Expertise Collective Loup 04.04.2017
Expertise Collective Loup 04.04.2017
Expertise Collective Loup 04.04.2017
DEMARCHE D’EVALUATION
PROSPECTIVE A L’HORIZON
2025/2030 ET VIABILITE A
LONG TERME
7 Mars 2017
Président du Panel : LE MAHO Yvon.
1
Table des matières
I. INTRODUCTION : CADRE DE L’EXPERTISE ................................................................................................. 4
2
a. Un taux de survie « plancher » à surveiller .......................................................................................... 51
b. Suivi de l’aire de répartition sur le territoire national .......................................................................... 52
c. Une vision adaptative nécessaire pour le processus de décision ......................................................... 53
3. VIABILITE, DEVENIR DE LA POPULATION DE LOUPS ET GESTION DES ATTAQUES AUX TROUPEAUX ..................................... 56
GLOSSAIRE ........................................................................................................................................................... 60
BIBLIOGRAPHIE...................................................................................................................................................... 63
FIGURES ET TABLEAUX............................................................................................................................................. 73
ANNEXE 1 ............................................................................................................................................................ 75
ANNEXE 2 ............................................................................................................................................................ 80
3
Démarche d’évaluation prospective de la situation du loup en France à l’horizon 2025/2030 et à long terme
L’avis rendu dans cette expertise porte donc exclusivement sur les aspects biologiques de la
conservation et de la déclinaison opérationnelle en termes de cadre de gestion d’une population de
loups en France.
Cette expertise collective concerne la population française de loups, sauf mention contraire
le cas échéant, notamment sur la question de la viabilité génétique en lien avec la population
italienne.
2. Organisation
4
Démarche d’évaluation prospective de la situation du loup en France à l’horizon 2025/2030 et à long terme
François Sarrazin : Professeur, Université Pierre et Marie Curie, UMR 7204 Centre
d’Ecologie et des Sciences de la Conservation, président du conseil scientifique de la Fondation pour
la Recherche sur la Biodiversité. Expert en restauration et suivi de populations.
Une population de loups peut schématiquement se résumer en trois composantes (Mech &
Boitani 2003) : a) des animaux en meutes, territoriaux, et qui, pour l’essentiel, vivent sur un domaine
de 200 à 300 km² environ (ordre de grandeur mesuré en France, ONCFS 2008) ; b) les individus en
dispersion*1, venant de quitter leur meute de naissance et qui peuvent parcourir des distances
considérables de manière erratique avant de se sédentariser (Kojola et al. 2006) ; c) des animaux
isolés et sédentarisés après avoir quitté leur meute d’origine, moins territoriaux qu’une meute en
termes de défense passive (marquage olfactif) et précurseurs potentiels de l’installation d’une
nouvelle meute. Les probabilités pour que, dans un pas de temps donné, un individu en dispersion*
se sédentarise, qu’il soit rejoint par un animal de sexe opposé et que ces individus fondent une
meute, ne sont pas connues.
L’unité démographique principale d’une population de loups est donc la meute. Elle est
structurée autour d’un couple reproducteur et de ses descendants. La taille du groupe peut varier de,
2 à 10 animaux environ en hiver pour les plus grosses meutes détectées en France (cf. exemple
Figure 1). La taille des groupes varie également au sein d’une année donnée par le jeu des
naissances, de la mortalité et de la dispersion*1 de printemps et/ou d’automne des subadultes.
1
Les termes avec un astérisque sont définis dans le glossaire
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Démarche d’évaluation prospective de la situation du loup en France à l’horizon 2025/2030 et à long terme
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VésubieTinée
EMR (taille de groupe détectée) 10 Vésubie Roya
0
92/93
93/94
94/95
95/96
96/97
97/98
98/99
99/00
00/01
01/02
02/03
03/04
04/05
05/06
06/07
07/08
08/09
09/10
10/11
11/12
12/13
13/14
14/15
15/16
Hiver
Figure 1 Variation annuelle de la taille de groupe de 2 meutes voisines sur le massif du Mercantour, mesurée
par l’EMR (nombre minimum d'animaux se déplaçant ensemble en période hivernale), détectée par pistage et
observations visuelles. Source : Réseau Loup-Lynx.
La superficie des territoires occupés par les meutes varie selon les conditions écologiques,
mais aussi, et de façon pas toujours distinguable, selon les méthodes de suivi utilisées. De multiples
facteurs dont les conditions écologiques locales comme le type et l’abondance des proies (Mattisson
et al. 2013), mais aussi les méthodes mobilisées (télémétrie, ADN non invasif), ou la pression
d’observation, engendrent ainsi une forte variabilité des superficies mesurées pour un territoire de
meute. Ces dernières varient de 150 km² (Kusak et al. 2005) à plus de 1600 km² (Mattisson et al.
2013). En Italie, l’estimation du domaine vital moyen d’une meute réalisée en différents endroits
varie de 200 km² à partir de données télémétriques de géo localisation (Ciucci et al. 1997), à
seulement 75 km² à partir d’analyses sur fèces de l’autocorrélation spatiale* des distances
génétiques entre loups détectés (Caniglia et al. 2014). A noter que dans ce dernier cas, les auteurs
signalent qu’il s’agit plutôt du « cœur de meute » et pas du « domaine vital », et que leurs résultats
peuvent être sous-évalués par le processus d’échantillonnage des excréments collectés sur le terrain.
Il n’existe pas de travaux comparant en même temps les effets sur l’estimation de superficie occupée
par une meute, des facteurs écologiques et des biais induits par les méthodes utilisées. Il n’est dès
lors pas possible, à partir de la littérature scientifique disponible, d’identifier de manière formelle,
quelle part de la variation observée d’une étude à l’autre dans les superficies occupées par les
meutes, est due aux simples différences de méthodes utilisées (notion de confusion de facteurs). Ces
limites illustrent aussi la difficulté qu’il y aurait à estimer une capacité d’accueil à l’échelle d ‘un
territoire aussi vaste qu’un pays (en termes de nombre de meutes par exemple), un paramètre
pourtant essentiel dans les analyses de viabilité.
La meute, structure sociale territoriale, est aussi à l’origine des animaux en dispersion* du
fait que, souvent en lien avec la densité locale (e.g. Wabakken et al. 2015), ils l’ont quittée pour
coloniser de nouvelles zones, en parcourant des distances de parfois plusieurs centaines de
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Démarche d’évaluation prospective de la situation du loup en France à l’horizon 2025/2030 et à long terme
kilomètres tel que cela a été observé par le suivi d’animaux marqués (GPS) en Allemagne (Reinhardt,
comm. pers., Figure 2a) ou en Suède (Wabakken et al. 2007, Skandulv, comm. pers., cf. Figure 2b). Le
déterminisme conditionnant l’orientation et la distance de dispersion*, de même que la
sédentarisation des individus concernés ne sont pas encore expliqués, possiblement parce qu’aucun
facteur ne conditionne à lui seul ces paramètres. En particulier, la disponibilité alimentaire semble
peu explicative (cf. Larsen & Ripple 2006), probablement parce que la plasticité écologique de
l’espèce l’amène à pouvoir se nourrir à partir d’une très grande diversité de proies sauvages et
domestiques (cf II 1 b Régime alimentaire). . Il s’agit néanmoins, le plus souvent et majoritairement,
d’ongulés sauvages qui se trouvent par ailleurs être en abondance suffisante de manière assez
générale en Europe (de l’ordre de 18 millions d’animaux, Apollonio et al. 2010) pour subvenir,
quasiment partout, aux besoins énergétiques du prédateur. Pour ce qui est des ongulés en France, la
distribution large et l’abondance relativement importante de ces espèces sur la quasi-totalité du
territoire national, montrent que la disponibilité en proies potentielles ne constituent pas un facteur
qui pourrait à lui seul structurer la présence du loup à l’avenir, et ne permettent donc pas d’en
prédire l’expansion (cf. Réseau ongulé sauvage ONCFS/FDC 2015 et Figure 3).
a b
Figure 2 Exemples de distances parcourues par le loup en phase de dispersion* (suivi GPS/GSM) ; a) distance
équivalant à 800 km en ligne droite en Allemagne entre le 23/04 et le 12/10/2009 (I. Reinhard, Lupus
Consulting). b) distance équivalant à 1200 km en ligne droite en Suède entre le 12/02 et le 24/10/2014 (C.
Milleret, Skandulv).
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Démarche d’évaluation prospective de la situation du loup en France à l’horizon 2025/2030 et à long terme
b. Régime alimentaire
L’essentiel des espèces consommées par le loup gris sont des ongulés sauvages de taille
moyenne à grande (chevreuil, chamois, mouflons, cerfs, voire élans) mais aussi domestiques
(Zlatanova et al. 2014, Newsome et al. 2016). C’est particulièrement le cas là où des troupeaux ovins
à vocation de production viande sont élevés de manière extensive, et donc confrontés au risque de
prédation durant des périodes potentiellement assez longues dans l’année selon les dates de mise à
l’herbe (Garde et al. 2014).
En France, le régime alimentaire a été documenté via l’analyse des macro-restes détectés
dans les excréments après certification génétique loup ; cette méthode basée sur la microscopie
optique a été validée par comparaison avec des analyses ADN du régime alimentaire (Duchamp, non
publié). Le régime alimentaire de 9 meutes, sélectionnées selon la diversité de situations écologiques
et de présence des espèces proies potentielles sur l’ensemble des Alpes (Figure 4), a été étudié à
partir de 1357 excréments de loups, collectés et classés selon le pourcentage d’occurrence de l’item
principal consommé (Fluhr 2008). En moyenne, les ongulés sauvages constituaient 76% des cas
d’item principal consommé, les espèces domestiques 16% et tous les autres items 8% (Figure 5) ;
c’est à ce qui est observé de façon similaire ailleurs en Europe de l’Ouest (en Espagne : Barja 2009 ;
en Italie : Gazzola et al. 2005). Des cas de glissement du régime d’une proie majeure à une autre
entre années successives ont été observés, notamment entre mouflon, chamois puis chevreuil,
probablement liés à l’évolution du rapport entre abondance et difficulté de capture des espèces de
proies en présence du loup. La proportion d’excréments de loups composés en majorité de restes
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Démarche d’évaluation prospective de la situation du loup en France à l’horizon 2025/2030 et à long terme
d’espèces domestiques varie fortement selon les saisons (été-hiver), en lien avec la période à
laquelle le plus de troupeaux sont confrontés au risque de prédation dans la zone d’étude alpine
(transhumance estivale). Parmi les 9 meutes étudiées, une meute située dans une zone où les ovins
sont présents à l’extérieur tout au long de l’année a présenté un régime alimentaire annuel composé
de presque 50% de proies domestiques. Globalement, la prédation sur ces espèces domestiques
évolue d’une année à l’autre (nombre total annuel d’attaques aux troupeaux) de façon très liée à
l’augmentation de l’aire de présence du prédateur. Néanmoins, pour une année donnée, la
distribution de la pression de prédation est très hétérogène d’un troupeau à l’autre, y compris entre
troupeaux voisins (Saubusse et al. in prep, Hemery 2008, Karlsson & Johansson 2010). Les typologies
pastorales, le fonctionnement de la meute, le contexte géographique ou paysager, ou encore
l’expérience et la connaissance locale en matière de conduite de troupeaux, sont autant de facteurs
interactifs qui ont été identifiés comme pouvant moduler une partie des niveaux de prédation
(Plisson 2011). Tous les troupeaux localisés en zone de présence du loup ne sont pas touchés : on
dénombrait 1100 éleveurs touchés en 2015 au niveau national, pour environ 2900 éleveurs d’ovins
viande présents dans l’ensemble des Alpes source (source : DREAL RA). Parmi ceux dont le troupeau
a subi la prédation du loup, 43% avaient subi une seule attaque cette année-là, alors que 22% avaient
subi 5 attaques et plus. Une telle hétérogénéité spatiale des bilans de prédation entre élevages n’est
pas une spécificité française, mais a aussi été observée en Italie par exemple (Gazzola et al. 2008).
Figure 4 Régime alimentaire du loup en France (N= 1357 fèces), exprimé en nombre d’occurrences (axe
vertical) de la proie principale (axe horizontal) diagnostiquées dans le nombre donné d’excréments. NB : sur
l’axe horizontal, O.D. signifie ongulé domestique. (Source : Fluhr 2008).
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Démarche d’évaluation prospective de la situation du loup en France à l’horizon 2025/2030 et à long terme
Figure 5 Proportion des ongulés domestiques, des ongulés sauvages et autres proies consommées par le loup
sur 9 meutes françaises à partir de l’analyse de 1357 excréments analysés (Extrait de Fluhr 2008).
Disparue de France au milieu des années 1930 (De Beaufort, 1987), l'espèce a été détectée
comme de retour sur le territoire avec l’observation de deux individus le 4 novembre 1992, ce lors
d’un comptage d’ongulés à poste fixe dans le massif du Mercantour (Peillon & Carbone 1993). Rien
ne permet d’établir avec certitude qu’il s’agissait des deux premiers animaux en provenance de la
population italienne, cette dernière étant déjà en développement depuis plusieurs années, aussi bien
sur le plan des effectifs que de l’aire de présence (Boitani & Ciucci 1993). L’identification d’un loup,
tué par balle dans les Hautes Alpes ce même mois de novembre 1992 et caractérisé a posteriori
comme de lignée génétique italienne (Randi 2011), illustrait le fait que le processus de recolonisation
avait déjà commencé. Différents indices relevés sur le terrain ont rapidement fait naitre la suspicion
de présence d’un mâle et d’une femelle (Houard & Lequette 1994), puis d’une meute dès l’hiver
1993/1994 (Poulle et al. 1995). D’abord confiné à la seule zone de présence au sein du parc national
du Mercantour (Houard & Lequette 1994), le suivi de l’espèce s’est rapidement organisé pour en
documenter de manière fiable la colonisation in situ et au-delà (Dahier T et al. 2002, Duchamp et al.
2012, Liberg 2012, Liberg et al. 2012) pour une évaluation complémentaire). Le développement
(Valière 2002), puis l’utilisation massive des analyses génétiques non invasives* (Valière et al. 2003,
Miquel et al. 2006) ont permis de décrire les mouvements des animaux détectés, que ce soit au sein
des meutes ou en dispersion* (Wolf Alpine Group 2014). Fabbri et al. (2007) ont ensuite illustré la
fréquence des échanges génétiques entre le noyau central italien de présence historique du loup
10
Démarche d’évaluation prospective de la situation du loup en France à l’horizon 2025/2030 et à long terme
dans les Apennins et l’entité transfrontalière alpine (sensu Linnell et al. 2008), d’abord seulement
partagée entre France et Italie, mais qui s’étend désormais aussi à la Suisse et jusqu’en Autriche
(même lignée génétique dite italo-alpine). Ces analyses génétiques montrent que 8 à 16 individus
fondateurs sont a minima nécessaires pour expliquer la diversité génétique observée sur l’entité
alpine franco-italienne (Fabbri et al. 2007). La connexion génétique entre cette population et celle du
massif des Apennins a été estimée à environ 2,5 migrants dits « efficaces » (c’est-à-dire participant
au pool génétique de la population) par durée de génération, soit 4 à 5 ans chez le loup – (Mech et al.
2016). Ce contexte génétique est donc a priori plus favorable que celui de la population scandinave,
par exemple, confrontée à une importante dépression de consanguinité* (Liberg et al. 2005) à la
suite d’un fort goulot d’étranglement génétique, dû à trois individus fondateurs seulement et à un
taux d’immigration très réduit estimé à un migrant efficace toutes les deux générations en
provenance de la population source russo-finlandaise.
La population alpine transfrontalière fait l’objet d’un suivi standardisé entre les pays
concernés. Le Groupe Loup Alpin rassemble en effet des biologistes et des généticiens français,
italiens, suisses, allemands, slovènes et autrichiens. Le dernier bilan publié (Wolf Alpine Group 2014)
faisait état d’un ensemble de 40 meutes au printemps 2012, dont à peu près le même nombre en
France et en Italie, auquel s’ajoutaient 6 meutes transfrontalières entre ces 2 pays, une en Suisse et
une en Slovénie (de lignée génétique différente, dite « Europe de l’Est »). Un bilan actualisé est en
cours de rédaction par le groupe Loup Alpin, et fin 2015 étaient détectées : 35 meutes dans les Alpes
françaises, dont 4 transfrontalières avec l’Italie (Réseau Loup/Lynx 2016), 30 meutes dans les Alpes
italiennes (dont les 4 transfrontalières avec la France ; Marucco et al. 2016), 2 en Suisse et 10 à 12 en
Slovénie (Potocnik 2016), soit probablement de l’ordre de 70 meutes dans l’ensemble du massif alpin
transfrontalier. A noter que la dispersion* d’un mâle slovène a déjà conduit à la formation d’un
couple avec une femelle de lignée italienne et à l’installation d’une meute reproductrice de lignée
génétique mixte dans le nord-est de l’Italie (Ražen et al. 2016).
