Dignité Infinie de L'homme Au SEPAFAR

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Thème :

Dignité de l'homme et actes de déshumanisation:


cri d'alarme de l'Eglise
L’un des thèmes qui alimentent les débats de nos contemporains est bien celui des
Droits de l’homme. Les droits de l’Homme bénéficient d’un haut niveau d’acceptation
mondiale et fournissent une orientation éthique face aux questions fondamentales d
monde contemporain. On remarquera que droits et société sont consubstantiellement
liés : il n’existe pas de possibilité de société sans droit, et le droit n’a de sens que dans
un ordre social.

L’existence de prescriptions sociales impératives s’observe donc dans toutes les


sociétés et même, à un degré moins élaboré dans certaines sociétés animales. Les
droits de l’homme, les droits de la personne humaine ou les droits humains sont les
droits fondamentaux qui appartiennent à tout être humain, en vertu de sa seule
existence en tant qu’être humain, abstraction faite d’autres caractéristiques
biologiques ou sociales, d’actions et œuvres qu’il aurait effectuées, ou de son
appartenance à une certaine communauté.
Définition
Les droits humains seraient les droits
inhérents à la personne humaine qui ne
peuvent être méconnus sans que son
essence ne soit altérée.
Cette conception naturelle (cf. naturalistes) des droits de l’homme est juste, mais elle est trop
limitée parce qu’elle ne prend pas en compte la culture et la politique. La notion de droits
humains est différente selon les cultures et les époques. S’il y a « du droit » dans toute
société, il n’est cependant pas de même nature partout. Chaque société a un système propre
de création des normes en cohérence avec ses caractéristiques et son état de développement.
I. Les droits humains,
une longue histoire fondée sur la dignité humaine

Au cœur de la notion de « droits humains », une longue histoire de la


promotion de la « Dignité humaine ».

Inscrits dans l’histoire, les droits de l’homme doivent, aujourd’hui, être revus en
fonction de la notion de « dignité humaine ».
Chronologiquement, l'expression jura hominum (« droit de
l’homme » au sens subjectif) apparaît pour la première fois, chez
Volmerus, Historia diplomatica rerum Bataviarum, col. 4759, de
1537.

Cette expression coïncide avec la découverte de la notion de la


personne dans la période de la renaissance.
Les droits humains, une préoccupation mondiale

Au fil du temps, aux prix de luttes acharnées, les Droits de l’homme ont été formulés et
affirmés de façon de plus en plus précise et complète.

 Au XIIIème siècle (1236), La Charte du Maden (Afrique) énonce les principes d’égalité
devant la loi et la non-discrimination.

 En 1776, aux Etats Unis, la Déclaration des droits de l’homme

 En 1789, en France (révolution), la Déclaration des droits du citoyen

 En 1948, à l’ONU, la Déclaration universelle des droits de l’homme

 1981, au Kenya (Narobi) adoptée en I98I, et en vigueur en 1986, La Charte africaine des
droits de l’homme et des peuples
II. Déclaration Dignitas infinita
(sur la dignité de la personne humaine)

Un texte de l’Eglise à l’occasion du 75e anniversaire de la Déclaration universelle des droits de


l’Homme (1948). La Déclaration a été donnée à Rome le 2 avril 2024 par le Dicastère pour la
Doctrine de la Foi, au 19è anniversaire de la mort de saint Jean-Paul II, suite à sa signature par
le Pape François le 25 mars 2024. Quelques observations :
- La lettre encyclique Fratelli tutti (2020) (la fraternité et l'amitié sociale) propsait déjà une
analyse originale et une étude approfondie de la question de la dignité humaine « en toutes
circonstances ».

- L’élaboration du texte, qui a duré cinq ans, permet de comprendre qu’il s’agit d’un document
qui, en raison du sérieux et de la centralité de la question de la dignité dans la pensée
chrétienne, a requis un long processus de maturation pour parvenir à la version finale qui a
été publiée.
II.1. Le Document (une Déclaration) : 66 numéros en 4 parties

- Dans les trois premières parties, la Déclaration rappelle les principes fondamentaux et les
présupposés théoriques afin d’offrir des clarifications importantes aidant à éviter les
fréquentes confusions qui se produisent dans l’utilisation du concept « dignité ».

