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Cours de Psychophysiologie à l’usage des éducateurs préscolaires Première Année INFS 1

COURS DE PSYCHOPHYSIOLOGIE
ECOLE DES EDUCATEURS PRE-SCOLAIRES INFS
PREMIERE ANNEE

Université Cocody Abidjan. UFR Biosciences. Laboratoire de Neurosciences Prof. GLIN Léon
Cours de Psychophysiologie à l’usage des éducateurs préscolaires Première Année INFS 2

COURS DE PSYCHOPHYSIOLOGIE
ECOLE DES EDUCATEURS PRE-SCOLAIRES INFS
PREMIERE ANNEE

SOMMAIRE
INTRODUCTION

I/ EMBRYOLOGIE DU SYSTEME NERVEUX CENTRAL


1/ FORMATION DES VESICULES
2/ MIGRATION NEURONALE
3/ CROISSANCE ET DIFFERENTIATION
4/ FORMATION DES SYNAPSES ET EMERGENCE DU COMPORTEMENT
5/ LE DEVELOPPEMENT DU CERVEAU NECESSITE UNE NUTRITION
APPROPRIEE
6/ L’EXPOSITION AUX DROGUES PENDANT LA GROSSESSE PEUT ALTERER LE
DEVELOPPEMENT NERVEUX .
7/ PERIODES CRITIQUES DANS LE DEVELOPPEMENT DES COMPETENCES
SOCIALES ET PERCEPTUELLES
8/ IMPORTANCE DE L’ATTACHEMENT
9/ COMPETENCES PERCEPTIVES DU BEBE
10/ COMPETENCES PERCEPTIVES DE LA MERE
11/ COMPETENCES INTERACTIVES BEBE-MERE

II/ LE DEVELOPPEMENT PSYCHOMOTEUR DE L’ENFANT

1/ EVOLUTION DE L’AUDITION CHEZ LE NOUVEAU-NE


a) LOCALISATION DES SONS
b) LE REPERAGE DE LA HAUTEUR DES SONS
c) LE REPERAGE DE LA COMPLEXITE OU PERCEPTION DES
CARACTERISTIQUES DU LANGAGE

2/ LA VISION CHEZ LE NOURRISSON


a) LE SYSTEME VISUEL A LA NAISSANCE
b) LES PREFERENCES VISUELLES PRECOCES

3/ LE DEVELOPPEMENT DE LA GUSTATION ET DE L’ODORAT


a) LA GUSTATION
b) L’ODORAT DU NOUVEAU-NE

4/ LE TOUCHER CHEZ LE NOURRISSON


a) LES ORGANES SENSORIELS CUTANES
b) LA VALEUR AFFECTIVE DES PERCEPTIONS
c) LA DECOUVERTE DU MONDE EXTERIEUR

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III/ LE RYTHME VEILLE-SOMMEIL

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INTRODUCTION

L’homme s’est, de tout temps, intéressé à la compréhension des


mécanismes régissant le fonctionnement du SNC. Cependant, sur le plan
expérimental, ce tissu organique est resté pendant longtemps un objet de
spéculation en raison des tabous sociaux-religieux et du mystère
entourant la psyché en général et l’onirisme en particulier. Il a donc fallu
attendre longtemps pour que des hommes aient la témérité d’ouvrir une
boîte crânienne.
Le rythme des travaux sur le cerveau s’est accéléré à la fin du
19ème siècle. Depuis la seconde guerre mondiale, de nouvelles techniques
ont permis des progrès significatifs et depuis quelques dizaines d’années
les neurosciences sont devenues l’une des branches les plus actives de la
recherche scientifique.
Les neurosciences étudient le système nerveux depuis la
constitution du tissu nerveux, sa composition moléculaire, biochimique,
jusqu’aux expressions les plus intelligentes du cerveau comme la
reconnaissance des formes, la planification d’actions adaptées, la
résolution des problèmes ou la communication langagière. Devant un tel
éventail de sujets, les neurosciences ne pouvaient qu’être
pluridisciplinaires.
En effet, les scientifiques qui se sont intéressés au système
nerveux venaient de disciplines diverses : médecine, biologie,
psychologie, physique, chimie, mathématiques. Le domaine des
neurosciences est un domaine presque aussi vaste que l’ensemble des
sciences naturelles, le système nerveux étant le point commun de toutes
les études. Pour comprendre le fonctionnement du cerveau, il est
nécessaire d’acquérir des connaissances dans des domaines variés, depuis
la structure moléculaire de l’eau, jusqu’aux propriétés électriques et
chimiques du cerveau ; mais aussi tenter de savoir pourquoi le chien de
Pavlov salivait en entendant une cloche sonner. Ainsi, en fonction du
niveau d’analyse, différents domaines sont définis dans les
neurosciences : on parle de neurosciences ou neurobiologie moléculaire
(l’étude du cerveau à ce niveau très élémentaire concerne les fonctions des
molécules telles les messagers qui permettent aux neurones de
communiquer entre eux, les sentinelles qui contrôlent ce qui pénètre dans
les molécules ou en sort) ; neurosciences ou neurobiologie cellulaire (à ce
niveau, les questions qui se posent sont par exemple combien il existe de
types de neurones distincts et quelles sont leurs différentes fonctions ?
quelles influences exercent-ils entre eux ? comment se mettent en place les

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connections entre les neurones et comment les neurones intègrent-ils les


informations qu’ils reçoivent ?) ; neurosciences comportementales
(comment les systèmes neuronaux s’assemblent-ils pour réaliser des
comportements intégrés ? les différentes formes de mémoire sont-elles
associées à des circuits différents ? dans quelles parties du cerveau
agissent les drogues qui altèrent l’esprit ? où les rêves se forment-ils dans
le cerveau ? toutes ces questions relèvent d’un niveau d’étude plus global
tendant à préciser les bases des comportements) neurosciences intégrées
ou intégratives (à ce niveau, les chercheurs étudient comment les
différents circuits neuronaux analysent les informations sensorielles,
élaborent la perception du monde extérieur ou encore décident et
ordonnent les mouvements) ; et enfin les neurosciences cognitives (à ce
niveau on étudie comment l’activité du cerveau crée la pensée, en d’autres
termes analyse la relation entre cerveau et esprit). Il n’est donc pas
étonnant que les neurosciences utilisent un attirail de techniques très
différentes depuis les techniques neuro-anatomiques, en passant par les
techniques électrophysiologiques jusqu’aux techniques les plus modernes
d’imagerie.
Si la Psychologie se définit comme l’étude objective du comportement
et des activités mentales qui le conditionnent, la Neurologie elle, s’intéresse à
l’étude des maladies du SNC.
De façon plus spécifique, la Neuropsychologie étudie les troubles des
conduites acquises par lesquelles chaque homme entretient des relations adaptées
avec le monde qui l’entoure et avec autrui à travers ses gestes et son langage.
Quant à la Psychophysiologie, elle se conçoit comme l’étude du
support physiologique des comportements et des activités mentales
concomitantes. Elle s’efforce d’expliquer les relations entre les
mécanismes physiologiques et les états ou fonctions psychologiques tels
que : la sensation, la mémoire, l’apprentissage, l’agressivité, la faim,
l’émotion, le sommeil, le stress. Dans ce domaine, de nombreuses
connaissances sont bien établies. On connaît actuellement différentes
structures impliquées dans le contrôle du langage (aires spécifiques de
l’hémisphère gauche), de la motricité (cervelet), des émotions (système
limbique), de la mémoire (hippocampe) et du comportement veille-
sommeil (réticulée pontique et mésencéphalique).
Notre objectif, dans ce cours, sera de comprendre la mise en place
du SNC à travers l’étude de l’organogenèse ou étude du développement
embryonnaire du cerveau mais aussi de comprendre le développement
psychomoteur de l’enfant à travers l’étude du développement des

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fonctions sensorielles comme la vision, la gustation, l’audition, le toucher


et l’odorat.

I/DEVELOPPEMENT EMBRYONNAIRE DU SNC.

