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QUATRE POÈTES
DU XVIIe SIÈCLE
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Roger GUICHEMERRE
Professeur à la Sorbonne

QUATRE POÈTES
DU XVIIe SIÈCLE
Malherbe —Tristan L'Hermite
Saint-Amant —Boileau

SEDES
88, boulevard Saint-Germain
PARIS V
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La loi du 11 mars 1957, n'autorisant, aux termes des alinéas 2 et 3 de l'Arti-


cle 41, d'une part, que les «copies ou reproductions strictement réservées à
l'usage privé du copiste et non destinées à une utilisation collective » et d'autre
part, que les analyses et les courtes citations dans un but d'exemple ou d'illus-
tration, « toute représentation ou reproduction intégrale, ou partielle, faite sans
le consentement de l'auteur ou de ses ayants droit ou ayants cause, est illicite
(alinéa 1 de l'article 40).. Cette représentation ou reproduction, par quelque pro-
cédé que ce soit, constituerait donc une contrefaçon sanctionnée par les Articles
425 et suivants du Code pénal.

© 1991 C.D.U. et SEDESRéunis


ISBN : 2-7181-1924-1
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AVANT PROPOS

Cet ouvrage, issu de deux cours professés à la


Sorbonne en 1989-90, est une étude littéraire de quatre
œuvres représentatives de la poésie du XVII siècle:
l'ensembledes poésies de Malherbe ; le premier recueil de
poèmes de Tristan, LesPlaintes d'Acante (1633); deux re-
cueils de Saint-Amant, La Suite des Œuvres (1631) et La
Seconde Partie des Œuvres (1643); les neuf premières
Satires de Boileau (1666-68). Ces œuvres d'inspiration va-
riée, oùs'expriment des tempéraments différents, comptent
parmi les meilleures productions d'un siècle qu'on a injus-
tementaccusédemanquerdepoésie.
Nous avons voulu présenter au lecteur une analyse
précise de ces œuvres. Si nous nous sommes borné, pour
les pièces les moins importantes, à en signaler brièvement
le sujet et les caractères essentiels, nous avons commenté
en détail les poèmes ou les passages qui nous paraissaient
les plus intéressants par leurs thèmes, leur expression ou
leurformeprosodique.
Nousespérons quecesanalysespourrontrendre service
aux étudiants de l'enseignement supérieur, souventpeu fa-
miliarisés avec la littérature classique, et qu'elles donneront
ànoslecteurs le désir demieuxconnaître nosgrandspoètes
duXVII siècle.
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-I -
MALHERBE

Sa Vie
François de Malherbe est né à Caen, en 1555. Son
père, François de Malherbe, seigneur d'Igny, était conseil-
ler au présidial. Lejeune Malherbe commence ses études
sous divers précepteurs, puis part pour l'Allemagne (1571),
où il s'inscrit aux universités de Bâle, puis de Heidelberg.
Il revient ensuite àCaen.Lamort de la fille dujuriste Jean
Rouxel lui inspire ses premiers vers.
En1576, il partpourParis, peut-être à caused'une mé-
sentente avec sonpère: il auraitrefusé d'exercer unecharge
judiciaire. L'annéesuivante, il est engagécommesecrétaire
par Henri d'Angoulême, unbâtard d'Henri II, GrandPrieur
de France, qu'il suit en Provence. Malherbe y séjournera
neuf ans. Il fait partie de la petite cour littéraire réunie à
Aix autour du prince; il compose lui-même des poèmes
amoureuxet sesLarmesdeSaint-Pierre. En1581,il épouse
MadeleinedeCarriolis, fille d'un magistratprovençal.
Après l'assassinat d'Henri d'Angoulême (1586),
Malherbe retourne en Normandie, où il restera jusqu'en
1595. Il est élu échevin à Caen. Entre temps, il a présenté,
en1587,auroi Henri III sesLarmesde Saint-Pierre, qui lui
valentunegratification de 500écus.
En 1595, il rejoint sa femme en Provence. Il yrestera
dix ans, coupéspar unséjourenNormandie(août 1598-dé-
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cembre 1599): sa fille Jourdaine ymeurt enjuin. AAix, il


