Amiral Miot
Amiral Miot
Amiral Miot
géographie, commerce
(Sixième édition entièrement
refondue) / ouvrage publié
sous la [...]
FRANCE COLONIALE
HISTOIRE - GÉOGRAPHIE
- COMMERCE
SIXIÈME ÉDITION
1, 3, 5, EUE DE MÉZIERES
1893
Tous droits réservés.
PRÉFACE
A. R.
INTRODUCTION HISTORIQUE
1
I. — JUSQU'A HENRI IV
non sans ironie, l'écrivain anglais Mill, que peu de nations ont
jamais fait à l'amour de la paix des sacrifices d'une importance
plus considérable. »
Rivalité des Français et des Anglais dans l'In-
doustan, aux Antilles et dans l'Amérique du Nord.
Apeine les Français avaient-ils signé ce malheureux traité
—
que les prétentions des Anglais se manifestèrent partout avec
un redoublement d'audace.
Dans l'Inde, ils soutenaient Clive, qui, sans souci du traité
de 1754, commençait la conquête du Bengale.
Dans les Antilles, ils disputaient aux colons français les îles
Sainte-Lucie, Tabago, la Dominique et Saint-Vincent.
Dans l'Amérique du Nord, ils essayaient de couper les com-
munications entre les bassins du Saint-Laurent et du Mississipi,
c'est-à-dire entre nos deux grandes colonies du Canada et de
la Louisiane. Ce qu'ils convoitaient, c'était surtout la vallée de
l'Ohio, cet affluent de Mississipi. Là, Français et Anglais
étaient déjà aux prises, mêlant à leurs querelles les Indiens,
qui scalpaient tour à tour les colons des deux nations. On
nomma des commissaires pour résoudre cette question : c'est
alors que fut tué Jumonville, l'un des commissaires français
(1754).
La guerre de Sept ans. — Le gouvernement français
protestait, mais Louis XV espérait encore garder la paix. Alors
l'amiral anglais Boscawen, toujours sans déclaration de guerre,
se mit à courir sus à la marine française, enleva 300 navires
marchands, portant pour 30 millions de marchandises et
montés par 10 000 matelots.
Louis XV fut bien obligé de reconnaître que c'était la guerre.
La nation acceptait avec enthousiasme la lutte contre l'Angle-
terre. On eut d'abord, sur terre et sur mer (1756), deux écla-
tantes victoires : la prise de Minorque et la défaite de la flotte
de secours amenée par l'amiral Byng.
Malgré l'incapacité du gouvernement royal, la France était
donc assez forte pour punir l'Angleterre et reprendre tout ce
qu'elle avait dû abandonner, soit en Amérique, au traité de 1713,
soit dans l'Inde, au traité de 1754. Pour cela, il aurait fallu
concentrer tout l'effort du pays sur la guerre maritime et colo-
niale.
Or, à ce moment même, Louis XV s'engageait dans une
guerre entre la Prusse et l'Autriche qui se disputaient la Silésie.
Il lui parut plus important de savoir si Breslau resterait à Fré-
INTRODUCTION HISTORIQUE 27
déric II ou à Marie-Thérèse que d'assurer à la France ces deux
vastes empires de l'Inde et de l'Amérique du Nord. Toutes les
armées, tous les trésors dont on pouvait disposer furent pro-
digués dans la guerre d'Allemagne; l'Angleterre eut les mains
libres en Amérique et en Asie; le Canada et l'Indoustan furent
presque abandonnés à eux-mêmes.
Perte du Canada. — Dès l'année 1755, les Anglais
avaient commencé par exiger de tous les habitants de
l'Acadie, cédée en 1713, le serment de fidélité au roi d'Angle-
terre. Les Acadiens étaient des Français : ils refusèrent. Alors
on les enleva en masse à leurs maisons, à leurs terres ; on les
entassa pêle-mêle sur des vaisseaux anglais, si bien que des
familles furent séparées et qu'un vieux notaire mourut du
chagrin de ne pouvoir retrouver ses enfants. C'était une popu-
lation de 7 000 âmes qui était, en masse, frappée de transpor-
tation. Les maisons, les terres et les bestiaux des Acadiens
furent distribués à des colons anglais. La même année la
guerre, avant qu'elle ne fût déclarée en Europe, avait éclaté au
Canada.
Le marquis de Vaudreuil 1, gouverneur du Canada, appela
aux armes nos colons ; on battit le général Braddock et
Washington qui avaient attaqué le fort Duquesne ; on leur tua
800 hommes sur 1 200 (1755). Puis, quand le marquis de
Montcalm eut amené des renforts de France, on enleva aux
Anglais les forts Ontario et Oswégo, où l'on prit 1 640 hommes
et 113 canons (1756). La Nouvelle-Angleterre fut attaquée à
son tour et un millier de colons britanniques furent massa-
crés par nos alliés les sauvages. L'année suivante, on enleva
le fort George sur le Saint-Sacrement. Alors les Anglais,
réduits d'abord à la défensive, portèrent leurs forces à près
de 80 000 hommes, tant soldats anglais que miliciens anglo-
américains. La colonie semblait hors d'état de résister à ce
déluge d'hommes ; car nous n'avions pas alors 6 000 soldats
sous les armes et toute la population canadienne ne s'élevait
pas à 65 000 âmes. Montcalm écrivait : « Nous combattrons,
nous nous ensevelirons, s'il le faut, sous les ruines de la
colonie. »
On continua à combattre. En 1758, les forts de Louisbourg
et de Frontenac succombèrent; mais celui de Carillon, défendu
par Montcalm, résista aux efforts de 20 000 Anglais et leur
1. Fils de celui qui avait défendu le Canada pendant la guerre de la
succession d'Espagne.
28 LA FRANCE COLONIALE
infligea une perte de 5 000 hommes. A Paris, « la victoire de
Carillon » fut célébrée par un Te Deum.
L'année suivante, 1759, se produisit la crise finale. En juin,
le général anglais Wolf remonta le Saint-Laurent jusque sous
les murs de Québec avec vingt vaisseaux, 30 000 soldats ou
matelots et une formidable artillerie. Malgré l'infériorité de
nos forces, il fut repoussé une première fois. Le 13 septembre,
en vue de Québec, sur les hauteurs d'Abraham, s'engagea la
bataille décisive. Montcalm n'avait pas plus de 4 500 hommes
à opposer aux 20 000 hommes de Wolf : et cependant les
Français osèrent monter à l'assaut des positions anglaises.
On se battit avec acharnement : les deux généraux furent
blessés à mort : Wolf expira le jour même, et Montcalm le
lendemain. Sa dernière parole fut : « Au moins je ne verrai
pas les Anglais dans Québec ». Ses soldats lui donnèrent pour
tombe le trou creusé par une bombe. L'armée française se
retira sur la rivière Jacques Cartier et le lendemain Québec
capitula. Dans la campagne de l'année 1760, MM. de Lévis et
de Burlamaque défendirent, l'un après l'autre, les forts qui
nous restaient : l'Europe fut étonnée de tant de ténacité; mais
à la un les derniers défenseurs du Canada succombèrent '.
Perte de l'Indoustan 2. — Dans l'Inde, Godeheu avait eu
pour successeur Lally-Tollendal, né à Romans en Dauphiné,
mais originaire d'Irlande. Il était d'une bravoure héroïque et
avait pris pour devise : « Plus d'Anglais dans la péninsule. »
Malheureusement il était violent et obstiné. Il obligea les
Indous, sans distinction de caste, brahmanes ou parias, à
s'atteler aux chariots de munitions, et par là s'aliéna complè-
tement ces utiles alliés. Il rappela Bussy qui, depuis Dupleix,
avait continué à se défendre dans le Dekkan. Par ses mala-
dresses, il jeta la division parmi les Français. D'autre part, la
métropole ne lui envoyait ni renforts ni munitions. Il mit cepen-
dant le siège devant Madras ; l'arrivée d'une flotte de secours
l'obligea à enclouer ses canons et à se retirer dans Pondichéry.
Le brave Bussy fut fait prisonnier au combat de Vandavachi
(1760), qui ouvrait aux Anglais la route de Pondichéry. Notre
capitale fut à son tour attaquée, et, après deux mois de siège,
n'ayant que pour un jour de vivres, Lally dut capituler
(15 janvier 1761). Chandernagor, moins facile à défendre, avait
3
ride à l'Espagne et vendit l'immense Louisiane aux Etats-
Unis pour une somme de 80 millions (1803).
Bonaparte fit peut-être sagement, car tous ces territoires
auraient été une proie pour l'Angleterre. Il ne pouvait même
plus défendre contre celle-ci les colonies qui restaient à la
FRANCE COLONIALE.
34 LA FRANCE COLONIALE
France. Pendant que Napoléon, après la destruction de sa
marine, cherchait à atteindre l'Angleterre en battant ses alliés
sur le continent ou à se frayer une route vers les Indes en
attaquant la Russie, l'Angleterre avait les mains libres sur
toutes les mers. Toutes nos colonies, l'une après l'autre, tom-
bèrent en son pouvoir. L'Ile de France succomba la dernière
et, par sa capitulation de 1810, ne put que se réserver l'usage
des lois et de la langue françaises.
ALFRED RAMBAUD.
L'ALGÉRIE
PARTIE HISTORIQUE 1
CHAPITRE PREMIER
CHAPITRE II
CHAPITRE PREMIER
CHAPITRE II
LES INDIGENES
6
devant leur boutique, les jambes croisées, ils vendent du tabac,
des parfums, des bijoux, des étoffes. Quelques-uns exercent
1. Voyez : Louis Rinn, Marabouts et Khouan, Alger, 1884, et Histoire de
l'insurection de 1871, Alger, 1891. — Alfred Rambaud, L'Insurrection algé-
rienne de 1871, étude sociale et religieuse, Paris, 1891.
FRANCE
COLONIALE.
82 LA FRANCE COLONIALE
de petites fonctions dans l'administration. Le' soir venu, ils
vont s'enfermer dans leurs maisons soigneusement closes, ou ils
regagnent sur une mule, jamais à pied, leurs fraîches villas,
qui restent impénétrables à tout regard indiscret. Affables,
soupçonneux, rusés, ils n'ont rien ni de la rudesse du Kabyle,
ni de la majesté farouche du nomade. A force de subir des
maîtres, ils paraissent indifférents à toute domination. Le
dévouement sincère leur est aussi difficile que la résistance
armée.
Les Israélites. —
Dès l'antiquité il y avait des Juifs dans
l'Afrique du Nord : la Kahina, l'héroïne de l'indépendance ber-
bère au VIIe siècle, professait le judaïsme. Ils s'y maintinrent
pendant le moyen âge et furent renforcés, au XIVe et au XVe
siècles, par une émigration de Juifs d'Espagne dont ils ont
conservé les traditions et la langue. Persécutés par les Turcs,
astreints à un costume spécial, parqués dans des quartiers
misérables, ils sont devenus obséquieux et cauteleux. Eloignés
systématiquement pendant des siècles de toute charge civile ou
militaire, de toute profession relevée, ainsi que de la possession
des terres, ils ont été obligés de s'adonner aux métiers inférieurs.
Ils ont aussi pratiqué l'usure, qui leur a valu la haine et le
mépris des musulmans, et aujourd'hui ils ont une tendance à
accaparer les terres par des prêts usuraires, pour les revendre
à gros bénéfices ou les louer chèrement aux malheureux pro-
priétaires dépossédés.
Les Coulougblis. —
Les Couloughlis sont issus de l'union
des Turcs avec des femmes indigènes. Braves comme leurs pères,
ils ont été d'utiles auxiliaires de la conquête française. Ce sont
des Couloughlis qui défendirent Tlemcen contre les entreprises
d'Abd-el-Kader. Aujourd'hui ils disparaissent rapidement et se
fondent dans la population maure.
Les nègres. —
Il n'y a pas de préjugé de couleur en
Algérie. De tout temps, des nègres du Soudan étaient importés
comme esclaves, soit dans les oasis du Sahara, dont ils ont
fortement modifié la population, soit dans les tribus du nord.
L'esclavage est d'ailleurs très doux chez les musulmans. Ils
affranchissaient volontiers leurs esclaves noirs convertis à
l'Islamisme. Des négresses devenaient fréquemment les épouses
de leurs maîtres, et leurs fils naissaient libres. Aussi n'est-il pas
rare de rencontrer des traces visibles de sang noir dans les
familles indigènes. Aujourd'hui le commercé des esclaves est
L'ALGÉRIE 83
interdit, ce qui a contribué à éloigner de nos marchés du sud,
véritables ports du Sahara, les caravanes venant du Soudan.
