Linguiste: Le E.T

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Le linguiste e.t 3. ' i n f o r m a t e - u r

C e n q u & t = e de terrain3 ' ,

. :. '
_.
Le linguiste dont il est question ici est le linguis-
te de terrain, celui qui va travailler dans la region O&,est
parlbe la lanque ou le type de langues qui fait l'objet hè ses
recherches. Il existe en .effet une possibilite de cons%títuer
un corpus en bibliotheque dans certains cas, ou d'avoir la-docu- .
mentation quasiment tì domicile grace B un individu originaire
de la communaute linguistique dont le parler est en observation.
et que ses affaires ont amen& dans le pays du linguiste : Btudier
le tibetain B Paris n'offre, par l k s temps qui courenf, 'pas
de difficult& insurmontables. . I ' .
Ce linguiste donc n'a d'autre moyen de recueillir
le corpus dont il a besoin, que de pratiquer l'interrogatoire
de locuteurs, membres de la communaute linguistique qui l* int&
resse,, et ces locuteurs sont ses informateurs. I1 semble bien '

que le terme informateur cause des angoisses A certains anthropo-


logues. Pour le Petit Robert, l'informateur est la personne
qui donne des informations : il est bien connu que la charge
semantique des mots peut varier avec le contexte ou la situation,
et le vocabulaire technique de la recherche scientifique comprend
le terme informateur. qui va de pair avec enquete et avec cher-
cheur : chacun des protagonistes de l'enquete a une fonction
précise que les mots expriment clairement. Que dans d'autres
circonstances le.nom informateur designe une réalite A laquelle
s'attache une valeur péjorative n'y change rien. Que l'on pense
plutOt aux diverses réalites. recommandables ou non, signifiees

