POLITISER LA POLITIQUE
Bernard Frederick
Fondation Gabriel Péri | « Nouvelles FondationS »
2006/1 n° 1 | pages 3 à 6
ISSN 1951-9745
ISBN encours
DOI 10.3917/nf.001.0003
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POINT DE VUE
Pour une nouvelle synthèse entre la pensée et l’action
POLITISER
LA POLITIQUE
p
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tions, quelque fois des analyses. La vocation d’une
Fondation est tout autre. Il s’y approfondissent et s’y
confrontent des connaissances. »
Approfondir et confronter les connaissances : telle sera
donc notre boussole.
La publication de FondationS est un événement éditorial qui mérite d’être souligné. C’est la première
revue théorique qui paraît dans l’entourage du PCF
depuis des décennies. Nous allons y revenir.
Pourquoi maintenant ? À quels défis se confronte
notre entreprise ? C’est à ces questions que je voudrais
tenter de répondre dans ce « Point de vue » dont on
aura compris qu’il est personnel, comme tous les travaux exposés dans nos pages.
LA RECHERCHE D’UNE ALTERNATIVE AU CAPITALISME se pose, aujourd’hui, dans les conditions d’une crise majeure de
l’ensemble des composantes du « socialisme historique français » et d’un élargissement sans précédent
du champ du capitalisme. L’une et l’autre conduisent à
une dépolitisation du politique, qui finit par brouiller
les enjeux et embrouiller les citoyens.
En témoignent, par exemple, les thèses d’Anthony
Giddens, maître à penser de Tony Blair et théoricien
du social-libéralisme. « Le changement des conditions
historiques, écrit-il, a conduit à l’émergence d’un
ensemble de problèmes et de possibilités qui ne rentrent pas dans le schéma gauche-droite. On peut citer
l’environnement, mais aussi les problèmes liés à la
transformation de la famille, du travail et de l’identité
personnelle et culturelle ; (…) À la politique d’émancipation de la gauche classique, en conclut-il, nous
devons ajouter ce que j’ai appelé par ailleurs la “politique de la vie” (…) Comment devons-nous réagir à
l’hypothèse d’un réchauffement global de la terre ?
Devons-nous accepter l’énergie nucléaire ou non ?
Jusqu’où le travail doit-il rester une valeur centrale de
la vie humaine ? Devons-nous favoriser la décentralisation du pouvoir ? Quel devrait être le futur de
l’Union européenne ? Aucune de ces questions ne se
pose dans des termes clairs de gauche et de droite1. »
lutôt qu’un éditorial qui fixerait une
« ligne », nous ouvrons cette revue sur un « Point
de vue ». Ce parti pris sera renouvelé à chaque
livraison. C’est un symbole et c’est un manifeste.
Un symbole, parce que FondationS se veut une revue
de recherche interdisciplinaire. Forcément ouverte.
Forcément attachée à l’expression et à la confrontation des idées, des analyses, des expériences aussi.
Donc, forcément contradictoire.
Un manifeste, parce que ainsi s’exprime la volonté de
l’éditeur, la Fondation Gabriel Péri. Celle-ci, reconnue d’utilité publique par le décret du ministère de
l’Intérieur du 22 juillet 2004, se fixe pour objectif de
favoriser « par ses propres initiatives et en collaboration avec d’autres institutions publiques, l’élargissement du champ de la recherche, dans toutes les
disciplines, afin de mieux faire fructifier le patrimoine
social et démocratique français par la confrontation
d’idées, le partage d’expériences et de savoirs, en
France, en Europe et dans le monde ». La Fondation a
l’ambition « d’enrichir et de stimuler la diversité des
actions engagées par toutes celles et tous ceux –
citoyennes et citoyens, associations, institutions – qui
cherchent à ouvrir la voie à une mondialisation de
progrès social, démocratique, humain ».
Tel est notre « cahier des charges », à quoi s’ajoute la
valorisation des archives du Parti communiste français,
confiées aux Archives départementales de la SeineSaint-Denis, et, plus largement, l’investigation critique
de l’histoire de ce qu’on a appelé « le mouvement
ouvrier ».
