2016 Rapport Ecofilae

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Réutilisation des eaux usées pouR l’iRRigation agRicole

RappoRt ecofilae en zone péRi-uRbaine de pays en développement

Réutilisation des eaux usées pouR


l’iRRigation agRicole en zone
péRi-uRbaine de pays en développement :
pRatiques, défis et solutions opéRationnelles
Egypte - Agriculture dans le Delta du Nil © Condom, 2015

AUTEURS : Nicolas Condom, Dr. (Ecofilae), Rémi Declecq (Ecofilae)


CONTRIBUTEURS : Pierre Louis Mayaux (CIRAD),
Philippe Roux et Laetitia Guerin-Schneider (IRSTEA)
RELECTEURS : Marjolaine Cour, Frédéric Maurel et Sébastien Demay (AFD),
Sami Bouarfa et Bruno Molle (IRSTEA), Pierre Savey (BRL),
Dijella Bagoudou (CACG), Jacques Beraud (SCP), Yvan Kedaj (réseau Swelia),
Jean Michel Clerc (Transfert LR) et Caroline Coulon (AFEID)
Réutilisation des eaux usées pouR l’iRRigation agRicole
RappoRt ecofilae en zone péRi-uRbaine de pays en développement

Résumé

La réutilisation des eaux usées est aujourd’hui un levier sous-exploité face aux enjeux Sur la base de retours d’expériences détaillés, d’une mise à jour des connaissances
de déficit en eau et de dégradation des milieux et des conditions sanitaires. La mise récentes et d’analyses des pratiques, des freins et des solutions opérationnelles,
en place de projets de réutilisation des eaux usées durables et sécurisés requiert que ce rapport guide et oriente les lecteurs-acteurs dans leur projet. Il propose des
les acteurs, qu’ils soient gestionnaires ou financeurs, disposent des éléments clés pour recommandations et des perspectives pour de futurs et nécessaires développements
anticiper les risques et proposer des solutions adaptées aux usages et aux territoires. de connaissances, de méthodologies ou de technologies.

L’agriculture est un secteur qui depuis longtemps valorise les eaux usées brutes, en Centré sur les usages agricoles en zones péri-urbaines de pays en développement, ce
dehors de toute planification. Aujourd’hui, au Nord comme au Sud, la réutilisation rapport aborde ainsi les enjeux (i) de sécurisation des filières de réutilisation d’eaux
des eaux usées pour l’agriculture intéressent les politiques et décideurs locaux. Des brutes ; (ii) de choix de filières de traitement adaptées ; (iii) d’impacts sur les
projets de traitement des eaux incluant un volet réutilisation agricole émergent et le ressources ; (iv) des processus politiques, institutionnels et réglementaires ; et (v)
besoin de faire évoluer les cadres légaux, réglementaires et institutionnels se font d’évaluations économiques et environnementales par des outils d’aide à la décision.
ressentir en même temps que la nécessité d’accompagner et renforcer les capacités
de l’ensemble des acteurs.

pRéambule

Cette étude est le résultat d’un travail conduit dans le cadre du conçue, orientée et suivie dans une démarche collective
Chantier Réutilisation des eaux usées en agriculture. Il s’ancre impliquant des institutions partenaires du COSTEA : l’AFD,
dans l’axe Performances techniques et environnementales du l’IRSTEA, BRL, CACG, SCP, le réseau Swelia et Transfert LR. Un
COSTEA1, Comité Scientifique et Technique Eau Agricole comité de suivi composé de représentants de ces institutions
s’est réuni au démarrage, à un point d’étape intermédiaire,
Le COSTEA est un réseau d’acteurs financé par l’AFD et animé et à la remise du rapport, pour commenter, enrichir, valider
par l’AFEID, dont la finalité est de contribuer à l’évolution les propositions d’Ecofilae. L’étude a été rédigée en français.
des politiques d’irrigation des pays partenaires de l’AFD, Certains tableaux, schémas et figures sont en anglais afin de
afin qu’elles adoptent les meilleures options institutionnelles, faciliter leur diffusion.
techniques et économiques de mobilisation des ressources en
eaux pour améliorer la productivité et réduire la vulnérabilité L’AFEID, en collaboration avec le Groupe de Travail Poor
des exploitations agricoles familiales au Changement Quality Water de la Commission Internationale pour
Climatique, sans externalité négative pour l’environnement l’Irrigation et le Drainage, a organisé une table ronde
et dans le respect des principes de la gestion intégrée des « Réutiliser les eaux usées : l’heure est aux solutions ! », pour
ressources en eau (GIRE). donner une occasion supplémentaire d’alimenter l’étude par
des expériences internationales en cours. Cette table ronde
L’objectif global du COSTEA est d’actualiser et de renforcer (i) s’est tenue le 13/10/2015 à Montpellier, dans le cadre
la mise en cohérence des expériences, outils et actions, (ii) les de la conférence ICID 2015 ‘Innover pour améliorer les
compétences et capacités des partenaires de l’AFD, acteurs performances de l’irrigation’ et a été animée par Nicolas
des politiques de l’eau agricole de ses pays d’interventions et Condom3, Akica Bahri4 et Samia El Gendy5.
acteurs français qui les accompagnent. L’ensemble des interventions est consultable sur le site
icid2015.sciencesconf.org.
Dans ce cadre, il a été convenu de conduire une étude sur
la réutilisation des eaux usées pour l’irrigation agricole en Les acronymes EUB (eaux usées brutes), EUT (eaux usées
zones péri-urbaines de pays en développement. traitées), REUB (réutilisation des eaux usées brutes), REUT
(réutilisation des eaux usées traitées) et STEP (station de
L’étude a été conduite en 2015 par le cabinet de conseil traitement des eaux usées) sont fréquemment utilisés dans
Ecofilae2, essentiellement sur la base de son expertise, ce rapport. Les définitions des « eaux usées brutes » et des
de recherches bibliographiques complémentaires et « eaux usées traitées » ici considérées dans ce présent rapport
d’échanges avec des personnes ressources. L’étude a été sont respectivement présentées dans les introductions des
Chapitres 1 et 2 de la Partie 2.
1 - Financé par l’Agence Française de Développement et animé par l’Association Française
pour l’Eau, l’Irrigation et le Drainage, le COmité Scientifique et Technique Eau Agricole
(COSTEA) est une communauté d’experts d’une très large diversité d’un point de vue ancrage
géographique, compétences, institutions et métiers, ayant pour objet de travail commun, 3 - Président Fondateur d’Ecofilae
l’agriculture irriguée et pour but de contribuer à l’amélioration de l’efficacité des politiques et 4 - Professeur à l’Institut National Agronomique de Tunisie (INAT)
des projets d’irrigation. www.comite-costea.fr 5 - Présidente du Groupe de Travail Use of Poor Quality Water for Irrigation
2 - www.ecofilae.fr de la Commission International de l’Irrigation et du Drainage

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Réutilisation des eaux usées pouR l’iRRigation agRicole
RappoRt ecofilae en zone péRi-uRbaine de pays en développement

Réutilisation des eaux usées pouR


l’iRRigation agRicole en zone
péRi-uRbaine de pays en développement :

Résumé 2
pRéambule 2
intRoduction 4
paRtie 1 :

6
paRtie 2 :

10
chapitre 1 :
11

chapitre 2 :
16

chapitre 3 :
23

chapitre 4 :
31

chapitre 5 :
37

pRincipales Recommandations pouR


des développements futuRs 43
synthèses pays 44
synthèses pRojets 49
bibliogRaphie 62

3
RappoRt ecofilae

intRoduction

objectifs et démaRche cadRage de l’étude

La présente étude a pour objectifs de capitaliser sur des Les sources d’eaux et usages considérés sont précisés
expériences en cours, de rassembler les connaissances ci-dessous :
nouvelles et d’analyser les pratiques, les défis et les solutions UÊÊTypes d’eaux : l’étude traite de la réutilisation des eaux
opérationnelles pour accompagner les utilisateurs-acteurs usées urbaines et domestiques brutes (REUB) et traitées
de la réutilisation des eaux usées en agriculture en leur (REUT). Lorsque c’est pertinent, d’autres types d’effluents et
permettant de faire un lien plus évident entre la disponibilité les boues sont évoqués, mais sans faire l’objet d’analyse
d’une ressource en eau urbaine et les besoins en eau d’un approfondie ;
territoire agricole péri-urbain à irriguer. UÊÊNature des usages : l’agriculture irriguée est l’usage central
de l’étude. Dans les pays et projets considérés, d’autres
Elle propose ainsi :
usages sont néanmoins parfois associés : arrosage de
UÊÊun inventaire (non exhaustif et contraint par la disponibilité
pratiquement tous les golfs de Tunisie, arrosage d’espaces
de l’information dans la bibliographie) de projets et
verts de certaines villes marocaines, etc. La réutilisation et le
d’expériences de réutilisation agricole d’eaux usées, à
recyclage industriel n’ont pas été considérés ;
travers le monde et à différentes échelles (pays, territoire,
UÊÊNiveau de contrôle des usages : seuls des projets de
ou projet), avec une analyse des freins auxquels
réutilisation directe ou indirecte, en zone péri-urbaine,
ces expériences se sont confrontées. Ces retours
ayant un degré minimum de planification ou de contrôle
d’expériences, sources d’inspiration pour le lecteur, illustrent
ont été décrits. Nombre de ces projets se sont néanmoins
des points particuliers tout au long du rapport ;
développés sur des pratiques existantes de REUB non
UÊÊun ensemble de solutions et de leviers d’actions (options
planifiée et non contrôlée.
techniques et derniers développements méthodologiques)
aux problèmes et freins identifiés, dans la perspective de Échelles d’analyse et ciblage géographique de l’étude
mieux conduire les projets de réutilisation des eaux ; 2 échelles d’analyse sont utilisées pour les retours d’expérience.
UÊÊun décryptage des lacunes qui aujourd’hui freinent
Ainsi, l’échelle du pays (déployée sur cinq synthèses pays :
la dynamique de la réutilisation des eaux usées en
la Tunisie, le Maroc, la Jordanie, l’Égypte et les Territoires
agriculture et qui ouvrent donc le champ pour de nouveaux
Palestiniens) permet de comprendre la logique nationale vis-
développements et tracent de nouveaux axes de recherche.
à-vis de la réutilisation, d’apporter ainsi de la consistance aux
Cette étude fournit donc un matériau opérationnel dans la dialogues État-Bailleur et de prendre du recul sur la manière
continuité des travaux qui la précédent. Elle est organisée d’aborder les projets de réutilisation agricole des eaux usées
selon un cadre méthodologique intégrateur articulé autour dans ces contextes (stratégie nationale, planification région-
de cinq grandes questions qui préoccupent actuellement le ale, projet local).
développement de la réutilisation des eaux usées. Chacune
L’échelle de la ville ou du projet, avec tant que possible
de ces questions fait l’objet d’un chapitre dédié et organisé
une analyse des filières de réutilisation, c’est-à-dire, depuis la
selon une approche opportunités, menaces, avantages,
source d’eaux usées brutes jusqu’à l’usage agricole, permet
inconvénients, lacunes et domaines à investiguer pour de
d’illustrer en pratique les freins, les solutions mises en œuvre
futurs développements, avec un continuel aller-retour vers le
et les bénéfices en conditions réelles.
terrain pour tirer les enseignements des projets conduits dans
le monde. L’étude commanditée par le COSTEA vise in fine à
accompagner les acteurs français et leurs partenaires du Sud
L’articulation de deux approches complémentaires, la
dans leurs réflexions sur la réutilisation agricole des eaux usées ;
capitalisation de l’existant et l’analyse, a été donc été
aussi, une attention particulière est portée aux pays des zones
recherchée tout au long du travail.
« prioritaires » du COSTEA que sont la Méditerranée, l’Afrique
de l’Ouest et l’Asie du Sud Est (avec moins de cas documentés
pour ces deux dernières régions), mais sans s‘interdire d’analyser
des expériences provenant d’autres régions.

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RappoRt ecofilae

contenu de l’étude et oRganisation composantes de la durabilité d’un projet de réutilisation agricole


des eaux usées (sécurité, rentabilité, faisabilité, acceptabilité,
Le rapport est découpé en 2 parties. efficience organisationnelle) telle que définie en Figure 2.
LA PARTIE 1 pose dans un premier temps les éléments de Les chapitres sont néanmoins rédigés de sortes à pouvoir être
contexte généraux en présentant un bref état de l’agriculture lus et compris de manière autonome. Sont donc abordées
périurbaine dans les pays en développement et en introduisant les questions de réutilisation des eaux usées brutes (Partie
les moteurs et objectifs qui favorisent la réutilisation agricole 2 - Chapitre 1), de choix de filières de traitement (Partie 2 -
dans ces pays. Ce contexte général posé, une synthèse des Chapitre 2), d’impacts de la réutilisation sur les ressources
retours d’expériences aux échelles nationales et locales illustre (Partie 2 - Chapitre 3), d’organisations et d’institutions (Partie
la diversité des situations. Ces expériences sont détaillées 2 - Chapitre 4), et d’outils d’évaluation (Partie 2 - Chapitre
dans les Synthèses pays et Synthèses projets en fin de 5). Certaines redites au fil des chapitres n’ont d’autres buts
rapport. Ces retours d’expérience sont ensuite mobilisés pour que de permettre une lecture par grande question, sans
étayer des points d’analyse de la Partie 2. retours en arrière du lecteur, et ce afin de faciliter l’usage de
ce rapport tel un guide.
LA PARTIE 2 est organisée en 5 chapitres chacun orienté
autour d’une grande question illustrant un des enjeux majeurs Enfin, des recommandations sont proposées en guise de
de la réutilisation. Le fil conducteur de cette partie consiste conclusion.
en un cheminement progressif qui vise à traiter les différentes

Thaïlande - Productions locales sur un marché de Bangkok © Coulon, 2017

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paRtie 1 -
RappoRt ecofilae

paRtie 1
éléments de contexte généRaux et RetouRs
d’expéRiences de la Réutilisation d’eaux usées
en agRicultuRe dans les pays en développement

certaines récoltes se font en moins de 60 jours, beaucoup


l’agRicultuRe péRiuRbaine dans les pays en
d’intrants sont utilisés et les productions sont plus denses au
développement et les pRatiques associées m2 qu’en zone rurale. Les productions à forte valeur ajoutée
sont favorisées, permettant ainsi aux agriculteurs périurbains
L’agriculture périurbaine, tout comme l’agriculture urbaine
de bénéficier globalement de meilleurs revenus qu’en zone
(dite parfois agriculture « d’interstices »), n’est pas marginale
rurale. Les surfaces par agriculteurs sont très variables et
et a toujours existé dans les grands centres urbains des
peuvent aller de quelques centaines, voire dizaines, de m² à
pays en développement. La zone d’influence périurbaine se
quelques hectares.
caractérise par des facilités pour accéder aux services et aux
marchés mais également par de fortes pressions pour l’usage
les pratiques d’irrigation
des ressources (Moustier P. (ed.) 1999). Cette activité joue
Les cultures périurbaines sont souvent irriguées et les
ainsi un rôle majeur dans l’approvisionnement des villes en
ressources disponibles utilisées sont souvent impactées par les
denrées alimentaires mais également pour le maintien d’une
activités urbaines.
activité économique locale. Elle concerne principalement
des métiers spécialisés, comme le maraîchage, le petit Les techniques d’irrigation sont généralement rudimentaires
élevage dont l’aviculture, la pisciculture, mais également les et indépendantes de la qualité des ressources utilisées.
activités de post-récolte associées. L’irrigation manuelle à l’aide de bidons portés ou transportés
de la source jusqu’à la parcelle (pratique courante en
Des pratiques de recyclage Afrique de l’Ouest) et l’irrigation gravitaire à la raie ou par
Des activités de recyclage de la matière organique des submersion témoignent d’une irrigation et d’une agriculture
déchets urbains se sont développées dans ces zones souvent peu maîtrisées avec de forts risques sanitaires et
périurbaines : outre les eaux usées, les ordures ménagères à environnementaux.
Brazzaville, les fumiers d’élevage à Bissau… Elles ont permis
L’irrigation localisée est souvent promue et fortement
aux agriculteurs de bénéficier de ressources fertilisantes à
subventionnée dans des objectifs de réduction de la pauvreté
faibles coûts bien que ces pratiques, souvent non contrôlées,
et d’augmentation de l’efficience de l’eau dans des contextes
engendrent de forts risques sanitaires et environnementaux.
de rareté de l’eau. De nombreuses études ont mis en évidence
Les pesticides y sont également souvent utilisés de manière
les bénéfices sur les rendements, les revenus et la sécurité
non raisonnée lorsque les agriculteurs y ont accès (Paule
alimentaire de ces technologies.
Moustier 1997).
Lorsqu’elle est mise en place, l’irrigation localisée nécessite
les cultures associées une maîtrise de la qualité des eaux et une adaptation du
Le maraîchage périurbain favorise, par rapport à l’agriculture matériel (filtration, nettoyage et changement de matériel).
rurale, la production de cultures périssables et de cultures La transition vers ce type de système est considérée comme
de type tempéré (salades, aubergines, choux, carottes…) une étape de modernisation par les agriculteurs et peut les
pour lesquelles l’accès aux intrants et à l’appui technique est inciter à de futurs investissements ou à se tourner vers des
plus facile en zone urbaine. Les produits non périssables plus cultures à plus haute valeur ajoutée et plus économes en eau.
indiqués pour la production extensive intéressent d’avantage Néanmoins l’adoption de ces technologies est parfois limitée
les zones rurales (Paule Moustier 1997). par les bénéfices qu’elles apportent à long terme quand les
agriculteurs recherchent des bénéfices plus immédiats assurés
Une étude sur quatre villes d’Asie du Sud-Est (Hanoï, Ho
(ex : Maroc).
Chi Minh Ville, Vientiane, Phnom Penh) a mis en évidence
la diversification des cultures : maraîchage, riziculture,
pisciculture et d’autres cultures (Bon Hubert (ed.) 2004).
L’agriculture périurbaine est la plupart du temps une activité
Les cycles culturaux courts sont favorisés dans ces systèmes : de temps plein pour une grande partie de la population

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RappoRt ecofilae

urbaine puisque 10 à 80 % des urbains en Afrique s’y


la Réutilisation des eaux usées dans
consacrent, pour l’autoconsommation, mais aussi pour la
l’agRicultuRe péRiuRbaine des pays
vente (Paule Moustier 1997). D’un point de vue économique
en développement
cette activité vise à assurer un revenu décent aux agriculteurs
et à satisfaire la demande des villes. Elle est donc d’une Une des solutions à la pénurie
importance cruciale pour les revenus et l’alimentation des Pour faire face aux pénuries en eau, il existe un ensemble de
urbains dans un contexte de fort déséquilibre démographique leviers (Figure 1) agissant sur l’offre (stockage, dessalement..) et
entre ville et campagne et de paupérisation du milieu urbain. d’autres agissant sur la demande (modernisation des systèmes
d’irrigation, sensibilisation,..). Ces leviers peuvent être parfois
concurrents, parfois complémentaires et mis en mise en place
L’agriculture périurbaine n’est souvent pas reconnue par de manière séquencée, guidée par une question de rationalité
les politiques agricoles et les planifications urbaines. En économique et de facilité de mise en place.
raison de son caractère souterrain, dans de nombreuses
villes les agriculteurs ne reçoivent aucune aide publique et La REUT est un levier très performant mais de loin le plus
échappent à tout contrôle de l’État, les pratiques ne sont alors complexe à mettre en œuvre car il requiert un changement
pas contrôlées et s’orientent d’avantage vers des systèmes complet de paradigme, l’approche est forcément
« de bricole ». De plus les agriculteurs opèrent souvent sans pluridisciplinaire, multi-acteurs avec des allers-retours entre
permis sur leur terrain, la propriété foncière est alors très contexte national et local, et spécifique à chaque contexte
précaire, surtout face aux pressions urbaines. Les procédures (cf analyse Plan Bleu 2012). Cette complexité pousse les
de protection contre l’expulsion sont rares. acteurs à différer ces projets et à préférer d’autres options plus
conventionnelles pour résoudre les problèmes d’adéquation
L’irrémédiable extension des zones urbaines, marquées par offre/demande.
des transformations soudaines et par l’augmentation de la
population, transforme les terres rurales en périphérie des Moteurs et objectifs
villes, tour à tour en zone d’agriculture périurbaine puis en La réutilisation des eaux usées brutes (REUB) est une pratique
zone urbanisée où subsistent parfois des espaces interstitiels très ancienne dans les zones périurbaines de nombreuses villes
pour l’agriculture urbaine. Cette évolution marque bien la de pays en développement. La plupart des projets planifiés
précarité des zones agricoles périurbaines qualifiées de de réutilisation des eaux usées traitées (REUT) actuels se
zones en permanente transformation (Paule Moustier 1997). sont développés sur un passif préexistant de réutilisation
Il en résulte la problématique de la pérennité économique non-contrôlée, souvent anarchique et spontanée de
et agronomique des activités agricoles des espaces valorisation agricole des eaux usées brutes.
périurbains (Moustier P. (ed.) 1999)

FIGURE 1 : Représentation schématique des différents leviers du secteur agricole pour faire face à différents niveau de pénurie en eau – FAO, 2012

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RappoRt ecofilae

Dans les pays en développement, de fortes quantités d’eaux des eaux usées, en mettant en évidence les moteurs et facteurs
usées brutes ne peuvent toujours pas être traitées à cause contextuels, les expériences remarquables, les contraintes et
d’infrastructures limitées et déficientes de collecte et de solutions apportées, et les enjeux pour l’avenir. Ces cinq pays
traitement. Mais aujourd’hui la possibilité de réutilisation des connaissent tous un contexte relativement similaire de rareté
eaux usées traitées commence à être intégrée à chaque projet de l’eau, mais présentent pour autant une gamme étendue
de nouvelle construction de stations de traitement, de façon de types, de niveaux de développement, et d’intégration
plus ou moins évidente selon les pays. politique de la REUT. En quelques mots :
Les principales forces motrices incitant à la mise en place de UÊ ˜Ê Tunisie (Pays 1) les bénéfices de la REUT à des fins
projets contrôlés et planifiés de REUT, dans ces contextes agricoles, environnementales ou même industrielles ne sont
spécifiques, sont : plus à démontrer : beaucoup de travaux de recherche et de
UÊÊla forte croissance démographique en zones urbaines et développement y ont été et y sont toujours conduits (Pays 1).
périurbaines (souvent incontrôlée) entrainant conjointement Tous les golfs du pays sont irrigués avec des EUT, la recharge
une diminution des ressources en eau (ratio de ressources de nappe est également mise en œuvre.
en eau par habitant – indicateur de Falkenmark) que
UÊ ÕÊ Maroc (Pays 2) le déficit hydrique et la volonté de
renforce les effets du changement climatique, et une
contrôler et de limiter les pratiques anciennes de REUB
demande alimentaire croissante, apportant un regard
constituent les principaux moteurs des projets de REUT. De
nouveau sur les eaux usées vues non plus comme un déchet
nombreux projets émergent mais les applications restent
à évacuer mais comme une ressource locale pouvant être
limitées.
valorisée dans un système productif ;
UÊÊ՘iÊi݈}i˜ViÊ`iÊproduits de qualité sans risque sanitaire UÊ>ÊJordanie (Pays 3) présente un taux de réutilisation très
motivant le contrôle et l’amélioration de la qualité des eaux élevé : les eaux usées traitées sont réutilisées de façon indi-
(brutes) auxquelles recourent les agriculteurs périurbains ; recte après dilution avec les eaux d’une retenue. La gestion
UÊʏiÊprix des ressources en eaux conventionnelles globalement des boues reste une problématique majeure.
en augmentation.
UÊ ˜Ê Égypte (Pays 4) la gestion des eaux usées est
Ainsi, dans les pays en développement, les projets de intrinsèquement liée aux eaux du Nil favorisant la réutilisation
REUT sont associés au développement et à la maîtrise de indirecte. Les pratiques agricoles et les cultures se sont
l’assainissement (opportunité offerte par l’installation d’une adaptées à la qualité des eaux. De nombreux projets de REUT
station), mais aussi aux aspects de gestion de la salinité des directe pour des productions non alimentaires se mettent en
sols et de gestion des ressources en eau (facteurs motivant place. La réglementation reste très stricte en termes d’usages
l’épuration des eaux). Ils deviennent ainsi multi-objectifs : autorisés.
UÊÊ«>ˆiÀÊ >ÕÊ `jwVˆÌÊ i˜Ê ÌiÀ“iÃÊ `iÊ ÌÀ>ˆÌi“i˜ÌÊ ÉÊ VœiVÌiÊ `iÃÊ
UÊ ˜ÊPalestine (Pays 5) les expériences de REUT sont faibles
eaux usées brutes ;
et complexes à mettre en œuvre dans des contextes extrêmes
UÊʏˆ“ˆÌiÀʏiÃÊÀˆÃµÕiÃÊi˜ÛˆÀœ˜˜i“i˜Ì>ÕÝÊ­«œṎœ˜ÊiÌÊÃ>ˆ˜ˆÃ>̈œ˜Ê
de pénurie en eau.
des nappes et des eaux de surface ainsi que des sols) et
sanitaires liés au rejet et à la réutilisation non contrôlée des
analyse de retours d’expériences locales
eaux usées brutes en zone péri-urbaine ;
et de projets
UÊÊvœÕÀ˜ˆÀÊ Õ˜iÊ ÀiÃÜÕÀViÊ ÃÕ««j“i˜Ì>ˆÀiÊ i˜Ê i>Õ]Ê `iÊ µÕ>ˆÌjÊ
12 expériences et projets locaux sont décrits depuis la source
suffisante pour l’irrigation ;
des eaux usées jusqu’à l’usage, et même parfois jusqu’au
UÊÊ«ÀjÃiÀÛiÀʏiÃÊ>ÕÌÀiÃÊÀiÃÜÕÀViÃÊi˜ÊÌiÀ“iÃÊ`iʵÕ>˜ÌˆÌj]Ê«œÕÀÊ
devenir de ces eaux dans l’environnement, dans la Synthèses
d’autres usages (nappe, eau potable, eau de surface…) ;
projets en fin de rapport. Ces retours d’expérience présentent
UÊÊ«ÀjÃiÀÛiÀÊ iÌÊ `jÛiœ««iÀÊ Õ˜iÊ >}ÀˆVՏÌÕÀiÊ «jÀˆÕÀL>ˆ˜iÊ `iÊ
les freins rencontrés (lors de la mise en place et après) et les
qualité.
solutions apportées.
Toutes ces expériences sont des projets déjà mis en place
RetouRs d’expéRiences à difféRentes (hormis le projet NGEST en Palestine et le projet de la ville de
échelles et pouR difféRentes appRoches Bogota en Colombie, en cours de réalisation).
de la Réutilisation
Le cas d’Accra au Ghana (Projet 1) est assez représentatif de
Le manque de données et de retours d’expériences publiés ce qui se passe dans de nombreuses grandes villes d’Afrique :
expliquent la variabilité dans la description des cas présentés les capacités d’épuration sont très faibles et les eaux usées
qui n’ont pu être l’objet d’investigations de terrain dans le brutes, souvent en mélange ou partiellement diluées (eaux
cadre de cette étude. Les expériences nationales et locales pluviales), sont utilisées pour irriguer des cultures maraichères
sont ici synthétisées en extrayant leurs points saillants, les en zones urbaines et périurbaines. Les surfaces irriguées
détails figurent dans les Synthèses pays et Synthèses projets avec des eaux usées dépassent largement celles irriguées
en fin de rapport. avec des eaux conventionnelles. Ces eaux permettent le
développement d’une agriculture diversifiée, intensive en
analyse de stratégies nationales main d’œuvre, sur de petites surfaces, et à proximité des
Ces retours d’expériences visent à évaluer et comparer la foyers de consommation. Quelques agriculteurs parviennent
maturité de 5 pays de la région MENA (Middle East North à mettre en œuvre des mesures de protection de la santé
African Country) par rapport à la dynamique de réutilisation (approche multi-barrières de l’OMS (Tableau 2).

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RappoRt ecofilae

TABLEAU 1 : Présentation d’expériences locales de réutilisation - Ecofilae

VILLE, PAYS ORIGINE DE L’EAU TRAITEMENT VOLUMES D’EAU RÉUTILISÉS TYPE DE RÉUTILISATION PRODUCTIONS AGRICOLES PLUS DE DÉTAILS
Accra, Ghana Eaux domestiques Pas de traitement ? Directe et indirecte Maraichage principalement Projet 1
principalement (mélange et dilution)
(via cours d’eau, canaux)
Faisalabad, Pakistan Mix eaux domestiques Pas de traitement ? Directe Maraichage Projet 2
et eaux industrielles
Hanoi, Viet Nam Eaux domestiques Traitement sommaire ? Directe Aquaculture, maraichage, riz Projet 3
(petites zones humides)
Settat, Maroc Eaux domestiques Lagunage 2,04 mm3/an Directe 300ha de blé, Projet 4
fourrages, maïs, bersim,
pommes de terre, oliviers
Ouagadougou, Burkina Faso Mix eaux domestiques Lagunage 16 mm3/an Directe Maraichage Projet 5
et eaux industrielles
Delhi, Inde Eaux domestiques Boues activées 37 mm3/an Directe Maraichage, horticulture Projet 6
Dakar et ses environs, Eaux domestiques Lagunage + boues activées ? Directe Maraichage, horticulture Projet 7
Sénégal
Korba, Tunisie Eaux domestiques Lagunage + boues activées 0,55 mm3/an Indirecte : pompage agricole Maraichage, Fruits Projet 8
(recharge de nappe) en nappe souterraine
Bande de Gaza Nord, Eaux domestiques Boues activées d’un côté 2017 : 54 000 m3/j Indirecte : pompage agricole Arboriculture (agrumes, Projet 9
Territoires Palestiniens (Jabaliya) et lagunage 2025 : 69 000 m3/j en nappe souterraine amandiers, oliviers),
d’un autre (Beit Lahia) (pompage agricole) fourrages, fruits
+ bassins d’infiltration
Harare, Zimbabwe Mix eaux domestiques Filtres à lits biologiques 48 000 m3/j Directe (en mélange Pâturage Projet 10
et eaux industrielles avec des boues)
Bogota, Colombie Eaux domestiques Traitement primaire ? Directe ? Projet 11
et secondaire
Hadba El Khadra, Lybie Mix eaux domestiques ? + Filtration sur sable 110 000 m3/j Directe Fourrages, de légumes et de Projet 12
et eaux industrielles ? plantations brise-vent

La ville de Dakar (Projet 7) et d’autres villes des environs A Korba en Tunisie (Projet 8) et sur le projet NGEST dans
au Sénégal remédient quant à elles peu à peu à ce les territoires Palestiniens les EUT sont réutilisées de manière
phénomène en planifiant et en contrôlant la REUT. Ainsi, par indirecte après pompage dans la nappe.
exemple, dans le quartier de Pikine à Dakar, où environ 160
A Harare au Zimbabwe (Projet 10) les eaux usées subissent
agriculteurs irriguaient 16 ha à partir d’eaux usées brutes,
des traitements différenciés selon qu’elles sont réutilisées pour
les améliorations apportées sur le système d’assainissement
l’irrigation de pâturage (mix avec les boues) ou rejetées dans
et son extension permettent aujourd’hui d’irriguer avec des
le milieu naturel.
eaux usées traitées. Ces pratiques de REUT permettent ainsi
de limiter les processus de salinisation des sols et des eaux A Delhi en Inde (Projet 6), la station d’Okhla intègre de
souterraines, et de valoriser économiquement 3 % des eaux nombreuses formes de réutilisation : elle fournit en eaux
usées produites par la ville. usées traitées des usagers agricoles (37 mm3/an), industriels
(58 mm3/an), en restitue une part au milieu récepteur et
A Hanoï (Thanh Tri District) (Projet 3) au Viet Nam, l’épuration
prospecte pour de nouveaux usages.
des eaux se fait au travers de basins d’aération, puis de
dilutions. Tout comme à Accra, les pratiques des agriculteurs, L’approche holistique de gestion de l’eau mise en œuvre à
mobilisant des mesures de protection de la santé, rendent plus Bogota en Colombie (Projet 11) intègre la REUT. Les EUT
sûre la réutilisation de ces eaux usées faiblement traitées. Les dérivées pour les agriculteurs permettent de réduire leurs
agriculteurs sont mobilisés dans la réussite du projet puisqu’ils prélèvements dans la rivière et de maintenir des débits
sont responsables de l’exploitation d’une partie de la filière. suffisants pour la production hydro-électrique en aval.
Après avoir testé l’irrigation de leurs cultures par des EUT, les En Lybie plusieurs expériences de REUT ont été recensées
agriculteurs de Faisalabad au Pakistan (Projet 2) sont revenus dont la station de Hadba El Khadra (Projet 12) où près de
aux EUB qui impactent moins les sols (dimensionnement et choix 3 000 ha de cultures sont irrigués avec des EUT en sortie de
de la technologie de traitement inadapté). Les performances filtration sur sable.
économiques et agronomiques sont bien meilleures.
Des périmètres publics à proximité de Settat au Maroc (Projet 4)
et de Ouagadougou au Burkina Faso sont dans les deux cas
irrigués avec des eaux usées domestiques (et industrielles pour
Ouagadougou) traitées par lagunage. A Ouagadougou, les
eaux usées traitées desservent également un périmètre non
officiel où la restriction de l’irrigation ne s’applique pas.