- La quatrième partie analyse quelques situations problématiques actuelles dans lesquelles


l’infinie et inaliénable dignité due à tout être humain n’est pas reconnue de manière
adéquate. Dénoncer ces violations graves et actuelles de la dignité humaine est un devoir,
car l’Église est profondément convaincue que l’on ne peut séparer la foi de la défense de la
dignité humaine, l’évangélisation de la promotion d’une vie digne et la spiritualité de
l’engagement pour la dignité de tous les êtres humains.
II.2. De prime abord, une affirmation fondamentale ….

« Une infinie dignité, inaliénablement fondée dans son être


même, appartient à chaque personne humaine, en toutes
circonstances et dans quelque état ou situation qu'elle se trouve.
Ce principe, pleinement reconnaissable même par la seule
raison, fonde la primauté de la personne humaine et la
protection de ses droits. L'Église, à la lumière de la Révélation,
réaffirme et confirme sans réserve cette dignité ontologique de
la personne humaine, créée à l'image et à la ressemblance de
Dieu et rachetée dans le Christ Jésus. » (n° 1°)
II.3. Clarification sur le concept de « dignité humaine »
Bien qu'il existe aujourd'hui un consensus assez général sur l'importance et la
portée normative de l'expression « dignité de la personne humaine », on ne peut
nier que le concept se prête aussi à de nombreuses significations et donc à
d'éventuels malentendus et contradictions qui conduisent à se demander si l’égale
dignité de tous les êtres humains est véritablement reconnue, respectée, protégée et
promue en toute circonstance (n°7).
Quatre distinctions du concept doit se faire, à savoir :

 dignité morale,
 dignité sociale
 dignité existentielle
 dignité ontologique,
 Dignité morale (n° 7)

Quand on parle de dignité morale, on se réfère plutôt à


l'exercice de la liberté de la créature humaine. Celle-ci, bien
que dotée d'une conscience, reste toujours ouverte à la
possibilité d'agir contre celle-ci. Ce faisant, l'être humain
adopte un comportement “indigne” de sa nature de créature
aimée de Dieu et appelée à aimer autrui.
 dignité sociale (n° 8)

Quand on parle de dignité sociale, on se réfère aux


conditions dans lesquelles une personne vit. Dans l'extrême
pauvreté, par exemple, lorsque les conditions minimales ne sont
pas réunies pour qu'une personne vive selon sa dignité
ontologique, on dit que la vie de cette personne pauvre est une
vie “indigne”. Cette expression n'indique en aucun cas un
jugement à l'égard de la personne, mais vise à mettre en
évidence le fait que sa dignité inaliénable est contredite par la
situation dans laquelle elle est contrainte de vivre.
 dignité existentielle (n° 8)

La troisième acception est celle de la dignité


existentielle. Aujourd'hui, on parle de plus en plus
souvent d'une vie “digne” et d'une vie “indigne”. Nous
nous référons à des situations proprement
existentielles : par exemple, le cas d'une personne qui,
bien que ne manquant de rien d'essentiel pour vivre, a
du mal, pour diverses raisons, à vivre dans la paix, dans
la joie et dans l'espérance.
 Dignité ontologique (n° 7)

Le sens le plus important est celui de la dignité


ontologique qui concerne la personne en tant que
telle par le simple fait d'exister et d'être voulue,
créée et aimée par Dieu. Cette dignité ne peut jamais
être effacée et reste valable au-delà de toutes les
circonstances dans lesquelles les individus peuvent
se trouver.
 Définition de la personne (N° 9)

Enfin, il convient de rappeler ici que la définition classique de la personne


en tant que « substance individuelle de nature rationnelle » [17] explicite le
fondement de sa dignité. En effet, en tant que « substance individuelle », la
personne jouit d'une dignité ontologique (c'est-à-dire au niveau métaphysique de
l'être lui-même) : c'est un sujet qui, ayant reçu l'existence de Dieu, “subsiste”,
autrement dit exerce l'existence de manière autonome. Le mot « rationnelle »
englobe en fait toutes les capacités de l'être humain : aussi bien celle de connaître
et de comprendre que celle de vouloir, d'aimer, de choisir, de désirer. Le terme «
rationnelle » comprend donc également toutes les capacités corporelles
intimement liées à celles mentionnées ci-dessus. L'expression « nature » indique
les conditions propres à l'être humain qui rendent possibles les différentes
opérations et expériences : la nature est le “principe d'action”.
II.4. Quelques violation graves de la dignité humaine :
(la défiguration de l’image de Dieu dans le monde)

