2019 - Foucard - Innovations Agronomiques - 1
2019 - Foucard - Innovations Agronomiques - 1
2019 - Foucard - Innovations Agronomiques - 1
Foucard P.1, Tocqueville A.1, Gaumé M.1, Labbé L.2, Baroiller J.F.3, Lejolivet C.4, Darfeuille B.5
29450 Sizun
3 CIRAD - Campus International de Baillarguet, F-34398 Montpellier cedex 5
Résumé
L’aquaponie repose sur l’intégration de process de production aquacole et hydroponique permettant le
recyclage et la valorisation des nutriments émis par l’élevage aquacole par des cultures végétales.
Cette démarche innovante attire à la fois les filières aquacoles, car la co-production permet de réutiliser
l’eau en permanence pour l’élevage ; mais également les filières horticoles en réduisant l’emploi
d’intrants chimiques dans la conduite de production végétale.
Le projet APIVA® (Aquaponie Innovation Végétale et Aquaculture) a permis de développer et de
caractériser des pilotes aquaponiques fonctionnels, d’étudier leur faisabilité économique, leur impact
environnemental et la qualité des produits obtenus, tout en modélisant les flux se produisant entre les
compartiments (bassins d’élevage, surfaces de culture, filtre biologique).
Après une rapide présentation de l’origine de l’aquaponie, cet article vise à définir les avantages et les
inconvénients de cette pratique innovante, les différentes formes qu’elle peut prendre, les diverses
modalités de conception envisageables, ainsi que les aspects techniques à appréhender. En France,
très peu de systèmes d’aquaponie commerciale sont actifs, mais beaucoup de projets émergent depuis
quelques années, notamment en milieu urbain. Des exemples d’entreprises d’aquaponie commerciale à
l’international sont présentés, avant de définir une typologie des porteurs de projet français.
Mots-clés : aquaponie, hydroponie, pisciculture, cultures hors sol.
After a brief presentation of the origin of aquaponics, this article aims to identify advantages and
drawbacks of this innovative practice, but also the different forms it can take and the possible design
methods and technical aspects to apprehend. In France, very few commercial aquaponics systems are
already in activity, but many projects have been emerging in recent years, especially in urban areas.
Some examples of commercial aquaponics companies abroad are presented before giving a typology of
French project holders
Keywords : aquaponics, hydroponics, fish farming, soilless culture.
Introduction
L’aquaculture intensive repose généralement sur une approche de monoculture. Elle est dépendante de
la qualité et de la quantité d’eau disponible, et utilise des quantités importantes d’aliments composés
qui génèrent en conséquence des rejets, sous la forme de matières organiques solides (fèces et
aliments non consommés) et d’éléments inorganiques dissous (nitrates et phosphates principalement).
En trop grandes quantités et sans gestion ou filtration adéquate, ces rejets pourraient engendrer des
pollutions pour l’élevage lui-même, conduire à des développements d’algues (micro ou macro) et à une
eutrophisation du milieu. En parallèle, les modèles de production végétale hors sol sous serres sont
aujourd'hui à un stade avancé de maîtrise technique et agronomique et peuvent contribuer à de
nouvelles pratiques et innovations qui s'inscrivent dans un mouvement plus large d'ajustement ou de
réorientation face aux défis alimentaires, écologiques et climatiques de notre siècle. Cependant, même
si l’hydroponie permet un total contrôle de l’utilisation d’engrais par rapport à la culture conventionnelle
(recyclage des solutions fertilisantes, absence de rejets dans les cours d’eau) elle reste fortement
dépendante de la production de sels minéraux de synthèse ou d’origine minière, dont l’impact
environnemental pour leur production ou extraction est une difficulté, tandis que certaines ressources
telles que les phosphates ne sont pas illimitées.