L'évolution du nombre de zones de présence dite permanente (ZPP) au cours du temps est
un indicateur pertinent du statut de conservation de la population (Figure 6). La ZPP définit une unité
sociale de un ou plusieurs loups occupant un territoire en période hivernale pendant au moins deux
hiver consécutifs (des animaux qui sont donc sédentarisés). Est considéré comme meute tout groupe
d’au moins deux individus territoriaux de sexes opposés, constatés reproducteurs au moins une fois,
ou tout groupe sédentarisé d'au moins trois animaux. Le dernier bilan hivernal disponible identifiait
49 ZPP en sortie d’hiver 2015-2016, parmi lesquelles 35 étaient constituées en meutes (Réseau
Loup/Lynx 2016). Lors de la phase d’installation dans les Alpes durant les 20 dernières années, le
nombre de ZPP a doublé tous les 5 ans. Actuellement, toutes les ZPP constituées en meutes, sauf une
(dans les Vosges), sont installées dans le massif alpin. Cette présence de groupes sédentarisés, ainsi
que celle d’animaux en dispersion*, est convertie en une typologie de cartographie annuelle,
distinguant une présence régulière d’une présence occasionnelle, telle que détectée sur le territoire
national, Figure 7a) et publiée en ligne annuellement (http://www.oncfs.gouv.fr/Cartographie-
ru4/Le-portail-cartographique-de-donnees-ar291). L’aire de présence détectée en France est
globalement en progression (Figure 7b) d’environ 10 % en moyenne par an (mini-maxi : 4%-21%).
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Démarche d’évaluation prospective de la situation du loup en France à l’horizon 2025/2030 et à long terme
Figure 6 Cinétique du nombre de zones de présence dite permanente des loups en France depuis l’hiver
1992/1993. Source : réseau Loup/Lynx, 2016.
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Démarche d’évaluation prospective de la situation du loup en France à l’horizon 2025/2030 et à long terme
Figure 7 a) Carte de la présence détectée du loup (mailles de 10x10 km) et b) tendance annuelle observée en
France en 2016. La classification en présence régulière ou occasionnelle est basée sur un critère de nombre
minimum d’indices et constats d’attaques validés par maille et par période de deux années biologiques
chevauchantes (voir www.oncfs.gouv.fr pour la méthode).
b. Situation à l’étranger
A partir d’un bilan récemment publié (Chapron et al. 2014), on peut distinguer trois types de
situation démographique des populations en Europe au sens des limites géographiques des pays
concernés :
En ce qui concerne plus précisément les pays voisins de la France (cf. Tableau 1), Chapron et
al. (2014) mentionnent 600 à 800 animaux en Italie en excluant la fraction alpine, estimée à une
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Démarche d’évaluation prospective de la situation du loup en France à l’horizon 2025/2030 et à long terme
vingtaine de meutes supplémentaires, et 2200 à 2500 pour la péninsule ibérique, dont 220 à 435
pour le Portugal. Des chiffres actualisés issus du plan national loup italien (MATTM 2017) font état
d’une population estimée entre 1070 et 2472 animaux (intervalle à 50%, i.e. entre quartiles 25% et
75%). Galaverni et al. (2016) l’estiment à 321 meutes pour un total minimal que ces auteurs estiment
à 1269-1800 animaux. En Suisse la présence de trois meutes est confirmée (KORA 2016), ainsi que
plusieurs individus en dispersion* pour un total évalué à environ 30 - 35 animaux localisés surtout
dans l’est et le sud de ce pays. En Allemagne, enfin, 40 meutes ont été dénombrées. Elles
appartiennent à la lignée génétique dite « Europe de l’Est » (NABU 2016), en continuité avec la
population polonaise. Durant les deux dernières années, deux échantillons (de salive relevée sur
proies) de cette même lignée ont été détectés non loin de la frontière franco-allemande, issus des
individus en dispersion* depuis la population localisée surtout dans les Länder de la partie orientale
de la population germanique. Aucun cas de dispersion* en provenance de la population espagnole,
c’est-à-dire de la lignée génétique dite « ibérique », n’a été pour l’instant documenté en France.
Tableau 1 Récapitulatif des effectifs estimés dans les pays limitrophes de la France.
Pays Effectifs Date Méthode Référence
Espagne 2200-2500 (individus) Fin 2011 Enquête « nombre de meutes x Chapron et al. (2014)
effectif moyen intra meute ».
Italie 1269-1800 (individus) Période 2009- Compilation multi-sources de Galaverni et al. (2016)
321 (meutes) 2013 données.
Simulation « aire de présence x MATTM (2017)
1070-2472 (individus) Début 2016 nombre de meutes x effectif intra-
meute » ; [I.C.50%].
Allemagne 40 (meutes/couples) Début 2016 Suivi génétique + piégeage NABU (2016)
photographique.
Suisse 3 (meutes/couples) 30 Début 2016 Suivi génétique + piégeage KORA (2016)
– 35 individus en tout photographique.
1997-1999 : premier programme Life « Alpes Maritimes, Alpes de Haute Provence, & Hautes
Alpes » ; formalisation du dispositif de suivi de l’espèce – création du Réseau Loup ; acquisition locale
des connaissances biologiques de base ; élaboration du protocole de diagnostic des attaques aux
troupeaux ; définition et extension de nouvelles mesures de protection des troupeaux.
2000-2002 : deuxième programme Life « le Loup dans les Alpes » ; mise en place élargie du
suivi de l’espèce, des moyens de protection et des diagnostics pastoraux de vulnérabilité, création
des postes de techniciens pastoraux, stratégie de communication, stratégie nationale « pérennité de
l’élevage et présence durable du loup » : protocoles annuels de prélèvements létaux dérogatoires (au
sens de l’article 16 de la Directive européenne HFF) d’individus sous condition de récurrence de 3
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Démarche d’évaluation prospective de la situation du loup en France à l’horizon 2025/2030 et à long terme
2004 : choix ministériel de ne pas retenir de stratégie de zonage par exclusion, mais au
contraire une approche indifférenciée géographiquement, basée sur l’utilisation d’une partie du taux
de croissance* sous forme d’un « plafond maximum dérogatoire » ; l’Etat choisit de le calculer en
considérant que la moitié de l’accroissement annuel des effectifs peut être prélevée, soit, en 2004,
10% de la population française de loups population estimée à une soixantaine d’animaux.
2008-2012 : deuxième plan national d’actions Loup ; même principe de tirs dérogatoires sans
zonage géographique et sous même condition de viabilité démographique (au sens de Chapron et al.
2003).
L’Etat choisit une démarche plus explicite d’appréciation des risques encourus par la
population de loups à court terme (d’une année à l’autre) en lien avec les niveaux de prélèvements
dérogatoires.
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Démarche d’évaluation prospective de la situation du loup en France à l’horizon 2025/2030 et à long terme
Le loup gris (Canis lupus) est une espèce d'intérêt communautaire relevant de la Directive
Habitats Faune Flore (DHFF) 92/43/CEE du Conseil du 21 mai 1992 concernant la conservation des
habitats naturels ainsi que de la faune et de la flore sauvages. Cette Directive constitue la pierre
angulaire de la politique de conservation de la nature en Europe (avec la Directive Oiseaux
2009/147/CE) et a récemment fait l’objet d’une évaluation qui a conclu à son adéquation avec les
objectifs recherchés (cf. le dossier descriptif de la méthode utilisée et des résultats obtenus à
l’adresse http://ec.europa.eu/environment/nature/legislation/fitness_check/index_en.htm).
Le loup est présent dans l’Annexe II qui requiert des Etats Membres la désignation des
habitats de l’espèce dans des sites d'importance communautaire et inclus dans le réseau Natura
2000. Ces sites doivent être gérés en conformité avec les besoins écologiques de l’espèce. Le loup est
également présent sur l'Annexe IV qui oblige les Etats Membres à adopter un régime de protection
stricte sur toute son aire de répartition naturelle au sein de l'UE, tant à l'intérieur qu’à l’extérieur des
sites Natura 2000. Les possibilités de destructions de loups sont donc soumises à des dérogations
très strictes.
La DHFF impose aux États membres de l'UE que les espèces d'intérêt communautaire
atteignent un état de conservation favorable (ECF) défini à l’article 1 (i) de la Directive tel que :
Une récente étude remarquée par la Commission Européenne (Science for Environment
Policy 457) a proposé une clarification du concept d’ECF en se basant sur des analyses de textes
juridiques clés de l'UE, y compris la Directive elle-même, et sur des décisions de la Cour de Justice de
l'Union Européenne (CJUE) qui ont une force légale supérieure à la Directive, plus divers textes
consultatifs (Epstein et al. 2015).
Les États Membres doivent chercher à atteindre l’ECF des populations qui sont en totalité ou
en partie à l'intérieur des frontières nationales et il n’est pas précisé que l’ECF puisse être évalué à un
niveau supranational. La Directive ne précise pas non plus explicitement sur quel laps de temps une
population doit rester un élément viable de son habitat naturel, mais le préambule suggère le très
long terme. La population doit donc maintenir une diversité génétique afin de préserver le potentiel
évolutif et éviter l'extinction. A titre indicatif, dans l’affaire C-383/09 Commission européenne contre
République française, la CJUE a retenu la viabilité à long terme pour les populations de hamster en
Alsace en indiquant que “aucune population de ladite espèce n’atteint en Alsace le seuil minimal de
population viable pour celle-ci, laquelle est estimée à 1 500 individus”.
16
Démarche d’évaluation prospective de la situation du loup en France à l’horizon 2025/2030 et à long terme
À condition qu'il n'existe pas une autre solution satisfaisante et que la dérogation ne nuise
pas au maintien, dans un état de conservation favorable, des populations des espèces concernées
dans leur aire de répartition naturelle, les États membres peuvent déroger aux dispositions des
articles 12, 13, 14 et de l'article 15 points a) et b) :
a) dans l'intérêt de la protection de la faune et de la flore sauvages et de la conservation des
habitats naturels ;
b) pour prévenir des dommages importants, notamment aux cultures, à l'élevage, aux forêts,
aux pêcheries, aux eaux et à d'autres formes de propriété ;
c) dans l'intérêt de la santé et de la sécurité publiques, ou pour d'autres raisons impératives
d'intérêt public majeur, y compris de nature sociale ou économique, et pour des motifs qui
comporteraient des conséquences bénéfiques primordiales pour l'environnement ;
d) à des fins de recherche et d'éducation, de repeuplement et de réintroduction de ces espèces
et pour des opérations de reproduction nécessaires à ces fins, y compris la propagation artificielle des
plantes ;
e) pour permettre, dans des conditions strictement contrôlées, d'une manière sélective et
dans une mesure limitée, la prise ou la détention d'un nombre limité et spécifié par les autorités
nationales compétentes de certains spécimens des espèces figurant à l'annexe IV.
Bien que l’article 2.3 de la Directive indique que « Les mesures prises en vertu de la présente
directive tiennent compte des exigences économiques, sociales et culturelles, ainsi que des
particularités régionales et locales », la CJUE a clarifié dans l’affaire C-371/98 qu’un Etat Membre
« ne saurait, de son propre chef, fût-ce en raison d'exigences économiques, sociales et culturelles, ou
des particularités régionales et locales, écarter des sites revêtant, au niveau national, un intérêt
écologique pertinent au regard de l'objectif de la conservation sans mettre en péril la réalisation de ce
même objectif au niveau communautaire ». Dans les affaires C-6/04 et C-342/05, la cour a réaffirmé
que la Directive devrait être interprétée « strictement ».
La gestion de l’espèce, y compris sous des modalités différenciées selon les territoires tel que
mentionné dans la lettre de mission, devra donc être conçue en regard de l’interprétation de la
17
Démarche d’évaluation prospective de la situation du loup en France à l’horizon 2025/2030 et à long terme
Directive. De précédentes décisions de la CJUE fournissent un éclairage sur le cadre que fixe la
Directive Habitats à la gestion du loup en France.
Par ailleurs, dans l’affaire C-344/03 Commission des Communautés européennes contre la
République de Finlande concernant la chasse printanière de certains oiseaux aquatiques, la CJUE a
interprété la provision correspondent à l’article 16(1) dans la Directive Oiseaux (Article 9.1(c)) par « il
convient de considérer comme une « petite quantité » tout prélèvement de l’ordre de 1 % de la
mortalité annuelle totale de la population concernée pour les espèces pouvant être l’objet d’actes de
chasse ».
b. Autres textes
La liste des espèces de mammifères protégés sur le territoire français (actuel arrêté
ministériel du 23 avril 2007) ;
L’arrêté du 27 mai 2009 modifiant l'arrêté du 9 juillet 1999 fixant la liste des espèces de
vertébrés protégées menacées d'extinction en France et dont l'aire de répartition excède le territoire
d'un département ;
18
Démarche d’évaluation prospective de la situation du loup en France à l’horizon 2025/2030 et à long terme
Tableau 2 Récapitulatifs du statut des populations de loups sur le continent européen et du régime juridique
mobilisé en cas de prélèvements légaux (source : Kaczensky et al. 2013).
Annexes de
Annexes de Dérogations Prélèvements
classification Prélèvements
Pays classification article 16 au titre
convention hors cadre UE
DHFF DHFF annexe V
Bern
Norvège - II nc nc oui
Suède II & IV II oui nc nc
Finlande IV & V nc oui oui nc
Estonie V II nc oui nc
Lettonie V nc nc oui nc
Lituanie V III nc oui nc
Allemagne II & IV II non nc nc
République
Tchèque II & IV nc non nc nc
Monténégro nc II nc nc inconnu
Serbie nc II nc nc oui
Slovénie II & IV nc oui nc nc
Italie II & IV II oui * nc nc
Suisse nc II nc nc oui
Portugal II & IV II non nc nc
Espagne IV & V III oui oui nc
* : à/c de la mise en œuvre du nouveau plan national d’action pour la conservation et la gestion du
loup (2017)
19
Démarche d’évaluation prospective de la situation du loup en France à l’horizon 2025/2030 et à long terme
Bien que la viabilité soit un concept fondamentalement démographique, certains auteurs utilisent
également le concept de « viabilité génétique » ou « extinction génétique » (Lynch et al. 1995,
Robert 2011), qui quantifie la contribution des problèmes d’ordre génétique au risque d’extinction.
Les principaux problèmes génétiques sont la dépression de consanguinité*, la fonte mutationnelle*
et la réduction du potentiel adaptatif*. Ces problèmes sont associés à un « fardeau génétique »
global, c'est-à-dire une diminution des performances démographiques de la population pour causes
génétiques. L’extinction génétique correspond à un seuil atteint par le fardeau génétique amenant la
population à décroître sur le long terme. En intégrant les considérations démographiques et
génétiques ayant trait à la viabilité, on peut étudier sa viabilité « démo-génétique* », qui inclut
également les possibles interactions entre ces processus (Gilpin & Soulé 1986, Lynch et al. 1995).
20
Démarche d’évaluation prospective de la situation du loup en France à l’horizon 2025/2030 et à long terme
b. Analyses de viabilité
i. Mesures de viabilité
Ces analyses visent à quantifier les possibilités de persistance des populations dans le temps
et l’espace. Elles portent donc sur les effets des processus génétiques, comportementaux,
interspécifiques, abiotiques* (cf. facteurs abiotiques) et anthropiques sur la démographie des
populations. Les mesures de viabilité utilisées le plus souvent dans la littérature scientifique sont des
mesures probabilistes de risque qui sont obtenues à l’aide de projections issues de modèles
mathématiques ou informatiques (Beissinger & McCullough 2002, Morris & Doak 2002). Elles
peuvent être exprimées de différentes façons, mais la plupart du temps il s’agit d’une probabilité
d’extinction calculée pour un horizon temporel donné. La probabilité d’extinction et le temps moyen
d’extinction varient, éventuellement de manière non linéaire, avec cet horizon temporel. Dans ce
cadre conceptuel, viabilité et risque d’extinction sont donc deux concepts quasiment « synonymes »,
et qui classiquement sont soit évalués, soit modélisés, en regard des effectifs d’une population et de
leur évolution au cours du temps.
