Academia.eduAcademia.edu

Politiser la politique

2006, Nouvelles FondationS

Distribution électronique Cairn.info pour Fondation Gabriel Péri. © Fondation Gabriel Péri. Tous droits réservés pour tous pays. La reproduction ou représentation de cet article, notamment par photocopie, n'est autorisée que dans les limites des conditions générales d'utilisation du site ou, le cas échéant, des conditions générales de la licence souscrite par votre établissement. Toute autre reproduction ou représentation, en tout ou partie, sous quelque forme et de quelque manière que ce soit, est interdite sauf accord préalable et écrit de l'éditeur, en dehors des cas prévus par la législation en vigueur en France. Il est précisé que son stockage dans une base de données est également interdit.

POLITISER LA POLITIQUE Bernard Frederick Fondation Gabriel Péri | « Nouvelles FondationS » 2006/1 n° 1 | pages 3 à 6 ISSN 1951-9745 ISBN encours DOI 10.3917/nf.001.0003 © Fondation Gabriel Péri | Téléchargé le 10/09/2022 sur www.cairn.info (IP: 54.82.194.226) Powered by TCPDF (www.tcpdf.org) Distribution électronique Cairn.info pour Fondation Gabriel Péri. © Fondation Gabriel Péri. Tous droits réservés pour tous pays. La reproduction ou représentation de cet article, notamment par photocopie, n'est autorisée que dans les limites des conditions générales d'utilisation du site ou, le cas échéant, des conditions générales de la licence souscrite par votre établissement. Toute autre reproduction ou représentation, en tout ou partie, sous quelque forme et de quelque manière que ce soit, est interdite sauf accord préalable et écrit de l'éditeur, en dehors des cas prévus par la législation en vigueur en France. Il est précisé que son stockage dans une base de données est également interdit. © Fondation Gabriel Péri | Téléchargé le 10/09/2022 sur www.cairn.info (IP: 54.82.194.226) Article disponible en ligne à l'adresse : -------------------------------------------------------------------------------------------------------------------https://www.cairn.info/revue-nouvelles-fondations-2006-1-page-3.htm -------------------------------------------------------------------------------------------------------------------- POINT DE VUE Pour une nouvelle synthèse entre la pensée et l’action POLITISER LA POLITIQUE p © Fondation Gabriel Péri | Téléchargé le 10/09/2022 sur www.cairn.info (IP: 54.82.194.226) tions, quelque fois des analyses. La vocation d’une Fondation est tout autre. Il s’y approfondissent et s’y confrontent des connaissances. » Approfondir et confronter les connaissances : telle sera donc notre boussole. La publication de FondationS est un événement éditorial qui mérite d’être souligné. C’est la première revue théorique qui paraît dans l’entourage du PCF depuis des décennies. Nous allons y revenir. Pourquoi maintenant ? À quels défis se confronte notre entreprise ? C’est à ces questions que je voudrais tenter de répondre dans ce « Point de vue » dont on aura compris qu’il est personnel, comme tous les travaux exposés dans nos pages. LA RECHERCHE D’UNE ALTERNATIVE AU CAPITALISME se pose, aujourd’hui, dans les conditions d’une crise majeure de l’ensemble des composantes du « socialisme historique français » et d’un élargissement sans précédent du champ du capitalisme. L’une et l’autre conduisent à une dépolitisation du politique, qui finit par brouiller les enjeux et embrouiller les citoyens. En témoignent, par exemple, les thèses d’Anthony Giddens, maître à penser de Tony Blair et théoricien du social-libéralisme. « Le changement des conditions historiques, écrit-il, a conduit à l’émergence d’un ensemble de problèmes et de possibilités qui ne rentrent pas dans le schéma gauche-droite. On peut citer l’environnement, mais aussi les problèmes liés à la transformation de la famille, du travail et de l’identité personnelle et culturelle ; (…) À la politique d’émancipation de la gauche classique, en conclut-il, nous devons ajouter ce que j’ai appelé par ailleurs la “politique de la vie” (…) Comment devons-nous réagir à l’hypothèse d’un réchauffement global de la terre ? Devons-nous accepter l’énergie nucléaire ou non ? Jusqu’où le travail doit-il rester une valeur centrale de la vie humaine ? Devons-nous favoriser la décentralisation du pouvoir ? Quel devrait être le futur de l’Union européenne ? Aucune de ces questions ne se pose dans des termes clairs de gauche et de droite1. » lutôt qu’un éditorial qui fixerait une « ligne », nous ouvrons cette revue sur un « Point de vue ». Ce parti pris sera renouvelé à chaque livraison. C’est un symbole et c’est un manifeste. Un symbole, parce que FondationS se veut une revue de recherche interdisciplinaire. Forcément ouverte. Forcément attachée à l’expression et à la confrontation des idées, des analyses, des expériences aussi. Donc, forcément contradictoire. Un manifeste, parce que ainsi s’exprime la volonté de l’éditeur, la Fondation Gabriel Péri. Celle-ci, reconnue d’utilité publique par le décret du ministère de l’Intérieur du 22 juillet 2004, se fixe pour objectif de favoriser « par ses propres initiatives et en collaboration avec d’autres institutions publiques, l’élargissement du champ de la recherche, dans toutes les disciplines, afin de mieux faire fructifier le patrimoine social et démocratique français par la confrontation d’idées, le partage d’expériences et de savoirs, en France, en Europe et dans le monde ». La Fondation a l’ambition « d’enrichir et de stimuler la diversité des actions engagées par toutes celles et tous ceux – citoyennes et citoyens, associations, institutions – qui cherchent à ouvrir la voie à une mondialisation de progrès social, démocratique, humain ». Tel est notre « cahier des charges », à quoi s’ajoute la valorisation des archives du Parti communiste français, confiées aux Archives départementales de la SeineSaint-Denis, et, plus largement, l’investigation critique de l’histoire de ce qu’on a appelé « le mouvement ouvrier ». Crée à l’initiative du PCF, la Fondation Gabriel Péri s’inscrit dans la tradition marxiste française. Elle est cependant rigoureusement indépendante et ne saurait, par principe, nourrir de sentiments partisans. Son président, Robert Hue, s’en expliquait ainsi en octobre 2004 devant un parterre d’étudiants : « Dans la lutte politique, les partis confrontent des opinions, des posi* Rédacteur en chef. 3 © Fondation Gabriel Péri | Téléchargé le 10/09/2022 sur www.cairn.info (IP: 54.82.194.226) BERNARD FREDERICK* 4 © Fondation Gabriel Péri | Téléchargé le 10/09/2022 sur www.cairn.info (IP: 54.82.194.226) © Fondation Gabriel Péri | Téléchargé le 10/09/2022 sur www.cairn.info (IP: 54.82.194.226) qui ont investi le discours même le mieux intentionné à gauche.Ainsi, l’universitaire américain Moishe Postone, polémiquant avec Derrida, est-il conduit à faire ce rappel : « Marx affirme, me semble-t-il, que l’individu moderne est constitué socialement et historiquement par une forme de rapports sociaux, rapports sociaux que l’individu constitue en retour. Sur cette base, Marx critique Stirner parce que celui-ci pose l’individu en tant que donné, en tant que point de départ ontologiquement irréductible, et non pas en tant que résultat historique4. » Or, si la crise politique est bien le résultat d’une contradiction croissante entre gouvernés et gouvernants – on parle d’épuisement du modèle démocratique tel qu’il s’est constitué durant deux siècles –, il devient d’une extrême urgence, si l’on veut parvenir à sa résolution progressiste, de mettre fin à la confusion entretenue à gauche et à droite, la première opposant le « citoyen », l’« individu » aux forces obscures du Marché ; la seconde, face à l’État « omniprésent ». Les courants socio-libéraux et libertaires mélangeant, eux, les deux. S’adressant à des enseignants communistes, l’été 2002, le chercheur Jean-Yves Rochex le soulignait : « Il y a urgence – et c’est évidemment très difficile – à réinstaurer de la dynamique collective, qui ne soit pas seulement de solidarité caritative ou compassionnelle, mais d’émancipation collective, à l’encontre de ces phénomènes qui fragmentent de plus en plus les classes populaires, le groupe ouvrier, et les opposent de plus en plus à eux-mêmes. » Et, s’inquiétant des « processus d’éthnisation de la question sociale », JeanYves Rochex mettait en garde contre la sous-estimation de la « logique binaire » du « eux et nous » et montrait que « le dernier effet du déni de la conflictualité sociale est évidemment sa retraduction en termes, en propositions et en idéologies sécuritaires…5 ». L’actualité, particulièrement la crise de l’automne dans les banlieues, lui donne, selon moi, pleinement raison. La question est donc de savoir si l’on peut dépasser l’opposition individu/État, individu/Marché. La question est de savoir si l’on peut re-politiser la politique. De ce point de vue, il est urgent de revenir au matérialisme et à la dialectique. À « l’analyse concrète d’une situation concrète » ou, mieux encore, par extrapolation, à l’analyse complexe d’une situation complexe. Car dans le débat tel qui se développe à gauche, au PCF, mais aussi au PS, chez les Verts ou à l’extrême gauche, sur les questions stratégiques, l’idéologie est pesante, omniprésente même et donc omnipotente. Voilà qui fait réagir ainsi un des meilleurs critiques du blairisme, Philippe Marlière : « Dans ces perspectives, on assiste à une “privatisation” de la sphère politique, puisque les débats et les conflits politiques majeurs se déroulent autour de questions liées aux choix de mode de vie et d’identité. (…) il s’agit ici d’une mise en retrait du politique entendu comme un champ de luttes entre agents et structures partisanes, proposant des projets socio-économiques clairement distincts2. » Or, si Giddens et d’autres adeptes d’une « domestication écologique et sociale de l’économie de marché » (Dominique Strauss-Khan) aboutissent à ce « retrait du politique » (entre autres car une partie des analyses de Giddens serait susceptible d’enrichir la réflexion de la gauche même la plus radicale), ils n’en ont pas le monopole. Ainsi en est-il également de la vision que développait José Bové dans un entretien avec L’Humanité : « Le politique a vocation d’organiser les territoires, alors que fondamentalement, les organisations syndicales et les mouvements de citoyens se battent sur la reconnaissance des droits à partir de la réalité vécue socialement ou économiquement par les personnes, et pour leur extension, quelles que soient les frontières entre pays. » La « légitimé politique, précisait-il, c’est d’abord la gestion territoriale, puis aussi la gestion des droits acquis dans le mouvement social3 ». Cette conception du politique ou de la politique fait écho à l’idéologie libérale qui veut opposer au « tout État » la « société civile » ou la « liberté » de « l’individu » à son essence sociale. C’EST LA QUESTION DE « L’AUTONOMIE ». Elle est devenue récurrente tant à gauche qu’à droite et elle sous-tend aussi bien la réflexion sur une nouvelle démocratie, « participative », que les tentatives de « décollectivatisation » des institutions politiques et des cadres sociaux, acquis et investis, au prix de décennies de lutte, par les forces sociales organisées, syndicales ou politiques.Autour de « l’autonomie », on assiste à un double mouvement de construction et de déconstruction du procès de socialisation propre au capitalisme, c’est-à-dire, entre autres, au fameux passage de la « classe en soi » à la « classe pour soi ». La question de l’autonomie a pour base objective le progrès culturel ; les mutations du travail et les évolutions consécutives du salar iat, donc de la classe ouvrière. Elle est à la fois produit et genèse du processus de destruction – reconstruction du corps social, lequel comporte simultanément une dimension sociologique et idéologique. La gauche a, dans l’ensemble, très mal saisi les évolutions sociologiques, que mettent en lumière les travaux de plusieurs sociologues dont on trouvera ici l’écho. D’autre part, la cr ise du marxisme a entraîné certaines régressions théoriques elle-même. Pour être dans le vrai, il convient d’ajouter que le marxisme d’aujourd’hui connaît une nouvelle actualité à travers une investigation critique et innovante dont témoignent bien des travaux, en France et à l’étranger. Mais la gauche organisée, pour beaucoup, les ignore, comme elle fait peu de cas des recherches en sciences sociales et humaines, en général. C’est le paradoxe de notre époque. Sur laquelle pèse encore l’histoire. POUR CE QUI CONCERNE LE SEUL PCF, par exemple, il faut se souvenir des années 70-90 et de la régression culturelle et théorique qui en a été la marque et dont témoignent concrètement certains faits : la crise et la « normalisation » de la fédération de Paris (1978-79) puis celle du Doubs, de la Seine-Saint-Denis, de l’Hérault ; la liquidation de La Nouvelle Critique et des Lettres françaises ; celle de L’Université nouvelle ; le tournant « pragmatique » imposé à la section économique et à la revue Économie politique ; l’abandon de France Nouvelle ; la disparition de la commission de l’enseignement puis de la revue L’École et la Nation ; la disqualification du secteur de la Culture et des Intellectuels ; la distance prise avec la recherche, qu’elle se réalise dans la mouvance du Parti ou à l’extérieur. Si l’on veut affronter l’histoire – notre