Une solution à l’étude passe par le recyclage et la valorisation des rejets piscicoles par des cultures
hors-sol, c’est l’aquaponie : elle permet de gérer à la fois une dépendance trop forte à la disponibilité en
eau, le problème des rejets d’effluents piscicoles dans l’environnement, tout en limitant la dépendance
du hors-sol vis à vis des intrants chimiques. L’aquaponie constitue un exemple de système dit
d’« aquaculture intégrée multitrophique » (AIMT) et résulte d’une logique de recyclage des rejets. Elle
fait partie intégrante de la nécessaire diversité des agricultures de demain, orientées autant que faire se
peut vers la durabilité et la complémentarité entre systèmes agricoles. L’aquaponie a également
l’avantage d’être une technique très attractive pour le grand public, et de nombreux porteurs de projet
tendent à vouloir développer des activités en lien avec cette pratique novatrice, et ce souvent en milieu
urbain ou péri-urbain.
En 2013, le Service Aquaculture de l’ITAVI (Institut Technique des filières avicole, cunicole et piscicole)
a constitué et déposé un projet nommé APIVA® (AquaPonie Innovation Végétale et Aquaculture) visant
à tester les performances de l’aquaponie, un système d’élevage innovant de type AIMT (Aquaculture
Intégrée Multi-Trophique), intégrant les bénéfices des systèmes recirculés et de la culture végétale
hors-sol pour l’aquaculture en eau douce. Ce programme de recherche français se fait en partenariat
avec l’INRA (Institut National de la Recherche Agronomique), le Lycée aquacole de La Canourgue
(EPLEFPA Lozère), le CIRAD (Centre de Coopération Internationale en Recherche Agronomique pour
le Développement) ainsi que la station horticole RATHO (Rhône Alpes Techniques Horticoles) membre
de l’ASTREDHOR (Association nationale des STRuctures d’Expérimentation et de Démonstration en
HORticulture). Le projet a été déposé au CASDAR programme 2013 / 2017.
1. Historique de l’aquaponie
Il y a plus de 3000 ans, les aztèques cultivaient des jardins « flottants » en milieu lacustre, les
chinampas, des structures maintenues par un réseau de joncs, de roseaux et de feuillages, recouvertes
en surface par des boues issues du fond des lacs - riches en débris organiques et en nutriments en
décomposition – disposées en couches successives séparées par des débris végétaux en
décomposition. Ces radeaux étaient de plus irrigués par des eaux enrichies en nutriments grâce aux
déjections des poissons naturellement présents dans les lacs (Figure 2).
Depuis l’apparition de la culture du riz, des systèmes intégrés de rizi-pisciculture se sont développés en
Chine continentale, en Thaïlande, et en Afrique, avec le couplage de production de riz et de carpes,
d’anguilles et/ou de tilapias. Ce couplage permet l’apport d’un engrais naturel (déjections de poissons)
et l’intégration de la lutte biologique contre les insectes ravageurs des plants de riz grâce à la présence
de poissons qui s’en nourrissent. La rizi-pisciculture - bien que minoritaire aujourd’hui - a subsisté après
des siècles d’existence dans certains pays asiatiques, avec notamment un renouveau dans les années
1980-1990 face aux problèmes liés à l’utilisation massive de produits phytosanitaires en mono-
riziculture. Cette forme d’élevage offre ainsi à l’agriculteur une diversification de sa production et une
source de protéines importantes dans une culture alimentaire basée sur le riz.
Suite à des recherches réalisées par le New Alchemy Institute en Caroline du Nord, il a été
(re)découvert que l’eau issue d’aquaculture en étang constituait une source intéressante de nutriments
pour des productions végétales en hydroponie. Cet institut n’existe plus aujourd’hui, mais les
publications qui en sont issues font aujourd’hui encore figure de références. Par la suite, Mark McMurtry
- à l'Université de Caroline du Nord - a poursuivi ce travail en développant dans les années 1980 un
système de culture de légumes associé à un élevage de tilapias et en introduisant les problématiques
de conservation de l'eau, de production intensive de protéines de poisson et de réduction des coûts
d'exploitation.