Le modèle de viabilité sert à simuler la dynamique numérique d’une population selon des
valeurs variables d’effectifs de départ, et de paramètres démographiques (survie, fécondité,
dispersion* etc.). Ces derniers sont organisés selon un pas de temps (typiquement une année) et une
structure théorique imitant au mieux la réalité biologique de la population étudiée, structure qui est
utilisée par itérations successives pour simuler la dynamique des effectifs au cours du temps. Il faut
alors définir ce qui est considéré comme effectif non viable c’est-à-dire à risque de s’éteindre : c’est
le seuil minimum théorique d’effectifs en dessous duquel on considère que la population ne doit pas
descendre à l’échéance d’un horizon temporel donné (par exemple « pas moins de 5 individus au
bout de 50 années biologiques simulées »). La modélisation consiste à simuler des milliers de fois la
dynamique possible des effectifs de départ selon les paramètres démographiques et leur variabilité
naturelle. Parmi les trajectoires numériques obtenues, la proportion de celles avec un effectif
inférieur à la valeur seuil (e.g. 5 loups) à l’horizon temporel choisi (e.g. 50 ans) donne le risque dit
« d’extinction » (exemple : si parmi 5000 trajectoires simulées, 500 comprennent moins de 5 loups
au bout de 50 ans, alors le risque est de 500/5000 = 10%).
Certains niveaux de risque sont jugés plus acceptables que d’autres par la communauté
scientifique (cf. IV.3.b). Par ailleurs, la structure du modèle utilisé influence aussi la proportion des
trajectoires simulées qui, à un horizon temporel donné, verront leurs effectifs passer en dessous de
la valeur seuil choisie. Cette proportion peut ainsi changer selon qu’une composante génétique
explicitant les effets négatifs de la consanguinité* sur la survie est intégrée (modèle démo génétique)
ou non (modèle démographique). Ces analyses de viabilité ne peuvent donc fournir que des résultats
relatifs, à comparer les uns aux autres. Par exemple, si deux stratégies de conservation conduisent à,
respectivement, 6% et 30% de risque « d’extinction », rien ne dit que telles seront en nature les
vraies valeurs du risque si on choisit telle ou telle stratégie. Par contre, la modélisation indiquera
clairement la différence relative d’efficacité des deux stratégies : la seconde sera 5 fois moins efficace
que la première en matière de viabilité résultante.
21
Démarche d’évaluation prospective de la situation du loup en France à l’horizon 2025/2030 et à long terme
Le principe des analyses de viabilité est donc de projeter sur l’horizon temporel défini la
complexité des processus pouvant affecter la dynamique et, à terme, l’extinction de la population
considérée. Cette complexité impose de rassembler le plus d’informations possibles sur ce qui a pu
affecter ces dynamiques par le passé ou affecte celles de systèmes comparables. Dans tous les cas, le
choix des facteurs considérés pour initier ces projections impose de définir des scénarios qui font
intervenir de manière probabiliste différentes gammes de paramètres agissant sur la dynamique de
la population considérée. Dans le cas fréquent de données non disponibles, l’explicitation de ces
scénarios permet d’identifier les paramètres à estimer en priorité sur le terrain (e.g. Urban et al.
2016).
Pour tenir compte des contraintes génétiques à relativement court terme (i.e. quelques
générations, Frankham et al. (2002), l’approche la plus utilisée consiste à modéliser non pas les
mutations responsables de la dépression de consanguinité*, mais l’ensemble des effets négatifs à
l’échelle d’un individu ou de la population. On utilise dans ce cas le concept d’équivalents létaux*,
qu’on estime en analysant la relation (généralement négative) entre le coefficient de consanguinité*
(individuel) et un paramètre démographique tel que la survie juvénile ou la fertilité (ou tout autre
trait démographique impacté par la consanguinité*). Cela revient à mesurer les effets de la
dépression de consanguinité* en tant que telle, qui peut aussi être quantifiée plus simplement, mais
moins précisément, en utilisant des données génériques existantes pour un grand nombre d’espèces
(O’Grady et al. 2006).
Il est important de noter que ces aspects génétiques présentent d’autant plus d’intérêt que
l’on se place dans une perspective de projection à un horizon temporel éloigné. En effet, la mesure
des paramètres démographiques réalisée actuellement à partir de la population française du loup
(comme la survie moyenne des animaux), même si elle intègre déjà de façon implicite les effets
actuels d’une éventuelle détérioration génétique, ne renseigne en rien sur l’ampleur de son influence
négative cumulée à long terme.
Certains auteurs ont tenté de calculer une TMPV universelle purement empirique, en
analysant des données issues d’un très grand nombre de populations de nombreuses espèces. Cette
TMPV est complètement intégrative (elle inclut implicitement des considérations démographiques,
environnementales, génétiques) et représente le plancher en termes de nombre d’adultes
reproducteurs nécessaires pour obtenir une population viable à long terme, c’est-à-dire qui ne
s’éteint pas car s’affranchissant des aléas démographiques et génétiques inhérents aux petites
populations. Ces estimations, « universelles » puisque s’appliquant à toutes les espèces,
s’échelonnent entre 1181 et 7316 individus (Reed et al. 2003, Brooks et al. 2006, Traill et al. 2007,
Clements et al. 2011). Elles ont été critiquées car elles sont basées sur des espèces et des contextes
très hétérogènes. Elles reposent cependant sur les mêmes principes que les critères généralement
utilisés pour définir les degrés de menace des espèces, comme l’UICN avec les listes rouges d’espèces
menacées et un seuil de 1000 individus matures nécessaires pour classer une espèce comme non
vulnérable (« de préoccupation mineure »).
22
Démarche d’évaluation prospective de la situation du loup en France à l’horizon 2025/2030 et à long terme
Quelle est la correspondance entre une taille efficace* (Ne) de 500 et le nombre (N) d’adultes
requis ? Cette correspondance est liée au cycle de vie de l’espèce qui conditionne la distribution en
classe d’âges, de sexes, la variance du succès reproducteur entre individus, ainsi qu’à la structuration
interne des populations, leur fragmentation dans l’espace et les variations temporelles de leurs
effectifs. La correspondance Ne -> N est généralement effectuée à l’aide d’une donnée générique : le
ratio Ne/N. L’estimation de ce ratio varie entre 0.1 et 0.2 (Frankham 1995, Palstra & Ruzzante 2008,
Palstra & Fraser 2012), ce qui suggère un nombre d’adultes minimal compris entre 2500 et 5000
individus. Une étude plus récente basée sur la modélisation mécaniste d’un grand nombre de cycles
de vie réels a proposé un ratio médian Ne/N de 0.71 pour les mammifères (Waples et al. 2013,
tableau S4). Cependant, cette estimation ne tient compte ni de la variation temporelle dans les
effectifs, ni de la structuration dans l’espace et est donc probablement fortement biaisé
positivement (Engen et al. 2005). D’autres paramètres jouent un rôle dans cette relation, et en
particulier l’état génétique initial de la population, par exemple la diversité allélique parmi les
fondateurs de la population. Une forte consanguinité* de la population fondatrice peut être une
limite supplémentaire à la viabilité génétique de la population, et doit être prise en compte.
Cette taille minimale de 2500 à 5000 individus, obtenue en se basant exclusivement sur des
aspects génétiques peut sembler élevée, mais elle est assez concordante avec les TMPV universelles
décrites plus haut.
Les TMPV universelles décrites plus haut constituent un outil important pour préciser l’ordre de
grandeur minimum d’un objectif de conservation et de gestion d’une population. Néanmoins, si on
souhaite des approches plus précises sur la viabilité à pas de temps plus courts, un modèle d’analyse
de viabilité de population*doit être développé spécifiquement. Cette approche, décrite en détail
dans le chapitre 4, présente un grand nombre d’avantages incluant :
23
Démarche d’évaluation prospective de la situation du loup en France à l’horizon 2025/2030 et à long terme
La possibilité de comprendre quels sont les paramètres qui conditionnent le plus la dynamique
et la viabilité du système (analyse de sensibilité) et d’en déduire les mesures de gestion les plus
efficaces ;
La possibilité d’intégrer différents scénarios de gestion (prélèvements) ;
La possibilité d’estimer la viabilité à différentes échelles de temps.
Néanmoins, un consensus se dégage pour éviter le plus souvent des projections au-delà du
siècle afin de limiter la gamme des scénarios possibles dans un contexte de changements globaux en
général et de changements climatiques en particulier. A titre d’exemple, le critère E de la Liste Rouge
de l’UICN (Mace & Lande 1991) considère différents horizons temporels pour les catégories en
danger critique (10 ans ou 3 générations avec un maximum de 100 ans), en danger (20 ans ou 5
générations avec un maximum de 100 ans) ou vulnérable (100 ans).
Par ailleurs, le choix des échelles temporelles considérées pour analyser la viabilité doit tenir
compte du contexte particulier des populations en phase de colonisation ou de restauration. Dans la
phase d’installation, les premiers individus immigrants dans un nouvel habitat et leurs premiers
24
Démarche d’évaluation prospective de la situation du loup en France à l’horizon 2025/2030 et à long terme
Comme pour la plupart des espèces, et en particulier les espèces de grands vertébrés, un
horizon minimum de plusieurs décennies semble nécessaire pour obtenir des résultats exploitables,
et ceci, pour deux raisons principales. D’une part, il existe une forme d’inertie dans les processus
démographiques : à titre d’exemple, si la population actuelle de loups en France subissait un déclin
continu et irréversible, mais très modéré annuellement, il lui faudrait plusieurs décennies pour
s’éteindre complètement (mais de façon certaine). Evaluer sa viabilité à un horizon très court (5, 10
ou 20 ans) ne permettrait pas d’apprécier pleinement l’impact de ce déclin sur la viabilité. D’autre
part, certains processus génétiques sont susceptibles d’impacter la viabilité du loup. La dynamique
de ces processus s’effectue sur une base générationnelle, et certains d’entre eux sont des processus
d’accumulation, dont les effets ne sont visibles et effectifs qu’à long terme, parfois même seulement
à l’échelle des temps évolutifs.
25
Démarche d’évaluation prospective de la situation du loup en France à l’horizon 2025/2030 et à long terme
Les paramètres démographiques moyens sont déjà documentés de façon spécifique pour le
loup en France et ces valeurs constituent une base solide (cf. infra) pour la modélisation de sa
dynamique. Toute aussi importante est la connaissance de la variation de ces paramètres, entre
catégories d’individus, dans le temps, dans l’espace et en fonction de la densité.
La capacité de charge* par unité de surface de différentes catégories d’habitats (au sens large,
incluant tous les effets des différentes variables d’environnement sur la formation de meutes) doit
être évaluée. Dans ce but, la dépendance des paramètres démographiques à la densité doit aussi
être prise en considération selon la typologie et la disponibilité de l’habitat. La distribution/densité
de loups peut, en effet, être en partie habitat-dépendante (Falcucci et al. 2013, Milanesi et al. 2016),
26
Démarche d’évaluation prospective de la situation du loup en France à l’horizon 2025/2030 et à long terme
voire parfois être en lien avec la densité de proies (Messier 1985), même si dans ce domaine, les
résultats de la littérature sont hétérogènes (voir par exemple Larsen & Ripple 2006).
Des effets négatifs de la consanguinité* ont été mis en évidence chez le loup (Laikre 1999). Ils
suggèrent en particulier une diminution de la survie des portées avec le degré d’apparentement des
parents (voir Liberg et al. 2005 pour un exemple en Suède). Néanmoins, la force de la dépression de
consanguinité* obtenue chez des populations sauvages de loups est généralement inférieure aux
estimateurs médians chez les populations sauvages de vertébrés : environ 6 létaux équivalents*
diploïdes d’après Liberg et al. (2005) contre une médiane de 12 pour les oiseaux et les mammifères
(d’après O’Grady et al. 2006). Ces estimateurs génériques et spécifiques de la dépression de
consanguinité* peuvent fournir une base réaliste pour modéliser ses effets sur la dynamique des
populations et le risque d’extinction.
Sur le plan génétique, il apparaît important de tenir compte des dynamiques démographique et
spatiale de la population, ainsi que de la connectivité spatiale pour l’espèce, c'est-à-dire de la
capacité des individus à se déplacer d’un site à l’autre du fait de la perméabilité des mosaïques
d’habitats. La connectivité géographique est importante à considérer dans le cas du loup et cela pour
deux raisons :
27
Démarche d’évaluation prospective de la situation du loup en France à l’horizon 2025/2030 et à long terme
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Démarche d’évaluation prospective de la situation du loup en France à l’horizon 2025/2030 et à long terme
Il est impossible d’estimer directement la viabilité démo-génétique (i.e. à très long terme) d’une
population animale à l’échelle d’un territoire aussi grand que la France métropolitaine. Cette forme de
viabilité s’entend par ailleurs, sur le plan théorique, pour des entités isolées dont on cherche à évaluer
les possibilités de persistance à long terme malgré le dit isolement génétique.
Les connaissances générales sur le fonctionnement des populations permettent néanmoins de donner
un ordre de grandeur qui correspond à un effectif minimal à atteindre, de l’ordre de 2 500 à 5 000
individus matures sexuellement.
Au titre des attendus légaux (Directive HFF) sensu stricto, il appartiendrait à la France d’avoir une
population nationale viable de loups ; faire reposer la viabilité à long terme de l’entité française pour
partie sur le devenir des autres noyaux européens, et sur les connexions avec ces derniers, présente
des risques biologiques évidents.
Le maintien de la continuité démographique et des échanges génétiques à cette échelle spatiale
transfrontalière constitue néanmoins un élément important contribuant positivement aux possibilités
génétiques d’adaptation de la population française à long terme.
L’analyse du risque d’extinction purement démographique se conçoit à l’horizon temporel de 50 à 100
ans.
Le mode de vie des loups, qu’ils évoluent en meute pour la plupart ou à l’état d’individus en
dispersion* erratique pour les autres, rend leur suivi particulièrement difficile car, relativement à
d’autres espèces, tous vivent sur des superficies immenses et à faible densité. La territorialité sociale
très marquée chez cette espèce conduit à ce que plusieurs meutes n’utilisent pas la même zone,
même vaste. Le système de colonisation repose quant à lui sur les grandes capacités de déplacement
des individus à la recherche d’un territoire vacant. Ces caractéristiques engendrent des densités
locales de l’ordre de 1 à 3 loups au 100 km². Un suivi de l’espèce qui reposerait sur des
dénombrements « à vue » (aussi appelés « directs par corps ») ne serait donc ni réaliste ni fiable, vu
la faible probabilité de détection de l’espèce. Les techniques utilisées et validées par la communauté
scientifique internationale pour le suivi des grands carnivores (Long et al. 2008, Boitani & Powell
2012) reposent donc sur des approches indirectes révélant leur présence (traces, excréments, poils,
carcasses de proies etc.), voire leur abondance en mobilisant des méthodes dédiées de modélisation
pour tenir compte des risques de sous-estimation liée à la faible détectabilité des animaux.
C’est précisément ce qui est mis en œuvre en France (Cubaynes et al. 2010, Marescot et al.
2012), avec une déclinaison adaptée au contexte des attendus juridiques (e.g. art. 1 de la Directive
HFF), basée sur des indicateurs de tendances i) géographique traduisant la vitesse de colonisation de
l’espèce et ii) démographique traduisant l’évolution des effectifs de la population. Le suivi
opérationnel en France repose sur une collecte et analyse des données de terrain (cf. Duchamp et al.
29
Démarche d’évaluation prospective de la situation du loup en France à l’horizon 2025/2030 et à long terme
2012) organisée au travers d’un réseau de 3000 correspondants formés et répartis sur le territoire
national pour permettre :
De localiser chaque détection d’indice de présence, qui une fois validée sert à réaliser des
cartes annuelles de présence détectée de l’espèce et estimer ainsi sa progression géographique, sans
avoir recours à l’identification individuelle des animaux ;
Toute méthode de suivi d’animaux vivant dans leur milieu naturel est entachée d’une erreur de
mesure liée à leur détection imparfaite. L’intérêt des modèles mathématiques utilisés réside dans la
mesure de cette détection imparfaite (géographique ou numérique), en d’autre termes une mesure
du risque de ne pas détecter un animal alors qu’il est présent (probabilité de détection < 1).
L’estimation de cette probabilité est un pré requis à une modélisation fiable des taux de survie* et de
recrutement* des animaux dans la population, des données fondamentales pour simuler l’évolution
démographique d’une population de loups. Cette modélisation doit aussi tenir compte des effets
induits par un dispositif d’échantillonnage hétérogène – i.e. des différences d’intensité de
prospection dans l’espace, liées au nombre et à la répartition des correspondants du réseau– mais
aussi des variations liées au statut des animaux en lien avec le cycle biologique de l’espèce – i.e. rang
social, classe d’âge.