. . - .
14 15

par maison.. . Pour tout ce qui est travail par questionnhires


L'informateur, puisque tel est son nom, représente
grammaticaux, les meilleurs résultats ont été obtenus hvec. des
une certaine communaute linguistique (ethnie. classe d'bge,
informateurs jeunes (12-13 B 25 ans). parlant la langue de redac-
groupe religieux o u professionnel, etc), sélectionnee par le
tion du questionnaire (francais/anglais), qui est aussi 'cklle
chercheur pour des raisons relevant de l'orientation de son
de l'interrogatoire (l'informateur n'a pas accès au questionnaire
programme, et généralement designée dans la langue qui la carac- '
écrit). I1 faut bien savoir qu'en milieu traditionnel Cla si.$ua-
térise par un terme precis, qu'il est recommande de noter dans
tion peut changer en zone urbain$, un enfant de 10 ans pratique
sa forme originale-, puis d'adapter pour un usage pratique, oral
comme Bcrit : les principes posés par l'Institut Africain Inter- -
parfaitement les 'structures de sa langue, le seul point :fai,ble
..
etant normalement le lexique, qui sera perfectionne en a'llant
national dans le premier volume de la revue Africa (1) (trans- vers l'bge adulte (mais il restera toujours des lacunes, en
cription alphabktique du radical invariable) restent tout-à- fonction de la spécialisation de l'individu). Passée une periode
fait valables (un Vili, des/les Vili, l a langue vili/le vili, d'observation soupconneuse de la part des recrues et d'adaptation
les chants vili, les devinettes vili) :-remarque B l'intention réciproque, 1 'enquete se déroule dans une ambiance cord*ale,
des non-linguistes, bien entendu - un nombre croissant d'anthro-
les jeunes informateurs comprenant tres vite les regles du jeu,
pologues de tout poil semblant les avoir oublies ou, plus grave,
dont la principale est de ne pas hésiter B reprendre le cherc'heur
ne pas les connaítre.
qui repete d'une favon jugee insatisfaisante ce qu'il, vient
En fonction de son objectif d'enquete, le chercheur
d'entendre et va noter : les résultats sont bien moins:'bons
doit determiner le profil de l'informateur le mieux B meme de
quand i l faut avoir recours B un "cadre", enseignant, pr@tre,
le satisfaire, compte tenu des conditions locales qui jouent
moniteur agricole, etc., dogmatique et assez souvent outrancjigre-
un rBle déterminant dans le deroulement des operations.
ment respectueux. I1 est recommande de travailler avec plusXeurs
L'enquete linguistique prend le plus souvent la
forme d'interrogatoires par questionnaires plus ou moins étendus,
destines d faire apparaltre les divers systèmes qui constituent
' .
informateurs. dont un seul prend normalement la parole (toujours
le m&me), Bventpellement critique par l'autre ou les aù&res,
qui le suppléent en cas d'hbsitation ou de defaillance.
la structure de la langue, les elements qui les composent, ou Pour ce type d'enquete, l'informateur ideal est
bien B identifier les éléments de systèmes prédeterminés (ex.
évidemment le jeune scolarise. du niveau secondaire.de préference,
questionnaires sur le predicat, les locatifs, les genres.-.).
plus particulierement celui de la tranche 3*-terminale, étant
ou encore B identifier et classer les langues d'une région (ques-
bien précisé que c'est surtout une affaire de vivacité d'esprit,
tionnaires qui résument la structure connue d'un type de langue
de spontaneité, de. curiosite et d'interet pour le travail entre-
et doivent &tre remplis en de nombreux points d'une région plus
pris qui permet de detminer la qualite, un enfant de cM2 pouvant
ou moins vaste). Nais les enquetes peuvent aussi consister en
se reveler meilleur qu'un étudiant de lire annee de langues.
la collecte de documents tels que mythes, contes et autres gen-
L'interprete est exclu.
res de la tradition orale, ou de vocabulaires spécialisés (tech-
Quand il s'agit de collecte de documents de la tradi-
niques), ou relatifs B des centres d'interet, A des champs séman- tion orale, de vocabulaires spécialis&, la situation est diffe-
tiques particuliers (astronomie, culture, peche. chasse...). rente : l'informateur est le plus souvent un adulte. voire un
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vieillard. détenteur d'un savoir particulier (guérisseur. conteur, res ou non, par lesquelles il risque de tenter de pallier 'ses
chasseur., .), dont l'interrogatoire ou la fréquentation 3 des lacunes ou ses hésitations (la connaissance d'une langue véhicu-
fins d'information nécessite la presence d'un tiers. informateur- laire ne semble pas &tre url handicap : elle est le plus souvent
interprdte-traducteur, qui peut avoir un r61e déterminant dans ressentie directement comme un idiome à part), (d) connaltre .. ..
le bon deroulement de l'enquête. puisque s a mission est non suffisamment la langue du chercheur pour comprendre les questions
seulement d'assurer la compréhension entre chercheur et informa- posées. qui sont généralement tres simples et peuvent Btre expli-
teur de base, mais aussi de memoriser certaines informations quées s'Il se présente une difficulté. Le sexe de l'informateur
dans la langue vernaculaire pour les répeter ensuite en vue ne présente pas matibre 3 critdre : il est des cas oil une femme
de leur notation. de traduire les enregistrements sur bande sera meilleure informatrice qu'un homme ou la seule source
magnétique qu'il aura faits lui-meme éventuellement, ou auxquels d'informations possible (vocabulaire culinaire, vocabulaire
il aura assisté ( 2 ) - sur la culture...), d'autres au contraire oil le recours B'une
Le choix de l'informateur repose s u r quelques crith- femme serait une grave erreur, mais cela surtout dans le domaine
res simples, mais il est aussi affaire d'idiosyncrasie : ce des enquetes sur la tradition orale ; pour les enquetes par
personnage essentiel va. pendant des heures. voire des jours questionnaires, l'expérience a montré que de tres bons resulta'ts
ou des scmaines, &tre face B face avec le chercheur, o u tout peuvent &tre obtenus avec des informatrices, restees plus atta-
au moins se trouver 3 proximite immédiate, et un minimum de chées, souvent, que les hommes de m@me formation ou instructidn;
sympathie r6ciproque est par conséquent requis. Tous les criteres a la langue maternelle, et qui la pratiquent dans. un cercle
objectifs étant positifs. le courant peut fort bien ne pas passer familial feminin. tres conservateur dans ce domaine : la superio-
entre les protagonistes, et il est alors sage de ne pas insister: rité feminine en matiere langagit?re est du reste reconnue, et
la prudence veut que l ' o n ne recrute pas un informateur de facon une personne recommand6e au linguiste parce que parlant "comme
ferme et définitive B premiere vue, mais 'qu'une p6riode d'essai une vieille femme" offre une garantie certaine de par€aite connais-
soit prevue d'un commun accord. . sance de la langue. , .'
L'informateur, qu'il s'agisse d'enquêtes pas question- A trivai1,ler avec, un seul informateur, le risque
. . naires ou de l'informateur-traducteur-interpr&te, doit (a) appar- est grand, .dans le cas d'enqu&tes approfondies; de recueillir '