L’étude du développement embryonnaire permet de


comprendre comment le système nerveux s’est formé à partir d’un simple
tube dans les premiers stades de l’embryon et a donné naissance aux
structures du cerveau adulte et à la moelle épinière.
L’ensemble des fonctions mentales supérieures est assuré, dans
un cerveau humain adulte, par plus de 100 milliards de cellules nerveuses
appelées encore neurones. Un neurone est constitué d’un corps cellulaire
(soma) dont émane une fibre principale, l’axone, et un certain nombre de
branches fibreuses, les dendrites. L’axone se termine par une arborisation
terminale (un grand nombre de prolongements).
En règle générale, les dendrites et les corps cellulaires reçoivent
les signaux d’entrée ; le corps cellulaire les intègre, les combine et émet
des signaux de sortie aux terminaisons axoniques qui, à leur tour,
distribuent l’information à d’autres neurones.
Nous naissons avec la quasi-totalité de nos neurones mais la
masse du cerveau à la naissance est 4 fois inférieure à celle du cerveau
adulte. Donc, le cerveau grossit au fur et à mesure que la taille des
neurones et le nombre des prolongements et des connexions augmentent.
Les réseaux neuronaux sont élaborés à partir d’instructions génétiques qui
permettent aux axones de détecter leur trajet correct et leurs cibles exactes.
Cependant, la mise en place définitive des circuits nerveux dépend aussi
fortement de l’information sensorielle issue de l’environnement du sujet
et particulièrement dans sa petite enfance. Ainsi, l’éducation et la nature
contribuent ensemble au développement de la structure accomplie et au
fonctionnement du système nerveux. On comprend donc l’importance des
sollicitations dans la première enfance. Les enfants ont besoin d’être
stimulés par le toucher, la parole, les images, les rapports avec leur
environnement pour mieux se développer.
 Comment un seul œuf fécondé peut-il donner naissance à
autant de cellules ?
 Comment les cellules nerveuses se développent-elles ?
 comment établissent-elles entre elles des connexions aussi
précises ?

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Le développement du SNC peut être résumé en 3 questions


essentielles :
• comment naissent les cellules nerveuses ?
• comment ces cellules acquièrent-elles les propriétés
appropriées dans des positions précises dans le SN ?
• comment ces neurones forment-ils des connexions
correctes les uns avec les autres pour provoquer le comportement
approprié ?
Les cellules nerveuses naissent à partir d’une étape initiale du
développement appelée Détermination qui assure qu’une certaine
population cellulaire de l’embryon produira des cellules du SN.
Une seconde étape appelée Différentiation assure que ces
cellules provenant de la population déterminée, produiront des cellules
spécifiques et des sous-populations caractéristiques des différentes
régions du SN et ces cellules vont proliférer et migrer vers leur position
appropriée et en définitive établir des connexions spécifiques avec leur
cible. Toutes ces étapes dépendent du code génétique.

Figure 1 : structure d’un neurone

1/ LA FORMATION DES VESICULES.

Il existe 3 couches cellulaires dans l’embryon humain : la couche


la plus interne s’appelle l’endoderme ; la couche moyenne est le
mésoderme ; l’ectoderme constitue la couche la plus externe de l’embryon.
C’est au cours de la 2ème semaine de gestation qu’apparaît la 1ère
ébauche du SN. La partie dorsale de l’ectoblaste (région du feuillet
embryonnaire le plus externe appelé neuroectoblaste) s’épaissit pour
former la plaque neurale qui s’étend sur toute la longueur de l’embryon .
La plaque neurale donnera naissance aux neurones et aux cellules gliales

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ou névroglie. Il existe 3 types de cellules différentes dans leurs structures


et fonctions : neurone ou cellule nerveuse qui transmet l’influx nerveux ;
cellules de Schwann qui engainent les prolongements de plusieurs
neurones du SN périphérique (nerf et ganglion) ; les cellules gliales ou
névroglie qui jouent un rôle de soutien entre les neurones du SNC. La
partie centrale de la plaque neurale s’enfonce et ces rebords se soulèvent
par prolifération cellulaire formant ainsi la gouttière neurale. Cette
gouttière neurale se creuse puis les deux bords de la gouttière se
fusionnent pour donner naissance au tube neural. Le tube neural se
détache de l’ectoderme et devient ensuite l’encéphale et la moelle épinière.
Au moment de la fermeture du tube neural, des cellules
ectodermiques se déplacent latéralement et forment deux cordons
longitudinaux de chaque côté du tube neural. Ces cordons, appelés crêtes
neurales se segmentent en petits amas cellulaires. Ces amas donneront
naissance à certains éléments particuliers comme les neurones sensitifs
des nerfs crâniens et rachidiens, des cellules de Schwann et des neurones
moteurs.
A la 4ème semaine de gestation, lorsque le tube neural est
complètement constitué, sa portion antérieure se dilate en un certain
nombre de renflements ou vésicules, remplis de liquide. Ces vésicules
vont donner naissance aux différentes parties du SNC : le Prosencéphale
ou cerveau antérieur, le Mésencéphale ou cerveau moyen et le
Rhombencéphale ou cerveau postérieur.
Cette dernière partie du tube neural se replie encore sur elle-
même et les vésicules se subdivisent à nouveau de sorte qu’à la 5 ème
semaine du développement embryonnaire, l’encéphale comporte 5
vésicules : le Prosencéphale se sépare en 2 vésicules représentant le
cerveau proprement dit ; le Télencéphale (vésicule antérieure) et le
Diencéphale (vésicule postérieure) ; le Mésencéphale reste inchangé mais
le Rhombencéphale se divise en Métencéphale et en Myélencéphale. Les
cavités de ces vésicules deviendront les ventricules de l’encéphale adulte.
Le liquide qu’elles renferment s’appelle le liquide céphalo-rachidien. La
région du tube neural postérieure au myélencéphale formera la Moelle
épinière.
Traditionnellement, les chercheurs pensaient que la majorité des
mammifères possédaient, dès la naissance, la totalité de leurs cellules
nerveuses à l’exception toutefois de certaines régions cérébrales où
certaines cellules continuent à proliférer même après la naissance. C’est le
cas du cervelet humain où des cellules s’ajoutent aux cellules existantes
encore pendant des mois après la naissance. C’est également le cas des

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neurones récepteurs olfactifs qui sont remplacés tout au long de la vie. On


pensait donc qu’après 20 semaines de vie intra-utérine, il n’y avait aucune
possibilité de multiplication neuronale compensatrice ni de formation de
neurones détruits à la suite d’affection infectieuse, toxique ou
traumatique. On attribuait la croissance postnatale du cerveau humain à
l’augmentation de la taille des neurones, aux ramifications plus
importantes des dendrites, à la formation de synapses, à l’accroissement
de la myéline et à l’addition de cellules non neuronales(glie). Mais ces
dernières années, cette croyance est entrain d’être modifiée d’abord parce
qu’il semble bien que de petits neurones se forment encore pendant un
certain temps après la naissance. En effet, tous les neurones volumineux
que le cerveau possèdera sont présents à la naissance. Toutefois, la
division mitotique continue dans la zone ventriculaire. De petits neurones
provenant de cette zone s’ajoutent aux neurones de plusieurs régions du
cerveau du rat comme le bulbe olfactif ou l’hippocampe.

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Figure 2 : Schémas illustratifs de la mise en place des vésicules

2/ LA MIGRATION NEURONALE.

A la neurogénèse, c-à-d la production des neurones, succède,


dans le développement du SNC, la migration neuronale. Les 100 milliards
de neurones sont produits le long du tube neural du cerveau en
développement. Le rythme de production atteint 5000 neurones à la
seconde. De là, les jeunes neurones à peine formés, devront se déplacer
pour gagner la périphérie et y former le cortex ou écorce cérébrale (couche
superficielle). Ces neurones migrent en glissant le long des fibres fines
disposées radialement de la zone ventriculaire à la pie-mère. Ces fibres
sont le prolongement de cellules gliales spécialisées correspondant à la
glie radiaire qui constitue la trame servant de base à la construction du
cortex. Le trajet à parcourir est long pour les neurones surtout vers la 15 ème
semaine de la grossesse lorsque s’accroît l’épaisseur du cerveau. Si nous
comparons la taille d’un jeune neurone à celle d’un neurone d’adulte, cela
équivaut à notre échelle à parcourir 14 km à pied. Chaque neurone doit
atteindre avec précision la place qui lui est réservée.
La migration est un processus délicat qui peut être affecté par différents
facteurs. Des facteurs externes, comme l'alcool, la cocaïne ou les
radiations, peuvent empêcher la migration, entraînant un mauvais
positionnement des cellules, ce qui peut conduire à un retard mental ou
à l'épilepsie. De plus, il a été démontré que des mutations dans les gènes
qui régulent la migration provoquent certaines formes génétiques rares
de retard et d'épilepsie chez l'homme.

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Figure 3 : migration des neurones immatures


Il s'agit d'une vue en coupe transversale du lobe occipital, qui traite la vision, d'un cerveau de fœtus de
singe âgé de trois mois. Le centre montre des neurones immatures migrant le long des fibres gliales.
Ces neurones établissent des connexions transitoires avec d'autres neurones avant d'atteindre leur
destination. Un seul neurone migrant, utilise une fibre gliale comme échafaudage de guidage.