La Déclaration aborde certaines violations concrètes et graves de la dignité humaine. Elle le


fait dans l'esprit du Magistère de l'Église : « Tout être humain a le droit de vivre dans la dignité
et de se développer pleinement, et ce droit fondamental ne peut être nié par aucun pays »
(François, Lett. enc. Fratelli tutti (3 octobre 2020), n. 107). Sur cette base, sans être exhaustive,
la Déclaration attire l'attention sur certaines violations graves de la dignité humaine qui sont
particulièrement d'actualité.

 Le drame de la pauvreté : l'une des plus grandes injustices du monde contemporain


consiste précisément dans le fait qu'il y a relativement peu de personnes qui possèdent
beaucoup, tandis que beaucoup ne possèdent presque rien. La richesse mondiale croît en
termes absolus, mais les inégalités augmentent.

 La guerre : aujourd'hui comme de tout temps : les guerres, les violences, les persécutions
pour des raisons raciales ou religieuses, et tant d’atteintes à la dignité humaine se
multiplient douloureusement en de nombreuses régions du monde.
 Le travail des migrants : les migrants sont parmi les premières victimes des multiples
formes de pauvreté.

 La traite des personnes : la traite des personnes, le commerce d’organes et de tissus


humains, l’exploitation sexuelle d’enfants sont des activités ignobles, une honte pour nos
sociétés qui se disent civilisées.

 Abus sexuels : tout abus sexuel laisse de profondes cicatrices dans le cœur de celui qui le
subit.

 L'euthanasie et le suicide assisté : un cas particulier d'atteinte à la dignité humaine, plus


silencieux mais gagne beaucoup de terrain.

 La mise au rebut des personnes handicapées : les personnes handicapées souffrent parfois
de marginalisation, voire d'oppression, étant traitées comme de véritables “déchets”.

 Le changement de sexe : toute intervention de changement de sexe, sauf en cas d’anomalie,


menace la dignité unique qu'une personne a reçue dès le moment de la conception.
 La violence numérique : le progrès des technologies numériques offre de nombreuses
possibilités de promouvoir la dignité humaine, mais tend de plus en plus à favoriser
l'exploitation, l'exclusion et la violence.

 Les violences contre les femmes : un scandale mondial, de plus en plus reconnu. Le
phénomène du féminicide ne sera jamais assez condamné.

 L’avortement : parmi tous les crimes contre la vie, l'avortement provoqué présente des
caractéristiques qui le rendent particulièrement grave et condamnable. Mais aujourd'hui,
dans la conscience de nombreuses personnes, la perception de sa gravité s'est
progressivement obscurcie.

 La gestation pour autrui : une atteinte à la dignité de l'enfant et la maternité de substitution


porte atteinte à la dignité de la femme.

 La théorie du genre : elle est très dangereuse parce qu’elle efface les différences dans la
prétention de rendre tous égaux.
II.5. Quelques violations de la dignité humaine en Afrique
(défiguration de l’image de Dieu en Afrique)

La mémoire de l’Afrique garde le souvenir douloureux des cicatrices laissées par les luttes
fratricides entre les ethnies, par l’esclavage et par la colonisation. Aujourd’hui encore, le
continent est confronté à des rivalités, à des formes d’esclavage et de colonisation nouvelles. La
première Assemblée Spéciale l’avait comparé à la victime des bandits, laissée moribonde au
bord du chemin (Cf. (cf. Lc 10, 30 – 37 ; BENOIT XVI, Exhortation apostolique post-synodale « Africae Munus »,
Libreria Editrice Vaticana, Vatican, 2011, n° 9.)

 La pauvreté, l’injustice et l’oppression sociopolitique et économique.

 Le drame de la famine et de la maladie : les pandémies comme le paludisme, le sida et la


tuberculose

 Des ravages de la drogue et des abus de l’alcool qui détruisent le potentiel humain du
continent et affligent surtout les jeunes ;
 Les effets induits de l’ignorance et l’analphabétisme qui représentent l’un des freins
majeurs au développement ;

 l’instabilité politique et le désordre social, les familles dépossédées et menacées, les effets
négatifs des médias, etc.