se lie avec Guillaume du Vair, qui sera nommé en 1599
Premier Président du Parlement de Provence. L'entrée à
Marseille des troupesroyales (février 1596)lui inspire deux
odes au roi, inachevées. Il compose aussi des Consola-
tions, des poèmes galants (Victoire de la Constance,
Beauté, mon beau souci) et, en 1600, lors de l'entrée de
Marie de Médicis à Aix, il récite l'Ode à la Reinepour sa
bienvenue enFrance. Lecardinal duPerron fait l'éloge du
poète à Henri IV, mais sans résultat. Malherbe demeure à
Aix, oùil traduit Sénèque.
Enaoût 1605, il quitte Aix, avec son ami Peiresc, dans
la suite de Guillaume du Vair. AParis, il est présenté au
roi, qui lui commandeunpoème sur la campagnequ'il en-
treprend dans le Limousin, où le turbulent duc deBouillon
a levé des troupes. Auretour d'Henri IV, Malherbelui pré-
sente sa Prière pour le roi allant en Limousin. Il obtient
alors le titre d'écuyer du roi et entre au service du duc de
Bellegarde,GrandEcuyer, avecdesgages et l'entretien d'un
homme et d'un cheval. Il fréquente assidument la Cour,
courtise la reine et les maîtresses royales, se lie avec des
poètes (LaRoque, Maynard, Racan). Onle consulte sur la
langue et la poésie, et il commente devant ses disciples
Ronsard et Desportes. Poète officiel, il compose des vers
pour les ballets royaux et surtout de grandes odes (sur le
voyage de Sedan, sur l'attentat commis en la personne
d'Henri le Grand,à Bellegarde ); il écrit aussi des poésies
galantes (à la vicomtesse d'Auchy, à la comtesse de la
Roche) et met saplumeau service duroi - Alcandre -, fol-
lementépris deCharlotte deMontmorency.
Ala mort d'Henri IV, Malherbereste en faveurauprès
de la Régente, au moinsjusqu'en 1615. Son assiduité à la
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Courest intéressée: il a besoin d'argent pour sa femmeet


son fils Marc-Antoine, restés en Provence. Il fréquente de
grands personnages - les Guise, les Longueville, la mar-
quisedeRambouillet-, maisresteprudemmentàl'écartdes
différendspolitiques. Il composetoujours despoèmesoffi-
ciels ou de circonstance (Stances sur la mort d'Henri le
Grand,Odes à la Reine sur les heureux succès de sa
Régence,à la Reine-mèreduRoipendantsaRégence,pour
la Reine-mère du Roi), divers poèmes pour les mariages
princiers, quelquespièces galantes et deuxparaphrases des
Psaumes.
Après 1615, Malherbe, moins bien en Cour -
Bellegarde est en mauvais termes avec Concini et, après
l'assassinat de celui-ci, Marie de Médicis est exilée à
Blois-, occupépar desachats deterrains àToulon,produit
moins. Les troubles des années 1619-22 - rassemblements
armés provoquéspar la Reine-mère, campagnes contre les
Protestants du sud-ouest - ne sont guère favorables à la
poésie. Malherbe a également des ennuis à cause de son
fils Marc-Antoine,quiatué unadversaire enduel (1624). Il
composecependant despièces de circonstance, enparticu-
lier des sonnets pour Richelieu, chef du Conseil en 1624,
en qui il voit le sauveur de l'Etat; des vers galants pour
Bellegarde, épris d'Anne d'Autriche;une Consolation pour
le président de Verdun. Surtout l'expédition de Louis XIII
contrelesProtestants deLaRochellelui inspire sadernière
Ode, tandis que sa douleur devantla morttragique de son
fils s'exprime dans un pathétique sonnet. Ses démarches
pour obtenirjustice contre les meurtriers restent vaines et
MalherbemeurtàParis le 6octobre1628.
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Les éditions de Malherbe


Malherbe a diffusé ses poèmes soit dans des copies
manuscrites envoyées à ses amis (Peiresc, Du Vair), soit
dans des plaquettes publiées à l'intention de hauts person-
nages (Heni III, Marie de Médicis, Louis XIII, Richelieu)
oupour les fêtes royales (vers de ballet). Surtout, ses vers,
commeceux des poètesdutemps, sontpubliésdans desre-
cueils collectifs.
La place croissante que ses œuvres occupent dans ces
recueils, montre le succès grandissant du poète. Si, dans
les recueils publiés de 1597 à 1600, on ne trouve qu'un ou
deuxpoèmesdeMalherbe, le nombredesespièces retenues
augmenteconsidérablementdans les recueils suivants:
6poèmesdansLesMusesfrançaises, 1603.
8dansLeParnasse desplus excellentspoètes, 1607.
15dans leNouveauRecueildesplus beauxvers, 1609.
36dansLesDélicesde laPoésiefrançaise, 1615.
12pièces de plus dans le Second Livre des Délices,
1618.
62 dans le Recueil des plus beaux vers de M.M.
Malherbe,Racan,Maynard, 1627.
Dans ce dernier recueil , le choix et la classification
des poèmesont été faits par Malherbe lui-même, qui les a
présentés dans l'ordre suivant: pièces spirituelles, poèmes
officiels (pour le roi, la reine, les princes, les Grands),
poèmesgalants, vers deballet, consolations et épitaphes.
Enmars 1628,uneplaquette pourLouis XIII contenait
l'Odeau Roi allant châtier la rébellion des Rochelois, un
sizain sur le même sujet, et le sonnet sur la mort de son
fils.
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L'édition posthumede 1630, enfin, préparée par Auger