Inspirés par les succès de la New Alchemy Institute et de l'Université d'État de Caroline du Nord,
d'autres instituts ont emboîté le pas, notamment avec les expérimentations du Docteur James Rakocy à
l’Université des Îles Vierges (UVI), sur un système « rafts » qui a fonctionné en continu depuis de
nombreuses années, et qui aujourd’hui constitue une référence pour les systèmes aquaponiques
commerciaux dans le monde. Le système UVI est surtout renommé pour avoir fourni des données de
dimensionnement importantes, et pour avoir transféré un modèle reproductible, qui a d’ailleurs été
adapté par divers producteurs (notamment Nelson et Pade aux USA) et reste encore très utilisé dans le
cadre de projets de R&D (par exemple le système de Nick Savidov en Alberta qui a permis de produire
plus de 60 espèces végétales différentes en aquaponie).
Historiquement pensée et développée par la recherche aquacole dans une optique initiale de
phytoépuration, l’aquaponie intéresse aujourd’hui la filière horticole en recherche d’idées pour se
diversifier et améliorer leur image. L’aquaponie est dorénavant vue comme un moyen de produire des
végétaux dans une optique de production alimentaire durable. La technologie moderne
(compartimentation des ateliers, amélioration des procédés de filtration...) offre des perspectives de
développement de cette éco-technologie (Turcios, 2014) notamment pour diversifier les filières
piscicoles et horticoles.
pour objectif de s’en affranchir. Par ailleurs, que ce soit pour l’hydroponie ou l’aquaponie, la
consommation d’eau est beaucoup plus faible que pour l’agriculture conventionnelle sur sol : 90% de
consommation d’eau en moins (FAO, 2014). L’utilisation d’eau dans le système piscicole est optimisée.
Diversification et optimisation des coûts : L’aquaponie est également intéressante en terme
d’optimisation de certains coûts de production : partage des coûts des infrastructures et des structures
de production, optimisation de l’utilisation de l’espace, du sol et de la ressource aquatique grâce à la
polyculture, baisse voire élimination des coûts des intrants pour les entreprises d’hydroponie, double
valorisation de l’aliment aquacole qui sert indirectement d’engrais pour les plantes (Rakocy et al, 2006).
Conditions de travail : Tout comme l’hydroponie, l’aquaponie élimine les problèmes liés au sol
(pathogènes, salinité, structure du sol, sols calcaires ou pauvres…), certaines pratiques
conventionnelles d’entretien du sol (par ameublement du sol, désherbage) et simplifie les techniques
culturales tout en augmentant les rendements (Martinez et al, 2000).
Encouragement de l’agriculture en circuits courts et utilisation d’espaces non valorisables par
l’agriculture conventionnelle : Une serre aquaponique peut également être installée n’importe où, et
notamment sur des sols non arables, dans les zones urbaines (jardins, toits, balcons…) et périurbaines
(friches industrielles, toits d’usines ou de grands magasins…), à proximité des lieux de consommation,
ce qui favorise le développement d’une économie locale de circuits courts et de vente directe de
produits frais limitant par là même les coûts et émissions de CO 2 liés au transport (Diver, 2006). Par
ailleurs, étant donné que ce système est basé sur l’économie et la réutilisation de l’eau, l’aquaponie
pourrait permettre la production de végétaux frais et de poissons dans des régions où le sol est pauvre
et où l’accès à la ressource hydrique est limité, voire dans des régions arides et semi-arides (Diver,
2006 ; FAO, 2014).
antiparasitaires dans ce type de système implique une surveillance accrue de l’élevage piscicole, la
difficulté de gérer de fortes densités d’élevage, et la nécessité de recourir à des mesures
prophylaxiques et de type probiotiques/prébiotiques.