La population nègre, cessant d'être renouvelée, diminue, car
elle résiste mal au climat du Tell et surtout des hauts plateaux.
Dans nos villes algériennes, les nègres, grands enfants in-
souciants, exercent pourtant d'utiles métiers. Ils affectionnent
particulièrement celui de blanchisseurs de bâtiments. Bien
que musulmans, ils ont conservé certaines coutumes fétichistes :
on les voit encore, à certains jours, égorger des poulets et des
moutons, dans le quartier de Bab-el-Oued, à Alger.
Diversité des races ; unité de la religion et de la
langue. — En résumé, l'Algérie est bien près de former une
tour de Babel par la diversité des types et des costumes, par la
variété des moeurs et des usages, et c'est là, avec le charme de
sa lumière, un de ses plus puissants attraits. Les indigènes y
forment pourtant au fond une agglomération homogène. Si le
patriotisme proprement dit leur est inconnu, s'ils ne peuvent
s'élever, dans leur conception sociale, au-dessus de l'idée de
famille, de village, de tribu ou de çof rivaux, ils sont unis
par des liens puissants, ceux de la religion et de la langue.
Sauf les Juifs, qui sont à part, Berbères ou Arabes, Turcs,
Couloughlis, Maures et nègres, nomades ou sédentaires, habi-
tants des oasis ou des hauts plateaux, du rivage ou de la
montagne, des cités ou du désert, tous reconnaissent pour loi
l'Islam. Tous, à part un certain nombre de tribus qui ont Con-
servé l'usage exclusif d'un dialecte berbère (le kabyle du Djurd-
jura où le chaouïa de l'Aurès), entendent ou parlent l'arabe.
Langue, religion, ces deux obstacles à la civilisation sont-ils
invincibles? Il n'est pas démontré que le Koran soit un obstacle
au progrès, qu'il né puisse s'accommoder, tout aussi bien
que le christianisme, aux aspirations nouvelles de la con-
science occidentale. Pourquoi, comme tout ce qui est humain,
ne serait-il pas transformable? Laissons au temps, au pou-
voir irrésistible des clartés scientifiques, à notre impartiale
tolérance, le soin d'accomplir au sein de la religion du Pro-
phète une lente et salutaire évolution. Reste la langue. Elle est
par excellence la marque distinctive des nationalités. Tant que
nous parlerons seuls français en Afrique et que la Berbérie
continuera à parler arabe, il y aura deux peuples ennemis
campés en face l'un de l'autre sur ce sol arrosé déjà par le sang
de tant d'armées. Indigènes et colons ne se connaîtront pas, ne
s'entendront pas. Il faut donc ENSEIGNER LE FRANÇAIS aux indi-
84 LA FRANCE COLONIALE
gènes. L'ignorance du français, telle est cette nouvelle Carthage
qui doit diparaître si nous voulons, plus humains que le vieux
Caton, conquérir pacifiquement l'Algérie, après l'avoir domptée.
CHAPITRE III
GOUVERNEMENT ET ADMINISTRATION
20200 000
Annuités à la Compagnie algérienne et
à la Compagnie P.-L.-M 8 658 797
Dépenses de l'armée.. 52 497 475
— de la marine 496 406
Pensions civiles 2 211000
Total 127 264 614 fr.
Dans ces dépenses, il y en a qui sont faites tout autant dans
l'intérêt de la France que dans celui de la colonie, comme les
dépenses militaires et maritimes. Le rapporteur du budget de
1892 a reconnu que ni les pensions civiles, ni les annuités aux
compagnies ne devaient entrer dans le compte des dépenses
de la colonie. Mais il reste encore pour les deux premières
sections : 63 401 036 francs. Avec quelles recettes l'Algérie
peut-elle faire face à ces dépenses ?
Le budget des recettes, pour 1892, comprend :
1° Budget ordinaire (44 481 818 fr.), se décomposant
comme suit :
1. Impôt direct : 10384700 francs, dont 6 976 500 pour l'impôt
arabe ; 1576 000 pour la nouvelle contribution foncière sur les
CHAPITRE IV
1892.
lation indigène s'est accrue depuis que nous sommes les maîtres
de l'Algérie. Cela prouve, premièrement, que notre domination
n'est pas nuisible aux indigènes et, en second lieu, que leur
mans d'Algérie. Paris, Delagrave, 1892. On y trouvera aussi la bibliogra-
phie de la question. — Le sénateur Combes, L'Enseignement indigène en
Algérie,
1. Plus exactement, au 31 décembre 1891.
L'ALGÉRIE 407
extinction progressive, rêvée par certains esprits absolus, est
plus qu'un espoir inhumain : c'est une utopie. A la population
musulmane indigène, il faut ajouter 2 731 Tunisiens et 14645
Marocains.
Population israélite. La fécondité des Israélites est
—
proverbiale. Ils étaient 33 287 en 1876. Livrés à leurs seules
forces et sans le secours d'aucune immigration, ils se sont éle-
vés au chiffre de 35 663 en 1881, à 42 744 en 1886, à 47 459
en 1892. Leur natalité est de 53 naissances pour 1000 habi-
tants, leur mortalité de 31 décès.
Population, étrangère européenne. — Il faut distin-
guer entre les Européens. Les uns émigrent beaucoup et s'accli-
matent très bien en Algérie: ce sont les Espagnols, les Italiens
et les Maltais. Les Espagnols étaient 58 500 en 1886 ; le recen-
sement de 1886 en accuse 120 0001. Leur natalité est de
39 naissances pour 1000 habitants; ils viennent, pour la
fécondité, au second rang, immédiatement après les Israélites.
Leur mortalité est de 29. — Les Italiens, de 16 600 en 1856, sont
arrivés à 35 000 en 1886. Natalité : 31. Mortalité : 26 seule-
ment. — Les Maltais ont progressé de 10 200 en 1856, à
14 700 en 1886; leur émigration est relativement faible; leur
natalité considérable : 36; leur mortalité : 30. — Les Allemands
seuls diminuent, parce que le climat ne leur convient pas. Ils
étaient 5 400 en 1856; ils n'étaient déjà plus que 3 900 en
1881. Leur natalité est pourtant de 31, mais leur mortalité est
considérable : 43. — Au total, en 1892, 815 793 étrangers.
Population française. —On a pu craindre que la race
française émigrant peu, se reproduisant peu, rencontrât en
outre, en Algérie, un obstacle invincible à son développement :
le climat. Il n'en est rien. En 1836, il n'y avait que 5485 Fran-
çais. Leur nombre s'est élevé à 47 274 en 1846; à 77 558 en
1853 ; à 92 738 en 1856 ; à 112 229 en 1861. Cette augmentation
constante subit alors un temps d'arrêt pendant la période
néfaste du royaume arabe. En 1866, 112119 Français seule-
1. Le recensement arrêté au 31 décembre 1891 (Voyez ci-dessus
page 91, note 2) ne donne pas les chiffres particuliers pour les nationa-
lités espagnole, italienne, maltaise, allemande, etc. Il se borne à indiquer
(à part des Français, indigènes musulmans. Israélites, Tunisiens, Maro-
cains) les nationalités diverses. Or, sous cette rubrique, nous trouvons
199283 étrangers établis dans les communes de plein exercice, 14 648
dans les communes mixtes civiles, 1 862 dans les territoires militaires ;
total : 215 793.
108 LA FRANCE COLONIALE
ment. Mais bientôt le mouvement ascensionnel recommence
avec la reprise de l'émigration. On compte, en 1872, 129601
Français; en 1877, 155 727; en 1886, 261 591; au 31 décembre
1891, 267 672 , sans compter la population recensée à part,
c'est-à-dire l'armée, les hospices, prisons, etc., qui figure au
recensement pour 16 745 têtes. — D'autre part, la natalité
française, très faible au début de l'occupation, est aujour-
d'hui de 33,3, inférieure à celle des Israélites et des Espagnols,
mais supérieure à celle des Italiens et, ce qu'il y a de très
remarquable, plus élevée que la natalité française (26) sur le
continent. Quant à la mortalité des Français en Algérie, elle est
de 29, supérieure à celle de la France (23), égale seulement à
celle de l'Espagne, mais elle tend à diminuer et elle laisse
subsister un gain annuel de 4 pour 1000. Il y a donc dès
maintenant, en Algérie, une race acclimatée de Français afri-
cains, et cette fille de la France continentale tend à se développer
plus rapidement que sa mère.
La population indigène paraît s'accroître dans la propor-
tion de 1 3/4 pour cent par an; la population européenne dans
la proportion de 3 1/2 pour cent. Si cette double progression
se maintenait dans un quart de siècle, les Européens attein-
draient en Algérie le chiffre de 1 million, les indigènes celui
de 5 millions. La proportion deviendrait alors beaucoup plus
favorable pour l'élément européen.
Histoire de la colonisation : débuts. — Les débuts de
la colonisation ont été pénibles en Algérie et nous voyons claire-
ment aujourd'hui les fautes commises par nos devanciers; mais
nous sommes instruits par l'expérience et ils ne l'étaient pas.
Les premiers colons étaient pour la plupart des insurgés de
1830 et 1831 que la police, sous un prétexte honorable, éloigna
de Paris. Ils s'installèrent dans la Métidja, alors en friche et à
demi couverte de marais pestilentiels. Ils étaient mal protégés
contre un ennemi plus redoutable encore : l'insurrection.
Presque tous furent massacrés et dispersés par les cavaliers
d'Abd-el-Kader. Le maréchal Bugeaud, prenant exemple sur
les Romains, essaya alors de la colonisation militaire et décréta
même le mariage obligatoire pour les soldats qu'il improvisait
laboureurs. Ces mariages militaires ne tournèrent pas tous bien
et beaucoup des villages militaires ne réussirent pas. Il fallut
revenir à la colonisation civile.
Le régime des concessions. Pour attirer les colons,
—
on imagina, en 1844, de leur distribuer des terres gratuite-
L'ALGERIE 109
ment. En même temps, on imposa aux concessionnaires des
clauses résolutoires destinées à écarter les spéculateurs, mais
qui étaient aussi, pour les colons sérieux, une gêne et un épou-
vantail. Ne devenaient propriétaires, au bout de cinq ans d'oc-
cupation effective, que ceux qui avaient construit une maison
de dimensions déterminées, planté un certain nombre d'arbres,
défriché et mis en culture une superficie fixée d'avance, entouré
leur domaine de fossés et de haies. Pendant les cinq ans, ils ne
pouvaient recevoir qu'un titre de propriété provisoire. Les
cinq ans expirés, des inspecteurs de colonisation visitaient la
concession, et, si les conditions réglementaires étaient remplies,
le concessionnaire recevait un titre définitif; sinon il était
frappé de déchéance. Malgré les vices de ce système, qui a été
adouci, mais qui subsiste encore, des villages furent créées
aux environs d'Alger, de Bône, de Philippeville. Ceux qui par-
courent aujourd'hui leurs riantes campagnes ne se doutent
guère que plusieurs générations d'intrépides travailleurs ont
succombé là dans une lutte obscure contre la misère, la fatigue
et la fièvre.
Les colons de 1848. —L'expérience en grand du régime
des concessions, poussé jusqu'à ses dernières conséquences, a
été faite en 1848. Le gouvernement de Février, mû par un sen-
timent très louable, mais mal éclairé, envoya en Algérie 20 000
ouvriers de Paris sans travail. Il leur distribua des lots de
culture, leur bâtit des villages, en leur assurant des vivres et
des secours en argent jusqu'à ce que leurs terres fussent mises
en valeur. Malheureusement, ces Parisiens n'avaient jamais
appris le métier de cultivateur et, lorsque les ressources offi-
cielles vinrent à manquer, presque tous se dispersèrent.
Cependant les centres ainsi créés ne furent pas tout à fait aban-
donnés et, malgré bien des vicissitudes, plusieurs sont deve-
nus des villes prospères.
Les grandes compagnies. — Après l'échec de l'expé-
rience tentée en 1848, l'administration n'abandonna pas le
principe des concessions, mais elle renonça désormais à entre-
tenir les concessionnaires. Elle essaya en même temps d'un
autre système. Des sociétés de capitalistes obtinrent de vastes
étendues de terrain sous condition d'y créer des villages : la
Compagnie génevoise, aux environs de Sétif ; les Trappistes à
Staouéli. Plus tard, la Société générale algérienne reçut du
gouvernement impérial une concession de 100000 hectares.