Le suivi du loup tel qu’appliqué en France utilise la combinaison de toutes ces approches à
l’échelle nationale. Ce suivi fait aussi l’objet de collaborations avec les équipes de scientifiques
italiens, suisses, allemands, slovènes et autrichiens, dans le cadre du groupe Loup Alpin mis en place
par l’ONCFS dès 2001. Ces échanges formalisés ont permis de standardiser les méthodes, développer
de nouveaux outils communs et établir des bilans périodiques internationaux de la cinétique de
colonisation de cette population transfrontalière. Une cartographie standardisée des meutes est
mise régulièrement à jour (Wolf Alpine, Group 2012, 2014, bilan 2016 en préparation).
Un audit du système français de suivi des loups a été organisé par l’IUCN à la demande du
Ministère chargé de l’environnement en 2012, dans le cadre de l’évaluation du Plan national loup
2008-2012, et confié à Olof Liberg (Swedish University of Agricultural Sciences http://slu-
se.academia.edu/OlofLiberg). Celui-ci conclut : « le programme français de suivi de la population de
loups, la manière dont il est organisé, les méthodes utilisées ainsi que les personnels impliqués, se
caractérise par un niveau de qualité exceptionnellement élevé, y compris d’un point de vue
international. Le recours à plusieurs méthodes indépendantes et complémentaires constitue un atout
considérable. Ceci est particulièrement vrai pour l’estimation du taux de croissance*, qui constitue
probablement le paramètre le plus important dans la gestion et la préservation de cette espèce…
j’estime que le système de suivi français est un des meilleurs en Europe. Il est difficile de suggérer une
méthode qui pourrait améliorer les résultats et qui ne soit pas déjà utilisée actuellement. À l’heure
actuelle, les méthodes qui sont utilisées satisfont toutes les exigences en matière de gestion et de
conservation de l’espèce. Le défi pour l’avenir sera de continuer à faire aussi bien y compris lorsqu’un
30
Démarche d’évaluation prospective de la situation du loup en France à l’horizon 2025/2030 et à long terme
nombre plus important de loups coloniseront des zones qui ne sont pas recouvertes d’un manteau
neigeux en hiver […]. Une estimation approximative de la taille de la population déterminée en
multipliant le nombre de meutes par la taille moyenne des meutes (obtenue grâce aux hurlements et
à la génétique par exemple) pourrait permettre de contourner certains des problèmes relatifs à la
détection des individus en l’absence de neige ».
L’analyse approfondie des jeux de données disponibles a permis de confirmer sans équivoque
la fiabilité des informations recueillies, et donc leur utilisation dans les modélisations de viabilité ou
de projection du devenir de la population. Deux conditions doivent être respectées : i) expliciter
comme pour tout exercice de modélisation, les sources d’incertitude et le degré de confiance des
résultats produits et, ii) supposer que l’effet de l’ensemble des facteurs ayant conduit à observer la
dynamique de la population sur la période 1992-2016 sera similaire durant la période à venir de
simulation de cette dynamique. C’est une hypothèse forte, particulièrement si le régime de gestion
par prélèvements dérogatoires venait à être modulé en dehors de la gamme de variation utilisée
durant la période 1992-2016.
Plusieurs mises à jour et améliorations ont été réalisées pour la présente expertise collective, en lien
avec les préconisations de l’audit d’O. Liberg, notamment concernant les points suivants :
refonte de la méthode d’analyse génétique opérée en 2015 par l’ ONCFS avec son partenaire
du LECA (CNRS Grenoble) sur la base de séquençage nouvelle génération (cf. ONCFS Bulletin du
Réseau Loup N°34 http://www.oncfs.gouv.fr/Bulletin-dinformation-du-reseau-Loup-download130) ;
amélioration du pouvoir discriminant (13 marqueurs au lieu de 6 précédemment) et réduction des
sources d’erreurs de génotypage (Pompanon et al. 2005) ;
31
Démarche d’évaluation prospective de la situation du loup en France à l’horizon 2025/2030 et à long terme
lesquels, lorsqu’ils sont subadultes vont soit rester dans leur territoire de naissance comme
subordonnés, soit disperser pour fonder un nouveau territoire, voire fonder une nouvelle unité
sociale.
Ce fonctionnement peut s’écrire sous la forme d’un schéma (Figure 8, modèle 1) dont les
compartiments représentent les différentes catégories d’animaux constituant la structure sociale, les
transitions entre catégories étant conditionnés à des probabilités de changer d’« état » (passage de
jeune à adulte ou de résident vers disperseur etc.).
A partir de la construction d’un tel modèle théorique, vient immédiatement ensuite la nécessité
de confronter ses prédictions à la réalité du terrain, pour vérifier la fiabilité de la paramétrisation de
chacune des étapes et des transitions entre elles. Idéalement, l’exercice supposerait en effet de
pouvoir mesurer tous les paramètres sur toutes les catégories d’animaux (par classe d’âge ou par
catégorie sociale) à partir de la population d’intérêt. Ces mesures sont évidemment le plus souvent
impossibles à réaliser dans leur intégralité sur une même population, surtout en milieu naturel. Si
certains paramètres sont accessibles par les mesures de terrain, d’autres, manquants, sont mobilisés
à partir d’autres études scientifiques.
Ainsi, il est essentiel de pouvoir simplifier au maximum la représentation du système pour que le
nombre de paramètres requis et à mesurer localement soit le plus restreint possible tout en
permettant une prédiction fiable de la dynamique de la population. Marescot et al. (2012) ont donc
étudié ce cycle de vie, en vérifiant jusqu’où lesdites simplifications permettaient néanmoins de
prédire de façon fidèle la dynamique de l’espèce (Figure 8, modèle 3).
Figure 8 Modélisation du cycle biologique d’une population de loups incluant (modèle 1) chaque classe
d’individus socialement structurés en meute comprenant les adultes reproducteurs(A), les jeunes (J), les
subordonnés (S) et les disperseurs (D) tous connectés pour passer d’un « état » à un autre par des probabilités
à estimer. Ce modèle peut être simplifié (modèle 3) en deux classes, reproducteurs (A) et disperseurs (D), pour
produire le même résultat de mesure du taux de croissance*. taux de survie, taux de croissance, f
fécondité, pdi probabilité de dispersion. Tiré de Marescot et al. (2012).
32
Démarche d’évaluation prospective de la situation du loup en France à l’horizon 2025/2030 et à long terme
Sous un régime de colonisation avec suffisamment d’espaces vacants pour assurer sans frein
l’établissement de nouvelles meutes, la croissance exponentielle de la population dépend très
fortement des taux de mortalité dans les différents compartiments du modèle. Le taux de
croissance* d’une population de loups devient nul à partir d’un seuil de mortalité moyen de 34%
(toutes sources et classes confondues), et la population décline au-delà. La gamme des amplitudes
extrêmes pouvant produire une décroissance de la population varie entre des taux de mortalités de
13% pour les populations les plus fragiles à 55% pour les populations les plus résistantes (Figure 9) ;
Figure 9 Modélisation (en rouge) de la relation entre taux de mortalité moyen (axe horizontal) et croissance
obtenue (axe vertical) d’une population de loups simplifiée en deux classes sociales (adultes reproducteurs et
disperseurs). Ce modèle est ensuite contraint à s’ajuster aux points noirs représentant les données de
différentes populations de loups, incluant la donnée de la population française observée pour la période 1995-
2003 (flèche bleue). L’ajustement du modèle aux données de terrain étant statistiquement bon, il peut être
utilisé pour prédire qu’en moyenne, un seuil de mortalité de 34% entraine la population sur une phase
décroissante (figure issue de Marescot et al. 2012).
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Démarche d’évaluation prospective de la situation du loup en France à l’horizon 2025/2030 et à long terme
De 600 à 800 échantillons de crottes, poils, urines ou tissus sont récoltés annuellement par le
réseau de correspondants sur l’ensemble de l’aire de répartition détectée du loup, puis soumis à
analyse génétique de façon à dresser la carte d’identité ADN (génotype) de chacun des animaux
détectés. L’ensemble de ces génotypes identifiés constituent un échantillonnage de la population. Ce
suivi biomoléculaire répété d’année en année permet alors de mesurer les chances statistiques de
retrouver (ou pas) un animal, selon deux issues possibles : la probabilité qu’il soit mort, ou bien la
probabilité qu’on ne le détecte pas alors qu’il est vivant. Des modèles dits de CMR spécifiques ont
été développés en France par l’équipe du CEFE partenaire de l’ONCFS pour avoir accès aux mesures
précises de l’ampleur de cette détection imparfaite et de la probabilité de survie*. Il est ensuite
possible de modéliser les effectifs de loups en France en tenant compte à la fois de la mortalité
(toutes causes confondues) et des risques statistiques de ne pas détecter des animaux pourtant
vivants. Cette approche, mise au point et utilisée en France, a été validée par la communauté
scientifique grâce à des publications dans des revues internationales à comité de relecture (Cubaynes
et al. 2010, Caniglia et al. 2012).
Dans le cadre de l’expertise collective, et sur la base des typages génétiques disponibles de
1995 à 2013, le meilleur modèle possible d’estimation des effectifs et de modélisation de la survie a
été ajusté en tenant compte des différences de détectabilité entre animaux. Il consiste à catégoriser
la population en deux groupes d’animaux (Tableau 3) : une faible proportion (11%) d’animaux
fortement détectables année après année (possiblement les animaux dominants, résidents dans les
ZPP), et une forte proportion (89%) plus faiblement détectable (possiblement les loups subordonnés,
louveteaux et animaux en dispersion*). Ce modèle donne une survie annuelle moyenne estimée à
0.78 [0.73-0.82] soit 22% de mortalité toutes causes confondues. Pour mémoire, Cubaynes et al.
(2010) estimait une survie quasi similaire sur la période 1995-2007 comprise entre 75% et 90% selon
les catégories d’animaux (soit 0.79 toutes classes confondues).
Reporté sur le modèle présenté Figure 9, ce taux de mortalité correspondrait alors à une
croissance résiduelle moyenne de +15% par an dégagée par la population à l’orée de l’année 2013,
soit avant l’augmentation des niveaux de prélèvement dérogatoires. Cette croissance résiduelle
calculée (15%), déduite de la mesure de la survie locale, est en adéquation avec celle obtenue par
l’approche, complètement différente sur le plan méthodologique, de modélisation de la série de
valeurs annuelles des effectifs (cf. § 4.a ci-après). Cette concordance constitue une forme de
validation croisée des modèles utilisés, et renforce la confiance dans les résultats obtenus et les
données dont ils sont déduits.
Tableau 3 Taux de mortalité et probabilités de détections [Intervalles de confiance 95%] mesurés sur la
population de loups en France par les méthodes CMR. Deux catégories d’animaux sont identifiées : une faible
proportion que l’on retrouve souvent d’une année sur l’autre (colonne de droite), et une large majorité que
l’on détecte plus rarement (colonne de gauche).
34
Démarche d’évaluation prospective de la situation du loup en France à l’horizon 2025/2030 et à long terme
Les effectifs CMR ont été mis à jour dans le cadre de cette expertise collective jusqu’en 2013,
l’ensemble des typages génétiques n’étant que partiellement disponibles pour les années suivantes.
L’effectif estimé à la fin de l’hiver 2011-2012 est d’environ 200 animaux (N=187, IC 95% [151-269]). Il
faut noter que l’estimation suivante (fin mars 2013) s’est avérée plus faible que celle qu’on aurait pu
prédire par la croissance moyenne jusque-là observée, comme cela avait déjà pu être le cas par
exemple en 2004 ou 2007 (
Figure 10). Les trois dernières valeurs d’effectifs totaux ne pouvant être estimées
directement par CMR, sont obtenues à partir de la conversion de l’indicateur hivernal du nombre
minimum d’animaux résidents détectés dans les ZPP (appelé l’Effectif Minimum Retenu*). On utilise
les résultats, tant d’EMR que de CMR, de 1995 à 2013 pour établir la relation CMR=f(EMR), sous
forme d’une relation linéaire forte (coefficient de détermination r²=0.9). Les effectifs de 2014, 2015
et 2016 sont donc déduits de cette relation mise à jour dans le cadre de l’expertise. L’évolution
numérique globale de la population depuis le retour de l’espèce s’inscrit dans une tendance de fond
positive. Néanmoins, l’évolution récente correspond à une stabilisation avec 250 à 300 individus en
moyenne durant ces trois dernières années.
Nous pouvons noter que cette stabilisation est en corrélation temporelle avec
l’augmentation des prélèvements dérogatoires réalisés en France, ce qui ne constitue pour autant
pas encore une démonstration de cause à effet. Cependant, cette stabilisation des effectifs justifie
une analyse du devenir démographique de la population en tenant compte de ce changement de la
tendance observée depuis 2013.
350
200
150
100
50
0
6
6
99
99
00
00
00
00
00
01
01
01
01
/1
/1
/2
/2
/2
/2
/2
/2
/2
/2
/2
95
97
99
01
03
05
07
09
11
13
15
19
19
19
20
20
20
20
20
20
20
20
Années (1995-2015)
Figure 10 Estimation des effectifs de la population de loups en France sur la base des modèles de Capture-
Marquage-Recapture (CMR) appliqués aux profils génétiques établis par le suivi biomoléculaire des
excréments, poils, urines, sang ou tissus (voir Cubaynes et al. 2010 pour la méthode). Le modèle est réajusté
sur la base des données génétiques disponibles (1995-2013 ; carré blanc). Les points de 2014 à 2016 (carrés
gris) sont projetés sur la base de la relation calibrée de la CMR en fonction de l’effectif minimum dénombré
dans les ZPP (indicateur EMR). Cette relation permet en effet de passer d’un effectif minimum retenu* sur
seules ZPP à un effectif total sur toute l’aire de présence. L’histogramme indique le nombre d’animaux prélevés
dans le cadre des tirs dérogatoires accordés.
35
Démarche d’évaluation prospective de la situation du loup en France à l’horizon 2025/2030 et à long terme
Des modèles décrivant les cycles de vie du loup sont utilisés pour retracer sa dynamique. Leur
simplification permet d’alléger le nombre et la complexité des paramètres à mesurer.
Selon ces modèles, la croissance d’une population de loups devient nulle à partir d’un seuil de
mortalité totale de 34% en moyenne (IC : [13- 55] toutes causes confondues), et négative
(décroissance) au-delà.
Le taux annuel moyen de mortalité est de 22% dans la population française, tel qu’estimé par
modélisation de type CMR sur la période 1995-2013. Replacé dans le modèle liant la mortalité à la
croissance de la population, celle-ci est estimée à 15% par an en moyenne pour la même période.
Les effectifs présentent cependant une phase récente de stabilisation (à confirmer/infirmer d’après la
mise à jour des estimations à venir, en Avril 2017), concomitante à la période d’augmentation des
prélèvements par dérogation
Il semble justifié de simuler les effectifs à l’horizon 2030 en tenant compte de cette stabilisation qui
pourrait signifier que, sur la période 2014-2016, l’ensemble des causes de mortalité cumulées (dont
les prélèvement légaux) pourrait représenter un total d’environ 34% (selon les résultats de Marescot
et al. 2012).
L’utilisation la plus fiable et recommandée (Boyce et al. 2001, Reed et al. 2002) des modèles
de viabilité démographique n’est donc pas, contrairement à ce qui en est souvent attendu, de leur
faire évaluer un effectif unique et absolu au-delà duquel ladite viabilité serait garantie. Ils sont en
revanche d’une utilité certaine, une fois le cadre théorique décidé (c'est-à-dire la structure de
formalisation du cycle de vie fixée, le niveau de risque d’extinction considéré comme acceptable et
l’horizon temporel de projection du scénario choisi), dans l’objectif de comparer les différences de
trajectoire d’une population en fonction de différents scénarios de mortalité, de reproduction ou
tout autre paramètre pouvant conditionner la dynamique de l’espèce. A ce titre, Chapron et al.
(2003) ont présenté un modèle démographique adapté au loup, et qui fait varier principalement les
taux de mortalité pour analyser le risque d’extinction, défini au seuil de 2% des trajectoires d’effectifs
s’éteignant sur 50 ans. Ce modèle décrit le cycle de vie du loup de manière similaire au mécanisme
présenté en §IV2 sur la base de l’unité démographique principale qu’est la meute. Les individus sont
répartis dans différentes classes en fonction de leur âge et de leur statut de résidents dans les
meutes ou de disperseurs à la recherche de nouveaux territoires sur lesquels s’établir. Cinq scénarios
ont été construits en faisant varier les taux de mortalité le long d’un gradient faible-fort (Tableau 4)
et les probabilités d'extinction de la population simulées selon le nombre de meutes présentes au
départ. Le modèle a considéré un fonctionnement biologique « isolé » au sens d’absence
d’immigration d’animaux en provenance d’autres populations. Les résultats obtenus reflètent donc
une évaluation précautionneuse puisque ne tenant pas compte des échanges existants avec la
population source italienne (Fabbri et al. 2007).