3/ LA CROISSANCE ET LA DIFFERENTIATION.

Le stade suivant concerne la croissance et la différentiation. De


20 à 40 semaines de vie intra-utérine, la plupart des neurones du cerveau
humain sont formés et en place. Le développement va alors consister en
une croissance et une différentiation qui se poursuivront et s’amplifieront
durant la vie postnatale sans que la naissance ne constitue une
interruption. La différentiation est le processus au cours duquel le
neuroblaste (jeune neurone) prend l’aspect et les caractéristiques d’un
neurone. Pendant cette phase, on assiste à la poussée des prolongements
neuronaux (axones et dendrites, arborisation croissante des dendrites), à
l’apparition et au modelage de zones de contacts inter neuronaux
(synapses). La qualité du câblage est complétée par le processus de
myélinisation qui commence avant la naissance au niveau des racines
motrices. La myélinisation est le développement de gaines autour des
axones à partir des cellules gliales. Cette myélinisation modifie
considérablement la vitesse de propagation des messages dans les axones
et devrait avoir un impact important sur le comportement puisqu’elle
augmente la vitesse de l’influx nerveux et par conséquent, affecte le
décours temporel des évènements qui ont lieu dans le système nerveux.

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4/ FORMATION DES SYNAPSES ET EMERGENCE DU


COMPORTEMENT.

Le comportement dépend de la formation des interconnexions


appropriées c-à-d les synapses. Celles-ci sont formées grâce à un contrôle
génétique. Les séquences de développement ne sont pas rigides. Elles
peuvent être influencées par l’environnement et par l’expérience. Les
informations sensorielles sont organisées en ensembles cohérents appelés
pensées ou sensations. Sur la base de ces ensembles comportementaux, le
cerveau est capable d’initier des actions. Bien que la structure du cerveau
soit, à un degré important, planifié par le développement génétique, les
interconnexions cellulaires dépendent aussi des expériences
individuelles.
En fait, le cerveau est remarquablement modulable. Il est capable
de modifier ses performances et même ses stratégies en fonction de
l’expérience acquise. C’est dire l’importance des premières expériences
sur le développement du cerveau.

5/ LE DEVELOPPEMENT DU CERVEAU NECESSITE UNE


NUTRITION APPROPRIEE .

Tous les peuples du monde ne partagent pas la bonne fortune de


bénéficier d’une nourriture adéquate. Certaines populations sont
confrontées à des périodes de famine. Un rapport récent suggère qu’à
travers le monde, au moins 150 millions d’enfants en dessous de 5 ans,
souffrent d’une malnutrition protéique (Udani, 1992). Le cerveau humain
adulte serait moins affecté par la famine ou les excès alimentaires que la
plupart des autres organes, mais pour le cerveau en développement, la
malnutrition est tout à fait nuisible et quelques fois de façon irréversible.
La comparaison d’enfants pas assez nourris avec des témoins qui n’ont

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pas subi de déficience alimentaire en bas âge nous a appris beaucoup de


choses sur les effets d’une malnutrition précoce. Celle-ci a pour effet de
réduire les performances ultérieures à de nombreux tests de capacité
mentale. La malnutrition maternelle semble avoir augmenté les risques de
schizophrénie parmi les enfants de femmes néerlandaises ayant enduré
une famine sévère pendant l’occupation nazie de 1944 à 1945. Cette
absence de nutriments a constitué un stress sévère lors du développement
prénatal et s’est traduit par le poids extrêmement faible des enfants à la
naissance, et par la mortalité de ceux qui avaient subi les effets d’une
famine pendant le premier trimestre de la grossesse. Plusieurs études ont
montré que les enfants qui ont subi une malnutrition relativement tard au
cours de leur croissance ont une plus grande chance de récupération
comportementale que ceux qui ont subi précocement une telle condition
nutritionnelle. Des enfants coréens orphelins ont été adoptés par des
familles américaines de la classe moyenne . Ces orphelins, victimes de
malnutrition, se sont très bien développés dans leurs familles d’adoption ;
tous ont dépassé les normes coréennes de taille et de poids sans toutefois
atteindre les moyennes américaines. Chez les enfants adoptés à l’âge de 2
ans ou plus, les scores étaient plus élevés que les moyennes américaines
dans les tests de quotient intellectuel et de rendement scolaire. Cette étude
montre que les effets d’une grave malnutrition précoce peuvent être
largement surmontés si la réhabilitation commence tôt et est maintenue.
C’est pendant la période de croissance rapide que le cerveau est le plus
vulnérable à la malnutrition. Cette phase varie avec l’espèce. Chez
l’Homme, la période de croissance rapide et de vulnérabilité à la
malnutrition se situe à la fin de la grossesse et au cours des premiers mois
de la vie postnatale. Chez l’adulte, une malnutrition similaire n’entraîne
que des effets négligeables.

6/ L’EXPOSITION AUX DROGUES PENDANT LA GROSSESSE PEUT


ALTERER LE DEVELOPPEMENT NERVEUX .

Les conditions de santé de la mère telles qu’une infection virale,


l’exposition aux drogues et la malnutrition sont probablement la cause de
maladies du développement intra-utérin. Ce n’est que récemment que les
chercheurs ont prouvé que l’alcool affecte la croissance fœtale et son
développement. Les enfants nés de mères alcooliques présente un profil
distinct d’altérations anatomiques, physiologiques et comportementales,
connu sous le nom de syndrome fœtal alcoolique. A la naissance, le poids
et la taille des enfants nés de mères alcooliques sont particulièrement bas.

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Peu de ces enfants rattrapent leur retard au cours des années qui suivent
leur naissance. La déficience mentale représente le problème le plus
fréquemment associé au syndrome fœtal alcoolique. Elle peut atteindre
différents niveaux de gravité. On n’a pas encore déterminé le seuil critique
de prise d’alcool à l’origine de ce syndrome mais il est clair qu’il peut
s’établir même dans des cas où relativement peu d’alcool est consommé
pendant la grossesse. En plus de leur retard mental, ces enfants présentent
encore d’autres anomalies neurologiques comme l’hyperactivité,
l’irritabilité, des tremblements. Les chercheurs doivent établir si ces effets
sont dus à l’alcool et à ses métabolites toxiques ou plutôt aux effets de
l’alcool sur la santé métabolique et la nutrition de la mère. L’alcool
pourrait également affecter la circulation sanguine qui relie la mère à
l’enfant. Ce syndrome n’est pas spécifique de l’alcool ; l’abus de marijuana
semble exercer un effet similaire sur la croissance et le développement
fœtal.

7/ PERIODES CRITIQUES DANS LE DEVELOPPEMENT DES


COMPETENCES SOCIALES ET PERCEPTUELLES.

L’expérimentation animale a permis de montrer l’existence de


périodes critiques au cours du développement cérébral. Pendant ces
périodes, l’enfant doit interagir avec un environnement normal pour que
son développement soit normal. L’un des meilleurs moyens de démontrer
l’importance de certains stimuli sociaux et perceptuels dans le
développement est de priver l’enfant de ces stimuli et d’examiner les
conséquences sur les performances de l’enfant. Bien que l’éthique
scientifique n’autorise pas l’expérimentation sur les enfants humains, la
privation a souvent été imposée par des parents ou les institutions
publiques. Comme on peut s’y attendre, des privations sévères entraînent
des comportements asociaux qui peuvent évoluer parfois vers des
désordres de langage.
On peut citer les travaux du psychanalyste SPITZ René (1940).
Cet auteur a comparé le développement des enfants élevés dans les
institutions pour enfants abandonnés et ceux élevés dans les nurseries
attenantes aux prisons de femmes. Ces 2 institutions sont propres et
prodiguent des soins médicaux et une alimentation adéquats aux enfants.
Dans les nurseries de prisons, ce sont les mères qui s’occupent de
leurs enfants chaque jour pendant les périodes qui leur sont dévolues.
En revanche, dans les institutions des enfants abandonnés, ce
sont les nurses qui s’en occupent. Chaque nurse est responsables de 7

