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La superstition : quel impact sur notre vie ?
Il y a tout d’abord un problème de définition. En effet, la superstition correspond pour certains
aux croyances occultes en dehors de toute religion conventionnelle, alors que pour d’autres la superstition rassemble l’ensemble des interprétations irrationnelles y compris les croyances religieuses. Pour ne pas heurter la foi de l’assemblée, il est choisi dans un premier temps d’orienter la discussion vers les aspects magiques en dehors des religions monothéistes. « Au Burundi, voir un python est source de malheur » déclare un participant. On généralise sur le rôle éducatif des superstitions. Autre exemple de superstition burundaise : « tuer un lézard fait perdre les seins de la maman » ; Cette superstition semble apprendre aux Burundais qu’il faut protéger l’environnement. « Les jeunes filles ne peuvent pas siffler, au risque de ne pas trouver un mari » serait une superstition visant à freiner l’émancipation des jeunes Burundaises. « Avoir ses règles fait tourner le lait » est une autre superstition liée à la culture Burundaise qui entoure de mystère les menstruations féminines et vise à établir des règles sociales. Les Européens tentent ensuite d’expliquer aux Burundais le principe de l’astrologie. Les positions des étoiles sont censées influencer le comportement des individus au point de déterminer l’avènement d’événements particuliers au jour le jour, ou dans l’année. Les Burundais semblent sceptiques. La superstition est-elle liée à la peur de ne pas contrôler notre vie ? Il est évoqué le fait que l’état mental influencerait le niveau de croyant dans les superstitions, mais sans plus de détails, tant il est difficile de définir un état mental et de généraliser sur la psychologie individuelle pour identifier les facteurs exacts influençant le niveau de croyance dans les superstitions. L’approche individuelle est donc éliminée, la discussion se portera sur les aspects collectifs. Certains éléments liés au culte religieux ont des portées symboliques. Par exemple, on doit respecter le rite d’égorgement du mouton chez les musulmans lors d’un rite de passage. La personne donnant cet exemple affirme respecter ce rite car il n’a pas le choix, « je dois respecter le dogme ». Les superstitions ne sont donc pas forcément liées à la rationalité ou l’irrationalité des individus, mais simplement à l’appartenance à une communauté qui perpétue traditionnellement des pratiques qui doivent être respectées par les membres de la communauté. Les superstitions représentent des interdits ou des codes à respecter. La religion interdit de croire en d’autres rites, par exemple la sorcellerie. Cependant, au Bénin et dans d’autres pays, un prêtre catholique peut finir la messe et se rendre dans un rite païen, il y a un syncrétisme, une hybridation de plusieurs systèmes de croyances. Après ce dernier commentaire, l’assemblée choisit finalement de concevoir que la superstition, comme les religions sont basées sur la foi. La différence réside dans le fait que les superstitions sont plus liées à une culture qu’un dogme clairement établi. Cependant, les superstitions font autorité sur certains aspects sociaux, elles portent une forme de vérité par le simple fait qu’on leurs accorde du crédit. Il est alors donné l’exemple des portes bonheurs, qui acquièrent une force symbolique de par la force symbolique et la croyance accordée par l’individu à qui appartient l’objet porte bonheur ou qui accompli un rite particulier. Un autre exemple de croyance populaire est donné. Il est dit qu’à Cankuzo il y a des hommes volants, qui peuvent voler mais seulement de nuit et les yeux fermés. Un participant raconte l’histoire de jeunes recrues militaires s’étant rendus dans leur village natal en province de Rutana. Un grand père est présent, les hommes boivent ensemble. Puis lorsque les visiteurs veulent prendre congé pour rentrer à Bujumbura, l’ancien les incite à rester et continuer à boire. Les jeunes acceptent et continuent à boire jusqu’à ce qu’il soit impossible de rentrer à Bujumbura. Finalement, au milieu de la nuit, par magie, l’ancien fait voler les jeunes recrues jusqu’à leur garnison. Lorsqu’ils se réveillent au matin, l’ensemble de la garnison leur demande comment ils ont réussi à rentrer dans l’enceinte du bâtiment alors que toutes les portes étaient fermées. Les jeunes gens nient, mais le vol de nuit s’avère être l’explication la plus plausible. On s’interroge alors sur l’intérêt de ces superstitions et leur perpétuation. On s’accorde à dire qu’il s’agit de donner une explication à l’inexplicable, il y a une fascination pour le mystère dans toutes les sociétés. Ces histoires seraient là pour constituer un vécu collectif. La superstition des hommes volants évoquent également le rapport d’une société à son environnement. Autre exemple de superstition, en République Démocratique du Congo les voleurs se transforment en mouton. On met les moutons en prison jusqu’à ce qu’ils se retransforment en voleur ou alors on les mange. Au Burundi, on tue les albinos car certaines parties de leur corps ont des vertus magiques. On généralise et on se rend compte que les albinos, tous comme les roux, les communistes en Italie (censés « manger les enfants » durant la guerre froide) sont en fait des minorités, des individus différents et sont donc traités différemment par le corps social. L’homosexualité fait encore l’objet de superstition, ce serait pour certains ignorants une maladie contagieuse. Les superstitions sont donc une manière de diaboliser, de marginaliser, d’entourer de mystère des personnes ayant un comportement ou un physique différent. D’une manière général les superstitions sont liées à des phénomènes rares, pour constituer la communauté (ce qui sont dedans et ceux qui ne le sont pas). Ainsi, le racisme serait basé en partie sur les superstitions : le noir incarne la saleté, le blanc incarne la pureté, etc. La superstition sert alors à instaurer des relations de pouvoir au sein même de la communauté, elle permet la domination de certains sur d’autres ; La noblesse du sang bleu a ainsi permis à certains d’asseoir leur autorité sur les roturiers pendant longtemps en Europe. La superstition joue donc sur la méconnaissance pour instaurer un ordre social L’explication d’un phénomène surnaturel n’évacue pas toujours les superstitions, il y a un besoin de croire. Est alors évoquée la fonction performative du langage : le fait de dire « bonne chance » ou « merde » permettrait respectivement de favoriser la chance ou d’éloigner le danger. Pour certains, ces expressions n’ont plus aujourd’hui de fonction performative, il s’agit uniquement de la fonction expressive du langage, l’émetteur cherchant uniquement à montrer son intérêt pour le récepteur. Il n’empêche, les superstitions peuvent avoir un impact réel, l’esprit ayant un impact sur le corps, comme le montre les effets placebo et nocebo. Il y a alors des prophéties auto- réalisatrices. Un exemple est donné, celui d’un individu ayant subi la malédiction d’une personne et ayant cru tellement fermement à cette malédiction qu’il en mourut peu après. On remarque qu’au cours du café philo l’évocation de certaines superstitions fait rire, mais d’autres non. Les superstitions sont donc également liées aux tabous d’une société, définissant les limites du sacré et du profane. On remarque également que les plus jeunes présents dans l’assemblée se sont très peu exprimés durant le débat. Ils affirment alors de manière consensuelle ne pas croire dans les superstitions, les méconnaitre et ne pas avoir de porte bonheur, ce qui étonne au plus haut point les moins jeunes.