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Démarche d’évaluation prospective de la situation du loup en France à l’horizon 2025/2030 et à long terme
Tableau 4 Paramètres utilisés dans les 5 scénarios imitant le fonctionnement de la population de loups du plus
pessimiste (S0) au plus optimiste (S4). Le scenario S2 est le plus représentatif du fonctionnement actuel de la
population de loups en France. Seuls les paramètres de survie sont considérés comme variables entre
scenarios.
Le modèle montre qu’une population décline dès lors que les taux annuels de mortalité
toutes classes d’âge confondues sont supérieurs à 32 % (scenario 0). Un scénario de survie moyenne
(labellisé S2 et plus dans le Tableau 4), conduit au maintien d’une population composée d’au moins 4
meutes (i.e. probabilité d’extinction inférieure à 2% sur 50 ans). Avec un scénario basé sur une survie
plus modeste (S1), telle que plus fréquemment observé en nature, entre 10 et 15 meutes sont
nécessaires pour la non extinction de la population.
La structure de ce modèle n’est pas spatialisée c’est-à-dire qu’il ne tient pas compte de la
distribution de l’espèce sur son aire de répartition. Cependant, il prévoit quand même de comparer
une stratégie dite de zonage (stratégie plafonnant le nombre de meutes sur une zone), à une
stratégie de gestion qui n’empêche pas le nombre de meutes de se développer (ce qui revient à ne
pas contrôler géographiquement la population). La probabilité d’extinction d’une population non
zonée (Figure 11a) reste alors toujours inférieure à celle d’une population zonée (Figure 11b). Sous le
scénario intermédiaire S2 par exemple, une population limitée à 6 meutes est exposée à un risque
d’extinction de 8%, alors qu’une limitation à 4 meutes entraînerait un risque d’extinction de 90%. La
stratégie de gestion dite de zonage implique par ailleurs une plus forte sensibilité du risque
d’extinction aux variations des paramètres démographiques qu’un mode de gestion non différentié.
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Démarche d’évaluation prospective de la situation du loup en France à l’horizon 2025/2030 et à long terme
Figure 11 Probabilités d’extinction (axe vertical) modélisées sous un risque de 2% à l’horizon de 50 ans selon le
nombre initial de meutes composant une population de loups (axe horizontal), selon 5 scénarios allant du plus
pessimiste (faible survie des animaux, S0) au plus optimiste (forte survie des animaux, S4). b) sous un régime de
mortalité aléatoire, b) sous un régime de mortalité équivalent à une stratégie de gestion différentiée i.e.
empêcher la population de dépasser un nombre de meutes. Extrait de Chapron et al. (2003).
En théorie, la taille minimum viable d’une population correspondrait à l’effectif le plus faible à
partir duquel le risque d’extinction serait considéré comme acceptable. Il n’y a pas de valeur unique
retenue pour définir un niveau de risque « acceptable », mais au contraire plusieurs possibles selon
les dires d’experts auxquels on fait référence. Des niveaux de risque plus ou moins précautionneux
sont ainsi utilisés, comme 2% sur 50 ans ou à l’inverse 1% sur 1000 ans. Le seuil de 10% sur 100 ans
correspond généralement au consensus accepté par des organismes tels que l’UICN chargée de la
classification des états de conservation des espèces.
Par ailleurs, la façon même d’évaluer si une population donnée risque de s’éteindre repose
sur l’hypothèse irréaliste (surtout dans le cas de populations soumises à une forme de gestion des
effectifs) d’une valeur moyenne constante des paramètres démographiques tout au long des années
simulées. En effet, même si les modèles peuvent prendre en compte la variabilité naturelle autour de
ces valeurs moyennes (correspondant à l’influence des contraintes environnementales auxquelles les
animaux ont à faire face telles les pathologies, la disponibilité alimentaire, les variations d’origine
climatique etc.), les orientations en matière de politique publique sur la gestion des effectifs peuvent
varier au cours du temps et influer directement sur la valeur moyenne des dits paramètres.
Le seuil minimum requis pour éviter l’extinction à un horizon temporel donné dépend par
conséquent de la dynamique démographique de la population. Chapron et al. (2012) réalisent ce
type de simulations avec un modèle démographique général non spécifique du loup, ayant comme
paramètres le taux de croissance* de la population et la capacité de charge* qui agit comme seuil de
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Démarche d’évaluation prospective de la situation du loup en France à l’horizon 2025/2030 et à long terme
viabilité. La mesure de terrain du taux de croissance* d’une population étudiée (à un instant t) peut
être intégrée aux résultats simulés et synthétisés sous forme graphique (Figure 12). Ainsi en France,
le taux de croissance* modélisé sur la période 1995-2016 sous un régime considéré exponentiel (cf.
infra § IV.4.a et Figure 13a) correspondrait à un effectif plancher d’environ 50 loups pour respecter
un risque de 10% sur un horizon de 100 ans (point noir sur Figure 12). Par contre, si on modélise la
dynamique observée sous un régime de croissance freinée (tenant ainsi compte de la stabilisation
des effectifs entre 2014 et 2016, cf. infra § IV.4.a et Figure 13b), l’effectif plancher de viabilité est de
100 à 125 individus pour un même seuil de risque (carré noir sur Figure 12). Notons qu’un taux de
croissance* correspondant à une population stable (assorti de son incertitude mesurée ici par le
paramètre SD=0.15) donnerait ainsi un seuil minimum de 400 à 500 animaux pour éviter un risque
d’extinction de 10% à l’horizon de 100 ans.
La viabilité d’une population, à des horizons temporels de 50 ou 100 ans, doit donc être vue
comme fluctuante par nature, d’autant qu’elle dépend des variations de son taux de croissance*,
variations très probables dans le cas d’une espèce en phase de colonisation et soumise à un plan de
gestion, dont la dynamique n’est pas stabilisée, ni dans l’espace ni dans le temps.
Figure 12 Courbes de niveaux des seuils minimum de population viable en fonction du taux de croissance* de la
population et de sa variance observée. Le point noir représente le taux de croissance* de la population
française estimé avec un modèle exponentiel, alors que le carré noir représente le taux de croissance* de la
population française estimé avec un modèle à croissance freinée. La taille minimale de population
démographiquement viable est estimée en exécutant 10 000 simulations Monte-Carlo sur la base d’un taux de
croissance* tiré d’une distribution normale (à l’exclusion des valeurs négatives, soit λ > 0). Se reporter à
Chapron et al. (2012) pour les détails.
39
Démarche d’évaluation prospective de la situation du loup en France à l’horizon 2025/2030 et à long terme
Toute approche de modélisation repose forcément sur des hypothèses plus ou moins réalistes
de construction du modèle sous-jacent. Les projections d’effectifs au cours du temps supposent en
plus que les scénarios considérés ne changent pas. Dans le cas du loup et de sa gestion, cela signifie
qu’aucun système de rétroaction n’est inclus, c'est-à-dire qu’une action de gestion conduite au début
est maintenue constante les années suivantes. A l’inverse de ce que peuvent proposer des approches
dites adaptatives (cf. infra), l’estimation du risque d’extinction est extrêmement sensible à toutes ces
hypothèses, si bien que le résultat, fourni par les projections d'un modèle figé initialement, n’a pas
de valeur absolue (Flather et al. 2011) qui puisse être utile pour une gestion opérationnelle (Boyce
1992, Ludwig 1999, Reed et al. 2003).
Les analyses de viabilité montrent clairement leur utilité pour comparer les résultats obtenus
entre les différents scénarios, en l’occurrence les différences dans l’issue des trajectoires
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Démarche d’évaluation prospective de la situation du loup en France à l’horizon 2025/2030 et à long terme
démographiques simulées selon les taux de survies* de classes d’individus. En revanche, l’exercice
suppose que la structure démographique de la population reste stable, et que toutes les autres
contraintes soient égales par ailleurs. Les trajectoires ainsi simulées considèrent que les paramètres
sont stables en moyenne à l’horizon de la projection, donc que des facteurs tels la dépendance à la
densité, des effets compensateurs*, ou bien les règles de décision pour sa gestion le soient aussi. Ces
analyses de viabilité se prêtent donc très mal à la prédiction d’un système dont on sait par avance ne
pouvoir garantir la stabilité des paramètres et/ou des actions qui en conditionnent pourtant la
réponse.
(1) Mesurer les paramètres de la population (effectifs, taux de survie*) sur des bases
scientifiquement robustes en termes de méthodes mobilisées ;
(2) Projeter le devenir de la population à court, moyen ou long terme ;
(3) Mesurer le degré d’incertitude de la prédiction à ces différentes échéances temporelles, pour
identifier laquelle présente une vraie opérationnalité, tout en gardant une vision à long terme du
système biologique afin d’assurer sa viabilité démographique et écologique.
Un modèle hiérarchique à espace d'états2 a été utilisé pour estimer les conséquences de divers
niveaux de tirs sur la population de loups en France (cf. http://www.oncfs.gouv.fr/IMG/pdf/Bulletin-
ReseauLoup-29_def.pdf pour un résumé des principes). Ces modèles hiérarchiques présentent
l'avantage de formaliser dans un cadre probabiliste cohérent, à la fois le processus écologique et à la
fois le processus d'observation desquels découlent les données d’effectifs. Dans le cas du loup, le
processus écologique est la dynamique de la population de loups en France, qui est principalement
gouvernée par la survie des animaux. Le processus d'observation est la série d’effectifs mesurés et
leur imprécision, grâce aux analyses dites de capture-marquage-recapture, effectuées par le CEFE en
collaboration avec l'ONCFS.
La force des modèles hiérarchiques réside dans la prise en compte des multiples sources
d'incertitude, traitées de manière cohérente et systématique. En ce sens, les conclusions sont donc
plus robustes pour comparer la dynamique des effectifs de la population sous des modèles
différents, et évaluer la pertinence des projections en vue de leur utilisation dans le processus de
décision de gestion de la population.
2
Voir McCarthy (2007), Bayesian Methods in Ecology, Cambridge University Press pour une introduction aux modèles hiérarchiques à
espace d'états.
41
Démarche d’évaluation prospective de la situation du loup en France à l’horizon 2025/2030 et à long terme
a) la croissance des effectifs a été considérée comme modélisable sous une forme exponentielle
(Figure 13a, colonne de gauche) ;
b) le taux de croissance* a été considéré comme modélisable avec une forme de freinage (Figure
13b, colonne de droite), telle qu’observée sur les effectifs des 3 dernières années, imitant ainsi les
effets de, par exemple, un phénomène de dépendance à la densité (à savoir que les espaces vacants
sont de moins en moins disponibles dans les Alpes pour accueillir de nouveaux territoires), et/ou de
l’augmentation de la mortalité globale due aux tirs dérogatoires qui ralentiraient l’accroissement de
la population.
Le processus d’observation est commun aux deux modèles. Il est réalisé en intégrant une marge
d’erreur associée à l’estimation de la taille de la population par la méthode de Capture-Marquage-
Recapture (CMR) à partir des signatures génétiques. Les deux modèles, une fois ajustés aux données
CMR, fournissent non seulement la valeur moyenne du taux de croissance* décrivant au mieux la
tendance, mais aussi une distribution de fréquences des valeurs possibles pour ce taux de
croissance*. Ces résultats (valeur moyenne de croissance et incertitude) servent à simuler la
dynamique des effectifs sur l’horizon temporel demandé (2030). Les effectifs « attendus » sous ces 2
modèles de croissance pour la population en 2016 ne diffèrent en moyenne qu’assez peu (268
individus, IC 95% = 220 - 331 dans le cas du modèle sans freinage ; 261 individus, IC 95% = 205 – 335,
dans le cas du modèle avec freinage), et sont compris dans l’intervalle de confiance de la valeur
mesurée à partir des données de terrain (IC 95% = 189 – 296). On utilise un critère statistique (appelé
DIC , Spiegelhalter et al. 2003) pour mesurer la qualité d’ajustement du modèle aux données : plus sa
valeur est faible, meilleur est le compromis entre qualité de l’ajustement et complexité du modèle.
Sur cette base, les deux modèles sont équivalents (celui avec fonction de freinage : DIC = 178.2 ; celui
à croissance exponentielle : DIC = 179.9). En l’état des données actuelles, il n’est donc pas possible de
choisir lequel décrit le mieux, au sens statistique, l’évolution des effectifs. Le choix entre un modèle à
croissance exponentielle et un modèle à croissance freinée pourra par contre être intégré dans une
démarche de gestion adaptative : ce choix sera fait au fur et à mesure que de nouvelles estimations
d’effectifs annuels à venir seront disponibles. Sous le modèle avec croissance exponentielle, le taux
médian de croissance annuelle est λ =1.12 [1.05-1.22]. Si les années futures devaient s’inscrire dans
la continuité du plateau d’effectifs observé depuis 2014, le modèle avec freinage s’imposera au
contraire sans doute comme celui permettant de décrire au plus juste la dynamique observée de la
population. Sous ce régime, le taux médian de croissance annuelle sera alors de λ = 1.05 [0.77-1.42].
A noter que son intervalle de confiance contient des valeurs inférieures ou égales à 1 ce qui
correspond à une stationnarité ou un déclin de la population (cf. l’importante zone grisée, Figure 13,
en haut). Les projections des effectifs possibles à l’horizon 2030 ont été réalisées sous ces 2
scénarios, en tenant compte à la fois de l’imprécision autour de l’effectif initial de la simulation (IC
95% en 2016) et de l’étendue des variations possibles autour du taux de croissance* à venir (IC95%
du taux médian sous chacun des deux scénarios). Les trajectoires simulées (enveloppes grisées au-
delà de l’année 2016 sur la Figure 13) résultent donc la combinaison de deux processus non
distinguables : un processus biologique (la croissance vraie d’effectifs) et un processus
méthodologique (la propagation des sources d’erreurs combinées sur les effectifs et la croissance,
erreurs qui s’accumulent au cours du temps simulé). Sous un régime de croissance exponentielle, ce
qui supposerait évidemment un développement continu de la population en dehors du massif alpin,
quasiment toutes les trajectoires simulées évolueraient à la hausse (Figure 13a). Sous un régime de
croissance freinée, illustrant une dynamique dans la continuité de celle observée ces 3 dernières
années, plus de 40% des trajectoires simulées évolueraient à la baisse Figure 13b).
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Démarche d’évaluation prospective de la situation du loup en France à l’horizon 2025/2030 et à long terme
0.4 0.6 0.8 1.0 1.2 1.4 1.6 0.4 0.6 0.8 1.0 1.2 1.4 1.6
1000
800
800
600
600
Individus
Individus
400
400
200
200
0
1995 2000 2005 2010 2015 2020 2025 2030 1995 2000 2005 2010 2015 2020 2025 2030
Années Années
Figure 13 Ajustement des modèles de croissance de la population de loups pour a) (colonne gauche) une
croissance exponentielle monotone et b) (colonne droite) une croissance avec freinage pour prendre en
compte la dynamique récente de la population telle que pressentie sur les 3 dernières années de la série de
données. Première ligne : distribution du taux de croissance* estimé par le modèle. Le pic de la courbe
correspond à la valeur du taux de croissance* (sur l'axe horizontal) qui est la plus vraisemblable, la zone grisée
foncée indique la probabilité que la population décroisse. Deuxième ligne : simulations de la population de
1995 à 2030. De 1995 à 2016, les modèles sont ajustés aux données (carrés noirs). De 2017 à 2030, les modèles
projettent la population avec les paramètres issus de l’ajustement. Les zones grisées claires montrent les
intervalles de confiance à 95%.
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Démarche d’évaluation prospective de la situation du loup en France à l’horizon 2025/2030 et à long terme
Les niveaux de prélèvements dérogatoires réalisés ces trois dernières années représentent
quelques 14% de la population totale estimée, une proportion quasi-équivalente à l’excédent de
croissance déduit du modèle exponentiel. De manière concordante, l’estimation des taux de survie*
(78%) avant la période d’augmentation des tirs indique que la marge de manœuvre pour exploiter
l’excédent de croissance (si tel était l’objectif politique) ne devrait pas dépasser 12% de mortalité
supplémentaire dans l’objectif de garantir au moins la stationnarité des effectifs. La mise à jour
progressive des estimations par capture-recapture des taux de survie* pour ces dernières années
devra permettre de vérifier si la mortalité induite par les niveaux de tirs de prélèvements s’inscrit
dans ce que la population peut supporter globalement comme mortalité totale sans orienter sa
dynamique à la baisse. Dans les deux cas, il faut surtout noter l’étendue des trajectoires possibles
(largeur de la zone grisée) limitant ainsi les capacités d’utilisation de ces prédictions dans la gestion.