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enfants. La conséquence est que ces enfants ont peu de contact avec les
autres comparés aux enfants des nurseries des prisons qui peuvent
observer les uns et les autres évoluer, travailler ou jouer. Chez les enfants
abandonnés, les fenêtres sont protégées des regards ce qui réduit de façon
drastique leur environnement. Ils vivent donc dans un cadre appauvri en
stimulations sensorielles et sociales.
SPITZ a constaté que les enfants des institutions pour enfants
abandonnés sont plus performants aux tests de développement à l’âge de
4 mois. Mais 8 mois plus tard, c-à-d vers l’âge de un an, les performances
motrices et intellectuelles des enfants élevés dans les nurseries de prisons
sont bien meilleures. Les autres ont développé une sorte de dépression
analytique. Ils sont peu curieux et peu gais. Ils sont sujets à des infections.
A l’âge de 2 et 3 ans, les enfants des nurseries présentent les mêmes
capacités que les enfants élevés dans des familles normales.
Dans les années 60, HARRY et MARGARET HARLOW ont
développé un modèle de privation sociale chez les singes en isolation. Ils
ont trouvé que les jeunes singes nouveau-nés isolés de 6 mois à un an sont
physiquement normaux mais dévastés au plan comportemental. Ils sont
prostrés et présentent des comportement oscillatoires comme les autistes
(développement exagéré de la vie intérieure et perte de conscience avec la
réalité). Mis en contact avec d’autres individus, ils ne développent pas de
relation avec les autres, ne jouent pas et ne montrent aucun intérêt sexuel.
Comment y remédier?
Chez ce type d’enfant socialement déficient, on peut essayer
d’améliorer son comportement ; il faut introduire dans son
environnement une personne qui puisse l’aimer et le mettre en contact
avec des enfants vivants dans des conditions normales. On peut ainsi faire
disparaître complètement le syndrome d’isolation chez le singe.

8/ IMPORTANCE DE L’ATTACHEMENT.

Les données que nous venons d’exposer montrent l’importance


de la relation mère-enfant. L’attachement du bébé à sa mère est un
système spécifique différent des autres besoins. C’est en 1969 que JOHN
BOWLBY a publié le résultat de ses recherches sur l’attachement. Pour ce
Psychanalyste, le comportement d’attachement permet au bébé d’induire
et de maintenir la proximité ou le contact avec sa mère ou la personne qui
la remplace (en cas de décès de la mère). Ces comportements regroupent

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les pleurs, le sourire, la succion, l’agrippement, l’attention et la poursuite


visuelle.
Considérés comme innés, ces comportements d’attachement ont
pour fonction d’induire l’approche de la mère puis la prise du bébé dans
les bras, l’allaitement et les comportements maternels qui nourrissent et
renforcent les comportements d’attachement du bébé. Celui-ci influençant
de façon sélective les comportements de sa mère et la mère influençant les
comportements du bébé, des interactions de mieux en mieux accordées se
construisent entre les deux personnes. Selon la théorie de l’attachement,
la qualité de cet accord est le fondement d’un attachement sécurisant du
bébé à sa mère et détermine pour une part importante, le développement
des systèmes relationnels de l’enfant et de ses capacités d’adaptation. Il
s’agit donc de processus bidirectionnels, où le bébé n’est pas seulement
soumis aux influences de cet entourage mais est encore à l’origine de
modifications tout à fait considérables de celui-ci. Le bébé et sa mère
forment un couple indissociable où tout comportement de l’un provoque
une modification chez l’autre et ainsi de suite. L’interaction s’envisage
dans un continuum d’échange où chacun agit et réagit. Si ces interactions
bébé-mère sont absentes ou inexistantes on voit se mettre en place des
états et des relations du bébé qui annoncent un développement difficile et
souvent pathologique :
- état dépressif en cas d’hospitalisation
- évitement de l’interaction avec la mère et les autres
personnes ;
- non construction des systèmes de communication et
repli de l’enfant sur lui-même ;
- troubles psychosomatiques tels l’insomnie, le refus de
s’alimenter ou le comportement pathologique de rumination
(aliments déglutis, puis regurgités et mastiqués sans arrêt) ;
- défaillance dans les systèmes immunitaires.
Tout ceci suppose que le bébé et la mère aient des compétences
perceptives.

9/ COMPETENCES PERCEPTIVES DU BEBE.

Pomerleau et Malcuit (1983) ont définit la compétence ; ils


parlent de compétence de base : « la compétence de base s’entend comme
l’ensemble des comportements(actions et réactions) que le jeune enfant en
se fondant sur son équipement biologique de départ, est susceptible de
manifester quand les circonstances, le contexte et les conditions

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environnementales s’y prêtent ». Pourtant, il y a quelques dizaines


d’années, le nouveau-né était considéré comme un simple « tube
digestif », un être réflexe, sans aucune compétence, dénué de sentiments,
de sensations. Mais progressivement, l’enfant va être perçu comme un être
en croissance et maturation, somatique et psychique, en même temps
qu’un sujet qu’il faut éduquer de plus en plus tôt. Grâce au progrès des
méthodes de recherche, le nouveau-né est considéré comme un élément
actif possédant des compétences très riches dès sa naissance et même in
utero. On a donc cherché à identifier les informations maternelles que le
bébé est capable de capter et de percevoir c-à-d de mémoriser et comparer.
On a ainsi montré que les compétences sensorielles et perceptives du bébé
sont très précoces.
De 12 à 21 jours, un bébé, bien que sa rétine soit immature, est
capable d’imiter une personne qui ouvre la bouche et tire la langue. Il est
capable dès la naissance de distinguer la voix de sa mère par rapport à
d’autres voix féminines ou par rapport à des voix masculines.
De plus en plus convaincantes sont les études dans lesquelles il
apparaît que le fœtus perçoit par lui-même (et non simplement par
l’intermédiaire de la mère et de ses réactions) des stimuli acoustiques émis
dans l’environnement maternel même si les mécanismes de transmission
des sons jusqu’aux cellules de l’audition restent encore à cerner. Il semble
bien que les informations captées et perçues à l’état fœtal influencent
ensuite les réponses sélectives du bébé vis à vis des stimulations
acoustiques émises dans son environnement.

10/ LES COMPETENCES PERCEPTIVES DE LA MERE.

Les données sont encore peu nombreuses dans le domaine des


compétences perceptives de la mère vis à vis de son bébé. L’équipe du
Professeur HUBERT MONTAGNER à Besançon a montré que la plupart
des mères reconnaissent, dès le 2ème ou 3ème jour, l’odeur corporelle de leur
bébé. L’étude de ce phénomène du 1er au 10ème jour révèle qu’il est
influencé par plusieurs facteurs :
- le moment post natal ; on observe que les bonnes
performances dans la reconnaissance de l’odeur du bébé du 1 er au 4ème
jour chutent le plus souvent au 5ème ou 6ème jour puis remontent à
partir du 7ème jour ; il en est de même de la performance des mères
pour reconnaître les pleurs de leur bébé ; on a pu montré que dès la
soirée du 4ème jour, la plupart des mères sont dépressives et

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angoissées ; ce phénomène est connu par les cliniciens sous le nom de


« post partum blues » ;
- la qualité des contacts corporels peau à peau entre le
bébé et sa mère juste après la naissance ; après la naissance, si on laisse
le bébé sur le ventre de sa mère plus longtemps (30 à 40 minutes), on
observe une émergence plus précoce de la reconnaissance de l’odeur
du bébé par sa mère ;
- la qualité et la quantité des sécrétions cutanées du
bébé ; les mères ont tendance à mieux reconnaître l’odeur de leur bébé
lorsqu’il secrète peu de sébum (matière grasse et onctueuse sécrétée
par certaines glandes de la peau des nouveau-nés) que lorsqu’il a une
peau grasse ;
- l’histoire de la mère et les événements qu’elle a vécus ;
lorsque la mère a perdu un précédent bébé à la naissance ou à un
autre moment, elle ne semble pas reconnaître l’odeur corporelle et les
pleurs de son bébé au cours de la 1ère semaine ; on voit donc
l’importance de l’angoisse de la mère sur les relations entre elle et son
bébé.

11/ LES COMPETENCES INTERACTIVES BEBE-MERE.

On observe chez le bébé des réponses tellement bien accordées


et ajustées aux manifestations comportementales, vocales et langagières
de sa mère qu’il paraît avoir une connaissance préformée des informations
qu’elles véhiculent sur les émotions maternelles. En conséquence,
beaucoup de chercheurs et cliniciens postulent que cette connaissance est
préprogrammée c-à-d potentiellement présente dans le patrimoine
génétique de l’enfant humain. En fait, plusieurs mécanismes peuvent être
avancés pour rendre compte de l’ajustement synchrone entre les
manifestations du bébé et celles de sa mère :
- peut être qu’il existe des mécanismes préprogrammés,
mécanismes innés au vrai sens du terme ;
- mise en œuvre plus ou moins progressive de
phénomènes de familiarisation, de tolérance et d’acceptation
mutuelles de caractéristiques propres à l’un et pas à l’autre (mélodie
de la voix, odeur corporelle) ;
- établissement de phénomènes d’habituation et de
conditionnement ; le bébé apparaît donc comme un être
d’apprentissage.