9
paRtie 2 -
RappoRt ecofilae

paRtie 2
comment RenouveleR la manièRe d’aboRdeR

Cette partie propose une analyse des grandes composantes FIGURE 3 : Structure logique des chapitres - Schéma Ecofilae
de l’équation de durabilité d’un projet de réutilisation (Figure
2). Elle développe cinq grandes questions pour structurer des
angles d’approches complémentaires du sujet éminemment État des lieux des connaissances
et des méthodologies
complexe et multidimensionnel qu’est la réutilisation (Figure 2),
et pour accompagner l’élaboration de filières de réutilisation
durables avec des risques maîtrisés. Réalisations et pratiques
actuelles et passées
La filière de réutilisation est ici définie comme l’ensemble des
processus et des impacts depuis la production d’eaux usées Freins aux projets
jusqu’à leur devenir final après usage. Cette notion regroupe -> Défis et enjeux à relever
l’ensemble des opérateurs et activités sur la ressource.
Solutions et leviers opérationnels
Ces questions ont été identifiées suite au travail de mis en œuvre
capitalisation de la Partie 1 du rapport, discutées avec
le comité de suivi de l’étude, et ajustées ou reformulées Résultats et efficacité ?
pour mieux correspondre à une vision partagée des
enjeux et perspectives de la réutilisation pour les pays en
développement. Elles sont développées, dans la mesure du
possible, selon un plan similaire partant d’un état des lieux Lacunes et domaines à investiguer
pour aboutir aux perspectives et domaines à investiguer (recherche et nouveaux développements
à mettre en place)
(Figure 3), et sont illustrées par des cas et exemples concrets
à l’échelle du pays ou du projet.

FIGURE 2 : Articulation des chapitres autour de la notion de filière de réutilisation - Schéma Ecofilae

Contexte spécifique du territoire :


- Géographie, climat, hydrologie
- Localisation (côtier, péri-urbain…)
- Niveau de développement économique, d’assainissement agricole

Eaux usées domestiques brutes (EUB)


Pratiques sanitaires et agronomiques

CHAPITRE 1
Maîtriser la réutilisation des EUB
Ressources conventionnelles

Traitement
Stockage
Diluation Technologies
Distribution pratiques Fillières de réutilisation des eaux usées
Pratiques
CHAPITRE 4
CHAPITRE 2 Organisations, institutions et
Les filières de la sécurisation de la reuse réglementations

CHAPITRE 5
Outil de décision et d’évaluation
CHAPITRE 3
Les interrelations reuse et ressources
(eau, sols et énergie) Risques maîtrisés Ressources conventionnelles

Durabilité d’un projet Reuse = Sécurité X Rentabilité X Faisabilité X Acceptabilité X Efficience organisationnelle
sanitaire économique technique (process) politique juridique
agronomique financière réglementaire sociale institutionnelle
environnementale

10
paRtie 2 -
RappoRt ecofilae

chapitRe 1

Qu’elles soient non traitées, faiblement traitées ou mélangées également d’illustrer ce chapitre. Dans un second temps
avec l’eau douce, les eaux usées brutes sont encore utilisées l’efficacité des différents leviers utilisés par les autorités locales
aujourd’hui, de manière intentionnelle ou non, dans de pour lutter ou faire face à la REUB et aux risques sanitaires,
nombreuses régions du monde. agronomique et environnementaux associés est évaluée.
L’absence d’infrastructure de collecte, de transport et de Le terme « eaux usées brutes » (Figure 4), « EUB », sera
traitement des eaux usées dans les zones urbaines conduit utilisé pour toutes les sources d’eau à haute composition
à des rejets souvent non contrôlés dans les réseaux de en matières fécales, provenant d’eaux usées non traitées
drainage et d’évacuation des eaux (canalisations, canaux (brutes), ou avec de très faibles niveaux de dilution ou de
artificiels, cours d’eau naturel, etc.). Les eaux usées peuvent traitement. Par « faible niveau de dilution ou de traitement »
ainsi constituer une grande partie, voire la totalité, des est entendue l’absence d’installations de traitement dédiées.
écoulements urbains, en particulier en saison sèche (CGIAR Le stockage, la dilution avec de l’eau douce, et le transport
2012). Les agriculteurs peuvent facilement accéder à cette permet toutefois une potentielle réduction des polluants.
ressource, dans et hors des villes. Les eaux usées brutes sont
souvent diluées, mais contiennent encore une teneur élevée
en matières fécales. Les risques sanitaires sont alors souvent
très élevés. la Réutilisation d’eaux usées bRutes (Reub) :
Ainsi l’eau de cours d’eau pollués est probablement la source une pRatique couRante dans les pays en
d’eau d’irrigation de légumes la plus courante dans les milieux développement
urbains et péri-urbains en Afrique (Drechsel 2014). Dans des
AQUASTATS rapportait en 2012 que 261 millions d’hectares
contextes locaux de disponibilité limitée en fertilisants et en
de terres agricoles ont été irriguées dans le monde. Il est
eau « sûre », les eaux usées sont perçues comme un moyen
approximativement estimé que près de 20 millions d’hectares
de récupérer la valeur de l’eau et des nutriments qu’elles
l’ont été avec des eaux usées non traitées (ONU, 2003).
contiennent, souvent gratuitement (Scott 2010).
La superficie des terres irriguées avec des eaux usées non
Le présent chapitre vise ainsi à soulever la question de la traitées est par ailleurs estimée 10 fois plus grande que celle
manière de gérer la sécurité (sanitaire, agronomique et irriguée avec des eaux usées traitées (Scott 2010).
environnementale) de la REUB tout en considérant et La FAO a également estimé en 2010 que 10 % de la
préservant les bénéfices que ces pratiques procurent population mondiale consommait des cultures produites
(fertilisation, économie, etc.). avec des eaux usées. Ce chiffre monte jusqu’à 80 % au Viet
Nam.
Ce chapitre présente dans un premier temps un état de l’art
synthétique sur la réutilisation des eaux usées dans le monde La Figure 5 met en évidence par pays, les surfaces irriguées
(REUB). Il se base sur les nombreuses études et travaux réalisés avec des eaux usées traitées et des eaux usées non traitées.
entre autres par l’IWMI en Afrique de l’Ouest, particulièrement La Chine et l’Inde sont de loin les pays ayant la plus grande
à Accra au Ghana (Projet 1). Les projets de Faisalabad au superficie de terres irriguées, mais ils sont aussi les principaux
Pakistan (Projet 2) et le cas du Maroc (Pays 2) permettent utilisateurs des eaux usées brutes non traitées et diluées.

FIGURE 4 : Filière de réutilisation des eaux usées brutes - Schéma Ecofilae

Water ressource

Dilution

Collection Transport Treatment (+ Disinfection) Storage Transport


Irrigation system

Urban area Developing country Untreated Wastewater Peri-urban irrigated agriculture

11
paRtie 2 -
RappoRt ecofilae

FIGURE 5 : Diagramme des superficies irriguées avec des eaux non traitées ou diluées (haut)
et des eaux traitées (bas) (CGIAR 2012)

China contenus dans les eaux usées industrielles


India
Mexico Les eaux usées brutes dans les zones péri-urbaines ne sont pas
Chile
Syria China: > 3.6 million ha; out of seulement d’origine domestique, elles peuvent être mélangées
Pakistan proportion; India: > 1 million ha
Colombia avec les eaux usées industrielles (Projet 5 et Projet 6), et, par
Argentina
S. Africa conséquent, donner lieu à une large gamme de qualité. Les
Ghana
Vietnam eaux usées brutes sont alors des sources de contaminations
Peru
Turkey sanitaires et des milieux (eaux, sols et plantes).
Morocco Untreated & diluted
Egypt
Kuwait Les directives de l’OMS de 2006 fournissent des
Sudan
Tunisia concentrations maximales tolérables dans les sols en divers
Nepal
Bolivia produits chimiques toxiques. Elles ont été fixées en évaluant
l’exposition humaine à travers la chaîne alimentaire. Ces
Chile
Mexico directives de l’OMS ne traitent pas spécifiquement la façon de
Israel
Egypt réduire les contaminants chimiques dans les eaux usées pour
Italy
Argentina une réutilisation en irrigation. La solution doit néanmoins être
Australia
UAE recherchée aux niveaux des sources de pollution spécifiques
USA
Jordan (souvent industrielles).
Turkey
Syria Treated
Tunisia Dans la région de Settat au Maroc (Projet 4), avant la mise
Kuwait
Oman en œuvre du projet de réutilisation des eaux usées traitées,
France
Lybia les études ont évalué la charge en plomb et la prévalence
S. Africa
Germany de Giardia intestinalis dans les eaux usées brutes (El Kettani
0 10 20 30 40 50 60 70 80 90 100 110 120 130 140 150 160 170 180 190 200 et al, 2010). Les résultats des études sanitaires ont mis en
Area (‘000 ha) évidence : (1) l’absence d’impacts liés au plomb (maladies,
charges anormales ...) (2) la prévalence de Giardia intestina-
lis plus élevée dans les populations utilisant et travaillant au
contact d’eaux usées brutes.
Risques et bénéfices liés à l’usage d’eaux
usées bRutes pouR l’iRRigation
des eaux usées brutes
Les eaux usées brutes contiennent des polluants chimiques, Les agriculteurs dans les périphéries des villes trouvent dans les
mais également une grande variété de différents agents eaux usées brutes une ressource riche en nutriments : azote,
pathogènes qui sont capables de survivre sur de longues phosphore, matière organique. Une agriculture relativement
périodes dans le sol ou à la surface des plantes, et entrent intensive et diversifiée se développe, les besoins en terres
dans la chaîne alimentaire. Les pratiques de réutilisation sont réduits, et, par une valorisation optimale de l’eau et
d’eaux usées brutes sont sources de risques pour la santé des nutriments, les agriculteurs réduisent leur consommation.
publique, l’environnement et les systèmes agronomiques Les eaux usées brutes sont pour de nombreux agriculteurs la
(sols et plantes). seule source de fertilisation. Les cas d’Accra au Ghana et
de Faisalabad au Pakistan viennent illustrer ces phénomènes
Les EUB sont également sources d’éléments fertilisants (azote, (Projet 1 et Projet 2).
phosphore et matière organique).
La présence de matières organiques peut avoir des effets
enjeux sanitaires liés à la présence d’agents positifs ou négatifs sur les sols en fonction de la nature de la
pathogènes matière organique. Des travaux de l’IWMI (Drechsel 2010)
Que cela soit par contact direct (cutané ou ingestion) avec ont mis en évidence que «la matière organique apportée
l’eau et les aérosols issus de l’aspersion, ou indirect via la par les eaux usées améliorait la structure des sols, agissait
consommation des produits agricoles, les eaux usées brutes comme un entrepôt de nutriments essentiels pour la croissance
sont une source majeure de contamination sanitaire. Elles FIGURE 6 : La dynamique de carbone dans le sol sous irrigation avec de l’eau douce (bas),
contiennent en effet divers virus, parasites, bactéries, etc. des eaux uses brutes depuis 15 ans (milieu) et depuis 25 ans (haut) en India (Drechsel 2010)

Les pratiques de réutilisation ont été et sont encore une des


causes principales d’épidémies de diarrhés, de choléra, de
typhoïde, et de shigellose, en Afrique et en Asie, avec de WW (25 years)
nombreuses personnes hospitalisées et de nombreux décès
(OMS 2006). Elles sont également un contributeur probable
aux infections parasitaires et cutanées. WW (15 years)

Les agriculteurs et leurs familles, les populations vivant à


proximité de sites d’irrigation à partir d’eaux usées, mais Freshwater
aussi et surtout les consommateurs sont touchés (USEPA 2012).

0 1 2 3 4 5

12
paRtie 2 -
RappoRt ecofilae

des cultures et améliorait les caractéristiques des sols irrigués Il en résulte souvent des pratiques non contrôlées, et il est alors
(capacité d’échange cationique (CEC)) ». Des études menées très difficile pour les autorités de mettre en œuvre des actions
en Inde sur les effets à long terme de l’irrigation à partir pour limiter les risques, ces pratiques n’entrant pas dans le
d’eaux usées sur les propriétés physiques du sol révèlent une débat car officiellement interdites.
augmentation de la stabilité des agrégats, de la capacité
Pour éliminer efficacement la REUB en l’interdisant, les
de rétention, de la conductivité hydraulique et de la porosité
pays doivent être en mesure de fournir aux agriculteurs des
totale. En plus des effets bénéfiques sur la matière organique
alternatives plus sûres, plus rentables et plus durables. Le
et sur les paramètres physiques du sol, le taux de carbone
Maroc entreprend ce chemin, de grands volumes d’eaux
organique des sols irrigués avec des eaux usées augmente,
usées brutes sont encore utilisés en irrigation (70 mm3), mais
quel que soit le sol et les conditions agro-climatiques (Figure 6).
de nombreux projets de stations d’épuration associent la
valorisation des eaux usées traitées (Pays 2 et Projet 4).

pouRquoi la Réutilisation d’eaux usées la dilution, une solution qui peut être contrôlée
Les EUB en milieu urbain sont souvent rejetées et récupérées
dans des canaux ou cours d’eau de drainage où elles se
la construction et l’exploitation d’infrastructures mélangent avec l’eau des cours d’eau et avec les eaux
pluviales. Si la dilution est assez forte (forte variabilité
saisonnière suivant les régions) les risques peuvent être réduits,
L’approche de l’OMS (Directives 2006) reconnaît que le et la réutilisation se fait alors de manière indirecte. La REUB
traitement conventionnel des eaux usées n’est pas toujours et la dilution associée doivent néanmoins être contrôlées. Le
possible, en particulier dans les pays aux ressources limitées. CGIAR estime même que dans certains pays, un traitement à
Les infrastructures d’assainissement (collecte, transport et faible coût des eaux usées domestiques peut résulter en de
traitement), partie amont de la filière de réutilisation, ne l’eau de qualité inférieure à celle des eaux usées non traitées
peuvent pas toujours être mises en place pour différentes diluées dans des canaux ou des cours d’eau (CGIAR 2012).
raisons (manque de capacités, raisons organisationnelles
En Égypte (Pays 4), les eaux usées domestiques non traitées
ou financières), et, lorsqu’elles sont construites, ne fonctionnent
sont souvent rejetées dans le Nil, son delta ou dans les canaux
souvent pas efficacement. L’explosion démographique en
de drainage. Cette pratique est responsable des niveaux
milieu urbain, dans de nombreux cas, surpasse de loin les
élevés de contaminations bactériennes. Mélangées et diluées
capacités des infrastructures rapidement en surcharge (par
avec de l’eau douce, elles sont réutilisées en aval pour
exemple Beit Lahia WWTP en Palestine - Projet 9).
l’irrigation (riz, blé, etc.) ou l’aquaculture. Une partie de ces
Dans ces cas, les stratégies alternatives pour limiter les risques eaux est parfois traitée de manière naturelle en traversant des
liés à la REUB doivent être évaluées et appliquées pour engager zones humides avant réutilisation (exemple du lac Manzala).
une transition vers des systèmes planifiés, contrôlés et sécurisés.

les eaux usées brutes assurent la subsistance


barrières de l’oMS 2006
La REUB en agriculture est souvent officiellement interdite L’approche multi-barrières de l’OMS provient de la
mais largement pratiquée et officieusement tolérée. conclusion que la réutilisation conventionnelle (avec des eaux
usées traitées) est impossible dans les pays à faibles revenus
En effet, toute une économie urbaine et périurbaine repose
où un faible pourcentage des eaux usées produites est
sur l’agriculture périurbaine et donc sur la réutilisation des
effectivement traité. Des mesures, autres que le traitement
eaux usées, là où les autres ressources en eau ne sont
préalable, pour réduire les risques liés à la REUB existent.
pas disponibles (eaux usées traitées, eaux de surface et
Les risques peuvent donc ainsi être contrôlés et la réutilisation
souterraine) (CGIAR 2012) et ou aucune autre alternative
pilotée. Ces mesures devraient, dans certains cas, être
adaptée n’est proposée. L’ensemble de la filière alimentaire
d’avantage promues et mises en œuvre par les organismes
est dépendante et impactée, depuis l’agriculteur qui accède à
de gestion et de contrôle (CGIAR 2012).
une ressource en eau souvent gratuite, jusqu’au consommateur
en passant par les petits revendeurs. Maintenir ces filières est Les recommandations de l’OMS (2006) pour les eaux usées
donc indispensable pour le maintien d’emplois et de revenus brutes ciblent des alternatives, localement réalisables grâce
et l’amélioration des régimes alimentaires (légumes et fruits à un ensemble de mesures de réduction des risques de
diversifiés) et de la sécurité alimentaire générale. contamination, à tout point de la filière entre la production
des eaux usées et la consommation d’aliments contaminés.
Parmi les efforts sur la gestion des eaux usées, le traitement
reste néanmoins la principale mesure d’abaissement du risque
comment aboRdeR cette Réutilisation
sanitaire.
Ce cadre d’évaluation des risques identifie et distingue
les communautés vulnérables (les travailleurs agricoles,
Les États et les organismes chargés d’appliquer une loi les membres des communautés où l’agriculture est irriguée
interdisant la REUB sont souvent dépassés par les pratiques avec des eaux usées et les consommateurs) et considère
qu’ils ne peuvent pas ou qu’ils ne souhaitent pas contrôler car les compromis entre les risques potentiels et les avantages
ils en connaissent l’importance économique. nutritionnels (CGIAR 2012).

13
paRtie 2 -
RappoRt ecofilae

L’approche multi-barrières de l’OMS aux contextes à ressources limitées. Les mesures de sécurité qui
nécessitent une infrastructure sur l’exploitation peuvent toutefois
Cette approche spécifique vise à :
exiger une sécurisation foncière dont nombre d’agriculteurs urbains
UÊÊ`jw˜ˆÀÊ՘ÊÌ>ÕÝʓ>݈“>Ê̜jÀ>LiÊ`iʓ>>`ˆiÃÊÃÕ««j“i˜Ì>ˆÀiÃÊÆ
ne disposent pas. La recommandation de protection de la santé la
UÊÊi˜Ê`j`ՈÀiʏiÃÊÀˆÃµÕiÃÊ>VVi«Ì>LiÃÊ`iʓ>>`ˆiÃÊiÌÊ`½ˆ˜viV̈œ˜ÃÊÆ
plus efficace est de veiller à ce que les cultures produites ne soient
UÊÊ`jÌiÀ“ˆ˜iÀʏiÃÊÀj`ÕV̈œ˜ÃÊ`iÊ«>Ì œ}m˜iÃʘjViÃÃ>ˆÀiÃÊ«œÕÀÊý>ÃÃÕÀiÀÊ
pas consommées crues. Toutefois, cette option nécessite une capacité
que les risques acceptables de maladies et d’infections ne soient
de surveillance appropriée et des alternatives de cultures qui soient
«>ÃÊ`j«>ÃÃjÃÊÆ
viables pour les agriculteurs (CGIAR 2012).
UÊÊ`jÌiÀ“ˆ˜iÀÊ Vœ““i˜ÌÊ iÃÊ Àj`ÕV̈œ˜ÃÊ `iÃÊ «>Ì œ}m˜iÃÊ ÀiµÕˆÃiÃÊ
«iÕÛi˜ÌÊkÌÀiʜLÌi˜ÕiÃÊÆ
Wastewater Farmer/ Traders/ Street food Consumer
UÊʓiÌÌÀiÊi˜Ê«>ViÊ՘ÊÃÞÃÌm“iÊ`iÊÃՈۈÊ`iÃÊVœ˜ÌÀžið generation Producer Retailers kitchens

La figure et le tableau ci-dessous présentent une vue d’ensemble des Hygienic Safe food Awareness
Wastewater Safe irrigation creation to
mesures de protection de la santé, qui relèvent, sont en marge ou treatment practices handling
practicies
washing and
preparation create demand
for safe produce
font suite au traitement le long de la filière de réutilisation agricole
des eaux usées. Une réduction globale des risques est mieux réalisée
lorsque ces mesures sont combinées, c’est-à-dire dans une approche Facilitating behavior change via education, market
and nonmarket incentives, and regular inspections
à barrières multiples. Des campagnes de sensibilisation sur le risque
invisible des agents pathogènes doivent accompagner la promotion FIGURE 7 : L’approche multi-barrière pour la santé publique lorsque le traitement
de ces pratiques. des eaux usées est limité – OMS 2006
Cette approche par étapes donne aux gestionnaires locaux une Lorsque c’est possible, les mesures suivantes contribuent à atténuer
souplesse pour prendre en main les risques d’irrigation avec des eaux les risques de contamination :
usées, leur fournit des options viables localement et combinables, à UʘiÊ«>ÃʈÀÀˆ}ÕiÀÊ`iÃÊVՏÌÕÀiÃÊ`iÊ«Àœ`ՈÌÃÊVœ˜Ãœ““jÃÊVÀÕÃÊÆ
la différence d’une approche par seuils de niveaux qualité comme Uʈ˜ÃÌ>iÀÊ`iÃÊÃÞÃÌm“iÃÊ`iÊÃ̜VŽ>}iÊiÌÊ`iÊÌÀ>ˆÌi“i˜ÌÊDʏ>ÊviÀ“iÊÆ
seule option réglementaire. UÊVœ˜ÛiÀ̈ÀÊDʏ½ˆÀÀˆ}>̈œ˜ÊœV>ˆÃjiÊÆ
Les mesures d’atténuation des risques sur et hors de l’exploitation UÊ«œÀÌiÀÊ`iÃÊÛkÌi“i˜ÌÃÊ`iÊ«ÀœÌiV̈œ˜ÊiÌÊ`iÃÊ}>˜ÌÃÊ­>}ÀˆVՏÌiÕÀîÊÆ
agricole sont généralement moins chères et plus rentables qu’un Uʏ>ÛiÀ]ÊÃ̜VŽiÀÊiÌʏ>ÊVՈÀiʏiÃÊ«Àœ`ՈÌÃÊ>Û>˜ÌÊ`iʏiÃÊVœ˜Ãœ““iÀÊÆ
traitement conventionnel des eaux usées, et donc bien adaptées Ces mesures sont reprises et complétées dans le tableau ci-dessous.

TABLEAU 2 : Mesures non-conventionnelles de contrôle et de protection sanitaire et réductions associées en pathogènes – OMS 2006

CONTROL MEASURE PATHOGEN REDUCTION (log units) NOTES


A.Wastewater treatment 6-7 Reduction of pathogens depends on type and degree of treatment selected.
B. On-farm options
Crop restriction (i.e., no food crops eaten uncooked) 6-7 Depends on (a) effectiveness of local enforcement of crop restriction, and (b) comparative profit margin of the alternative crop(s).
On-farm water treatment:
(a) Three-tank system 1-2 One pond is being filled by the farmer, one is settling and the settled water from the third is being used for irrigation.
(b) Simple sedimentation 0.5-1 Sedimentation for ~18 hours.
(c) Simple filtration 1-3 Value depends on filtration system used.
Method of wastewater application:
(a) Furrow irrigation 1-2 Crop density and yield may be reduced.
(b) Low-cost drip irrigation 2-4 Reduction of 2 log units for low-growing crops, and reduction of 4-log units for high-growing crops.
(c) Reduction of splashing 1-2 Farmers trained to reduce splashing when watering cans used (splashing adds contaminated soil particles on to crop sufaces which
can be minimized).
Pathogen die-off (cessation) 0.5-2 per day Die-off between last irrigation and harvest (value depends on climate, crop type. etc).
c. Post-harvest options at local markets
Overnight storage in baskets 0.5-1 Selling produce after overnight storage in baskets (rather than overnight storage in sacks or selling fresh produce without
ovennight storage).
Produce preparation prior to sale 1-2 a) Washing salad crops, vegetables and fruits with clean water.
2-3 (b) Washing salad crops, vegetables and fruits with running tap water.
1-3 (c) Removing the outer leaves on cabbages, lettuce, etc.
D. In-kitchen produce-preparation options
Produce disinfection 2-3 Washing salad crops, vegetables and fruits with an appropriate disinfectant solution and rinsing with clean water.
Produce peeling 2 Fruits, root crops.
Produce cooking 5-7 Option depends on local diet and preference for cooked food.
Sources : Amoah et al. (2011).

14
paRtie 2 -
RappoRt ecofilae

Le District Thanh Tri à Hanoi au Viet Nam est un bon de réutilisation non contrôlée et non surveillée des eaux usées
exemple de l’efficacité de la mise en œuvre d’une approche brutes. Les avantages économiques et agronomiques qu’elle
multi-barrières : des zones humides aérées ont été construites procure ne peuvent pas les contre balancer : des systèmes
pour traiter de manière très sommaire les eaux usées brutes. contrôlés et surveillés sont indispensables.
Elles sont ensuite utilisées par les agriculteurs qui mettent en
Comme expliqué plus haut, le traitement est la première
œuvre des pratiques adaptées (porter des gants et des bottes)
mesure limitant les risques dans la filière de réutilisation, mais
et par les consommateurs. Les assolements ont également été
il ne doit cependant pas être considéré comme une solution
adaptés à la qualité des eaux, transitant de la riziculture vers
unique et suffisante. Il existe d’autres barrières moins coûteuses
l’aquaculture et la production de légumes aquatiques.
et plus faciles à mettre en place qui réduisent les contaminants
(la menace), telle que le stockage des eaux usées, ou qui
la transition progressive
réduisent l’exposition (la vulnérabilité). Par ailleurs les systèmes
de traitement réduisent les charges en pathogènes, mais ils
Le traitement des eaux usées reste le premier facteur
diminuent également fortement la matière organique et les
abaissant les risques de contamination dans la filière de
concentrations en nutriments.
réutilisation des eaux usées. Se diriger vers une réutilisation
planifiée, contrôlée, centralisée ou décentralisée reste la La recherche sur les technologies de traitement (même les
solution considérée la plus sûre, d’atteindre le plus haut technologies à faible coût et pour des systèmes décentralisés)
niveau sanitaire. Lorsque les capacités opérationnelles et devrait donc se concentrer sur des systèmes capables de
financières s’améliorent, la transition devient nécessaire, réduire les charges en pathogènes tout en maintenant le
tout en établissant des protocoles de réglementations et de potentiel agronomique des eaux usées. La réduction des
surveillance. Le processus peut s’étendre sur de nombreuses risques (agents pathogènes et autres polluants) liés au système
années en fonction du niveau du pays (CGIAR 2012). agronomique (sols et cultures), mais également au transport,
aux systèmes de stockage et d’irrigation, doivent être mieux
compris et caractérisés. Les solutions avec le meilleur rapport
peRspectives pouR coût-efficacité doivent être considérées.
des développements futuRs Les étapes basiques de traitement (stockage, zones humides, etc.)
auxquelles s’ajoutent des mesures de limitation de l’exposition
Le risque sanitaire, défini par la rencontre de la menace sont-elles suffisantes pour maîtriser le risque sanitaire ? Davantage
(la qualité de l’eau en termes de contaminants) et de la d’évaluations de ces types de projets sont nécessaires et de
vulnérabilité (l’exposition humaine), est trop élevé dans les cas nouveaux pilotes devraient être mis en œuvre.

Egypte - Pompage agricole dans le Delta du Nil © Condom, 2015

15
paRtie 2 -
RappoRt ecofilae

chapitRe 2

La filière de réutilisation des eaux usées traitées (Figure 8)


quels pRoblèmes Relatifs au tRaitement
se compose d’une succession d’étapes et de processus qui
les pRojets de Réutilisation des eaux usées
interviennent depuis la production des eaux usées brutes,
jusqu’à l’usage final de ces eaux sur des cultures irriguées,
incluant les dimensions technologiques (collecte et réseau de Dans les pays en développement et en particulier dans la
transport des eaux usées brutes, technologies de traitement, région méditerranéenne les obstacles majeurs à une réutilisation
systèmes de stockage et de distribution, techniques d’irriga- durable des eaux usées concernant le traitement sont :
tion), mais également pratiques mises en œuvre (pratiques UÊÊiÊdysfonctionnement des technologies mises en œuvre ;
agronomiques et gestion de l’environnement). UÊÊ՘iÊefficacité insuffisante dans l’épuration pour atteindre
Dans les pays en développement, les systèmes de traitement la qualité de l’eau requise à la réutilisation ;
des eaux usées ont initialement été construits et conçus dans UÊÊ՘iÊ perte de contrôle dans la qualité de l’eau sur tout
des objectifs de protection sanitaire et environnementale. le processus, depuis l’entrée dans le système d’épuration
La REUT était, jusqu’à il y a peu, rarement prise en compte. jusqu’à son usage final.
Les intérêts et motivations pour la construction d’une station Le dysfonctionnement du processus d’épuration est un obstacle
d’épuration peuvent désormais être renforcés par la perspective majeur. Les stations d’épuration souvent ne fonctionnent
de réutiliser les eaux usées traitées, notamment pour l’irrigation, pas correctement en raison du manque de ressources, de
leur donnant ainsi une valeur économique (Barcelo 2010). pièces de rechange pour l’entretien, d’incitations et / ou
Ce chapitre fait un centrage sur les procédés de traitement de compétences du personnel, ou bien encore en raison de
mis en œuvre et adaptés aux pays en développement (à surcharge ou sous-charge de la station.
revenus moyens et faibles) pour la réutilisation des eaux Au-delà des raisons d’organisation ou de conception, le choix
usées traitées. Différentes options techniques de traitement même de la technologie de traitement peut être remis en
sont possibles, et une large gamme de filières de réutilisation question. Dans des conditions où l’énergie et les capacités
en résultent depuis des eaux traitées sommairement, sont limitées, les pays en développement devraient privilégier
jusqu’à des filières à haute technicité (Figure 9). Les retours des technologies à faible coût, à faible niveau de technicité
d’expériences (Synthèses pays et Synthèses projets) illustrent et à faible consommation en énergie.
schématiquement différentes filières, de la source des eaux
usées jusqu’à l’usage agricole, et permettent de discuter de Dans certains pays, le panel des technologies proposées
la pertinence des choix techniques (lorsque disponible dans aux ingénieurs et aux décideurs est souvent restreint à une
la littérature), en particulier du traitement, au regard des gamme étroite promue par des organisations institutionnelles :
contextes locaux spécifiques. par exemple les boues activées, les filtres percolateurs ou
les systèmes de lagunes (au Maroc). Les autorités manquent
Le terme « eaux usées traitées » « EUT », sera ici utilisé souvent d’informations et de compétences techniques sur la
pour toutes les sources d’eaux usées d’origines urbaines, vaste gamme existante de technologies (Barcelo 2010).
industrielles ou agricoles ayant subi un processus de
traitement plus ou moins poussé en vue d’une sécurisation A Faisalabad au Pakistan (Projet 2) le choix du système
et d’une limitation des risque liés à leur réutilisation. de lagunes et leur dimensionnement peuvent être remis en
question pour expliquer les faibles niveaux de qualité des EUT.