Crée à l’initiative du PCF, la Fondation Gabriel Péri
s’inscrit dans la tradition marxiste française. Elle est
cependant rigoureusement indépendante et ne saurait,
par principe, nourrir de sentiments partisans. Son président, Robert Hue, s’en expliquait ainsi en octobre
2004 devant un parterre d’étudiants : « Dans la lutte
politique, les partis confrontent des opinions, des posi* Rédacteur en chef.
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BERNARD FREDERICK*
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qui ont investi le discours même le mieux intentionné
à gauche.Ainsi, l’universitaire américain Moishe Postone, polémiquant avec Derrida, est-il conduit à faire
ce rappel : « Marx affirme, me semble-t-il, que l’individu moderne est constitué socialement et historiquement par une forme de rapports sociaux, rapports
sociaux que l’individu constitue en retour. Sur cette
base, Marx critique Stirner parce que celui-ci pose
l’individu en tant que donné, en tant que point de
départ ontologiquement irréductible, et non pas en
tant que résultat historique4. »
Or, si la crise politique est bien le résultat d’une
contradiction croissante entre gouvernés et gouvernants – on parle d’épuisement du modèle démocratique tel qu’il s’est constitué durant deux siècles –, il
devient d’une extrême urgence, si l’on veut parvenir à
sa résolution progressiste, de mettre fin à la confusion
entretenue à gauche et à droite, la première opposant
le « citoyen », l’« individu » aux forces obscures du
Marché ; la seconde, face à l’État « omniprésent ». Les
courants socio-libéraux et libertaires mélangeant, eux,
les deux.
S’adressant à des enseignants communistes, l’été 2002,
le chercheur Jean-Yves Rochex le soulignait : « Il y a
urgence – et c’est évidemment très difficile – à réinstaurer de la dynamique collective, qui ne soit pas seulement de solidarité caritative ou compassionnelle,
mais d’émancipation collective, à l’encontre de ces
phénomènes qui fragmentent de plus en plus les
classes populaires, le groupe ouvrier, et les opposent
de plus en plus à eux-mêmes. » Et, s’inquiétant des
« processus d’éthnisation de la question sociale », JeanYves Rochex mettait en garde contre la sous-estimation de la « logique binaire » du « eux et nous » et
montrait que « le dernier effet du déni de la conflictualité sociale est évidemment sa retraduction en
termes, en propositions et en idéologies sécuritaires…5 ». L’actualité, particulièrement la crise de l’automne dans les banlieues, lui donne, selon moi,
pleinement raison.
La question est donc de savoir si l’on peut dépasser
l’opposition individu/État, individu/Marché.
La question est de savoir si l’on peut re-politiser la
politique.
De ce point de vue, il est urgent de revenir au matérialisme et à la dialectique. À « l’analyse concrète
d’une situation concrète » ou, mieux encore, par
extrapolation, à l’analyse complexe d’une situation
complexe.
Car dans le débat tel qui se développe à gauche, au
PCF, mais aussi au PS, chez les Verts ou à l’extrême
gauche, sur les questions stratégiques, l’idéologie est
pesante, omniprésente même et donc omnipotente.
Voilà qui fait réagir ainsi un des meilleurs critiques du
blairisme, Philippe Marlière : « Dans ces perspectives,
on assiste à une “privatisation” de la sphère politique,
puisque les débats et les conflits politiques majeurs se
déroulent autour de questions liées aux choix de
mode de vie et d’identité. (…) il s’agit ici d’une mise
en retrait du politique entendu comme un champ de
luttes entre agents et structures partisanes, proposant
des projets socio-économiques clairement distincts2. »
Or, si Giddens et d’autres adeptes d’une « domestication écologique et sociale de l’économie de marché »
(Dominique Strauss-Khan) aboutissent à ce « retrait
du politique » (entre autres car une partie des analyses
de Giddens serait susceptible d’enrichir la réflexion de
la gauche même la plus radicale), ils n’en ont pas le
monopole. Ainsi en est-il également de la vision que
développait José Bové dans un entretien avec L’Humanité : « Le politique a vocation d’organiser les territoires, alors que fondamentalement, les organisations
syndicales et les mouvements de citoyens se battent sur
la reconnaissance des droits à partir de la réalité vécue
socialement ou économiquement par les personnes, et
pour leur extension, quelles que soient les frontières
entre pays. » La « légitimé politique, précisait-il, c’est
d’abord la gestion territoriale, puis aussi la gestion des
droits acquis dans le mouvement social3 ».