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II LE DEVELOPPEMENT PSYCHOMOTEUR DE L’ENFANT

On appelle développement de l’enfant le processus qui le fait


passer de l’état de nourrisson vagissant à l’état adulte. Le développement
psychomoteur concerne donc les relations étroites entre les acquisitions
motrices et le développement intellectuel, une sorte de parallélisme
psychophysiologique ou une concordance des développements psychique
et moteur dans la première enfance.
En effet, mois après mois, les parents sont stupéfaits par la
rapidité des acquisitions de l’enfant. A 5 mois, il commence à ramper pour
saisir un objet. De 9 à 18 mois, il part à la conquête du monde. Il commence
à se mettre debout, à marcher. A partir de 2-3 ans, il est capable de sauter,
d’entreprendre des escalades difficiles et bientôt il sera passionné par la
lecture ou les jeux de société. Tout ceci témoigne de la maturation de son
système nerveux central. Il faut cependant noter que les âges donnés dans
les études de développement sont bien sûr des moyennes et il serait
imprudent de conclure à une quelconque anomalie devant un simple
retard isolé dans telle ou telle acquisition. Aussi, allons nous examiner
l’évolution de ses différents organes des sens.

1/ L’AUDITION CHEZ LE NOUVEAU-NE

Chez le nouveau-né, 3 aspects de l’audition ont été


principalement étudiés :
- la localisation des bruits dans l’espace ;
- le repérage de la hauteur des sons c’-à-d si les sons sont
graves, médiums ou aigus ;
- le repérage de la complexité des sons en particulier
dans la perception des caractéristiques du langage humain.
Les compétences auditives du nourrisson se révèlent
surprenantes et les études se poursuivent pour mieux les définir.

a) LA LOCALISATION DES SONS


Dès la naissance, le bébé tourne la tête dans la direction d’où
provient un bruit si celui-ci est clairement situé sur le côté. Pour
certains chercheurs, il s’agit d’un réflexe d’orientation qui serait
déclenché par les bruits aigus, les sons modérés et continus. Cette
réponse primitive d’orientation disparaît vers l’âge de 2 mois. Elle
réapparaît à l’âge de 4 mois, quand le cortex du cerveau est assez

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développé, non plus comme un réflexe mais comme une réponse


contrôlée par l’enfant (réflexe : réaction motrice ou sécrétoire
déclenchée par le SNC en dehors de l’intervention de la pensée, en
réponse à une stimulation des terminaisons nerveuses sensitives). A
cet âge, le nourrisson est capable de localiser les bruits de façon très
précise, même lorsqu’il s’agit de sons graves, y compris dans
l’obscurité. Entre-temps, le bébé de 2 ou 3 mois sourit et vocalise
lorsqu’on parle près de lui mais il ne s’oriente pas vers la source de la
parole. Il faut noter, cependant, que les enfants n’utilisent le son pour
rechercher un objet seulement qu’à partir de 9 à 12 mois.
b) LE REPERAGE DE LA HAUTEUR DES SONS (LA SENSIBILITE
AUDITIVE)

En général, l’intensité d’un son est en rapport avec


l’amplitude d’une onde sonore et sa hauteur avec la fréquence ou
nombre d’ondes par unité de temps. Plus l’amplitude est grande, plus
le son est intense. Plus la fréquence est élevée, plus le son est aigu. Des
ondes sonores périodiques sont perçues comme des sons musicaux.
Des vibrations apériodiques, non répétées, provoquent une sensation
de bruit (fréquence primaire = hauteur ; vibrations harmoniques =
timbre ou qualité).
La perception de l’intensité des sons est définie
principalement par le seuil auditif absolu qui est l’intensité sonore
minimale que doit posséder un son pour donner naissance à une
sensation auditive. Les fréquences sonores audibles chez l’homme se
situent entre environ 20 et 20000 Hz ou c/s. Le seuil de l’oreille
humaine varie avec la hauteur des sons, la plus grande sensibilité se
situant entre 1000 et 5000 Hz c-à-d dans la bande des fréquences où se
situe celle de la parole. Certains animaux, notamment la chauve souris
et le chien, ont des bandes de fréquences bien plus élevées.
Les seuils auditifs du nouveau-né n’ont pas encore été
déterminés de façon précise. Cependant, ils seraient plus élevés que
chez l’adulte. Les bébés réagissent mieux aux sons complexes c-à-d
aux bruits qu’aux sons purs. Les seuils auditifs du nouveau-né sont
globalement plus élevés au minimum de 20 Db (unité servant à
évaluer l’intensité du son ; la bande audible de l’oreille humaine
correspond à un intervalle de 0 à 120 db)par rapport à ceux des
adultes dans toutes les fréquences. L’élévation des seuils du nouveau-
né serait encore plus forte dans les fréquences aiguës.

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Ainsi, certains auteurs considèrent que divers éléments


anatomiques dont la petite taille du pavillon auditif et la faible rigidité
du tympan, rendraient le nouveau-né peu sensible aux sons aigus.
Cependant, ces seuils auditifs du nouveau-né baissent assez
rapidement. Bien que le processus de cette baisse soit mal connu, on
sait que entre 6 et 12 mois, les enfants ont une meilleure sensibilité que
les adultes dans les aigus. Par ailleurs, les sons purs de fréquence très
aiguë effraient les bébés alors que les sons graves, complexes,
présentés de façon continue ou rythmique les apaisent.
c) LE REPERAGE DE LA COMPLEXITE OU PERCEPTION DES
CARACTERISTIQUES DU LANGAGE.

Les recherches sur la perception du langage par les bébés ont


connu un grand développement au cours des 20 dernières années. Elles
ont montré que les bébés traitent les sons du langage de la même façon
que les adultes, utilisant les mêmes indices acoustiques pour faire la
différence entre les sons (phonèmes) tels que « Pa » « Da » ou « Ga ». Par
exemple, ils repèrent la présence du voisement (vibration des cordes
vocales) dans le B de bain qui permet de le différentier de pain où le P se
distingue du B uniquement parce qu’il n’est pas voisé, l’articulation de la
bouche étant la même.
Pour les chercheurs, ces capacités de perception du langage
seraient programmés et l’enfant les posséderait dès la naissance. On peut
penser qu’elles se développent à partir de l’expérience prénatale des sons
de parole qui parviennent « in utero » et qui sont perçus par le système
auditif fœtal pendant les dix dernières semaines de la grossesse. Cette
familiarisation prénatale pourrait expliquer pourquoi le nouveau-né de 3
jours préfère la voix de sa mère à celle d’une autre femme. Il la
reconnaîtrait grâce aux caractéristiques mélodiques de la parole que son
cerveau est capable de repérer très tôt.
Les enfants peuvent apprendre n’importe quelle langue s’ils sont
placés très tôt dans un entourage parlant cette langue. Ces capacités se
perdent avec le temps et on constate que cela est dû à une réduction de la
compétence, présente à la naissance, à distinguer entre tous les sons de la
parole. Vers 8-10 ans, ils ne distinguent déjà plus que les sons de la langue
qui est parlée par leur entourage. Selon certains auteurs, l’hémisphère
gauche qui est spécialisé dans le traitement du langage (sons de la parole)
fonctionnerait dès la naissance plus efficacement chez les filles que chez
les garçons (hypothèse sujette à discussion).

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2/ LA VISION CHEZ LE NOURISSON.

Chez l’homme, la vision est l’un des outils privilégiés de prise


d’informations et de connaissance de l’environnement. On sait que le
nouveau-né voit dès la naissance. Mais que voit-il ? Comment voit-il ? Le
système visuel est-il mature et fonctionnel dès la naissance ? Comment se
développent les fonctions visuelles ? Autant de questions et d’incertitudes
auxquelles on peut désormais apporter un début de réponse.

a) LE SYSTEME VISUEL A LA NAISSANCE.


