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Les opérations de fusions-acquisitions

sont-elles créatrices et destructrices de


valeur ?
SOMMAIRE

I. Partie 1 : les relations théoriques entre création de valeur et fusion-acquisition


et le problème de leur mesure
A. Les opérations de fusions-acquisitions : présentation théorique.
B. Le concept de création de valeur
C. Les motivations à l’origine des fusions-acquisitions, les inconvénients et
potentiels obstacles lors de leur mise en œuvre
D. La mesure de la relation entre création de valeur et fusions-acquisitions.

II. Partie 2 : partie empirique.


A. Les différentes études mentent pour les points suivants, d’autres exemples
peuvent être sélectionnés.
B. AOL-Time Warner
C. Air France - KLM
D. Le cas Total
E. Le cas Rhodia – Chirex
F. Le cas BNP Paribas

Introduction

Le domaine des fusions et acquisitions d’entreprises a toujours été attractif et


résilient en France malgré les différentes crises traversées. La récession liée aux
conséquences de la crise sanitaire en 2020 n’a pas duré. Selon Pierre Hudry, cadre
hiérarchique chez Goldman Sachs France ; la fusion-acquisition est une activité en
forte croissance au sein de l’hexagone. De nombreux acteurs (entreprises) sont en
pleine stabilisation budgétaire en retrouvant des bases financières solides. De facto,
elles ont aussitôt repris leurs activités dès le mois de mai sur les marchés nationaux
et internationaux1. Ce dynamisme a impacté tous les secteurs d’activités passant de
l’audiovisuel (fusion TF1-M6) au marché domestique de l’eau (fusion Veolia-Suez 2)
sans oublier les télécommunications3. La tendance est similaire pour les transactions
internationales impliquant de grands groupes français comme par exemple la
proposition financière d’Alstom pour l’absorption du département ferroviaire de
l’entreprise canadienne Bombardier. Les transactions effectuées entre ces grands
groupes s’élèvent en milliards d’euros et preuve du dynamisme du marché
domestique français des fusions, le montant cumulé des transactions de fusions
d’entreprises en France s’élève à 204 milliards d’euros. Retenons que les fusions de
sociétés en France constituent une activité attractive et dont le potentiel de
croissance est important grâce à l’avènement du numérique. Ce dernier engendre
des transformations sur l’ensemble de l’économie. Par exemple, le cabinet français
de fusions de sociétés digitales Ecap Partner spécialisé dans le « middle-market deal

1
Drif,A(2021).Fusions-acquisitions : la France, un terrain de chasse très prisé.
https://www.google.com/amp/s/www.lesechos.fr/amp/1277742.
2
Bourbon, J-C(2021). Veolia Suez : la commission européenne donne son feu vert.
https://www.google.com/amp/s/www.la-croix.com/amp/1201190309.
3
Yahoo finance(2022). Fusions TF1-M6 : pourquoi Altice Media est bien placé pour rafler TFX et 6ter.
https://www.google.com/amp/s/fr.finance.yahoo.com/amphtml/actualites/fusion-tf1-m6-pourquoi-altice-
150014022.html.
size » a piloté et finalisé pour plus de 900 millions d’euros de transactions
financières4 (sur l’année 2022) en intégrant le fait qu’une majeure partie des
transactions est dédiée aux opérations de fusions d’entreprises digitales. Par
« middle-market deal size », il s’agit des transactions de fusions de petites et
moyennes entreprises numériques. Au cours de la semaine du lundi 6 juin au
vendredi 10 juin 20225, le cabinet a conclu plus de 18 opérations de fusion
d’entreprises. Il s’agit principalement de grands groupes absorbant de petites ou
moyennes structures. Par exemple, le groupe Crédit Mutuel Arkea a absorbé une
startup nommée Liberkeys, une « agence immobilière digitale »6. Ces exemples
prouvent que le dynamisme autour des fusions d’entreprises en France concerne
toutes les entreprises, quels que soient leur taille, leur typologie, leur domaine. En
plus de contribuer à la modernisation d’un marché via sa restructuration, les fusions
d’entreprises offrent généralement des avantages en matière de compétitivité,
d’optimisation des coûts et sur le plan administratif. Ce sont ces deux derniers
aspects qui attirent particulièrement notre attention, car nous savons que dans le
cadre de la loi finance de 20197, le gouvernement français par le biais du ministère
de l’Économie et des Finances a entrepris des mesures d’allègement fiscal à
l’échelle macroéconomique (des sociétés) offrant une réduction significative de 20
milliards d’euros aux entreprises 8. Ce montant constitue un cumul et nul doute que
dans ces 20 milliards, des mesures d’exemptions fiscales ont été mentionnées pour
des raisons stratégiques : favoriser le dynamisme des grands fleurons de l’industrie
française dans une économie en plein bouleversement et dynamiser également
l’essor du numérique au sein du marché domestique français (pour les entreprises
de diverses tailles).