deMauléon,LesŒuvresdeFrançois deMalherbe, divisée
en six livres, comprend 104pièces: les 60 duRecueil, Les
LarmesdeSaint-Pierre, l'Ode de1628,et diverspoèmesou
fragments (seul ymanquele sonnetde1628).
Parmi les éditions modernes, celle de R.Fromilhague
et R.Lebègue, Malherbe. Œuvres Poétiques, Les Belles
Lettres, 1968,respecte l'ordre des éditions. L'édition
A.Adam, Œuvres de Malherbe, Bibl. de la Pléiade, 1971,
reprise dans la collection Poésie/Gallimard, 1982, combine
l'ordre chronologique avec l'ordre thématique voulu par
l'auteur.
Parmiles ouvrages consacrés à Malherbe, signalons:
F.Brunot,Ladoctrine deMalherbe, Paris, 1891.
R.Fromilhague,Lavie deMalherbe (1555-1610).
Malherbe. Technique et création poétique. A.Colin,
1954.
F.Ponge,Pour unMalherbe Gallimard, 1965.
H.Lafay,Lapoésiefrançaise dupremierXVII°siècle.
Nizet, 1975.
La "réforme" de Malherbe
L'œuvre de Malherbe a eu une influence considérable
sur l'évolution de la langue et de la poésie. Mais l'homme
lui-mêmeafait figuredechefd'école. Peuaprès sonarrivée
à Paris, Maynard et Racan, puis Colomby, Touvant,
Yvrandeécoutent docilement ses conseils. Après 1620en-
core, si Racan est aux armées ou en Touraine et Maynard
en Auvergne, d'autres disciples, Chapelain, Balzac, Faret,
Vaugelas,qui vontdevenirles maîtresoules théoriciens de
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la prose française, viennent recueillir son enseignement.


Ainsi, grâce aux propos qu'il tenait devant ses disciples
(qui nous sont connus par les Mémoirespour la vie de M.
deMalherbe, deRacan),commed'après ses corrections sur
unexemplaire despoésies de Desportes, nouspouvons dé-
gager lesgrandes lignesdesadoctrine.
En matière de langue et de style, il réagit d'abord
contre les poètes de la Pléïade et leurs successeurs - unDu
Bartas, par exemple -, qui avaient tenté d'enrichir le lan-
gage poétique. Malherbe veut épurer la langue et proscrit
provincialismes, archaïsmes, termes techniques, mots
composés et néologismes, mots "bas". Epris de clarté, il
préconise l'emploi de la langue usuelle, que tous compren-
dront. Selon Racan, "il renvoyait ordinairement aux cro-
cheteurs duPort auxfoins et disait quec'étaient ses maîtres
en langage", ce qui ne veutpas dire qu'il conseillait de par-
ler comme eux, mais d'écrire une langue qu'ils puissent
comprendre. Enfin il entend que l'expression soit soumise
à lapensée et qu'elle énonceles idées avecordre etjustesse,
en évitant le flou, l'ambiguïté ou l'impropriété. Donc il
demandeau poète de s'exprimer dans une langue relative-
ment pauvre, mais claire et juste, celle des salons pari-
siens, celle duprésident DuVairet des magistrats éclairés,
qui l'ont fortement influencé.
Enmatièrede poésie,réagissant encore contre les théo-
ries de la Pléïade sur l'inspiration et "l'enthousiasme", ou
sur la mission du poète, il affirme que le poète est d'abord
un simple "arrangeur de syllabes", unbonouvrier du vers,
ce qui n'empêche pas sa fierté, à enjuger par les endroits
où il proclame orgueilleusement la pérennité de ses écrits.
Ce bon artisan du vers impose uneprosodie rigoureuse: il
condamne les "licences poétiques" telles que l'hiatus ou
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l'enjambement, l'emploi à la rime de mots de même fa-