Sauf les Trappistes, qui se trouvent dans des conditions spé-
410 LA FRANCE COLONIALE
ciales, mais qui ne sont pas de véritables colons, les grandes
compagnies anonymes n'ont été d'aucun secours pour la colo-
nisation. Elles se sont bornées à exploiter le sol et à en tirer
bénéfice. En dernier lieu, la Société générale louait purement
et simplement des terres aux indigènes. La Compagnie gene-
voise ne fait pas autre chose aujourd'hui. Malgré tous ces
tâtonnements administratifs, la colonisation a étendu chaque
jour ses progrès et conquis des champs fertiles sur les aspho-
dèles et les palmiers nains.
Les Alsaciens-Lorrains en Algérie. — En 1871,
l'Assemblée nationale, imitant celle de 1848, cédant comme
celle-ci à un entraînement patriotique des plus excusables,
attribua 100 000 hectares de terres aux malheureuses famil-
les d'AIsace-Lorraine qui avaient opté pour la nationalité fran-
çaise. Ce nouvel essai de colonisation artificielle ne donna pas,
à vingt ans d'intervalle, des résultats beaucoup plus brillants.
Parmi les 10 000 émigrants qui furent transportés en Algérie,
accueillis à bras ouverts, logés, nourris, secourus pendant
plusieurs années, bien peu connaissaient la terre. La plupart
étaient des ouvriers de fabriqué, aussi mal préparés que pos-
sible à leur nouveau métier et au climat. Les uns quittèrent
leur concession, lorsque les distributions de vivres et d'argent
cessèrent; les autres, lorsque leur bail de cinq ans fut expiré.
Le petit nombre qui resta savait cultiver, et leur labeur opi-
niâtre a été récompensé par le succès. La Société de protection
des Alsaciens-Lorrains, dirigée avec le plus charitable désinté-
ressement par le comte d'Haussonville, dont il ne faut pas con-
fondre l'oeuvre avec la tentative officielle de 1871, a donné de
meilleurs résultats.
La colonisation pendant ces dernières années.
— Pendant le gouvernement de l'amiral de Gueydon, l'ancien
mode de concession fut modifié. Le titre II de la loi de 1871
remplaça le titre provisoire de propriété par un bail de neuf
années, aggravant ainsi les conditions faites jadis aux conces-
sionnaires. Aussi le titre II souleva-t-il d'unanimes protesta-
tions en Algérie, et il fallut bientôt revenir au délai de cinq ans.
Sous le général Chanzy, un grand nombre de concessions
furent accordées, et ce système produisit son effet ordinaire :
des succès partiels parmi beaucoup de revers. M. Albert Grévy,
combinant l'ancienne méthode avec une innovation déjà pro-
jetée par le comte Chasseloup-Laubat, lors de son court minis-
tère, proposa « l'application sagement combinée de la vente et
L'ALGÉRIE 111
de la concession » et, comme les terres venaient à manquer,
demanda cinquante millions pour l'exécution d'un vaste pro-
gramme de colonisation. Son successeur M. Tirman a vaine-
ment défendu ce projet devant les Chambres. S'inspirant alors
des idées de M. d'Haussonville, il étudia un plan nouveau,
d'après lequel une partie des terres domaniales seraient affec-
tées à la colonisation et mises en vente ; une caisse dite de
colonisation serait instituée; le système des concessions ne serait
plus conservé que pour récompenser des services exception-
nels. C'est à peu près le système qui est aujourd'hui en pra-
tique.
Difficultés de la colonisation en Algérie. — Si la
routine administrative, qui est une des plaies de notre pays, si
l'utopie césarienne du royaume arabe ont entravé le libre déve-
loppement de la colonisation, il serait injuste de ne pas recon-
naître que nulle part plus qu'en Algérie le problème toujours
délicat de la fondation d'établissements européens en pays neuf
n'a présenté plus d'obscurité et de complexité, n'a rencontré
plus d'obstacles. Dans aucune de leurs colonies les Anglais,
par exemple, n'ont eu à se mesurer avec des difficultés pareilles.
Dans l'Amérique du Nord comme en Australie ou en Nouvelle-
Zélande, le climat s'est trouvé d'une salubrité absolue. Les
indigènes, de race très inférieure, n'ont opposé qu'une résis-
tance facile à vaincre et ils ont été bientôt exterminés ou
refoulés. Quant aux terres, elles se sont offertes d'elles-mêmes
en quelque sorte aux colons, et en quantité presque illimitée.
En Algérie, au contraire, il a fallu triompher du climat par
l'assainissement des plaines et des vallées, lutter contre des
indigènes braves, fanatiques, nombreux, et non seulement les
dompter, mais les gouverner, enfin s'établir au milieu d'eux.
Pour avoir des terres, on a dû obliger les anciens possesseurs
du sol à se serrer et à nous faire place, et, comme les procédés
de colonisation mis en pratique ailleurs n'étaient pas exacte-
ment applicables à l'Algérie, on s'est trouvé réduit à les essayer
tous, progressant péniblement d'essai en essai à la recherche
d'une méthode définitive. Colonies militaires, concessions,
grandes compagnies, tous les anciens procédés ont été pris et
repris, et chacun d'eux, avec bien des déboires, a donné quel-
ques résultats. Assurément on s'est attardé en ces expériences.
Cependant, au bout d'environ trente-cinq années (car la conquête
n'a guère été achevée que vers 1857), près de 500 000 Européens
sont établis en Algérie, et sur ce nombre 200 000 sont exclusive-
112 LA FRANCE COLONIALE
ment des agriculteurs. Pour un pays qui a subi tant de vicissi-
tudes, voilà encore un assez beau résultat.
Les terres et la propriété. — Diverses méthodes ont
été proposées ou suivies pour procurer des terres aux colons.
Armé de la loi de 1851 sur l'expropriation, on entreprit de
cantonner les tribus, c'est-à-dire de limiter leur territoire en le
restreignant et de garder le surplus pour la colonisation. Le
sénatus-consulte de 1863, s'inspirant des principes qui régis-
sent la propriété en France, et ayant déclaré les tribus proprié-
taires de toutes les terres dont elles avaient la jouissance tradi-
tionnelle, le cantonnement fut arrêté. La loi de 1873 a ordonné
la constitution de la propriété individuelle. Malheureusement
cette opération, conduite avec une lenteur désespérante, a
coûté des sommes énormes. De 1874 à 1882 la dépense a été de
8 millions, couverte à l'aide de centimes additionnels payés
par les Arabes, et la propriété ainsi constituée ne comprenait
pas 400 000 hectares en 1882. Elle n'atteignait que 712 000 hec-
tares en 1884; 2 200 000 à la fin de 1890, mais alors la dépense
s'élevait à 14 millions. A ce compte il serait plus économique
d'acheter les terres que de les délimiter 1. La loi de 1887 a
cependant amendé sur plusieurs points celle de 1873.
Le séquestre infligé aux tribus insurgées, comme en 1871,
est un moyen excessif, d'ordre purement militaire, et sur lequel
il est interdit de fonder ses espérances. L'expropriation est tout
aussi odieuse et n'a pas l'excuse des nécessités de la guerre. Le
domaine, après avoir vendu aux enchères ou de gré à gré plus de
260 000 hectares, est encore riche de 800 000 hectares ; il pour-
rait en fournir tout de suite 270 000 ; ce n'est là qu'une ressource
provisoire. Restent le régime de droit commun et la vente :
après de longues hésitations, et par la force des choses, on y
arrive.
L'act Torrens — Il n'y a en Algérie que 10 habitants
par kilomètre carré (71 en France). Sur les 15 millions d'hec-
tares qui constituent le Tell, 3 millions seulement sont cultivés,
dont 1 environ par les Européens. Les terres ne manquent donc
pas. Pour les rendre disponibles il est temps d'abandonner le
système des concessions gratuites, qui n'a fourni que 450 000 hec-
tares. Il suffira d'emprunter à notre ancienne législation une
ingénieuse combinaison qui a contribué à la fortune agricole
de l'Australie et qui nous est revenue de là-bas sous le nom
1. Au 1er juillet 1891, les travaux, à divers états d'avancement,
portent sur un peu plus de 2 500 000 hectares.
L'ALGÉRIE
113
d'act Torrens. Déjà adoptée par le gouvernement tunisien, elle
le sera prochainement par celui de l'Algérie, à la suite d'une
étude approfondie faite par M. Dam, professeur à l'École de
droit. D'après ce système, tout acquéreur peut imposer à son
vendeur, comme condition préalable, l'inscription de sa terre
sur un registre public. Chaque immeuble acheté ainsi a son
sommier, sa case, son état civil et son plan; il est délimité,
connu, il devient une réalité ; il peut se transmettre avec une
facilité extrême : de sorte que peu à peu, sans dépense pour
l'État, sans contrainte pour personne, le cadastre s'établit, la
propriété indivise se morcelle et la colonisation s'étend à
l'infini.
Les villes. — Le seul aspect des villesalgériennes résume
1
PIERRE FONCIN.
LA TUNISIE
PARTIE HISTORIQUE 1
CHAPITRE PREMIER
9
1. Charles Tissot, Exploration scientifique de la Tunisie : géographie
comparée de la province romaine d'Afrique, 2 vol., 1884-1888. — Rousseau.
Annales tunisiennes, Alger, 1864. — P. H. X. (M. Paul d'Estournelles
de Constant), La Politique française en Tunisie, 1891. — A. Rambaud. Les
Affaires de Tunisie, 1882. — Duveyrier, La Tunisie. — J. de Lanessan, La
Tunisie, 1887. — Paul Leroy-Beaulieu, L'Algérie et la Tunisie, 1887.
FRANCE COLONIALE.
130 LA FRANCE COLONIALE
Il n'est pas nécessaire de décrire ici les moeurs ni l'aspect
de ces populations dont un tableau détaillé a été présenté à
propos de l'Algérie. Il suffira de rappeler qu'elles gardent en
Tunisie les mêmes caractères que dans notre colonie, qu'elles
y présentent, comme dans ce pays, les signes évidents d'un
mélange extrêmement ancien avec une race Aryenne blonde,
venue en Afrique probablement par le détroit de Gibraltar, à
une époque antérieure au XVe siècle avant notre ère ; enfin, que
le sol de la Régence offre, lui aussi, en grand nombre, des
monuments mégalithiques, dolmens, menhirs, etc., pareils à
ceux de la Bretagne et des vieilles contrées celtiques. Il y en a
notamment une grande quantité dans la plaine au sud de
Zaghouan.
Les habitants primitifs de la Tunisie se trouvèrent, dès les
temps les plus reculés, aux prises avec deux peuples dont
l'histoire est familière à tous les enfants de toutes les écoles
d'Europe. Pendant dix siècles, du XVIIe au VIIe avant notre ère,
de Thoutmès III à Tahraka, des expéditionsnombreuses furent
dirigées par les Pharaons contre les Berbères ou Libyens du
nord de l'Afrique. Un souvenir curieux de leur passage est
conservé dans le sud de la Tunisie : un archipel du chott Djerid,
composé de quatre îlots, porte encore aujourd'hui le nom de
Nkal-Farâoun, les Palmiers de Pharaon. « Les dattiers qui les
couvrent, écrit M. Ch. Tissot, n'appartiennent à aucune des
variétés connues dans le Blad-ed-Djerid tunisien et leurs fruits
ne parviennent jamais à une complète maturité. Une tradition
que j'ai recueillie de la bouche même du khalifa de Telemin, Si
el Habib, prétend que les palmiers de Pharaon proviennent
des noyaux de dattes qu'aurait laissés dans ces îles une armée
égyptienne. Au temps de Mohammed-el-Tidjani, ces dattiers
n'appartenaient à personne et les fruits en étaient abandonnés
aux voyageurs. »
CHAPITRE II
CHAPITRE PREMIER
CHAPITRE II
LES HABITANTS
CHAPITRE III
GOUVERNEMENT ET ADMINISTRATION
1. La Société franco-africaine.
182 LA FRANCE COLONIALE
fondait son droit de préemption. Les acquéreurs ayant voulu
entrer alors en possession de ce domaine, on s'aperçut que
Lévy n'en avait jamais été propriétaire, qu'il n'y avait dans
son affaire que mensonge d'un bout à l'autre, que cet individu
protégé si énergiquement, protégé au point de mettre en
danger les bonnes relations de la France et de l'Angleterre,
protégé par M. Reade à Tunis, par lord Lyons à Paris, par
lord Granville à Londres, par lord de la Warr au Parlement,
par la presse anglaise unanimement dans l'univers entier,
n'avait jamais été possesseur d'aucune parcelle de terrain sur
laquelle il eût pu fonder ces prétendus droits dont il avait été
fait tant de bruit. Grande fut la surprise en France de voir
qu'une cause si peu défendable avait été si obstinément
défendue.