Le système visuel du bébé est relativement immature à la
naissance. Les structures optiques de l’œil n’ont pas encore atteint leur
taille définitive. Chez le nouveau-né, l’œil est hypermétrope c-à-d que
les rayons lumineux convergent au-delà du plan de la rétine. La vision
de près est donc difficile et l’environnement visuel est flou (la rétine
est constituée de cônes et bâtonnets qui absorbent l’énergie des
photons lumineux).
De plus, durant le 1er mois, l’œil est astigmate (défaut de
courbure des milieux réfringents de l’œil rendant impossible la
convergence en un seul point des rayons homocentriques (partis d’un
seul point)); un point lumineux ne sera perçu que comme une grosse
tache. Au-delà d’un mètre, tous les objets apparaissent comme une
masse peu structurée. A l’âge de 4 semaines environ, seuls les objets
situés à une vingtaine de centimètres de l’œil sont nets malgré la
présence à la naissance des structures responsables de
l’accommodation c-à-d la mise au point de l’œil.
L’accommodation se développe rapidement et atteint son
efficacité maximale à l’âge de 3 mois et demi. Elle est alors meilleure
que celle de l’adulte. Un objet situé seulement à 5 cm de l’œil sera
nettement perçu. Le développement de la rétine (membrane composée
de cellules réceptrices, cônes et bâtonnets, qui tapissent le fond de
l’œil) commence bien avant la naissance. 5 mois après la conception,
les couches de cellules rétiniennes sont présentes chez le fœtus mais
les cônes et les bâtonnets sont petits et immatures. A la naissance, la
rétine centrale ou fovéa qui permet une vision des formes et des
couleurs est beaucoup moins développée que la rétine périphérique

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qui intervient dans la perception du mouvement. De façon générale, la


maturation nerveuse des voies et des centres visuels n’est pas encore
terminée. Par exemple, la maturation du nerf optique se poursuit
jusqu’à l’âge de 2 ans. Ceci explique que sa perception visuelle soit
floue et imparfaite et qu’il ne puisse pas commander l’accommodation.
La sensibilité à la lumière est présente dès la naissance. Placée
face à une lumière douce, le bébé ouvre les paupières. A l’inverse, un
éclairage brutal et intense provoque un clignement des yeux, une
contraction de la pupille et un rejet de la tête en arrière. Placé dans
l’obscurité, le bébé va ouvrir largement les yeux et s’engager dans une
exploration systématique de l’environnement et de recherche de
stimulations par de larges mouvements des yeux.
b) LES PREFERENCES VISUELLES PRECOCES.

Le nouveau-né ne regarde pas tout ce qui l’entoure de la même


façon. Son attention visuelle varie. A cause de leurs caractéristiques
physiques, certains objets sont plus attractifs que d’autres et par
conséquent, regardés plus longtemps et plus fréquemment.
Ainsi, une cible homogène, par exemple un gris, sera moins
regardée qu’une cible de même niveau lumineux avec un dessin
contrasté. De nombreuses discriminations peuvent être observées à la
naissance. Des lignes courbes sont plus regardées que des lignes
droites de même couleur, mêmes longueur et épaisseur. Des lignes
verticales et horizontales sont mieux discriminées que des lignes
obliques. Des bébés d’un mois peuvent différencier un carré d’une
croix ainsi qu’un triangle rouge d’un triangle bleu.
A la naissance, l’enfant distingue le jaune, l’orange, le rouge et
le vert. A un mois, le bébé distingue le bleu et le violet. A 2 mois, il est
capable de différentier le jaune du vert. A 4 mois, la perception des
couleurs est semblable à celle de l’adulte.
En résumé, on peut dire que le bébé répond d’une manière
différentiée à des objets qui se distinguent par des caractéristiques
physiques générales telles, l’intensité lumineuse, la couleur,
l’orientation, la densité des éléments composant l’objet ou encore sa
complexité (préférence pour intensité moyenne à une intensité plus
forte ou plus faible, damiers de 4, 64 ou 576 carreaux, visage humain
parmi un ensemble de dessins).

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De la naissance à l’âge de 3 mois, le bébé regarde et agit sous


l’influence de programmes sensori-moteurs inscrits dans son SNC.
Une forte dépendance entre les activités visuelles, motrices et
posturales régule les échanges entre le bébé et son environnement.
Cette dépendance n’est plus essentielle à l’âge de 3 mois où le bébé est
capable de contrôler son comportement. C’est à ce moment que
s’installent les coordinations entre perception et action et que le bébé
prend en compte les modifications de l’environnement dues à ses
nouvelles activités exploratoires. Il apprend à reconstruire son mode
d’échange avec l’environnement.
3/ LE DEVELOPPEMENT DE LA GUSTATION ET DE L’ODORAT.
Les sensibilités chimiques sont, avec les perceptions cutanées de
température et de la douleur, les premières à se différentier au cours
de la vie prénatale. Les enfants développent très tôt des capacités
gustatives et olfactives étonnantes.
a) LA GUSTATION

On considère généralement la complexité des perceptions


gustatives à partir de 4 sensations primaires : le sucré, le salé, l’acide et
l’amer. Celles-ci prennent naissance au niveau des bourgeons gustatifs
(petits amas de cellules qui recouvrent les parties latérales des
papilles) de la langue et du palais du nouveau-né. Le nombre de ces
bourgeons est le même que celui de l’adulte (la sensibilité gustative est
limitée à la pointe de la langue, à ses bords (acide, salé, sucré) et à sa
base (amer) et accessoirement au voile du palais, à la face interne des
joues, aux piliers du pharynx). Ces organes gustatifs se différentient
très précocement au cours de la vie prénatale et sont reconnaissables
dans leur forme mature dès la 15ème semaine de gestation.
On sait que les prématurés réagissent aux stimulations sucrées
comme les nouveau-nés à terme. On peut donc s’attendre à ce que le
fœtus soit sensible aux saveurs du liquide dans lequel il baigne. Le
milieu amniotique est en effet riche en molécules capables de
déclencher des sensations gustatives (chlorure de sodium NaCl, acides
aminés). On a ainsi remarqué que l’injection d’un composé amer dans
la poche, inhibe l’activité de déglutition du fœtus.
L’enfant présente une affinité remarquable pour les substances
sucrées et des générations de mères ont mis à profit cette attraction
pour calmer les bébés. Si l’on propose au nouveau-né d’un jour, des

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biberons d’eau plate et d’eau sucrée, il préférera l’eau sucrée dès le


premier test. Cette robuste réponse positive au sucré, présente dès les
premiers instants de la vie même chez le prématuré, permet d’affirmer
que l’enfant naît avec une avidité innée envers les aliments sucrés.
Les résultats sont plus controversés en ce qui concerne les
réactions néonatales envers les autres sensations gustatives
élémentaires, salé, acide et amer. On a comparé la quantité de liquide
ingérée par des bébés de 1 à 3 jours à partir de biberons contenant des
solutions faiblement salées, acide et amer et à partir d’un biberon
témoin contenant de l’eau ; il ressort que ces différentes solutions ne
sont pas ingérées préférentiellement par rapport à l’eau seule.
Toutes fois, l’utilisation de techniques plus fines montrent que
le nouveau-né discrimine les saveurs salées, amères et acides.
L’application sur la langue de micro-gouttes de solution salée
déclenche des variations mesurables du comportement de succion non
nutritive (raccourcissement des bouffées de succion). L’administration
de solution amère provoque des mouvements de rejet de la partie
postérieure de la langue. De plus, alors que la perception du sucré
provoque une accélération du rythme cardiaque, interprétée comme
une réaction d’attention et de plaisir, la perception du salé a tendance
à déprimer ce rythme. Le nouveau-né peut donc discriminer les
stimulations gustatives et exprimer des comportements différentiables
vis-à-vis des quatre saveurs primaires.
Alors que la préférence envers le sucré demeure stable au cours
des 6 premiers mois, les chercheurs suggèrent l’existence de 3 périodes
dans le développement des réactions envers le sel : les premiers mois,
les enfants apparaissent peu réactifs au goût salé ; à partir du 4ème
mois, ils commencent à montrer une préférence pour les solutions
salées ; enfin, au cours de la 2ème année, émerge une tendance de plus
en plus marquée au rejet du goût des solutions salées.
Cependant, et cela démontre à quel point l’enfant est sensible à
toutes les propriétés sensorielles des aliments, si l’on remplace les
solutions salées par des aliments solides plus ou moins enrichis en sel,
l’enfant montre une préférence pour les aliments riches en sel dès 4
mois même lorsqu’il a été au paravent nourri exclusivement au lait
maternel. Plutard, vers 6 et 12 mois, ce penchant est plus marqué si
l’enfant a été exposé, dans la semaine qui précède le test, à une
quantité importante de sel.