Cette conception du politique ou de la politique fait
écho à l’idéologie libérale qui veut opposer au « tout
État » la « société civile » ou la « liberté » de « l’individu » à son essence sociale.
C’EST LA QUESTION DE « L’AUTONOMIE ». Elle est devenue récurrente tant à gauche qu’à droite et elle sous-tend aussi
bien la réflexion sur une nouvelle démocratie, « participative », que les tentatives de « décollectivatisation »
des institutions politiques et des cadres sociaux, acquis
et investis, au prix de décennies de lutte, par les forces
sociales organisées, syndicales ou politiques.Autour de
« l’autonomie », on assiste à un double mouvement de
construction et de déconstruction du procès de socialisation propre au capitalisme, c’est-à-dire, entre autres,
au fameux passage de la « classe en soi » à la « classe
pour soi ».
La question de l’autonomie a pour base objective le
progrès culturel ; les mutations du travail et les évolutions consécutives du salar iat, donc de la classe
ouvrière. Elle est à la fois produit et genèse du processus de destruction – reconstruction du corps social,
lequel comporte simultanément une dimension sociologique et idéologique. La gauche a, dans l’ensemble,
très mal saisi les évolutions sociologiques, que mettent
en lumière les travaux de plusieurs sociologues dont
on trouvera ici l’écho. D’autre part, la cr ise du
marxisme a entraîné certaines régressions théoriques
elle-même. Pour être dans le vrai, il convient d’ajouter
que le marxisme d’aujourd’hui connaît une nouvelle
actualité à travers une investigation critique et innovante dont témoignent bien des travaux, en France et
à l’étranger. Mais la gauche organisée, pour beaucoup,
les ignore, comme elle fait peu de cas des recherches
en sciences sociales et humaines, en général. C’est le
paradoxe de notre époque. Sur laquelle pèse encore
l’histoire.
POUR CE QUI CONCERNE LE SEUL PCF, par exemple, il faut se souvenir des années 70-90 et de la régression culturelle et
théorique qui en a été la marque et dont témoignent
concrètement certains faits : la crise et la « normalisation » de la fédération de Paris (1978-79) puis celle du
Doubs, de la Seine-Saint-Denis, de l’Hérault ; la liquidation de La Nouvelle Critique et des Lettres françaises ;
celle de L’Université nouvelle ; le tournant « pragmatique » imposé à la section économique et à la revue
Économie politique ; l’abandon de France Nouvelle ; la disparition de la commission de l’enseignement puis de
la revue L’École et la Nation ; la disqualification du secteur de la Culture et des Intellectuels ; la distance prise
avec la recherche, qu’elle se réalise dans la mouvance
du Parti ou à l’extérieur.
Si l’on veut affronter l’histoire – notre histoire – il faut
affronter cela. Cette question : pourquoi a-t-on craint
et écarté les intellectuels ? Pourquoi a-t-on craint et
écarté la théorie ?
Parce qu’ils conduisaient à une critique de l’histoire
et donc de la politique ?
On n’échappe pas à l’histoire. On peut en revanche la
surmonter.
Une idée n’est rien par elle-même si elle n’est pas
l’émanation d’une réalité matérielle, même s’agissant
d’une utopie. Le communisme, pour Marx, était « un
mouvement ». Longtemps, cependant, la matérialité de
l’idée communiste venait de ce qu’existait un monde
communiste, imparfait et tragique, mais alternative
concrète à la domination du capitalisme. Et cette alternative-là ne s’imposait pas seulement aux forces révolutionnaires qui se réclamaient du « modèle ». Elle
structurait la politique nationale et internationale des
États ; influait directement les rapports de force politiques autant par le jeu de la géopolitique qu’à travers
la confrontation idéologique. Et, surtout, elle s’imposait à l’économie capitaliste elle-même dont l’espace
et le marché étaient disputés par des systèmes alternatifs : le socialisme et, un moment, les États du tiersmonde dont les choix de politique économique, pour
être bref, ressortaient de ce qu’on appellerait aujourd’hui la « mixité ».