Il se trouva que les prétendus titres invoqués tour à tour
dans son affaire par consulat, ambassade et Foreign office,
étaient, comme ceux de Ben-Ayad, un enchevêtrement de faux,
et ce fut à la justice d'en faire raison. Un jugement du tribunal
de Tunis annula purement et simplement, en 1884, la transac-
tion intervenue entre les parties « comme viciée de dol ». Il
nous semble que, dans cette affaire singulière, autorités et
particuliers français ont fait preuve à l'envi, pendant cinq ans,
d'une qualité modeste, dont les Anglais sont fiers, mais qu'ils
ne sont pas toujours portés à reconnaître à leurs voisins
d'outre-Manche, et qui s'appelle forbearance.
1. En janvier et en juillet.
486 LA FRANCE COLONIALE
les Tunisiens sont infiniment plus faciles à atteindre par ce
moyen. Quand la majorité des Arabes parlera français, ils
seront moins fanatiques. On s'est donc mis à le leur apprendre
et les résultats obtenus sont surprenants. Il faut dire du reste
que, même avant notre entrée en Tunisie, les indigènes s'étaient
déjà mis à cette étude, et le degré de connaissances euro-
péennes acquis par les élèves du collège Sadiki était fort remar-
quable. Nous n'avons donc pas eu à créer cet enseignement,
mais à l'encourager.
La direction de l'enseignement public a été créée en mai
1883; elle a été définitivement organisée par le décret beylikal
du 6 mai 1884. Cette fonction est actuellement occupée par
M. Machuel, arabisant distingué et excellent administrateur.
Le directeur est assisté d'un inspecteur général des études arabes
et d'un inspecteur primaire.
Le budget de l'enseignement était, en 1885, de 120 000 francs;
en 1889-90, de 530 016 francs; en 1892, de 617 106 francs,
auxquels s'ajoutaient environ 200 000 francs supportés par les
communes et les revenus du collège Sadiki. En 1883, on ne
comptait dans la Régence que 24 établissements scolaires, dont
deux collèges (Sadiki et le collège congréganiste de Saint-
Charles). Sur les 22 établissements primaires, 19 étaient dirigés
par des frères de la Doctrine chrétienne, des missionnaires
d'Afrique, des soeurs, etc., et 3 étaient entretenus par l'Alliance
israélite. En 1891, il y avait 77 établissements scolaires publics.
D'abord 4 d'enseignement secondaire : le collège Saint-Charles,
fondé par le cardinal Lavigerie en 1880 et devenu en 1886, à la
suite d'une entente entre l'État et lui, un lycée universitaire; le
collège Sadiki, fondé en 1876 par le feu bey et réformé par nous;
le collège Alaoui, fondé en 1884 par le bey Ali, et qui est en
même temps une école normale; enfin une école secondaire
avec cours normal, pour les jeunes filles. Il y 73 écoles
primaires publiques, dont 54 laïques et 17 congréganistes. Il y
en a en outre 8 écoles privées : les 3 écoles de l'Alliance israélite 1
1. Rapport Machuel.
490 LA FRANCE COLONIALE
Louis, de fouilles exécutées sur le sol même de l'ancienne
Carthage, sous la direction du P. Delattre.
Services militaires. — L'effectif du corps français
d'occupation est actuellement réduit à 9 617 hommes : il com-
prend le 4e régiment de zouaves, le 4e régiment de tirailleurs
algériens, le 3e et le 4e bataillon d'infanterie légère d'Afrique,
la 1re compagnie de fusiliers de discipline, le 4e régiment de
spahis, 3 batteries du 13e d'artillerie, 1 compagnie du 2e du
génie, 3 compagnies du train des équipages; de la gendarmerie,
des sections d'infirmiers et d'ouvriers militaires.
La brigade se subdivise en trois commandements militaires :
Tunis, Sousse, Gabès.
Le 4e de tirailleurs et le 4e spahis ont été formés en partie
avec des soldats de l'ancienne armée tunisienne. Ils continuent
à se recruter dans le pays au moyen d'un système de conscrip-
tion, établi avant nous, conservé et même perfectionné par
nous, mais incommode aux populations, ne pouvant donner
que des résultats douteux, vu la faible durée du service, ou
dangereux. Il importerait de le remplacer au plus tôt par
des enrôlements volontaires et à longue durée, comme cela se
pratique en Algérie.
De l'ancienne armée du bey il ne subsiste plus que sa garde
d'honneur, composée d'un bataillon, d'un escadron et d'une
batterie.
Les dépenses de cette armée, avec les pensions accordées
aux invalides et retraités de l'ancienne armée, s'élèvent,
en 1892, à 595 370 francs.
Résumé des réformes. — Telles sont, à grands traits,
les principales réformes introduites en Tunisie ; elles n'ont pas
été exécutées avec trop de lenteur : quelques années ont
suffi à les accomplir. Elles n'ont rien eu non plus de précipité;
elles se sont fait admettre l'une après l'autre par les indigènes
et n'ont provoqué ni trouble ni révolte. De quoi il faut rendre
grâce aux résidents généraux de France : à M. Cambon, qui ne
s'est pas montré moins bon administrateur que son prédéces-
seur, M. Roustan, ne s'était montré bon diplomate, et à
M. Massicault. Chacun de ces trois hommes est venu à son
heure et s'est trouvé propre à son rôle ; cela peut suffire à
assurer le succès définitif de l'oeuvre de la France en Tunisie.
Prospérité financière de la Tunisie. — Dès aujour-
d'hui, comme on l'a vu, la Tunisie subvient à toutes ses
LA TUNISIE 191
CHAPITRE IV
GÉOGRAPHIE ÉCONOMIQUE
La végétation. —
Sous ce ciel, en somme assez doux, et
sur ce sol assez bien arrosé pour une terre d'Afrique, mieux
arrosé que celui de l'Algérie, infiniment mieux que celui de la
Tripolitaine, croît dans de vastes régions une végétation qui ne
peut être comparée pour sa richesse qu'à celle des belles parties
du Maroc et même de la France. Le district de Tabarka n'est
pas riche seulement en mines : il est couvert par les plus belles
forêts que présente l'Afrique du nord ; avec les arbres de
France, l'orme, le peuplier, le saule, l'aune, le houx, avec toute
la verdure et toutes les mousses de nos forêts, on trouve encore
là-bas le chêne zéen et le chêne liège en abondance, sur de très
vastes étendues. Les ravages des invasions successives et les
déprédations séculaires des nomades, qui ont déboisé et stérilisé
tout le centre de la Tunisie, ont respecté ce territoire. Les
192 LA FRANCE COLONIALE
massifs forestiers offrent une superficie de cent mille hectares
au nord de la Medjerda, de dix-sept mille au sud.
Au sud de ce massif et jusqu'à Tunis, toute la vallée de la
Medjerda est riche en céréales de toutes sortes ; l'olivier y
réussit très bien ausi.
La côte orientale présente, de même que la côte nord, une très
large bande de terrain d'une extrême fertilité. Le centre de la
Tunisie et, presque sur tous les points, les bords du golfe de
Gabès sont, au contraire, en ce qui concerne ces cultures, à peu
près stériles. C'est la région des landes. Elle produit toutefois
en quantité de l'alfa.
Les terrains fertiles de l'est produisent, avec autant d'abon-
dance au moins que ceux du nord, tout ce qu'il plaît aux tra-
vailleurs de leur demander : pâturages, céréales, olives, oranges,
raisins, amandes, grenades, figues, etc. Chaque ville est entou-
rée d'immenses jardins ou vergers qui l'encadrent de leur
verdure. Au delà s'étendent des champs dans lesquels des
Européens, de plus en plus nombreux, viennent apporter leur
travail, leur expérience de la terre et leurs capitaux. Dans un
temps qui n'est pas éloigné, l'industrie de nos compatriotes
devra s'attaquer aux terrains laissés en friche depuis des
siècles, et partout où les couches artésiennes, heureusement
assez nombreuses, permettront d'obtenir des eaux d'arrosage,
il pourront, sans peine excessive, rendre à ce sol l'antique
fertilité qui en a fait autrefois le grenier de Rome.
Oasis : palmiers, etc. — Le sud de la Tunisie, l'île de
Djerba, le voisinage des Chotts constituent la région des oasis.
Le sol y est sablonneux, mais partout où on peut l'arroser il
devient d'une fertilité surprenante 1 ; les palmiers surtout y
prospèrent, mais avec eux et au-dessous d'eux tout un monde
de végétaux moindres. « La voûte gigantesque que forment les
éventails de palmes des dattiers couvre une forêt de pistachiers,
de grenadiers, d'orangers et de citronniers qui protège elle-
même un fourré d'arbrisseaux dont les fruits mûrissent encore
sous ce double abri. Pline nous a laissé de l'oasis de Tacape,
qu'il avait certainement visitée, dans l'une de ses deux excursions
en Afrique, une description qui est encore la plus exacte qu'on
en puisse donner : « ... Là, sous un palmier très élevé croît un
1. Celle expérience a été tentée, sous la direction de M. de Lesseps,
par le commandant Landas : un puits artésien creusé dans la région de
Gabès, près de l'oued Mela, donne aujourd'hui 300 mètres cubes à
l'heure d'excellente eau d'arrosage.
LA TUNISIE 193
«
olivier, sous l'olivier un figuier, sous le figuier un grenadier,
« sous
le grenadier la vigne ; sous la vigne on sème du blé,
«
puis des légumes, puis des herbes potagères, tous dans
«
la même année, tous s'élevant à l'ombre les uns des autres. »
Ce tableau est celui de toutes les oasis tunisiennes, Gafsa,
Oudiane, Tozeur, Nefta, Telemin, Kbilli, Djerba1. » Les dattes
de la Régence sont les plus célèbres et les meilleures du monde
entier; infiniment supérieures à celles d'Egypte, elles sont
préférées à celles de la Tripolitaine, de l'Algérie et du Maroc.
Leur excellence est attribuée en partie à l'avantage qu'elles
ont d'être arrosées partout, sauf dans le Nefzaoua, par les
eaux tièdes des sources thermales.
Les acquisitions de terres. — Les difficultés dans
l'acquisition de la terre par les Européens venaient de l'incerti-
tude habituelle des titres de propriété, de l'absence de tout
enregistrement, enfin de certaines coutumes indigènes qui
assuraient aux parents du vendeur et aux voisins de l'immeu-
ble un droit de préemption, fort gênant pour l'acquéreur. En
outre, c'était le tribunal du Châra qui était exclusivement compé-
tent pour les contestations immobilières, même entre Européens
et indigènes. C'est contre ces difficultés qu'avaient échoué les pre-
miers colons français venus en Tunisie après l'établissement du
protectorat. La loi du 1er juillet 1885 a eu pour objet d'écarter
les obstacles. Elle rend applicables dans la Régence, non pas
les savantes dispositions de notre code, plus convenables pour
un pays de droit romain que pour une contrée pour ainsi dire
neuve, mais bien les règles du fameux act Torrens, dont les
effets ont été si bienfaisants en Australie.
Tout propriétaire d'immeubles peut aujourd'hui en récla-
mer l'immatriculation. Un conservateur de la propriété fon-
cière procède, après des délais fixés et l'accomplissement de
certaines formalités destinées à sauvegarder les droits des tiers,
à l'enregistrement du titre; si des contestations se produisent,
un tribunal spécial en décide. Un plan de la propriété doit être
joint à toute demande d'immatriculation. Toute propriété ainsi
enregistrée tombe, pour l'avenir, sous la juridiction des tribu-
naux français. Selon toute vraisemblance, les biens un peu
importants seront tous enregistrés d'ici à peu de temps. On
obtiendra alors ce triple résultat avantageux : que la transmis-
sion des terres les plus riches de Tunisie sera facilitée par
1. Ch. Tissot, Géographie comparée de la province romaine d'Afrique,
liv. I, ch. III.
13
194 LA FRANCE COLONIALE
l'existence de titres inattaquables ; que le cadastre de ces mêmes
terres se trouvera fait sans que l'État ait rien eu à débourser,
enfin qu'elles échapperont au tribunal religieux musulman, le
Châra 1, pour relever de nos magistrats.
Les biens dits habous, ou de mainmorte, les uns publics,
c'est-à-dire affectés à des fondations pieuses, les autres parti-
culiers, constitués en espèces de fidéicommis, ne pouvaient
être acquis par les colons français. On ne crut pas devoir
toucher au principe même des habous, qui a un caractère
religieux; mais un décret beylikal du 21 octobre 1885 a per-
mis, mais uniquement par voie d'enchères publiques, de les cons-
tituer en enzel, c'est-à-dire à bail emphytéotique pour une durée
très longue et moyennant une redevance annuelle. Tout le
monde y a gagné : les colons, qui ont pu acquérir la terre dans
des conditions très favorables, et les fondations pieuses ou les
fidéicommissaires, qui ont acquis ainsi un revenu assuré.