(Cf. § IV.4.c)
Le modèle repose en grande partie sur la démographie observée dans le contexte alpin qui
rassemble l’essentiel des effectifs. Rien ne permet de présager de sa capacité à prédire de manière
fiable la dynamique d’installation et de développement numérique de la population dans les autres
zones de France. Des animaux sédentarisés et reproducteurs sont connus ailleurs, pour le moment
uniquement dans le massif des Hautes Vosges. Le suivi de la progression géographique constitue
donc un complément indispensable à l’analyse et la prédiction, même à court terme, de l’évolution
numérique.
La dispersion* des animaux depuis leur territoire de naissance constitue le mécanisme par
lequel la population évolue géographiquement puis numériquement une fois de nouveaux groupes
reproducteurs constitués. Le nombre d’animaux colonisateurs, ainsi que la proportion de ceux qui
vont se fixer sur un territoire, sont des déterminants majeurs du bilan démographique de l’espèce
(Chapron et al. 2016). Cependant, leur quantification – et surtout leur variation – sont rarement
disponibles directement par des mesures de terrain, voire impossibles à obtenir à l’échelle d’un pays.
Cartographier la distribution d’espèces mobiles, en recolonisation, telles que le loup, qui est capable
de parcourir plusieurs centaines de kilomètres pour établir de nouvelles unités sociales, constitue un
défi méthodologique majeur en écologie, et en prédire la dynamique encore plus.
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Démarche d’évaluation prospective de la situation du loup en France à l’horizon 2025/2030 et à long terme
Marucco & McIntire (2010) avaient également développé un modèle pour étudier
l’expansion du loup dans les Alpes italiennes et le risque de prédation sur les troupeaux domestiques,
cette fois sous une approche spatialement explicite. L’originalité de leur approche réside dans cette
prise en compte explicite de l’habitat favorable et de la structure sociale comme un facteur crucial de
la dynamique d’installation des meutes. Les auteurs insistent sur l’importance de distinguer une
présence de meutes formées de celle d’un individu seul, car l’installation de ces dernières est
souvent largement postérieure à celle des premiers loups en dispersion*. Les résultats sont une
simulation de la présence de l’espèce à l’horizon 2013, 2018 et 2023, utilisée pour identifier son
recouvrement spatial avec les prairies d’altitude (un proxy supposé du risque de prédation aux
troupeaux).
Une autre composante largement ignorée dans les études sur la distribution du loup en
Europe est la détection imparfaite de l’espèce. En effet, la non-détection de l’espèce à un endroit ne
signifie pas forcément qu’elle en soit réellement absente. Mesurer cette probabilité de détection,
c'est-à-dire quantifier le risque de ne pas la détecter alors qu’elle est présente (Kéry et al. 2013,
Yackulic et al. 2013, Lahoz-Monfort et al. 2014) permet de « corriger » une carte de présence
détectée en une carte de probabilité de présence. C’est précisément ce que Louvrier et al. (2017)
proposent dans une analyse des données disponibles en France durant la période 1993-2014. Pour
tenir compte des effets de l’effort d’échantillonnage sur la détection de l’espèce, ces auteurs ont
utilisés a posteriori le nombre de correspondants du Réseau Loup/Lynx présents chaque année en un
endroit donné. En partant d’une situation où l’effort était dédié à la détection du lynx depuis 1988
45
Démarche d’évaluation prospective de la situation du loup en France à l’horizon 2025/2030 et à long terme
dans le quart nord-est de la France, l’extension des mêmes procédures de suivi à celle du loup a
permis, dès 1994, le déploiement et l’intensification progressive du réseau d’observateurs sur le
territoire national (Figure 14).
Figure 14 Cartes de l’effort de prospection (approximée par le nombre et la localisation des correspondants du
Réseau Loup Lynx / 100 km²) en 1994, 2004, et 2014.
Cette approche permet ainsi de différencier l’absence réelle de l’espèce en considérant l’effort
de prospection, d’une absence qui ne serait simplement que le résultat d’un déficit
d’échantillonnage. Pour ce faire, Louvrier et al. (2017) ont eu recours dans une seconde étape aux
modèles dit « d’occupation dynamique » (MacKenzie et al. 2003). Sur la base d’un échantillonnage
répété dans le temps et l’espace (les cellules 10x10 km de la grille
La probabilité d’extinction locale (un site occupé par l’espèce une année devient inoccupé
l’année suivante) ;
La probabilité de colonisation (un site non occupé une année devient occupé l’année
suivante).
Ces trois paramètres sont estimés en même temps, et corrigés par la probabilité de détecter
l’espèce. Une représentation cartographique de la distribution probabilisée du loup en France est
46
Démarche d’évaluation prospective de la situation du loup en France à l’horizon 2025/2030 et à long terme
ainsi produite pour chaque année (Figure 15), afin d’apprécier la dynamique de colonisation de
l’espèce. Ce type d’approche permet de dire que même si elle n’a pas été détectée, il y a une
probabilité non-nulle que l’espèce soit quand même présente sur un site donné. Dans les Vosges, par
exemple, la présence du loup est détectée par le réseau (carré rouges Figure 15). Cependant,
compte-tenue de la détection imparfaite, et conditionnellement aux paramètres environnementaux
déterminés comme importants (en l’état de la présence actuelle du loup), le modèle montre que
plusieurs sites alentours au sud du massif ont entre 50 à 75% de chance d’être occupés par l’espèce
(Figure 15a). Cette mesure est par ailleurs assortie d’un degré de confiance qui permet de mesurer
l’incertitude associée à l’estimation (Figure 15b).
Figure 15 Cartes de l’occupation estimée du loup a) et de l’incertitude associée b) pour l’année 2014. Les points
noirs sont les détections réalisées par le Réseau de correspondants en 2014. Tiré de Louvrier et al. (2017).
Réalisée chaque année, l’approche permet de mesurer le taux d’expansion de l’espèce. Il est
défini comme le ratio du nombre de sites nouvellement occupés une année donnée sur le nombre de
sites occupés l’année précédente. Après une phase de décroissance de la vitesse de colonisation
jusqu’à la fin des années 90, la progression moyenne de l’aire de distribution du loup est de 17%/an.
La tendance est en revanche plus faible et relativement constante depuis le début des années 2000
(Figure 16), correspondant à une valeur moyenne d’environ 5 à 10% de surface nouvellement
colonisée chaque année.
47
Démarche d’évaluation prospective de la situation du loup en France à l’horizon 2025/2030 et à long terme
Figure 16 Taux de croissance* géographique – nombre de sites nouvellement occupés divisé par le nombre de
sites occupés l’année précédente) de 1994 à 2014. Après une phase de décroissance de la vitesse de
colonisation jusqu’à la fin des années 90, la progression de l’aire distribution du loup reste depuis relativement
constante. Tiré de Louvrier et al. (2017).
Nous avons analysé cette propagation de l’incertitude autour des prédictions du devenir des
effectifs de la population de loups sous les deux régimes de croissance exponentielle ou de
croissance avec freinage (Figure 13). Ainsi, même à l’horizon de quelques années, les modèles
estiment jusqu’à 600% de variation autour de la valeur médiane prédite. Quel que soit le scenario
envisagé, il est clair que l’éventail des possibles autour de chaque point de prédiction empêche toute
utilisation fiable du modèle pour prédire les bilans démographiques en France à l’horizon 2030
(Figure 13). La précaution qui s’impose est donc d’inscrire l’évaluation de la population dans une
démarche « pas à pas » à courtes échéances, pour compenser la non prévisibilité du système
démographique à long terme. Il faut adapter le processus de décision de manière réactive à la
lumière des connaissances acquises à brève échéance (cadre de gestion adaptative – cf. infra). Par
ailleurs, l’accumulation des connaissances acquises au fil du temps permettra de gagner en puissance
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Démarche d’évaluation prospective de la situation du loup en France à l’horizon 2025/2030 et à long terme
de projection. C’est de toute évidence bien plus pertinent biologiquement et socialement que
d’espérer planifier des actions à très long terme avec le corollaire d’une immense incertitude sur les
résultats.
Que les paramètres environnementaux majoritairement alpins sur lesquels le modèle repose
restent ceux qui conditionnent l’installation future du loup dans le centre, le nord ou encore l’ouest
de la France. La plasticité écologique de l’espèce est telle qu’elle est capable de vivre dans une
grande diversité de milieux. Il est fort probable que la colonisation du loup en milieu de plaine ou de
bocage déjà observée ponctuellement modifiera la sélection des facteurs environnementaux
déterminants pour l’installation de l’espèce et la cartographie de sa distribution future ;
Que la distribution des habitats ainsi que les contraintes de densité humaine et d’utilisation
des terres ou de modes de gestion des espèces restent inchangées.
Par rapport à la première condition, Milanesi et al. (2016) ont choisi d’utiliser l’ensemble de
l’aire européenne de distribution de l’espèce comme source de données pour ajuster le modèle.
Cette étude s’intéresse à l’expansion future de l’aire de présence potentielle des grands carnivores à
l’échelle de Europe, en comparant les données de distribution historique à celles de distribution
actuelle des carnivores (Chapron et al. 2014). Un résultat important de cette étude est la mise en
évidence de la plasticité écologique du loup puisque l’espèce a recolonisé entre les périodes 1950-70
et 2010-2012 des zones qui n’étaient pourtant pas identifiées en première approche comme
favorables pour son installation. Après avoir mis en évidence l’importance des facteurs anthropiques
pour expliquer la distribution des grands carnivores, les auteurs projettent ces distributions en
prenant en compte des scénarios de changements d’utilisation des terres et de projection de densité
humaine (par analogie aux scénarios climatiques développés par le GIEC). Le modèle à l’horizon
2040, montre bien l’étendue des possibilités de colonisation du loup lorsque les données utilisées
pour calibrer le modèle regroupent tout l’éventail de diversités d’habitats en Europe. Ainsi tous les
milieux pourraient être colonisés en France, à l’exception d’après ce modèle des franges normandes,
bretonnes, et des zones très urbanisées (Figure 17). Cette étude relève toutefois de la macro-
écologie qui s’intéresse aux patrons de distribution à large échelle spatiale et temporelle et n’a pas
pour objectif de fournir des outils pour la gestion des grands carnivores. Dans quelle mesure tel ou
tel scénario va-t-il se réaliser ? Aucune étude n’est en mesure de le montrer sur cette espèce non
affiliée à un type d’habitat précis.
L’alternative réside encore une fois dans l’utilisation des démarches adaptatives, qui année après
année, au fur et à mesure que les nouvelles données sont acquises, réajustent le prévisionnel à court
terme (avec les mêmes modèles ou un modèle alternatif) sur la base d’un processus d’apprentissage.
Cette démarche produit un gain opérationnel certain pour assurer la légitimité ainsi qu’une flexibilité
nécessaire aux objectifs de gestion et de conservation du loup (cf. infra §V).
49
Démarche d’évaluation prospective de la situation du loup en France à l’horizon 2025/2030 et à long terme
Figure 17 Projection d’une distribution prévisionnelle macro-écologique du loup en Europe à l’horizon 2040
sous différents scénarios de changement des habitats et de leur exploitation par l’homme (de gauche à droite :
gradient de croissance économique de fort à modéré). Tiré de Milanesi et al. (2016). En vert : superposition
avec la présence déjà détectée tirée de Chapron et al. (2014). En marron : présence prédite.
V. CONCLUSIONS ET RECOMMANDATIONS
1. La viabilité écologique à l’horizon temporel de la biologie
de la conservation
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Démarche d’évaluation prospective de la situation du loup en France à l’horizon 2025/2030 et à long terme
Dans le meilleur des cas, ces changements ne peuvent être abordés que de manière
probabiliste. Ainsi, l’analyse de la viabilité d’une population doit se concevoir comme une démarche
comparative de scénarios, chacun conduisant à des probabilités différentes d’observer des
évolutions diverses d’effectifs de la population à une échelle de temps donnée.
Les procédures de gestion, particulièrement si elles reposent entre autres sur des
prélèvements d’animaux de la population concernée, ont des effets qui se cumuleront pour tout ou
partie avec ceux d’autres facteurs environnementaux et/ou intrinsèques. Dans le cas du loup, le
devenir de sa population en termes d’évolution numérique est très corrélé au bilan de mortalité
totale. Quelles que soient les approches de modélisation utilisées (Marucco & McIntire 2010,
Marescot et al. 2012), les résultats obtenus convergent vers une mortalité maximale de 34% en
moyenne au-delà de laquelle toute population de loups déclinera et, si elle est maintenue sur cette
tendance, s’éteindra de manière certaine. Chapron et al. (2012) ont étudié les changements de seuils
de viabilité en fonction du taux de mortalité, qui variait de 10% à 50%. Les auteurs notent cependant
que des possibilités d’extinction restent substantielles pour des seuils en deçà et proches de 34%. En
présence d’événements catastrophiques (épizooties, climat, etc.), les simulations montrent qu’il
faudrait au moins tous les 10 ans une catastrophe qui ampute la population de plus de 60% de ses
effectifs pour que celle-ci ne soit pas viable.
Telle qu’elle fonctionne actuellement, la population de loups en France peut être considérée
comme n’étant pas exposée à un risque d’extinction démographique immédiat, et ce tant que le taux
global de mortalité est maintenu en dessous de 34%, ce qui correspond à un taux de croissance* au
51
Démarche d’évaluation prospective de la situation du loup en France à l’horizon 2025/2030 et à long terme
moins égal à 1. Le nombre de migrants efficaces par générations (Fabbri et al 2007) montre que la
population n’est pas en situation génétique précaire à court terme, contrairement à la situation
scandinave par exemple. Reste qu’il faudra évaluer comment s’organise la responsabilité juridique
française pour atteinte des objectifs de viabilité à long terme et à quelle échelle géographique ( seuils
minimums d’effectifs efficaces à l’échelle nationale ou supra nationale), dans un contexte de
connectivité génétique globalement croissante avec les populations voisines (Alpes, Europe de l’Est,
Espagne).
L’effet des prélèvements sur la survie moyenne n’est pas disponible pour la période récente
puisque l’estimation de survie par CMR nécessite toujours un recul temporel sur les données de
terrain. En revanche, la série d’effectifs estimés jusqu’en 2016 suggère qu’un modèle comportant un
terme de freinage est vraisemblable en l’état actuel des données disponibles. Ainsi la population
dégagerait, sur la période 2013-2016, un reliquat annuel de croissance de 5% (Lambda=1.05 [0.77-
1.42]) post prélèvement. Le pourcentage d’animaux prélevés légalement représente environ 14% des
effectifs estimés en 2015, soit quasiment l’équivalent de l’excédent de croissance observé avant la
période d’augmentation des tirs dérogatoires. La modélisation du taux de survie* pour la période
2013-2016 permettra de mieux évaluer quel est le modèle à retenir pour rendre correctement
compte des données, et ainsi garantir les ajustements des règles de gestion par prélèvements selon
l’objectif de la politique envisagée.
52
Démarche d’évaluation prospective de la situation du loup en France à l’horizon 2025/2030 et à long terme
Les analyses engagées dans cette expertise se sont justement attachées à évaluer ce pouvoir de
prédiction des modèles purement démographiques pour estimer le devenir numérique de la
population. Que ce soit sous une option de croissance exponentielle continue ou d’une population
freinée, la modélisation montre clairement la propagation de l’incertitude grandissante au fil des
années. Accorder plus de confiance à l’un ou l’autre des scénarios est impossible en l’état actuel des
données disponibles : c’est d’autant plus vrai si l’on prend bien en compte la plasticité écologique et
les capacités de déplacement de l'espèce, imprévisibles en l'état de nos connaissances", qui lui
permettent de s’adapter à une large diversité de conditions environnementales.
53
Démarche d’évaluation prospective de la situation du loup en France à l’horizon 2025/2030 et à long terme
Il existe une certaine confusion autour du sens du terme « gestion adaptative » notamment à
cause des nombreuses définitions qui existent dans la littérature. Ici nous adopterons le sens donné
par Williams & Brown (2014), repris du National Research Council (2004) : la gestion adaptative est
un « processus flexible de prise de décisions, qui est ajustable au regard des incertitudes au fur et à
mesure que les résultats des actions de gestion et d’autres événements sont mieux compris. Un suivi
attentif de ces résultats permet à la fois de faire avancer la compréhension scientifique et d’aider à
ajuster les politiques ou les interventions dans le cadre d’un processus d’apprentissage itératif ».
Cette analyse était dans l’esprit des pionniers qui ont introduit la gestion adaptative dans les sciences
de l’environnement pour la gestion des ressources naturelles à la fin des années 70 (Holling 1978,
Walters & Hilborn 1978).