De manière plus concise et vulgarisée, les fusions c’est-à-dire l’absorption (ou


l’acquisition) d’une entreprise par une autre, sont sujettes à des facilités fiscales de
l’État. L’intérêt de notre mémoire consistera à étudier l’ambiguïté des
réglementations liées à ces facilités fiscales accordées aux fusions d’entreprises.
Certes, elles contribuent au dynamisme des secteurs d’activité, mais certaines
réglementations (par exemple, émanant de la Commission européenne) peuvent
prêter à confusion : dans quelle mesure les fusions-acquisitions sont-elles
génératrices de valeur ajoutée ?

La connaissance de la fusion d’entreprises, son fonctionnement et ses normes


juridiques est un prérequis inconditionnel pour comprendre les apports qualitatifs et
quantitatifs de cette opération financière courante au sein des économies de marché.
Les enjeux du XXIème en matière de responsabilité éthique des entreprises
impliquent la nécessité d’analyser la résilience, du régime fiscal des fusions à ces
enjeux (RSE/ESG) qui n’épargnent aucun secteur d’activité. J’en veux pour preuve la

4
https://www.ecap-partner.com/company-sale/..
5
https://www.ecap-partner.com/company-sale/..
6
Perreau,C(2022). Proptech : liberkeys racheté par Crédit Mutuel Arkea.
https://business.lesechos.fr/entrepreneurs/transmission-entreprise/0701729580857-la-proptech-
liberkeys-rachetee-par-credit-mutuel-arkea-348500.php.
7
Loi de finances 2019.
https://www.google.com/url?sa=t&source=web&rct=j&url=https://www.legifrance.gouv.fr/jorf/id/
JORFTEXT000037882341&ved=2ahUKEwjM_p7Zv674AhUOQhoKHcqHCykQFnoECAsQAQ&usg=A
OvVaw3PR7nPCLfrP_NKD1Fsxe9v. .
8
Honoré, R(2018). Budget 2019 : Macron veut remettre son pari fiscal au centre du débat.
https://www.google.com/amp/s/www.lesechos.fr/amp/139759.
crise des subprimes 2008-2009 qui a durement impacté les fusions-absorptions,
fusions par création d’entités nouvelles, résulte de pratiques non conformes aux
values éthiques. Cette crise a constitué un tournant au sein de l’opinion publique
internationale voire un précédent : les pratiques des acteurs de la finance (les
entreprises participant à un projet de fusions-absorptions…) sont réglementées de
près. De plus, les législations accordant des baisses ou exonérations fiscales à
certaines entreprises (notamment multinationales) sont très attentivement scrutées
au nom de l’équité fiscale. Ces thématiques seront passées en revue à travers les
diverses études de cas de la partie empirique.