Ces dispositions et d'autres encore, comme la location à
bas prix des terrains domaniaux que les colons s'engagent à
planter en oliviers, la prise à la charge de l'État des frais
d'immatriculation, la simplification de la procédure d'enregis-
trement, ont favorisé grandement le développement de la colo-
nisation française. Sur 6 068 hectares de biens habous mis aux
enchères, 3430 ont été acquis par nos compatriotes. Par achat
aux propriétaires indigènes ou par contrat d'enzel, de 1881 à
1890, 400 000 hectares sont passés entre des mains françaises.
Ce chiffre s'est accru de 38 876 hectares en 1890 et 1891. Tel
des propriétaires nouveaux possède 3 000, 5 000, 6 000,
8 000 hectares. La Société franco-africaine en a 11 500 à
Gafour et 120 000 à l'Enfida 2.
Les plantations de vignes. — La terre tunisienne,
éminemment propre à l'agriculture et surtout à la vigne,
recueillera d'ici à peu d'années une partie de cette population
agricole que le phylloxera a ruinée en France. Dans chaque
nouvelle propriété acquise par nos compatriotes la vigne est
plantée. On a commencé il y aura bientôt dix ans, et le pro-
duit a dépassé l'attente. Comme rapidité de croissance et
comme fécondité, les plantations ont donné de meilleurs
résultats qu'en Algérie même. On récolte dans la Régence des
1. Il n'a gardé sa compétence que pour les immeubles non imma-
triculés.
2. Voir la curieuse liste de ces propriétaires, en presque totalité fran-
çais, dans l'Annuaire tunisien de G. Blondeau.
LA TUNISIE 193
vins rouges assez analogues à nos vins du midi de la France,
et des vins blancs à peu près pareils aux vins chauds et secs
de la Sicile. Nous ne pouvons leur souhaiter qu'une chose : c'est
qu'ils finissent par égaler sur les marchés européens la répu-
tation dont jouissaient dans le monde romain les vins de la
province d'Afrique. A l'Exposition d'Anvers, en 1885, à l'Expo-
sition universelle de 1889, de nombreuses médailles et men-
tions ont été accordées à des viticulteurs de Tunisie. La fran-
chise accordée, en 1891, par les Chambres françaises sur
l'entrée en France des vins de Tunisie, à raison de 50 000 hecto-
litres par an, donnera certainement à l'industrie viticole un
grand essor.
La main-d'oeuvre et le prix de la terre. — Les
vignerons français qu'on a fait venir en plusieurs endroits
se sont bien acclimatés, et il y a tout lieu de croire que notre
race pourra faire souche, et se multiplier dans ce pays'où le
manque de bras est la principale entrave au développement
de la richesse.
Où la main-d'oeuvre se rencontre, elle est peu chère, comme
on a vu; mais les indigènes ne sont pas assez nombreux pour
subvenir à tous les besoins et, bien qu'ils soient d'humeur
moins vagabonde que leurs frères d'Algérie, ils ne sont pas
encore suffisamment attachés au sol pour qu'on puisse partout
et toujours compter sur eux. Quant au prix de la terre, il
s'accroît très rapidement, il était de 25 à 30 francs l'hectare
avant l'occupation, il a atteint ensuite 50 francs et s'y est
maintenu deux ou trois ans. Il est aujourd'hui de 50 à 70 francs
pour les terres non défrichées et de 100 à 200 francs pour les
autres.
Les huiles, les alfas. — Il faut espérer que des indus-
triels du midi de la France s'apercevront des ressources qu'of-
fre la culture de l'olivier dans le Sahel et apporteront dans ce
pays leurs procédés perfectionnés qui, en doublant le rende-
ment des olives, permettront à nos compatriotes de faire assez
facilement fortune. Traitées avec soin, les olives de Tunisie
donnent, en effet, un produit aussi parfait que celui des fabri-
ques étrangères les plus estimées. Telle maison qui a commencé
à traiter ses huiles à l'européenne les vend en Italie où un
simple changement d'étiquette pourrait, si l'on voulait, les
faire passer pour de l'huile de Lucques.
Les montagnes couvertes d'alfas du sud de la Régence
commencent aussi à donner des produits pour l'exportation.
196 LA FRANCE COLONIALE
La plante est plus belle que celle de l'Algérie et n'est inférieure
qu'à celle d'Espagne. Malheureusement, presque tous ces envois
sont dirigés, non sur la France, mais sur l'Angleterre, qui
s'en sert pour' la fabrication de ses papiers. L'emploi de ce
végétal donne aux papiers anglais cette solidité qui les fait
rechercher dans l'univers entier et les met, dans l'opinion géné-
rale et dans celle des Français eux-mêmes, si fort au-dessus
des nôtres.
Exploitation et produits des forêts. — Un des plus
grands produits agricoles de la Régence sera, d'ici à peu d'an-
nées, celui des forêts, d'une superficie de 500 000 hectares,
dont les massifs sont régulièrement classés, sous notre direction,
par l'administration indigène. Elles appartiennent toutes à
l'État. La mise en exploitation a déjà commencé; une grande
route de 4 mètres de large, conduisant chez les Ouchtéta à
Ghardimaou (12 kilom.), et 646 kilomètres de sentiers muletiers
avaient été ouverts en 1890. De 1884 à 1891, 3 860 000 chênes-
liège avaient été démasclés. Le liège qu'ils ont produit a
une valeur de 2 534 000 francs.
Lorsque l'ensemble des forêts de Tunisie, chênes-liège et
chênes-zéens de la région de Ghardimaou, chênes verts et pins
d'Alep de la rive sud de la Medjerda, sera en pleine exploitation,
c'est-à-dire dans cinq ou six ans, leur produit annuel sera
d'environ 3 millions de francs, et peut-être du double dans
quinze ans.
La Compagnie des chemins de fer n'aura plus, à faire venir
de l'Adriatique ses bois pour traverses; elle en trouvera, sur
place même, d'aussi beaux à meilleur compte ; de même, la
capitale, qui. consomme pour 1 500 000 francs par an de char-
bon de bois, ne sera plus tributaire de la Sardaigne et de la
Sicile, mais s'approvisionnera dans les forêts du pays.
Les animaux sauvages. — Les animaux qui peuplaient
autrefois la Tunisie en ont complètement disparu 2. On n'y ren-
contre plus, et depuis des siècles, aucun spécimen de cette race
d'éléphants qui y était nombreuse au temps des Carthaginois
1. L'alfa de Tunisie est exploité pour la fabrication du papier princi-
paiement par une société franco-anglaise. Le centre d'exploitation est la
montagne de Bou-Hedma. Le lieu d'embarquement est la baie de Slcira.
Ces deux points, aux termes du cahier des charges signé la compa-
par
gnie, seront reliés prochainement, à ses frais, par un chemin de fer. La
valeur de l'alfa emporté, en 1888-89, a été de plus de 4 millions de francs.
2. Le général Faidherbe, Mémoire sur les éléphants des armées cartha-
ginoises. Bône, 1867.
LA TUNISIE 197
et des Romains, qu'on dressait à la guerre et qui, à la suite
d'Annibal, vinrent jusque dans notre pays passer le Rhône et
les Alpes pour redescendre ensuite en Italie : singulière inva-
sion tunisienne, la seule que notre patrie ait subie. En franchis-
sant, avec les troupes françaises, il y a cinq ans, les frontières
de la Régence, le général Forgemol a rendu, après saint Louis,
au peuple de Tunis et Carthage, la visite qu'il y a vingt siècles
Annibal, avec ses mercenaires et ses éléphants, avait faite à
nos ancêtres gaulois. Aujourd'hui l'éléphant ne se rencontre
plus en Tunisie, et si les serpents de la Régence descendent
encore de celui qui donna tant de mal à l'armée de Régulus, et
qui avait trente-cinq mètres et demi de long, il faut avouer
qu'ils sont singulièrement dégénérés ; les plus robustes attei-
gnent rarement huit mètres. L'autruche a, comme l'éléphant,
disparu de ce pays. On y trouve, ainsi qu'en Algérie, en fait
d'animaux sauvages, l'antilope, la gazelle, le sanglier, le mou-
flon, quelques rares cerfs et daims, le chacal, l'hyène, et dans
les montagnes voisines de l'Algérie, quelques lions.
PARTIE HISTORIQUE
CHAPITRE PREMIER
CHAPITRE II
LES INDIGENES
17
d'une femme déjà âgée tenant entre ses bras un moutard de quatre ou
cinq ans. Peu habitué encore au pays et quelque peu ému, je demandai
pourquoi cette femme était triste au milieu de ses compagnes à l'air
indifférent. On me répondit qu'elle avait mauvais caractère et qu'elle ne
cessait de se plaindre depuis qu'elle avait été prise. L'enfant avait déjà
été marchandé plusieurs fois, mais on ne voulait pas de la mère, peut-
FRANCE COLONIALE.
238 LA FRANCE COLONIALE
CHAPITRE III
GOUVERNEMENT ET ADMINISTRATION
Sénégal et Soudan. — Le Soudan a été d'abord une
dépendance du Sénégal comme les Rivières du Sud et le Fouta-
Djallon. Il était simplement le « commandement supérieur du
Haut-Fleuve ». On doit le considérer aujourd'hui comme une
colonie à peu près autonome, ayant sa politique et son budget
propres. Tenant compte de ce que les Bivières et le Fouta-
Djallon ont été rattachés en 1891 à la Guinée française,
nous parlerons d'abord du gouvernement et administration du
Sénégal, ensuite du Soudan.
I. — SÉNÉGAL.
Population. Superficie.
Soudan français avec le Dinguiray et
le Kaarta 1 000 000 330 000 kil. car.
États de Mademba et Rodian 1 200 000 100 000 —
États de Samory (y compris nos der-
nières conquêtes) 1000 000 300 000 —
Étals de Tiéba 160 000 60 000 —
Maures Embarek. 12 000 ?
États de Kong. ... 550 000 50 000
—
Pays au sud du Kong : Bondoukou,
Djmini, Anno, etc 300 000 70 000 —
4 042 000 920 000 kil. car.
CHAPITRE IV
GÉOGRAPHIE ÉCONOMIQUE
GUINÉE FRANÇAISE
ET DÉPENDANCES 1
I. LA NOUVELLE ORGANISATION.
Le décret de 1801. -
Un décret présidentiel du 17 dé-
cembre 1891, modifiant totalement le décret du 1er août 1889,
a constitué un gouvernement de la Guinée française et dépen-
dances, dont M. Ballay a été ensuite nommé gouverneur. La
nouvelle colonie comprend : 1° les Rivières du Sud, détachées
du gouvernement du Sénégal; 2° le protectorat sur le Fouta-
Djallon, dont les almamys se montraient inquiets du déploie-
ment de forces qui se faisait autour d'eux ; 3° les relations
1. Consulter : Le P. Labat. Voyage du chevalier des Marchais en
Guinée et aux îles avoisinantes (1725-1727). Amsterdam. 1731 ; — Gaffarel,
Les Colonies françaises; — Vignon, Les Colonies françaises ;— de Lanessan,
La Guinée (dans l'Atlas colonial) et l'Expansion coloniale de la France ; —
Lebrun-Renaud, Les Possessions françaises de l'Afrique occidentale; — les
Notices coloniales publiées à l'occasion de l'Exposition d'Anvers, t. II : la
notice sur Porto-Novo est due à M. le commandant Dorat, résident de
France ; — Les Colonies françaises, Notices illustrées, t. VI, 1890; — l'abbé
Bouche, La Côte des Esclaves, 1884 ;
—
Borghero, Notes sur la Côte de
Guinée, 1886; —l'abbé Desribes, L'Evangile au Dahomey et à la Côte des
Esclaves, 1877 ; D'Albéca, Les Établissements français du golfe de Gui-
—
née, 1890;
— Chapér, Rapport sur une mission scientifique dans le
territoire
d'Assinie (Archives des missions, 1885); —Verdier, Assinic, Grand-Bassam
et Lahou, 1892.
Histoire : Gravier, Recherches sur les navigations européennes faites au
moyen âge sur les côtes occidentales d'Afrique. Rouen, 1881. — Vitet,
Dieppe. Paris, 1845.
— Bouët-Willaumez, Commerce et
traite des esclaves
aux côtes occidentales d'Afrique, 1848.