La crise du communisme n’a pas commencé et ne
s’est pas achevée avec l’effondrement de l’Est. C’est un
Il est,
aujourd’hui,
indispensable
de renouer le fil
entre pratique
et théorie.
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Or Marx ne forge pas le socialisme « scientifique » à
partir d’une posture mais d’une critique. Critique de
l’économie politique bourgeoise, c’est-à-dire de la
représentation du capitalisme et du capitalisme luimême. Critique du socialisme français ou utopiste.
Critique de l’idéologie allemande, c’est-à-dire de la
primauté donnée à la conscience sur l’être réel.
Ce qui compte, aujourd’hui, c’est de saisir la complexité des rapports sociaux et de discerner la représentation que s’en font les forces en présence. C’est de
discerner dans le détail et dans leurs contradictions les
mécanismes de l’accumulation capitaliste et d’en cerner les conséquences politiques et sociales. C’est
d’analyser avec toute la rigueur nécessaire le fonctionnement de l’État au regard du rôle qu’il s’assigne ou
qui lui est dévolu à « l’insu de son plein gré ». C’est la
question du Droit et des droits. C’est de comprendre
quel statut ont les idéologies et comment, par quelles
médiations, dans quels espaces, sous quelles contraintes
et dans quelles contradictions, elles se meuvent et elles
fonctionnent.
S’IL FAUT DÉBATTRE, IL FAUT TRAVAILLER. Il faut travailler, c’est la
condition du débat vrai. Du débat au fond. Sans quoi,
on assistera – on assiste déjà – à un débat de positions.
C’est-à-dire à une confrontation de doctrines en lieu
et place d’une confrontation de savoirs.
Il est, aujourd’hui, indispensable de renouer le fil entre
pratique et théorie. Or, la théorie de la transformation
sociale progressiste est en capilotade. Pas seulement
parce qu’elle s’alignait sur un modèle systémique qui
s’est effondré au terme d’une longue crise, mais parce
qu’elle est, elle-même, et depuis longtemps, en crise.
Et parce que pour fuir cette crise – qu’on a longtemps
niée – on s’est pour ainsi dire débarrassé de la théorie
5
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On examine les raisons de la défaite de l’intérieur.
Seulement de l’intérieur. Il s’agit d’erreurs stratégiques ; de mauvaises postures ; de communications
déficientes ; d’écarts pris avec la réalité et le peuple ; de
fautes de direction et de mauvaises gestions. On
demeure dans la posture. Dans l’analyse subjective,
souvent partielle, toujours partiale.
Ce rappel schématique donne la mesure de l’étendue
de l’espace qu’il nous faut (ré)investir.
« La révolution du XIXe siècle doit laisser les morts
enterrer leurs morts pour réaliser son propre objet,
écrivait Marx. Autre fois, la phraséologie dépassait le
contenu, maintenant, c’est le contenu qui dépasse la
phraséologie 6. » Ce à quoi fait écho, aujourd’hui,
Habermas en parlant d’un passé qui a perdu « sa valeur
d’exemplarité7 ».
Là est le défi qu’il nous faut relever.
FONDATIONS S’ENGAGE, À SA MESURE, dans cette reconquête. La
seule qui puisse chercher une nouvelle synthèse entre
la pensée et l’action.
La pensée et l’action, c’est le couple inépuisable de la
révolution. La crise du marxisme et la montée en
puissance de l’idéologie libérale qui en a résulté l’ont
poussé au divorce. Depuis, l’action d’un côté, la pensée
de l’autre, sont contraintes au célibat ou à des mariages
blancs. Séparées l’une de l’autre, elles sont stériles.