I. Les relations théoriques entre création de valeur et fusion-acquisition et


le problème de leur mesure

A. Les fusions-acquisitions : définition, explication

Une fusion d’entreprises est une transaction au cours de laquelle une ou plusieurs
entreprise(s) transmettent la totalité de leurs actifs à une entreprise effective ou à
une entreprise nouvellement conçue dans le cadre de cette transaction. Il s’agit
d’une transaction au cours de laquelle des entreprises s’associent en une même
entité. Cela implique de facto la conception d’une nouvelle entité résultant du
regroupement de plusieurs entreprises existantes engendrant la disparition
(marketing et administrative) des entreprises absorbantes ou l’acquisition simple
d’une entreprise par une autre sous forme d’absorption.
On peut matérialiser cette définition en 2 formes de fusions :
• La fusion-absorption est le transfert de la totalité des actifs d’une ou plusieurs
entreprises, qualifiée(s) d’entreprise(s) absorbée(s) à une autre, nommée
« entreprise absorbante ». Dans le milieu de la finance d’entreprise, on
emploie l’expression « fusion-acquisition ». La transaction peut viser :
- une augmentation de capital via une contribution en liquidités pour
l’entreprise acquéreur,
- une insertion administrative de l’entreprise absorbée, soit une
incorporation de ses actionnaires au sein du conseil d’administration de
la société acquéreur. Ils deviennent de facto actionnaires de la société
acquéreur (ou absorbante).
• La fusion par création d’une nouvelle entité est une fusion impliquant au moins
deux entreprises afin de créer une nouvelle entité. Le groupe Altice a été créé
via ce modèle, en regroupant les activités de SFR, Next Radio TV (BFMTV,
RMC,…), Altice Media (comprenant plusieurs groupes de presse). Les
dividendes sont rétribués par les actions de la nouvelle entité. Cette dernière
doit d’ailleurs se conformer aux normes et réglementations relatives à son
statut juridique.

Comme cela a été brièvement énoncé en introduction, une opération de fusion


d’entreprises permet potentiellement l’augmentation des parts de marchés pour
l’entreprise acquéreur et/ou l’accès à de l’innovation supplémentaire, aux procédés
de production ou livraison de services de l’entreprise annexée. Cette transaction peut
aussi être une stratégie pécuniaire d’optimisation des coûts de production, ce qui
peut expliquer les séries de licenciements économiques faisant suite à une opération
de fusion-absorption entre deux groupes. Cela est encore d’autant plus vérifié si
l’entreprise absorbée est en difficulté financière. Enfin, il y a également des intérêts
administratifs et fiscaux à conclure une telle opération pour l’entreprise absorbante et
la structure absorbée.

Méthodologie des fusions d’entreprises (opérations de restructuration).

Schématisation de l’opération.

Les étapes de fusion-acquisition (cabinet Céliance)

Une opération de fusion-acquisition réussie est une opération bien structurée qui
intègre de nombreux paramètres, le droit et la politique de la concurrence, le régime
fiscal des valeurs mobilières, le droit des entreprises, les données financières et
fiscales, les tendances concurrentielles sur le marché.

Une affaire de fusion-acquisition typique comprend les 10 étapes suivantes :


• Élaborer une stratégie de transaction, justifier l’attractivité de l’entreprise
potentiellement absorbée ou à absorber. Définir les critères d’acquisition.
• Identifier en amont les paramètres des entités potentiellement absorbées ; les
performances financières, données géographiques, clientèle …
• Recherche des entreprises potentiellement achetables c’est-à-dire veille
financière, données économiques et sociales sur la base des recherches
effectuées.
• L’acquéreur potentiel entre en contact avec les structures conformes à ses
attentes et recherches (évaluées à fort potentiel technique et financier). La
finalité de cette première prise de contact est l’approfondissement des
recherches effectuées, voire la vérification de ces dernières. Enfin, il s’agit
d’évaluer si l’entité finalement convoitée est vraiment apte pour une opération
de fusions d’entreprises. Cette démarche se fait dans une stricte
confidentialité.
• Si les premières prises de contact sont conformes aux attentes de l’acquéreur
potentiel, ce dernier doit précisément dresser une estimation financière de la
société convoitée. Pour cela, des informations d’ordre administratif, financier
sont requises pour déterminer plus aisément la faculté de société cédante à
digérer une opération de fusion (s’assimiler à une opération de fusion).
• Entrée dans la phase de négociation après obtention des diverses
informations requises et nécessaires. Formulation d’une offre d’acquisition
officielle.
• La due diligence est une procédure postvalidation de l’offre financière par
l’entité future absorbée. Elle a pour objectif de confirmer ou rectifier la valeur
de la société absorbée puis d’effectuer une analyse financière considérant le
patrimoine, la clientèle, la gestion des ressources humaines et toutes les
informations similaires de l’entité sur le point d’être absorbée.
• Le traitement des modalités liées à la cession post due diligence. Il s’agit de la
conclusion et mise en œuvre contrat de vente, élément essentiel futur contrat
de fusion ; les acteurs concernés s’accordent sur les modalités de cession du
patrimoine de l’entreprise en phase d’être absorbée.
• Définir les outils de financement de la transaction en amont ou en aval de la
validation du contrat de fusion.
• La due diligence est terminée, l’analyse financière et les contrats de fusion le
sont également. Les deux entités concernées peuvent désormais s’associer
pour discuter des conditions d’actionnariat, du fonctionnement de la société
acquérante post-acquisition.