La gestion adaptative est ainsi généralement vue comme un processus dynamique qui intègre
apprentissage, par une compréhension croissante du système au cours du temps et ajustement des
orientations choisies au cours du temps. Elle est particulièrement utile dans le cas de systèmes
naturels qui répondent aux actions intentées, mais pour lesquels des sources d’incertitude existent
quant aux processus qui gouvernent ces systèmes et à l’effet des actions mises en place (Williams et
al. 2009). Le principe général ne consiste pas à supprimer la prise en compte de cette incertitude
mais au contraire à l’intégrer correctement pour affiner le processus de décision.
Figure 18 Schématisation du processus d’apprentissage dans la gestion adaptative. Tiré de Williams et al.
(2009).
54
Démarche d’évaluation prospective de la situation du loup en France à l’horizon 2025/2030 et à long terme
Les deux principaux écueils à éviter si on veut implanter avec succès une stratégie de gestion
adaptative sont bien connus (Westgate et al. 2013, Williams & Brown 2016) :
un défaut de reconnaissance par les institutions des multiples sources d’incertitude liées à la
gestion des systèmes naturels : celles-ci devraient opérer une transition d’une posture « commande
et contrôle » à une posture plus inclusive, collaborative, tolérante au risque et flexible (Stankey et al.
2005).
A la lumière du travail préliminaire effectué dans le cadre de la thèse de Lucile Marescot co-
encadrée par plusieurs membres du présent panel d’experts (O. Gimenez, G. Chapron, C. Duchamp,
E. Marboutin), nous examinons chacune de ces composantes dans le contexte de la population de
loups en France :
Les objectifs ultimes de conservation : si le choix politique est, par exemple, de garantir la
croissance numérique et spatiale de la population de loups sans stratégie de zonage, tout en gardant
la possibilité d’éliminer des individus sur les zones de foyer d’attaque, l’objectif pourrait être de
maximiser les chances d’avoir un taux de croissance* entre une borne minimale et une borne
maximale (croissance numérique), et/ou d’avoir un nombre minimal de meutes (croissance spatiale)
à définir. Les coûts et bénéfices des tirs ainsi que d’autres mesures non-létales peuvent être intégrés
(McManus et al. 2015) ;
Les alternatives de gestion par prélèvements : les règles d’intervention sont-elles les mêmes
dans les différentes régions ? Faut-il cibler les foyers d’attaque ou opérer des tirs de manière
opportuniste ? Doit-on focaliser sur les individus résidents, ou les individus en dispersion* ?
L’important dans le choix de ces alternatives est de s’assurer qu’elles soient opérationnelles, i.e.
qu’elles puissent être techniquement mises en place sur le terrain. Proposer par exemple d’étudier le
retrait total de meutes entières, constituerait ainsi une gageure en matière de faisabilité sur le
terrain ;
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Démarche d’évaluation prospective de la situation du loup en France à l’horizon 2025/2030 et à long terme
Les modèles prédictifs : une approche spatialement explicite est nécessaire pour pouvoir
prédire les conséquences potentielles des stratégies de gestion différentiée vs aléatoire ou encore
tirs opportunistes vs. tirs ciblés sur les foyers d’attaque. Une approche du type de celle développée
par Marucco & McIntire (2010) est recommandée, prenant en compte les résultats disponibles sur
les effectifs (Cubaynes et al. 2010, Marescot et al. 2011), la distribution géographique (Louvrier et al.
2017), et la modélisation de la structure sociale (Marescot et al. 2012) ;
Les protocoles de suivi du système tel que réalisés aujourd’hui via les indicateurs de
tendance : ils restent au cœur du système d’évaluation ;
L’implication des porteurs d’enjeux, à toutes les étapes : elle est essentielle pour partager
aussi bien les objectifs que le choix des alternatives d’actions.
Elle doit nécessairement prendre en compte qu’il existe une grande incertitude sur la
connaissance du fonctionnement des systèmes naturels et sur la façon dont ces systèmes répondent
aux actions de gestion mises en œuvre à des fins de conservation ;
Si la société et sa représentation politique acceptent les tirs de loups comme un des outils de
gestion des dégâts sur les troupeaux domestiques, et cela bien que ce ne soit pas le seul possible et
qu’il puisse être insuffisant, l’un des enjeux est de décider comment effectuer ces prélèvements sans
engager la viabilité de la population, de façon à les inscrire dans un objectif ultime de conservation
de l’espèce tel que défini par les textes légaux. Vue l’incertitude associée à la réponse des
populations de loups à l’effet des prélèvements dérogatoires, une gestion adaptative de cette
approche semble particulière pertinente. La démarche itérative sous-jacente montre toute son
utilité, vu sa flexibilité et les possibilités de réévaluer les actions en fonction de la réponse du
système aux actions précédentes (phase d’évaluation), pour réinjecter la nouvelle connaissance à
chaque pas de temps (apprentissage) et réorienter les décisions si besoin.
56
Démarche d’évaluation prospective de la situation du loup en France à l’horizon 2025/2030 et à long terme
de s’exprimer dans un futur proche. Les prédictions du modèle exponentiel sont surtout influencées
par la dynamique de la population telle qu’observée depuis le retour du loup jusqu’en 2013. Elles
correspondent donc à une dynamique avec peu de contraintes de prélèvements et surtout une
poursuite de colonisation de l’espèce supposée identique à celle observée dans les Alpes. Le modèle
« avec freinage » traduit les différentes trajectoires de la population si sa dynamique restait
conforme à elle observée ces 3 dernières années, et qui se réaliserait éventuellement en dehors des
Alpes. La « cassure » observée dans la courbe d’évolution des effectifs correspond dans sa
temporalité au changement de politique de gestion de l’espèce, une politique qui a vu depuis 3 ans le
nombre réalisé de prélèvements dérogatoires passer de quelques individus à presque une
quarantaine chaque année. Si cette politique devait entrainer une stabilité des effectifs elle induirait
l’impossibilité d’atteindre les objectifs de viabilité génétique à long terme au sein du seul territoire
français.
Actuellement, l’Etat identifie la problématique des dégâts aux troupeaux comme motif de
recours aux décisions de prélèvements dérogatoires sur la population de loups en mobilisant l’article
16(1).b de la Directive Habitat Faune-Flore. Ce dernier stipule que des dérogations sont possibles
« en cas de dommage important et en l’absence de solutions alternatives satisfaisantes », c'est-à-
dire, tel qu’interprété en France, une fois que les mesures non létales de protection des troupeaux
ont montré des limites d’efficacité. Cette ligne de conduite vise à ce que le prélèvement d’un certain
nombre de prédateurs, localisé ou non dans l’espace, permette de « prévenir des dommages
importants ». Si cette stratégie devait être intégrée dans une logique de gestion adaptative, il serait
essentiel d’au moins évaluer le lien entre la dynamique démographique et/ou spatiale du loup et la
réponse attendue de diminution des « dommages » considérés « importants » à des échelles
d’espace et de temps qui resteraient à définir.
Que sait-on de la relation entre nombre de loups tués et baisse des dégâts aux troupeaux ?
Analyser de simples corrélations entre variables prises deux à deux peut ne pas suffire à
démontrer en soi une relation de cause à effet, car de nombreux autres facteurs et l’échelle spatiale
à laquelle ils sont analysés, peuvent expliquer pour partie au moins les différences observées de
niveaux d’attaque. Ainsi à l’échelle nationale, la corrélation forte et positive entre le nombre total de
chiens de protection et d’attaques aux troupeaux ne démontre pas l’inefficacité des chiens. En réalité
57
Démarche d’évaluation prospective de la situation du loup en France à l’horizon 2025/2030 et à long terme
cette corrélation indique plutôt que le nombre de chiens mis en place d’années en années par les
éleveurs augmente en réponse à la colonisation par le loup de nouveaux territoires, une colonisation
spatiale qui explique près de 90% des variations du volume annuel d’attaques à cette échelle.
Il est évident que la relation entre le nombre de loups tués (donc in fine la limitation du taux
de croissance* de la population associée) et les dégâts aux troupeaux est bien trop complexe pour
n’être analysée que par une simple relation de nombre, et ce pour plusieurs raisons :
(1) les analyses de corrélation peuvent générer de fausses conclusions si elles ne tiennent pas
compte de la dépendance entre les mesures réalisées d’une année à l’autre. Par exemple, il y a
évidemment un lien « biologique » entre l’effectif de loups une année donnée et celui mesuré
l’année suivante. L’auto corrélation de série augmente ainsi artificiellement la perception du lien de
cause à effet entre deux variables structurellement dépendantes. Alors que Wielgus & Peebles
(2014) estiment, par exemple, sans tenir compte de cette autocorrélation, que l’augmentation des
prélèvements de loups générerait une augmentation des attaques de 4 à 6% l’année suivante,
Poudyal et al. (2016) montrent, sur le même jeu de données, que la prise en compte de la non-
indépendance des mesures dans la série temporelle change diamétralement la nature des
conclusions. Ainsi, pour chaque loup tué, une baisse moyenne de 3% des attaques sur les moutons
est observée à l’échelle d’un Etat américain.
(2) l’autre point essentiel devra s’attacher à prendre en compte les différences de
distribution des loups ainsi que celle des ovins sur le territoire pour analyser les effets des
prélèvements. Dans l’absolu, la limitation du taux de croissance* numérique de la population globale
peut contribuer à ralentir sa progression géographique, facteur principal expliquant l’augmentation
du total d’attaques au niveau national. En revanche, il est clair que les attaques ne sont pas réparties
uniformément sur l’aire de présence du loup. Environ 20% des unités pastorales attaquées
concentrent plus de 60% des victimes. On peut donc s’attendre à ce que les effets du prélèvement
sur les attaques soient différents s’ils sont réalisés sur ces foyers ou en dehors. Bradley et al (2015)
souligne l’importance de la capacité à relier l’effet des tirs à l’échelle des territoires de meutes pour
montrer le ralentissement des récurrences d’attaques. L’analyse des effets du prélèvement devra
donc s’attacher à bien évaluer ses effets à différentes échelles spatiales telles que l’unité pastorale,
le territoire de meute, le massif, et l’aire de répartition du loup, de même qu’à différentes échelles
temporelles (effet à court, moyen et long terme – cf. Le Cam (2012) pour une première approche)
(3) Enfin le dernier point réside dans les effets alternatifs – et contre intuitifs - que peuvent
produire les tirs à la fois en modifiant la structure sociale des meutes ou les réactions
démographiques compensatoires face à cette contrainte (Ausband et al. 2015, Bradley et al. 2015).
Le loup vivant en unité sociale territoriale, on peut en effet s’attendre à ce que le prélèvement de
quelques animaux dans les meutes diminue la taille de groupe mais ne diminue pas forcément l’aire
d’emprise de la prédation et donc le taux de rencontre avec les moutons. Les effets des tirs sont dans
la plupart des études documentés comme additifs à la mortalité déjà existante (Murray et al. 2010).
Cependant, les mécanismes de compétition territoriale entre les unités sociales voisines sont
également documentés comme impactant significativement la survie des loups. Le réduction des
tailles de meute par les tirs peut donc en compensation alléger l’effet de la compétition et améliorer
la survie des autres membres du groupe (Cubaynes et al. 2014). La perte de l’un des animaux
reproducteurs de la meute produit son éclatement dans 40% des cas en moyenne, cet effet étant
d’autant moins impactant que la taille de groupe est grande (Brainerd et al. 2008, Borg et al. 2015).
Le prélèvement peut également contribuer à générer de l’instabilité sociale et favoriser l’intégration
d’animaux non apparentés au groupe (Rutledge et al. 2010), expliquant ainsi la persistance des
58
Démarche d’évaluation prospective de la situation du loup en France à l’horizon 2025/2030 et à long terme
territoires grâce au taux de remplacement plus important favorisé par les tirs. Les observations
récentes - dans le massif alpin - d’une accélération des découvertes de nouveaux groupes s’installant
dans les espaces interstitiels vacants pourraient être, pour partie au moins, la résultante de tels
effets compensatoires induits indirectement par les prélèvements des deux dernières années. Seule
l’intensification de l’échantillonnage génétique sur certaines zones cibles, ou le suivi répété
d’animaux équipés de GPS sur des sites pilotes pourra permettre d’apprécier ce type d’effets
mesurés in situ.
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Démarche d’évaluation prospective de la situation du loup en France à l’horizon 2025/2030 et à long terme
Glossaire
ANALYSES GENETIQUES NON INVASIVES. Méthodes d'analyses génétiques développées pour le
typage individuel des animaux (génotypage) à partir d'une source ADN qui ne nécessite pas la
capture physique des animaux. Dans le cas des loups, la source ADN vient des excréments, urines,
sangs ou poils qu'ils laissent sur le terrain.
CAPACITE DE CHARGE. Nombre maximal d’individus qu’un milieu donné peut supporter. Il s’agit
d’une propriété du système constitué par la population et son milieu (Tirard et al. 2016). Suivant la
nature du facteur limitant, ce nombre peut être parfois dépassé ponctuellement mais pas
durablement.
DEMO-GENETIQUE. Adjectif qui caractérise une approche (de modélisation par exemple) dans
laquelle des processus démographiques (survie, reproduction…) et génétiques (consanguinité…),
ainsi que leurs possibles interactions, sont pris en compte.
DISPERSION (ou TAUX DE DISPERSION). Tout mouvement d’individus entre différentes zones de
reproduction d’une espèce (donc susceptible de générer des flux de gènes). On appelle dispersion
efficace les mouvements qui se traduisent par des flux de gènes effectifs (Tirard et al. 2016).
EFFECTIF MINIMUM RETENU (acronyme EMR). Indicateur de tendance des effectifs d'une population
de loup mesuré par la somme des effectifs des groupes en hiver, détectés par les relevés de traces et
les observations visuelles, au sein des zones de présence permanentes de l'espèce (animaux
résidents). La variation de cette somme d’individus d’une année à l’autre reflète fidèlement la
tendance de la population globale.
EFFET ALLEE. Dépendance positive à la densité dans le taux de croissance d'une population qui peut
intervenir à faible densité. S'il y a un seuil de densité sous lequel le taux de croissance d'une
population devient négatif, l'effet Allee peut mener à l’extinction. Il peut être attribuable à de
nombreuses causes, y compris le risque accru de prédation, les difficultés à trouver un individu avec
qui s'accoupler, l'endogamie ou une moins grande efficacité à obtenir de la nourriture, à élever les
jeunes ou à obtenir un abri lorsque la taille du groupe est limitée.
EFFETS COMPENSATEURS. Mécanisme biologique qui sous l'action d'un autre, vient contrebalancer
l'effet de ce dernier. La mortalité compensatoire par exemple, est celle qui va toucher en majorité
des animaux qui seraient mort de toute façon d'une autre cause ; si bien que son effet est
négligeable dans l'issu démographique de la population.
60
Démarche d’évaluation prospective de la situation du loup en France à l’horizon 2025/2030 et à long terme
EQUIVALENTS LETAUX. Ils caractérisent des allèles (ou variants génétiques) dont l’effet est délétère,
et dont la somme cumulée aboutit en moyenne à la mort d’un individu. A une échelle plus large, la
métrique « équivalents létaux (LE) » quantifie l’effet négatif de la consanguinité sur la démographie
d’une population.
Abiotique : l'ensemble des facteurs physico-chimiques d'un écosystème qui influencent les
espèces qui y vivent. C'est l'action du non-vivant sur le vivant.
FONTE MUTATIONNELLE. Dans les grandes populations, les mutations désavantageuses qui se
produisent en permanence et se transmettent sont éliminées par le processus de sélection naturelle.
Dans les petites populations, ce processus de sélection n’est plus aussi efficace et aboutit à
l’accumulation par chance de mutations délétères, qui peu à peu, vont réduire la capacité de la
population à croitre.
MODELE D’ANALYSE DE VIABILITE DE POPULATION (ou PVA " POPULATION VIABILITY ANALYSIS ").
Ensemble de méthodes quantitatives (typiquement modèle mathématique ou informatique) qui
mime des processus populationnels (démographiques, génétiques, etc.) pour évaluer le risque
d’extinction et projeter la viabilité d’une population dans le futur selon différents scénarios.
POTENTIEL ADAPTATIF (PERTE/REDUCTION). Sur le long terme, l’environnement des espèces est
fluctuant, pour des raisons astronomiques, climatiques, géologiques, biotiques et, de plus en plus
souvent, anthropiques. La diversité de patrimoine génétique est le support de la réponse adaptative
potentielle des espèces à ces changements renouvelés. Lorsque la taille d’une population diminue,
cette diversité diminue, ainsi que la capacité à s’adapter aux changements environnementaux futurs.