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D’importantes différences individuelles peuvent venir


compliquer ce tableau général du développement des préférences
gustatives. Ainsi, certains enfants peuvent préférer le goût acide
(citron). Les préférences et aversions, bien qu’existant dès la naissance,
sont fortement remodelées par les expériences ultérieures de l’enfant
avec les stimulations gustatives de nature essentiellement alimentaire.
Cette plasticité des apprentissages gustatifs est vitale puisqu’elle
permet aux enfants de s’adapter à la variété des ressources
alimentaires que sélectionnent les adultes de différentes cultures. Le
degré de cette plasticité peut, cependant, varier d’un individu à
l’autre. En effet, la facilité avec laquelle l’enfant de 6 à 12 mois accepte
des aliments nouveaux est dépendante de la variété des flaveurs
rencontrées antérieurement. Il se peut donc que les nouveau-nés
allaités au sein, qui ingère un lait aux qualités chimiques variables
reflétant les choix alimentaires maternels, soient plus ouverts à la
nouveauté alimentaire au moment du sevrage que les enfants nourris
avec des laits artificiels dont la saveur reste homogène.
b) L’ODORAT DU NOUVEAU-NE.
Des tests effectués avec des odeurs artificielles (faciles à
obtenir), ont montré que les récepteurs du nez réagissent aux
stimulations olfactives dès les premières minutes qui suivent la
naissance, mais que la sensibilité olfactive s’accroît au cours des
premiers jours. Le nouveau-né est alors réactif à une grande variété de
substances odorantes. Il montre des comportements (activités
motrices) et des réactions physiologiques (variations des rythmes
respiratoire et cardiaque) distincts qui ont été interprétés comme étant
des indices de différentiation des odeurs (anis, vinaigre, rose par
exemple). Cette réactivité aux odeurs peut être habituée c-à-d qu’elle
peut décroître, voire s’éteindre, lorsque les stimulations odorantes sont
délivrées de façon répétitive. Ceci suggère que le nouveau-né peut se
souvenir des stimulations olfactives.
En effet, des nouveau-nés âgés de moins d’un jour ont été
soumis pendant 24 heures soit à l’odeur de cerise, soit à celle du
gingembre. A l’issue de cette période de familiarisation, on les met
dans une situation de choix entre l’odeur à laquelle ils ont été
familiarisés et une odeur non familière. Les nouveau-nés et en
particulier les filles, montrent une préférence marquée pour l’odeur
préalablement sentie.

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Outre ces fonctions d’identification et de localisation des


sources odorantes, la caractéristique la plus marquée de l’olfaction est
d’évoquer des réactions primaires de plaisir ou de déplaisir.
L’expérience que nous avons évoquée ci-dessus, à propos des réponses
gustatives, suggère que l’enfant de moins de 12 heures émet des
mimiques faciales d’acceptation envers des odeurs évaluées comme
étant agréables (odeur de lait, de miel) et des mouvements de rejet
envers des stimulations désagréables pour l’adulte (odeur de poisson
pourri ou d’œuf altéré).
Le rôle de l’expérience postnatale est fondamental dans
l’émergence des capacités de discrimination olfactive. En effet, des
nouveau-nés nourris au sein sont très rapidement sensibles à l’odeur
du sein maternel ; ils préfèrent être en contact avec l’odeur d’un
tampon de gaze porté sur le sein maternel plutôt qu’avec celle d’un
tampon identique inodore ou d’un autre qui véhicule l’odeur du sein
d’une autre mère allaitante. Ceci s’observe dès le 3 ème jour et apparaît
bien établi au bout de la 1ère semaine. Une telle préférence a également
pu être mise en évidence pour des odeurs qui ne sont pas associées à la
situation d’allaitement comme l’odeur du cou ou de l’aisselle
maternels. Des enfants de 2 semaines allaités au sein montrent une
préférence pour l’odeur axillaire maternelle par rapport à l’odeur
homologue d’une autre mère allaitante. En revanche, des enfants
nourris au biberon ne manifestent aucune préférence entre l’odeur
axillaire de leur mère par rapport à celle d’une autre mère non
allaitante. Ceci semble lié au degré d’exposition des nouveau-nés à
l’odeur de la peau maternelle.
Le développement olfactif, comme le développement gustatif,
est un phénomène malléable chez l’enfant. Les stimulations olfactives
peuvent acquérir une signification psychologique pour l’enfant par
simple familiarisation ou par association systématique avec des
événements signifiants de la vie de l’enfant (allaitement ou le fait de le
prendre dans les bras). Ainsi, on a vu que des nouveau-nés de 2-3
jours, nourris par une mère qui se parfume, montrent ensuite une
préférence marquée pour les parfums.
D’une manière générale, les sens chimiques ont un rôle
fondamental dans l’adaptation du jeune enfant à la vie postnatale. Si
l’on admet que la tâche première du nouveau-né et du jeune enfant
consiste à grandir, l’importance de la gustation et de l’olfaction
devient plus évidente encore. Les préférences gustatives, responsables

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de l’avidité précoce pour les substances sucrées, renforcent la sélection


par les parents d’un régime alimentaire hautement calorique qui
favorise la croissance. Le rôle de l’olfaction semble plus
psychologique ; les odeurs familières calment généralement l’enfant
dans les situations de détresse et de séparation. Les indices olfactifs
sont parmi les plus précoces qui permettent à l’enfant d’établir une
préférence pour certaines personnes familières, en particulier, la mère.
Ces bases olfactives de l’attachement entre l’enfant et la mère semblent
sécuriser l’enfant.
4/ LE TOUCHER CHEZ LE NOURRISSON.
Alors que les organes sensoriels de la vision, de l’audition, du
goût et de l’odorat sont situés dans la tête et sur la face, les récepteurs
du toucher se trouvent répartis sur toute la surface du corps.
L’excitation de la peau peut donner naissance non seulement à des
sensations tactiles, mais aussi thermiques, de douleur ou de plaisir.
a) LES ORGANES SENSORIELS CUTANES.

Les sensations tactiles sont dues à l’excitation de certaines


terminaisons nerveuses : les unes, comme les corpuscules de Meissner,
sont sensibles à la pression ; d’autres, situées à la base des poils et des
duvets, sont sensibles aux vibrations. Les sensations tactiles sont
déclenchées par la mise en contact de certains points de la peau,
« points de chaud » et « points de froid » avec un corps étranger dont
la température est supérieure ou inférieure à celle de la peau à
l’endroit du contact.
Il existe, enfin, à la surface de la peau, des « points de douleur »
qui sont très nombreux mais répartis de façon inégale.
L’excitation des terminaisons nerveuses que produisent toutes
les formes de contact est transmise au cerveau par des nerfs sensitifs
qui se projettent dans de larges régions du cortex. La perception tactile
est, en effet, beaucoup plus diffuse que les perceptions visuelle et
auditive, par exemple, auxquelles correspondent, dans le cerveau, des
zones spécifiques. C’est pourquoi, la perception tactile est en général
associée à d’autres, de mouvement ou de poids, qui viennent de
récepteurs situés dans les articulations et dans les muscles. Les
perceptions cutanées nous renseignent, non seulement sur les
propriétés physiques de notre environnement, mais elles nous
procurent aussi des états subjectifs de plaisir ou de déplaisir. Ainsi,

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contrairement à ce qu’on pourrait penser, les « points de douleur » ne


sont pas les seuls à procurer des sensations désagréables ; c’est le
cerveau qui interprète certaines perceptions comme étant agréables ou
désagréables.
b) LA VALEUR AFFECTIVE DES PERCEPTIONS.

Les conditions dans lesquelles les perceptions tactiles prennent


une valeur affective sont mal connues. On sait que le plaisir est
souvent déclenché par des excitations légères des différentes
terminaisons nerveuses ; transmises au cerveau, elles déclenchent en
retour des actions réflexes qui entretiennent la sensation agréable.
Certaines régions du corps dites zones érogènes, sont particulièrement
susceptibles de procurer des sensations de plaisir. En revanche, toute
excitation trop intense des terminaisons nerveuses de la peau, en
donnant des sensations de piqûre, compression, torsion, élongation ou
brûlure, s’accompagne d’impressions douloureuses et de sentiments
de déplaisir.
L’expérience de la stimulation tactile commence avant la
naissance dans le liquide amniotique dont la température est
constante : les déplacements dans le liquide amniotique procure au
bébé des sensations d’effleurement. C’est pourquoi, pendant
longtemps, le contact avec les surfaces souples, l’eau tiède, les caresses
et les bercements conserveront un effet apaisant.
Au cours de l’accouchement, le bébé fait connaissance de
nouvelles sensations, des sensations de pression en particulier. Après
la naissance, le tout petit est soumis à des changements de
température et les sources de stimulations cutanées se multiplient.
Celles-ci sont ressenties tantôt comme agréables et tantôt comme
agressives et désagréables.
Le toucher, plus encore que les autres sens, conserve une forte
connotation affective dans laquelle la mémoire joue probablement un
rôle important.
c) LA DECOUVERTE DU MONDE EXTERIEUR.