FIGURE 8 : Filière de réutilisation des eaux usées traitées - Schéma Ecofilae

Water ressource

Dilution

Collection Transport Treatment (+ Disinfection) Storage Transport


Irrigation system

Urban area Developing country Peri-urban irrigated agriculture

Untreated Wastewater Treated Wastewater

16
paRtie 2 -
RappoRt ecofilae

FIGURE 9 : Solutions de traitement mises en place dans certains pays en développement - Schéma Ecofilae

Agricultural reuse
RAW (implementation of adapted Faisalabad, Pakistan
WASTEWATER sanitary and agronomic practices) Accra, Ghana
Restricted agricultural reuse Hanoï Thanh Tri District, Viet Nam
RAW Wetlands (implementation of adapted sanitary
WASTEWATER and agronomic practices)

RAW Faisalabad, Pakistan


Unrestricted agricultural reuse
WASTEWATER

Ouagadougou, Burkina Faso


Facultative ponds Restricted Settat, Morocco
Anaerobic ponds (optional) Maturation ponds Saly-Mbour, Senegal
agricultural reuse

Unrestricted Beit Lahia, Gaza Strip


Aquifer infiltration agricultural reuse

RAW Restricted agricultural Harare, Zimbabwe (TWW mixed with sludge)


WASTEWATER reuse

Primary clarification Biological treatment Restricted Jabalia, Gaza Strip


Pre-treatment Aquifer infiltration
(optional) (e.g., Activated sludge) agricultural reuse

Egypt
Secondary clarification Restricted agricultural reuse

Okhla, Delhi
Unrestricted agricultural reuse Camberene, Senegal

Restricted Thiès, Senegal (Desinfection = maturation ponds)


Tertiary /Desinfection treatment agricultural reuse Korba, Tunisia (Desinfection = maturation ponds)

Korba, Tunisia (Desinfection = maturation ponds)


Sand filtration Aquifer infiltration Tunisia (Desinfection = UV)

Agricultural reuse Unrestricted agricultural reuse Lybia (Hadba El Khadra and Al Mari)

en commun, qui guident la conception et le choix des


comment choisiR le pRocessus d’épuRation
technologies de traitement (Barcelo 2010) :
UÊʏ>ʘjViÃÈÌjÊ`½Õ˜ÊÃ̜VŽ>}iÊÃ>ˆÃœ˜˜ˆiÀÊ«œÕÀʏiÃÊi>ÕÝÊÕÃjiÃÊ
Le choix de la meilleure technologie disponible n’est pas un avant la saison d’irrigation (la production des eaux usées
processus facile : il exige une évaluation technique et des est continue, tandis que la demande en eau d’irrigation est
comparaisons (approche bottom-up, depuis l’usage vers le périodique et saisonnière) ;
choix de la source et du traitement). Il doit être raisonné en UÊÊi˜Ê}j˜jÀ>]ʈÊÞÊ>ÊÃÕvwÃ>““i˜ÌÊ`iÊÌiÀÀiÃÊ«iÕʜ˜jÀiÕÃiÃÊDÊ
fonction de critères bien établis comprenant : proximité de la communauté urbaine ;
UÊÊiÃÊ«œÃÈLˆˆÌjÃÊ`iÊÀjṎˆÃ>̈œ˜Ê­Þ‡>‡Ì‡ˆÊÛÀ>ˆ“i˜ÌÊ՘iÊ`i“>˜`iÊ UÊʏ½i˜Ãœiˆi“i˜ÌÊiÃÌÊ}j˜jÀ>i“i˜ÌÊ>Lœ˜`>˜ÌÊ`>˜ÃÊViÃÊÀj}ˆœ˜Ã]Ê
pour des eaux usées traitées ?) ; ce qui donne l’avantage aux processus photosynthétiques
UÊÊ>Ê `ˆÃ«œ˜ˆLˆˆÌjÊ iÌÊ iÊ Vœ×ÌÊ `iÃÊ ÌiÀÀiÃÊ ­ÃˆÊ iÃÊ ÌiÀÀiÃÊ Ãœ˜ÌÊ ou autres processus dépendant de l’énergie solaire ;
peu couteuses, alors des lagunes en anaérobie sont une UÊʏiÃÊi>ÕÝÊÕÃjiÃÊܘÌÊÀi>̈Ûi“i˜ÌÊVœ˜Vi˜ÌÀjiÃÊi˜ÊÀ>ˆÃœ˜Ê`iÃÊ
option) ; faibles taux de consommation en eau par habitant ;
UÊÊ>Ê µÕ>ˆÌjÊ ÀiµÕˆÃiÊ `iÊ ½ivyÕi˜ÌÊ ÃœÀÌ>˜ÌÊ ­i˜Ê vœ˜V̈œ˜Ê `iÃÊ UÊʏiÃÊ i>ÕÝÊ ÕÃjiÃÊ œ˜ÌÊ Õ˜iÊ Ài>̈Ûi“i˜ÌÊ >ÕÌiÊ «>Ì œ}j˜ˆVˆÌjÊ
réglementations locales, des types de cultures irriguées, en raison de l’endémicité de certaines maladies et de la
des pratiques sanitaires et agronomiques dans la chaîne présence élevée de vecteurs ;
de production) ; UÊʏiʓ>˜µÕiÊ`iÊV>«ˆÌ>ÕÝÊÆ
UÊÊ>ÊÌ>ˆiÊ`iʏ>ÊVœiV̈ۈÌjÊ­}À>˜`iʜÕʓœÞi˜˜iÊ✘iÊÕÀL>ˆ˜i]Ê UÊʏ½>LÃi˜Vi]ʏ>Ê«j˜ÕÀˆiʜÕʏiʓ>˜µÕiÊ`iÊw>LˆˆÌjÊ`ÕÊÃiÀۈViÊ
zone rurale) ; de fourniture de l’énergie électrique ;
UÊÊ>ʵÕ>ˆÌjÊ`iÃÊi>ÕÝÊÕÃjiÃÊi˜ÌÀ>˜ÌiÃÊ­`½œÀˆ}ˆ˜iÊ`œ“iÃ̈µÕiÊ UÊʏ>ʘjViÃÈÌjÊ`½>ۜˆÀÊ`iÃʈ˜ÃÌ>>̈œ˜Ãʓˆ˜ˆ“>iÃ]Êȓ«iÃÊiÌÊ
seulement ? quelle concentration ? dilution avec eaux peu coûteuses en exploitation et en maintenance.
pluviales ? rejets industriels ?) ;
UÊʽi“«>Vi“i˜ÌÊ`iʏ>ÊÃÌ>̈œ˜Ê`½j«ÕÀ>̈œ˜Ê­`>˜ÃʏiÊۜˆÃˆ˜>}iÊ
des zones irriguées ? dans une zone avec risque quelles sont les technologies
environnemental élevé ?) ;
UÊÊiÃÊ Vœ˜`ˆÌˆœ˜ÃÊ jVœ˜œ“ˆµÕiÃÊ iÌÊ ÌiV ˜ˆµÕiÃÊ ­iÊ «ÀœiÌÊ ÃiÀ>‡
t-il techniquement et économiquement durable dans le Le traitement des eaux usées se compose généralement d’une
temps ?). série de processus unitaires physiques, chimiques, biologiques
qui peuvent chacun éliminer spécifiquement des composants
Les communautés urbaines et rurales dans les zones des eaux usées (Figure 10). Différentes combinaisons de
intéressées par la présente étude ont plusieurs caractéristiques processus unitaires sont donc possibles (Sanghi 2013). Les

17
paRtie 2 -
RappoRt ecofilae

FIGURE 10 : Les procédés de traitement des eaux usées pour leur réutilisation - Schéma Ecofilae & adaptation de Sharma and Sanghi, 2013

DISCHARGE IMPACT AND REUSE RESTRICTIONS

+++ ++ + - -- ---

RAW Equalization Primary Treatment Secondary Treatment Tertiary Treatment Advanced Treatment /
WASTEWATER and Pre-treatment Unit processes: Unit processes: Unit processes: Desinfection
Unit processes: Sedimentation, Flotation Activated sludge, Trickling filters, Filtration, Biological nutrient removal Unit processes:
Maceration, Screens, Grit removal Target constituents: Rotating biological contactors, Target constituents: Ozonation, UV, Membrane filtration
Target constituents: Heavy solids and lighter solids Membrane bioreactors, Suspended solids, Pathogenic micro- (Nanofiltration, Reverse osmosis)
Large solid objects (oil and grease, Algal cells, fibers) Oxidation ditch organisms, Nitrogen and Phosphorus, Target constituents :
Target constituents: more recalcitrant organisms Recalcitrants organics, Pathogenic
Biodegradable organics microorganismes, Dissolved
ant suspended solids

Natural Treatment
Unit processes:
Aerated lagoons, wetlands, Waste
stabilization ponds, ISF, aquifer
infiltration Desinfection Desinfection
Target constituents: Unit processes: Unit processes:
Suspended solids, Nutrients, Chlorination, UV Chlorination, UV
Biodegradable organics, Target constituents: Target constituents:
Some pathogenic organisms pathogenic microorganisms pathogenic microorganisms

Natural treatment systems High level of treatment


Low-cost Medium level of treatment Expensive and technologically demanding
High land requirement

technologies de traitement standards sont principalement Beaucoup de ces procédés peuvent aussi être complexes et
orientées vers les paramètres organiques et d’hygiène. Les coûteux en exploitation dans les pays en développement.
polluants comme l’azote et le phosphore étant valorisés par
Le traitement primaire permet la sédimentation par gravité
l’irrigation, il n’y a pas de nécessité d’avoir une grande
des matières solides lourdes ou la mise en suspension des
efficacité de réduction (Barcelo 2010). Habituellement les
solides légers. Des coagulants et floculants chimiques peuvent
eaux usées ne contiennent pas de métaux lourds (sauf si
être utilisés avant la sédimentation / flottation pour améliorer
les eaux usées domestiques sont mélangées à des effluents
la séparation solide-liquide. Le traitement primaire est
industriels), ce qui signifie que la principale préoccupation
généralement insuffisant pour éliminer les virus, les bactéries
vis-à-vis des risques pour la santé concerne les pathogènes.
et les métaux (Sanghi 2013).
La salinité des eaux usées est également une préoccupation
majeure pour les risques environnementaux et agronomiques Lorsque les effluents primaires sont utilisés pour l’irrigation
(Choukr’Allah 2010). des cultures ou pour l’aquaculture, des mesures de
protection supplémentaires sont nécessaires : restreindre
les cultures irriguées, utiliser des équipements de protection
Le prétraitement est une étape essentielle à l’amont de tout individuelle, laver et cuire les aliments, faire un suivi régulier
système de traitement (dégrillage, dessablage, tamisage des accumulations chimiques et toxiques dans les sols et les
et traitement des graisses). Il consiste à éliminer tous les produits alimentaires.
matériaux qui peuvent être facilement récupérés dans les eaux
Le traitement secondaire consiste en une combinaison de
usées brutes (détritus, feuilles, branches, graviers, sables et
traitements biologiques et de clarifications. Une grande
autres gros objets) avant qu’ils endommagent les pompes ou
variété de procédés existes. Ils comprennent (Valentina
les lignes de traitement qui suivent.
Lazarova 2004) :
A Faisalabad au Pakistan (Projet 2) les grilles, non mises en UÊʏiÃÊÃÞÃÌm“iÃÊ`iÊLœÕiÃÊ>V̈ÛjiÃÊÆÊ`>˜ÃʏiÃÊ«>ÞÃÊ`jÛiœ««jÃ]Ê
place dans un premier temps dans le canal d’entrée des eaux cette étape intermédiaire est suivie par d’autres procédés
usées, ont permis de limiter la prolifération de végétaux et de de traitement complémentaires ;
moustiques. UÊʏiÃÊ wÌÀiÃÊ «iÀVœ>ÌiÕÀÃÊ ÆÊ v>VˆiÊ `½iÝ«œˆÌ>̈œ˜Ê iÌÊ DÊ v>ˆLiÃÊ
coûts, ce processus a une efficacité de traitement limitée
les technologies d’épuration à haute technicité et une forte dépendance au carbone et aux charges
et à coûts élevés hydrauliques, et est très sensible à la température. Ces
Les options d’épuration ci-dessous (traitements primaires et derniers paramètres sont très limitants pour la mise en
secondaires) sont souvent plus adaptées pour l’élimination des œuvre de tels systèmes dans les pays en développement.
polluants environnementaux que pour les agents pathogènes.

18
paRtie 2 -
RappoRt ecofilae

Lorsque le traitement secondaire est combiné avec une de dégradation biologique, et la désinfection naturelle (sol
désinfection adéquate, les eaux usées traitées secondaires ou UV), elles présentent généralement une bonne efficacité,
peuvent être considérées comme sûres pour les cultures sont fiables dans leur performance de traitement, abordables
d’irrigation. Toutefois, certaines restrictions sont proposées dans leur construction et ont des exigences réduites en termes
lorsque les eaux usées traitées sont appliquées avec des d’énergie et de maintenance (Sanghi 2013).
systèmes d’irrigation par aspersion ou lorsque l’irrigation
concerne des cultures dont les produits ne subissent pas de
transformation (Sanghi 2013). Les systèmes de lagunage forment une série de lagunes peu
profondes reliés entre eux. Ils sont conçus pour utiliser les
A Harare au Zimbabwe (Projet 10) un lit bactérien dédié est
processus naturels de biodégradation, de désinfection par
utilisé en parallèle d’un procédé à boues activées pour traiter
la lumière du soleil, et de sédimentation des particules par
les eaux usées traitées réutilisées pour l’irrigation de fourrage.
gravité, pour purifier l’eau. Des taux de charge très élevés
Les eaux usées traitées réutilisées sont mélangées avec les
peuvent être appliqués (10 à 20 fois plus élevé que dans le
boues issues des deux processus. Un mélange à 3 à 4% de
traitement classique par boues activées) (Choukr’Allah 2010).
matières solides est obtenu.
Le principe de fonctionnement se base sur la dégradation de
Les systèmes à boues activées sont souvent coûteux, les coûts
la matière organique par des bactéries et la photosynthèse
d’exploitation et d’entretien sont difficilement recouverts et
d’algues (Figure 11).
constituent les principaux obstacles à la mise en œuvre de
ces systèmes de traitement à haut niveau technologique dans
les pays en développement (Kampa 2010).
BACTERIA
L’élimination des boues primaires et secondaires est ORGANICS
+ O2 NEW CELLS
également nécessaire pour prévenir la propagation d’agents
pathogènes et d’autres contaminants dans les sols et les cours
d’eau (Sanghi 2013). La gestion des boues peut devenir O2
CO2
problématique (Pays 3). NH3

La désinfection peut être réalisée après un traitement


secondaire à l’aide de chlore libre, soit sous forme de
chlore gazeux ou d’hypochlorite de sodium ou de calcium. ALGAE
NEW CELLS SUNLIGHT
L’efficacité du chlore vis à vis de l’inactivation des bactéries
est très bien connue. Le chlore est également relativement
efficace vis-à-vis des virus (jusqu’à 3 log de réduction), mais FIGURE 11 : Mécanismes naturels mis en œuvre lors du lagunage - UNEP
il est moins efficace vis-à-vis des œufs d’helminthes (réduction
inférieure à 1 log). Lorsqu’elles sont bien conçues et exploitées correctement,
elles sont très efficaces pour éliminer les agents pathogènes
En plus de chlore libre, du dioxyde de chlore et les UV sont
et peuvent fonctionner à faible coût. Les agents pathogènes
également utilisés comme désinfectants primaires pour le
sont progressivement éliminés le long de la série de lagunes,
traitement des eaux usées et pour la réutilisation agricole. Ils
l’élimination maximale a lieu dans le bassin de maturation (la
sont généralement plus efficaces vis-à-vis de l’inactivation des
dernière lagune dans la série). Cependant les lagunes doivent
virus et des protozoaires que le chlore libre. La chloramine,
être conçues, utilisées et entretenues de façon à empêcher la
un désinfectant moins puissant, est utilisée dans un deuxième
reproduction des vecteurs de maladies dans les lagunes.
temps dans le système de distribution de l’eau épurée (Sanghi
2013). Néanmoins, elles perdent leurs avantages économiques
comparatifs par rapport aux systèmes de traitement mécanisés
Pour des raisons économiques, la combinaison de chlore et
dès lors que les prix des terrains sont élevés.
d’UV est largement utilisée dans les projets de réutilisation des
eaux usées dans les pays développés, mais plus rarement
dans les pays en développement (Asano 2008).
L’élimination des polluants organiques dans les processus
de traitement est nécessaire dans la filière de réutilisation
des eaux usées afin de réduire le potentiel de prolifération
secondaire des agents pathogènes dans les systèmes de
distribution et garantir une désinfection efficace (Valentina
Lazarova 2004).

les technologies d’épuration à basse technicité


et à bas coûts
Les technologies de traitement naturel extensif, également
appelé système de traitement à bas niveau de technicité
(low tech), peuvent être utilisées dans les zones subtropicales
où s’alternent saisons sèches et saisons humides et où les
températures moyennes sont supérieures à 20°C (Valentina Projet de traitement des eaux usées par lagunage pour la réutilisation agricole à Tizi n’Oucheg
Lazarova 2004). En utilisant des procédés de sédimentation, (Haut Atlas – Maroc) - MediaVentures

19
paRtie 2 -
RappoRt ecofilae

EAUX USÉES

Dégrillage
Dégraissage

Lagunes anaérobiques
Lagunes facultatives
Lagunes de maturation
Désinfection UV naturels EAUX
USÉES
TRAITÉES

FIGURE 12 : Exemple schématique de filière de traitement par lagunage - Schéma Ecofilae

Différents types de lagunes peuvent être utilisés en série ou en Le traitement comprend 8 séries de bassins en parallèle, dont
parallèle (Valentina Lazarova 2004) & (Choukr’Allah 2010) une lagune facultative primaire suivie d’une séquence de 3
UÊÊiÃÊL>ÃȘÃÊ>˜>jÀœLˆiÃÊܘÌÊṎˆÃjÃÊVœ““iÊjÌ>«iÊ`iÊ«Àj‡ lagunes de maturation. La qualité de l’effluent est conforme
traitement (bassins avec une grande profondeur et une aux directives de l’OMS pour l’irrigation sans restriction.
longue durée de séjour) ;
UÊʏiÃʏ>}՘iÃÊv>VՏÌ>̈ÛiÃÊ­œÕÊL>ÃȘÃÊ`½œÝÞ`>̈œ˜®ÊܘÌÊṎˆÃjÃÊ
pour l’élimination du carbone (conditions anaérobies près Les zones humides artificielles (Choukr’Allah 2010) (Sanghi
du fond et conditions aérobies à la surface) ; 2013) visent à imiter les propriétés des zones humides naturelles
UÊʏiÃʏ>}՘iÃÊ>jÀjiÃÊۈ>Ê`iÃÊ>jÀ>ÌiÕÀÃʓjV>˜ˆµÕiÃÊyœÌÌ>˜ÌÃÊ dans un environnement piloté et contrôlé. Le système utilise
permettent l’élimination du carbone à des taux plus élevés des processus naturels impliquant la végétation, le sol et leurs
que les bassins facultatifs. Ils sont souvent utilisés dans les assemblages microbiens associés pour épurer les eaux usées.
pays à revenus élevés (France) et plus rarement dans les
Elles sont efficaces dans l’abattement de la demande
pays à faibles revenus (mais existent au Maroc) ;
biologique en oxygène (DBO), des solides en suspension (MES)
UÊʏiÃÊ L>ÃȘÃÊ `iÊ “>ÌÕÀ>̈œ˜Ê ܘÌÊ `iÃÊ ÃÞÃÌm“iÃÊ Ài>̈Ûi“i˜ÌÊ
et de l’azote. Elles ont des besoins très limités en exploitation
peu profonds utilisés comme une étape de désinfection.
(faible consommation énergétique) et maintenance.
Ils sont souvent utilisés dans les filières de réutilisation de
l’eau en combinaison avec d’autres lagunes en série, Deux types de zones humides artificielles (Figure 13) se
ou dans des systèmes de traitement biologique intensif distinguent :
(Tunisie et Maroc). Cette technologie élimine efficacement UÊʏiÃÊ âœ˜iÃÊ Õ“ˆ`iÃÊ `iÊ ÌÞ«iÊ Ê -ÕLÃÕÀv>ViÊ œÜÊ -ÞÃÌi“Ê ‚Ê
les œufs d’helminthes et assure la désinfection des eaux (SFS), où l’eau s’écoule sous la surface. Elles sont bordées
usées par l’action directe de la lumière (UV). Néanmoins de fossés qui ont été remplis de graviers, de sables ou
en cas d’irrigation non restrictive, les performances peuvent de substrats du sol et plantées avec des variétés végétales
s’avérer insuffisantes. Ces bassins peuvent par ailleurs aussi appropriées. Le traitement est efficace lorsque les eaux
jouer le rôle de réservoirs de stockage. usées sont en contact avec les racines des plantes, le sol
ou le substrat. Les roseaux sont couramment utilisés ;
Les conditions anaérobies conduisent à des conversions
UÊʏiÃÊ✘iÃÊ Õ“ˆ`iÃÊ`iÊÌÞ«iʁÊÀiiÊ7>ÌiÀÊ-ÕÀv>Viʂʭ7-®]Ê
contrôlées de polluants organiques en dioxyde de carbone
où l’eau s’écoule en surface. Ce sont des canaux peu
et en méthane, ce dernier pouvant être utilisé comme source
profonds ou des bassins à surface libre avec une végétation
d’énergie (pas d’illustration dans la présente étude).
qui émerge. Les deux macrophytes aquatiques flottantes
Le lagunage est actuellement considéré comme une méthode couramment utilisées sont la jacinthe d’eau et les lentilles
de premier choix pour le traitement des eaux usées dans d’eau. La faible profondeur, la faible vitesse d’écoulement,
les régions chaudes (Moyen-Orient, Afrique, Asie). Cette et la présence de tiges de plantes et de litière régulent le
technologie est recommandée au Maroc (Pays 2) et en Tunisie débit d’eau. Le traitement est efficace lorsque le flux d’eau
pour les villes entre 2 000 et 5 000 habitants. passe lentement entre les tiges et les racines des végétaux.
Les principaux inconvénients de ces systèmes de lagunes
sont :
UÊÊ՘iÊ ViÀÌ>ˆ˜iÊ Àˆ}ˆ`ˆÌjÊ `>˜ÃÊ ½iÝ«œˆÌ>̈œ˜]Ê i˜Ê «>À̈VՏˆiÀÊ i˜Ê
ce qui concerne les débits, et les variations saisonnières
(risques de surcharge) ;
UÊÊ>ÊÃi˜ÃˆLˆˆÌjÊDʏ½jÛ>«œÀ>̈œ˜]Êi˜Ê«>À̈VՏˆiÀÊ«œÕÀʏiÃÊ✘iÃÊ
sèches et venteuses (Projet 2) ; Surface flow constructed wetlands Subsurface flow constructed wetlands
UÊÊ>Ê Ãi˜ÃˆLˆˆÌjÊ DÊ >Ê ÌÕÀLˆ`ˆÌjÊ `iÊ ½i>ÕÊ «ÀœÛœµÕjiÊ «>ÀÊ iÊ
développement des plantes et d’algues ; FIGURE 13 : Deux systèmes de zones humides artificielles pour épurer les eaux usées - Schéma Ecofilae
UÊʽivwV>VˆÌjÊ ˆ“ˆÌjiÊ `ÕÊ ÃÞÃÌm“iÊ ÛˆÃ‡D‡ÛˆÃÊ `iÃÊ “>ÌjÀˆ>ÕÝÊ
toxiques (domestiques ou d’origine industrielle). Les odeurs et les moustiques sont une préoccupation majeure
de ces systèmes de zones humides. Les zones humides de
A Nairobi au Kenya, l’un des plus grands systèmes d’épuration
type FWS en particulier ne doivent pas être installées en zone
par lagunage d’Afrique traite par temps sec un débit de
à paludisme.
80 000 m3/jour (capacité maximale de 240 000 m3/jour).

20
paRtie 2 -
RappoRt ecofilae

Les zones humides artificielles peuvent être mises en place contamination microbienne des eaux souterraines. L’effluent est
en complément d’autres traitements. Elles peuvent être pompé dans un bassin qui alterne mise en eau et retrait d’eau.
combinées avec d’autres unités de traitement à faible niveau Les eaux usées s’infiltrent à travers une couche de colmatage en
de technicité, ou intervenir comme un traitement tertiaire après surface, puis une zone non saturée avant d’atteindre l’aquifère
des boues activées ou du lagunage. (zone saturée) (Valentina Lazarova 2004).
La diffusion de cette technologie dans les pays en L’efficacité de ce système varie considérablement selon
développement est lente, malgré les conditions climatiques le type de sol et le taux de charge. Le temps de résilience
favorables. La conception de tels systèmes adaptés aux hydraulique varie de quelques mois à un an. L’eau récupérée
caractéristiques des zones tropicales et subtropicales doit peut ensuite être utilisée pour l’irrigation sans restriction.
encore faire l’objet de développement. Ce procédé a
Ce procédé est mis en œuvre en fin de traitement à Korba en
néanmoins été testé et mis en œuvre en Inde à Kothapally
Tunisie (Projet 8) et dans le projet NGEST dans la bande de
village (Telengana) (ICID 2015) sur des systèmes FWS pour
Gaza (Projet 9).
identifier des plantes efficaces et évaluer les performances de
traitement. Les EUT sont utilisées pour irriguer 1 ha de cultures.
le stockage
Typha Le stockage est une étape essentielle et importante pour
(Thypha latifolia) égaliser les pics et combler les périodes, puisque la
demande en eau d’irrigation est variable et principalement
située en saison sèche, alors que l’offre en eaux usées est
globalement continue dans le temps (Asano 2008).
En Tunisie l’un des principaux freins de la REUT a été la
Water hyacinth nécessité de mettre en place des systèmes de stockage pour
(Eichhornia crassipes)
tamponner le décalage temporel entre la demande en eau
d’irrigation et la disponibilité des eaux usées traitées (Asano
2008).
Water lettuce
(Pistia stratiotes) Deux types de stockage se distinguent :
FIGURE 14 : FWS testés à Kothapally village (Inde) – Data et al. (2015) ICID 2015 UÊÊle stockage court terme (temps de résidence de l’ordre de
quelques jours à quelques semaines). Ce sont des systèmes
de bassins ouverts ou fermés. Ils sont utilisés pour des
petits périmètres irrigués et pour des petits volumes. Une
chloration résiduelle doit souvent être appliquée entre le
Les filtres à sable intermittents sont utilisés depuis très
stockage et la distribution ;
longtemps dans la région méditerranéenne comme un
UÊÊLe stockage long terme (stockage saisonnier pendant
procédé de traitement des eaux usées à faible coût et à faible
la saison humide pour subvenir à une forte demande en
besoin énergétique. Cette technologie est souvent utilisée
irrigation en saison sèche). Des réservoirs de stockage
comme étape tertiaire ou étape de désinfection, après un
de surface peuvent être mis en place. Le stockage à long
traitement conventionnel (bassins anaérobies).
terme peut également être réalisé dans les aquifères, pour
Les systèmes de filtres à sable intermittents sont composés assurer un approvisionnement en eau fiable, améliorer la
de lits de matériaux granulaires, ou de sable, drainés par le qualité de l’eau. Il requiert alors de limiter et de contrôler
dessous (infiltration et percolation). Ce système aérobie est les contaminations des eaux souterraines.
basé sur le principe de cycles d’inondation et de séchage des
Les lagunes de maturation utilisées comme une étape de
bassins d’infiltration. Ils retiennent des taux élevés de virus et
désinfection peuvent également être utilisés pour le stockage
d’œufs d’helminthes. Le niveau de désinfection des effluents
des eaux usées traitées.
secondaires dépend principalement du niveau de saturation
et des taux de conductivité hydraulique (Choukr’Allah 2010). Les systèmes de stockage et de distribution doivent tenir
compte de l’évolution de la qualité de l’eau souvent sous-
Ce système est recommandé pour les petites stations comme
estimée. La qualité de l’eau peut en effet être détériorée ou
traitement tertiaire ou de désinfection. Il requiert moins
améliorée sous l’effet du stockage et de la distribution entre la
d’espace que les lagunes de maturation ou qu’un traitement
source de production et les points d’usage. Ces deux étapes
sol-aquifère. Cette technique est simple en exploitation et
doivent donc être considérées comme des processus de
exige de faibles coûts d’investissement et d’exploitation
recontamination ou d’abattement potentielle et être anticipées
(Valentina Lazarova 2004).
lors du dimensionnement des systèmes de traitement (Valentina
Ces procédés de traitement ont été mis en œuvre en Lybie Lazarova 2004). Les mécanismes qui impactent la qualité de
(Projet 12). l’eau dans les réservoirs de stockage sont similaires à ceux
mis en jeu dans les systèmes de lagunage. Des réservoirs
profonds avec une petite surface sont recommandés (raisons
A la différence d’une réinjection directe dans l’aquifère le économiques), néanmoins l’élimination des polluants est
traitement sol-aquifère ou « Soil Aquifer treatment (SAT) » meilleure dans la couche supérieure d’eau où les températures
met en œuvre un bassin de surface d’infiltration qui peut sont plus élevées. S’il n’est pas possible de recourir à une
assurer le traitement d’effluents de qualité médiocre, et évite la chloration après le stockage, il est alors nécessaire de rincer

21
paRtie 2 -
RappoRt ecofilae

l’ensemble du système de distribution et le réseau d’irrigation Les cas de Korba (Projet 8) et de Faisalabad (Projet 2) illustrent
avant utilisation pour limiter la croissance de biofilms et la des cas où les technologies de traitement choisies initialement
dégradation induite sur la qualité de l’eau ne se sont pas révélées suffisantes et adaptées pour les
usages envisagés. A Korba les EUT sont donc infiltrées avant
Les EUT d’As-Samra en Jordanie sont transférées dans le
pompage et réutilisation par les agriculteurs.
Réservoir King Talal où elles se mélangent avec des eaux douces
(stockage long terme et amélioration de la qualité des EUT). La sélection et la combinaison des technologies doivent
être spécifiques au site, résulter de l’étude de différentes
alternatives, être rentables, et être adaptées aux conditions
quels sont les systèmes d’épuRation locales (type d’eaux usées, conditions climatique,
adaptés à la Réutilisation des eaux usées économiques, techniques et organisationnelles). Des solutions
standards de technologies de traitement ne peuvent pas
facilement être appliquées.
Les études de cas mettent en évidence à la fois la nécessité Plus les coûts financiers sont bas, plus la technologie est
et l’intérêt croissant pour des systèmes de traitement à faible attrayante. Cependant, même une option à faible coût peut
coût et à faible besoin d’entretien tels que les système ne pas être financièrement viable : la durabilité économique
de lagunage, les zones humides, la filtration sur sable et est déterminée par la disponibilité réelle des fonds pour
l’infiltration vers les aquifères. couvrir à minima les coûts d’exploitation et de maintenance.
Le lagunage et les bassins aérés sont très répandus dans L’objectif ultime devrait être le recouvrement des coûts
les pays tels que la Jordanie, la Tunisie et le Maroc (Asano totaux, bien que, dans un premier temps, des montages
2008). Il y a cependant une tendance très marquée pour les financiers particuliers tels que des subventions croisées et des
technologies de traitement intensif dans les grandes zones programmes d’investissement séquentiels soient nécessaires
urbaines (par exemple à Marrakech avec un procédé de (Choukr’Allah 2010).
boues activées dans le projet de réutilisation pour l’irrigation Evidemment, les projets de REUT requièrent non seulement un
de palmiers et l’arrosage des espaces verts). Le système de traitement approprié, mais également, en amont, un système
lagunage intègre parfois une zone humide de type Free de collecte des eaux usées efficace et bien entretenu.
Water Surface, fournissant à la fois un temps de rétention
identique à ceux des bassins de maturation de taille similaire
tout en limitant le développement d’algues, sources de
peRspectives pouR
colmatage des réseaux (Barcelo 2010). L’infiltration vers les
des développements futuRs
sols et aquifères peut également être utilisée comme traitement
tertiaire après des lagunes (Projet 8), ou après un traitement
Les schémas types de réutilisation dans les zones périurbaines
secondaire classique (par exemple boues activée (Projet 9).
sont souvent des systèmes urbains centralisés mis en œuvre
Dans le sud de la Méditerranée, les options de traitement à sur de vastes superficies.
faible coût (zones humides, lagunes, filtres à sable ou infiltra-
Des développements de systèmes décentralisés
tion) sont parfois peu performantes en termes de coûts et d’ef-
d’assainissement et de REUT associée (petite échelle
ficacité. En effet ces technologies low tech et extensives sont
locale) seraient pertinents en zones rurales et péri-urbaines
sans risques pour la réutilisation de l’eau, si et seulement si
(par exemple la réutilisation des eaux grises au niveau des
elles sont correctement conçues et exploitées. Le choix d’une
ménages pour l’irrigation de jardin) mais également dans des
technologie doit être fait au regard des conditions locales : la
contextes urbains en croissance rapide où l’installation de
disponibilité des terres (les lagunes mobilisent plus d’espace
collecte centralisée et d’infrastructures de traitement ne sont
que les filtres à sable), la disponibilité des matériaux et res-
pas rentables (CGIAR 2012).
sources (disponibilité en sable pour les filtres), etc.
En Égypte, des systèmes décentralisés de traitement et
Les systèmes d’épuration à haute performance et à haut niveau
de réutilisation à faibles coûts sont nécessaires dans les
de technicité ne peuvent pas être considérés comme une unique
zones rurales éloignées où il n’y a pas de planification de
solution dans les pays en développement. Ils sont intensifs en
développement d’infrastructures de traitement centralisées.
capitaux et requièrent de nombreux opérateurs spécialisés.
A Gaza, les infrastructures centralisées d’assainissement des
La qualité des eaux traitées, et donc les systèmes de
villes sont déficientes : des unités à l’échelle des foyers et à
traitement, doivent être adaptés aux usages envisagés en
bas coût ont été mises en place par des ONG.
aval (cultures irriguées, aquaculture, recharge des nappes,
etc.). Dans le contexte actuel de croissance du marché de la Ainsi, davantage de travaux de recherche et de développement
REUT le choix des technologies de traitement est essentiel : la devraient cibler :
technologie doit permettre d’assurer la rentabilité économique UÊʏiÊ`jÛiœ««i“i˜ÌÊ`iÊÌiV ˜œœ}ˆiÃÊ`iÊÌÀ>ˆÌi“i˜ÌÊ>ÌiÀ˜>̈ÛiÃÊ
du projet et être adaptée (combinaison de technologies, robustes, moins consommatrices d’énergie (Sanghi 2013) ;
dimensionnement) aux usages envisagés. Les solutions à UÊʏ>Ê«ÀˆÃiÊ`iÊVœ˜ÃVˆi˜ViÊ«>ÀʏiÃÊ`jVˆ`iÕÀÃÊ`iʏ>ʏ>À}iÊ}>““iÊ
haute et basse technicité sont toutes pertinentes dans cette de technologies de traitement existantes et disponibles qui
approche, et plusieurs filières parallèles pour plusieurs pourraient convenir à leurs besoins ;
points finaux peuvent être appropriés pour du multi-usages UÊʏiÊ `jÛiœ««i“i˜ÌÊ `iÊ ÌiV ˜œœ}ˆiÃÊ `iÊ ÌÀ>ˆÌi“i˜ÌÃÊ iÌÊ `iÊ
(CGIAR 2012) (Projet 2). réutilisation décentralisées et à faible coût (échelle des
foyers et des bâtiments).