Rentabilité de l’activité non démontrée : L’aquaponie est apparue par l’intermédiaire de l'idéologie de
la production alimentaire durable, et non pas par la demande du marché : les investissements en
capitaux sont généralement importants pour concevoir ces systèmes, et l'investissement en temps, à
travers un long processus d'apprentissage (souvent spécifique à chaque système), est également à
prendre en compte. Dans le contexte actuel, si l’on excepte des situations bien particulières déjà
évoquées (sol pauvre avec un accès limité à la ressource aquatique, régions arides/semi arides,
régions à climat favorable tout le long de l’année…) la rentabilité d’un système aquaponique reste
questionnable, et le dimensionnement qui permettrait de l’atteindre reste encore difficile à appréhender
dans l’état actuel des connaissances. De nombreux systèmes existants à l’heure actuelle ne sont pas
économiquement viables et ne pourraient pas survivre sans une certaine forme de subventions. Ceux
qui ont néanmoins réussi, et qui peuvent être considérés comme des installations commerciales ont eu
recours à des techniques de marketing de niche très efficaces et/ou à une diversification de l’activité
dans la vente au détail, l’attraction touristique, la fourniture d’équipements, la formation, le conseil, tout
en visant une échelle de production suffisamment grande. Les systèmes « commerciaux » existants
sous les climats européens semblent indiquer qu’une échelle minimale de 1000m² (sous serre) est
nécessaire pour atteindre la rentabilité. La mise au point d’un « business plan » détaillé appuyé par une
étude de marché - sur les produits végétaux et aquacoles les plus appropriés dans le contexte d’une
région donnée, en visant des produits à forte valeur ajoutée - n’est donc pas à négliger dans le cadre
d’installations commerciales.
Le cadre réglementaire : les textes réglementaires actuels n’encadrent pas cette activité nouvelle, et
l’on peut au mieux tenter d’interpréter des réglementations existantes concernant un paradigme
totalement différent que l’aquaponie, en s’alignant par exemple sur la réglementation française relative
à l’irrigation des végétaux par des eaux d’épuration urbaines. Un encadrement réglementaire est
nécessaire pour l’avenir, afin de définir les modalités de production et de mise sur le marché de produits
issus de tels systèmes.
Figure 5 : Synthèse des avantages / inconvénients d’un système aquaponique (Foucard et al., 2018).
La stratégie 1 est rarement viable et devrait être abandonnée, à moins de miser sur la production de
végétaux à très forte valeur ajoutée (plantes médicinales, plantes à traire, microalgues…) ou à très
grande échelle et avec des investissements fonciers minimisés (réutilisation de friche industrielle par
exemple). En effet, l’aliment pour poisson est plus onéreux que les engrais minéraux si l’on considère
un prix à la tonne et à ce titre, la supposée économie d’intrants a ses limites : un horticulteur sera peu
intéressé d’utiliser un intrant plus onéreux que celui qu’il utilise actuellement. Cette stratégie est donc
plutôt utilisée pour des systèmes non commerciaux de type « Backyard ».
La stratégie 2 semble plutôt être une solution possible pour un exploitant aquacole souhaitant
valoriser ses rejets d’élevage tout en respectant par là même la réglementation française.
La stratégie 3 est la plus pertinente, car elle vise deux sources de rentabilité. Par ailleurs, il est
possible de l’adapter sur un site de pisciculture déjà existant ou dans une serre horticole hors sol pré-
existante. Ainsi, les professionnels aquacoles et horticoles pourraient être capables de trouver un
terrain d’entente pour partager des coûts d’infrastructure et pour associer leurs activités, dans une
relation gagnant-gagnant : l’horticulteur économise des intrants minéraux tandis que le pisciculteur
épure ses rejets. Une autre situation intéressante serait l’association de professionnels, la mutualisation
des compétences et du chiffre d’affaires dans une seule et même entreprise. Il faudrait cependant qu’il
y ait un autre intérêt, celui de pouvoir valoriser ce type de production par des labels spécifiques.
cette configuration, le système piscicole n’est autre qu’un système d’aquaculture recirculée classique
(que l’on appellera RAS - Recirculating Aquaculture System) avec des traitements biologiques et
mécaniques et un système de pompage pour la recirculation de l’eau. Un réservoir tampon ou « fosse
de reprise » permet de stocker l’eau de sortie du système aquacole pour l’envoyer vers les plantes
(Figure 7).