histoire – il faut affronter cela. Cette question : pourquoi a-t-on craint et écarté les intellectuels ? Pourquoi a-t-on craint et écarté la théorie ? Parce qu’ils conduisaient à une critique de l’histoire et donc de la politique ? On n’échappe pas à l’histoire. On peut en revanche la surmonter. Une idée n’est rien par elle-même si elle n’est pas l’émanation d’une réalité matérielle, même s’agissant d’une utopie. Le communisme, pour Marx, était « un mouvement ». Longtemps, cependant, la matérialité de l’idée communiste venait de ce qu’existait un monde communiste, imparfait et tragique, mais alternative concrète à la domination du capitalisme. Et cette alternative-là ne s’imposait pas seulement aux forces révolutionnaires qui se réclamaient du « modèle ». Elle structurait la politique nationale et internationale des États ; influait directement les rapports de force politiques autant par le jeu de la géopolitique qu’à travers la confrontation idéologique. Et, surtout, elle s’imposait à l’économie capitaliste elle-même dont l’espace et le marché étaient disputés par des systèmes alternatifs : le socialisme et, un moment, les États du tiersmonde dont les choix de politique économique, pour être bref, ressortaient de ce qu’on appellerait aujourd’hui la « mixité ». La crise du communisme n’a pas commencé et ne s’est pas achevée avec l’effondrement de l’Est. C’est un Il est, aujourd’hui, indispensable de renouer le fil entre pratique et théorie. © Fondation Gabriel Péri | Téléchargé le 10/09/2022 sur www.cairn.info (IP: 54.82.194.226) Or Marx ne forge pas le socialisme « scientifique » à partir d’une posture mais d’une critique. Critique de l’économie politique bourgeoise, c’est-à-dire de la représentation du capitalisme et du capitalisme luimême. Critique du socialisme français ou utopiste. Critique de l’idéologie allemande, c’est-à-dire de la primauté donnée à la conscience sur l’être réel. Ce qui compte, aujourd’hui, c’est de saisir la complexité des rapports sociaux et de discerner la représentation que s’en font les forces en présence. C’est de discerner dans le détail et dans leurs contradictions les mécanismes de l’accumulation capitaliste et d’en cerner les conséquences politiques et sociales. C’est d’analyser avec toute la rigueur nécessaire le fonctionnement de l’État au regard du rôle qu’il s’assigne ou qui lui est dévolu à « l’insu de son plein gré ». C’est la question du Droit et des droits. C’est de comprendre quel statut ont les idéologies et comment, par quelles médiations, dans quels espaces, sous quelles contraintes et dans quelles contradictions, elles se meuvent et elles fonctionnent. S’IL FAUT DÉBATTRE, IL FAUT TRAVAILLER. Il faut travailler, c’est la condition du débat vrai. Du débat au fond. Sans quoi, on assistera – on assiste déjà – à un débat de positions. C’est-à-dire à une confrontation de doctrines en lieu et place d’une confrontation de savoirs. Il est, aujourd’hui, indispensable de renouer le fil entre pratique et théorie. Or, la théorie de la transformation sociale progressiste est en capilotade. Pas seulement parce qu’elle s’alignait sur un modèle systémique qui s’est effondré au terme d’une longue crise, mais parce qu’elle est, elle-même, et depuis longtemps, en crise. Et parce que pour fuir cette crise – qu’on a longtemps niée – on s’est pour ainsi dire débarrassé de la théorie 5 © Fondation Gabriel Péri | Téléchargé le 10/09/2022 sur www.cairn.info (IP: 54.82.194.226) On examine les raisons de la défaite de l’intérieur. Seulement de l’intérieur. Il s’agit d’erreurs stratégiques ; de mauvaises postures ; de communications déficientes ; d’écarts pris avec la réalité et le peuple ; de fautes de direction et de mauvaises gestions. On demeure dans la posture. Dans l’analyse subjective, souvent partielle, toujours partiale. Ce rappel schématique donne la mesure de l’étendue de l’espace qu’il nous faut (ré)investir. « La révolution du XIXe siècle doit laisser les morts enterrer leurs morts pour réaliser son propre objet, écrivait Marx. Autre fois, la phraséologie dépassait le contenu, maintenant, c’est le contenu qui dépasse la phraséologie 6. » Ce à quoi fait écho, aujourd’hui, Habermas en parlant d’un passé qui a perdu « sa valeur d’exemplarité7 ». Là est le défi qu’il nous faut relever. FONDATIONS S’ENGAGE, À SA MESURE, dans cette reconquête. La seule qui puisse chercher une nouvelle synthèse entre la pensée et l’action. La pensée et l’action, c’est le couple