tenir B la communauté linguistique sous observation et en &tre une variante tr&s, trop personnelle. un idiolecte do en partie
reconnu membre B part entiere, (b) avoir un contact permanent d l'absence de dialogue vernaculaire. émai116 d'erreurs plus
ou trds fréquent avec cette communaut6. qui lui assure la prati- ou moins involontaires, soit que l'informateur ait mal compris
que courante de la langue sans interferences avec d'autres l a n - la question, soit qu'ignorant ou n'ayant pas'sur l'instant la
gues (cas de personnes revenant dans leur village apr& un long réponse correcte et se 'refusant a le reconnaltre, i l improvise
séjour d l a ville. en milieu cosmopolite) et lui permet, en ou opte pour une approximation. D'oil l'intérêt de l'équipe d'in-
cas de besoin. d'avoir recours aux lumi6res d'un membre plus formateurs simultanés, selectionnés selon les memes criteres.
596 de sa famille o u de son entourage, (c) de préférence ne I l est possible de déterminer par interrogatoire s'il existe
parler couramment que la langue de sa communauté en fait d e des variantes dialectales, généralement objets de moquerie,
- vernaculaire. ceci afin de limiter les interférences, volontai- et d'orienter les recherches en conséquence.

. .. -
.. .
..
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10 19

. ...