mille, les "chevilles". Soucieux de l'harmonie du vers, il
veut qu'on évite toute cacophonie. Enfin, prêchant par
l'exemple, il fixe un certain nombre de formes poétiques,
notammentle sizain d'alexandrins (aab ccb), coupéendeux
moitiés égales, ou le dizain d'octosyllabes (abab cc deed),
avec uneponctuation après le quatrième vers et unarrêt au
septième,créant ainsi la grandeode française qu'utiliseront
encoreles poètes duXIX°siècle.
Cettedoctrine, qui préconisait la clarté et lajustesse du
langage, l'ordre et la rigueurdansl'expression des idées, al-
lait permettre l'éclosion des grandes œuvresclassiques. On
peut regretter qu'une certaine sécheresse de cœur et un ra-
tionalisme étroit, ainsi que son goût pour les lieux com-
munset la rhétorique oratoire aient étouffé chez lui la sen-
sibilité et l'imagination poétiques, qui avaient donné les
Tragiques de d'Aubigné ou les poèmes mystiques d'un
Sponde ou d'un Chassignet. Néanmoins les œuvres de
Malherbe, qu'elles s'inspirent de l'actualité du temps ou
expriment ses sentiments personnels, ont moins vieilli que
d'autres et séduisentencorele lecteur modernepar leur lim-
pidité, la beautéde leur composition et leur harmonie.
Parmi différents classements possibles, nous avons
choisi degrouperles poèmesdeMalherbeparpériodes - les
événements de la vie privée de l'homme comme les évé-
nementspolitiques oumilitaires influençant directementsa
poésie -, et, danschaquepériode, nous avons distingué, se-
lon ses sources d'inspiration, les pièces politiques, les vers
amoureux, les poèmes de circonstance et en particulier les
consolations; une place à part est faite aux poésies reli-
gieuses.
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Première période (1575-1605)


Elle est marquéepar les débutspoétiques deMalherbe.
Il fréquentait à Caen une sorte de cénacle où, auprès d'un
jurisconsulte humaniste, Jean Rouxel, on trouvait
Vauquelin de la Fresnaye, Guy Lefèvre de la Boderie,
Jacques deCahaignes. Lamuse dececénacle était la nièce
deJean Rouxel, Geneviève, belle, cultivée, musicienne. Sa
mort prématurée, en 1575, inspira à Cahaignes une épi-
taphe en vers latins et à Jean Rouxel une élégie latine.
Malherbe traduisit l'épitaphe (Naguère tout à coup undor-
miréternel) et composad'après l'élégie sesLarmesdusieur
Malherbe (Donquestu nevis plus).
Onsait que Malherbe part pour Paris en 1576 et qu'il
suit l'année suivante Henri d'Angoulême en Provence. Le
Grand Prieur tient à Aix une petite cour littéraire, où
Malherberencontredespoètes commeLaRoque,Jean de la
Ceppède, César de Nostredame. C'est de cette période
aixoise qu'on peut dater quelques poésies amoureuses
(Dessein de quitter une dame, Victoire de la constance,
Stances), le poème Auxombres de Damon, ainsi que les
LarmesdeSaint-Pierre, qu'il présenteraàHenti III en 1587.
Après unséjour deplusieurs années en Normandie - il
y compose vers 1592 sa Consolation à Cléophon -, il re-
vient en Provence en 1595, et c'est là qu'il écrit ses pre-
miers grands poèmespolitiques, à l'occasion de la prise de
Marseille (1596), puis de l'arrivée à Aix de la nouvelle
reine de France, ainsi que la célèbre Consolation à Du
Périer.
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Poésies galantes
LepoèmeintituléDesseindequitterunedame,paruen
1599dansLes Muses ralliées, date probablement du pre-
mier séjour en Provence, à enjuger par certaines facilités
de rime. S'il s'adresse à la même personne - Renée de
Rieux -, il estsansdouteantérieur à la Victoire de la cons-
tance, qui célébrerait la fin de la résistance de la coquette
dontil seplaint ici.
Acôtédes galanteries traditionnelles - surles yeuxqui
ôtent safranchise (v.5-6) ouunamourquidurerajusqu'au
trépas (v.17-18)-, Malherbeexprimedanscepoèmedesexi-
gencestrès positives, caractéristiques decetamantréaliste,
qui ne secontente pas de vagues promesses. D'où l'accent
assezvifdecertaines expressions:
Pensez devous résoudre àsoulagermapeine,
Ouje mevais résoudre ànela souffrir plus (v.3-4).
Lepoème ne manquepas debeauté avec cette image des
premiersvers:
Beauté, monbeau souci, de qui l'âme incertaine
Acommel'Océan son flux et son reflux,
oula comparaisondesvers11-12:les excusesdeladamequi
diffèresanscessesontcomme
... la toile sans fin de la femme d'Ulysse,
Dontl'ouvrage du soir aumatin se défait.
Lafemmeaiméea sans doute finalementréponduaux
désirs de sonamant,puisqu'il célèbreson triomphe dans sa
Victoiredelaconstance :
Enfin cette beauté m'ala place rendue.
Ce succès amoureux, qui lui inspire les métaphores mili-
taires des deuxpremières strophes, nevapassans quelques
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craintes: onva tenter de les séparer, onles espionne(v.21),