22
paRtie 2 -
RappoRt ecofilae

chapitRe 3

comme scénario de référence - afin de mieux caractériser les


intRoduction
Les ressources en eau et en énergie mais également les impacts des eaux usées traitées sur ces compartiments. Cette
systèmes agronomiques irrigués (sols et cultures) sont en approche s’inspire des méthodologies et des outils d’aide
interrelation : à la décision décrits dans le Chapitre 5 (Analyse Coûts/
UÊʽi>ÕÊ iÌÊ ½j˜iÀ}ˆiÊ Ãœ˜ÌÊ “ÕÌÕii“i˜ÌÊ `j«i˜`>˜ÌiÃÊ \Ê iÃÊ Bénéfices et Analyse du Cycle de Vie).
infrastructures en eau sont très consommatrices en énergie
(traitements et transferts) alors que les ressources en eau
sont dans de nombreux pays mobilisées pour la production les inteRRelations entRe Réutilisation des
d’énergie (barrages hydroélectriques) ; eaux usées et éneRgie
UÊÊiÃÊ ÃÞÃÌm“iÃÊ ˆÀÀˆ}ÕjÃÊ Vœ˜Ãœ““i˜ÌÊ `iÃÊ ÀiÃÜÕÀViÃÊ i˜Ê i>ÕÊ
et participent à leur appauvrissement en termes quantitatif L’agriculture périurbaine se développe dans de nombreux
et qualitatif ; les sols et les cultures peuvent en retour être pays en développement. Dans ces zones où les ressources
affectés par la qualité des eaux d’irrigation ; conventionnelles sont souvent déjà surexploitées ou
UÊʽj˜iÀ}ˆiÊ iÃÌÊ ˜jViÃÃ>ˆÀiÊ «œÕÀÊ >Ê «Àœ`ÕV̈œ˜Ê >}ÀˆVœiÊ polluées de nouvelles ressources doivent être identifiées.
(travail du sol, production d’engrais, etc.), ainsi que Des investissements lourds et des coûts énergétiques
pour l’irrigation (pompage). La production agricole est élevés sont requis pour acheminer de nouvelles ressources
également une source d’énergie, autant sous la forme de conventionnelles (eaux douces de surface ou souterraine)
cultures alimentaires que de cultures biomasse-énergie. supplémentaires dans les zones de production agricole. Les
eaux usées (traitées ou non) produites localement sont vues
Les eaux usées, qu’elles soient réutilisées ou non, traitées ou comme une ressource locale précieuse et à haute valeur pour
non, font aussi partie de ce nexus. l’agriculture. La réutilisation des eaux usées et la production
Les eaux usées non traitées, rejetées au milieu ou réutilisées, agricole à proximité des villes et des consommateurs permet
peuvent impacter négativement et de manière importante les de réduire à la fois le transport (eau et produits agricoles) et
ressources en eau et les sols, mais elles permettent également les coûts en énergie (concept d’économie circulaire).
de réaliser des économies d’énergie (traitement et production L’efficacité énergétique est un facteur clé de la durabilité
de fertilisant évités - voir Chapitre 1). des projets de réutilisation des eaux usées dans les pays en
D’un autre côté, les territoires trouvent dans le traitement de ces développement. Les coûts d’électricité et d’énergie y sont
eaux usées le moyen de disposer d’une ressource de bonne généralement élevés, avec un service de fourniture d’électricité
qualité qui peut être utilisée pour restaurer les masses d’eau pas toujours fiable.
ou pour irriguer en toute sécurité. Néanmoins, les étapes de Mais la réutilisation des eaux usées est également considérée
traitement et de pompage ajoutent des coûts énergétiques comme un moyen de récupérer de l’énergie, elle permet en
élevés (voir Chapitre 2). effet de maximiser l’efficience des nutriments (Chapitres 1 et 2).
Certains procédés de traitement des eaux usées permettent
WATER BODIES
de produire de l’énergie (production de biogaz lors de la
digestion anaérobie et processus de méthanisation).
Ces interactions entre réutilisation des eaux usées et de
ENERGY l’énergie sont présentées dans la Figure 16.

Wastewater conventionnel des eaux usées sans réutilisation


SOILS / CROPS
conventionnelles

FIGURE 15 : Nexus eaux usées, sols, ressources en eau et énergie - Schéma Ecofilae
La plupart des systèmes de traitement des eaux usées dans
Les décideurs doivent tenir compte de ces impacts le monde exigent une consommation énergique élevée,
environnementaux, énergétiques, économiques et tout particulièrement lorsqu’il s’agit de faire fonctionner des
agronomiques lors de la conception de leurs filières de systèmes de traitement avancés qui utilisent des membranes
réutilisation des eaux usées. Plusieurs outils d’évaluation (Ahmed 2010). On estime que plus de 5% de l’électricité
existent, ils sont décrits dans le Chapitre 5. mondiale est utilisée pour traiter les eaux usées (Deslauriers
2004). Les coûts énergétiques peuvent représenter jusqu’à
Le présent chapitre traite des interactions spécifiques entre la 30% des coûts totaux de fonctionnement et d’entretien des
réutilisation des eaux usées et les différents compartiments stations d’épuration et une hausse de ce chiffre est prévue
(ressources en eau, sols, plantes et énergie) (Figure 15). dans les prochaines décennies (Carns 2005).
L’approche développée consiste en une comparaison de
scénarii – avec et sans réutilisation, ce dernier étant considéré

23
paRtie 2 -
RappoRt ecofilae

FIGURE 16 : Interactions entre réutilisation des eaux usées et énergie - Schéma Ecofilae

Avoided energy consumption Water resources pumping Fertilizers production

Energy consumption Treatment and pumping Water resources pumping Irrigation pumping
Soil and agricultural work

Energy production Biogas production Hydroelectric energy Energy crops

Water ressource

Dilution

Collection Transport Treatment (+ Disinfection) Storage Transport


Irrigation system

Urban area Developing country Peri-urban irrigated agriculture

Untreated Wastewater Treated Wastewater

Les principaux facteurs déterminant la consommation


d’énergie pour le traitement sont la taille de l’usine (capacité Le pompage des eaux usées, depuis leur collecte jusqu’au rejet
de traitement), et les technologies mobilisées. En général, dans l’environnement après traitement est très consommateur
plus les niveaux de traitement sont élevés plus les coûts en énergie.
énergétiques le sont. La consommation énergétique a
L’approvisionnement en eau des systèmes irrigués à
également un coût en termes d’émissions de gaz à effets de
partir de ressources en eau conventionnelles consomme
serre, et les impacts globaux des industries de traitement des
souvent beaucoup d’énergie du fait de la distance entre
eaux usées sont considérables. Le coût des émissions de gaz
l’eau disponible et les zones irriguées (sauf si écoulement
à effet de serre liées à l’énergie utilisée dans le traitement des
gravitaire) : des pompages dans les ressources souterraines
eaux usées est de 0,02 €/m3 en Israël, valeur obtenue en
profondes ou des transferts d’eau sur de longues distances
multipliant la valeur de l’externalité (prix du carbone)/kWh
peuvent être nécessaires.
par la consommation de kWh/m3 (Condom 2012).

Le recours aux engrais date du début des années 1900


dans l’agriculture occidentale et leur utilisation continue de
La digestion anaérobie des eaux usées dans les procédés
croître à un rythme soutenu dans les pays en développement.
à boues activées permet la production de biogaz. Les gaz
La production d’engrais est très consommatrice en énergie
CH4 et N2O sont émis lors de la dégradation des boues
(par exemple la production d’engrais azotés à partir de gaz
organiques par des bactéries anaérobies. Aux États-Unis, il
naturel, source d’énergie principale pour la fabrication de
est estimé que ces émissions atteignaient 15,5 Tg de C02-eq
l’ammoniac anhydre) et compte dans les consommations
pour le CH4 (2000) et 32 Tg de C02-eq pour le N2O
d’énergie indirectes d’une exploitation agricole.
(2006). Ces chiffres représentent environ 0,7% des émissions
totales de gaz à effet de serre des États-Unis (USEPA 2008).
Cette source d’énergie renouvelable peut être valorisée de
pour une réutilisation agricole des eaux traitées
la même manière que les gaz fossiles naturels. La production
Dans les filières de réutilisation des eaux usées, les deux
de biogaz est impossible avec les technologies de traitement
principaux postes de consommation en énergie sont le
extensives (lagunes).
traitement des eaux usées et leur transport (de leur collecte
En Algérie la station d’épuration de Barakis a une capacité jusqu’à leur utilisation finale au champ).
de 900 000 EH. Un procédé de boues activées a été mis en
œuvre. 2 200 m3 de biogaz sont produits chaque jour par
des digesteurs anaérobies. Le biogaz est ensuite partiellement Un traitement complémentaire qui augmente la consommation
utilisé pour faire fonctionner les chaudières de l’usine. Les eaux totale d’énergie pour la phase de traitement est souvent
usées traitées sont ensuite déversées dans le barrage de Douera nécessaire pour la REUT : des procédés d’aération, de
avant d’être indirectement réutilisées à plusieurs fins, y compris filtration et de désinfection.
l’irrigation de la plaine de la Mitidja (Zemmouri 2011).
Les procédés de traitement anaérobies tels que les lagunes

24
paRtie 2 -
RappoRt ecofilae

anaérobie ne nécessitent pas d’oxygène, ils consomment salinité, risque limité d’impacts sanitaires, etc.).
globalement moins d’énergie.
En Égypte par exemple, plusieurs projets à travers le pays
Les technologies de désinfection par UV largement répandues consistent à réutiliser des eaux usées traitées pour irriguer des
dans les pays développés sont rarement utilisées dans les plantations d’arbres dont la biomasse est utilisée à des fins
pays en développement. Elles ajoutent des coûts élevés énergétiques.
d’énergie, reposent sur la fiabilité de l’approvisionnement en
énergie, sur la fourniture de lampes de secours, etc. On note conclusion
le développement d’unité solaire autonome de traitement de Comparée à l’importation de nouvelles ressources ou même
désinfection UV. encore à la désalinisation d’eau de mer la REUT est une filière
moins consommatrice en énergie.
Le choix de la qualité de l’eau, et donc le niveau de
traitement de l’eau, qui doivent être adaptées à l’usage final Les technologies de traitement à faible coût, à faible
de l’eau et aux règlementations en vigueur, doivent permettre consommation d’énergie et qui préservent les nutriments,
un ajustement et une optimisation des consommations tout comme la proximité entre sources et usages de ces
énergétiques liées au traitement. eaux, tendent à réduire la consommation en énergie.
Les alternatives de traitement qui permettent de réduire les Il serait pertinent de conduire sur des sites spécifiques des
consommations énergétiques sont essentielles pour l’avenir. bilans d’énergie (analyse monocritère en mettant l’accent
Les traitements naturels via des zones humides, la recharge sur l’énergie) et des méthodologies Analyse du Cycle de Vie
contrôlée des aquifères ou des lagunes ont globalement une (analyse multicritères, y compris l’équilibre énergétique) pour
empreinte énergétique réduite. obtenir une meilleure vue d’ensemble de toutes les interactions
entre énergie et réutilisation des eaux usées (voir Chapitre 5).
L’évaluation complète des coûts énergétiques des technologies
Un indicateur de l‘empreinte énergétique de la filière de
de traitement doit être effectuée spécifiquement pour le site
réutilisation des eaux usées pourrait alors être exprimé en
considéré sur la base des tarifs locaux d’électricité.
kWh/m3 irrigué ou kWh/m3 irrigué x prix du Kwh ou kWh/
ha irrigué.
La réutilisation des eaux usées se fait généralement localement.
Les coûts énergétiques pour le transport sont réduits, mais
doivent néanmoins être correctement évalués en tenant les impacts de la Réutilisation
compte des facteurs suivant : suR les RessouRces en eau
UÊÊiÃÊ `ˆÃÌ>˜ViÃÊ iÌÊ iÃÊ jjÛ>̈œ˜ÃÊ i˜ÌÀiÊ iÃÊ ÃœÕÀViÃÊ `½i>ÕÝÊ
usées brutes et la station d’épuration, et entre la station Les eaux usées traitées (mais aussi, non traitées) sont
d’épuration et la zone irriguée ; considérées comme une ressource additionnelle d’eau
UÊÊiÃÊ ÌiV ˜ˆµÕiÃÊ `½ˆÀÀˆ}>̈œ˜Ê ṎˆÃjiÃÊ \Ê iÃÊ ÃÞÃÌm“iÃÊ >ÕÌiÊ essentielle et précieuse dans des contextes de déficit
pression tels que l’irrigation par aspersion, sont de plus hydrique et de dégradation quantitative et qualitative des
gros consommateurs en énergie que le goutte à goutte ou ressources en eaux superficielles et souterraines qui constituent
l’irrigation à la raie. deux des principaux moteurs de la REUT dans les pays en
développement.
En Israël, l’énergie nécessaire pour le transport des eaux
usées traitées réutilisées pour l’irrigation a été estimée à Dans la Figure 17, différents scénarii mettant en jeu les eaux
0,5 kWh/m3 (Condom 2012). usées et l’irrigation (avec et sans réutilisation) et les liens avec
les ressources (de surface et souterraines) sont présentés.

L’OMS a estimé en 2006 que la valorisation des nutriments les ressources en eau conventionnelles
de toutes les eaux usées produites dans le monde conduirait La REUT en agriculture permet de préserver et de réduire
à des gains de l’ordre de 33% en engrais azotés et de 22% les pressions sur les ressources locales de surface et sur
en engrais phosphatés (WHO 2006). les aquifères associés, conventionnellement utilisés pour
l’irrigation. Ces ressources disponibles peuvent alors être
L’incapacité à récupérer la matière organique et les nutriments mieux (ou autrement) valorisées, par exemple à des fins de
des eaux usées est une énorme perte de ressources qui au lieu préservation de l’environnement. Dans de nombreuses villes
d’être utilisées en agriculture viennent polluer les rivières (Volkman côtières, les aquifères sous-jacents sont souvent menacés
2003). Fermer la boucle des nutriments et de la matière par des risques élevés de salinité (intrusions marines ou
organique en les valorisant à la source (eaux usées brutes ou surexploitation).
séparation lors du traitement) donne un sens à l‘approche de
gestion durable des eaux usées, ressources précieuses. Dans le delta du Mékong au Vietnam la salinité des eaux
augmente (intrusion saline), conséquence du changement
Les procédés de traitement anaérobies ont été mis au point car climatique. En 2012, 1,7 millions d’hectares (42% de la
ils permettent justement une meilleure préservation de l’azote surface) étaient affectés par le sel. La réutilisation des eaux
biologique et de phosphore dans les eaux usées traitées. usées dans le secteur agricole est considérée comme une
mesure d’adaptation qui répond à la pénurie d’eau causée
par le changement climatique et aux intrusions salines
Les cultures non alimentaires mais à vocation énergétique résultant de l’élévation du niveau de la mer. Les eaux usées
sont parfaitement adaptées à la réutilisation (tolérance à la

25
paRtie 2 -
RappoRt ecofilae

FIGURE 17 : Les interactions entre réutilisation des eaux usées et ressources en eau - Schéma Ecofilae

IRRIGATION Surface and


REFERENCE SCENARIO groundwater
ressources

WASTEWATER
REFERENCE SCENARIOS
Untreated wastewater

Discharge of untreated wastewater Direct Reuse


Drainage water
Indirect Reuse

Indirect Reuse
Urban area Discharge of treated wastewater Peri-urban agriculture

Treated wastewater Direct Reuse

des systèmes aquacoles sont même réutilisées pour l’irrigation Jabaliya vise à réduire les risques et l’exposition grâce à de
du riz dans certains districts (Thi Trinh 2013). meilleurs traitements et des bassins d’infiltration.
A Settat au Maroc (Projet 4) l’un des objectifs du projet est de
le rejet des eaux usées traitées et la potentielle
préserver les ressources en eau souterraines qui ont longtemps
réutilisation indirecte
été surexploitées pour des usages agricoles.
Les eaux usées traitées peuvent également être utilisées
Dans d’autres endroits, les ressources conventionnelles peuvent directement pour des objectifs de préservation de l’environne-
être de qualité inférieure à celle des eaux usées traitées. ment ou énergétiques tels que la recharge des ressources de
surface ou des eaux souterraines.
A Bogota en Colombie (Projet 11), les eaux usées traitées
et la potentielle réutilisation indirecte
sont utilisées pour maintenir un débit suffisant dans la rivière
Les eaux usées domestiques brutes ont longtemps été (et
Bogota. L’énergie potentielle de l’eau est valorisée par des
sont encore dans de nombreuses villes) déversées dans les
centrales hydroélectriques en aval assurant une part essentielle
émissaires de la ville, dans des drains ouverts ou des canaux,
de production énergétique du pays.
avant d’atteindre les masses d’eaux naturelles. De telles
pratiques ont conduit à des catastrophes environnementales. À Delhi en Inde (Projet 6), les eaux usées traitées de la station
d’Okhla sont partiellement rejetée dans la rivière Yamuna (par
A Accra au Ghana (Projet 1) la rivière Odaw est le réceptacle
le canal d’Agra), ce qui permet d’en améliorer la qualité.
de nombreux exutoires urbains, y compris les eaux usées
domestiques non traitées. Ce désastre environnemental a Les aquifères surexploités peuvent ainsi être rechargés avec
conduit à la contamination des lagunes de Korle en aval. Les des eaux usées traitées en utilisant des bassins d’infiltration
agriculteurs ont utilisé pendant des années et dans plusieurs ou par des techniques de recharge directe. Dans ces cas,
localités périurbaines cette ressource hautement contaminée les eaux usées sont souvent utilisées pour limiter l’impact des
d’un côté, mais également très riche en éléments nutritifs intrusions d’eau de mer.
(directement ou après dilution avec des ressources naturelles).
A Korba en Tunisie (Projet 8), les eaux usées traitées sont
La pollution des eaux de surface ou des eaux souterraines utilisées pour recharger un lagon naturel et une ressource
et les risques associés de contamination humaine constituent souterraine, et de ce fait limiter les remontées du biseau
les principaux moteurs des projets de traitement des eaux salin. Elles sont également réutilisées par les agriculteurs
usées. La réutilisation des eaux usées à des fins agricoles ou indirectement par pompage dans la ressource souterraine.
environnementales est maintenant de plus en plus intégrée
Dans la bande nord de Gaza en Palestine (Pays 5), les eaux
aux nouveaux projets d’épuration des eaux usées, dans le
souterraines sont menacées par la surexploitation et par les
cadre de la gestion intégrée des ressources en eau.
intrusions marines. L’eau souterraine est rechargée avec des
Dans le cas de la station de Beit Lahia en Palestine (Projet 9), eaux usées faiblement traitées par des bassins d’infiltration
les eaux usées faiblement traitées s’infiltraient dans les ressources (Projet 9). La nouvelle station d’épuration de Jabalya et ses
souterraines, avec un très fort risque de contamination sanitaire nouveaux bassins d’infiltration permettra d’améliorer la qualité
en cas de prélèvement. La nouvelle station d’épuration de et d’augmenter la quantité des eaux usées traitées déversées.

26
paRtie 2 -
RappoRt ecofilae

Ainsi, davantage d’eau pourra être pompée et réutilisée a) Impacts du sel sur la fertilité des sols
indirectement pour l’agriculture. L’irrigation avec de l’eau chargée en sels monovalents (Na+
et K+) peut dégrader la structure du sol et rendre infertiles des
les eaux de drainage terres arables en réduisant les taux d’infiltration et en élevant la
Les eaux usées, qu’elles soient traitées ou non, réutilisées en sodicité ou le taux de potassium échangeable. La salinisation
agriculture peuvent percoler vers les eaux souterraines et/ des sols et le risque de sodisation dépendent des propriétés
ou être drainées hors des champs. Les drainages de surface intrinsèques du sol (texture, structure, profondeur, teneur en
et souterrain acheminent ces eaux en dehors de la zone matière organique, etc.), de l’eau d’irrigation (composition,
agricole. quantité et fréquence d’application), mais également des
conditions climatiques (les climats secs à forte évaporation
La qualité des eaux de drainage dépend de la qualité de
concentrent les sels dans le sol) et des pratiques culturales.
l’eau d’irrigation, des pratiques agricoles, mais aussi de la
capacité du sol à faire percoler et à agir sur la rétention Les sols sont généralement dits salins quand la conductivité
et la dégradation des différents polluants (organiques, électrique de l’eau extraite est supérieure à 4 dS/cm, et sont
mais également inorganiques). La salinité, les composants dits sodiques quand leur solution présente un SAR1 supérieur
microbiens et les teneurs résiduelles en pesticides peuvent à 13 ou la proportion de sodium dans la CEC2 est supérieure
alors être des problèmes majeurs. Les interactions entre les à 15% (Kallel 2012).
eaux de drainage et des eaux souterraines en termes de
b) Impacts directs du sel sur les cultures
salinité sont détaillées dans le paragraphe ci-dessous.
La salinité impacte directement les cultures de manière
L’eau de drainage recueillie est généralement de plus différenciée selon :
forte teneur en sels que l’eau d’irrigation appliquée, une UÊʏ>ÊV>«>VˆÌjÊ`iÃÊVՏÌÕÀiÃÊDÊiÝÌÀ>ˆÀiʏ½i>ÕÊ`iÃÊ܏ÃÊ`>˜ÃÊ`iÃÊ
élimination adaptée (ou une réutilisation adaptée) est alors milieux à salinité et à pressions osmotiques élevées ;
souvent nécessaire. UÊÊiÃÊ ˜ˆÛi>ÕÝÊ `iÊ ÌœjÀ>˜ViÊ `iÃÊ VՏÌÕÀiÃÊ DÊ ½>VVՓՏ>̈œ˜Ê
ionique (les principaux ions toxiques sont le bore, le sodium
En Égypte (Pays 4), les eaux usées traitées et les eaux non
et le chlorure) ;
traitées sont déversées dans le Nil et dans les canaux de
UÊÊiÃʓjÌ œ`iÃÊ`½ˆÀÀˆ}>̈œ˜ÊiÌÊ`½>««œÀÌÊ`iʏ½i>Õ°
drainage du Delta. Les eaux de drainage sont aussi recueillies
dans ces canaux de drainage. L’eau est ensuite indirectement Les dégâts au niveau des feuilles (brûlures ou absorptions
réutilisée pour les productions agricoles. D’une manière foliaires de sel) peuvent se produire, surtout si le temps est
générale, plus on va vers l’aval et plus les productions chaud et sec, en cas d’irrigation par aspersion. L’irrigation de
agricoles sont adaptées pour être tolérantes à la salinité. nuit est alors recommandée.
Les plantes sont plus sensibles à la salinité dans la zone
racinaire. Les valeurs seuils généralement considérées pour
la salinité des eaux usées tRaitées : l’eau d’irrigation sont environ 0,7 dS/m (450 g/L) pour
impacts et solutions de gestion les cultures sensibles aux sels, 1,8 dS/m (1150 g/L) à 4,0
dS/m (2600 g/L) pour celles modérément tolérantes, et 6,5
dS/m (4200 g/L) pour les plantes tolérantes aux sels. Le
Les eaux usées peuvent potentiellement avoir des impacts choix des espèces cultivées devraient donc être raisonné
négatifs sur les sols, les cultures et l’environnement proche. après évaluation de la qualité de l’eau, avec une attention
Selon leur origine et selon le niveau de traitement les eaux particulière sur les paramètres de salinité (pics, variations et
usées peuvent encore contenir des concentrations élevées valeurs moyennes).
d’une large gamme d’agents pathogènes et de composés
chimiques (polluants). Les composées chimiques préoccupant La tolérance des plantes à la salinité, la conséquente diminution
comprennent les sels, les métaux (en particulier dans le des rendements et les mécanismes associés sont bien connus
cas des rejets industriels), les résidus de micropolluants, et rapportés dans les lignes directrices de l’ouvrage Water
l’azote (principalement sous forme de nitrates), etc. Parmi reuse for irrigation: agriculture, landscapes, and turf grasses
tous ces produits chimiques, la salinité est l’un des facteurs de Lazarova et Bahri, publiées 2004 (Valentina Lazarova
les plus importants en termes d’effets agronomiques et 2004).
environnementaux indésirables. Si l’eau d’irrigation est saline, il est nécessaire d’en appliquer
d’avantage que le besoin en eaux des plantes pour
l’évapotranspiration, de sorte à ce que les sels soient lessivés
La salinité dans l’eau s’exprime en quantité de matières en profondeur et percolent en dessous de la zone racinaire.
dissoutes totales (ou résidus secs) (MDT en g/L) ou à travers La conductivité hydraulique du sol doit être suffisamment
la conductivité électrique (CE en dS/m ou mS/cm). Elle élevée pour permettre un lessivage suffisant. Ce paramètre
peut être mesurée soit directement dans l’eau, ou dans l’eau est un critère essentiel pour la réussite d’une irrigation avec
extraite d’un sol. Les principaux ions concernés sont le sodium, des eaux salées.
le potassium, le calcium et le chlorure.
Les sels réduisent la durée de vie utile du matériel d’irrigation,
impactent les sols, les cultures irriguées et l’environnement 1 - Le Coefficient d’absorption du sodium (SAR Sodium Absorption Ratio) est une mesure
proche, y compris les eaux souterraines sous-jacentes. de l’aptitude de l’eau pour l’irrigation, mais aussi de la sodicité de l’eau extraite du sol. La
formule est SAR = Na+/((Ca2++Mg2+)^(1/2))x(1/2).
2 - Le pourcentage de sodium échangeable est le pourcentage de Na+ du sol dans la
Capacité d’échange cationique (CEC).

27
paRtie 2 -
RappoRt ecofilae

Plus les conductivités électriques des eaux et plus la sensibilité Pour mieux comprendre et anticiper les flux de sels, des études
des sols et des cultures est forte, plus les besoins de locales au champ sur le sol et sa géochimie sont nécessaires.
lixiviation sont élevés (en termes de volume et de fréquences). Les relations entre eaux de drainage salinisées et eaux
Typiquement, un taux de lixiviation de 10% convient pour souterraines sont décrites dans le chapitre 8.3.1 du livre
la plupart des cas, ce qui abaisse le rendement d’irrigation Water reuse for irrigation: agriculture, landscapes, and turf
maximum de 90%. grasses de Lazarova et Bahari publié en 2004 (Valentina
Lazarova 2004), et ne sont pas davantage développées
c) Impacts sur les eaux souterraines
dans la présente étude.
Les impacts d’une irrigation à partir d’eau salée (et lixiviation
associée) peuvent être dommageables sur les ressources Les effets de la salinité sur les sols et les eaux souterraines sont
en eau souterraines. Il convient de mener avec vigilance la souvent visibles après quelques années, en fonction de la
lixiviation du sol cultivé : les sels se concentrent dans l’eau texture du sol, des propriétés chimiques et hydrauliques, mais
de lixiviation qui transite depuis la zone racinaire jusqu’à également de la profondeur des eaux souterraines. La FAO a
la nappe phréatique sous-jacente. Ce phénomène peut proposé des normes de qualité de l’eau pour l’irrigation qui
provoquer des remontées de nappe (recharge et capillarité considèrent la salinité et les taux de SAR (Tableau 3).
osmotique), engorger la surface du sol et au final créer des
croûtes de sels en surface (évaporation de surface). Le niveau
des eaux souterraines doit donc être suivi. Dans la ville de Sfax en Tunisie des tests ont été menés pour
évaluer les impacts d’eau usées traitées salines sur différents
De nombreuses populations ont ainsi du et doivent encore
types de sols (Kallel 2012) (Pays 1).
dans certaines régions du globe quitter des terres arables. Ce
phénomène reste toujours une menace pour de nombreuses Les eaux usées non traitées et traitées peuvent contenir des
zones irriguées dans le monde. niveaux élevés de sels. L’origine des sels peut être identifiée
parmi les producteurs d’eaux usées industrielles et dans des
Le drainage souterrain et le pompage des eaux souterraines
connexions des réseaux avec des eaux salées (par exemple
permettent de limiter la remontée des eaux souterraines et des
dans des zones côtières des infiltrations d’eaux salées
sels et d’exporter les eaux en dehors du périmètre irrigué.
souterraines dans le réseau de collecte des eaux usées). Une
Le pompage des eaux souterraines permet également de
gestion aussi prudente que pour les eaux conventionnelles
maintenir l’eau contaminée dans la partie supérieure de
d’irrigation salinisées doit être effectuée en amont de
l’aquifère. L’élimination des eaux usées et pompées peut en
l’installation des systèmes d’irrigation. La qualité des effluents
revanche poser un problème important suivant sa qualité et
doit être correctement caractérisée et évaluée avant utilisation.
sa teneur en sels.

TABLEAU 3 : Standards pour la qualité de l’eau d’irrigation pour les cultures - Lignes directrices de la FAO - FAO, 19981

DEGREE OF RESTRICTION ON IRRIGATION


POTENTIAL IRRIGATION PROBLEM UNITS
NONE Slight to Moderate SEVERE
Salinity (affects crop water availability)2

ECw dS/m <0.7 0.7 - 3.0 > 3.0


TDS mg/L < 450 450 - 2000 > 2000
Infiltration (affects infiltration rate of water into the soil, evaluate using ECw and SAR together)3
0-3 and ECw = > 0.7 0.7 - 0.2 < 0.2
3-6 > 1.2 1.2 -0.3 < 0.3
SAR 6-12 > 1.9 1.9 - 0.5 < 0.5
12-20 > 2.9 2.9 - 1.3 < 1.3
20-40 > 5.0 5.0 - 2.9 < 2.9
Specific Ion Toxicity (affects sensitive crops)
Sodium (NA)4
surface irrigation SAR <3 3-9 >9
sprinkler irrigation meq/l <3 >3
Chloride (CI) 4

surface irrigation meq/l <4 4 -10 >10


sprinkler irrigation meq/l <3 >3
Boron (B) mg/l <0.7 0.7-3.0 >3.0
Miscellaneous Effects (affects susceptible crops)
Nitrate (NO3-N) mg/L <5 5-30 >30
Bicabornate (HCO3) meq/L <1.5 1.5-8.5 >8.5
pH Normal Range 6.4 = 8.4
1 Adapted from FAO (1985)
2 ECW means electrical conductivity, a measure of the water salinity, reported in deciSiemens per meter at 25°C (dS/m) or in millimhos per centimeter (mmho/cm); both are equivalent.
3 SAR is the sodium adsorption ratio; at a given SAR, infiltration rate increases as water salinity increases.
4 For surface irrigation, most tree crops and woody plants are sensitive to sodium and chloride; most annual crops are not sensitive. With overhead sprinkler irrigation and low humidity (< 30 percent), sodium and chloride may be
absorbed through the leaves of sensitive crops.