Mais comment procéder pour trouver ce ou ces infor- s'en remettre à un intermédiaire du cru : pretre, enseignant,
mateurs, prendre contact avec eux, les recruter ? commercant, retraité, susceptible de lui faire rencontrer rapide-
Lorsque le chercheur arrive sur son terrain, la ment des candidats potentiels. Le truchement de 1 'administratipn
politesse la plus élémentaire veut qu'il rende visite aux repré- est à exclure car (1) ses représentants ne sont pas origjnaires
sentants officiels de 1'Etat : préfet ou sous-préfet, brigade de la région étudiée dans la plupart des cas, t ? ) il y a de
de gendarmerie ou approchants. les demominations étant variables forts risques pour que la ou les personnes recommandées le soient
mais les fonctions semblables. Muni des autorisations, ordres par esprit de clientele par conséquent. I1 est en tout cas impé-
de mission et autres sésames qui lui garantissent en principe ratif de devenir tres vite autonome dans le' choix proprement
le déroulement paisible de ses activités, le chercheur a tout dit, et de ne pas se laisser imposer un informateur qui ne fait
int6ret à expliquer en termes simples l'objet de ses Btudes, manifestement pas l'affaire.
B ne laisser planer aucun mystere sur ses déplacements. ses La rencontre de travail demande un lieu paisible,
horaires et ses fréquentations futures. De la cordialitk' de à l'abri des bruits et des allées ,et venues. Si le fond sondre
ce premier contact dépend souvent sa liberté de manoeuvre, mais du village .traditionnel est supportable,.une perturbation sérieu-
un exces de convivialité de la part des autorités locales peut se est apportée par la proximité d'un poste à transistors,' les
avoir un effet tr6s néfaste sur leurs administrés, futurs inter- pétarades de véhicules, le vacarme d'un atelier ou d'un chant:er'
locuteurs. I1 est en particulier fortement déconseil16 de deman- proche. Aussi désuet que cela puisse paraltre, la table et l'es
der l'hébergement dans un local administratif. chaises sous le baobab, a l'kart, demeurent une solution tr8s
&pres avoir sacrifié aux mondanités, le chercheur valable, mais l'auvent de case, 1 'arri8re-boutique, la salle
se fait voir dans les endroits fréquentés : marché, boutiques, d'Bcole - vide -, une pisce du logis que s'est trouvé le cher-
lieu d'arrivée des pirogues. C'est le moment de poser quelques cheur conviennent également, si les conditions de tranquillité
questions qui permettent de se situer aupr6s de la population s'y trouvent respectees. Informateur(s) et chercheur droibent
("comment appelle-t-on ceci dans votre langue ? " ) et d'attirer pouvoir se faire'face [c'est un détail trds important pour Ùne
les sympathies, car les gens sont généralement très surpris compréhension cor;ecte de part et d'autre), à moins de 2 metres
et satisfaits que l'on puisse s'intéresser B leur parler. Si de préférence.
l'on ne trouve pas directement d'informateur par ce moyen, il Une enquete par interrogatoire occasionne une éviden-
a cependant pour effet de susciter des curiosités. et il est te tension nerveuse chez les participants, et il est recommandé
bien rare que quelques candidats ne se présentent pas rapidement, qu'elle se déroule de préference au moment od chacun se sent
qui s'ils ne sont pas conformes aux desiderata du linguiste le plus dispos. habituellement a une heure matinale, mais 'cela
lui serviront de démarcheurs. Cette approche est Bvidemment celle reste 3 établir entre les intéressés, le rythme de vie de l'infor-
B employer quand sont prévues des enqudtes longues, ou de fré- mateur pouvant fort bien diverger considérablement de celui
quents retours sur le mdme terrain, qui impliquent que l'on du chercheur. Les veillées mortuaires, en particulier, perturbent
a des contacts, que l'on y est connu et reconnu. Dans le cas constamment les horaires établis trop strictement et un informa-
d'enqudtes courtes, dont il n'est pas prévu qu'ellesd6boucheront teur somnolent n'est d'aucune utilité. Dans la mesure du possi-
plus tard 'sur des enqudtes plus completes, le linguiste doit ble, on peut prévoir des séances de 2 à 3 heures de travail,

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..

20 21

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entrecoupees de peti'tes pauses qui permettent de se detendre,