Il nous faut nous entremettre pour leurs retrouvailles,
sans quoi nous regarderons sous nos fenêtres passer du
« communisme », nous nous compterons dans les
manifestations et les forums. Et les libéraux, plus ou
moins « sociaux », gouverneront la planète !
Marier la pensée et l’action, voilà la politique ! Voilà,
me semble-t-il, la tâche de la Fondation Gabriel Péri :
chercher dans ce mariage-là la « grande méthode » qui
repolitisera la politique.
« La grande méthode, écrivait Bertolt Brecht, est un
enseignement pratique concernant les alliances et la
rupture des alliances, l’art d’exploiter les changements
et la dépendance où l’on est par rapport aux changements, la réalisation du changement et le changement
des réalisateurs, la dissociation et la formation des
groupes, la dépendance des contraires entre eux, la
comptabilité des contraires qui s’excluent. La grande
méthode permet de discerner dans les choses des processus et de les utiliser. Elle enseigne à poser des questions qui rendent l’action possible. »
Poser les questions qui rendent l’action possible.Toutes
les questions. Non pas même celles qui gênent, mais
d’abord celle qui gênent. Ainsi FondationS sera-t-elle
le pluriel de ce qui fut et de ce qui advient. •
Poser
les questions
qui rendent
l’action possible.
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russe de la planification. On retrouvera la même
influence, avec en plus une aile sociale tout à fait décisive, dans la politique d’industrialisation menée à la
Libération en France et en Italie.
CE QU’ON APPELLE L’ÉTAT PROVIDENCE – du moins ce qu’appellent ainsi ceux qui disposent de la providence sans
l’aide de l’État – fut autant le résultat d’un rapport de
force international que de rapports de force nationaux. De même que l’accumulation du capital a dû
pallier au rétrécissement de son espace mondial,
amputé de l’URSS, de ses alliés, de la Chine et de tout
un pan des anciennes colonies françaises et britanniques. Et qu’il y pallia à travers un interventionnisme
accru de l’État. La recherche, notamment de marxistes
français, sur ce qu’on appela le Capitalisme monopoliste d’État (CME), permit dans les années 60 d’approfondir l’analyse du capitalisme contemporain non
seulement à travers ses mécanismes d’accumulation
mais dans l’étude des effets sociaux de ceux-ci. C’est
sur cette base que, sous l’égide de Waldeck Rochet,
s’élabora une stratégie de rassemblement et d’union,
laquelle conduisit à de nouvelles et larges investigations culturelles et scientifiques dont les revues et sections de travail du PCF furent des axes majeurs
jusqu’au début des années 70.
1.Anthony Giddens et Tony Blair, La Troisième Voie, Le Seuil, 2002.
2. Philippe Marlière, La Troisième Voie dans l’impasse, Éditions Syllepse,
2003.
3. L’Humanité, 29 août 2003.
4. Marx est-il devenu muet ?, Éditions de L’Aube, 2003.
5. Lettre n° 14 du Réseau du collectif enseignement du PCF, novembre
2002.
6. Karl Marx, Le Dix-Huit brumaire de Louis Bonaparte, Éditions sociales,
1984.
7. Jürgen Habermas, Écrits politiques, La crise de l’État-providence, Champs
Flammarion, 1990.
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aspect d’une cr ise plus profonde, de la cr ise du
marxisme, commencé du vivant de Marx lui-même
comme Louis Althusser le démontra avec pertinence
dans ces textes de 1976-78. Mais la disparition de
l’URSS a des conséquences autrement plus étendues.
Elle ne frappe pas seulement les communistes et les
partis communistes. Elle produit des ondes de choc
qui déstabilisent tour à tour la social-démocratie (voir
Giddens, Habermas…) et les droites « classiques », les
unes et les autres s’étant constituées d’abord par référence à la Révolution d’octobre et à son influence,
dans l’entre-deux-guerres puis au lendemain de la
défaite de l’Allemagne nazie, dans la guerre froide.
Il ne s’agissait pas seulement de postures politiques ou
idéologiques. Au lendemain de la crise de 1929, le
New Deal de Roosevelt montrait que le capitalisme
américain n’était pas insensible à une certaine rationalité économique inspirée par l’exemple étatique