28
paRtie 2 -
RappoRt ecofilae

A Ouagadougou au Burkina Faso (Projet 5), les sols irrigués Solutions


avec des eaux usées traitées sont affectés par la salinité. De nombreux projets de réutilisation des eaux usées (avec
un traitement plus ou moins poussé, voire sans traitement)
Les niveaux de salinité varient d’un effluent municipal à un
sont confrontés à des problèmes de salinité. Des solutions
autre, selon l’utilisation de l’eau dans les ménages, qui peut
(Figure 18) peuvent mises en œuvre à différents niveaux dans
varier entre 30 et 300 litres par personne et par jour dans les
la filière de réutilisation pour contrôler et limiter les impacts
pays en développement. Les ions responsables de la salinité
agronomiques et environnementaux.
(Na+, K+, Ca2+ et Cl-) sont considérés comme des polluants
non biodégradables et peuvent s’accumuler dans le sol,
surtout si les eaux usées contiennent des effluents industriels.
Dans certains cas, des concentrations élevées en chlorure sont
Les eaux usées domestiques urbaines doivent être protégées
le paramètre limitant le potentiel de réutilisation, la chloration
en détournant ou traitant séparément les effluents et les
étant une étape tertiaire de traitement avant la distribution.
saumures industrielles de mauvaise qualité. L’infiltration des
A Settat au Maroc (Projet 4), des niveaux élevés de salinité eaux saumâtres dans les égouts qui fuient (fait courant dans
des eaux usées traitées ont déjà été signalés. Le problème les villes côtières), l’utilisation d’adoucisseurs ou de produits
pourrait davantage s’aggraver si des eaux usées industrielles ménagers, principales sources de sels, doivent également
rejoignaient le réseau de collecte des eaux usées. être limitées.
Dans des conditions climatiques sèches une attention Au niveau de la station d’épuration de Lamzar à Agadir
particulière doit être accordée sur les sels (mais aussi sur les au Maroc, le rejet d’effluents issus de l’industrie du poisson
autres composants chimiques) dans tous les masses d’eau (conserverie) dans le réseau des eaux usées entraîne un
car l’évaporation favorise la concentration. Dans le cas de niveau élevé de salinité des eaux usées traitées réutilisées.
réutilisation des eaux usées, la concentration en sels peut
se produire pendant le traitement (notamment en cas de
traitement extensif comme le lagunage), pendant le stockage, Les systèmes de traitement doivent être adaptés à l’utilisation
et pendant la réutilisation et rester présente dans les sols, mais en aval (approche bottom-up).
aussi dans les eaux de drainage en fonction de la pluviométrie
Dans le district de Pikine à Dakar au Sénégal (Projet 7), les
et de l’efficacité de l’irrigation.
eaux usées brutes ont longtemps été réutilisées directement pour
Les eaux salées se concentrent dans les sols et sont souvent l’irrigation de cultures maraichères entrainant des problèmes
mal drainées : les niveaux de salinité dans les eaux de salinité du sol et des eaux souterraines. L’utilisation d’eaux
souterraines sous-jacentes à la parcelle irriguée peuvent ainsi usées traitées est prévue pour améliorer la situation.
être jusqu’à 5 fois plus élevés (pour une efficacité d’irrigation
Les traitements extensifs comme le lagunage ou les systèmes
de 80 %) que dans les eaux usées appliquées elles-mêmes.
de zones humides pourraient se révéler inadéquats en région
Une attention particulière doit donc être portée aux effets à
à climat sec où l’évaporation est élevée et conduit à des
long terme de l’irrigation avec des eaux usées (sols et eaux
concentrations de polluants et de sels. Ils doivent être conçus
souterraines). Les phénomènes de colmatage du sol dû à une
en conséquence avec des temps de séjour de l’eau courts.
teneur élevée en matières solides en suspension dans les eaux
usées et à une dégradation de la structure du sol peuvent A Faisalabad au Pakistan (Projet 2), les agriculteurs
également se produire. considèrent à raison les eaux usées traitées par le système
de lagunes trop salines pour l’irrigation. Ils préfèrent utiliser
Néanmoins l’irrigation avec des eaux usées salinisées traitées
directement les eaux usées non traitées, contenant davantage
ou non peut être durable si une gestion adéquate est mise en
d’éléments nutritifs et de matière organique.
oeuvre. Un nouvel équilibre des paramètres chimiques du sol
se met alors en place. Les technologies ayant une meilleure efficience de traitement
sont considérées comme un moyen d’améliorer la qualité
des eaux usées (à des coûts plus élevés), mais l’élimination
des saumures (concentrats en sels) et des boues reste une
SOLUTIONS
préoccupation majeure. En utilisant la filtration sur membrane
Raw WW
Manage/Separate raw wastewater ou d’autres procédés de désalinisation, les décideurs seraient
flows according to their origin/quality tentés d’utiliser l’eau pour des usages à plus haute valeur ajoutée
TWW que l’agriculture. Des volumes plus petits et plus concentrés en
Adapt/Improve treatment systems
sels (les concentrats issus du traitement) sont alors difficilement
IMPACTED valorisables par l’agriculture ou l’industrie, mais peuvent être
COMPARTMENTS Use a source of dilution (indirect reuse)
transportés à plus faible coût sur de longues distances jusqu’à
Irrigated crops un point de rejet adapté (milieu salé, la mer).
Adapt irrigation practices (leaching,
Irrigated soils drainage, crops selections, etc.) Afin de prévenir la salinisation des terres et des masses d’eau
IRRIGATION
dans un objectif de durabilité de la réutilisation, Israël pratique
Groundwater le dessalement partiel des eaux usées réutilisées en utilisant
REFERENCE
SCENARIO des procédés membranaires.

FIGURE 18 : La salinité dans la réutilisation des eaux usées : compartiments impactés et solutions
existantes - Schéma Ecofilae

29
paRtie 2 -
RappoRt ecofilae

(contrôlés ou non) de drainage et d’eaux usées industrielles et


domestiques traitées et non traitées. Les productions agricoles
ont donc été adaptées : le riz, le blé et le maïs sont cultivés
a) Des pratiques culturales spécifiques pour limiter en amont tandis que l’aquaculture est la principale activité
les impacts sur le sol agricole dans la zone côtière.
Un complément d’irrigation doit être appliqué pour assurer
e) Des essais pilotes avant la mise en œuvre
efficacement le lessivage des sols et drainer les sels hors de
à grande échelle
la zone des racines. Il est nécessaire de suivre alors le sol et
En cas de doute sur les impacts des sels des eaux usées sur
l’eau souterraine sous-jacente (cf paragraphe ci-dessus). La
les sols, les cultures, leur productivité, et sur l’environnement
lixiviation des sels peut aussi se combiner au lessivage des
proche, une phase de test peut être menée localement sur des
nitrates vers l’aquifère. Pour toutes ces raisons la surveillance
cultures, des sols et des sources d’eau spécifiques. Une étude
des eaux souterraines sous-jacentes à des zones irriguées
à l’échelle pilote pourrait être mise en œuvre afin de dépasser
avec des eaux usées est un indicateur essentiel des
les contraintes techniques liées à la gestion de la salinité.
performances environnementales des projets de réutilisation
L’adaptation des cultures, des pratiques agronomiques et
des eaux usées.
d’irrigation et le niveau de traitement pourraient alors être
La structure des sols affectés par la salinité peut également réfléchis et la réussite économique projetée, avant la mise en
être maintenue physiquement par des pratiques culturales œuvre à grande échelle.
spécifiques comme le travail du sol en profondeur, l’addition
de résidus organiques, ou l’incorporation directe de gypse ou
indirecte d’acide sulfurique avant le lessivage. Mélanger les eaux usées avec une autre source d’eau peut
être un moyen d’atteindre des niveaux de salinité acceptables
b) le changement d’assolement
pour l’eau d’irrigation.
Les assolements et les choix des cultures doivent être orientés
vers des cultures tolérantes au sel sans quoi les rendements La Jordanie (Pays 3) avait mis en place des lagunes de
risquent d’être trop affectés. Les agriculteurs ont besoin traitement pour les eaux usées dans un objectif de REUT. Les
d’identifier le niveau de perte de rendement acceptable. taux d’évaporation élevés dans les lagunes ont augmenté les
Un indicateur de l’impact de la salinisation pourrait être la niveaux de salinité des EUT. Les rendements agricoles dans
perte de rendement par ha multipliée par le prix de vente des la vallée du Jourdain ont ainsi diminué. La station d’épuration
produits agricoles. d’As-Samra a alors été construite en 2008 en utilisant boues
activées classique, bassins d’aération prolongée et les lagunes
c) le choix du système d’irrigation
sont conservées comme bassins de maturation (désinfection).
Les meilleures performances d’irrigation avec des eaux salées
Les EUT sont ensuite diluées dans la rivière Zerqua et dans le
sont obtenues avec les techniques d’irrigation localisée (goutte
réservoir King Talal avant réutilisation indirecte agricole dans
à goutte). Des phénomènes de colmatage sont néanmoins
la vallée du Jourdain (Bashaar 2007).
susceptibles de se produire.
A Korba en Tunisie (Projet 8) les eaux usées traitées étaient
d) l’irrigation séquentielle et le choix de cultures adaptées
initialement trop salées pour pouvoir être directement réutilisées
Les eaux de drainage sont souvent plus concentrées que les
en l’agriculture. Une réutilisation indirecte après recharge des
eaux d’irrigation. Les eaux de drainage collectées peuvent
eaux souterraines et pompage a donc été mis en œuvre.
être utilisées dans différentes séquences culturales au fil de
l’eau d’amont en aval, en commençant par exemple par des Une autre stratégie peut consister à utiliser les eaux usées
cultures sensibles au sel, puis des cultures tolérantes au sel et en alternance avec une autre source d’eau. Toutefois, cela
enfin des halophytes. requière un doublement des systèmes de transport et une
disponibilité des effluents commandée par le calendrier
En Égypte (Pays 4), la salinité des eaux du Delta du Nil
d’application par alternance.
augmente d’amont en aval du delta en raison des rejets

Jordanie - Station As Samra © Condom, 2014

30
paRtie 2 -
RappoRt ecofilae

chapitRe 4

Ce chapitre illustre plus particulièrement le contexte des pays


de la mise à l’agenda à l’adoption
du MENA.
de pRojets : un pRocessus inégal dans
Les sciences sociales ne se sont guère emparées, jusqu’à la Région du mena
présent, de la question de la réutilisation des eaux usées
traitées dans la région MENA. C’est le cas pour l’analyse Dans son ouvrage classique, John Kingdon (1984) a examiné
des politiques publiques en particulier. Les réflexions sur les comment certains problèmes en viennent à capter l’attention
dimensions politico-institutionnelles de la réutilisation sont des gouvernements. Sa théorie comprend trois volets distincts,
le plus souvent restées confinées à quelques pages dans mais faiblement reliés entre eux - le courant des « problèmes »,
des rapports internationaux (voir par exemple : PNUE, le courant des « solutions » et le courant de la politique - qui
2003 ; USAID, 2004). Lorsque les analystes ont abordé doivent converger afin d’ouvrir une « fenêtre d’opportunité»
ces dimensions plus longuement (OMS, 2006), ils se sont pour une réforme. Cependant, Kingdon expliquait que
contentés de décrire les architectures institutionnelles existantes l’ouverture d’une telle fenêtre implique seulement que
et d’identifier quelques blocages réglementaires généraux. En différentes options soient discutées et que certaines décisions
conséquence, les recommandations ont eu tendance à être soient envisagées : il n’est pas évident qu’une fenêtre
génériques et procédurales (pour préconiser par exemple une débouche sur l’adoption de projets spécifiques. Il n’existe pas
répartition plus claire des prérogatives, ou demander une de chemin direct entre la mise à l’agenda et les décisions
consultation précoce avec toutes les parties prenantes). politiques. Souvent le changement est manqué de peu : « il est
possible, envisagé, activement recherché, mais ne parvient
Ce qui a fait défaut, en revanche, ce sont des analyses de pas à se matérialiser » (Capoccia, 2015, p165).
la construction des politiques de réutilisation des eaux usées
traitées. Ce n’est pourtant qu’en nous penchant sur le policy- Dans le cas de la réutilisation des eaux usées traitées, une
making concret, c’est-à-dire sur les interactions entre décideurs confluence des trois courants peut certainement être observée
ayant des intérêts et des représentations hétérogènes, que dans la plupart des pays du MENA. Selon Kingdon,
nous serons en mesure de faire des recommandations de le « courant des problèmes » désigne l’identification de
politiques publiques réalistes, et donc susceptibles d’avoir problèmes particuliers – par des événements marquants ou de
un certain effet. Le point de départ est de reconnaître que nouvelles mesures.,. Ici, la sociologie des problèmes sociaux
la réutilisation des eaux usées traitées, malgré les nombreux (Hilgartner & Bosk, 1988) a insisté sur le fait que, dans de
avantages qu’elle doit apporter, est un problème autant nombreux cas, ce n’était pas un seuil objectif de gravité qui
politique que technique. Elle est en concurrence avec d’autres déclenchait la réaction du gouvernement à un problème.
solutions à la pénurie d’eau ; elle réorganise des périmètres Au contraire, de nombreuses activités sociales complexes
administratifs ; elle réaffecte des coûts et des bénéfices; sont nécessaires, dont la production par les scientifiques
elle peut déstabiliser des routines et des manières de faire et les experts de données, d’indicateurs, de schémas de
existantes; sa mise en œuvre nécessite des ajustements causalité et de scénarios pour l’avenir. En ce qui concerne
créatifs et une autorité « pratique» permettant de résoudre les les eaux usées traitées, deux problèmes distincts ont attiré
problèmes à mesure qu’ils surviennent (Abers & Keck, 2013). l’attention des pouvoirs publics. Le premier est la diminution
En bref, faire de la réutilisation des eaux usées traitées un constante de la disponibilité en eau par habitant en raison
objet de politique publique est nécessairement un processus de la diminution des précipitations, le développement
désordonné marqué par des incertitudes. économique, l’urbanisation et la croissance démographique.
Cette tendance alarmante a été de plus en plus documentée
En raison de la rareté des recherches sur les politiques de et médiatisée avec l’usage de l’indicateur de Falkenmark et
réutilisation, et leur dimension politique, cette section vise non ses seuils de rareté ou de stress hydrique (pour un exemple
seulement à présenter quelques faits politiques, institutionnels récent : WRI, 2015). Le second a été plus récemment érigé
et réglementaires pour la région du MENA, mais aussi à en problème social : il s’agit de la réutilisation incontrôlée
esquisser quelques questions de recherche qui devraient être des eaux usées brutes dans les zones péri-urbaines. Ici aussi,
mieux traitées dans le futur. Elle attire l’attention sur six questions les scientifiques et les experts ont joué un rôle clé pour faire
en particulier : (1) le passage, qui est tout sauf automatique, connaître le problème, conformément au modèle classique de
entre la mise à l’agenda de la réutilisation et l’adoption de mise à l’agenda par “anticipation” (Garraud, 1990). Ils ont
projets concrets ; (2) les dynamiques complexes d’adoption rendu visible, par exemple, le fait qu’en Égypte, les eaux de
des projets ; (3) les héritages préexistants : (4) le processus de drainage mélangées à l’eau « douce » du Nil et à des eaux
réglementation et les compromis ; (5) les difficultés de la mise usées, sont intensivement réutilisées en aval à plusieurs fins, y
en œuvre et (6) et l’économie politique de la réutilisation. compris l’irrigation des cultures. Des systèmes de réutilisation
à petite échelle pour les eaux grises ou bayaras (réservoirs
sceptiques) sont également développés dans les zones rurales
où l’extension de la couverture des réseaux de traitement de

31
paRtie 2 -
RappoRt ecofilae

l’eau et des stations d’épuration n’est pas planifiée pour les traitées. Toutes les eaux usées traitées recueillies dans les deux
prochaines décennies. Au Maroc, c’est en 2009 qu’il a principales villes (Amman et Zarqa) sont mélangées avec de
été quantifié que 7.200 ha de cultures étaient irrigués avec l’eau douce et utilisées pour l’irrigation sans restriction dans la
des eaux usées non traitées dans les zones péri-urbaines (à vallée du Jourdain. Dans une position intermédiaire, la Tunisie
Marrakech, Meknès, Oujda ou Fès). a développé la réutilisation des eaux traitées depuis plus de
30 ans : aujourd’hui, environ 24% des eaux usées traitées
Le courant des solutions, ou des politiques publiques, désigne
sont réutilisées pour l’agriculture irriguée, pour l’arrosage de
l’ensemble des options envisageables par les décideurs à un
tous les terrains de golf tunisiens, et de 3.000 ha de cultures
moment donné. Certains acteurs doivent alors transformer
et les forêts, en 2009. En revanche, le Maroc semble être à la
des idées vagues, des grands principes, en solutions
traîne, même s’il rattrape lentement son retard maintenant que
techniquement faisables, économiquement supportables
de nombreuses stations d’épuration, pour la plupart utilisant
et politiquement acceptables. Ce processus a lui-aussi été
les procédés de traitement par lagunage, sont en construction
largement couronné de succès, et la réutilisation des eaux
dans les villes moyennes.
usées traitées est maintenant largement perçue comme une
solution crédible aux problèmes précédemment mentionnés. Tenir compte de ces différentes trajectoires est donc une tâche
Elle est en particulier considérée comme un moyen de cruciale. Cela exige d’aller au-delà de la mise à l’agenda et
capitaliser sur le processus d’urbanisation, et de réduire les de regarder les dynamiques politiques et institutionnelles qui
pressions sur les ressources en eau de bonne qualité, tout en façonnent l’adoption des projets.
satisfaisant les besoins organiques et minéraux de certaines
plantes. Les discussions politiques portent désormais moins
sur le pourquoi de la réutilisation des eaux usées, que sur la
les dynamiques d’adoption des pRojets
manière dont elle devrait être encouragée.
Enfin, le courant politique se réfère aux priorités d’action De nombreux experts ont tendance à analyser l’adoption
énoncées par les acteurs politiques tels que les ministres et leurs de projets de réutilisation des eaux usées traitées en termes
cabinets. Ici, les décideurs doivent trouver à la fois les motifs fonctionnalistes, de stimulus-réponse. Dans cette perspective,
et l’opportunité de choisir, parmi les problèmes sociaux et les l’approfondissement de la crise hydrique conduit naturellement
solutions politiques en concurrence, un « couple » problème- à la réutilisation. La Jordanie et Israël, deux des pays les plus
solution et le transformer en politique. Ils confrontent leurs déficitaires en eau dans la région et aussi deux précurseurs
propres convictions à leur perception de l’opinion publique et dans le domaine, semblent confirmer cette tendance.
aux commentaires qu’ils reçoivent de divers groupes d’intérêt.
Cependant, l’analyse de la politique nous dit que des
Cet aspect de la mise à l’agenda politique est basé sur des
« pressions adaptatives » similaires conduisent rarement à des
considérations de revendication du crédit, d’évitement du
réponses politiques identiques (Radaelli, 2003). Premièrement,
blâme et de concurrence politique.
les décideurs politiques ont une rationalité limitée :
La réutilisation des eaux usées traitées a donc été mise presque leurs préférences sont multiples, souvent contradictoires,
partout à l’agenda législatif et gouvernemental, même si dans façonnées par des idées et des représentations. Ensuite,
la plupart des pays, le cadre juridique est encore largement la prise de décision est le produit de multiples acteurs en
considéré comme incomplet. Les stratégies nationales de interactions complexes. L’adoption d’un projet nécessite donc
l’eau et les lois sur l’eau font référence à la réutilisation des l’assemblage d’une coalition entre des acteurs aux priorités
eaux usées. Elles autorisent l’État à subventionner des projets. différentes (Hall, 2009). Nous devons donc comprendre
Les pays diffèrent cependant largement dans leur propension comment les acteurs individuels forment leurs préférences par
à traduire cette ambition générale en projets spécifiques. rapport à la réutilisation des eaux usées traitées, et comment
ils prennent part (ou non) à la construction de coalitions.
Faire en sorte que ces courants se connectent, et d’une manière
durable, est souvent la tâche d’entrepreneurs politiques Cette question est d’autant plus ardue dans le cas de
spécifiques (Kingdon, 1984). Il serait donc important la réutilisation des eaux usées traitées que, comme les
d’avoir une vision plus précise de qui sont exactement ces politiques environnementales en général, il s’agit d’un enjeu
entrepreneurs de réforme dans la région du MENA, quels peu “sectorisé” : la définition des acteurs impliqués a donc
sont leurs points de vue spécifiques sur la réutilisation des de fortes chances de faire déjà l’objet de controverses
eaux uses traitées et la manière dont ils peuvrent participer (Lascoumes & al. 2014). Fondamentalement, ces acteurs
à sa diffusion. Il n’y a eu jusqu’à présent aucune étude couvrent également plusieurs niveaux d’action, et n’incluent
sociologique sur cette dimension. Plus généralement, si la évidemment pas que des acteurs publics. Parmi ces derniers,
réutilisation des eaux usées traitées a été mise à l’agenda toutefois, la liste des « invités » potentiels est déjà longue, qui
dans la plupart des pays de la région, elle ne l’a sans doute comprend au moins :
pas été partout grâce aux mêmes acteurs-relais, au travers des UÊÊiÃÊÜVˆjÌjÃʏœV>iÃÊ`½i>ÕÊiÌÊ`½>ÃÃ>ˆ˜ˆÃÃi“i˜Ì°
mêmes processus politiques et avec la même intensité. Cela UÊÊiÃÊ }œÕÛiÀ˜i“i˜ÌÃÊ œV>ÕÝÊ }j˜jÀ>i“i˜ÌÊ œvwVˆii“i˜ÌÊ
justifierait des études comparatives sur la manière dont s’est responsables de l’assainissement.
effectuée cette inscription à l’agenda dans les différents pays, UÊÊiʓˆ˜ˆÃÌmÀiÊV >À}jÊ`iʏ½i>ÕÊiÌÊ`iʏ½i˜ÛˆÀœ˜˜i“i˜Ì]ÊiÌÊܘÊ
et pour quelle qualité finale (degré effectif de priorisation). administration locale.
UÊÊiÊ ˆ˜ˆÃÌmÀiÊ `iÊ ½>}ÀˆVՏÌÕÀiÊ iÌÊ Ãœ˜Ê >`“ˆ˜ˆÃÌÀ>̈œ˜Ê œV>iÊ
Au-delà, cependant, les pays du MENA diffèrent largement
(responsable, entre autres, de la planification des
dans leur capacité à transférer cet intérêt commun en des
programmes de développement de l’irrigation et de la
décisions politiques spécifiques. À une extrémité, par
gestion des périmètres irrigués).
exemple, la Jordanie réutilise près de 85% de ses eaux usées

32
paRtie 2 -
RappoRt ecofilae

UÊʏiÃÊ}i˜ViÃÊ`iʏ½i>Õ]Ê`œ˜ÌÊLi>ÕVœÕ«Ê`œˆÛi˜ÌÊ>Õ̜ÀˆÃiÀʏiÊ les prérogatives, pour construire des modèles d’interaction


rejet des eaux réutilisées à des fins spécifiques. plus stabilisés et pour forger des mécanismes plus consensuels
UÊÊiÃÊ L>ˆiÕÀÃÊ `iÊ vœ˜`ÃÊ ˆ˜ÌiÀ˜>̈œ˜>ÕÝÊ µÕˆÊ Vœ˜ÌÀˆLÕi˜ÌÊ de règlement des différends. Le Maroc, par exemple,
financièrement aux projets et font des études. revendique avoir réussi à établir des protocoles d’accord
UÊÊiÊ “ˆ˜ˆÃÌmÀiÊ `iÊ >Ê ->˜ÌjÊ µÕˆÊ `œˆÌÊ ÃÕÀÛiˆiÀÊ iÊ ÀiëiVÌÊ `iÃÊ liant les partenaires, et à préciser leurs responsabilités et leurs
normes de qualité et faire la veille sanitaire. rôles, dans divers projets tels que Settat, Tiznit ou Guelmim.
UÊÊiÊ “ˆ˜ˆÃÌmÀiÊ `iÃÊ ˆ˜>˜ViÃÊ µÕˆÊ }mÀiÊ >Ê wÃV>ˆÌjÊ `iÃÊ Il serait intéressant d’en savoir plus sur ces protocoles et la
établissements publics et édicte les normes de marchés manière dont ils ont été élaborés.
publics.
Certains ont demandé d’envisager la possibilité de mettre en
UÊÊiÊ “ˆ˜ˆÃÌmÀiÊ `iÃÊ vv>ˆÀiÃÊ jVœ˜œ“ˆµÕiÃÊ µÕˆÊ «>À̈Vˆ«iÊ DÊ >Ê
place un comité interministériel permanant sous l’égide d’un
régulation des tarifs.
ministère (Ministère de l’agriculture ou des ressources en eau),
UÊʽœÀ}>˜iÊ i˜Ê V >À}iÊ `iÊ >Ê ÃjVÕÀˆÌjÊ >ˆ“i˜Ì>ˆÀi]Ê µÕˆÊ œÕˆÌÊ
ou peut-être comme une organisation distincte (bénéficiant à
généralement d’un degré important d’autonomie par
la fois de financements publics et privés). Ce comité serait
rapport aux ministères de la santé ou de l’Agriculture.
responsable de la planification nationale, de la coordination
UÊÊiÃʈ˜Ã̈ÌÕÌÃÊ`iÊÀiV iÀV iÊ«ÕLˆVÃÊi˜Ê Þ`Àœœ}ˆi]ÊLˆœœ}ˆiÊiÌÊ
des programmes, de la production d’informations de qualité
agronomie.
et de la conformité aux normes en vigueur.
Dans de nombreux pays, le ministère de l’Intérieur est
Des comités techniques pourraient être également mis en
également susceptible de jouer un rôle important. Au Maroc,
place au niveau local pour chaque projet. Dans la ville de
c’est lui qui coordonne le Plan national d’assainissement
Ouarzazate au Maroc, le projet de réutilisation s’est déployé
(PNA) en collaboration avec le ministère de l’Environnement.
grâce à un « comité technique local pour la surveillance du
Il fournit également un soutien technique direct à de nombreux
projet” (CTLSP). Le CTLSP a été créé sous les auspices des
opérateurs locaux de l’eau.
autorités locales avec la participation des services techniques
Le processus de sélection et de définition des projets implique provinciaux. Ses membres se réunissent sur une base régulière.
de nombreux acteurs non publics : organisations d’irrigants, La perspective d’un tel comité inclusif peut être décisive pour
et d’usagers urbains, sociétés de conseil et bureaux d’études, l’adoption du projet, du fait que tous les acteurs peuvent alors
experts nationaux et internationaux, gestionnaires privés de être persuadés qu’ils auront une voix dans le processus de
STEP et sous-traitants. Nous avons donc besoin d’en savoir mise en œuvre et ne seront pas marginalisés.
plus sur la façon dont tous ces acteurs publics et privés
Cependant, il ne suffit pas de souligner certains déterminants
forment leurs préférences et interagissent : ces interactions
généraux des décisions de réutiliser l’eau traitée. Ce qui
sont-elles plus ou moins institutionnalisées ? Au contraire, les
importe est également de comprendre les déterminants des
négociations ad hoc (ou l’imposition) prédominent-elles ?
variations locales et nationales dans le contenu des projets.
Parmi les nombreux clivages susceptibles de caractériser la Comment les décideurs politiques prennent-ils en compte
réutilisation des eaux usées traitées le clivage urbain / rural les spécificités institutionnelles, géographiques et agricoles
peut être le plus profond. Il faut ainsi noter que les exigences locales dans leurs décisions ? Comment expliquer par
de réutilisation ne sont pas toujours compatibles avec les exemple le fait que la Tunisie, soit parvenue à mobiliser la
intérêts à court terme des entreprises d’assainissement, réutilisation d’eaux usées traitées pour la réhabilitation de
ou même des municipalités. La réutilisation est coûteuse et zones humides et la recharge des nappes, beaucoup plus
souvent plus exigeante, au moins pour certains paramètres, que d’autres pays de la région MENA ?
que le traitement secondaire habituel. La planification de la
Il reste beaucoup à comprendre dans le processus de prise de
réutilisation peut également conduire à opter pour une filière
décision. Il serait nécessaire de se plonger dans des projets
de traitement différente.
spécifiques afin de mieux comprendre les mécanismes de
Par conséquence, les stations de traitement sont généralement décision. Au Maroc, par exemple, les projets de Settat (300
construites avec peu de considération pour les options de ha de maïs, de blé et d’oliviers irrigués) et de Marrakech
réutilisation. Dans de nombreux pays comme au Maroc, (arrosage de terrains de golf) pourraient être des études de
la plupart des projets d’assainissement n’intègrent pas la cas intéressantes.
réutilisation dans la planification amont. Les options de
réutilisation des eaux usées traitées ne sont considérées que
tardivement, avec toutes les contraintes entraînées par le fait la stRuctuRation des politiques de
accompli. Le rejet des eaux peut donc se produire loin des Réutilisation : héRitages et Routines
zones potentielles de réutilisation ou en des points bas qui
contraint alors à un imposant pompage avant la réutilisation. Certains courants de science politique ont insisté sur la façon
dont les jeux d’acteurs sont fortement façonnés par des
Clarifier les responsabilités ? institutions (formelles et informelles) qui ont pu être crées dans
En matière de politique publique, les prérogatives ont d’autres contextes, longtemps auparavant (Steinmo, 1992;
tendance à se chevaucher et à être interprétées différemment Thelen et Mahoney, 2010). Dans le cas de la réutilisation
par les différents acteurs. Les vagues appels à “l’intégration des eaux usées traitées, nous savons remarquablement peu
des politiques” ne font pas disparaître le problème. Toutefois, de choses sur ces héritages et la façon dont ils peuvent
cela ne devrait nous empêcher en aucune façon de réfléchir, limiter ou faciliter l’adoption du projet. Ces legs peuvent
comme beaucoup l’ont déjà fait, sur les moyens de clarifier être bureaucratiques. Dans de nombreux pays de la région

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RappoRt ecofilae

MENA les administrations urbaines et agricoles ont pris des Enfin, les droits de propriété sont ceux sur les eaux usées, y
chemins différents, avec différents corps d’ingénieurs à leur compris les droits d’usage. Ils peuvent inclure les droits de
barre et peu de contacts entre eux. propriété sur le foncier.
Des legs cognitifs peuvent être imbriqués dans ces legs Tout comme pour les autres enjeux, nous sommes également
bureaucratiques. Au Maroc, par exemple, la construction de confrontés à un manque d’études détaillées sur le processus de
barrages et la gestion quantitative de l’eau ont été la priorité réglementation, a fortiori dans une perspective comparative.
absolue à partir des années 1960. Les eaux usées sont donc Il y a une forte dimension de transfert international de bonnes
restées hors du champ de vision des fonctionnaires, même si pratiques à cette question (Dolowitz & Marsh, 2000),
les eaux usées non traitées ont été sur le terrain de plus en dans la mesure où les lignes directrices de l’OMS visant à
plus mobilisées par l’agriculture périurbaine, parallèlement au faciliter le commerce international sont désormais une source
phénomène d’urbanisation. d’inspiration commune. Les questions auxquelles il faudrait
mieux répondre sont notamment : dans quelle mesure les
L’héritage d’autres priorités politiques peut avoir engendré un
normes et les standards adoptés reflètent-ils directement
manque de connaissances et de sensibilité sur les effets et
la vision et les intérêts de certains acteurs dominants ? Au
les risques des eaux usées, qui peuvent également poser de
contraire, dans quelle mesure sont-ils le produit de larges
nouveaux obstacles à l’adoption. Ainsi, selon le ministère de
compromis basés sur des concessions mutuelles ? Les normes
l’eau au Maroc, de nombreux fonctionnaires de l’eau et de
techniques évoluent-elles (ou non) avec les progrès de la
l’agriculture ne disposent pas des connaissances suffisantes
connaissance scientifique ? Comment expliquer la persistance
sur les risques environnementaux posés par les eaux usées, tels
des vides et des ambiguïtés réglementaires ?
que les effets sur la structure des sols, sur la salinité des eaux
souterraines ou les risques pour la santé (risques chimiques, Parmi les praticiens, trois problèmes en particulier semblent
épidémiologiques microbiologiques). Ils reconnaissent se démarquer. Le premier, classique, est le niveau approprié
également être peu au courant des exigences en matière de d’exigence des normes. Ce niveau dépend de ce qui est admis
surveillance et de contrôle (Royaume du Maroc, 2011). comme un « risque acceptable », qui peut être chaudement
débattu. Au Maroc, par exemple, les normes de qualité de
l’eau d’irrigation sont très restrictives en termes de qualité
RéguleR les Risques : un pRocessus continu pour les catégories A et B sur les nématodes intestinaux et
et tâtonnant les œufs d’helminthes : elles exigent leur absence totale dans
1 litre, par rapport à celles recommandées par l’OMS qui
Si la mention de la réutilisation des eaux usées traitées comme sont moins strictes : <1 par litre. Ici, l’adoption de normes
une solution potentielle dans une loi et / ou une stratégie élevées peut être un moyen de signaler l’engagement des
nationale de l’eau peut être le signe d’une attention accrue autorités publiques de minimiser les risques. Alors que certains
des autorités publiques, ces textes ne prévoient généralement critiqueront ce néo-hygiénisme (Aggeri, 2005), d’autres le
qu’un cadre général. C’est au niveau de la réglementation loueront au contraire comme une application bienvenue du
que les choix cruciaux sont discutés et tranchés, choix qui principe de précaution.
façonneront directement la structure des coûts et des bénéfices Des normes élevées ont des conséquences pratiques. En
des acteurs économiques. Tunisie, la réutilisation des eaux usées traitées est interdite
La réglementation doit couvrir une quantité vertigineuse de pour les cultures à forte valeur ajoutée comme les légumes,
sujets, touchant à la fois les produits (nourriture et eau) et les ce qui conduit les agriculteurs à revenir vers les ressources
process. Elle peut être divisée en trois catégories : les normes en eau conventionnelles, pourtant plus chères. En Égypte,
techniques, les incitations économiques et les droits de la règlementation actuelle est très restrictive et limite la
propriété. Cette distinction n’est qu’un outil de clarification, réutilisation d’eau traitée à l’irrigation des plantations d’arbres.
puisque de nombreuses normes techniques sont également de La prochaine révision devrait inclure l’irrigation des cultures et
facto des incitations économiques et des droits de propriété. la recharge de nappe.
Les normes techniques définissent les normes de construction, Un autre pan de la controverse est la question de savoir qui
les processus de traitement des eaux, les valeurs maximales devrait avoir le pouvoir de réglementer quoi. Par exemple,
des paramètres de qualité des eaux usées, les restrictions dans quelle mesure les gouvernements locaux pourraient être
sur les produits pour raisons de santé et de sécurité, les en mesure de délivrer des permis, de mener des inspections et
méthodes d’application, les distances minimales entre les d’établir des restrictions sur les cultures autorisées ? Qui devrait
zones irriguées avec des eaux usées traitées et les activités ou avoir la capacité de délivrer des permis pour l’utilisation des
les environnements à protection, l’hygiène alimentaire et les eaux usées à partir d’un réseau public de distribution dans le
méthodes de surveillance. secteur agricole ?
Les incitations économiques comprennent les tarifs acquittés Une troisième ligne de débat concerne la diversification
par les usagers urbains pour l’épuration des eaux usées, des normes. Dans quelle mesure les normes devraient
ainsi que les diverses subventions publiques, incitations ou être différenciées selon les types d’utilisation ? Certaines
pénalités financières. Ces dernières peuvent être imposées distinctions sont faites un peu partout. Par exemple, les cultures
aux entreprises et aux particuliers pour sanctionner des consommées crues (fruits et certains légumes) ou les zones
pollutions ou des comportements à risques pour la santé et ouvertes au public sont soumises à des normes de qualité plus
l’environnement. exigeantes que les cultures consommées après transformation

