvement animaliste contemporain. Nous
proposons donc de les définir comme des « communautés de mouvement
social ». Ce concept, forgé dans les années 1990 au sujet des mouvements
féministes, montre la fluidité qui caractérise certains mouvements sociaux
actuels. Le féminisme, par exemple, se compose d’organisations aussi
variées que des cliniques de santé pour femmes, des festivals féministes,
des centres d’hébergement, des librairies, des groupes de recherche universitaire. Une communauté de mouvement social, ce sont des « réseau[x]
d’individus et de groupes reliés entre eux de façon souple par une base
institutionnelle, des objectifs et des actions multiples, et une identité
collective qui affirme les intérêts communs des membres en opposition
aux groupes dominants » (Taylor et Whittier, 1992, p. 107). Appliqué au
véganisme, à l’antispécisme et, plus généralement, au mouvement animaliste, le concept de communauté de mouvement social permet de montrer
tant les points de continuité que les points de rupture entre des organisations aussi différentes qu’un groupe de recherche, une association végétarienne, un festival, un collectif qui effectue des pochoirs antispécistes
dans les rues de Montréal17 ou encore un regroupement militant prônant
l’action directe. Ce concept permet également de comprendre qu’une cause
peut porter ses revendications auprès de cibles a priori éloignées les unes
des autres, qu’elles soient politiques, culturelles, ou idéologiques.
Remise en question de notre modèle agroalimentaire, critique intellectuelle du spécisme, combats juridiques pour faire valoir les droits des
animaux, coups d’éclat destinés à médiatiser la question animale : plus
encore qu’à la radicalisation des revendications, c’est donc plutôt à la
multiplication des espaces de lutte du mouvement animaliste qu’on assiste
aujourd’hui, au Québec comme ailleurs.
17. Voir la page Instagram artivisme.antispeciste.mtl
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