Sur la base de ces 10 étapes décrivant les transactions d’une opération de fusion -
acquisition, nous allons étayer le fonctionnement de la « due diligence » financière,
soit l’étude des données financières relatives à l’entreprise en phase d’être cédée.

1. Réglementations et normes domestiques juridiques de l’opération de


fusion d’entreprises

En référence à la section législative du code de commerce (Article L110-1 à L960-4),


il y a plusieurs normes juridiques auxquelles les acteurs d’une transaction de fusion
d’entreprises doivent se conformer :
• Le transfert de l’intégralité du patrimoine de l’entreprise soit l’intégralité du
capital (ses passifs comme ses dettes) est transmise à l’acquéreur. Cette
transmission de patrimoine génère une hausse du bilan (actifs) de l’entité
acquérante. Cela résulte de la contribution des actifs autres que pécuniers de
l’entreprise annexée. Les normes juridiques liées aux contributions d’actifs
non pécuniers font foi et le recours à un commissaire à la fusion est fortement
recommandé.
• Les associés doivent aisément obtenir le titre d’actionnaire de l’entreprise
acquéreur (absorbante), conformément aux modalités définies dans les
termes du contrat de fusion.
• La « soulte », ce terme est mentionné en introduction dans le cadre de la
définition du régime lié à la fiscalité des fusions selon l’article 210 A du Code
Général des Impôts. On appelle la « soulte », le montant d’une somme
pécuniaire prévue dans le contrat de fusion versé à destination des
actionnaires de l’entité annexée. Le montant de la soulte ne doit pas dépasser
10 % de la valeur nominale des actions affectées.
• Les conditions d’initiative de conclusion de la fusion émanent de la volonté
des entreprises intéressées et conformément aux exigences liées au
changement de leur statut juridique. Par ailleurs, si la transaction implique la
création d’une nouvelle entité, cette dernière devra être créée selon les
normes relatives à sa forme juridique.

2. Réglementations et normes juridiques (internationales) en matière de


fusion d’entreprises

Dans l’Union européenne : Dans le cadre d’une fusion par absorption, cela
fonctionne de manière similaire à la réglementation française, l’entreprise absorbante
reçoit l’intégralité du patrimoine de l’entité absorbée. Une émission d’actions à
destination des actionnaires nouvellement incorporés s’impose en contrepartie du
patrimoine reçu. Le versement de la « soulte » est à prévoir. Dans le cadre d’une
fusion par création d’une nouvelle entité, la structure nouvellement créée émet des
actions d’une valeur équivalente au capital des sociétés ayant transmis leur
patrimoine et cette émission est effectuée à destination et au bénéfice des
actionnaires des entités ayant cédé leur patrimoine. La valeur des titres doit être
égale au capital de ces entités au moment de la transaction. Le versement d’une
« soulte » est à prévoir. Les entités qui ont cédé leur patrimoine suppriment
automatiquement leur existence administrative sans qu’aucune démarche de la part
des responsables ne soit exigée.