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RappoRt ecofilae

ou destinées à des utilisations non alimentaires (horticulture). publics, privés et sociaux interagissent dans leur routine
Mais tous les pays ne définissent pas comme la France quatre quotidienne, et sur la manière dont ils règlent leurs micro-
catégories d’utilisation. conflits.
Nous avons également besoin de comparer la mise en œuvre
Ces débats ne font que compliquer encore un processus
dans divers pays. Si, par exemple, la Tunisie a effectivement
qui est déjà entravé par une grande complexité technique
pris plus de mesures que tous les autres pays de la région
et scientifique. Réguler les risques est donc un processus
pour atténuer les risques environnementaux et sanitaires, nous
long et difficile. Même un précurseur comme la Jordanie
avons besoin de comprendre pourquoi.
doit encore transformer de nombreuses lignes directrices en
normes efficaces et en valeurs-seuil spécifiques. Mais presque
Produire le consentement
tous les pays du MENA ont encore des règlements largement
incomplets et souvent, en partie, contradictoires. Tel est le cas Une autre question clé liée à la mise en œuvre des projets a
du Maroc, en particulier en ce qui concerne les obligations trait au consentement des agriculteurs locaux. Ici, nous devons
des gouvernements et des utilisateurs locaux, la réglementation prendre en compte non seulement les bénéficiaires directs
des tarifs et l’exploitation des installations, la surveillance des des projets, mais aussi tous les agriculteurs susceptibles d’être
rejets, la gestion des boues et les sanctions pour non-respect affectés, directement ou indirectement (les « ressortissants »
des normes en vigueur (y compris les rejets industriels). du projet). Nous avons besoin de recherches qui analysent
l’évolution des relations entre les autorités publiques locales et
les agriculteurs locaux, la façon dont les premiers parviennent
les difficultés de mise en œuvRe : à structurer l’action des derniers et avec quelle légitimité. Nous
capacité, complexité, consentement avons également besoin d’enquêtes « d’en bas » sur la façon
dont les agriculteurs perçoivent des projets spécifiques et la
Que la mise en œuvre soit toujours porteuse d’effets non restructuration politique et économique qu’ils entraînent. Est-ce
intentionnels et de dérivation créative est admis depuis qu’ils considèrent également « acceptable » le prix à payer,
bien longtemps (Pressman & Wildawsky, 1973). Tel est en particulier pour ceux qui ont utilisé auparavant des eaux
nécessairement le cas parce que les règlements sont usées (non traitées) auparavant ? Quelle est, en particulier,
toujours insuffisamment spécifiques et ambigus : l’application l’attitude des associations d’usagers ?
hiérarchique doit donc être complétée par des ajustements Nous en savons très peu sur ces questions dans la région du
informels (Hill & Hupe, 2002). De plus, la mise en œuvre MENA. Au Maroc, il semble que la concurrence avec la libre
voit de nouveaux acteurs prendre de l’importance, tels que utilisation de l’eau conventionnelle, combinée à l’efficacité
les gestionnaires et les ingénieurs locaux, qui doivent être limitée des installations de traitement, a été responsable
incorporés dans le jeu. de l’échec de plusieurs projets de réutilisation de l’eau,
Le manque de moyens spécifiques dédiés à la mise en en particulier dans les petites collectivités. En Jordanie, de
œuvre de programmes est aussi un trait récurrent, mais qui nombreux prélèvements illégaux se produisent encore entre la
prend des proportions particulières dans des États faiblement station d’épuration et les réservoirs où les eaux sont diluées.
bureaucratisés comme ceux du MENA. L’absence de C’est un fait, en tous cas, que l’absence de consentement a
ressources suffisantes peut être aggravée par des normes déjà provoqué des conflits ailleurs. Au Pakistan, de nombreuses
particulièrement élevées de surveillance, initialement conçues poursuites ont été entreprises par des entreprises d’eau locales
pour signaler un engagement fort vis-à-vis de la réduction contre les agriculteurs, compromettant la réutilisation (illégale)
des risques. Au Maroc, par exemple, le nombre minimal des eaux usées. À la suite des procès, les agriculteurs ont
d’échantillons nécessaires aux eaux usées traitées est de été contraints de payer pour disposer des eaux usées, ou de
4 par an pour les métaux lourds, mais de 24 par an pour renoncer à leur utilisation, suscitant le mécontentement. Dans
quinze paramètres bactériologiques, parasitologiques et la ville de Faisalabad, cependant, un groupe d’agriculteurs
physicochimiques. utilisant des eaux usées a gagné un recours contre l’un de ces
Dans le cas spécifique de la réutilisation des eaux usées jugements, après avoir prouvé qu’ils n’avaient aucun accès à
traitées, la surveillance est aussi intrinsèquement difficile en une autre source d’eau appropriée (Ensink et al, 2004).
raison de la nature de la pollution en jeu : plutôt que massive Pour tenter d’atténuer les écarts de la mise en œuvre, les
et visible, elle est le plus souvent diffuse, mettant en jeu des responsables politiques ont souligné la nécessité d’améliorer
doses infinitésimales de polluants chimiques. La ligne de les programmes d’information et d’éducation, de manière
démarcation entre le « normal » et le « pathologique » devient à générer plus d’adhésion des agriculteurs (et de la
donc particulièrement difficile à établir (Aggeri, 2005). population en général) pour les efforts de développement de
Nous ne devrions cependant pas nous contenter de déplorer l’assainissement. Beaucoup ont aussi souligné la nécessité
les écarts entre les règles et leur application. Il est aussi d’une meilleure participation des communautés locales
intéressant de regarder directement et sans idées préconçues dans la conception et la mise en œuvre des politiques, par
les pratiques effectivement existantes sur le terrain, comme de exemple en Tunisie et en Jordanie. Il pourrait être intéressant
nombreuses recherches l’ont faites (Lipsky, 1980 ; Dubois, d’analyser ces « politiques discursives » (Schmidt, 2008)
2008). Nous avons besoin de quelques études fines sur la visant à produire de l’acceptation sociale.
manière dont la surveillance sanitaire et environnementale
fonctionne concrètement, sur la manière dont les acteurs

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RappoRt ecofilae

Maroc - Dispositif expérimental de l’Institut Agronomique et Vétérinaire Hassan II pour la REUT © Condom, 2015

agriculteurs. Au Maroc, par exemple, les coûts engendrés


l’économie politique de la Réutilisation
par la partie amont des projets de réutilisation (travaux
L’économie politique de la réutilisation des eaux usées supplémentaires pour le traitement des eaux usées par rapport
traitées s’intéresse au « qui paie quoi, et avec quel niveau au niveau secondaire, fonctionnement, entretien, essais, etc.)
d’acceptation ». Ce n’est pas une tâche facile, car les vont généralement de 2,02 à 2,40 DH / m3 d’eau usée
externalités (positives et négatives) sont omniprésentes et traitée, selon le taux d’actualisation qui est utilisé.
difficiles à mesurer. Comment évaluer les externalités positives Là encore, nous retombons sur les questions de normes de
telles que la réduction de la dégradation de la qualité de surveillance, étant donné que la fréquence des analyses et
l’eau, la diminution des risques de santé et des apports des mesures génère des coûts élevés qui doivent être payés
additionnels en nutriments ? Les gains économiques potentiels par quelqu’un.
dépendent également de la disponibilité et du coût de la Au-delà, le principal problème est celui de l’absence de
mobilisation des ressources en eau conventionnelles, et du critères institutionnalisés pour l’allocation des coûts (et des
niveau général de stress hydrique. bénéfices). Au contraire, la répartition tend à faire sur une
En règle générale, cependant, il est presque impossible de base ad hoc pour chaque projet, selon les négociations
recouvrer les coûts de traitement tertiaire et de suivi par la les rapports de force. Israël fait exception avec sa politique
seule vente d’eau. Les projets doivent donc être subventionnés, nationale de péréquation.
et d’une manière telle que les prix seront compétitifs pour les

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RappoRt ecofilae

chapitRe 5

Les outils de suivi et de fonctionnement, après mise en place


intRoduction
La réutilisation des eaux usées pose des questions multiples d’un projet de REUT, n’ont pas été identifiés et doivent être
et complexes. L’évaluation et l’intégration des différentes mis au point.
composantes d’un projet (voir équation de durabilité en Figure Les outils et les méthodologies décrits dans ce chapitre sont
2) nécessitent des outils spécifiques d’aide à la décision et des outils d’évaluation. Ils doivent être utilisés et exécutés en
des méthodologies intégratrices. L’absence d’outils de ce amont de la mise en place des infrastructures pour assister
type constitue la limite principale pour le développement et le à la définition et au choix du projet. Différentes options de
déploiement massif des projets de réutilisation. réutilisation des eaux usées et de non-réutilisation peuvent
Des approches multi-impacts et multi-sectorielles adaptées être comparées, en termes d’impacts sur l’environnement,
aideraient les décideurs et les gestionnaires dans l’évaluation l’économie et la santé. Le pré-dimensionnement des différentes
de la durabilité des projets et dans l’identification et la options est préalablement souvent nécessaire pour réaliser
sélection des meilleures options de réutilisation à mettre en ces évaluations : des outils spécifiques de dimensionnement
œuvre. (traitement, réseau, systèmes d’irrigation, et surfaces irriguées)
existent déjà pour tous les composants de la filière de
Un cadre méthodologique, consistant en un plan d’étapes réutilisation des eaux usées.
(Figure 19 ci-dessous) et une checklist (Tableau 15 du Plan
Bleu n°11), pour l’évaluation du projet a été développé Les outils et les méthodologies les plus courants et les plus
dans le Plan Bleu n°11 (Condom 2012)1. Il vise à aider les intégrateurs dans le domaine du traitement des eaux usées
gestionnaires à mettre en place leur projet de réutilisation et de la réutilisation pour intégrer les risques économiques,
des eaux usées traitées, étape par étape, et à compiler les environnementaux, et sur la santé, sont principalement :
informations nécessaires pour répondre aux questions clés UÊʏ½ ÌÕ`iÊ`½ˆ“«>VÌÊi˜ÛˆÀœ˜˜i“i˜Ì>Ê­  ®ÊÆ
amont à la mise en œuvre du projet. Une fois les réponses UÊʏ½ Û>Õ>̈œ˜Ê`iÃÊÀˆÃµÕiÃÊÆ
obtenues, la checklist devient un outil de prise de décisions UÊʏ½˜>ÞÃiÊVœ×̇Lj˜jwViÊ­ ®ÊÆ
et de partage de l’information. Elle constitue également un UÊʏ½˜>ÞÃiÊ`ÕÊVÞViÊ`iÊۈiÊ­ 6®]ʓjÌ œ`œœ}ˆiÊj“iÀ}i˜ÌiÊ
support de travail en commun pour tous les acteurs impliqués ayant un potentiel d’application large et une grande utilité
dans le projet. dans le domaine de la réutilisation des eaux usées.

1 - https://planbleu.org/sites/default/files/publications/cahier11_reut_en.pdf

FIGURE 19 : Grandes lignes de l’évaluation d’un projet de réutilisation d’eaux usées traitées – Plan Bleu n°11

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RappoRt ecofilae

que la protection des bassins versants, le développement


données et indicateuRs
économique local, et l’amélioration de la santé publique ne
sont pas correctement quantifiés (World Bank, 2010).
Sato et al., 2013 a mis en évidence que les données fiables Les analyses coût-bénéfice sont rarement effectuées de
sur les eaux usées étaient limitées et manquantes malgré manière complète. Cela a sans doute mené à l’abandon
les prévisions d’augmentation du marché de la REUT dans de projets qui auraient été économiquement valables. Les
le monde (des retours d’expériences, des données sur les coûts et les bénéfices indirects, mais aussi les externalités
caractéristiques de l’eau, sur les pratiques culturales, etc.) sociales et environnementales doivent être intégrées dans les
(Sato 2013). L’élaboration d’un cadre pour collecter, stocker analyses. En Égypte, aucune ACB intégrant tous les coûts et
et analyser les données est nécessaire pour partager les les bénéfices indirects n’a été effectuée.
retours d’expérience.
Dans de nombreux pays en développement, l’ACB ne
tenterait plus de déterminer si la REU est rentable ou non,
Les différents outils d’évaluation utilisent des indicateurs mais de définir et d’aider à sélectionner les scénarii les plus
spécifiques. Ils permettent de faciliter le processus de prise rentables et les plus durables. Les analyses coûts bénéfices ont
de décision, en simplifiant ou en résumant les propriétés néanmoins été menées en France (ONEMA - Loubier 2013)
essentielles, en représentant les phénomènes d’intérêt, en et en Italie (Verlicchi 2012) sur plusieurs projets de REUT,
quantifiant, mesurant et communiquant les informations tout en soulignant la nécessité de nouveaux développements
pertinentes (Gallopin 1997). Les indicateurs utilisés pour méthodologiques et de davantage de retours d’expériences.
évaluer la durabilité de projets de réutilisation des eaux Dans certaines régions (Méditerranée), en particulier
usées ont été décrits dans le Plan Bleu n°11 (Condom dans les zones rurales pauvres et en croissance rapide,
2012). Néanmoins, ils doivent à chaque fois être adaptés les bénéfices liés à la REUT (préservation des ressources,
au cahier des charges de chaque projet car leur utilisation soutien à l’agriculture irriguée, etc.) peuvent être suffisamment
dépend des facteurs liés au territoire géographique, à son importants pour rendre l’ACB purement secondaire lors de
contexte environnemental, à la culture de la communauté, aux la prise de décision sur la mise en œuvre de systèmes de
utilisateurs finaux, et aux autres parties prenantes. traitement des eaux usées (Choukr’Allah 2010).
Certaines limites et critiques de la méthodologie ABC ont trait
à l’utilisation d’indicateurs environnementaux et sociaux qui
l’analyse coût/bénéfice, un outil ne reflètent pas le véritable impact sur l’environnement ou sur
d’évaluation économique la société. Les méthodologies utilisées (méthodes d’évaluation
contingente, méthode d’expérimentation des choix, etc.)
Les cadres méthodologiques pour les évaluations économique
peuvent prendre du temps et être difficiles à mettre en œuvre.
(ACB sociale) et financière (ACB privée) adaptées aux projets
de réutilisation des eaux usées traitées sont brièvement décrits
ci-dessous et plus particulièrement détaillés dans le document
du Plan Bleu n°11 (Condom 2012). les outils d’évaluation enviRonnementale

L’analyse économique est utilisée pour décider si un projet doit Les outils d’évaluation environnementale ont été développés
être mis en œuvre et pour déterminer s’il est économiquement et utilisés avec les objectifs principaux suivants :
justifié, c’est-à-dire, si les bénéfices dépassent les coûts UÊÊ>ÃÃÕÀiÀʏ>Ê`ÕÀ>LˆˆÌjÊi˜ÛˆÀœ˜˜i“i˜Ì>iÊÆ
(Condom 2012). Les Analyses Coût/Bénéfice (ACB) UÊÊ`j̜ÕÀ˜iÀʏiÃʈ“«>VÌÃÊ`>˜}iÀiÕÝʵՈʫœÕÀÀ>ˆi˜ÌÊ>ۜˆÀÊ՘iÊ
économique et financière sont deux étapes d’analyse d’un incidence sur les consommateurs ;
projet de réutilisation des eaux uses traitées. Les coûts et UÊÊÀj`ՈÀiʏiÃÊ`œ““>}iÃÊÃÕÀʏ½i˜ÛˆÀœ˜˜i“i˜Ì°
bénéfices sociaux, les externalités environnementales et les
impacts sur la santé humaine peuvent être appréhendés L’empreinte eau est un outil d’analyse mono-critère. Il se
(processus d’identification et de monétisation) au sein concentre sur les impacts sur les ressources en eau en mesurant
d’une ACB sociale. Le but d’une analyse financière est de la quantité d’eau utilisée pour produire un service. Le concept
déterminer si un projet peut être financé et comment. L’analyse d’eau virtuelle y est inclus. L’empreinte eau permet également
financière se penche sur les structures de financement par de quantifier l’eau consommée par un pays donné, ou,
le biais de l’ACB privée (Condom 2012). Elle cherche à globalement, dans un bassin fluvial particulier ou dans un
identifier des mécanismes de financement adéquats (des aquifère.
tarifs de l’eau adaptés, la mise en place de subventions, L’étude d’impact environnemental et l’évaluation et la
etc.). L’investissement, l’exploitation et les flux financiers sont gestion des risques sont parmi les outils environnementaux
intégrés dans l’analyse. employés dès les étapes projets préliminaires dans les
Les incertitudes, les hypothèses et les risques financiers secteurs du traitement et de la réutilisation des eaux usées
et économiques peuvent être abordés en utilisant des (Ahmed 2010).
méthodologies d’analyse de sensibilité (scénarios multiplies La méthodologie Analyse du Cycle de Vie a été adaptée
ou mise en œuvre de la méthode de Monte-Carlo). au traitement des eaux usées, mais aussi pour les systèmes
Les projets de REUT sont actuellement souvent sous-évalués d’irrigation, néanmoins, il semble qu’elle n’ait à ce jour
par rapport à d’autres projets liés à l’eau, notamment car jamais (ou rarement) été appliquée sur une filière complète et
les avantages sociaux, environnementaux et sanitaires tels intégrée de réutilisation des eaux usées.

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paRtie 2 -
RappoRt ecofilae

plus holistique. Elle tient compte de tous les impacts amont


L’EIE est un cheminement pour “identifier les conséquences et aval liés à un processus. Toutes les problématiques
probables sur l’environnement biogéophysique et sur la environnementales sont ainsi rassemblées dans une
santé et le bien-être humain de la mise en œuvre d’activités méthodologie quantitative (Risch 2012). La méthodologie
particulières, et communiquer ces informations, à un stade de l’ACV va également au-delà car elle fournit une base
où elles peuvent affecter matériellement les décisions de pour évaluer le potentiel d’amélioration de la performance
ceux en charge d’étudier les propositions” (Wathern 1988). environnementale d’un système (Hellweg 2014).
L’objectif de l’EIE est de faire en sorte que les problèmes
environnementaux soient prévus et bien traités par les
BOÎTE À OUTILS MÉTHODOLOGIQUE – ANALYSE DE CYCLE DE VIE
décideurs.
Les normes ISO 14040 et ISO 14044 traitent à la fois les détails
L’évaluation des impacts environnementaux a été mise en
place sous de nombreuses formes à travers le monde et selon techniques et l’organisation conceptuelle de l’ACV.
des méthodes non équivalentes. L’EIE a été largement utilisée L’organisation internationale de normalisation (ISO) a défini l’ACV
pour la mise en place de stations d’épuration comme un outil comme «une technique pour évaluer les aspects environnementaux
de planification pour prévoir les impacts attendus, fournissant et les impacts potentiels associés à un produit en :
ainsi des alternatives possibles et des mesures d’atténuation
- dressant un inventaire des entrées et sorties pertinentes d’un
(Ahmed 2010). Dans les pays en développement les
ÃÞÃÌm“iÊ`iÊ«Àœ`ÕV̈œ˜ÊÆ
organismes d’aides demandent souvent des EIE pour les
projets de stations d’épuration et de réutilisation qu’ils - évaluant les impacts environnementaux potentiels associés à ces
financent. i˜ÌÀjiÃÊiÌÊViÃÊÜÀ̈iÃÊÆ
- interprétant les résultats de l’analyse de l’inventaire et des phases
Cette méthodologie a néanmoins certaines limites qui d’évaluation des impacts par rapport aux objectifs de l’étude “(ISO
ont tendance à limiter son statut d’outil d’évaluation
14.040).
environnementale. Elle est conduite en un temps donné,
souvent tardivement dans le processus de planification, L’ACV est globale, multicritères et quantitative. Elle suit un processus
généralement après que les gestionnaires du projet aient fixé itératif entre les résultats et l’interprétation.
une conception particulière. Il est alors difficile d’attendre de
l’EIE qu’elle propose des changements importants dans les ÉTAPE 1 : Définition des objectifs de l’ACV : pourquoi l’ACV doit-elle
décisions fondamentales. être menée ?
l’évaluation et la gestion des risques ÉTAPE 2 : Description des limites du système (conceptuelles,
La réutilisation des eaux usées induit une combinaison de géographiques et temporelles) : les limites doivent être définies en
risques sanitaires, environnementaux ou agronomiques. fonction des objectifs principaux de l’ACV et en intégrant le milieu
L’évaluation et la gestion des risques est un processus complet récepteur. Elles auront une influence sur le processus de collecte des
dans lequel les données disponibles sont utilisées pour estimer données. Les limites de l’ACV doivent être évaluées et anticipées
la fréquence d’apparition des dangers ou des événements en parallèle (qualité des données et hypothèses principales).
spécifiques (probabilité), ainsi que l’ampleur de leurs impacts
Le diagramme de flux qui intègre toutes les étapes et toutes les
(Condom 2012).
composantes du processus est construit.
Les risques et leurs impacts doivent être clairement identifiés,
puis des mesures de réduction des risques sont proposées. ÉTAPE 3 : Définition d’une unité fonctionnelle adaptée, une
Cette méthode est considérée comme un outil d’aide à la référence à laquelle les entrées et les sorties sont liées : c’est un
décision utilisé par les gestionnaires et les décideurs pour produit ou un service auquel les impacts environnementaux seront
développer, analyser et comparer différentes options et évalués ou comparés. Cette définition est nécessaire pour assurer
sélectionner la réponse appropriée à un danger potentiel la comparabilité des résultats. Elle doit être liée aux principales
pour la santé. Un niveau de risque « acceptable » doit être questions / objectifs de l’étude.
identifié (Ahmed 2010). Néanmoins une limite de l’analyse
des risques est que si un produit est converti en une autre ÉTAPE 4 : Inventaire : collecte de données afin de quantifier
substance en cours d’utilisation, il ne figure pas dans le les entrées et sorties du système (énergie, matières premières,
processus d’évaluation. émissions et productions sont calculées sur l’ensemble du cycle de
vie). Les données collectées sont également reliées à l’unité du
Par rapport à l’EIE classique, l’évaluation et la gestion des
processus et à l’unité fonctionnelle.
risques comprend et considère les incertitudes et les risques
lors de la mise en œuvre et du fonctionnement du projet. ÉTAPE 5 : Évaluation des impacts du cycle de vie : identification des
L’évaluation et la gestion des risques est maintenant et de effets et des impacts du système sur l’environnement. La qualité des
manière quasi systématique inclue dans l’EIE. données recueillies à l’étape 4 est capitale.
ÉTAPE 6 : Quantification des impacts et regroupement en catégories
d’impacts et en effets intermédiaires (« mid-points », au milieu de la
L’analyse de cycle de vie facilite la prise de décision et fournit chaîne de causalité) : des facteurs d’équivalence peuvent être utilisés
une évaluation rigoureuse de la durabilité environnementale pour quantifier les différents impacts (par exemple en équivalent
d’un produit, d’un service ou d’un procédé. Elle est actuellement phosphate pour l’impact de l’eutrophisation, en équivalent C02 pour
considérée comme l’outil d’évaluation environnementale le

39
paRtie 2 -
RappoRt ecofilae

Plus récemment, un manque de méthodes holistiques a été


le changement climatique, etc.). Les impacts sont ensuite regroupés identifié (Loiseau 2012) pour l’évaluation environnementale de
en 18 catégories d’impacts indépendantes (le graphique du profil scénarios territoriaux-régionaux (y compris toutes les activités
de production et de consommation). Sur cette base, des
environnemental permet de comparer des scénarios sur la base de
ACV territoriales ont été développées (Loiseau 2013) comme
ces 18 catégories d’impacts, parmi celles-ci : changement climatique,
outil très prometteur pour promouvoir le développement de
eutrophisation, éco-toxicité, toxicité humaine, toxicité aquatique l’économie circulaire.
pour l’eau douce et pour l’eau de mer), puis en catégories d’impacts
intermédiaires. Ils sont ensuite agrégés en 3 points finaux (les
dommages, en fin de la chaîne de causalité) : la santé humaine
(EVCI), les ressources (en valeur monétaire), et la biodiversité (en Dans un contexte de prise de conscience du changement
pourcentage des espèces touchées). climatique et de la rareté de l’eau, la gestion de l’eau dans
Les décideurs et les non initiés à cette méthodologie peuvent se les villes fait face à de nombreux défis, liés aux ressources
trouver en difficulté lorsqu’il s’agit d’en tirer des résultats solides à en eau, aux utilisateurs de l’eau et aux technologies
partir des profils environnementaux. associées. Les décideurs ont besoin d’outils pour évaluer
les impacts environnementaux des systèmes urbains d’eau
ÉTAPE 7 : La normalisation est utilisée pour produire un cadre de et ainsi comparer les solutions techniques, comprenant les
référence. Les unités dans chaque catégorie d’impacts du profil infrastructures, l’exploitation et la maintenance. Les approches
environnemental sont différentes en raison des processus de calcul. holistiques sont nécessaires pour évaluer tous les composants
Les valeurs sont donc reliées à l’ampleur du problème dans une du système de manière intégrée, et l’analyse du cycle de vie
période de temps donnée. Par exemple, le total des émissions en est de plus en plus utilisée à cet effet au sein de la communauté
équivalent C02 du processus est relié à la quantité émise dans le pays de l’eau (Loubet 2014).
durant la même période de temps. En ce qui concerne plus particulièrement les systèmes de
traitement des eaux usées, l’objectif de l’ACV est d’évaluer si
ÉTAPE 8 : Une analyse de sensibilité des résultats est effectuée pour
les technologies de traitement de haute technicité utilisées pour
tester la robustesse des résultats en ce qui concerne les incertitudes
purifier l’eau (et réduire ainsi l’impact sur la ressource en eau
et hypothèses principales (Wei 2015). En parallèle de l’analyse de en sortie) sont valables vis-à-vis des impacts liés à l’énergie, aux
sensibilité, l’incertitude peut être évaluée à l’aide de simulations matières premières, à la consommation des produits chimiques
de Monte-Carlo sur des ensembles stochastiques de données issues et aux émissions. Le cycle complet du processus de traitement
d’inventaire. y est analysé. Les études ACV doivent donc être utilisées pour
guider la prise de décision afin d’éviter la mise en place
ÉTAPE 9 : l’étape d’attribution de valeurs vise à produire des scores
d’infrastructures ne répondant pas aux objectifs humains et
individuels par pondération et par agrégation de tous les scores par
environnementaux au profit de technologies propres incluant un
catégories d’impacts. Cette étape simplifie la décision, mais est très recyclage des nutriments et de l’eau et une réutilisation efficace
controversée et subjective car elle est anthropocentrique et basée sur des ressources (Risch 2015).
des jugements de valeur. Cette étape n’est pas obligatoire.
Certaines études récentes ont ouvert de nouvelles perspectives
ÉTAPE 10 : Interprétation et présentation des résultats : présentation pour mieux tenir compte des avantages potentiels de
des origines critiques des impacts (questions clés pour la prise de la réutilisation : (i) (Risch 2014) en évaluant la part très
décision) et des options pour réduire ces impacts. importante de la consommation d’eau au cours du traitement
des eaux usées et (ii) (Harder, 2014) et (Heimersson 2014)
L’ACV sociale vise à quantifier les conséquences sociales d’un produit en incluant le risque pathogène dans l’analyse du cycle de
ou d’un service de production, tout au long de son cycle de vie. vie de la gestion des eaux usées et, enfin, (iii) (Loubet 2013)
Cette évaluation socio-économique peut également être utilisée pour en évaluant la perte d’eau à l’échelle du bassin versant dans
structurer un dialogue avec les différentes parties prenantes. L’outil une ACV qui intègre les effets cascades en aval.
ACV est actuellement à un stade précoce de développement. Des
données et des retours d’expériences sont donc nécessaires pour
l’amélioration de la méthodologie.
Les projets de traitement des eaux usées sont rarement
soumis à une ACV et aucune information n’a été trouvée
dans la littérature au sujet d’ACV en cours sur des projets de
L’ACV simplifiée est utilisée comme une alternative à l’ACV
réutilisation des eaux usées dans les pays en développement.
détaillée lorsque le spectre complet des données nécessaires
La méthodologie ACV est néanmoins souvent connue du fait
n’est pas disponible. Elle utilise des ensembles génériques
que de nombreux produits exportés vers les pays développés
quantitatifs et / ou qualitatifs de données. Elle comprend
exigent une ACV pour pouvoir être vendus (garantie-produit
également une estimation des impacts sur un cycle de vie
du respect de l’environnement).
simplifié qui se contente des étapes particulières du cycle de
vie où les impacts environnementaux importants sont identifiés. Dans le cas d’une évaluation de la filière de réutilisation
Elle est généralement présentée comme une matrice : les étapes d’eaux usées :
du cycle de vie sur un axe et les impacts environnementaux sur UÊÊÊ ÕÊ LiÀVi>ÕÊ DÊ >Ê Ìœ“LiʂÊ\Ê ÊLiÀVi>ÕÊ‚Ê jµÕˆÛ>ÕÌÊ DÊ >Ê
l’autre. Elle nécessite des coûts moindres et des délais plus production et à la collecte des eaux usées brutes, tandis
courts. Cette méthodologie manque néanmoins encore de que la « tombe » serait l’ensemble de tous les flux dans
développement et a besoin de normalisation. l’environnement (masses d’eaux réceptrices) ;

40
paRtie 2 -
RappoRt ecofilae

UÊÊiÊÃiÀۈViÊVœ˜Ãˆ`jÀjÊ«œÕÀÀ>ˆÌÊkÌÀiʁʈÀÀˆ}ÕiÀÊ£Ê >Ê>ÛiVÊ`iÃÊ L’ACV simplifiée capte la complexité et l’ambiguïté de l’ACV


eaux usées traitées », ou « cultiver 1 ha de cultures irriguées et offre un cadre logistique approprié pour son application.
avec des eaux usées traitées », en comparaison avec
Dans les pays en développement confrontés à un besoin
l’utilisation de ressources en eau classiques;
croissant d’installations de stations d’épuration et de systèmes
UÊʏiÃÊÜÕÇ«Àœ`ՈÌÃÊ­œÕÊVœ‡«Àœ`ՈÌîÊܘÌʏiÃÊLœÕiÃÊ«Àœ`ՈÌiÃÊ>ÕÊ
de réutilisation, l’utilisation de l’ACV peut constituer un outil
cours des étapes de traitement et les productions agricoles.
viable pour une prise de décision durable. La méthodologie
Le diagramme de flux représenterait les étapes diverses et ACV devrait être examinée et adaptée à l’élaboration des
successives de la filière de réutilisation des eaux usées politiques environnementales.
traitées. Pour chaque étape (étapes de traitement, stockage,
irrigation...) les entrées (matières premières, énergie, etc.) et
les sorties (émissions dans l’air, dans l’eau, dans le sol et l’utilisation combinée de difféRents outils
déchets solides) seraient calculées et converties en impacts pouR une évaluation suR mesuRe
pour l’environnement, avant d’être additionnées pour obtenir
l’impact global du cycle de vie du produit (ou service) sur Les approches multicritères et multidisciplinaires présentées
l’environnement et sur la santé. plus haut traitent toutes les questions environnementales,
Avant de mettre en route la méthodologie ACV, les objectifs mais les méthodologies sont adaptées pour atteindre des
de l’étude doivent être correctement identifiés : objectifs différents, du projet local aux réflexions stratégiques
UÊʽœLiV̈vÊ «iÕÌÊ kÌÀiÊ `iÊ Vœ“«>ÀiÀÊ `iÕÝÊ ÃVj˜>ÀˆˆÊ ­ÓÊ ÃVj˜>ÀˆˆÊ de plus grande envergure (ville, région, bassin versant). Les
de 2 technologies alternatives pour la réutilisation ou 1 gestionnaires de projet doivent être conscients des spécificités
scénario de réutilisation comparé à un traitement classique des différents outils et définir soigneusement leurs objectifs
associé à une irrigation classique sans réutilisation). Il est avant de lancer des études.
alors possible de supprimer les étapes identiques («ceteris
paribus»). Par exemple, des stations d’épuration sont déjà
construites dans une ville (ou le seront dans tous les cas) L’ACV et l’EIE traitent toutes les deux des questions
et les décideurs cherchent à savoir si cela vaut la peine environnementales, mais le volet économique est difficilement
(d’un point de vue environnemental) de réutiliser de l’eau pris en compte, laissant un vide d’informations incontournables
(en ajoutant des traitements tertiaires, en construisant des (Ahmed 2010). L’analyse coût /bénéfice économique et
réseaux d’irrigation...), ainsi les étapes de traitement financière semblent être la mieux adaptée pour l’évaluation
primaire et secondaire peuvent être soustraites (dans les des considérations économiques. Néanmoins, même si des
deux scénarios) ; ACB sont menées depuis le milieu du XXe siècle, de grandes
UÊʽœLiV̈vÊ «iÕÌÊ kÌÀiÊ `½jÛ>ÕiÀÊ ½ˆ“«>VÌÊ i˜ÛˆÀœ˜˜i“i˜Ì>Ê `iÊ difficultés et limites sont encore liées à l’utilisation d’indicateurs
l’irrigation avec des eaux usées traitées à des fins d’éco- environnementaux.
conception (amélioration de l’éco-efficacité du système
basée sur l’identification des principaux contributeurs aux
impacts, à chaque étape du cycle de vie). Dans ce cas, L’étude d’impact environnemental et l’évaluation et la
toutes les étapes de la filière de réutilisation (depuis la gestion des risques sont des approches localisées et site
collecte des EUB) doivent être incluses et analysées dans spécifiques puisque les émissions et les impacts réels sur
le diagramme de flux. l’environnement local spécifique du site sont évalués, tandis
que l’ACV porte sur l’évaluation des impacts potentiels plus
Les principales difficultés d’application de l’ACV dans les larges. L’ACV est une méthodologie limitée pour évaluer
pays en développement sont les suivantes : l’impact réel : par exemple les émissions et les impacts
UÊÊiÊ v>ˆLiÊ ˜ˆÛi>ÕÊ `iÊ Vœ˜ÃVˆi˜ViÊ `iÊ ½ṎˆÌjÊ `iÊ ÌiÃÊ œṎÃÊ connexes sont quantifiés sur une période donnée sans tenir
parmi les décideurs ; compte de la distribution au cours de cette période ni ses
UÊÊiʓ>˜µÕiÊ`iÊV>«>VˆÌjÃÊ­œ}ˆVˆi]ʓjÌ œ`œœ}ˆiÊVœ“«iÝiÊ impacts spécifiques connexes (Ahmed 2010). En revanche,
non-adaptée) ; par rapport à l’ACV, l’EIE a tendance à négliger les impacts
UÊÊiʓ>˜µÕiÊ`iÊ`œ˜˜jiÃÊVœ˜ÌiÝÌÕiiÃÊ>VViÃÈLiÃÊÆ indirects et cumulatifs (Guinee 2001).
UÊÊ>Ê ˜jViÃÈÌjÊ `½>ۜˆÀÊ `iÃÊ V>Ìj}œÀˆiÃÊ `½ˆ“«>VÌÃÊ >`jµÕ>ÌiÃÊ
et adaptées ; L’ACV est reliée à l’équilibre de masse et d’énergie pendant
UÊÊiÊ “>˜µÕiÊ `iÊ Vœ>LœÀ>̈œ˜Ê i˜ÌÀiÊ iÃÊ iÝ«iÀÌÃÊ `iÊ ½ 6Ê le fonctionnement normal, la chaîne d’effets étant limitée aux
dans la région. effets primaires ou aux effets potentiels, alors que les émissions
accidentelles ou les accidents, qui sont considérés comme le
La recherche sur l’ACV pour les eaux usées s’étend nerf de l’évaluation et la gestion des risques, ne sont pas dans
principalement dans les pays développés avec des le viseur de l’ACV (Ahmed 2010).
contributions très limitées des pays en développement. Les
bases de données sont donc limitées. Mais les données Les résultats de l’évaluation des impacts par l’ACV sont
peuvent aussi être collectées à partir de la littérature, exprimés sous la forme d’indicateurs numériques communs
d’estimations, ou de modélisations mathématiques. (pour tous les impacts / émissions) généralement non reliés
à l’espace ni au temps, tandis que les impacts des études
Une autre limite de l’ACV est la difficulté d’assimiler, d’intégrer d’impact environnemental et des études d’évaluation et de
et d’accéder à des résultats pour les décideurs, car elle ne gestion de risques sont exprimés en concentrations spécifiques
fournit pas une note unique pour l’évaluation environnementale pour un contexte et un projet donné.
et pour la santé.