286 LA FRANCE COLONIALE
politiques avec le Rong, le Bondoukou, le Djimini, l'Anno, le
Mango 1, et autres pays placés sous notre protectorat par les
traités Binger et Treich-Laplène; 4° les établissements de la
Côte des Graines; 5° les nouveaux établissements de la Côte de
l'Ivoire qui, à la suite des traités conclus, depuis le 1er jan-
vier 1891, entre les chefs indigènes et nos représentants,
notamment le capitaine Quiquandon, s'étendent sans inter-
ruption, sur le littoral du Rio Cavalli à Grand-Bassani, et dans
l'intérieur, jusqu'aux frontières sud des États de Samory et
Tiéba, et aux montagnes de Kong; 6° nos établissements de la
Côte d'Or, étendus de la même façon sur tout le littoral depuis
Grand-Bassam et Assinie et dans l'intérieur jusqu'au pays de
Kong ; 7° nos établissements de la Côte des Esclaves. Tous les
agrandissements nouveaux ont été signifiés à l'Europe, confor-
mément à la jurisprudence établie par la conférence de Berlin.
Ce décret de 1891 a modifié toute la terminologie géogra-
phique de ces régions. Le nom des Rivières du Sud, qui faisait
confusion parce que les Anglais de Sierra-Leone les appelaient
Rivières du Nord, disparaît pour faire place à celui de Guinée
française proprement dite. Le nom de Côte d'Or, vu que ce litto-
ral est occupé presque entièrement par la Côte d'Or anglaise,
disparaît pour se confondre dans la Côte d'Ivoire, laquelle
englobe également notre ancienne Côte des Graines. Notre Côte
des Esclaves prend définitivement le nom d'Etablissements du
golfe de Bénin. Cependant, dans la description qui va suivre,
nous garderons parfois les anciennes dénominations.
Pour les ci-devant Bivières du Sud, pour le Fouta-Djallon,
pour le Rong, le Bondoukou, etc., nous renvoyons à ce qui en
a été dit au chapitre Sénégal et Soudan.
Administration. — La nouvelle Guinée française et
dépendances se compose, en résumé, d'un protectorat, celui du
Fouta-Djallon, et de trois colonies : la Guinée française propre-
ment dite (ci-devant Rivières du Sud), les Établissements de la
Côte d'Ivoire (ci-devant Côte des Graines, Côte d'Ivoire, Côte
d'Or), les Etablissements du golfe de Bénin (ci-devant. Côte des
Esclaves).
L'administration supérieure des trois colonies est confiée à
un gouverneur, qui est chargé en outre des divers protectorats.
Sa résidence est à Konakry (Mellacorée).
1. Voyez ci-dessus pages 232-233 et 275-278. Il est question (août 1892),
de revenir sur ce décret de 1891 : les Rivières du Sud seraient restituées
au Sénégal.
LA GUINÉE FRANÇAISE ET DÉPENDANCES 287
Sous son autorité, la Guinée proprement dite est administrée
par un secrétaire général; la Côte d'Ivoire, par un résident; le
golfe de Bénin, par un lieutenant-gouverneur. (Ces trois fonc-
tionnaires sont actuellement MM. Couturier, Desaille et Ballot.)
Chacune de ces trois colonies conserve son administration
«
propre et son budget local » séparé.
«
Le gouverneur est ordonnateur de toutes les dépenses
»,
mais il peut déléguer ses pouvoirs à ses trois subordonnés. Les
dépenses communes aux trois groupes sont fixées, chaque
année, par le ministre chargé des Colonies. Le service du Trésor
est centralisé par un trésorier-payeur en résidence à Konakry,
assisté d'un trésorier particulier à Porto-Novo et d'un préposé à
Grand-Bassam.
Un décret présidentiel de mai 1892 a institué dans la nou-
velle colonie de Guinée française et dépendances trois juges de
paix à compétence étendue : ils siègentà Konakry, Grand-Bassam,
Porto-Novo. Le même décret a supprimé pour ces territoires la
compétence des deux tribunaux et de la cour d'appel du
Sénégal.
Les crédits demandés, pour 1893, en faveur de la Guinée
française, s'élèvent à 943 500 francs.
FRANCE COLONIALE
été signalées par des sacrifices humains, mais dans des pro-
portions moindres qu'ils ne l'auraient été autrefois.
La cupidité d'Amatifou apporta des obstacles à la prospérité
d'Assinie. Ce vieux monarque, dont l'intelligence était affaiblie
par l'âge et aussi par de trop fréquentes libations, ne voyait
dans les caravanes qui traversaient son pays que des droits de
passage à exiger. Il rançonnait tellement les étrangers qu'ils
cessaient de venir durant des mois entiers jusqu'à ce qu'ils
eussent oublié les déprédations d'Amatifou, ou que celui-ci, par
hasard mieux éclairé sur ses véritables intérêts, leur eût promis
de les mieux traiter à l'avenir.
Il a eu pour successeur son neveu Akasamadou ou Kasima-
dou, intelligent et très ami de la France.
Amatifou avait entretenu jusqu'à ces dernières années des
relations d'amitié avec le roi des Achanti ; celui-ci envoyait
régulièrement des caravanes à Kindjabo s'approvisionner de
marchandises diverses, et surtout de poudre et de fusils. Mais le
gouvernement de la Côte d'Or anglaise, après sa victoire sur les
Achanti, mit tout en oeuvre pour faire cesser ces relations et
ramener le commerce achanti du côté de Cape-Coast-Castle,
Accra et Elmina. Il envoya des agents dans les tribus qui habi-
tent entre le pays d'Assinie et celui des Achanti, conclut des
traités et réussit à peu près à fermer les routes menant de
Coumassie à Kindjabo.
PARTIE HISTORIQUE
:
d'accidents que la bonne volonté et le zèle des membres de la
mission ne pourraient conjurer.
Quoi qu'il en soit, dans les limites de notre Ouest africain,
le personnel de la Mission fit une étude scientifique aussi com-
plète que le permettaient ses autres devoirs. En suivant sur la
carte d'ensemble, publiée en 1884, par le ministère de l'Instruc-
tion publique, les travaux ci-dessous indiqués, on verra que
toutes les grandes lignes de notre nouvelle colonie ont été
déterminées
Lever de l'Ogôoué, de l'embouchure à la rivière Lolo.
Lever de l'Ogôoué, de la rivière Lolo à Franceville.
Itinéraire de Franceville à l'Alima et à Mayomba (sur la côte).
Lever du cours entier de l'Alima, exploré et levé pour la
première fois par le Dr Ballay, levé une seconde fois par M. de
Chavannes.
Itinéraire de Lango à Niari-Loudima.
Itinéraire de Niari-Loudima à Manianga et Brazzaville.
Lever du Congo entre Brazzaville et l'Oubanghi.
Lever du Kiliou inférieur.
Itinéraire sur la côte, entre Loango et Setté-Cama.
Lever du delta de l'Ogôoué.
Lever du cours inférieur de la rivière Oubanghi, etc.
Soit, au total, environ 4 000 kilomètres de levers, sans
compter les plans de détail, les observations astronomiques,
les altitudes déduites des observations météorologiques.
L'OUEST AFRICAIN 325
Les membres de la Mission se sont en général partagé le
soin de dessiner, de photographier, d'étudier les différentes
branches de l'histoire naturelle et de recueillir des collections
géologiques, botaniques, zoologiques, ethnographiques, etc...
Je ne saurais détailler ici toutes ces collections et mettre en
regard les noms de ceux qui les ont recueillies. N'y aurait-il
pas quelque injustice à les signaler en laissant dans l'ombre
ceux de leurs collègues que d'autres devoirs — non moins
utiles — dispensaient des travaux scientifiques? Chacun a eu sa
tâche et son mérite qu'un récit complet devra consigner 1.
Au point de vue économique, nous devons remarquer
qu'une partie des études scientifiques nous fixe d'abord sur
l'aspect général du pays, ses grandes divisions en zone basse,
terrasse accidentée, plateau central, sur la nature des terrains,
les produits naturels, et généralement sur les ressources que
présente le pays. Les opérations auxquelles le personnel de la
mission devait se livrer chaque jour permettent d'apprécier la
valeur des produits, le genre de marchandises européennes qui
convient aux échanges, le coût des transports sur les voies
habituellement parcourues jusqu'à présent, dans quelle mesure
une concurrence éventuelle ferait hausser les prix, quels avan-
tages en un mot l'OUEST AFRICAIN présente au point de vue
agricole, industriel et commercial. Enfin l'exploitation a été
préparée par la formation du personnel et des interprètes, par
l'organisation des services de transport et l'établissement des
stations. Je n'entends pas me substituer au chef de la Mission
pour préciser davantage les résultats économiques, en dégager
les conclusions et signaler les applications possibles. C'est à lui
qu'il appartient de nous dire ce qu'il y aura à faire — et
surtout comment il faudra le faire — pour ne point perdre son
temps et son argent. On approuvera ou l'on discutera. Tout ce
que je peux dire, c'est que la France pourra tirer plus tard un
bon parti de l'Ouest africain, mais à la condition expresse
d'administrer sagement, économiquement, pacifiquement.
Liste des stations fondées par la Mission. — Les
1. Mais il convient ici même de relever une des nombreuses calom-
nies répandues par les adversaires de la mission française. Si un jeune
frère du commissaire de la République, Jacques de Brazza, et un de
ses amis, M. Pecile, ont été chargés d'une mission spéciale d'histoire
naturelle dans l'Ouest africain, il est parfaitement avéré qu'ils n'ont
envoyé aucune collection en Italie ni ailleurs à l'étranger. Je ne doute
pas que de plus compétents que moi n'apprécient la valeur des collec-
tions et des travaux particuliers de MM. Jacques de Brazza et Pecile.
326 LA FRANCE COLONIALE
stations scientifiques fondées par la mission Brazza, utiles
jalons pour l'exploitation économique du pays, et qui ont été
également les centres d'où se répandait notre influence poli-
tique, furent au nombre de 26. On verra plus loin la liste de
celles qui ont été conservées ou ajoutées.
Enfin, s'estimant suffisamment protégés par nos établisse-
ments, les missionnaires catholiques français ont fondé deux
missions : l'une dans la pays des Adoumas, près de Niati,
l'autre à une dizaine de kilomètres de Brazzaville.
On sait enfin que nos droits de protectorat ou de souverai-
neté sur l'Ouest africain, limité au parallèle de 5°12', ont été
partout établis sur des traités conclus régulièrement avec les
chefs indigènes. En résumé, la Mission de l'Ouest africain a
rempli toutes les conditions de son vaste programme. Non seu-
lement elle a vécu deux ans et demi, mais encore elle pouvait
vivre au delà de 1885, c'est-à-dire plus de trois ans, sur deux
crédits.
C'est avec 2 millions, en moins de trois ans et sans tirer un
coup de fusil, que Brazza et cinquante Français ont accompli
tous les travaux que j'ai cités, qu'ils ont créé, entretenu tous
ces services, fondé toutes ces stations, et conquis à la France
un royaume plus grand que la France même !
Ajoutons que le 26 mai 1885, les dépenses de la Mission,
calculées jusqu'à la fin de 1885 — c'est-à-dire pour six mois
de plus que son année budgétaire — se montaient à 296 000 francs
en argent et 331 300 en marchandices.
Or, le 11 août 1885, date de la remise effective du Gabon,
l'actif de la Mission était encore de 330 000 francs en espèces
(dont 102 000 francs dus par le Gabon à la Mission), d'environ
500 000 francs en marchandises, plus des vivres pour près
d'un an et un matériel considérable qui, dans ces régions,
représente plusieurs millions.
La Convention avec l'Association internatio-
nale. — Dans l'intervalle, des actes diplomatiques d'une haute
importance avaient déterminé notre situation dans l'Ouest
africain. Le 23 avril 1884, M. Strauch, président de l'Associa-
tion internationale du Congo, à Bruxelles, adressait à M. Jules
Ferry, président du Conseil, ministre des Affaires étrangères, la
lettre suivante :
«
Monsieur le ministre, l'Association internationale du
Congo, au nom des stations et territoires libres qu'elle a fon-
dés au Congo et dans la vallée du Kiliou-Niari, déclare formel-
L'OUEST AFRICAIN 327
lement qu'elle ne les cédera à aucune puissance, sous réserve
des conventions particulières qui pourraient intervenir entre
la France et l'Association pour fixer les limites et les conditions
de leur action respective. Toutefois l'Association, désirant don-
ner une preuve de ses sentiments amicaux pour la France,
S'ENGAGE A LUI DONNER LE DROIT DE PRÉFÉRENCE, si par des cir-
constances imprévues, l'Association était amenée un jour à réa-
liser ses possessions. — STRAUCH. »
M. Jules Ferry répondait, à la date du 24 : « Monsieur, j'ai
l'honneur de vous accuser réception de la lettre en date du
23 courant par laquelle, en votre qualité de président de l'Asso-
ciation internationale du Congo, vous me transmettez des
assurances ET DES GARANTIES destinées à consolider nos rap-
ports de cordialité et de bon voisinage dans la région du Congo.