Les systèmes découplés sont plus flexibles dans leur mode de fonctionnement, et plus sécurisants pour
une production commerciale puisqu’en cas de problèmes sur le système piscicole (traitements
prophylaxiques, traitements antiparasitaires, problème mécanique, électrique, de filtration…), il est
possible de rendre le système hydroponique indépendant en désolidarisant les deux compartiments, et
de nourrir les plantes avec des intrants minéraux comme en hydroponie classique tout en mettant les
poissons en quarantaine. Les systèmes découplés sont particulièrement intéressants pour des
producteurs hydroponiques en reconversion qui possèdent déjà tout le matériel hydroponique, et qui
peuvent à ce titre analyser précisément la composition de l’eau et ajuster au besoin avec de la solution
nutritive minérale.
Urban Farmers (Suisse) : Roman Gaus et Andreas Graber de Urban Farmers ont inauguré en 2012 la
première ferme aquaponique commerciale européenne, sur un toit du Dreispitz Areal de Bâle, le
quartier industriel de la ville. Située au sommet d’un ancien dépôt de locomotives, la ferme de Urban
Farmers s’étend sur 1000 m2 et produit jusqu’à 20 tonnes de légumes et 3,4 tonnes de poissons par an
(Figure 9). Ces produits sont ensuite vendus dans des magasins à proximité. Pour garantir un maximum
de fraîcheur, les produits sont récoltés le jour même puis livrés par e-bike. L’objectif des entrepreneurs
est de transformer des friches urbaines inutilisées en surfaces agricoles et surtout de commercialiser
leur concept, notamment avec l’« UrbanFarmers BOX », une installation d’aquaponie consistant à
recycler des containers de bateaux et capable de nourrir une famille de trois personnes en légumes et
poissons. À Bâle, la surface des toits plats disponibles est estimée à 200 hectares : couvrir 5 % de cette
surface, soit 10 hectares, permettrait de nourrir 40 000 personnes. La technique développée par Urban
Farmers pourrait nécessiter deux ETP pour 1000 m² cultivés, et nécessiterait un investissement de 130
euros/m².
Figure 9: Urban Farmers,
http://urbanfarmers.com.
ECF Farmsystems (Allemagne) : Dès 2012, ECF a créé une « ferme container » basé sur le concept
commercialisé par Urban Farmers. Si ce container leur a servi de laboratoire pour perfectionner leur
technique, les entrepreneurs ne peuvent cependant pas le commercialiser : « Il coûte 30 000 euros,
plus les coûts d’entretien. Etant donné ce qu’il produit, il n’est pas assez rentable économiquement.
Cette technique ne peut être rentable que sur une grande surface » (dixit Christian Echternacht). C’est
pourquoi une ferme à plus grande échelle a été finalisée en 2014 à Berlin, sur une surface de 1200 m²
et pour un coût d’investissement de 1,2 millions d’euros (Figure 10). Les légumes poussent dans une
grande serre, juste à côté des bacs à poissons. Chaque année, il est prévu que 25 tonnes de tilapias et
35 tonnes de légumes divers soient produits pour être vendus aux Berlinois. Pour acheter les produits,
ces derniers peuvent se rendre dans le magasin situé juste à côté de la ferme ou alors se faire livrer
leur commande chez eux avec un système d’abonnement.