Pendant les premiers mois, le bébé utilise beaucoup sa bouche


pour éprouver la consistance et la texture des objets. Il apprend ainsi à
distinguer ce qui est dur de ce qui est mou, ce qui est rugueux de ce
qui est doux. Mais, très vite, la fonction érogène l’emporte : le bébé se

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sert de sa bouche pour sucer ses doigts par exemple. C’est par
l’intermédiaire de la main que la perception tactile devient alors l’une
des sources essentielles de la connaissance du monde extérieur.
Comme le montre la carte topographique des points d’arrivée dans le
cerveau de certaines des voies sensitives tactiles, la zone
correspondant à la main a un développement considérable. La main
est d’emblée un instrument exploratoire essentiel et il faut que le bébé
puisse exercer le plus librement possible son activité sur les objets. En
les manipulant, il prend connaissance de leur forme, de leur
consistance, de leur taille, de leur poids et de leur texture. Il apprend à
différentier les surfaces chaudes des surfaces froides et à se méfier des
objets présentant des aspérités. C’est par la mise en relation des
informations qu’il reçoit à la fois par le toucher et la vision que le bébé
élabore la propriétés des objets et apprend ainsi à agir sur eux, compte
tenu des contraintes de l’espace.
5/ LE RYTHME VEILLE-SOMMEIL.
Le sommeil est une activité complexe, programmée et gérée par
le cerveau, une alternance régulière de cycles de sommeil lent
(sommeil du repos, de la cicatrisation des tissus, de la croissance) et de
sommeil de rêve dit sommeil paradoxal, sommeil où le cerveau est en
pleine activité mais le corps est débranché, strictement immobile. Seuls
les yeux derrière les paupières closes remuent par moment.
L’enchaînement des cycles, la durée de chacun, le nombre total
de cycles dans une nuit, l’heure de l’endormissement et celle du réveil
spontané sont des caractéristiques de chaque individu, sans doute
génétiquement programmées. Pendant la vie fœtale et les premiers
mois après la naissance, le cerveau du bébé se développe à toute
vitesse, mâturant ses principales fonctions, branchant les circuits
nécessaires à son fonctionnement, sécrétant les hormones et
médiateurs chimiques de ses différentes activités. Le sommeil, lui
aussi, s’organise progressivement. Il existe toute une série d’étapes et
de modifications qui conduisent le bébé fœtal dont les cycles
apparaissent entre la 24ème et la 32ème semaine de gestation au grand
bébé de 4 à 6 mois qui peut déjà dormir d’un sommeil d’adulte.
a) LE PREMIER MOIS.

Le bébé rêve plus de la moitié de son temps de sommeil. Or, l’une


des caractéristiques de ce sommeil est d’être très agité. L’enfant remue,

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ouvre les yeux, sourit, se plie en deux en criant comme s’il avait mal,
sursaute, peut faire croire qu’il a encore faim. Il est possible de repérer
fugitivement sur son visage les principales mimiques émotionnelles des
humains : la joie, la peur, la tristesse, la colère, le dégoût etc. Tous ces
signes sont très passagers et chaque fois l’enfant se redétend, calmement
endormi. Mais souvent, parce que l’enfant a ouvert les yeux ou qu’il a
grimacé en geignant un peu, ses parents le relèvent, croyant l’aider dans
un moment désagréable, et ce faisant, le réveillent dans une phase
importante de son sommeil. La première chose essentielle pour prévenir
des troubles ultérieurs du sommeil est de reconnaître et respecter les
temps de sommeil agité.
Le sommeil du nouveau-né est très fragile. Les éveils sont
fréquents, parfois au moindre bruit, au cours d’un transport intempestif
ou même pour rien. A la fin des périodes de sommeil agité (20 à 30 mn) le
passage en sommeil lent ne réussit pas toujours, surtout si, entre-temps,
on a déplacé le bébé. L’exemple le plus fréquent est celui du tout petit qui
s’est endormi dans les bras de sa mère, juste à la fin de sa tétée ; la maman
a attendu calmement qu’il dorme vraiment ; cela a duré une vingtaine de
minutes, juste le temps du sommeil agité ; quand il paraît enfin vraiment
endormi, donc au tout début de la 2ème phase de sommeil qui celle du
sommeil lent, le simple fait de le reposer dans son berceau le réveille.
L’idéal pour favoriser le sommeil des premiers jours serait de laisser le
bébé à l’endroit où il s’est endormi sans le changer de place ou de position
jusqu’à l’heure de la tétée suivante.
Pendant les premières semaines de la vie, les cycles sont courts et
l’enchaînement de l’un à l’autre ne se produit pas toujours. Il existe une
période sensible de micro-éveil et certains bébés se réveillent
systématiquement au bout de 20 à 30 minutes. Comme ils se réveillent
brutalement, ils pleurent, se sentent mal et cherchent à téter. Les parents
qui ne savent pas interpréter ce réveil brutal, imaginent bien sûr que leur
bébé a faim. Ainsi, commence un cercle vicieux terrible. Chaque fois que
l’enchaînement cérébral de sommeil ne se produit pas, le bébé pleure, ses
parents le nourrissent alors que ce n’est pas le moment. Il grossit très vite,
se réveille sans cesse et on lui donne de plus en plus à manger. Cela aboutit
souvent à l’arrêt de l’allaitement maternel, la mère croyant que son lait
n’est pas assez nourrissant. Alors que cela n’a rien à voir avec la qualité
ou la quantité de lait qu’il boit. Cela est d’autant vrai que le bébé, malade
ou prématuré, quand il est hospitalisé et perfusé et qu’il reçoit son apport
nutritionnel en continu par voie veineuse, il se réveille à intervalles
réguliers comme s’il avait faim. Cette commande cérébrale d’éveil existe

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déjà à la fin de la période utérine et se poursuit dans les premières


semaines de la vie. Il faut donc éviter de nourrir le bébé sans réelle
nécessité.
Le dernier point caractéristique de cette période est qu’il n’existe
cérébralement aucune différence de commande entre le jour et la nuit. Le
rythme de l’espèce humaine qui nous conduit spontanément à dormir la
nuit et être éveillé le jour n’existe ni pendant la vie fœtale, ni pendant les
premières semaines. Les bébés se réveillent indifféremment à n’importe
quelle heure et si certains semblent mieux enchaîner leur cycles de
sommeil, donc dormir plusieurs heures d’affilée la nuit, ce n’est qu’un pur
hasard et un véritable cadeau pour leurs parents. Le premier mois de vie
est un temps de transition d’adaptation. Le bébé sort de son univers utérin
et doit faire face à toutes sortes de transformations. Certains s’y adaptent
sans problèmes mais d’autres ont besoin de plusieurs semaines. Cette
adaptation se fera d’autant plus vite et mieux que les bébés reconnaîtront
dans leur environnement les sécurités de la vie utérine : l’odeur de la
mère, le bruit régulier de son cœur, le bercement parfait de sa respiration,
la position arrondie contre elle. Encore une bonne raison, quand un bébé
semble un peu perdu, de le laisser contre sa mère plutôt que dans un
berceau où il ne reconnaît rien.

L’ALTERNANCE DU JOUR ET DE LA NUIT.


A la fin du premier mois, tout l’organisme du bébé va commencer
à installer une activité rythmée par le jour et la nuit. Il ne s’agit pas
seulement d’éveil et de sommeil, mais aussi de modifications régulières
au cours des 24 heures, de la température corporelle, du rythme
cardiaque, de la tension artérielle, des sécrétions hormonales etc., tout cela
commandé par des horloges cérébrales profondes. Deux signes
permettent de comprendre que le bébé commence à ressentir les effets de
ces horloges jour/nuit : les plages de sommeil nocturne s’allongent et,
souvent, il pleure longuement en fin de journée ; ces pleurs sont tout
simplement un signe de fatigue bien normale. Entre 2 et 4 mois, il existe
des moments d’éveil calme de plus en plus longs, les heures de repas sont
moins anarchiques et l’enfant passe souvent directement et spontanément
à 4 repas très réguliers.

LES PREMIERS CAUCHEMARS.


Le bébé, calmement endormi , se réveille brutalement en hurlant.

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ANNEXES

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