41
paRtie 2 -
RappoRt ecofilae

Les retours d’expériences de l’ACB et de l’ACV dans les


des eaux usées pays en développement sont rares, en particulier sur la
Aucune solution unique d’outil n’existe, mais un ensemble réutilisation des eaux usées. Si d’autres études sont effectuées,
d’outils complémentaires choisis et combinés en fonction du davantage de données et connaissances seront partagés.
contexte et des objectifs peuvent permettre l’évaluation des
projets en ce qui concerne des considérations économiques,
environnementales et sociales. peRspectives pouR des développements
Dans un premier temps les décideurs ont besoin d’identifier futuRs
les scénarii de réutilisation des eaux usées qu’ils ont sur leur
territoire. Le volet économique d’un projet est une préoccupation
majeure pour les décideurs et les bailleurs de fonds. Des
Dans le cas où un projet est presque lancé (le traitement de outils spécifiques et accessibles - et leurs bases de données
la station d’épuration est choisi, il n’y a qu’un scénario de associées - doivent être développés afin de permettre aux
réutilisation), l’EIE et l’évaluation et la gestion des risques départements techniques locaux d’ingénierie de mener des
semblent être les outils les plus adaptés pour l’évaluation ACB privées et sociales.
environnementale et l’évaluation des risques. De plus la
réutilisation des eaux usées traitées peut avoir de vastes Des méthodologies ACV ont déjà été développées pour
répercussions socio-économiques, et (comme indiqué traiter de projets de traitement des eaux usées et d’irrigation.
dans le Chapitre 3) sur l’environnement au sens large. Des L’ACV doit être appliquée à des projets de réutilisation des
approches intégratives et des approches processus sont donc eaux usées pour en démontrer le fort potentiel sur des grands
nécessaires. projets d’envergure. Commencer à collecter les données
nécessaires aux ACV et développer un cadre méthodologique
Mais lorsque les décideurs ont besoin de raisonner à une constituent les premières étapes.
échelle plus grande (région, bassin ou niveau de la ville) Identifier les meilleurs indicateurs et les critères qui peuvent
et sont impliqués dans les décisions plus larges et pour des être utilisés pour surveiller la performance des processus dans
grandes orientations, alors l’AVC est l’outil intégré qui pourrait les scénarii de réutilisation et développer des techniques
permettre d’évaluer l’impact environnemental de différents de surveillance en temps réel (ou proche) pour leur mesure
scénarii de réutilisation. sont également l’une des clés de la durabilité des projets de
Sur les projets de réutilisation des eaux usées actuels, l’EIE est réutilisation.
souvent obligatoire (requise par les bailleurs de fond), tandis
que l’ACV serait souvent effectuée sur des bases volontaires.

42
RappoRt ecofilae

pRincipales Recommandations
pouR des développements futuRs

Cette section résume les principales recommandations pour Le choix des technologies de traitement doit être basé sur les
combler les vides de connaissances, de méthodologies et de qualités d’eau requises par les usages aval, la réutilisation
pratiques opérationnelles. des EUT doit donc être intégrée dès les phases de réflexion
des systèmes de traitement.
adopter un cadre intégré
Les systèmes de réutilisation des eaux usées dans les zones
Il est fortement recommandé d’inclure la réutilisation des
périurbaines sont souvent des systèmes urbains centralisés
eaux usées dans tous les plans de gestion des ressources
déployés sur de vastes superficies. Néanmoins les progrès
en eau intégrée et de la connecter avec d’autres secteurs
dans des technologies et des systèmes de traitement des
économiques pour accélérer le recouvrement des coûts, la
eaux usées décentralisées peuvent être particulièrement
réduction des risques et une mise en œuvre durable.
pertinents dans des contextes urbains en croissance rapide
Une réglementation spécifique et un cadre organisationnel où l’installation d’infrastructures de collecte et de traitement
doivent être mis au point pour permettre un partage approprié centralisées n’est pas rentable (CGIAR 2012).
des responsabilités entre les différents, et souvent nombreux,
partenaires des projets. Les lignes directrices et les politiques préparer une nouvelle génération de décideurs
doivent promouvoir des normes fondées sur les capacités et et de professionnels
les options de réutilisation locales. La formation et la sensibilisation des décideurs sont requises :
UÊÊDʏ½jV iiʘ>̈œ˜>iÊiÌÊÀj}ˆœ˜>iÊ«œÕÀʏiÃÊ`jVˆ`iÕÀÃ]Ê>w˜Ê`iÊ
Toutes les parties prenantes doivent être intégrées dès le début
leur donner les clés pour identifier les zones à fort potentiel
dans les plans de réutilisation de l’eau. Des platesformes
et créer un cadre organisationnel adapté (réglementation,
multi-acteurs pour faciliter le dialogue et le développement
partage des responsabilités, etc.) ;
de méthodes participatives sont autant d’outils facilitant
UÊÊDʏ½jV iiʏœV>iÊiÌÊDʏ½jV iiÊ`iÃÊ«ÀœiÌÃÊ«œÕÀʏiÃÊ>VÌiÕÀÃÊ
l’absorption de l’innovation et l’apprentissage social.
locaux en charge d’un projet de réutilisation, afin de leur
Des solutions mixtes public / privé et public / public fournir un cadre certifié pour mener à bien leur projet depuis
pour l’investissement, la prestation de services, l’exploitation le stade initial (l’idée) jusqu’à un système durable.
et la maintenance peuvent être des options à prendre en
A titre d’illustration, sélectionner les technologies les plus
considération.
adaptées est souvent difficile pour les décideurs et les
gestionnaires de projet. Ils doivent être conscients de toutes
les possibilités et avoir tous les éléments techniques clés
par le choix des technologies appropriées
pour faire le meilleur choix en fonction de leurs conditions
Les risques sanitaires sont trop élevés dans les cas de
et contraintes locales (économiques, climatiques, techniques,
réutilisation non contrôlée et non pilotée d’eaux usées brutes.
etc.).
Les avantages qu’elle procure en termes économiques et
agronomiques ne permettent pas de les contrebalancer
(bonnes pratiques et système multi-barrières mis en avant par
et développer des outils d’aide à la décision
l’OMS en 2006).
Il serait intéressant d’appliquer des méthodologies ACV sur
L’intérêt est croissant pour les systèmes de traitement à des sites spécifiques pour obtenir une meilleure vue d’ensemble
faible coût et à faible entretien tels que le lagunage, les de toutes les interactions et de tous les impacts entre l’énergie,
zones humides, ou l’infiltration sol-aquifère. Plus de retours les masses d’eau et la réutilisation des eaux usées.
d’expériences (nouveaux pilotes) sur de tels systèmes sont
La salinité est une question clé souvent sous-évaluée dans
néanmoins nécessaires. Les solutions avec le meilleur rapport
les projets et les règlements. Une gestion appropriée de la
coût-efficacité doivent en effet être prises en considération. La
salinité de l’eau et du sol doivent pourtant être mise en œuvre
réduction des niveaux de risques (agents pathogènes et autres
pour atténuer les effets.
polluants) liés aux systèmes agronomiques (sols et cultures),
mais aussi pendant le transport et le stockage des eaux, et au La composante économique du projet est une préoccupation
travers des systèmes d’irrigation, doivent être mieux compris majeure pour les décideurs et les bailleurs de fonds. Des outils
et caractérisés. La recherche sur les technologies de traitement spécifiques et accessibles - et les bases de données associées -
(même celles à faibles coûts et les technologies décentralisées) doivent être développés afin de permettre aux départements
devrait donc se concentrer sur des systèmes capables techniques d’ingénierie locaux de mener des ACB privées
de réduire les agents pathogènes tout en maintenant le et sociales qui tiennent compte de l’équité sociale lors de la
potentiel agronomique des eaux usées. définition des mécanismes de recouvrement des coûts.

43
RappoRt ecofilae

SynthèSeS payS
pays 1 : tunisie
pays 2 : maRoc
pays 3 : joRdanie
pays 4 : egypte
pays 5 : les teRRitoiRes palestiniens

pays 1 : tunisie

contexte En plus des révisions de la réglementation, la poursuite


La Tunisie développe la réutilisation d’EUT depuis plus de de travaux de nature économique sur la valorisation et la
30 ans. Le secteur du traitement des eaux a connu des tarification est nécessaire (comparaison EUT / ressource eau
développements en continu qui ont permis la mise en place douce conventionnelle).
d’installations planifiées. Environ 24 % des eaux usées
Les expériences montrent que des efforts supplémentaires
traitées sont utilisée à des fins d’irrigation de l’agriculture.
doivent également être réalisés en matière d’éducation et de
Plus qu’ailleurs dans le monde la Tunisie a également pris
participation des communautés locales et des usagers finaux
des mesures pour atténuer les risques environnementaux et
des eaux usées.
sanitaires liés à l’utilisation d’EUB.

focUS : Gestion de la salinité des eUt à Sfax


La Tunisie a mis en œuvre avec succès la réutilisation des
Dans la ville de Sfax en Tunisie l’usine de traitement des
eaux usées traitées dans plusieurs secteurs :
eaux usées reçoit des effluents domestiques et industriels.
UÊʽ>ÀÀœÃ>}iÊ`iÊ̜ÕÃʏiÃÊ}œvÃÊÌ՘ˆÃˆi˜ÃÊ>ÛiVÊ`iÃÊ 1/ÊÆ
Le climat est aride avec des précipitations annuelles
UÊʽˆÀÀˆ}>̈œ˜Ê `iÊ «ÕÃÊ `iÊ ÎÊ äääÊ >Ê `iÊ VՏÌÕÀiÃÊ iÌÊ `iÊ vœÀkÌÃÊ
de 200 mm. Deux types de sols avec des propriétés
(chiffre 2009) ;
différentes, un calcisol sableux et un fluvisol argileux, ont
UÊÊ>Ê ÀjṎˆÃ>̈œ˜Ê DÊ `iÃÊ w˜ÃÊ i˜ÛˆÀœ˜˜i“i˜Ì>iÃÊ ÌiiÃÊ µÕiÊ
été irrigués respectivement pendant 15 et 4 ans avec
réhabilitation de zones humides et recharge des nappes,
des eaux usées traitées. La conductivité électrique de
mis en œuvre à la fois sur des pilotes et dans des projets à
l’effluent (CE) variait selon l’année entre 4 et 7,7 dS/m
grande échelle.
(MDT entre 3,56 et 5,13 g/L). L’irrigation a augmenté
de façon significative la salinisation et la sodification des
principaux freins
deux types de sols étudiés. Le calcisol irrigué n’est pas
Des évolutions sur la règlementation sont attendues. L’irrigation
sodique et est modérément salinisé même s’il a été irrigué
avec des EUT est actuellement interdite pour les cultures à
pendant 15 ans, tandis que le calcisol témoin (non irrigué)
forte valeur ajoutée telles que les cultures maraichères,
n’est pas du tout salinisé. Le fluvisol irrigué est sodique et
incitant les agriculteurs à revenir vers des ressources en eau
salinisé alors même que le fluvisol témoin (non irrigué)
conventionnelles, plus couteuses.
est salinisé mais non sodique. Il semble que l’irrigation
Les STEP n’étaient initialement pas construites à proximité ait eu des impacts différents selon les propriétés du sol
des zones irriguées, diminuant l’attractivité de la REUT. Les (principalement de la texture du sol), selon le protocole
chefs de projet essaient à présent d’intégrer les besoins des d’irrigation, et selon la gestion des cultures. La CE des
utilisateurs finaux lors de l’installations des équipements de couches superficielles du sol diminue avec le lessivage
traitement (Kampa 2010). du sel par des eaux usées traitées complémentaires et
par les pluies d’automne-printemps et augmente dans les
perspectives futures intervalles entre irrigation pendant la saison des récoltes,
Des travaux ont déjà été réalisés et sont encore en cours pour à cause des remontées d’eau salinisée par l’évaporation
caractériser et maitriser les impacts sanitaires, agronomiques ou par absorption racinaire (Kallel 2012).
et environnementaux (impacts à moyen et court terme sur
les plantes, les sols et les eaux souterraines par différents
polluants, salinité, métaux lourds et agents pathogènes). Les
travaux de recherche se concentrent maintenant sur les leviers
pour diffuser cette pratique (la préférence va encore à l’eau
douce, du fait que des cultures à plus haute valeur ajoutée
peuvent être cultivées).

44
RappoRt ecofilae

pays 2 : maRoc pays 3 : joRdanie

contexte contexte
Le Maroc accuse un retard par rapport à la Tunisie dans En Jordanie, pays à fort déficit hydrique, la REUT est depuis
le domaine de la REUT, mais est doucement en train de longtemps une composante parfaitement intégrée de la
le combler avec la construction de nombreuses stations gestion à long terme des ressources en eau. La REUT propose
d’épuration dans des villes de taille moyenne, dont la plupart une alternative à la désalinisation d’eau et aux transferts
utilisent des systèmes de lagunage. Les nouveaux projets de d’eau très coûteux.
construction de STEP intègrent désormais souvent la REUT
dans leurs objectifs. L’objectif de cette orientation politique
est de faire face à la prochaine crise de l’eau et de limiter la La Jordanie réutilise jusqu’à 85% des EUT. Toutes les eaux
réutilisation incontrôlée des EUB dans les zones périurbaines. usées traitées collectées des deux villes principales (Amman
et Zarqa) sont mélangées avec l’eau douce (le Réservoir King
Talal) puis utilisées pour l’irrigation non restrictive dans la
Dans de nombreuses grandes villes les EUT sont déjà vallée du Jourdain.
réutilisées pour arroser des terrains de golf ou des espaces
verts. La ville moyenne de Settat, avec 300 ha de maïs, de
blé et d’oliviers irrigués par des EUT, est l’un des meilleurs
exemples de REUT au Maroc.
La réutilisation des EUB reste une pratique courante. En 2009,
il a été estimé que près de 70 Mm3 d’EUB ont été utilisés pour
irriguer une superficie d’au moins 7 200 ha, à la périphérie
de certaines grandes villes (Marrakech, Meknès, Oujda,
Fès...) en aval des points de rejet des effluents, ou autour des
réseaux de traitement. L’irrigation des cultures maraîchères
destinées à la vente avec des EUB est interdite au Maroc.

principaux freins
Les pouvoirs publics ne parviennent pas contrôler la réutilisation
des EUB et sont par ailleurs conscients des avantages
économiques qu’elle procure. Les consommateurs en sont Irrigation REUT proche d’Amman en Jordanie – Ecofilae © Condom
conscients mais ne sont pas prêts à accepter leur légalisation,
même si des systèmes contrôlés sont mis en place. Le Maroc
principaux freins
a récemment été confronté à des problèmes sanitaires graves
La surexploitation des stations d’épuration provoque la
liés à cette pratique.
production d’EUT de faible qualité. Lorsqu’elles ne sont pas
La concurrence avec la libre et souvent gratuite utilisation diluées, elles ne peuvent être légalement utilisées que pour
d’eau conventionnelle, combinée à l’efficacité limitée des une irrigation restrictive : néanmoin de nombreux prélèvements
STEP, sont responsables de l’échec de plusieurs projets de illégaux apparaissent sur le réseau entre la station d’épuration
REUT, en particulier dans les petites collectivités. et les réservoirs où ils sont dilués.
Le cadre juridique et réglementaire sur la gestion des eaux
perspectives futures
usées manque de cohérence et est incomplet. Il limite la
Les lignes directrices doivent être transformées efficacement
coordination, la régulation des tarifs, l’exploitation et la
en normes, les programmes de surveillance mis en œuvre, et
surveillance des rejets, les sanctions pour non-respect des
les valeurs seuils recommandées appliquées.
normes et obligations (y compris pour les rejets industriels) et
la gestion appropriée des boues associées. La réhabilitation des STEP est l’un des défis majeurs et les
options de REUT doivent être examinées et inclues à chaque
perspectives futures nouveau projet. Le devenir des co-produits de l’eau (comme
Un projet de nouvelle règlementation est en cours d’élaboration les boues) doit être anticipé avant toute nouvelle construction.
par le groupe interministériel (Reval). La REUT émerge Aucune filière pour le devenir des boues n’avait été anticipée
lentement au Maroc comme un levier majeur pour lutter contre pour la STEP d’As-Samra (Amman). La réhabilitation des
la pénurie d’eau. En dépit des contraintes organisationnelles environnements salinisés doit également être considérée
et financières, le gouvernement tente d’encourager et de comme une utilisation potentielle des eaux usées traitées.
promouvoir des projets de REUT centralisés et décentralisés
Les expériences en Jordanie révèlent que les interventions en
(systèmes à petite échelle dans les zones rurales).
termes de cadre juridique doivent être complétée par des
campagnes de sensibilisation. La population doit également
être intégrée dans le processus de REUT pour assurer
l’acceptabilité et limiter l’utilisation non planifiée des eaux
usées.

45
RappoRt ecofilae

pays 4 : egypte

contexte Depuis les années 1990, l’Égypte a décidé de recycler les


Le contexte est marqué par des ressources en eau limitées EUT pour l’arrosage des forêts plantées (Figure 21). Des
(Indicateur Falkenmark près de 650 m3/an/hab.) et de plantations pilotes de futaies ont été faites sur 10 gouvernorats
forts besoins en eau pour l’agriculture. Les ressources en eau couvrant toutes les zones climatiques agricoles. L’Égypte est
conventionnelles (le Nil et les eaux souterraines) peuvent l’un des premiers pays à avoir développé des partenariats
difficilement être davantage mobilisées. public-privé sur la REUT pour ces projets. La REUT s’est donc
faite sur des plantations de forêts dans le désert, mais jamais
Le Nil et son delta reçoivent tous les types de rejets d’eau :
pour irriguer d’autres productions de type maraichage et
eaux domestiques traitées et non traitées, effluents industriels,
cultures de plein champs.
qui provoquent de sévères pollutions de l’eau (Figure 21).
Le long du Nil et, dans le delta, la réutilisation des eaux de
Les eaux de drainage agricole et les eaux usées, diluées dans
drainage est maintenant planifiée et en partie contrôlée.
l’eau « douce » du Nil, sont intensivement et depuis longtemps
Mais les pratiques encore courantes de réutilisation non-
réutilisées en aval, à plusieurs fins, y compris l’irrigation des
planifiée et non-contrôlée par les agriculteurs apportent des
cultures.
risques considérables pour la santé, peu d’autres options
Dans le delta du Nil la surface cultivée est de 200 000 ha, s’offrent aux agriculteurs.
le volume d’eau potable produit est d’environ 1 mm3/an, le
Les assolements sont adaptés en fonction de la qualité de
volume d’EUT de 0.241 mm3/an.
l’eau : de l’amont à l’aval, le riz, le blé et le maïs laissent
place à l’aquaculture.
Des systèmes de réutilisation à petite échelle pour les eaux
La réutilisation des eaux usées est une ancienne pratique en
grises ou bayaras (réservoirs sceptiques) sont également
Égypte. Depuis 1930, les eaux usées domestiques ont été
développés dans les zones rurales où l’extension de la
réutilisées sur des sols sableux dans des zones telles qu’Al
couverture des réseaux de traitement de l’eau et des stations
Gabal Al Asfar et Abou Rawash.
d’épuration n’est pas planifiée pour les prochaines décennies.

Legend
Reuse Pump Station
Drainage system
Drains Outfall

FIGURE 20 : Systèmes de drainage et de reuse dans le Delta du Nil – Farag ICID 2015

46
RappoRt ecofilae

principaux freins Aucun système de traitement centralisé n’est planifié dans les
La règlementation et les normes sont actuellement très zones rurales. Des systèmes décentralisés à petite échelle et
restrictives : la réutilisation des eaux usées traitées est limitée à bas coût associés à la REUT devraient être mis en place.
à l’irrigation des plantations arboricoles. Les restrictions sur
Des méthodes d’évaluation économique sont également
les usages, ainsi que du faible coût d’utilisation des eaux
requises car aucune analyse coût-bénéfice complète n’a
du Nil et des ressources souterraines n’encouragent pas les
jamais été effectuée sur de la REUT en Égypte : la valeur
investissements dans la réutilisation des eaux usées. Le respect
totale des EUT n’est pas encore pleinement exploitée.
et l’application des normes sont néanmoins très faibles, car
elles ne sont pas abordables pour le pays. Des travaux sont également nécessaires pour contrôler la
qualité des eaux uses traitées et sensibiliser l’opinion publique
Plusieurs ministères et autorités sont impliqués dans des projets
dont les craintes sur les aspects sanitaires constituent un point
de réutilisation des eaux usées traitées et ils manquent de
de blocage pour poursuivre la propagation de la REUT.
coordination et de communication.

perspectives futures
La prochaine révision de la règlementation devrait inclure
l’irrigation des cultures vivrières et la recharge des eaux
souterraines.

FIGURE 21 : Schéma de synthèse des flux d’eaux usées et de réutilisation en Egypte - Schéma Ecofilae

Domestic WW
Rural areas

Water treatment for domestic Low cost and individual Greywater recovery systems
and industrial uses on-site sanitation systems

Agricultural drainage water


Rice
Untreated WW discharge Official drainage reuse (indirect Wheat
TWW and raw and controlled) – 5 to 9 Bm3/year Maize
WW mixed with
Domestic WW freshwater Unofficial drainage reuse (indirect and
Urban areas uncontrolled) – 2 to 3 Bm3/year
Activated sludge, trickling filters,
(but also stabilization ponds, wetlands, Nile river and
Wetlands
RBC, UASB) drainage canals
TWW discharge Ex: Lake Manzala Water salinity increases
55.5 Bm3/year
Industrial WW as we go downstream
–> Adaptation of agricultural production
TWW direct reuse
0,7 Bm3/year (2,97 by 2017) :
0,44 with primary treatment +
0,26 secondary treatment + Groundwater
recharge
Forest and biomass energy crops Unrestricted agriculture
(restricted agriculture – non-edible crops) Direct reuse
+
Landscape irrigation Futur prospectives
Research and studies

47
RappoRt ecofilae

pays 5 : les teRRitoiRes palestiniens

contexte Des ONGs aussi ont installé des systèmes de réutilisation à


Les Territoires Palestiniens (Bande de Gaza et Cisjordanie) petite échelle.
sont confrontés à de fortes contraintes vis-à-vis des ressources
en eau, tant sur leur qualité que sur leur rareté : il n’y a principaux freins
quasiment pas d’eau de surface, le wadi Gaza est dévié Le cadre réglementaire est très récent mais l’irrigation de
avant d’atteindre la bande de Gaza, l’aquifère côtier (Gaza) cultures maraichères avec des eaux usées traitées est toujours
est surexploité, salé et pollué. Par ailleurs, la population croit interdite.
et les stations d’épuration sont surchargées.
Au-delà du contexte politique complexe, la coordination et
Néanmoins les eaux usées générées (56 mm3/an à Gaza) la communication entre les multiples organes de l’Autorité
correspondent potentiellement à 70% de la demande en eau Palestinienne de l’Eau sont des facteurs limitants.
d’irrigation à Gaza.
perspectives futures
Le projet NGEST mis en œuvre dans la bande de Gaza
Les expériences de réutilisation des eaux sont encore faibles en (Projet 9) est considéré de loin comme le plus grand projet de
Palestine. Les villages d’Anza et de Beit Dajan en Cisjordanie REUT de Palestine.
produisent des cultures grâce à une utilisation sûre et durable
d’eaux usées.
Au niveau de la station d’épuration de Sheikh Ajleen (Bande
de Gaza), les eaux usées partiellement traitées sont réutilisées
pour irriguer des plantations d’agrumes, d’oliviers et de
palmiers. La rentabilité économique y est très élevée pour les
agriculteurs (économies en apports de nutriments, meilleurs
rendements).

FIGURE 22 : Projets de REUT dans les territoires palestiniens - Schéma Ecofilae

PALESTINIAN West Bank


TERRITORIES 5 800 km2

Anza

Beit Dajan
Small scale pilot reuse projects
implemented by NGOs
In Gaza strip and West Bank

Jerusalem
NGEST project (Northern Gaza strip)
Indirect reuse of TWW (project)
85 000 m3/day

Beit Lahia WWTP


Jabaliya WWTP

Sheikh Ajleen WWTP


50 000 m3/day

Gaza strip
365 km2

48
RappoRt ecofilae

SynthèSeS pRojetS
pRojet 1 :
pRojet 2 :
pRojet 3 :
pRojet 4 :
pRojet 5 :
pRojet 6 :
pRojet 7 :
pRojet 8 :
pRojet 9 :

pRojet 11 :
pRojet 12 :

pRojet 1

la valorisation des eaux usées brutes :


une pratique courante
Au Ghana, seule une part mineure des boues fécales et Au Ghana, la plupart des ressources en eau mobilisées pour
des eaux usées est vraiment traitée et moins de 5 % de la l’irrigation sont contaminées par des eaux usées domestiques
population est connectée à un système d’assainissement. non traitées provenant d’un mauvais assainissement urbain.
Selon l’IWMI, en 2013, plus de 50 % des STEP étaient non L’IWMI (non publié) a estimé qu’au Ghana une superficie de
fonctionnelles, et plus de 25 % l’étaient partiellement. 40.000 ha est irriguée de façon saisonnière à partir d’EUB,
autour des villes et des villages. Cela représente plusieurs fois
l’équivalent de la superficie totale du pays actuellement sous
irrigation formelle.
Pour la ville d’Accra (population estimée à environ 2,5 millions
d’habitants), les principales origines de l’eau d’irrigation sont
des collecteurs d’eaux pluviales et des cours d’eau pollués. La
composition des eaux de ces drains naturels ou construits par
l’homme varie entre des EUB, des eaux pluviales et des eaux,
avec une dilution fonction des lieux et des saisons. Quelques
agriculteurs utilisent également des eaux usées brutes à partir
des conduites d’égout perforées ou des effluents partiellement
traités, dans des lagunes de systèmes dysfonctionnels de
traitement des eaux usées.

GHANA

KUMASI

ACCRA

La rivière Odaw au Ghana, un désastre environnemental préoccupant qui rejoint


FIGURE 23 : Accra et Kumasi au Ghana le lagon de Korle avant de rejoindre l’océan – IWMI

49
RappoRt ecofilae

Eau dérivée de drains pour l’irrigation agricole à Accra (Ghana) – Photographie : Mary Lydecker

pratiques agricoles et pratiques d’irrigation


A Accra, y compris dans les districts d’Ashaiman et Tema, des eaux usées brutes
on dénombre environ 800 à 1 000 maraichers dont 60% Près de 70% des agriculteurs urbains ghanéens ont indiqué
produisent des légumes exotiques (laitues, choux, oignons qu’ils avaient cultivé leurs parcelles de manière continue
de printemps, choux-fleurs…) et 40% produisent des légumes depuis plus de 10 à 20 ans. Ce résultat est remarquable
traditionnels et autochtones (tomates, gombos, corètes dans un contexte tropical qui, normalement, fonctionne
potagères, aubergines, et piments). uniquement grâce à des rotations. Mais la contribution
des EUB en termes d’apports de nutriments est néanmoins
La taille des parcelles cultivées en ville avoisine en moyenne
inférieure quand celles-ci sont diluées. Pour les apports en
0,01 à 0,02 ha par agriculteur, avec un maximum de 2 ha
azote et en phosphore via les eaux usées, ils ont été estimés
dans les zones péri-urbaines. L’arrosoir est la manière la plus
par Erni, et al. (2010) à environ 10% de ce qu’apportent
courante d’amener manuellement l’eau à la parcelle depuis
les engrais, le long de la rivière Oda qui absorbe et dilue la
des ressources à proximité, mais des seaux ou de petites
plupart des eaux usées produites à Kumasi.
pompes motorisées peuvent également être utilisés. L’irrigation
par gravité, à la raie, est pratiquée à Accra tandis que les Les agriculteurs capables de puiser dans des EUB (à Accra,
systèmes d’irrigation au goutte à goutte et par aspersion sont Tamale) et qui ont expérimenté leur valeur nutritive, essaient
peu fréquents. de la prendre en compte dans la gestion de la fertilité des
sols. La plupart des agriculteurs, cependant, utilisent des eaux
usées diluées ou de l’eau de cours d’eau pollués ayant des
par des pathogènes taux de nutriments trop faibles pour en tirer profit et l’intégrer
Au Ghana, et plus largement dans la sous-région, le majeur dans leurs programmes de fertilisation des cultures. Les
problème de santé concerne les maladies de type féco-oral concentrations en nutriments varient avec la dilution, avec la
transmises par des agents pathogènes. L’espérance de vie distance à la source d’eaux usées, avec le temps et entre les
corrigée de l’incapacité (EVCI1), autrement appelée charge saisons, il est donc presque impossible pour les agriculteurs
de morbidité, ou Disability Adjusted Life Years (DALY) en (qui ne peuvent pas payer les laboratoires) de prédire les
anglais, est estimée à 0,017 par personne par an au Ghana teneurs en éléments nutritifs.
en milieu urbain, en raison de diarrhées causées par des
problèmes d’eau et d’assainissement (Seidu 2011) alors que
l’OMS préconise une valeur inférieure à 10-6 DALY. dépend de cette ressource
Au Ghana l’agriculture urbaine et périurbaine est une
activité rentable avec des taux de productions très hauts. Les
agriculteurs sont néanmoins souvent contraints de se tourner
vers d’autres lieux de production lorsque leurs parcelles sont
Au Ghana, et plus largement dans la sous-région, le flux prises pour la construction. L’agricuture péri-urbaine et urbaine
d’effluents industriels dans les cours d’eau urbains et péri- profite à environ 2 000 agriculteurs urbains, 5 300 revendeurs
urbains est relativement faible puisque les grandes industries dans la rue, et 800 000 consommateurs quotidiens dans
se trouvent principalement le long de la côte. Des tanneries, les grandes villes, auxquels s’ajoute un nombre inconnu de
des mines d’or ou des sites de réparation de véhicules ont commerçants. A Kumasi (autre ville du Ghana) la demande
néanmoins été relevés en tant que sources de pollution des en légumes (laitues, cebettes..), comme en lait frais, est
EUB et des cours d’eau par les métaux lourds. presque entièrement couverte par la production intra-urbaine.
Les tomates, les aubergines, et le manioc, tout comme les
œufs et les volailles sont produites dans la zone péri-urbaine
alors que les produits de base tels que le taro, le plantain, le
maïs et le riz proviennent de zones rurales ou sont importés.