Les porteurs de projet français sont en grande majorité dans une démarche de création d’activité de
maraîchage « plus écologique » que dans une démarche de phytoépuration d’effluents piscicoles. Il est
à noter un véritable foisonnement d’idées autour de l’agriculture urbaine, avec la volonté de produire sur
des espaces publics, des toits de bâtiments, des zones abandonnées (parkings souterrains, friches
industrielles). D’autres porteurs de projets souhaitent également relancer l’activité dans des serres ou
des sites piscicoles abandonnés, plutôt en zone périurbaine, parfois en zone rurale. Les circuits courts
et l’économie circulaire sont des idées désormais très présentes dans les esprits, et beaucoup voient
dans l’« aquaponie urbaine » (ou dans l’agriculture urbaine au sens large) un moyen de relocaliser une
partie de la production alimentaire et d’assurer une part de la sécurité alimentaire des territoires, tout en
restaurant un lien plus direct entre producteurs et consommateurs, associée à la fraicheur des produits
(végétaux cueillis à maturité, peu transportés ou conservés et produits selon des pratiques
respectueuses de la santé de l’agriculteur et du consommateur).
Conclusion
L’approche de l’agriculture évolue, s’enrichit, fait débat et s’ouvre à la société qui doit prendre sa part
dans les réflexions. Différents vocables sont apparus pour tenter de qualifier ces approches :
Développement durable, Intensification Ecologique, Ecologie Industrielle… L’aquaponie pourrait rentrer
dans l’une ou plusieurs de ces approches, mais l’essentiel est ailleurs : utiliser des « rejets » (azote,
phosphore…) - considérés comme des déchets dans un système pris isolément - en tant que ressource
pour d’autres systèmes semble relever du bon sens. Démarche pragmatique sur les plans technique,
économique et environnemental, APIVA® a permis de documenter l’aquaponie et de démarrer le
transfert aux investisseurs et utilisateurs de demain, pour contribuer ainsi à une dynamique nationale
fiabilisant et sécurisant autant que possible l’émergence de nouveaux projets et le développement de
structures commerciales (que ce soit en milieu urbain, périurbain ou rural) qui valideront demain la
faisabilité et porteront l’image de ce système d’élevage « aqua-horticole ».
Aucune labellisation officielle en Europe n’est en mesure de permettre à ce jour à l’aquaponie de se
démarquer par rapport à la culture conventionnelle : il est en effet impossible dans le contexte
réglementaire européen actuel d’acquérir le label biologique en raison du caractère « hors sol » des
productions issues de l’aquaponie (tandis que le label Organic est appliqué sans problème au hors-sol
aux Etats Unis). Certaines stratégies de communication se sont pour autant avérées payantes dans
certains pays européens et sur le continent américain : le fait de produire des produits frais et locaux.
Cet argument permet de toucher un nouveau marché de niche, qui se développe de plus en plus chez
des consommateurs occidentaux plus que jamais sensibilisés à la qualité et à l’origine de leur
alimentation. Il reste encore à démontrer la qualité nutritionnelle et organoleptique des végétaux hors
sol, qui suscite bien souvent des critiques virulentes de la part des consommateurs et ce sans
fondement scientifique. La faisabilité économique est également primordiale à démontrer en raison des
freins importants qui semblent peser sur la mise au point de systèmes rentables : investissements de
départ importants, coûts de production équivalents voire supérieurs à ceux du hors sol conventionnel ou
du plein champ, et ce malgré l’affranchissement de l’utilisation d’engrais minéraux.
Beaucoup de travaux doivent encore être réalisés afin d’atteindre une totale maitrise technique de ces
systèmes intégrés associant pisciculture et horticultures (ornementale ou maraîchère), et ce en
maximisant le recyclage de l’eau et des nutriments d’origine piscicole - y compris les boues d’élevage
issues de la filtration mécanique de l’eau - avec l’objectif d’atteindre une situation « zéro pertes » (via la
minéralisation des boues et/ou valorisation par co-compostage). L’acceptation de ces systèmes
innovants passera nécessairement par la pédagogie et la formation afin de présenter en toute
transparence le fonctionnement, les avantages et les limites de l’aquaponie. Elle se développera là où il
y aura une volonté de lui faire place, et de préférence sur des terres non arables : dans les villes, les
zones ou friches industrielles, au sein de structures existantes horticoles comme piscicoles, dans des
infrastructures à échelles très diverses…le modèle mérite d’être décliné sous toutes ses formes et
APIVA® a permis d’y contribuer et continuera d’y contribuer.
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