..
qui .lui a ét6 soumis dans celle de l'enqudte : des explications,
et le meilleur moment. si l'informateur en a la possibilité.
plus ou moins detaillees selon l'individu, lui ont donne, lors
est situé de 7 B 10 heures du matin. En dehors de cette Periode,
de son recrutement, une 'idee de ce qui est attendu de lui 'dans
la seance devra &tre plus courte. Le chercheur dispose ainsi
l'ensemble, mais les diverses sections du questionnaire'doivent
chaque jour du temps necessaire pour revoir l e travail accompli,
&tre l',occasion d'indications plus precises, qui font appel.
detecter les points faibles a revoir ou B approfondir, preparer
B la compréhension du Systeme de la langue et l'inciten-t le
les questions complementaires B poser lors de la prochaine ren-
plus souvent 21 une cogitation heureuse dont il est fier, de pré-
contre. Mais il est bien evident que le rythme depend essentiel-
senter les resultats; I1 y a deja longtemps que les linguistes
lement du temps dont dispose le chercheur pour son travail de
ont compris cela, et c'est bien la raison pour laquelle, Meeussen
terrain d'une part, de la disponibilite de l'informateur de
1 'a noté (4), les auteurs d'ouvrages de linguistique descriptive
l'autre, et il peut &tre obligatoire de prBvoir deux seances ..
citent souvent, avec une sincere reconnaissance. le nom .de celui
.
par jour. separees par au moins trois heurs d'activitbs diverses.
ou ceux qui les ont aides, car il s'agit bien alors d'uye-aide
Les enqudtes sur la tradition orale offrent moins
. extrêmement active. Un point -doit cependant etre clair I' toute
de liberte dans la modulation des horaires : elles se déroulent
information en langue vernaculaire notee par Bcrit doit l'&tre'
assez souvent en soirée, ou de nuit (chez les Vili, en particu-
par le chercheur lui-mr?", et il n'est pas question de'redettre
lier, il est consideré comme néfaste de parler de certains sujets
par exemple le texte du questionnaire a l'informateur pour qu'il
dans la journée), et demandent un auditoire, éventuellement
puisse preparer les reponses. meme oralement, car la tentacion
du vin de palme ; le chercheur n'a le plus souvent pas le choix
sera irrésistible pour lui de tout coucher par Bcrit, tant :bien
du lieu de l'enquete, et il est tributaire de la bonne volonte
que mal; et la spontaneite qui doit caracteriser l'interrogatoire
de l'informateur, sans pratiquement aucune maltrise sur le derou- , ..
en sera totalement absente.
lement des opérations : la presence d'un informateur-interprete-
traducteur est alors une necessite. ainsi que l'utilisation est celui d L , e l d , e ~ i - , n , i e , r t ~ ~ ~ i i n , " , t%?
~"$e?&us
e a ~ ~ ~ ~ ~ ~ u s rimpor-
a~~
tantV,et j a y vois deux aspects : la relation professionnelle,
d'un materiel d'enregistrement performant ( 3 ) . s'il est accepte
de recruteur à recrutk, et la relation personnelle, entre deux
par les interesses.
&tres humains appel& B entretenir un dialogue, qui ont chacun
Dans le cas d'enqu8tes approfondies. l'informateur leur caractere, leurs habitudes, leurs preoccupations, permanen-
peut &tre amené B prkparer la prochaine seance de travail par tes ou du moment.
la reflexion personnelle et en se renseignant aupres de personnes La relation professionnelle nait du fait, pour le
de son entourage qu'il considere comme particulierement competen- linguiste. d'avoir retenu un individu pour remplir aupr8s- de
tes dans un domaine particulier : vocabulaire peu courant, mais lui la fonction d'inFormateur, et la question, essentielle,
aussi morphologie (exceptions apparentes qui surgissent dans qui se pose tout naturellement est celle de la retribution des
des sBries reguliikes, paradigmes des formes dans des contextes services prevus par l'accord de recrutement.
caractéristiques. . . I ou systemes grammaticaux (temps verbaux...). J'ai lu quelque part que 1';nformateur devait mettre
I1 peut etre profitable de na pas utiliser l'informateur comme un point d'honneur a travailler gratuitement, fier de participer
un simple robot. programme pour restituer dans s a langue ce 21 une operation de prestige pour sa patrie : les choses etant
r-'
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I 22 23
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ce qu'elles sont, l'argument du sacrifice patrfotique ne me