des jaloux vont médire d'eux. Acôté des généralités sur
l'inconstance des choses humaines (v.13), illustrée par des
comparaisons qu'on rencontrera souventchez Malherbe(la
rose et ses épines, les dangers de la meramoureuse), il ya
peut-être ici des allusions aux risques de cette liaison:
l'époux de la belle Châteauneuf, le capitaine Altovitis,
n'était pas un mari complaisant et il se battra pour elle
contre le Grand Prieur, pour lequel Malherbe a peut-être
écrit ce poème. Contre ces médisants, le poètejustifie son
bonheur, mérité par un" fidèle service"- on retrouve aux
vers 27-28 le réalisme de Malherbe -, et légitimé par une
morale libertine qui n'a que faire d'un prétendu honneur,
cette invention désuète ("vieuxcontes") et ridicule des ma-
ris et des mères. Foin donc des ragots: elle a eu raison de
répondre à son amour, comme lui de se faire son captif.
D'ailleurs les dangers qu'il court ne font qu'aviver cet
amourpour lequel il se dit prêt à mourir.
Dans ce poème certainement inspiré par une circons-
tance précise, les réminiscences littéraires ne manquent
pas: proches - plusieurs thèmes rappellent les Premières
Œuvres de La Roque -, ouplus lointaines : les dangers de
la meramoureuse sont unsouvenirdupelago d'amor d'un
sonnet du Tasse; les jaloux qui dénoncent les amants font
penser aux "lozangiers" de la poésie médiévale; l'honneur
féminin était déjà tourné en dérision par Bembo ou Le
Tasse et c'est à Tansillo que, selon R.Lebègue, les poètes
français du temps ont emprunté le thème final de
l'amoureux qui préfère les périls à une conquête aisée. A
noter aussi, dans ce poème, qui a été mis en musique,
l'emploi à la fin duquatrain del'hexasyllabe, qui metl'idée
en relief: voir les vers 12,16,28,40:
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Et j'ai bien fait aussi d'asservir ma raison


En si belle prison.
A cette aventure amoureuse, il faut sans doute aussi
rattacher les Stances (Quoi donc! ma lâcheté sera si crimi-
nelle!"), où le poète évoque à nouveau les périls qui mena-
cent son amour (vers 6 et 9). Maintenant il n'est plus ques-
tion de mépriser le danger il semble que le poète ait affaire
à quelqu'un de plus puissant que lui (vers 13-16) - on sait
que Renée de Rieux a été courtisée par de grands person-
nages -, et la retraite est la seule issue possible - la compa-
raison avec Achille sauve la face! -. Là, il pleurera celle à
laquelle il ne pourra que penser de loin, en caressant
quelque espoir ou en attendant la mort. Conclusion amère,
dans la tradition pétrarquiste.
S'il faut en croire le témoignage de Racan, le poème
Aux ombres de Damon, publié comme le précédent en
1630 seulement, fait allusion à un amour ancien, datant du
séjour du poète en Provence, pour une femme inconstante
nommée Renée (Renée de Rieux?).Dans ce poème ina-
chevé, après avoir évoqué ses entretiens passés avec un ami
que la mort lui a enlevé - ici deux srophes sur le thème re-
battu de l'inéluctabilité de la mort -, il fait l'éloge de la fi-
délité exemplaire de sa veuve, si différente de celles dont la
douleur est feinte - ici une diatribe inattendue contre
l'hypocrisie féminine -, si différente surtout de cette Nérée
(anagramme de Renée?), inconstante et déloyale, qu'il veut
désormais oublier.
Malgré son caractère inachevé et sa composition incer-
taine, il y a dans ce poème un certain lyrisme personnel,
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assez rare chez Malherbe, lorsqu'il évoque son ami et lui-


même
... couchés sur les fleurs commeétoiles semées;
quandil suggèrelapompedesGrands,
Toutce que la grandeur adevains équipages,
D'habillements de pourpre et de suites de pages,
ouqu'il s'indigne avec véhémencecontre ces veuves hypo-
crites qui
Sous le masque trompeur de leurs visages blêmes,
Conçoivent de nouveaux désirs.
Enfin l'emploi de l'octosyllabe, après les cinq alexandrins,
à la fin du sizain, permet, ici encore, d'heureux effets:
Et de toutes douleurs la douleur la plus grande,
C'est qu'il faut laisser nos amours (v.17-18).