 Le terrorisme avec ses victimes et ses corolaires des déplacés

 La grave crise financière avec le poids de la dette ainsi que les méthodes douteuses de son
remboursement ;

 les conséquences néfastes de la corruption et des détournements des deniers publics, de la


soif du pouvoir, des régimes totalitaires et oppresseurs, du népotisme,

 Les flagrantes violations de la dignité et des droits de l’homme, de la tragédie scandaleuse


des réfugiés

 Etc.
III. Dignité humaine et droits de l’homme

Il y a un lien étroit entre les notions de dignité humaine et de droits de l’homme : C’est parce
que tout être humain possède de la dignité qu’il est aussi détenteur des DH. Pour la tradition du
droit naturel, comme aussi pour la théologie chrétienne, cette dignité n’est pas uniquement une
dignité conférée par d’autres êtres humains, mais il s’agit tout d’abord d’une dignité
intrinsèque dont tout être humain dispose, indépendamment des attributions sociales :
personne ne s’est donné à soi-même sa dignité, personne ne peut donner ou enlever la
dignité humaine à l’autre.

Le lien étroit entre dignité humaine et Droits Humain marque la réflexion depuis l’Antiquité.
Déjà les stoïciens affirmaient que l’homme a une dignité spécifique à cause de sa seule nature
humaine et que cette dignité implique nécessairement sa liberté. L’époque moderne connaît
également de telles affirmations axiomatiques de la dignité humaine. On affirme une «
exigence de respect » qui s’impose nécessairement face à un être humain ou, plus
particulièrement, face au visage humain (Levinas).
III.1. Aux origines du fondement de la dignité humaine : l’ « image de Dieu »

Les textes les plus anciens mentionnant l’homme à l’ « image de Dieu » se lisent dans la
Genèse.

Il y a trois références explicites :

 Gn 1, 26-28
 5, 1-3
 9, 6

Elles viennent toutes, selon l’exégèse traditionnelle reconnue de la tradition sacerdotale « P »


(Prêtre).

L’exégèse traditionnelle de ces passages varie considérablement suivant les auteurs. DION en
donne un résumé clair et assez complet (cf. DION, P. E., art. « Ressemblance et image de
Dieu » in Dictionnaire de la Bible, Supplément, tome 10, Letouzey et Ané, Paris, 1981, col.
366.
Historiquement, et de loin la plus importante des trois références, Gn 1, 26-28
est la première référence de l’anthropogenèse dans le récit de la création du
monde attribué au rédacteur sacerdotal :

«26Et Élohîm dit : “Faisons ’adam en notre image, comme notre ressemblance ;
qu’ils maîtrisent le poisson de la mer et le volatile des cieux et le bétail et toute
la terre, et tout rampant rampant sur la terre”. 27Et Élohîm créa ha’adam en
son image, en image d’Élohîm il le créa, mâle et femelle il les créa. 28Et Élohîm
les bénit et Élohîm leur dit “Fructifiez et multipliez et emplissez la terre et
soumettez-la et maîtrisez le poisson de la mer et le volatile des cieux et tout
vivant rampant sur la terre”.
(Cf. WENIN, A., D’Adam à Abraham ou les errances de l’humain, Lecture de Genèse 1,1-2,4, p. 38. ; Cf. SAMA Mathieu,
Ethique du développement humain durable en Afrique, L’Harmattan, Paris, 2016, pp. 283 – 348).

Une construction en tableau du texte peut mettre en relief le double projet divin et permettre
de percevoir en parallèle les répétitions.
Verset 26 : Verset 27 :

Et Élohîm dit : “Faisons


’adam en notre image, Et Élohîm créa ha’adam en son
comme notre image, en image d’Élohîm il le créa,
1erprojet ressemblance ” mâle et femelle il les créa. 1er projet réalisé
Verset 28 :
Et Élohîm les bénit et Élohîm leur Bénédiction et
dit : invitation

“qu’ils maîtrisent le poisson “Fructifiez et multipliez et emplissez


de la mer et le volatile des la terre et soumettez-la et maîtrisez
cieux et le bétail et toute la le poisson de la mer et le volatile des
2ème terre, et tout rampant cieux et tout vivant rampant sur la 2ème projet à réaliser
projet rampant sur la terre”. terre”. exprimé en impératif
Projet Rapport du projet

Verset 26 : Verset 27 :