JE PRENDS ACTE avec grande satisfaction de ces déclarations et.
en retour, j'ai l'honneur de vous faire savoir que le gouverne-
ment français prend l'engagement de respecter les stations et
territoires libres de l'Association, et de ne pas mettre obstacle
à l'exercice de ses droits. — JULES FERRY 1. »
Ainsi, d'après la déclaration du président de l'Association,
dont notre gouvernement a pris acte immédiatement,la France,
outre ses possessions du Congo français, a des droits éventuels
sur les immenses régions, plusieurs fois grandes comme la
France, qui constituent l'État libre du Congo. Elles ne pour-
raient passer dans d'autres mains que celles de l'Association
sans que la France eût été mise en demeure de les acquérir
elle-même.
La Conférence internationale de Berlin. — Il
action politique
resterait à voir comment notre l'Ouest dans
africain a été discutée à la Conférence internationale tenue à
Berlin du 16 novembre 1884 au 26 février 1885 2; quel régime
économique un nouveau droit international nous impose dans
une partie de nos possessions; quelles sont les limites poli-
1. Livre jaune. Affaires du Congo et de l'Afrique occidentale, 1884.
2. La Conférence se tint sous la présidence de M de Bismarck; en
l'absence de celui-ci, l'Allemagne devait être représentée aux séances par
le comte de Hatzfeld; la France, par M. de Courcel, ambassadeur de
France à Berlin, assisté du docteur Ballay, de MM. Engelhardt et Des-
buisson; l'Angleterre, par son ambassadeur, sir Malet, et de nombreux
délégués; les États-Unis, par M. Kasson, que soutenaient l'explorateur
Stanley et M. Sandford, membre de l'Association internationale; le roi
des Belges, par M. le baron Laubermont et M. Strauch; le Portugal,
par son ministre, M. Serpa Pimentel, et le géographe Luciano Cordeiro, etc.
328 LA FRANGE COLONIALE
tiques qu'on nous a fixées; quels sont les avantages et les
charges qui résultent pour nous des traités de février entre la
France, l'Association internationale et le Portugal.
Je ne saurais mieux résumer ces actes et mes appréciations
que je ne l'ai fait dans le Congo français 1, brochure à laquelle
je renvoie le lecteur. Je n'aurai à y ajouter que deux obser-
vations.
La première est qu'en insistant vivement pour que nous
restions maîtres de notre régime économique, je voulais sur-
tout éviter à une partie de notre colonie l'ingérence de com-
missions internationales. Délivrée du contrôle qui l'eût assimi-
lée à une Egypte, notre colonie pourra supporter dans une de
ses parties un régime économique dont le contre-coup éven-
tuel dans l'autre a été fort exagéré.
La seconde observation a trait aux limites politiques que
nous assigne le traité du 5 février avec l'Association interna-
tionale. Il est regrettable qu'en échange de l'abandon de nos
droits politiques sur la rive gauche du Congo dépendant, des
Etats de Makoko, et de notre liberté économique dans nos ter-
ritoires dépendant du bassin conventionnel du Congo 2, nous
n'ayons obtenu aucune satisfaction de nos prétentions sur le
territoire du bas Congo, au sud du 5° 12' 3, et le bassin septen-
trional du haut Congo.
Sans doute, on aurait pu obtenir à Berlin un partage plus
équitable entre nous et l'Etat du Congo (six fois grand comme
la France), si notre presse et l'opinion publique avaient mani-
festé à cette époque la même sympathie, la même ardeur
qu'auparavant pour notre entreprise nationale dans l'Ouest
africain, si elles avaient offert à notre gouvernement un terrain
de résistance contre les prétentions non fondées de l'Associa-
1. Dentu, éditeur, janvier 1885.
2. Tout le bassin du Congo, soit qu'il appartienne à la France, soit qu'il
fasse partie de l'Etat libre du Congo, a été déclaré ouvert au commerce
de toutes les nations. Ce bassin est dit conventionnel, parce que ses limites
naturelles, n'ayant pu encore être reconnues et déterminées par les
explorateurs, ont dû être fixées hypothétiquement et par convention.
Nos possessions de l'Ouest africain sont divisées en deux zones : d'une
part, le Gabon et la partie nord du Congo français jusqu'à Setta-Cama
et Franceville, où nous pouvons nous réserver le monopole commercial;
d'autre part, la partie sud du Congo français, qui fait partie de la région
ouverte au commerce libre, c'est-à-dire où les importations seules joui-
ront de la franchise.
3. Le Congo français n'arrive pas à la ligne du bas Congo; entre
Manianga et l'embouchure, la rive appartient à l'Association, sauf une
enclave laissée aux Portugais.
L'OUEST AFRICAIN 329
tion, et l'avaient encouragé et soutenu dans la défense de nos
intérêts.
Ce n'est pas un territoire plus ou moins grand que je
regrette. L'Etat libre du Congo, destiné à mourir d'inanition,
ne me paraît pas d'ailleurs bien inquiétant pour le développe-
ment de notre influence dans le bassin septentrional du haut
Congo. Il ne me paraît pas davantage inquiétant pour nos inté-
rêts commerciaux dans le bas Congo, qui ne sera jamais qu'un
cul-de-sac sans valeur tant que nous serons maîtres des voies
où nous pourrons toujours susciter une concurrence victo-
rieuse pour nos voisins. Mais ce que je regrette ici, c'est le
manque d'une véritable frontière naturelle — la rive droite
du bas Congo ; c'est sa conséquence que nous ne serons
pas tranquilles sur la frontière du Chiloango, et que cela nous
forcera à donner à l'occupation d'une si mauvaise zone fron-
tière un caractère militaire, charge onéreuse, moins suppor-
table encore pour l'Association qui, en nous disputant cette
frontière, a fait un faux calcul.
Sous ces réserves et celles que j'ai à faire à propos de l'inac-
tion antérieure de la marine au Gabon, dont la conséquence a
été de faire limiter notre possession au parallèle de la rivière
Rampo (dans le nord du Gabon), nous devons reconnaître que
les résultats diplomatiques obtenus à Berlin consacrent entiè-
rement les conditions politiques de notre programme de 1883.
Si c'est
— suivant moi, qui désirais un peu plus — un succès
relatif, je n'en conviens pas moins, étant donnés les obstacles
considérables opposés à la réalisation même de notre pro-
gramme convenu, que notre gouvernement a remporté un très
grand succès en faisant ratifier par toutes les puissances la
conquête économique, pacifique, qui fera l'éternel honneur de
Brazza, de ses collaborateurs et de la France 1.
Traités avec l'Allemagne, le Portugal et l'État
libre. — Par le traité du 24 décembre 1885 la limite entre les
possessions françaises et la colonie allemande du Cameroun a
été fixée à la rivière Rampo depuis son embouchure jusqu'au
point où elle rencontre le méridien de longitude est (de Paris),
7° 40'; puis, à partir de ce point, le parallèle prolongé jusqu'à
sa rencontre avec le méridien situé par 12° 40' de longitude est.
Les deux puissances riveraines ont sur le Kampo la liberté de
navigation et de commerce.
1.En juillet-août 1883, ont été ratifiés par le Parlement français les
Actes de la Conférence de Berlin.
330 LA FRANCE COLONIALE
Le 12 mai 1886, traité avec le Portugal : la délimitation nous
fait perdre quelques territoires au nord du Chiloango, mais nous
reconnaît la possession de la Louëma.
Le 29 avril 1887, convention avec l'État libre du Congo :
1° confirmant à la France son droit de préemption sur cet
Etat; 2° fixant pour limite entre les deux territoires le thalweg
de l'Oubanghi jusqu'à son intersection avec le 4e parallèle
nord.
Il reste quelques litiges avec les Espagnols qui, étant maîtres
des îles Corisco et Elobey, élèvent des prétentions sur la côte
voisine, où ils n'ont d'ailleurs ni comptoir ni établissement
d'aucune sorte.
Nouvelles missions d'explorations. — En 1883, M. de
Lastours a exploré la rivière N'Koni comme voie de pénétra-
tion chez les Batékés. Il est mort en 1885, comme il préparait
une nouvelle expédition. Elle fut confiée par M. de Brazza à
son frère Jacques et à M. A. Pecile. Ils coupèrent la Sébé, la
Liboumbi (affluent de l'Ivindo), franchirent la ligne de faîte
qui sépare les bassins de l'Ogôoué et du Congo, reconnurent
les petites rivières qui se réunissent pour former le Likona et
la Likouala, entrèrent dans le bassin de la rivière Yensé. Cette
exploration coûta la vie à Jacques de Brazza.
La convention anglaise du 5 août 1890, qui reconnaissait
nos droits sur les régions qui avoisinent Barrua sur le lac
Tchad suscita de nouveaux dévouements : on essaya, en
1
CHAPITRE PREMIER
CHAPITRE II
LES INDIGÈNES
CHAPITRE III
GOUVERNEMENT ET ADMINISTRATION
CHAPITRE IV
GEOGRAPHIE ECONOMIQUE
CHAPITRE PREMIER
HISTOIRE
CHAPITRE II
GÉOGRAPHIE GENERALE
1. Les pluies tendent à devenir plus rares dans les régions qui ont
été le plus déboisées. En 1803, Bory de Saint-Vincent disait déjà :
«
L'infécondité de Bourbon, grâce au déboisement et à la rareté des
pluies qui en est la conséquence, sera un jour, comme l'aridité de
l'Egypte, de la Perse et d'autant d'autres déserts, la preuve indiscutable
de l'ancienne possession de l'homme. »
358 LA FRANCE COLONIALE
Salubrité. — La Réunion a longtemps été citée pour sa
salubrité. Flacourt raconte qu'il suffisait d'y débarquer des
malades pour les rétablir. Depuis 1868, ce renom s'est perdu.
La fièvre paludéenne, jusque-là inconnue, a fait son appari-
tion, évidemment importée, malgré les théories en faveur.
Après avoir été très meurtrière, elle est d'ailleurs devenue plus
rare et bénigne et ne présente presque plus de cas mortels. Il
est à espérer qu'elle disparaîtra complètement.
Sources thermales. — Trois grands cirques, Salazie,
Cilaos et Mafatte, donnent naissance à de nombreuses sources
thermales identiques les unes à celles de Vichy (Salazie, Cilaos),
les autres à celles de Barèges (Mafatte). On y a créé des sta-
tions très fréquentées par les baigneurs de la Réunion et de
Maurice.
La source du Bras-Cabot, récemment découverte, à
700 mètres d'altitude, donne des eaux d'une vertu analogue
à celles de Salazie et Cilaos.
Aspect du pays. — L'île est très fertile. Sur le bord de
la mer on ne voit que d'immenses champs de cannes à sucre;
les plaines de l'intérieur produisent les céréales et tous les fruits
de l'Europe. Le reste est couvert de forêts, dont quelques-unes
sont encore fort belles et fournissent des bois très résistants.
Aucun pays n'est plus pittoresque, et les voyageurs le com-
parent aux sites les plus renommés de la Suisse. Au milieu
des bois, dans les gorges des ravines, ce sont à chaque pas
des spectacles merveilleux, des cascades d'une prodigieuse
hauteur, sous le plus beau des ciels; et, comme contraste, par-
fois le volcan vomit ses fleuves de feu, dont rien ne peut ren-
dre la majestueuse impression.
La beauté de l'île lui avait valu le nom d'Eden.
CHAPITRE III
LES HABITANTS
CHAPITRE IV
GOUVERNEMENT ET ADMINISTRATION
CHAPITRE V
GÉOGRAPHIE ECONOMIQUE
PARTIE HISTORIQUE
CHAPITRE PREMIER
1. Voir HAMOND (W. A.), A paradox prooving that the inhabitants of the
isle called Madagascar... are the happiest people in the world, whereunto is
prefixed a briefe and true description of that island... and condition of the
inhabitants and their special affection to the English above other nations. —
Londres, petit in-4°. Cet ouvrage, extrêmement rare, n'existe pas à la
Bibliothèque nationale.
