Séance n°2- lit. moderne
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Littérature arabe
Ons Trabelsi
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Riwāya1, dérive étymologiquement de rawā, « abreuver », et, par
extension, « abreuver de paroles », « narrer ». La riwāya, étant un
substantif, a pour sens premier le « récit », la « narration », d’une manière
très large puisque le terme revoyait même (et renvoie encore, voir les
préfaces de Yūsūf Idrīs à la pièce Al- farāfīr) au récit théâtral, à la pièce de
théâtre. Le terme tend toutefois à se spécialiser dans le sens de « roman »,
et à s’opposer au genre de la nouvelle (qiṣṣa) et du théâtre.
Comme pour le roman occidental que signalait à l’origine un changement
de langue, du latin à la langue de l’Ile –de- France, la riwāya, au sens
moderne, s’accompagne d’un passage de la langue médiévale à la langue
moderne, moins préoccupée de jeux formels et esthétiques que du message
fictionnel.
Les premiers textes étaient publiés dans la presse sous forme de feuilletons.
Il s’agit d’essais journalistiques où se mélangent la littérature, la critique sociale,
la fiction et la moralité. Ces premiers essais puisent leur matière dans les
idéologies de la Nahḍa. Ils réhabilitent certaines traditions littéraires, comme al-
maqāma, tout en livrant une vision critique et percutante de l’actualité. Ces
auteurs visent d’une part la réforme de la société, d’autre part l’innovation sur le
plan stylistique et linguistique. Ḥadīṯ ʿĪssa Ibn Hišām, (Ce que nous conta ʿĪssa
Ibn Hišām) de Muḥammad al-Muwayliḥī, publié en feuilleton dès 1898 dans la
Revue Miṣbāḥ al-šarq (La lanterne de l’Orient), illustre bien cette tendance.
Vers la fin du XIXe siècle et les premières années du XXe siècle, les
premiers romans puisent leurs sujets dans le patrimoine littéraire et
historiographique, dans les œuvres occidentales ou s’inspirent du présent en
proposant une morale et des modèles de conduite en conservant les raisons
traditionnelles du ‘adab : instruire en amusant. Les deux pionniers de ce genre
sont alors Salīm al-Bustānī (1846-1884) et Jurjī Zaydān (1861-1914), deux noms
illustres faisant partie des intellectuels syro-libanais immigrés en Égypte pour fuir
la censure ottomane et religieuse. Salīm al-Bustānī publie neuf romans, tous parus
1
Bencheikh Jamel Eddine, Dictionnaire de littératures et de langues arabe et maghrébine francophone, Paris,
Quadrige/PUF, 1994, p.326.
2
dans son périodique al- Jinān dont Zénobie en 1871. Jurjī Zaydān, quant à lui,
publie dans al-Hilāl pas moins de 22 romans entre 1891-1914 dont nous citons :
Charles wa ʿAbd al-Raḥmān, Šajarat al-Dur, Fatāt al-Qayrawān, Al- ‘Amīn wa-
l- ma’mūn. Son but est de se servir de cette forme littéraire pour apprendre à son
lecteur l’histoire des Arabes. Afin de captiver ce lecteur, il imbrique intrigue
historique et intrigue amoureuse et les fait évoluer ensemble. Ses écrits ont connu
un succès considérable. Le roman historique attire alors un public grandissant.
Ainsi, Yaʿqūb Ṣarrūf publie, au tout début du XXe siècle, un roman
historique intitulé ‘Amīr Lubnān, 1907 (Le Prince du Liban).
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1922) tente de vulgariser la pensée philosophique et de familiariser le public avec
l’idéologie socialiste et communiste à travers une fiction dans laquelle il raconte
la quête initiatique d’un jeune homme intellectuel, révolté se promenant dans trois
villes imaginaires, dans Al-dīn wa-l-ʿilm wa-l-māl aw al-mudun al-ṯalāṯ, 1903
(Religion, Science et Argent ou les Trois Cités) publié d’abord dans sa revue al-
Jāmiʿa, qu’il a fondé en 1899. Antūn publie dans la même année un roman
historique sous le titre de Ūršalīm al- Jadīda, (La nouvelle Jérusalem).