. ..: ..
parait pas de nature d convaincre la personne normalement consti- portance -dépendent de son statut social plus que de la durée
tuée de consacrer une part plus ou moins 'importante de son temps, et de la valeur de sa coopération. Cela ira des paquets de feuil-
de son énergie. 3 apporter sa collaboration 3 un personnage les de tabac séché ou de la dame-jeanne de vin de palme,' ae
qui, lui, perçoit un salaire pour ce travail, ou plus exactement la piece de pagne pour l'épouse au service à café ou au vase
pour qui ce travailentredanges activités professionnelles qui de cristal qu'il est toujours possible de faire parvenir'.par
lui valent un salaire, et qui prévoit d'en tirer, sinon un béné-
fice pécuniaire, du _moins un prestige personnel (publications,
la suite : le chercheur doit mettre un point d'honneur B. s'ac-
quitter de sa dette, dût-il lui en cooter personnellement.
La relation personnelle maintenant. L'enquGte lin-
. .
enseignement, etc. ) qui conforte sa position. Oui, l'informateur
doit recevoir une contrepartie pour son aide. contrepartie qui guistique est un dialogue au cours duquel. quelle que soit sa
durée, s'établit un lien entre deux personnes. Paur juger saine-
sera, selon la nature du travail, selon le statut social de
ment de la'qualité de ce lien, je crois que le chercheur dpit.
I.: l'intéressé, un salaire ou bien un cadeau. Cette contrepartie
! ,
est attendue, et si par hasard elle ne l'est pas, son arrivée . . avoir, solidement ancrée dans son esprit, la conscience que
l i l'informateur n'a pas réellement demandé ce qui lui arnive. .
ne peut que surprendre agréablement son bénéficiaire qui compren-
dra qu'il n'a pas ét6 exploité par un malotru mais que s a collabora- Le chercheur lui impose sa compagnie pour une période. plus.:ou
-
I
tion a été appréciée. moins longue. et la moindre des choses est qu'il ne pert,urbe
Salaire B la tache, d l'heure (le plus pratique), pas son existence autrement que par d'bventuels impératifs' de
l .

li 8 la semaine OU au mois (dangereux dans certains pays en raison


de la législation sur le travail), selon un barhe aussi attrac-
l'enquete : il s'interdit en particulier toute immixtion.non
sollicitée dans sa vie privée. Selon son sexe et celui de, l'fi-
formateur, le chercheur pourra avoir intéret d rendre clair
tif que possible, dans les limites du ,raisonnable. en prenant
pour base améliorée la solde des enseignants locaux (modulation par son comportement, au besoin par la parole, qu'il s'agit
en fonction du niveau de l'informateur). et en prévoyant une de recherches linguistiques, et uniquement de cela (si tel,est
prime "surprise" pour la régularité dans les horaires, mais le cas, bien sor, mais la confusion des genres n'est pas souhai;
aussi la qualité du travail fourni. Le chercheur n'a aucune table pour l'efficacité du travail d accomplir et le bon déroule-
excuse pour faire des économies au détriment de 1 'informateur: ment des enquetes). De la sympathie réciproque peuvent naitre
il a, dans son budget de recherche, des crédits destinés aux des relations de camaraderie, voire d'amitié si la durée s'y
frais d'information de terrain. et si ces crédits sont ou se pr@te. mais la regle me semble etre de ne pas s'engager inconsidé-
révelent insuffisants, ce n'est pas d l'informateur d'en subir rément : de la cordialité mais, ,pas de familiarité excessive.
les conséquences. La rétribution doit @tre fix6e des le recrute- Si le tutoiement peut *tre pratiqué avec un jeune'informateur
ment, et acceptée par l'intéressé. (moins de 18 ans). le voussoiement est de rigueur avec les adul-
Si l'informateur n'est pas de la catégorie qui justi- tes, au départ tout au moins, car il faut en fait tenir compte
fie le paiement d'un salaire, - et la chose est aisément déter- des habitudes locales dans l'utilisation des pronoms allocutifs
minable lors de la prise de contact -, la contp-epartie prend en français, mais aussi de l'äge respectif des protagonistes:
de leur sexe, de leurs positions sociales comparées : passer
la forme d'un cadeau au sens tres large, dont la nature et l'im-
du voussoiement .au tutoiement après quelques temps de fréquen-
24 25
..