Et Élohîm dit : “Faisons ’adam en notre image, Et Élohîm créa ha’adam en son image,

en image d’Élohîm il le créa, mâle et femelle il les


comme notre ressemblance ” créa.
III.2. Quelques observations majeures sur le texte

a. Le lecteur attentif au texte peut s’interroger sur l’emploi inattendu du pluriel marquant l’agir
d’Élohîm : « faisons ». On sait que ce « faisons » a été l’objet de nombreuses interprétations.
Les Pères de l’Église y ont vu une trace de la Trinité. Certains modernes y décèlent la trace
discrète de l’origine mythique du texte : le créateur consulterait sa cour de dieux ou d’anges
avant de prendre la décision de créer l’humanité ; et d’autres en font un pluriel de majesté ou
de délibération avec soi-même. Pour la majorité des exégètes, le choix du pluriel implique donc
normalement un interlocuteur ». Qui est-il donc ? (cf. WENIN, A., D’Adam à Abraham ou les
errances de l’humain, Lecture de Genèse 1,1-2,4, p. 38). Par ailleurs, lorsque le narrateur
rapporte l’œuvre d’Élohîm, il recourt au verbe « créer » (bara’) qui, dans la Bible hébraïque,
n’a pas le sens de « faire de rien » comme le conçoit la traditionnelle doctrine de la création «
ex nihilo », mais plutôt de « faire du neuf, du jamais vu, de l’inouï ».

b. Lorsqu’Élohîm évoque le rapport entre lui et l’humain à l’aide de deux mots : « image »
(çèlèm) et « ressemblance » (demût). Le texte décrit le rapport entre l’humain et Élohîm au
moyen de cette double expression dont la meilleure traduction, est : « à notre image, nous
ressemblant » . Ces deux termes ne sont pas des synonymes, en hébreu.
c. Le projet divin et son exécution est l’introduction par le narrateur de la précision
« mâle et femelle » . Ces deux termes, loin de rapprocher les humains de Dieu dont
ils sont censés être l’« image », soulignent plutôt ce qu’ils ont en commun avec les
animaux. « Mâle » et « femelle » s’utilisent, en effet, aussi bien pour les bêtes (Gn
6,19 ; Lv 3, 1) que pour les humains (Lv 12, 2.5 ; Nb 5, 3).

d. Là où le lecteur attend que, comme dans le projet d’Élohîm, le narrateur parle


d’image et de ressemblance, celui-ci répète ce qu’il vient de dire (Élohîm créa
ha’adam en son image, // en image d’Élohîm il le créa) comme pour attirer
l’attention sur l’absence de la ressemblance. De plus, l’expression, mâle et femelle,
il les créa, qu’apporte avec insistance le narrateur, pourrait induire une
explication : l’humain ne ressemble pas encore à Dieu, parce qu’il vit aussi une
proximité avec l’animal. Sur ce sujet, le changement du pronom renvoyant à
l’humanité – singulier (le) puis pluriel (les) – pourrait être significatif : à l’image
d’Élohîm, l’humanité est une (« il le créa »), mais à l’instar des animaux, elle est
aussi plurielle (« il les créa »).
III.3. L’interprétation « substantialiste » de l’imago Dei

L’espèce humaine possède certaines « qualités », des « capacités » ou des « facultés » qui la
rendent semblable à l’être divin. Ces caractéristiques ou qualités sont intégrées à l’ἄνθρωπος ;
elles sont des aspects de la nature humaine elle-même.

 la raison : la faculté de penser que produit la raison, en effet, fait la différence entre les
hommes et les animaux et c’est justement en cette capacité de l’esprit humain que beaucoup
de Pères ont vu se focaliser l’image de Dieu.

 la volonté humaine : L’image de Dieu en l’homme réside ainsi dans une capacité humaine
inhérente et unique. Et cette qualité humaine particulière, souvent citée avec la rationalité,
est la libre volonté.