inépuisable de la révolution. La crise du marxisme et la montée en puissance de l’idéologie libérale qui en a résulté l’ont poussé au divorce. Depuis, l’action d’un côté, la pensée de l’autre, sont contraintes au célibat ou à des mariages blancs. Séparées l’une de l’autre, elles sont stériles. Il nous faut nous entremettre pour leurs retrouvailles, sans quoi nous regarderons sous nos fenêtres passer du « communisme », nous nous compterons dans les manifestations et les forums. Et les libéraux, plus ou moins « sociaux », gouverneront la planète ! Marier la pensée et l’action, voilà la politique ! Voilà, me semble-t-il, la tâche de la Fondation Gabriel Péri : chercher dans ce mariage-là la « grande méthode » qui repolitisera la politique. « La grande méthode, écrivait Bertolt Brecht, est un enseignement pratique concernant les alliances et la rupture des alliances, l’art d’exploiter les changements et la dépendance où l’on est par rapport aux changements, la réalisation du changement et le changement des réalisateurs, la dissociation et la formation des groupes, la dépendance des contraires entre eux, la comptabilité des contraires qui s’excluent. La grande méthode permet de discerner dans les choses des processus et de les utiliser. Elle enseigne à poser des questions qui rendent l’action possible. » Poser les questions qui rendent l’action possible.Toutes les questions. Non pas même celles qui gênent, mais d’abord celle qui gênent. Ainsi FondationS sera-t-elle le pluriel de ce qui fut et de ce qui advient. • Poser les questions qui rendent l’action possible. © Fondation Gabriel Péri | Téléchargé le 10/09/2022 sur www.cairn.info (IP: 54.82.194.226) russe de la planification. On retrouvera la même influence, avec en plus une aile sociale tout à fait décisive, dans la politique d’industrialisation menée à la Libération en France et en Italie. CE QU’ON APPELLE L’ÉTAT PROVIDENCE – du moins ce qu’appellent ainsi ceux qui disposent de la providence sans l’aide de l’État – fut autant le résultat d’un rapport de force international que de rapports de force nationaux. De même que l’accumulation du capital a dû pallier au rétrécissement de son espace mondial, amputé de l’URSS, de ses alliés, de la Chine et de tout un pan des anciennes colonies françaises et britanniques. Et qu’il y pallia à travers un interventionnisme accru de l’État. La recherche, notamment de marxistes français, sur ce qu’on appela le Capitalisme monopoliste d’État (CME), permit dans les années 60 d’approfondir l’analyse du capitalisme contemporain non seulement à travers ses mécanismes d’accumulation mais dans l’étude des effets sociaux de ceux-ci. C’est sur cette base que, sous l’égide de Waldeck Rochet, s’élabora une stratégie de rassemblement et d’union, laquelle conduisit à de nouvelles et larges investigations culturelles et scientifiques dont les revues et sections de travail du PCF furent des axes majeurs jusqu’au début des années 70. 1.Anthony Giddens et Tony Blair, La Troisième Voie, Le Seuil, 2002. 2. Philippe Marlière, La Troisième Voie dans l’impasse, Éditions Syllepse, 2003. 3. L’Humanité, 29 août 2003. 4. Marx est-il devenu muet ?, Éditions de L’Aube, 2003. 5. Lettre n° 14 du Réseau du collectif enseignement du PCF, novembre 2002. 6. Karl Marx, Le Dix-Huit brumaire de Louis Bonaparte, Éditions sociales, 1984. 7. Jürgen Habermas, Écrits politiques, La crise de l’État-providence, Champs Flammarion, 1990. 6 © Fondation Gabriel Péri | Téléchargé le 10/09/2022 sur www.cairn.info (IP: 54.82.194.226) aspect d’une cr ise plus profonde, de la cr ise du marxisme, commencé du vivant de Marx lui-même comme Louis Althusser le démontra avec pertinence dans ces textes de 1976-78. Mais la disparition de l’URSS a des conséquences autrement plus étendues. Elle ne frappe pas seulement les communistes et les partis communistes. Elle produit des ondes de choc qui déstabilisent tour à tour la social-démocratie (voir Giddens, Habermas…) et les droites « classiques », les unes et les autres s’étant constituées d’abord par référence à la Révolution d’octobre et à son influence, dans l’entre-deux-guerres puis au lendemain de la défaite de l’Allemagne nazie, dans la guerre froide. Il ne s’agissait pas seulement de postures politiques ou idéologiques. Au lendemain de la crise de 1929, le New Deal de Roosevelt montrait que le capitalisme américain n’était pas insensible à une certaine rationalité économique inspirée par l’exemple étatique