RECRUTEMENT. Addition de nouveaux individus dans une population soit par naissance soit par
immigration. On emploie parfois le terme pour parler de l’addition d’individus devenus matures à la
fraction reproductive d’une population (Tirard et al. 2016).
SEX-RATIO. Rapport du nombre de mâles et de femelles au sein d'une espèce à reproduction sexuée
pour une population, une génération ou un âge donnés.
STOCHASTICITE DEMOGRAPHIQUE. Réalisation aléatoire à l’échelle des individus des taux vitaux
moyens de survie, reproduction et dispersion constituant une source potentielle de déclin des petites
populations (Primack et al. 2012).
TAILLE (ou EFFECTIF) EFFICACE. Dans les populations naturelles, tous les individus ne participent pas
forcément au processus reproductif : l’effectif efficace est composé des animaux potentiellement
61
Démarche d’évaluation prospective de la situation du loup en France à l’horizon 2025/2030 et à long terme
TAUX D’ACCROISSEMENT INTRINSEQUE MAXIMUM. Taux auquel une population est capable de
croître (par exemple d’une année à l’autre) en l’absence de facteurs de régulation, et notamment en
conditions de ressources non limitantes.
TAUX DE CROISSANCE. Mesure de la variation de l’effectif d'une population pour un territoire donné,
sur un pas de temps donné, souvent annuel.
TAUX DE SURVIE (OU PROBABILITE DE SURVIE). Probabilité pour un individu (d’un âge ou d’un sexe
donné) de survivre sur un pas de temps donné, souvent annuel.
62
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Démarche d’évaluation prospective de la situation du loup en France à l’horizon 2025/2030 et à long terme
Figures et tableaux
FIGURE 1 VARIATION ANNUELLE DE LA TAILLE DE GROUPE DE 2 MEUTES VOISINES SUR LE MASSIF DU MERCANTOUR, MESUREE PAR
L’EMR (NOMBRE MINIMUM D'ANIMAUX SE DEPLAÇANT ENSEMBLE EN PERIODE HIVERNALE), DETECTEE PAR PISTAGE ET
OBSERVATIONS VISUELLES. SOURCE : RESEAU LOUP-LYNX. .......................................................................................... 6
FIGURE 2 EXEMPLES DE DISTANCES PARCOURUES PAR LE LOUP EN PHASE DE DISPERSION* (SUIVI GPS/GSM) ; A) DISTANCE
EQUIVALANT A 800 KM EN LIGNE DROITE EN ALLEMAGNE ENTRE LE 23/04 ET LE 12/10/2009 (I. REINHARD, LUPUS
CONSULTING). B) DISTANCE EQUIVALANT A 1200 KM EN LIGNE DROITE EN SUEDE ENTRE LE 12/02 ET LE 24/10/2014 (C.
MILLERET, SKANDULV). ........................................................................................................................................ 7
FIGURE 3 CARTE DE PRESENCE DU NOMBRE D’ESPECES DIFFERENTES D’ONGULES. AU VU DE LA PLASTICITE ECOLOGIQUE DU LOUP,
L’ABONDANCE ET LA DISTRIBUTION DE CES ESPECES NE CONSTITUENT PAS DES FACTEURS PERTINENTS POUR PREDIRE L’EXPANSION
DE LA POPULATION DE LOUPS. SOURCE : RESEAU ONGULES SAUVAGES ONCFS/FDC. ...................................................... 8
FIGURE 4 REGIME ALIMENTAIRE DU LOUP EN FRANCE (N= 1357 FECES), EXPRIME EN NOMBRE D’OCCURRENCES (AXE VERTICAL) DE LA
PROIE PRINCIPALE (AXE HORIZONTAL) DIAGNOSTIQUEES DANS LE NOMBRE DONNE D’EXCREMENTS. NB : SUR L’AXE HORIZONTAL,
O.D. SIGNIFIE ONGULE DOMESTIQUE. (SOURCE : FLUHR 2008). .................................................................................. 9
FIGURE 5 PROPORTION DES ONGULES DOMESTIQUES, DES ONGULES SAUVAGES ET AUTRES PROIES CONSOMMEES PAR LE LOUP SUR 9
MEUTES FRANÇAISES A PARTIR DE L’ANALYSE DE 1357 EXCREMENTS ANALYSES (EXTRAIT DE FLUHR 2008). ........................ 10
FIGURE 6 CINETIQUE DU NOMBRE DE ZONES DE PRESENCE DITE PERMANENTE DES LOUPS EN FRANCE DEPUIS L’HIVER 1992/1993.
SOURCE : RESEAU LOUP/LYNX, 2016.................................................................................................................... 12
FIGURE 7 A) CARTE DE LA PRESENCE DETECTEE DU LOUP (MAILLES DE 10X10 KM) ET B) TENDANCE ANNUELLE OBSERVEE EN FRANCE EN
2016. LA CLASSIFICATION EN PRESENCE REGULIERE OU OCCASIONNELLE EST BASEE SUR UN CRITERE DE NOMBRE MINIMUM
D’INDICES ET CONSTATS D’ATTAQUES VALIDES PAR MAILLE ET PAR PERIODE DE DEUX ANNEES BIOLOGIQUES CHEVAUCHANTES
(VOIR WWW.ONCFS.GOUV.FR POUR LA METHODE)................................................................................................... 13
FIGURE 8 MODELISATION DU CYCLE BIOLOGIQUE D’UNE POPULATION DE LOUPS INCLUANT (MODELE 1) CHAQUE CLASSE D’INDIVIDUS
SOCIALEMENT STRUCTURES EN MEUTE COMPRENANT LES ADULTES REPRODUCTEURS(A), LES JEUNES (J), LES SUBORDONNES (S)
ET LES DISPERSEURS (D) TOUS CONNECTES POUR PASSER D’UN « ETAT » A UN AUTRE PAR DES PROBABILITES A ESTIMER. CE
MODELE PEUT ETRE SIMPLIFIE (MODELE 3) EN DEUX CLASSES, REPRODUCTEURS (A) ET DISPERSEURS (D), POUR PRODUIRE LE
MEME RESULTAT DE MESURE DU TAUX DE CROISSANCE*. TAUX DE SURVIE, TAUX DE CROISSANCE, F FECONDITE, PDI
PROBABILITE DE DISPERSION. TIRE DE MARESCOT ET AL. (2012). ................................................................................ 32
FIGURE 9 MODELISATION (EN ROUGE) DE LA RELATION ENTRE TAUX DE MORTALITE MOYEN (AXE HORIZONTAL) ET CROISSANCE
OBTENUE (AXE VERTICAL) D’UNE POPULATION DE LOUPS SIMPLIFIEE EN DEUX CLASSES SOCIALES (ADULTES REPRODUCTEURS ET
DISPERSEURS). CE MODELE EST ENSUITE CONTRAINT A S’AJUSTER AUX POINTS NOIRS REPRESENTANT LES DONNEES DE
DIFFERENTES POPULATIONS DE LOUPS, INCLUANT LA DONNEE DE LA POPULATION FRANÇAISE OBSERVEE POUR LA PERIODE 1995-
2003 (FLECHE BLEUE). L’AJUSTEMENT DU MODELE AUX DONNEES DE TERRAIN ETANT STATISTIQUEMENT BON, IL PEUT ETRE
UTILISE POUR PREDIRE QU’EN MOYENNE, UN SEUIL DE MORTALITE DE 34% ENTRAINE LA POPULATION SUR UNE PHASE
DECROISSANTE (FIGURE ISSUE DE MARESCOT ET AL. 2012)........................................................................................ 33
FIGURE 10 ESTIMATION DES EFFECTIFS DE LA POPULATION DE LOUPS EN FRANCE SUR LA BASE DES MODELES DE CAPTURE-MARQUAGE-
RECAPTURE (CMR) APPLIQUES AUX PROFILS GENETIQUES ETABLIS PAR LE SUIVI BIOMOLECULAIRE DES EXCREMENTS, POILS,
URINES, SANG OU TISSUS (VOIR CUBAYNES ET AL. 2010 POUR LA METHODE). LE MODELE EST REAJUSTE SUR LA BASE DES
DONNEES GENETIQUES DISPONIBLES (1995-2013 ; CARRE BLANC). LES POINTS DE 2014 A 2016 (CARRES GRIS) SONT PROJETES
SUR LA BASE DE LA RELATION CALIBREE DE LA CMR EN FONCTION DE L’EFFECTIF MINIMUM DENOMBRE DANS LES ZPP
(INDICATEUR EMR). CETTE RELATION PERMET EN EFFET DE PASSER D’UN EFFECTIF MINIMUM RETENU* SUR SEULES ZPP A UN
EFFECTIF TOTAL SUR TOUTE L’AIRE DE PRESENCE. L’HISTOGRAMME INDIQUE LE NOMBRE D’ANIMAUX PRELEVES DANS LE CADRE
DES TIRS DEROGATOIRES ACCORDES. ...................................................................................................................... 35
FIGURE 11 PROBABILITES D’EXTINCTION (AXE VERTICAL) MODELISEES SOUS UN RISQUE DE 2% A L’HORIZON DE 50 ANS SELON LE
NOMBRE INITIAL DE MEUTES COMPOSANT UNE POPULATION DE LOUPS (AXE HORIZONTAL), SELON 5 SCENARIOS ALLANT DU PLUS
PESSIMISTE (FAIBLE SURVIE DES ANIMAUX, S0) AU PLUS OPTIMISTE (FORTE SURVIE DES ANIMAUX, S4). B) SOUS UN REGIME DE
MORTALITE ALEATOIRE, B) SOUS UN REGIME DE MORTALITE EQUIVALENT A UNE STRATEGIE DE GESTION DIFFERENTIEE I.E.
EMPECHER LA POPULATION DE DEPASSER UN NOMBRE DE MEUTES. EXTRAIT DE CHAPRON ET AL. (2003). .......................... 38
FIGURE 12 COURBES DE NIVEAUX DES SEUILS MINIMUM DE POPULATION VIABLE EN FONCTION DU TAUX DE CROISSANCE* DE LA
POPULATION ET DE SA VARIANCE OBSERVEE. LE POINT NOIR REPRESENTE LE TAUX DE CROISSANCE* DE LA POPULATION
FRANÇAISE ESTIME AVEC UN MODELE EXPONENTIEL, ALORS QUE LE CARRE NOIR REPRESENTE LE TAUX DE CROISSANCE* DE LA
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Démarche d’évaluation prospective de la situation du loup en France à l’horizon 2025/2030 et à long terme
POPULATION FRANÇAISE ESTIME AVEC UN MODELE A CROISSANCE FREINEE. LA TAILLE MINIMALE DE POPULATION
DEMOGRAPHIQUEMENT VIABLE EST ESTIMEE EN EXECUTANT 10 000 SIMULATIONS MONTE-CARLO SUR LA BASE D’UN TAUX DE
CROISSANCE* TIRE D’UNE DISTRIBUTION NORMALE (A L’EXCLUSION DES VALEURS NEGATIVES, SOIT Λ > 0). SE REPORTER A
CHAPRON ET AL. (2012) POUR LES DETAILS. ........................................................................................................... 39
FIGURE 13 AJUSTEMENT DES MODELES DE CROISSANCE DE LA POPULATION DE LOUPS POUR A) (COLONNE GAUCHE) UNE CROISSANCE
EXPONENTIELLE MONOTONE ET B) (COLONNE DROITE) UNE CROISSANCE AVEC FREINAGE POUR PRENDRE EN COMPTE LA
DYNAMIQUE RECENTE DE LA POPULATION TELLE QUE PRESSENTIE SUR LES 3 DERNIERES ANNEES DE LA SERIE DE DONNEES.
PREMIERE LIGNE : DISTRIBUTION DU TAUX DE CROISSANCE* ESTIME PAR LE MODELE. LE PIC DE LA COURBE CORRESPOND A LA
VALEUR DU TAUX DE CROISSANCE* (SUR L'AXE HORIZONTAL) QUI EST LA PLUS VRAISEMBLABLE, LA ZONE GRISEE FONCEE INDIQUE
LA PROBABILITE QUE LA POPULATION DECROISSE. DEUXIEME LIGNE : SIMULATIONS DE LA POPULATION DE 1995 A 2030. DE
1995 A 2016, LES MODELES SONT AJUSTES AUX DONNEES (CARRES NOIRS). DE 2017 A 2030, LES MODELES PROJETTENT LA
POPULATION AVEC LES PARAMETRES ISSUS DE L’AJUSTEMENT. LES ZONES GRISEES CLAIRES MONTRENT LES INTERVALLES DE
CONFIANCE A 95%. ........................................................................................................................................... 43
FIGURE 14 CARTES DE L’EFFORT DE PROSPECTION (APPROXIMEE PAR LE NOMBRE ET LA LOCALISATION DES CORRESPONDANTS DU
RESEAU LOUP LYNX / 100 KM²) EN 1994, 2004, ET 2014. ..................................................................................... 46
FIGURE 15 CARTES DE L’OCCUPATION ESTIMEE DU LOUP A) ET DE L’INCERTITUDE ASSOCIEE B) POUR L’ANNEE 2014. LES POINTS NOIRS
SONT LES DETECTIONS REALISEES PAR LE RESEAU DE CORRESPONDANTS EN 2014. TIRE DE LOUVRIER ET AL. (2017). ............ 47
FIGURE 16 TAUX DE CROISSANCE* GEOGRAPHIQUE – NOMBRE DE SITES NOUVELLEMENT OCCUPES DIVISE PAR LE NOMBRE DE SITES
OCCUPES L’ANNEE PRECEDENTE) DE 1994 A 2014. APRES UNE PHASE DE DECROISSANCE DE LA VITESSE DE COLONISATION
JUSQU’A LA FIN DES ANNEES 90, LA PROGRESSION DE L’AIRE DISTRIBUTION DU LOUP RESTE DEPUIS RELATIVEMENT CONSTANTE.
TIRE DE LOUVRIER ET AL. (2017). ........................................................................................................................ 48
FIGURE 17 PROJECTION D’UNE DISTRIBUTION PREVISIONNELLE MACRO-ECOLOGIQUE DU LOUP EN EUROPE A L’HORIZON 2040 SOUS
DIFFERENTS SCENARIOS DE CHANGEMENT DES HABITATS ET DE LEUR EXPLOITATION PAR L’HOMME (DE GAUCHE A DROITE :
GRADIENT DE CROISSANCE ECONOMIQUE DE FORT A MODERE). TIRE DE MILANESI ET AL. (2016). EN VERT : SUPERPOSITION
AVEC LA PRESENCE DEJA DETECTEE TIREE DE CHAPRON ET AL. (2014). EN MARRON : PRESENCE PREDITE. ........................... 50
FIGURE 18 SCHEMATISATION DU PROCESSUS D’APPRENTISSAGE DANS LA GESTION ADAPTATIVE. TIRE DE WILLIAMS ET AL. (2009). . 54
TABLEAU 1 RECAPITULATIF DES EFFECTIFS ESTIMES DANS LES PAYS LIMITROPHES DE LA FRANCE. ................................................ 14
TABLEAU 2 RECAPITULATIFS DU STATUT DES POPULATIONS DE LOUPS SUR LE CONTINENT EUROPEEN ET DU REGIME JURIDIQUE MOBILISE
EN CAS DE PRELEVEMENTS LEGAUX (SOURCE : KACZENSKY ET AL. 2013). ...................................................................... 19
TABLEAU 3 TAUX DE MORTALITE ET PROBABILITES DE DETECTIONS [INTERVALLES DE CONFIANCE 95%] MESURES SUR LA POPULATION
DE LOUPS EN FRANCE PAR LES METHODES CMR. DEUX CATEGORIES D’ANIMAUX SONT IDENTIFIEES : UNE FAIBLE PROPORTION
QUE L’ON RETROUVE SOUVENT D’UNE ANNEE SUR L’AUTRE (COLONNE DE DROITE), ET UNE LARGE MAJORITE QUE L’ON DETECTE
PLUS RAREMENT (COLONNE DE GAUCHE). ............................................................................................................... 34
TABLEAU 4 PARAMETRES UTILISES DANS LES 5 SCENARIOS IMITANT LE FONCTIONNEMENT DE LA POPULATION DE LOUPS DU PLUS
PESSIMISTE (S0) AU PLUS OPTIMISTE (S4). LE SCENARIO S2 EST LE PLUS REPRESENTATIF DU FONCTIONNEMENT ACTUEL DE LA
POPULATION DE LOUPS EN FRANCE. SEULS LES PARAMETRES DE SURVIE SONT CONSIDERES COMME VARIABLES ENTRE SCENARIOS.
...................................................................................................................................................................... 37
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ANNEXE 2
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