 La liberté : à la différence des autres créatures, l’homme possède un libre arbitre capable de
se déterminer.
III.4. L’interprétation « relationnelle » de l’imago Dei

Alors que l’interprétation substantialiste de l’image de Dieu la situe en d’éminentes qualités


constitutives de la nature humaine, la perspective relationnelle conçoit l’imago Dei comme une
inclination ou une propension qui s’actualise à l’intérieur d’une relation.
la créature humaine « imageant » son Créateur parce que, et dans la mesure où, elle est «
tournée vers » Dieu. Dieu s’est fait un vis-à-vis, un interlocuteur. C’est surtout avec les
Réformateurs du XVIe siècle que survient cette forme d’interprétation en rupture avec la
conception substantialiste.
Pour Jean Calvin, avec le péché d’Adam, l’image aurait été « perdue », sinon « totalement
annihilée, effacée (…), du moins (…) si corrompue que ce qui en reste, quelle qu’en soit la
nature, n’est qu’une horrible difformité ». (Cf. CALVIN, J., CALVIN, J., Institutes of the
Christian Religion, trad. Par John Allen, Presbyterian Board of Christian Education,
Philadelphia, 1936, vol. 1, livre 1, ch. XV, n° 5, p. 208).
Dès lors, la qualité divine en l’être humain n’est plus en ses attributs spécifiques, mais plutôt
essentiellement dans sa capacité à entrer en relation avec Dieu.
Finalement, une relecture du développement historique de la définition biblique
de l’homme comme un être à l’« image de Dieu », fondement de l’anthropologie
chrétienne, révèle qu’il n’existe pas de consensus d’interprétation théologique du
thème. Le concept d’imago Dei apparaît bien comme un lieu théologique
commun, et c’est le signe plus que manifeste de sa complexité et de sa richesse ;
et donc aussi de son importance capitale et déterminante véhiculées tout au long
de l’histoire au cœur même de l’anthropologie chrétienne. L’étude des
interprétations multiformes du concept est révélatrice de nombre d’éminentes
conceptions, caractéristiques de la dignité humaine et de l’anthropologie
chrétienne, qu’il importe de bien cerner.
III.5. Signification de l’ « imago Dei » dans la dignité anthropologique chrétienne

Il est notoirement reconnu aujourd’hui, aussi bien en théologie catholique que dans les
théologies de la Réforme protestante, que le concept biblique d’« image de Dieu » accordé à
l’homme dans le livre de la Genèse (1, 26-27) est plus que significatif pour l’anthropologie
chrétienne : il en constitue le fondement primordial. Il s’agit d’une révélation de quelque chose
d’absolument essentiel, fondatrice de l’anthropologie dans une perspective chrétienne :

a) La création à l’image de Dieu est révélatrice, primordialement, du mystère de l’homme ;


désigne sa nature, sa substance, son identité. Créé image de Dieu, il n’est pas à confondre avec
la nature ou les animaux ; image de Dieu, il est « du côté » de Dieu. Du point de vue de la
théologie catholique, les attributs divins deviennent des qualités humaines.

b) La création à l’image de Dieu est révélatrice, en second lieu, des pouvoirs de l’homme et de
sa mission à situer à l’échelle des autres créatures visibles. Occupant le sommet de la création
visible, l’humain se voit confier une « seigneurie » sur elle (Gn 2, 19-20). L’humain devra donc
exercer sa seigneurie (dominer) à l’image du Dieu Créateur.
c) La création à l’image de Dieu est révélatrice, en troisième lieu, de ce qu’est l’éthique
chrétienne : une imitation de Dieu lui-même. Etre créé à l’image de Dieu signifie proprement
avoir Dieu pour fin spécifique, et c’est bien un principe éthique reconnu, dans l’ordre de la
téléonomie, que la fin est cause de l’agir. La conséquence immédiate de l’affirmation de
l’homme comme créé à l’image de Dieu, c’est qu’il n’a pas à inventer son devenir. Déjà, d’un
point de vue logique, l’image n’est réellement « image » que si elle tend à coïncider avec la
réalité dont elle est le reflet ou le miroir. C’est dire que pour s’accomplir en tant qu’image de
Dieu, l’humain n’a d’autre perspective qu’imiter Dieu lui-même dans la ressemblance.

d) La création à l’image de Dieu est révélatrice, enfin, de la vocation relationnelle de l’homme


et partant, de sa possible ouverture à Dieu. le texte de la Genèse voit dans la différenciation
sexuelle l’implication la plus immédiate de la création à l’image de Dieu. « Etre dans-le-monde
», disait Martin Heidegger ‍«c’est être-avec ». . STEINER, G., Heidegger, Fontana / Collins,
Glasgow, 1978, p. 81 ; Cf. HEIDEGGER, M., Etre et Temps, traduction française de Emmanuel
Martineau, Authentica, Paris, 1985, p. 31).
IV. Pour une promotion chrétienne de la dignité de la personne humaine
(Cf. La doctrine sociale de l’Eglise : « un humanisme intégral et solidaire »)

Le fondement et objet primaire de la doctrine sociale de l’Eglise


(DSE): la dignité de la personne humaine avec ses droits fondamentaux
qui constituent la « vérité sur l’homme ».