Que ce soit dans le cadre de l’officialisation du dossier de fusion ou l’accord général


des entités concernées par le projet de fusion, ces procédures doivent être validées
lors « d’assemblées générales » réunissant toutes les parties prenantes du projet
(préparation de rapports en amont nécessaire). Pour ce qui est de l’officialisation du
projet, il faut qu’elle soit effectuée au minimum un mois avant la date de la réunion
en vue d’obtenir l’approbation du projet de fusion par les diverses parties prenantes.
Un support numérique dédié aux projets de fusion dans l’Union européenne est mis
à disposition dans le cadre de la publication. Lors de la réunion nommée
« assemblée générale », la totalité des sociétés concernées doit valider officiellement
le projet commun de fusion lors d’une assemblée générale. Les sociétés sont
autorisées à conditionner leur approbation de l’opération de fusion à la prise en
charge d’une partie ou l’intégralité des employés dans l’entité nouvellement créée
(fusion par absorption/fusion par entité nouvellement créée). La présence de l’entité
absorbante à l’assemblée générale n’est pas obligatoire sous réserve de
l’approbation des autres sociétés concernées et de la lisibilité/compréhension par les
actionnaires de certains éléments techniques relatifs à la fusion (rapport relatant des
données comptables des entreprises concernées par la fusion).

B. Le concept de création de valeur


Dans le monde de l’entreprise, on peut définir le concept de création de valeur (voire
valeur ajoutée) par l’intensification de la productivité d’une entreprise de sorte que
les résultats financiers soient le plus performants possible afin de rétribuer
convenablement les actionnaires, payer les éventuelles dettes. L’objectif d’une
croissance pérenne est atteint si et seulement si les investissements consentis sont
nettement rentables c’est-à-dire largement les bénéfices générés sont largement
supérieurs au coût du capital investi. Ainsi, la vocation des entrepreneurs, des
managers, est de parvenir à terme à produire de la richesse bénéficiant aux
partenaires et actionnaires de l’entreprise.
Pour le ministère de l’Économie des finances et de la souveraineté industrielle et
numérique9, la valeur ajoutée est la richesse générée au cours de l’activité de
l’entreprise. Il s’agit du surplus de valeur généré par l’activité de l’entreprise, la
mobilisation des capitaux (humains, matériels…), l’incorporation des produits et
services nécessaires au processus de production. La valeur ajoutée est répartie
entre les salaires (ou rétribution du travail), la rétribution des actionnaires, et
prélèvements obligatoires (fiscalité).

C. Les motivations à l’origine des fusions-acquisitions, les inconvénients et


potentiels obstacles lors de leur mise en œuvre

Les fusions-acquisitions sont très pratiques au sens où elles apportent des titres à
part entière (apport entier de titres) ou de manière partielle (apport partiel d’actif).
Toute fusion s’étudie comme un rassemblement au sein d’une même entreprise des
actifs et des dettes de deux entreprises. Dans les domaines juridiques et fiscaux,
cette opération est définie en tant qu’apport d’actifs sous déduction des dettes,
rémunéré par émission de nouvelles actions réparties entre les actionnaires de la
société acquise. Dans le cadre de l’apport entier de titres, un investisseur (caution
physique ou morale) peut apporter ses actions d’une entreprise lambda vers une
entreprise bêta et recevoir des dividendes de la société bêta. Dans cette
configuration, les sociétés bêta et lambda sont préservées, bêta devenant une
entreprise filiale de lambda. Les actionnaires de lambda qui ont investi dans bêta
sont désormais des actionnaires de bêta. Le processus s’apparente à une cession
économique et financière de la totalité ou d’une partie des parts d’action de
l’entreprise bêta et d’une hausse des actifs de l’entreprise lambda. Le montant de
cette hausse d’actifs équivaut à la part réservée aux actionnaires de bêta. Pour les
entreprises cotées en bourse, l’apport de capitaux s’apparente à une offre publique
d’échange (OPE). Dans le cadre d’un apport partiel d’actifs, c’est-à-dire
l’investissement par l’entreprise alpha dans une entreprise bêta, d’une partie de son
capital. En contrepartie, l’entreprise alpha reçoit les éventuels dividendes des titres
émis par l’entreprise bêta. Ces explications supposent que la volonté d’une opération
de fusion-acquisition (exhaustive ou partielle) est l’apport de capitaux nouveaux
c’est-à-dire de financements ou liquidités pour l’entreprise absorbée. Il s’agit
également de bénéficier éventuellement d’une nouvelle réorganisation de sa
structure. Pour l’entreprise apporteuse de capitaux, il s’agit de détenir de nouveaux
actifs, accroître de facto la taille du bilan, bénéficier du savoir-faire de l’entreprise
absorbée entièrement ou partiellement (par exemple transfert de technologie…) et se
repositionner sur le marché de prédilection. Aussi, la propension d’une entreprise