Mais Malherbe n'est pas seulement un poète de


l'amour: une ambition plus haute lui fait composer ses
Larmes de Saint-Pierre. Pour ce sujet religieux - Saint-
Pierre s'afflige d'avoir renié le Christ -, dont la source se
trouve dans les Evangiles (Mathieu,26; Marc,14; Luc,22),
Malherbe s'est inspiré d'un poème de Luigi Tansillo, Le
Lagrime di SanPietro (Venise, 1560). L'imitation est assez
libre, parfois fidèle jusque dans le détail, parfois éloignée
du modèle: sur les 66 stances du poème de Malherbe, 21
sont originales.
Sommaire. Le poète va chanter les pleurs, non
d'Ariane abandonnée par Thésée, mais de Saint-Pierre (1-
12). Invocation au roi Henri III, défenseurdela foi (13-35).
Par faiblesse, Saint-Pierre a renié Jésus. Sa honte aug-
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mente, quand le Christ le regarde. Il voudrait fuir et sou-


haite la mort (36-126).
Premierdiscours: Saint-Pierre déplorecette vie, source
de perdition, où il aurait dû discerner le vrai bien.
L'hommenepeut faire fonds surla durée desa vie: un sur-
croît de vie risque de le perdre (127-188). Quene s'est-il
souvenu des miracles duChrist? Il a cédé à la crainte, per-
dantainsi l'occasion d'assurer sonsalut (169-186). Heureux
les Saints Innocents! Ils n'eurent pas le temps de pécher et
leur mort fut leur salut. Ces premiers martyrs furent ac-
cueillis auCiel, alors quelui risque la damnation et n'a que
ses larmeset sesremords(187-270).
Désespéré, il arrive aujardin des Oliviers, où sa dou-
leur augmente à la vue des traces des pas de Jésus (271-
312).
Second discours: il reconnaît les pas de celui qui a
marché sur les flots. De ses disciples, dix ont fui, un l'a
trahi, lui l'a renié - faiblesse humaine, pour laquelle il im-
plore le pardon et la mortencejardin (313-354).
Cependant une aurore triste paraît; le soleil monte,
lent et pâle; les oiseaux se taisent. Saint-Pierre ressent sa
honte, qu'il croit visible à tous (355-396).
Le thème moral et religieux de ce long poème - le re-
pentir du pécheur - en fait un exemple caractéristique de
l'inspiration chrétienne dont on constate le développement
sous le règne d'Henri III. DuBartas avait donné, après le
Triomphede la Foi etJudith, saPremière Semaine (1578),
suivie d'une Seconde Semaine (1584); D'Aubigné com-
mence ses Tragiques en 1577, année où Desportes publie
13 sonnets spirituels, tandis que Bertaut et DuPerron pa-
raphrasent les cantiques. Ces mêmes tendances se retrou-
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vaient dans le cercle des poètes aixois: La Ceppède com-


pose sonImitation desPsaumes dela Pénitence, LaRoque
ses Œuvres chrétiennes, César de Nostredame ses Larmes
de la SainteMadeleine ou sesLarmes de la Sainte Vierge.
C'estdans ce contexte ques'inscrivent lesLarmesdeSaint-
Pierre, composées en Provence, éditées en plaquette en
1587et plusieurs fois publiées depuis. Anoter que les der-
nières impressions dupoème,en 1611et 1619, seront faites
sans l'assentiment deMalherbe, qui désavoua sonœuvreet
en barra de nombreuses strophes dans son exemplaire per-
sonnelduParnasse de1607.
L'œuvre, en effet, avec ses images luxuriantes, ses an-
tithèses frappantes, avec ses hyperboles et son emphase,
tousprocédés destinés à frapper l'imagination et la sensibi-
lité du lecteur, ressortit à une esthétique, baroque, que
Malherbedevaitcondamnerplus tard.
De fait, quelques passages du poème sont gâtés par
l'emphase. Le Saint-Pierre de Malherbeparle d'"écouler sa
vie dans unfleuve de larmes" (263) ou demande "une mer
éternelle" à ses yeux pour pleurer son péché, et les mani-
festations de sonrepentir sont spectaculaires:
C'est alors que ses cris en tonnerre s'éclatent;
Ses soupirs se font vents, qui les chênes combattent,
Et ses pleurs, qui tantôt descendaient mollement,
Ressemblent un torrent ... (301-304).
Les antithèses sont parfois accumulées artificiellement,
commeaux vers 142-150, où l'apôtre déclare avoir appris
maintenant à
... savoir discerner de la trêve la guerre,
Desrichesses du Ciel la fange de la terre,
Et d'un bien qui s'envole, un qui n'a point de bout.Etc.
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Certaines images sontbien recherchées. Si l'on peut goûter