Le contenu de la DSE: Il récapitule la connaissance de l’homme, de


l’humanité et de la société. Reflète l’homme complet, l’homme social
comme sujet déterminé et réalité fondamentale de l’anthropologie
chrétienne.
Il ne suffit donc pas de promouvoir l’être humain, il faudrait bien le
penser ; le considérer intégralement et adéquatement.

La personne humaine « adéquatement considérée » est la


conception de la personne humaine telle qu’elle ressort de
l’examen de la raison éclairée par la foi. La personne
humaine est considérée de manière intégrale et adéquate
lorsqu’elle est perçue comme un sujet historique et
corporel, en relation avec le monde, les autres, les
structures sociales et Dieu, et à la fois unique et originale
tout en étant fondamentalement égale à toute autre
personne.
Pour promouvoir dans une perspective
chrétienne la « dignité de la personne humaine »,
la doctrine sociale de l’Eglise a formulé des
principes permanents et valeurs fondamentales.
 Les principes permanents :

La dignité de la personne humaine (principe de base)


Les droits de l’homme
Le rapport personne-société
Le bien commun
La solidarité et la subsidiarité
La conception organique de la vie sociale
La participation
Destination universelle des biens de la terre.
 Les valeurs fondamentales :

La vérité
 La liberté
La justice
La paix
Les Valeurs pour le développement
La charité ou l’amour chrétien
Conclusion

Le fondement des différents droits de l’Homme et de leur lien commun est désigné dans
l’Article 1 (de la Déclaration Universelle des Droits de l’Homme de 1948) comme étant «
la dignité humaine ». Les Droits de l’Homme sont au pluriel mais la dignité de l’homme
est toujours au singulier. La dignité humaine est une et indivisible. Elle n’existe pas plus
ou moins : elle est tout entière ou elle n’est pas. Elle désigne la qualité d’être homme,
comme les différentes religions et philosophies se la sont toujours représentée. La dignité
humaine exclut, dans tous les cas, la possibilité de soumettre l’homme à des traitements
qui mettent en question sa « qualité de sujet » (E. Kant). La dignité de l’homme est une et
indivisible et c’est pour cette raison que les Droits de l’Homme aussi sont un ensemble
auquel on ne peut ajouter ou dont on ne peut soustraire des éléments selon les besoins. En
tout état de cause, face aux flagrantes violations des droits humains, l’épaisseur du visage
d’autrui, soutiendrait Emmanuel Levinas, devrait être un discours qui déstabilise notre
quiétude.
Dans cette mesure la déclaration conclut que « l'Église demande instamment que le respect
de la dignité de la personne humaine, en toutes circonstances, soit placé au centre de
l'engagement pour le bien commun et de tout système juridique. Le respect de la dignité de
chaque personne est, en effet, la base indispensable à l'existence même de toute société qui
se veut fondée sur le droit juste et non sur la force du pouvoir » (Dignitas infinita, n° 64).
Il revient donc à chaque personne et, en même temps, à chaque communauté
humaine de réaliser la dignité humaine de manière concrète et effective, tandis que les
États ont le devoir non seulement de la protéger, mais aussi de garantir les conditions
nécessaires à son épanouissement dans le cadre de la promotion intégrale de la personne
humain. En effet, « la vie, c’est la seule chose que ‘homme peut défaire et qu’il ne peut pas
refaire » (Rue case Nègre).
Aujourd'hui encore, face à tant de violations de la dignité humaine qui menacent
gravement l'avenir de l'humanité, l'Église encourage la promotion de la dignité de toute
personne humaine, quelles que soient ses qualités physiques, mentales, culturelles, sociales
et religieuses. Elle le fait avec espérance, certaine de la force qui découle du Christ
ressuscité, qui a révélé dans sa plénitude la dignité intégrale de tout homme et de toute
femme. (Dignitas infinita, n° 66).

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