9
Ministere de l’économie des finances de la souveraineté industrielle et numérique (2018). La valeur
ajoutée, qu’est ce qu’est ? https://www.economie.gouv.fr/facileco/definition-valeur-ajoutee#.
acquérante à vouloir réorganiser la structure des entreprises absorbée peut parfois
engendrer des tensions internes (capital humain, organisation du travail…) 10.

L’Union européenne11 exige par ailleurs que la fusion soit certifiée par les autorités
compétentes en la matière dans chaque pays membre (ce qui demeure une
formalité). Cette certification garantit la légalité du projet de fusion et demeure un
préalable avant toute exécution de l’opération. Il en est de même pour la nouvelle
entité créée post-fusion (de plusieurs sociétés) et/ou l’entité absorbante. Cette
diligence exigée de l’Union européenne n’est qu’une formalité, car elle est déjà
effectuée (en France) lors du dépôt du projet de fusion au greffe du tribunal. Ainsi,
lors de la fusion entre le groupe de distribution Carrefour et l’enseigne biologique Bio
c’bon annoncée en 2020, l’autorité de la concurrence a mis un an (fin 2021) avant
d’approuver l’acquisition par Carrefour d’une centaine de magasins de l’enseigne
biologique Bio c’bon. Cette approbation fut accompagnée d’une contrainte de céder
8 magasins Carrefour au nom d’une concurrence équitable sur le marché de la
grande distribution12. Les fusions des grands groupes sont l’une des rares opérations
où l’Union européenne interfère concrètement et se démarque des autorités
nationales. En effet, les fusions de grands groupes dont les chiffres d’affaires sont
d’un ordre de grandeur conforme (par exemple de plusieurs centaines de millions
d’euros ou des milliards d’euros) à une multinationale sont soumises au contrôle et à
l’approbation ou refus de la Commission européenne. Cela vaut aussi bien pour une
transaction d’une société domiciliée dans un pays membre de l’Union européenne
opérant un projet de fusion avec une société d’un pays non membre que deux entités
domiciliées dans des États membres de l’Union européenne. L’avis définitif de la
commission est conditionné aux conséquences de la transaction de fusion
d’entreprises sur la compétitivité au sein de l’Union européenne, notamment la
faculté d’une telle fusion à fragiliser ou non de manière conséquente le marché de
l’Union européenne. Si cela est avéré alors le projet de fusion sera rejeté. D’autres
fusions sont approuvées sous réserve de céder une partie du patrimoine constitué
et/ou encore un brevet technologique à une entreprise concurrente du marché
européen. Cela s’effectue dans la configuration où la commission juge la fusion
« partiellement menaçante » pour la concurrence du marché UE et elle procède de
facto à un rééquilibrage via l’imposition de cette condition.