la métaphore du vers 48 - le repentir metsur le visage du
saint
Surle feu desahonte une cendre d'ennui -,
que dire des comparaisons de la strophe suivante (49-54),
où, pour exprimer la honte de Pierre devant le regard de
Jésus, Malherbeécrit:
Les yeux furent les arcs, les œillades les flèches
Qui percèrent son âme, et remplirent de brèches
Lerempart qu'il avait si lâchement gardé?
Mais, à côté de ces maladresses, que de réussites!
Relisons en particulier les strophes justement célèbres où
il oppose à la lâcheté de celui qui, pour avoir trop vécu,
risque par sa faute, d'être damné, le bonheur des Saints
Innocents qui, massacrés par Hérode à leur naissance, ont
d'embléeconquis la félicité éternelle (187-240).
Aprèsundéveloppement unpeu long surl'inconstance
et l'imprévisibilité de la fortune, Saint-Pierre a fait un re-
tour sur lui-même(169-186): si l'âge ne l'avait diminué, il
seserait souvenudes miracles duChrist, cequi aurait dûle
rassurer, mais, dans son égarement, il aperdu l'occasion de
gagner son salut éternel - trois strophes qui s'enchaînent
logiquement et dont les rapports de causalité sont forte-
mentmarqués. Aprèscette amèreconstatation, l'apôtre en-
vie le sort des Saints Innocents.
Le thème, inspiré de Mathieu, 2,16, se trouvait déjà
chez Tansillo (strophe LIXet suiv.), et LaRoqueavait lui
aussi célébré les enfants martyrs dans un sonnet de ses
Premières Œuvres. Malherbe, enreprenantle sujet, trouve
des imagesparticulièrementheureuses. Evoquantces inno-
cents qu'une mort prématurée a sauvés du péché, le poète
trouve unebelle métaphore-ces enfants
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Virent dès le matin leur beaujour accourci -,


suivie d'une antithèse renforcée par le parallélisme de
l'expression et le chiasme:
Que si de faire bien ils n'eurent pas l'espace,
Ils n'eurent pas le temps de faire mal aussi (189, 191-
92).
(Anoter quecedistique figuraitdéjà dans le sonnetdeLa
Roque).
Dansla strophe suivante (193-98),l'image assez banale
des "orages du monde" et la métaphore de l'heureux nau-
frage, qu'on trouvait déjàchezLaRoque -
Obienheureux nochers qui, la barque froissée,
Après un court naufrage, arrivèrent aux cieux -,
sont ici développés en une longue métaphore qui s'achève
sur unebelle antithèse:
Deces jeunes guerriers la flotte vagabonde
Allait courre fortune aux orages dumonde
Et déjà pour voguer abandonnait le port.
Quandl'aguet d'un pirate arrêta le voyage;
Mais leur sort fut si bon que, d'un mêmenaufrage,
Ils se virent sous l'onde et se virent au port.
Après la métaphore maritime, l'image champêtre de la
strophe suivante (199-204), était déjà esquissée par
Tansillo:
Equasi fior, pria fur translati in Cielo
Che vento in terra gli oltragiasse, o gelo.
Mais, ici encore, Malherbe enrichit la comparaison de no-
tations de couleurs et, en le retardant par une proposition
temporelle, metenrelief le dernier vers à l'admirable sym-
bolisme floral:
Cefurent de beaux lys qui, mieux que la nature,
Mêlant à leur blancheur l'incarnate peinture
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Quetira de leur sein le couteau criminel,