50
RappoRt ecofilae

pRojet 2

contexte et objectifs du projet Les bassins ont favorisé la prolifération de moustiques (vecteur
L’eau est une ressource rare dans la zone péri-urbaine de de maladies) en raison de l’absence d’une grille qui a été
Faisalabad et les EUB sont réutilisées pour l’irrigation sur plus ajoutée par la suite dans le traitement préliminaire.
de 2 500 ha.
Les EUT des bassins sont considérées trop salines par les
agriculteurs et avec des concentrations d’azote plus faibles
acteurs, opérateurs et Bailleurs de fonds
que les EUB (confirmé par une étude menée pendant 1 an).
La WASA (Water And Sanitation Agency) est en charge du
projet de REUT. En moyenne, un agriculteur qui utilise les EUB tire un revenu
de $600/ha, bien plus qu’ un agriculteur qui utilise de l’eau
filière technique conventionnelle pour l’irrigation. Les agriculteurs qui utilisent
Les EUT issues des lagunes de traitement de Faisalabad ne les EUB cultivent des cultures à plus haute valeur ajoutée
sont plus utilisées par les agriculteurs de la zone péri-urbaine. (principalement des légumes), avec une intensité culturale
Les agriculteurs sont revenus à l’utilisation des EUB car elles plus élevée, et n’appliquent pas d’autres engrais que ceux
offrent plus d’avantages agronomiques et économiques. qu’apportent les EUB. En ville, les légumes irrigués avec des
Les filières de réutilisation (REUT abandonnée et REUB actuelle) EUB sont vendus presque 2 fois moins chers que ceux irrigués
sont décrites dans la Figure 24 ci-dessous. avec des eaux conventionnelles.
En outre les terres irriguées avec des EUB sont 2,5 fois plus
chère que d’autres terres irriguées proches (meilleure fertilité).
Des problèmes techniques liés au fonctionnement des lagunes
sont en cause pour expliquer l’échec du projet de REUT.
Risques sanitaires:
Les bassins ne fonctionnent pas de manière efficace et les Des études sanitaires ont été effectuées dans la zone agricole
performances sont donc très limitées. Les conditions climatiques irriguée avec des EUB. Elles ont mis en évidence une faible
extrêmes n’ont pas correctement été prises en compte lors de prévalence des infections de nématodes intestinaux et aucun
la conception : les taux d’évaporation sont supérieurs à 10 niveau élevé de métaux lourds dans les sols et ni dans les
mm/jour et les eaux usées traitées sont trop concentrées et produits agricoles.
salines pour une réutilisation directe par les agriculteurs.
De plus, l’utilisation directe des EUB par les agriculteurs
aggrave le dysfonctionnement de la STEP : les quantités
d’EUB en entrée sont trop faibles, entrainant un doublement
du temps de rétention hydraulique dans les bassins.

FIGURE 24 : La filière de réutilisation à Faisalabad (Pakistan) - Schéma Ecofilae

COLLECT
SOURCES TREATMENT USES
TRANSPORT
5 permanents outlets
Annual fee for farmers to WASA (untreated WW): US$ 7,500
Water quality: E. Coli 1,8 x 107 CFU/100ml, Helminth eggs 950 eggs/L
No existing official standards for wastewater use in Pakistan

Main severage network


Domestic WW Anacrobic ponds in parallel

Primary drain Facultative ponds Maturation ponds Irrigation network


Water users association
24-hours basis 290 farming households
Industrial WW
Fodder
Wheat
Vegetables

Wastewater stabilization ponds (WSP) built in 1998


At design stage: 100ha - 90 000m3/day
HRT: 16,5 days - BOD removal (at design stage): 80mg/L

51
RappoRt ecofilae

pRojet 3

contexte et objectifs du projet mesures de contrôle de la protection de la santé assurent la


La pénurie d’eau et la réutilisation non contrôlée des eaux réutilisation sûre des eaux usées pour l’irrigation de rizières,
usées brutes dans la zone périurbaine de Hanoï sont les de légumes et pour la production aquacole.
principaux moteurs du projet. L’objectif du projet est d’aller La filière de réutilisation est décrite dans la Figure 25
vers des pratiques plus sûres et plus productives. ci-dessous.

acteurs, opérateurs et Bailleurs de fonds


La Coopérative Agricole de Than Liet exploite le système La production agricole et le choix des cultures s’orientent
d’approvisionnement en eau, le traitement, le drainage et progressivement vers des usages plus tolérants aux eaux
l’irrigation. Les agriculteurs sont directement impliqués dans usées : les rizières diminuent au profit de l’aquaculture et des
l’exploitation et la maintenance. légumes aquatiques.
Le niveau de traitement est faible, et les risques de
contamination sont encore élevés. Des mesures de contrôle
filière technique de la protection de la santé ont été mises en œuvre pour
Des lagunes aérées sont utilisées pour traiter les eaux usées. protéger les agriculteurs et les consommateurs (gants et bottes
Un faible traitement combiné avec de la dilution et des pour les agriculteurs, cuisson des légumes, etc.).

Plantes aquatiques cultivées à Hanoï – Source : Jordan and Marisa Magnuson

FIGURE 25 : La filière de réutilisation dans le district à Hanoï (Viet Nam) - Schéma Ecofilae

COLLECT
SOURCES TREATMENT USES
AND TRANSPORT

Progressive shift to production more


tolerant to WW quality
Pumps in the ponds to boost 10 ha for rice - 90 ha for ponds
treatment process
Aquatic plants cultivation Water free of charges Rice
Domestic WW
Households Aquatic plants cultivation
Drainage canal Aquatic vegetables
and sewers
Aquaculture
PONDS - Flow surface wetlands
Partial treatment (nutriments, pathogens and heavy metal)

Sanitary practices for agriculture


WW dilution and products consumption
with Groundwater

52
RappoRt ecofilae

pRojet 4

(Littérature, complété par l’intervention de Pierre Louis Mayaux, CIRAD, lors de l’ICID2015)

contexte et objectifs du projet filière technique


Les EUB ont longtemps et largement été valorisées sur le La filière technique de REUT est décrite dans la Figure 26.
territoire, et la REUT s’est donc mise en marche de facto après
l’installation de la station d’épuration. Elle a été globalement Les eaux usées traitées sont utilisées (4.2 m3/an) après un
bien acceptée et tolérée. La REUT s’est donc développée traitement par lagunage, pour irriguer un périmètre public de
spontanément sur la base d’arrangements sociaux préexistants. 300 ha (blé, maïs, bersim, pommes de terre, oliviers ...) dans
la région péri-urbaine de Settat. L’investissement initial pour le
Les principaux avantages du projet sont la préservation des
réseau et les systèmes d’irrigation a été d’environ 3 M €. Les
eaux souterraines menacées (pollution et surexploitation),
charges annuelles pour l’irrigation sont estimées à 67 000 €
mais aussi la limitation de la REUB (objectifs sanitaires) dans
par an.
la zone péri-urbaine.
Le coût de l’eau est de 0.42 €/m3 pour les agriculteurs.
acteurs, opérateurs et Bailleurs de fonds
Les parties prenantes et les opérateurs sont nombreux sur le
projet, et les tâches et responsabilités sont partagées comme Le projet s’est bien développé, malgré des cadres institutionnels
suit : et juridiques marocains encore incomplets et un grand nombre
UÊÊla RADEEC (Régie Autonome de Distribution d’Eau et d’acteurs à coordonner.
d’Electricité de la Chaouia) est en charge de la station La salinité des eaux usées traitées est une préoccupation
d’épuration ; majeure. Ce risque pourrait être amplifié si les eaux usées
UÊÊl’ONSSA (Office national de sécurité alimentaire des industrielles intégraient le réseau de collecte.
produits alimentaires) vérifie la qualité de la production
agricole ;
UÊÊl’AUEA (Association d’Usagers de l’Eau Agricole) est en
charge des infrastructures d’irrigation.
Les relations étaient historiquement bonnes entre les agents
locaux de l’Etat et les agriculteurs. La BEI (Banque européenne
d’investissement) a accordé un prêt de 8 M € pour le projet.

Lagunes de traitement Settat (Maroc) – Mayaux ICID 2015


FIGURE 26 : La filière de réutilisation à Settat au Maroc - Schéma Ecofilae

SOURCES D’EAU COLLECTE TRAITEMENT


ET TRANSPORT 6 bassins anaérobies
3 bassins de maturation
DES EUB

3 bassins facultatifs

EU domestiques
Ville de Settat, 120 000 hab.
Réseau de collecte 15 unités comme
(7,3 km) lits de séchage des
? futur boues
Industrial WW
STEP lagunage mise en service en 2006 STOCKAGE
175 000 EH (capacité) 60ha dont 35 de bassins 1 bassin de stockage
Total : environ 13 500 m3/j - 4,2 mm3/an 14 000 m3 - 4 mois d’été

Périmètre officiel REUT


Irrigation de surface et localisée DISTRIBUTION
Blé, maïs fourrager, bersim, pommes de terre, oliviers
Pas de cultures maraîchères mangées crues Réseau primaire
300 ha sur 12 secteurs Canaux entérrés basse pression pour limiter le risque de contami-
Prix de vente aux agriculteurs : 0,42 €/m3 nation

Consomnation brute annuelle (lessivage compris) : 6 800 m3/ha


Consomnation de pointe estivale (juin à spetembre) : 1 000 à 1 100 m3/ha/mois
8 km de réseau Réseau secondaire

53
RappoRt ecofilae

pRojet 5

contexte et objectifs du projet


Les principaux objectifs du projet étaient de : Du fait des eaux usées industrielles présentes dans le réseau,
UÊÊlimiter la REUB dans la zone péri-urbaine dans un contexte des niveaux élevés de salinité ont été observés dans les EUT.
d’urbanisation rapide et incontrôlée ; Un prétraitement sur les sites industriels a été mis en œuvre.
UÊÊcontrôler la REUT. Néanmoins les sols irrigués restent affectés par la salinité des
EUT.
acteurs, opérateurs et Bailleurs de fonds
L’ONEA avait des difficultés pour atteindre l’équilibre financier.
L’Office National de l’Eau et de l’assainissement (ONEA) est
Les taxes d’assainissement ont été réajustées avec les coûts
en charge de la gestion du projet.
d’exploitation.
L’investissement initial de la station d’épuration (9,85 M €)
Des actes de vandalisme ont été signalés et peu de contrôles
a été apporté par l’Agence française de développement
sont réalisés sur le réseau d’irrigation.
(71,1 %), la Banque mondiale (8,1 %) et ONEA (8,6 %).
Des risques élevés de glissement de terrain, d’érosion et
filière technique d’inondation sont signalés sur les périmètres agricoles.
La filière technique de REUT est décrite dans la Figure 27.
Les agriculteurs manquent de capacités techniques et
Les eaux usées domestiques et industrielles sont traitées dans financières.
un système de lagunage (adapté au contexte climatique
Le périmètre public n’est pas compétitif du fait de l’irrigation
local), incluant des lagunes de maturation. Les EUT sont
restrictive et du morcellement des terres.
ensuite introduites par gravité dans le réseau d’irrigation.
Un périmètre public (irrigation restrictive) et un périmètre non
public (pas d’assolement obligatoire) sont irrigués, avec des
eaux usées traitées fournies gratuitement aux agriculteurs.

FIGURE 27 : La filière de réutilisation à Ouagadougou - Schéma Ecofilae

SOURCES D’EAU COLLECTE TRAITEMENT


ET TRANSPORT DES EUB

Bassins de maturation
EU domestiques
Centre ville de Ouagadougou Bassins anaérobies Bassins facultatifs

Réseau de collecte Réserve


EU industrielles Stations de pompage Ecoulement gravitaire
(brasserie et abattoir) et de relevage
-> prétraitement sur site STEP lagunage mise en service en 2005
140 000 EH (capacité) - 10 ha
Environ 5 400 m3/jour

Marigot naturel
Réseau primaire :
canal gravitaire
Périmètre officiel (mis en place en 2007) bétonné à ciel ouvert
Cultures restrictives (préconisations OMS) avec vannettes
5% des EUT réutilisées
330 agriculteurs - 11 ha
Eau gratuite pour
les agriculteurs
Périmètre non officiel
Aucune restriction d’usage
95% des EUT réutilisées Réseau secondaire :
500 agriculteurs écoulement à refoulement

DISTRIBUTION

54
RappoRt ecofilae

pRojet 6

contexte et objectifs du projet


Dans un contexte urbain avec des pénuries d’eau importantes
l’objectif principal du projet est de fournir plus d’eau pour les
différents usages à Delhi.

acteurs, opérateurs et Bailleurs de fonds


Le projet a été soutenu par l’USAID. Le Delhi Jal Board est
responsable de la STEP et de la distribution des EUT.

filière technique
La filière de réutilisation est décrite dans la Figure 28
ci-dessous.
Les eaux usées traitées dans le système à boues activées sont
vendues pour différents usages : agriculture (37 mm3/an) et
refroidissement industriel (58 mm3/an). Le Delhi Jal Board
prospecte pour de nouveaux usages. Les EUT sont également
utilisées pour recharger et améliorer la qualité de l’eau de la
rivière Yamuna.

FIGURE 28 : La filière de réutilisation à Okhla Delhi (India) - Schéma Ecofilae

SOURCES TREATMENT USES


COLLECT AND TRANSPORT

Horticulture - 90 000 m3/day


Domestic WW Peri-urban irrigation (gravity flow) for vegetables
Households Screen / Grit Chamber 11 600 m3/day – 300 farmers

Primary sedimentation tank


Industrial uses (cooling purposes in Badarpur Thermal Power) –
? Aeration tank 158 000 m3/day

Secondary sedimentation tank Reload and improvement of water quality of the sacred
Industrial WW Yamuna river, through the Agra canal
Sludge for Biogas generation
or to drying beds Prospects for new uses (industrial, fire fighting, etc.)
at Rashtrapati Bhavan
Okhla STEP
Activated sludge
Denitrification – Nitrification process
636 000 m3/day

55
RappoRt ecofilae

pRojet 7

L’approvisionnement alimentaire et l’emploi dans la région de Dakar area


Dakar (près de 2,5 millions d’habitants au total) dépendent
des agricultures urbaine et péri-urbaine, elles-mêmes SENEGAL
dépendantes de l’approvisionnement en eau. Rares sont les Niayes valley
ressources en eau douce de qualité et les eaux souterraines Wetland propitious for agriculture
80% of Senegal horticulture production
courent des risques élevés de salinisation et de contamination
par des rejets d’eaux usées incontrôlés. Bien qu’interdits, les
rejets d’eaux usées non traitées sur les terres agricoles sont
une pratique courante.

Dans le quartier de Pikine à Dakar, environ 16 ha sont


irrigués depuis des années avec des EUB. Les 160 agriculteurs Pikine
lagoons
réutilisent presque 2 mm3 d’eaux usées par an (3 % de la 6 000m3/day
production annuelle de Dakar des eaux usées) pour irriguer Thiès
des légumes (laitues). Les agriculteurs détournent les eaux Camberene Actived Sludge
Activated sludge lagoons
usées depuis les conduites de collecte avec des tuyaux, pour 6 000m3/day 3 000m3/day
alimenter des petits puits situés dans leur parcelle. Ils utilisent
ensuite des boîtes de conserves pour arroser au champ. Les
DAKAR Saly - Mbour
pratiques de REUB sont néanmoins réduites en raison des Lagoons
1 020m3/day
mises à niveau et de l’expansion du système d’assainissement
de la ville. Les EUT de la récente station d’épuration à Pikine
sont désormais réutilisées pour l’irrigation et comme un moyen
de limiter les processus de salinisation des sols et des eaux
souterraines dans la région.
FIGURE 29 : Localisation d’expériences de réutilisation au Sénégal - Schéma Ecofilae
Dans le quartier de Cambérène à Dakar, l’ONAS (Office
National de l’Assainissement du Sénégal) et l’union des
agriculteurs projettent de transférer et de réutiliser les EUT
vers la vallée des Niayes, principalement pour la production
horticole. Ce projet est financé par la FAO et la Coopération
Espagnole. L’ONAS s’engage à fournir des eaux usées traitées
à un prix ne dépassant pas 50 FCFA/m3 après le traitement
tertiaire et 20 FCFA/m3 après le traitement secondaire.

Les eaux usées traitées des villes de Thiès et Saly-Mbour sont


réutilisées pour la production agricole. Peu de données sont
disponibles sur ces deux projets, situés non loin de Dakar.

56
RappoRt ecofilae

pRojet 8

contexte et objectifs du projet


Les ressources en eau douce sont rares et précieuses dans La salinité des EUT était un problème pour les agriculteurs
la région de Korba, en Tunisie. Les eaux souterraines sont qui ont refusé d’utiliser directement ces eaux en sortie de
surexploitées (par l’agriculture) et les risques de pollution et traitement. Après un séjour et une dilution dans la nappe, la
de salinisation sont avérés. Les principaux objectifs du projet salinité des eaux prélevées est encore élevée mais la qualité
sont : est compatible avec l’usage agricole. Ainsi, la recharge de
UÊÊrecharger la nappe et ainsi limiter sa surexploitation ; la nappe permet également de limiter les intrusions salines
UÊÊfournir de l’eau de bonne qualité aux agriculteurs ; marines.
UÊÊpréserver l’environnement : la côté, les eaux souterraines,
les lagons (sebkha).

acteurs, opérateurs et bailleurs de fonds


Le projet a été financé par l’Etat Tunisien (100 %) en
2002. L’ONAS (Office National de l’Assainissement) and
CRDA (Office Régional de Développement Agricole) sont
respectivement en charge du traitement et de la réinjection
tandis qu’un GDA (Groupe de Développement Agricole) est
en charge des prélèvements agricoles dans l’aquifère.

filière technique
La filière technique de réutilisation des eaux uses est décrite
dans la Figure 30 ci-dessous.

Les EUT servent à recharger un lagon naturel (sebkha) en


sortie de traitement tertiaire (lagunage après boues activées).
Un volume de 1 500 m3 d’EUT est infiltré chaque jour dans
des bassins spécifiques pour recharger l’aquifère de Korba.
La réutilisation pour l’agriculture est indirecte : les agriculteurs
prélèvent dans l’aquifère pour irriguer en périphérie de Korba.

FIGURE 30 : La filière de réutilisation à Korba en Tunisie - Schéma Ecofilae

SOURCES D’EAU COLLECTE TRAITEMENT REUSE DIRECTE


ET TRANSPORT
DES EUB

By-pass
EUT trop salée pour être réutilisée directement en agriculture
(refus des agriculteurs)

Traitement secondaire
Boues activées Recharge de la lagune sebkha de Korba
3 000 à 4 000 m3/jour
EU domestiques
Réseau de collecte
(Korba)
Stations de pompage
Recharge de la nappe de Korba
10 km jusqu’à la STEP Eau gratuite pour CRDA
1 500 m3/jour Taux d’infiltration : 1 500 m3/jour
Traitement tertiaire - Lagunage
3 bassins de maturation Pompage dans la nappe
26 200 m2 - 25 000 m3
Temps de séjour : 6 jours Eau gratuite
pour les agriculteurs
STEP BA + lagunage mise en service en 2002
75 000 EH (capacité) Irrigation péri-urbaine de Korba
Entre 3 000 et 11 000 m3/jour Fruits et légumes pour l’alimentation du Grand Tunis
8 480 Ha

REUSE INDIRECTE

57
RappoRt ecofilae

pRojet 9

contexte et objectifs du projet digesteurs, souffleuses et les détenteurs de gaz. Les boues
La station d’épuration de Beit Lahia est en surcharge et l’eau sont déshydratées et stockées. Une maquette de la station
est mal traitée avant d’être rejetée dans un lac où l’infiltration d’épuration est présentée dans la figure 31 ci-dessous.
est très faible avec des risques élevés de contamination des
L’ensemble de la filière de réutilisation des eaux usées est
eaux souterraines.
représenté dans la Figure 32.
Le projet NGEST intègre la construction d’une nouvelle Le projet de REUT est mis en œuvre en 3 étapes :
station d’épuration (Jabalya) et des bassins d’infiltration UÊÊÉtape 1 en 2015: les eaux usées produites à partir de
supplémentaires, mais également un pompage des eaux 2009 par la station de Beit Lahia sont réinjectées dans
souterraines pour alimenter des zones irriguées. l’aquifère (estimées à 20 mm3 au total). L’équivalent en eau
de la production journalière de la station de Beit Lahia sera
Ces objectifs principaux sont
pompé pour alimenter le réseau d’irrigation ;
UÊÊSoutenir l’agriculture et réinstaller des agriculteurs sur leurs
UÊÊÉtape 2 en 2020: un pompage de 39 000 m3 par jour
terres non mises en cultures (en fournissant une source
alimente le réseau d’irrigation à partir des eaux usées
supplémentaire d’irrigation);
traitées de la station de Jabaliya ;
UÊÊRésoudre le problème sanitaire causé par des rejets d’eaux
UÊÊÉtape 3 en 2025: 30 000 m3 supplémentaires par jour
usées mal traitées qui rejoignent un lac et la nappe (utilisée
seront pompés lorsque la capacité de la station d’épuration
pour la production d’eau potable).
de Jabaliya sera augmentée.
acteurs, opérateurs et bailleurs de fonds Avant le projet, seulement 233 ha était irrigués (agrumes,
Le gestionnaire principal du projet est la Palestinian oliviers, fourrage, arbres fruitiers, mais pas de légumes).
Water Authority. Le financement provient des agences de L’objectif officiel est d’atteindre 2 300 ha en 2025. Une
développement française, suédoise et belge, mais également longueur de 103 km de réseau est prévue. Avec l’Etape 3,
de la Banque mondiale et de l’Union européenne. l’eau pourrait être transférée vers d’autres zones. Le coût de
l’eau envisagé est de 0.23 €/m3.
Une fois terminé, le projet sera remis aux Coastal Municipalities
Water Utilities (CMWU). Les CMWU en collaboration avec La station d’épuration va fonctionner énergétiquement grâce
les municipalités, et à travers les associations d’agriculteurs, au méthane généré au cours du processus de traitement et à
devront améliorer progressivement le taux de recouvrement des panneaux solaires.
pour couvrir les coûts d’exploitation et de maintenance, et
assurer la livraison et l’utilisation efficace de l’eau traitée.
La mauvaise coordination des différents organes de la PWA
filière technique a été contraignant au début du projet.
Dans le projet NGEST, les eaux usées traitées par la station
Les eaux usées de la station d’épuration de Beit Lahia
d’épuration à boues activées de Jabalya sont indirectement
ont contaminé les eaux souterraines. Un programme de
réutilisés par les agriculteurs après infiltration dans la nappe
surveillance est maintenant sur place pour assurer la sécurité
puis pompage. Plus de 2 300 ha sont prévus d’être irrigués
de l’eau infiltrée (des deux stations Beit Lahia et Jabalya) et
d’ici 2025.
de l’eau livrée, avec une modélisation journlière de l’eau
La filière de traitement de la station d’épuration de souterraine pour examiner les modèles d’expansion du
Jabalya est un procédé à boues activées, comprenant panache.

FIGURE 31 : Maquette de la station d’épuration de Jabaliya – ICID 2015

58
RappoRt ecofilae

L’approvisionnement en énergie des stations d’épuration et UÊÊLa concurrence sur les terres est élevée dans un contexte de
les coupures de courant régulières constituent un véritable croissance démographique dans bande de Gaza ;
challenge. L’énergie fournie via des générateurs d’appoint, UÊÊLes mécanismes de financement pour couvrir les besoins
des panneaux solaires et de la méthanisation devrait sécuriser des agriculteurs en main d’œuvre et en investissement sont
la station d’épuration en permanence et le périmètre irrigué très limités ;
durant la journée. UÊÊL’environnement institutionnel est faible et manque de soutien
technique et de conseils aux agriculteurs ;
Les principaux défis pour le volet agricole sont:
UÊÊLa sensibilisation et l’acceptabilité des agriculteurs étaient
UÊÊles eaux souterraines pompées ont des niveaux élevés de
très limitées: ce problème a en partie été résolu grâce à des
chlorure et de nitrates. Les agriculteurs se tournent alors vers
associations d’usagers efficaces.
les cultures d’oliviers et d’agrumes qui supportent de tels
niveaux ;
UÊÊla question sécuritaire (proximité avec la ligne verte,
impossibilité de cultiver des cultures supérieures à 1 mètre
à une certaine distance du mur, les tirs meurtriers réguliers,
etc.) est une menace pour les agriculteurs ;
UÊÊLa compétitivité de l’agriculture est limitée en raison de la
situation économique dans la bande de Gaza ;

FIGURE 32 : La filière de réutilisation au Nord de la Bande de Gaza dans les Territoires Palestiniens– le projet NGEST - Schéma Ecofilae

Previous situation STEP 1: 2015


20 mm3 (storage from 2009 to 2014))
+ daily WW production 15 000 m3/day)
GW
Beit Lahia WWTP Lake
Lagoons 15 recovery wells
30 Ha of badly treated WW + water tank +monitoring wells
Old - Over loaded Limited infiltration into GW
5,5 Mm3/day High hazard risks for population and for sand dykes breaking

Domestic WW
New output for WW
STEP 2: 2015

? STEP 3 : 2025
Daily WW production 39 000 m3/day
(+ 30 000 m3/day)
GW
Industrial WW 12 recovery wells +
water tanks
Jabaliya WWTP (new 2014) + monitoring wells
9 infiltration basins
Activated sludge
Better infiltration rates
Capacity: 35 600 m3/day
Less hazard risk for population
(69 000 m3/day by 2025)

WW reuse in agriculture
500 Ha (Step 1) + 1 000 Ha (Step 2) + 800 Ha (Step 3)
Currently only 233 Ha are cultivated

Citrus 51%, olives 26%, fodder 12%, almond and other fruit trees 11%
Fodder production will replace vegetables (irrigation forbidden with TWW)

Irrigation network (2.5 bar making localized irrigation possible)


TWW in Step 3 could then be transferred in other areas in th Gaza strip

59
RappoRt ecofilae

contexte et objectifs du projet


Ce projet a été développé et mis en œuvre dans un contexte
de rareté de l’eau (besoin de plus de ressources en eau).

filière de réutilisation
La filière de réutilisation est décrite dans la Figure 33
ci-dessous.
Dans la station d’épuration de Firle, deux chaînes de
traitement ont été mises en œuvre et adaptées aux différents
usages finaux. Un système d’élimination biologique des
nutriments traite l’eau qui est rejetée dans une rivière naturelle.
Un système de filtres percolateurs biologiques traite l’eau
(boues – matières en suspensions) ensuite réutilisée pour
irriguer des pâturages.

FIGURE 33 : La filière de réutilisation à Harare (Zimbabwe) - Schéma Ecofilae

SOURCES TREATMENT USES


COLLECT AND TRANSPORT

Biological trickling filtration


Low quality water
Unit 1 48 000 m3/day
Mix
Slurry (3-4 % solids)
Unit 2
Domestic WW
Sludge
Biological Nutrient Removal System Peri-urban pasture irrigation (860 Ha)
(Star grass and kikuyu)
Unit 3

Unit 4
High quality water
Unit 5 96 000 m3/day
Industrial WW
Unit 6
Discharged into the natural river system
Firle Treatment WWTP -> Lake Chivero (polluted)
Cap. 144 000 m3/day

60
RappoRt ecofilae

pRojet 11 pRojet 12

La réutilisation des eaux usées est inclue dans le système intégré En Lybie, à Hadba El Khadra (5 km de Tripoli), la réutilisation
de gestion de l’eau de la ville de Bogota. Elle est stratégique des eaux usées a commencé en 1971. Les eaux usées étaient
même si les ressources en eau douce sont abondantes. traitées dans une station d’épuration « classique », suivie d’un
traitement d’infiltration sur sable puis de chloration (12 mg/l).
Il y a plusieurs années, les agences de l’énergie ont développé Les eaux usées épurées étaient ensuite pompées et stockées
un système de production hydroélectrique pour utiliser l’eau dans des réservoirs d’une capacité de stockage de 3 jours.
de la rivière Bogota, en aval de la ville de Bogotá. Le système Une surface de 3 000 ha de fourrages, de légumes et de
satisfait environ 20% des besoins énergétiques de la ville plantations brise-vent sur les sols sableux étaient irrigués. Un
et 7% des besoins du pays. Pour cette raison, le débit et volume de 110 000 m3/jour était utilisé et appliqué à l’aide
la qualité de la rivière Bogotá sont considérés comme une des pivots d’aspersion (Angelakis 1999).
priorité nationale par le gouvernement colombien et sont
essentiels à la stabilité économique du pays. La réutilisation s’est également mise en place à Al Marj (au
nord-est de Bengazi, 50 000 habitants) après une épuration
Néanmoins les eaux usées de la ville sont rejetées des eaux par traitement biologique, filtration sur sable,
(partiellement traitées et non traitées) dans la rivière Bogota chloration et stockage.
conduisant à des ressources en eau de faible qualité pour
les zones péri-urbaines agricoles et la production d’énergie. Aucune évaluation de ces projets n’a pu été recueillie pour la
L’utilisation d’eau de faible qualité (de la rivière Bogota) dans présente étude. Il se pourrait qu’ils ne soient plus opérationnels
le secteur agricole a également conduit à des niveaux de en 2015.
salinité élevés du sol.

Deux stations d’épuration ont été planifiées pour améliorer


la qualité des eaux et pour contrôler les rejets : la station de
Salitre fin des années 90, et la station de Canoas d’ici 2016.
Les agriculteurs périurbains dans le district de Ramada seront
en mesure de réutiliser directement les eaux usées traitées. Ils
cesseront de puiser de l’eau sur la rivière Bogotá (préservation
des débits pour la production hydro-électrique) et les périmètres
agricoles péri-urbains pourraient être étendus. Les conditions
agronomiques (salinité) seront également améliorées.

61
RappoRt ecofilae

BIBLIOGRAPHIE
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33(N°10): 2201-2217.
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Journal of Life Cycle Assessment 18(8): 1533–1548.
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Water Research 67(0): 187–202.
UÊÊœÕLiÌ]Ê*°]Ê,œÕÝ]Ê*°]Ê Öšiâ]Ê°]Ê i>Õ`]Ê°]Ê>˜`Ê iœ˜‡>ÕÀi]Ê6°Ê­Óä£Î®°ÊºÃÃiÃȘ}Ê7>ÌiÀÊ i«ÀˆÛ>̈œ˜Ê>ÌÊÌ iÊ-ÕL‡ÀˆÛiÀÊ >ȘÊ-V>iʈ˜Ê ʘÌi}À>̈˜}Ê œÜ˜ÃÌÀi>“Ê >ÃV>`iÊ
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Sciences Eaux et Territoires 09: 82–91.
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BIBLIOGRAPHIE SPÉCIFIQUE AU CHAPITRE 4 DE LA PARTIE 2


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6, p. 147-179, Cambridge University Press, Cambridge.
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