Cependant, cet interventionnisme occasionnel est parfois problématique pour


certains États : dans sa volonté de garantir une concurrence stricte, la Commission
européenne peut bloquer un projet de fusion d’entreprises pour empêcher une
configuration de position dominante extrême au risque d’avoir des pratiques
abusives envers les consommateurs et la concurrence de taille modeste. La fusion
de plusieurs entités en un conglomérat puissant n’est en rien illégale ou immorale.
Néanmoins, il y a risque que l’on pourrait qualifier d’intrinsèque au marché qu’une
telle corporation soit en situation de quasi-monopole ou oligopole (c’est-à-dire en
position de nuire aux consommateurs et à la faible concurrence). Le conglomérat est
la coalition de plusieurs entités fusionnant pour créer une nouvelle firme ou
10
Le Fur,Y,Quiry,P(2019). Pierre Vernimmen Finance d’entreprise. Éditions Dalloz
11
Toute l'Europe.eu (2021). Concurrence : comment la commission européenne contrôle t’elle les
concentrations d’entreprises ? https://www.google.com/amp/s/www.touteleurope.eu/economie-et-
social/le-controle-des-concentrations/amp/.
12
Harel,C(2021). Rachat de Bio C’ Bon : l’autorité de la concurrence concurrence demande à
Carrefour de céder 8 magasins. https://www.lsa-conso.fr/rachat-de-bio-c-bon-l-autorite-de-la-
concurrence-demande-a-carrefour-de-ceder-8-magasins,390436.
lorsqu’une entité en rachète une autre. Les conglomérats ont plusieurs avantages
notamment en matière de gains de productivité matérialisés par l’optimisation des
coûts de production, mutualisation des départements de recherche et
développement, etc. Elles rendent encore plus aisée la production de biens et de
services en grande quantité et à moindre coût, et contribuent indirectement à
stimuler la concurrence en incitant les acteurs du marché à se réinventer pour
exister. C’est en ce sens qu’il existe une situation paradoxale dans cette
réglementation européenne en matière d’abus de position dominante. Elle a certes
pu équilibrer des situations inéquitables sur les marchés, mais a certainement été
une entrave à la création d’entités très compétitives qui auraient sans aucun doute
restructuré le marché. Cet interventionnisme anti-position dominante est basé sur
règlement n°4064/89 et surtout le règlement n° 139/2004 qui constitue la version la
mieux élaborée et ajournée. Parmi les exemples médiatisés de fusions-absorptions
avortées, il y a le cas d’Alstom et Siemens (acquisition du premier par le second)
dans le marché de conception de matériel ferroviaire de pointe. Cette fusion aurait
permis à l’Union européenne de disposer d’un acteur d’envergure mondiale capable
de concourir à l’international et également générer une pression positive sur les
acteurs de dimension plus modeste du marché européen (UE). Néanmoins, ces
arguments présentés n’ont pas suffi à convaincre la commission. Dans un tout autre
registre, la commission a validé la fusion-absorption du groupe canadien Bombardier
par Alstom (introduction) sous réserve d’une cession partielle du patrimoine. Cette
politique de la Commission européenne de régulation des fusions et acquisitions des
grandes entités crée une frustration généralisée chez les acteurs européens, qui sont
de facto affaiblis face à la concurrence internationale notamment chinoise et/ou
américaine. À titre informatif, l’Union européenne veille depuis 1992 à effacer les
barrières fiscales pouvant nuire à la fluidité et au développement des opérations de
fusion d’entreprises. La directive initiale de 1990 en matière de fusion d’entreprises
(directive 90/434/CEE relative au régime fiscal applicable aux fusions). Cela explique
en partie les raisons pour lesquelles l’Union européenne ne semble pas trop
s’interférer dans les réglementations domestiques des États membres, surtout
lorsque celles-ci sont établies dans une finalité de créer un environnement favorable
à la croissance des fusions d’entreprises. Les entreprises concernées par ces
directives sont enregistrées et domiciliées dans un État membre de l’Union
européenne et subordonnées à l’impôt sur les sociétés (voir Article 3 sur la directive
90/434/CEE du conseil concernant le régime fiscal commun applicables aux fusions
d’entreprises).

D. La mesure de la relation entre création de valeur et fusions-acquisitions

Méthodologie d’estimation de la création de valeur ajoutée 13.

Dans une logique naturellement mercantile, les investisseurs effectifs ou potentiels


tels que les actionnaires, les créanciers d’une entreprise veulent obtenir des
certitudes rationnelles sur la faculté d’une entreprise à créer des projets à forte
valeur ajoutée. L’obtention de ces certitudes est un préalable inconditionnel. La
finalité est de facto l’obtention d’un bénéfice, un excédent satisfaisant en
comparaison au coût des capitaux propres investis. Le calcul de cette valeur
excédentaire est conditionné à une supériorité de la rentabilité de l’actif économique
13
Ooreka comptabilité(2023). Analyse de la performance d’une entreprise.
https://comptabilite.ooreka.fr/astuce/voir/578447/creation-de-valeur.

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