. .

tation peut &tre u n e marque de sympathie, et le changement doit parmi les anthropologues, car il étudie le ph&nom&-e social
&tre simultané chez informateur et chercheur, alors que l'inver- par excellence - la langue - e n limitant ses contacts avec la
se sanctionne une erreur de jugement ou un manque d'éducation communauté linguistique concern& B la fréquentation, parfois
chez le chercheur qui le met e n position délicate. br&ve. d'un nombre restreint d'individus, et n e passe par copsé-
Souvent, le chercheur est amené 3 rendre quelques quent pas par les aFfres qui semblent saisir certains de ses
services Q l'informateur ou d son entourage, mais il doit opérer collegues d'autres disciplines, pour qui le terrain devient
une trIs serieuse sélection parmi l e s sollicitations, le pr&t le thédtre d'un véritable psychodrame.
d'argent étant totalement exclu, sauf comme avance sur le salaire
de l'informateur et dans des limites raisonnables. Son vehicule
est tres recherché, et la meilleure solution consiste. Q n'accep- Andre JACQUOT .
ter le transport de personnes et de biens que sur des trajets -L

normalement prévus. jamais 3 la demande, sauf cas grave (malade ORSTOM


ou blessé). LA aussi, donc, les bonnes relations sont affaire .
.
.* i

de mesure, et le chercheur a tout intéret A veiller A l'équili-


bre des í?changes (il recoit souvent de petits cadeaux : oeufs, NOTES . "..
fruits, poulets...), équilibre tout theorique du reste, car
la qualité des services &changés n'est évidemment pas comparable, (1) Cf. Principles of practical orthography for African languages.
mais ce qui compte est le geste, et celui de l'informateur ou I. Carl Meinhof, 128-236 ; II. Daniel Jones, 237-239. 'Africa,
de son entourage est proportionnellement-beaucoup plbs coQteux I. 1928 ; aussi : The practical orthoqraphy of African .langua-
. .
. .
pour son auteur que ne l'est celui du chercheur, tout impécunieux s, IAI, 1927 (2nd ed. 1930), 23 p.
que celui-ci s'estime.
Ces quelques observations sont fondées sur une exp6- (2) L atraduction d'enregistrements. une fois quitté le terrain,
rience acquise et entretenue en Afrique dquatoriale de l'ouest est une opération aléatoire t informateur qui n'est pas
(Cameroun, RCA. Congo et Gabon), mais une courte experience exactement de meme' dialecte, conditions d'enregistrement
' i qui rendent difficile l a comprehension du discours pour
i tahitienne me conduit A penser que, les buts de l'enquGte deter-
mines avec précision, le mode d'approche et de frequentation qui n'y a pas assiste. . .
de l'informateur et de son milieu n'est pas fondamentalement
different sur d'autres terrains : le S U C C ~ Sdu chercheur dépend ( 3 ) Le magnétophone Q cassette est nettement insuffisant. Pour
de son sens de l'adaptation. mais aussi de la réserve que lui les enquetes par questionnaires, le magnétophone peut rendre
impose sa fonction, et sa préoccupation essentielle doit &tre des services certains dans l'enregistrement de séries illus-
d'adopter le comportement le plus favorable a u dkroulement de trant les contrastes de tons.
son travail, de telle sorte que personne, et l'informateur moins
que quiconque, n'en ressente de gene. (4) A.E. Meeussen, 1962, L'informateur e n linquistique africaine.
Le linguiste est certainement un cas assez spécial Aequatoria, XXV, 3 . 92-94.
.-

. ,:

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. .
..

CHERCHEURS ET INFORMATEURS

TOME 11

La forme et le contenu des artides n'engagent que la responsabilité Bulletin n"34 Décembre ,1988.
de leurs auteurs.

O. R.S.T.O. M. Fonds Documentaire

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