Devantque d'un hiver la tempête et l'orage
Aleur teint délicat pussent faire dommage,
S'en allèrent fleurir au printemps éternel.
Lesdeuxstrophes suivantes (205-216)développentune
double opposition: ces enfants, ne sachant pas parler, ont
témoigné par leur sang, tandis que Pierre a parlé pour of-
fenserDieu; leurbrève existencea été poureuxbénéfique,
alors quel'apôtre craint dese damnerpouravoir trop vécu.
L'expression quelque peu prosaïque (205-6) et les parallé-
lismes unpeu lourds (211-12) aboutissent heureusement à
une antithèse vigoureuse,jouant sur les deux sensdu mot
nuit, riche, danssadeuxièmeacception, deconnotationsef-
frayantes:
Si la nuit de la mort m'eût privé delumière,
Je n'aurais pas la peur d'une immortelle nuit.
Lepoète exalte ensuite, par la bouche de l'apôtre, ces
premiers combattants du Christ: ils ont donné l'exemple
aux futurs martyrs, qui osèrent - nouvelle et belle anti-
thèse,rehausséed'un chiasme:
Pourvivre dans le Ciel en la terre mourir (228).
Ces bienheureux, maintenant au Ciel et marchant sur
les étoiles (231), ont ainsi obtenu la récompense avant
l'épreuve,réminiscenceduTasse -
Chepreceda ai servigi il guiderdone (Jérusalem délivrée,
11,49) -
illustrée par trois comparaisons (232-34).
Enfin la description de la joie générale que provoque
leur arrivéeauCiel, suggérée par les nombreuses exclama-
tions, qu'on trouvait déjàchezTansillo (Con quanto plauso
imaginar si pote...), s'achève par une vision grandiose,
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qu'admirait justement André Chénier: "Quel plaisir" pour


ces enfants, écrit le poète,
Voyant Dieu devant eux en ses bras les attendre
Et, pour leur faire honneur, les anges se lever (239-40).
Il yadans ces versbeaucoup derhétorique, certes, des
parallélismes unpeu lourds, des hyperboles exagérées, des
amplifications verbeuses, mais aussi combien d'antithèses
vigoureuses! d'heureuses métaphores! d'images délicates! et
cette vision mystique qui couronne le passage! D'ailleurs,
Malherbe qui, plus tard, biffera 26 strophes du poème (en
particulier, les strophes 1à 12et 61à66), épargnerace pas-
sage,assurémentl'un des plus beauxde l'œuvre.
Les poèmes politiques
Malgré ces réussites, la production poétique de
Malherbe n'est pas abondante, aussi bien pendant son sé-
jour àAixquependant lesannéespasséesenNormandie (il
ycompose sa Consolation à Cléophon). C'est seulement
lorsqu'il revient en Provence, en 1595, que, peut-être sous
l'influence deGuillaume duVair, il se tourne vers ungenre
qui lui apportera la consécration et les honneurs: la poésie
politique.
En 1596, une Odeau Roi célèbre la prise de Marseille
par les troupes royales. La ville, aux mains des Ligueurs
depuis 1589, avait été reconquise par Charles de Lorraine,
grâce aux frères de Libertat qui lui ouvrirent les portes.
L'événement fut célébré par César de Nostredame et
Gallaup de Chasteuil, ainsi quepar Malherbe, qui lui con-
sacra cette ode - probablement complète, à enjuger par la
vigoureuse sixième strophe, assez semblable aux strophes
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Les quatre œuvres étudiées dans cet ouvrage


- l'ensemble des poésies de Malherbe, deux recueils
de Saint-Amant, « Les Plaintes d'Acante » de
Tristan L'Hermite, les neuf premières « Satires » de
Boileau - sont des œuvres d'inspiration variée : odes
politiques ou pièces de circonstance, poèmes amou-
reux, « caprices » héroï-comiques ou burlesques,
chansons bachiques, morceaux satiriques, poésies
spirituelles.
Des tempéraments différents s'y expriment :
l'esprit positif, épris d'ordre et de clarté, de Malher-
be ; la fantaisie burlesque de Saint-Amant ; la sensi-
bilité élégiaque et la subtilité précieuse de Tristan ;
l'éloquence passionnée ou la verve satirique de
Boileau.
Nous avons voulu donner au lecteur une ana-
lyse précise de ces œuvres, en commentant par-
ticulièrement les pièces qui nous ont semblé les plus
intéressantes par leurs thèmes, leur expression ou
leur forme prosodique. Ces commentaires aideront
les étudiants de l'enseignement supérieur comme le
grand public à mieux connaître quelques grandes
œuvres d'un siècle qu'on a injustement accusé de
manquer de poésie.
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