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Provisions de sagesse pour demain

La nature est si belle à regarder même s’il ne reste que de sombres silhouettes dressées sur la ligne d’horizon. Dépouillées de tout ornement, il se dégage de ces carcasses tantôt tordues, tantôt recroquevillées, tantôt raides et effilées une sorte de paix, car la lumière chaude du matin les recouvre et les protège.
 
Au fil des jours, le sommeil enveloppe pesamment le décor, étouffant jusqu’au moindre son. Seul le trottinement léger de l’écureuil sur la galerie me prouve qu’il y a encore un peu de vie à l’extérieur.
 
Sans plus.
 
Même moi, je deviens silencieuse. Plus introvertie.
 
Comme mon petit visiteur — lequel ne rate jamais sa visite quotidienne —, je fais mes réserves. Non pas de nourriture, mais de compréhension de la vie. Je fais le bilan de ce que j’ai appris et retenu, et de tout ce qu’il me reste à assimiler.
 
J’observe l’écureuil. Et lui? Il continue à amasser une multitude de noix et de noisettes. Il se prépare un somptueux festin! Il organisera très certainement une grande fête à laquelle assisteront d’autres rongeurs, à moins que toute cette assiduité ne cache autre chose : la crainte d’en manquer…
 
Pour ma part, je n’ai pas emmagasiné de si importantes réserves de « sagesse ». Certes, j’ai appris beaucoup et cherché à mettre en pratique ces nouvelles leçons dans ma vie. Néanmoins, entre appliquer et maîtriser ce savoir, il y a tout un monde! Et puis posséder la connaissance sans l’utiliser c’est-à-dire soit pour en retirer un bienfait ou pour en faire profiter à autrui est inutile selon moi — à part peut-être pour impressionner un auditoire sourd à toute vanité autre que la sienne.
 
La nature a toujours quelque chose à nous apprendre, quelle que soit la saison. D’une année à l’autre, nous en savons un peu plus, nous en comprenons un peu plus sur celle-ci et sur nous-même. La plupart du temps, nous saisissons toute l’ampleur de cette sagesse une fois que nos cheveux sont devenus tout blancs et que notre mémoire ressemble à un gruyère. Alors, nous oublions ce que nous avons appris et compris; nous oublions que nous avons tout saisi de la vie, un peu comme certains écureuils qui ont fait des réserves un peu partout dans le sol et qui, une fois l’hiver arrivé, ne se rappellent plus où ils les ont dissimulées. Pourquoi tant de réserves alors? Pour celui qui aurait perdu la mémoire. Pour l’autre qui aurait envie de noix ou d’un peu de « sagesse ».
 
En ce lundi matin, faites vos réserves pour vous-même et les autres. Pour aujourd’hui, demain ou beaucoup plus tard… Apprenez, comprenez et maîtrisez les leçons de la vie même si un jour il se peut que vous les oubliiez. Il y aura toujours quelqu’un quelque part qui sera prêt à partager avec vous ses réserves de… sagesse!
 
Jocelyne Gagné (Mésange)
 

Qu’est-ce qu’il y a de drôle?


Dimanche dernier, le temps doux persistait, m’invitant à mettre le nez dehors. Les nuages traversaient le ciel à la queue leu leu comme une enfilade de motos faisant du tourisme en groupe. Il y avait bien quelques retardataires qui se laissaient distancer, distraits par l’apparition spectaculaire d’une énorme boule dorée. Mais qu’est-ce que c’est que ça? se questionnaient intérieurement quelques-uns.
Intrigué, le plus petit mais aussi le plus jeune de la bande se lança :
« Est-ce cela qu’on appelle un objet volant non identifié? »
D’un seul coup, il déclencha l’hilarité des autres nuages, ce qui courrouça à l’extrême le jeunot. Voyant qu’on se moquait de lui, il ralentit l’allure affichant ainsi son indépendance, mais aussi sa mine renfrognée. Dans le ciel, l’astre continuait à tournoyer, ravivant sa curiosité. Sans perdre une seconde de plus, le petit nuage se rapprocha de ses compagnons de voyage tout en demeurant à une certaine distance. Arborant un air détaché, il demanda :
« D’accord, j’ai compris. Alors si ce n’est pas un ovni, serait-ce un feu follet? »
De nouveau, les autres s’esclaffèrent, pris d’un fou rire incontrôlable laissant échapper par mégarde quelques gouttes de pluie.
« Hé, oh! Ça suffit!» bougonna le petit nuage qui déjà perdait de sa blancheur.

Sans lui, sans eux que serions-nous?

Café du matin


On croit bêtement qu’on a mené l’enfant à maturité quand en fait, c’est lui qui nous a fait grandir, mûrir et mieux comprendre la vie.

Il vient un temps où une certaine gêne s’installe, où l’on ne sait plus comment exprimer ses sentiments ni comment les dévoiler sans exposer crûment cette pudeur dans laquelle on se complaisait et qui mettait ainsi notre vulnérabilité à l’abri. Mais voilà, les années ont passé, le bambin a grandi, il a aimé et fondé une famille, et on ne sait encore moins comment signifier à l’enfant devenu homme tout le bien qu’il nous a apporté. 

Les lèvres restent closes et pourtant le cœur parle si fort…