Parallèlement à la vogue du roman historique, d’aventure et d’amour, Antūn
contribue ainsi à développer le roman philosophique à forte visée didactique où
souvent la narration n’est qu’un prétexte à l’exposition d’une thèse.
2
Boutros Hallaq et Heid Toelle (dir.), Histoire de la littérature arabe moderne, T.I, 1800-1945, Paris, Actes Sud,
2007, B. Hallaq « la refondation littéraire », p. 386
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Parmi ses traductions adaptées au goût du lecteur égyptien de l’époque nous
citons : Magdūlīne (1917) d’après Sous les Tilleuls d’Alphonse Karr, Al-Faḍīla
(1923) d’après Paul et Virginie de Bernardin de Saint- Pierre. Derrières ses essais
et contes édifiants publiés d’abord dans l’hebdomadaire al-Mu’ayyad, al-
Nazarāt, 1910-1920 (Les Aperçus), et derrière son recueil al-ʿAbarāt 1915 (Les
larmes), se profilent les romantiques français. En tant que fervent disciple du
réformateur le cheikh Muḥammad ʿAbduh, il contribue à sensibiliser la nation à
la nécessité de la réforme religieuse et sociale. À travers ses écrits, al-Manfalūṭi
touche aux différents aspects de l’organisation de la société et insiste sur
l’importance de l’enseignement, de la culture et de la revendication de l’égalité et
de la justice.
5
Première de couverture de Zaynab.
3
Tomiche Nada, Histoire de la littérature romanesque de l’Égypte moderne, Paris, G-P. Maisonneuve Et
Larose, 1981, p.39.
6
de la sixième édition, l’auteur prétend avoir fait une « étude » (dirāsa) de la
campagne égyptienne, de ses mœurs et coutumes :
Car déjà avant la guerre je ressentais avec les autres Égyptiens et
particulièrement avec les paysans, le fait que les fils de familles riches et tous
ceux qui s’octroyaient le droit de diriger l’Égypte, nous considéraient, nous
l’ensemble des Égyptiens sans le moindre respect. Et j’ai voulu montrer que
l’Égyptien paysan sait au fond de lui-même ce qu’il vaut et ce qu’on lui doit et
qu’il n’hésite pas à faire de la femme, Égyptienne et paysanne, Zaynab, son
emblème.4
Le thème de la campagne, les descriptions des villages, les portraits opposés des
citadins et des ruraux devient un thème récurrent. C’est dans ce cadre rural que
Ṭaha Ḥussayn (1889-1973) publie son premier roman en 1934, Duʿā’ al-karawān
(L’Appel du courlis). Quatre ans après, Tawfīq al- Ḥakīm (1898-1987) peint avec
une ironie mordante les lois arbitraires inadéquates avec la réalité des paysans et
l’injustice qui résulte du dysfonctionnement de l’appareil judiciaire et policier à
travers son Journal d’un substitut de campagne, ou Yawmiyāt nā’ib fī al- Ariāf.
Le roman de formation à caractère autobiographique où s’entremêlent, à des
degrés divers, fiction romanesque et autobiographique fait également son
apparition avec Ṭaha Ḥussayn et ses trois tomes d’al-ayām publiés entre 1926 et
1967, et avec les écrits de Tawfīq al- Ḥakīm : ʿAwdat al-Rūḥ 1933 (L’âme
retrouvée) et ʿUṣfūr min al-šarq 1938 (Oiseau d’Orient).
Les années 1920-1940 lancent l’essor d’un roman lié à la peinture de la vie
quotidienne. Le courant réaliste se développe avec les descriptions des quartiers,
des villages, des campagnes, les actions, les pensées et les sentiments des
personnages ainsi que la peinture minutieuse des traditions, des rituels, des
vêtements et des objets. Après s’être essayer au roman historique, à ses débuts, le
futur prix Nobel, Naguīb Maḥfūz (1911-2006) décrit à partir de 1938, la lutte de
l’Égyptien contre les usages séculaires aussi bien que contre les emprunts
4
M.H. Haykal, Zaynab, tableaux et mœurs de la campagne, Le Caire, 6 éd. 1967. In. N. Tomiche, op.cit, p.38.
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aveugles à la modernité occidentale et entame à partir de 1947 une longue série
d’œuvres réalistes dont sa célèbre Trilogie : Bayna al-Qaṣrayn, Qaṣr al-šawq et
al-Sukarya.