2. Inde insulaire.
3. Voyez ci-dessus l'Introduction historique.
372 LA FRANCE COLONIALE
CHAPITRE II
LA GUERRE DE 1882-1885
CHAPITRE PREMIER
CHAPITRE II
CHAPITRE III
GABRIEL MARCEL.
DE MADAGASCAR
CHAPITRE PREMIER
1. Il est à noter que nous avions des droits sur plusieurs points de
cette colonie italienne : Edd a appartenu successivement à plusieurs
maisons françaises; Amfilah et sa baie, qui ouvre des communications
faciles avec l'Abyssinie, avaient été cédées à la France, en 1839, le
roi du Tigré (mais elles n'avaient pas été occupées militairement);par
LA MER ROUGE 421
d'établir leur protectorat sur l'Abyssinie. On sait ce que leur
colonie Erythrée leur a valu de mécompte.
Aujourd'hui, nos possessions affectent la forme d'un
quadrilatère oblong, incliné du nord-nord-est au sud-sud-
ouest, limité au nord par les prétentions italiennes, au sud par
celles de l'Angleterre, mais s'étendant de la mer au royaume
de Choa. Grâce aux traités par lesquels on a continué à lier
les tribus de l'intérieur, on peut admettre que l'autorité de la
France s'étend sur emiron 120 000 kilomètres carrés, entre le
quart et le cinquième de la superficie de la France, mais dans
une région à sol aride et à population peu dense, qu'on croit
cependant pouvoir évaluer à 200 000 âmes.
En 1890, le coup de main tenté par le Cosaque Achinof sur
le fort de Sagallo, obligea l'amiral Gervais de recourir à la
force; mais cette équipée d'un aventurier sans mandat n'a
point empêché le rapprochement de la France et de la Russie.
Géographie de la colonie. — Au cap Doumairah
prend naissance une chaîne de montagnes qui s'étend jusqu'au
fond du golfe de Tadjourah, où s'ouvre la vaste rade de
Gubbet-Kharab, qui ne communique avec la mer que par un
chenal étroit. Au delà est le Bahr-Assal ou lac Salé, dans lequel
Adennent se perdre les eaux intermittentes de l'Aouache et du
Garasie, descendus des plateaux abyssins.
Le sol de notre possession est constitué par une série de
petits plateaux mamelonnés descendant de la chaîne de mon-
tagnes qui nous sert de limite du côté de l'intérieur. Tantôt
ces plateaux forment des falaises contre lesquelles viennent
battre les flots de la mer, tantôt au pied de ces plateaux s'étend
une plage plus ou moins vaste. Les terrains sont de formation
récente, presque tous des roches madréporiques. Des ouadi,
des torrents, très ravinés, dont les principaux sont la rivière
d'Obock et celle d'Atella ou de Latela, coupent ces plateaux,
dans une direction générale de l'ouest à l'est. Les eaux coulent
rarement à la surface du sol ; mais, dans les années mêmes de
plus grande sécheresse, il y a des nappes d'eau souterraines,
très considérables, qu'il est facile d'aménager.
Climat. — Le climat d'Obock, comme celui de toute la
zone déserte et basse qui sépare le plateau central éthiopien de
la mer, peut être caractérisé par l'épithète de saharien; une
Zoulah ou Zoulla, l'ancienne Adulis (marquée encore sur certaines caries
comme appartenant aux Français), avaitété cédée en 1859, par Négoussié,
roi du Tigré, au capitaine de frégate français Russel.
422 LA FRANCE COLONIALE
sécheresse toute particulière lui est propre. Il est aussi très
chaud, car bien qu'il y ait des mois dont la température
moyenne varie de 25 à 30 degrés, il y a des jours où la tempé-
rature moyenne est de 45 degrés, et des moments où elle
atteint de 50 à 54 (température observée en juin 1882).
Le climat d'Obock est aussi sain que peut l'être celui d'une
région très chaude. Tout excessive qu'elle soit, la chaleur se
supporte mieux à Obock que dans d'autres régions des mêmes
parages, car elle y est toujours sèche, et de plus, assez souvent
tempérée par des vents de terre et des brises de mer. Ni les
fièvres intermittentes, ni les dysenteries ne sont à redouter à
Obock; l'hépatite seule y est à craindre. Une sorte d'ulcère
attaque presque tous les Européens dans le premier temps de
leur séjour : c'est une affection sans gravité.
Faune et flore. — Obock a également une faune et une
flore sahariennes.
La faune d'Obock est caractérisée par des gazelles, des
ânes sauvages, des guépards, des chats sauvages, des chacals,
des hyènes, des outardes, des autruches, des vipères, des
scorpions. Comme animaux domestiques, on y élève, sauf le
cheval, les mêmes que dans le Sahara : le chameau, l'âne, la
chèvre, le mouton, le boeuf.
Des mimosas en quantité considérable ; des palétuviers par
bouquets au bord de la mer ; des palmiers doums et des Calo-
tropris Procera (le Kourounka du Sahara algérien), dans le lit
des rivières et des torrents, sont les plantes caractéristiques de
la région. Celle-ci présente en outre quelques graminées sau-
vages, des stipées et des salsolacées. On cultive sur quelques
points de notre possession des légumes et des palmiers-
dattiers.
Les indigènes : races. — Les indigènes des territoires
possédés ou protégés par la France appartiennent à trois races :
les Somâli, les Galla, les Danakil.
Les Somâli s'étendent tout le long de la côte, du cap Guar-
dafui au, Gubbet-Kharab : par conséquent on les trouve sur les
rivages sud de nos possessions, du cap Djiboutil au Gubbet-
Kharab. Ils sont divisés en plusieurs grandes tribus, subdi-
visées en tribus et familles. Les chefs portent le titre d'ougass
et sont héréditaires. La plus importante de ces grandes tribus,
celle de Issa, est tout entière sur notre territoire. Tous sont
guerriers, mais aussi commerçants et marins.
Les Galla de nos possessions se rattachent à cette grande
LA MER ROUGE 423
race des Galla ou Oromon, assez rapprochés des Abyssins,
bruns de peau, mais d'un ton plus clair que nos autres sujets ou
protégés de la région.
Le Donkali 1 est essentiellement pasteur : il n'a pas d'habita-
tion fixe, mais, dans les lieux où il a l'habitude de revenir
camper chaque année, il construit pour ses troupeaux des
bercails en pierres sèches, auprès desquels il place sa hutte de
nattes reposant sur des cerceaux de lattes. Ces huttes sont de
grandeurs diverses, mais toujours très basses ; elles affectent
la forme rectangulaire et n'ont pour meubles que des nattes,
des outres en peau et des vases en vanneries ornés de coquilles
ou de perles, qui servent à contenir le lait et le beurre.
Le territoire occupé par ces populations forme un vaste
triangle. Les limites en sont: au nord, Arkiko; au sud, une
ligne reliant Gubbet-Kharab aux mines de soufre du Choa; à
l'ouest, le contrefort des montagnes de l'Ethiopie centrale ; à
l'est, la mer Rouge.
Moeurs et coutumes des Danakil. — Le Donkali est
un homme de stature moyenne, généralement bien proportionné,
aux traits réguliers ; les yeux sont beaux et assez souvent bleu
foncé; les cheveux, ordinairement fins et bouclés, sont droits
quelquefois ; les hommes les portent demi-longs et se rasent la
nuque. Pour la barbe, ils se la taillent généralement en collier,
lorsqu'ils en ont, car un très grand nombre de Danakil ont la
figure glabre, quoique les jambes soient très velues.
L'usage de se couvrir les cheveux d'une couche de graisse
de boeuf est général chez eux. Le vêtement consiste en un pagne
serré autour des reins et descendant jusqu'à la hauteur des
genoux, une toge de couleur et de fortes sandales en cuir de
boeuf.
Les armes des Danakil se composent d'un coutelas recourbé,
porté à la ceinture, d'un bouclier rond en peau et d'une forte
lance, arme d'estoc et non de jet, garnie à un bout d'un fer
large et long et à l'autre bout d'un lourd talon de fer.
Le costume des femmes Danakil consiste en un jupon de
peau tannée ou de cotonnade et une camisole en toile de coton
bleu. Elles ont les cheveux tressés, se recouvrent la tête d'une
pièce de coton bleu et portent aux chevilles, aux poignets, aux
lobes des oreilles de lourds ornements de cuivre et des grains
de verroterie,
Le Donkali vit en nombreuses tribus appelées kabils, dont
1. Au pluriel, Danakil. On les appelle aussi Afar et Adal.
424 LA FRANCE COLONIALE
le gouvernement est à la fois aristocratique et démocratique.
L'autorité y est bien exercée par des chefs héréditaires, mais
toutes leurs décisions sont soumises aux assemblées de la
nation, dites kalam, et où toutes les affaires sont traitées :
elles ne peuvent être exécutées qu'après avoir obtenu les
suffrages de l'unanimité des membres présents. Les kalam
exercent envers les chefs de tribus les droits de réprimande et
même de punition.
Les moeurs des Bédouins danakil sont sauvages et sangui-
naires. L'étranger, chez eux, tant qu'il n'a pas lié amitié avec
les membres de la tribu, peut impunément être assassiné. Tout
meurtrier a le droit de se décorer d'une plume blanche qu'il
porte au sommet de la tète et qu'il remplace plus tard par
des anneaux en métal aux poignets et d'énormes boutons aux
lobes des oreilles.
Officiellement les Bédouins danakil sont musulmans, mais
ils ne pratiquent ni les prières, ni les autres cérémonies de
l'Islam.
La langue des Danakil a nom afar. Cet idiome peut se
rattacher aux autres idiomes éthiopiens. Un dictionnaire de
cette langue a été publié, en 1840, par le Rév. C. W. Isenberg
à Londres.
Les Danakil apprennent assez facilement à faire des tra-
vaux de manoeuvres. Nous en avons employé à Obock jusqu'à
deux cents, en 1882 : on leur avait enseigné, en quelques
jours, à se servir de la brouette, du pic et de la pelle de terras-
sier. Les Anglais en occupent à Aden pour le débarquement
des navires, à bord desquels sont aussi embarqués quelques
Danakil comme chauffeurs.
Sur le territoire d'Obock proprement dit, on compte sept
tribus, divisées elles-mêmes en fractions plus ou moins nom-
breuses : les Takyil, qui habitent Obock; les Asmila, sur
l'Atella, les Madelina, les Hassouba, les Aden-Sara, les Ab-Am-
mila, les Bédouitamila, qui comprennent quinze fractions. Sur
le territoire de Tadjourah et Gobad, trois tribus : les Adaïl,
administrés par le sultan de Tadjourah, les Hassouba, par
Omar-Bourham, les Debéné, par le sultan Houmed-Loïta.
Toutes ces tribus forment un total de 22 000 têtes, pouvant
armer 6 000 guerriers.
Tadjourah, ainsi que les autres villes ou villages de la côte
appartenant aux Danakil, a dû être fondé par des marchands
arabes, qui établirent des comptoirs près des criques où ils
trouvaient un abri pour leurs embarcations. Les Arabes qui
LA MER ROUGE 423
fondèrent Tadjourah, aussi bien que ceux qui ont fondé Reita
ou Bailloul, s'étant alliés avec des filles danakil, ont créé une
population aujourd'hui de sang donkali; mais elle doit à son
alliage arabe des moeurs et des aptitudes toutes spéciales : fana-
tisme religieux, esprit mercantile, aptitude aux voyages sur
terre et sur mer, et une organisation sociale particulière.
A la tête de ces villes se trouvent trois autorités, et elles
portent, ce qui est à noter, le costume arabe au lieu du vête-
ment donkali. Ces autorités ont les titres pompeux de sultan,
vizir, imam-cadi. Ce dernier est en même temps chargé de
l'instruction publique, fonction dont il s'acquitte avec un zèle
louable, car, à la différence des Bédouins qui sont tous illet-
trés, presque tous les citadins savent lire, écrire et compter en
langue arabe.
Les fonctions de sultan et de vizir sont héréditaires, mais
elles alternent entre elles : le vizir succède au sultan décédé, et
l'héritier de celui-ci remplace dans ses fonctions le vizir devenu
sultan. Ces sultans sont censés exercer une sorte de suzerai-
neté sur les tribus des Bédouins; il serait plus exact de dire
qu'à chaque ville de la côte sont attachées comme clientèle un
certain nombre de tribus de l'intérieur ou du littoral.
Toutes les villes danakil de la côte, étant plus désireuses de
sécurité pour leur commerce maritime qu'attachées à leur indé-
pendance nationale, avaient depuis longtemps reconnu la suze-
raineté des Turcs, lorsque ceux-ci les cédèrent à l'Egypte. Les
Bédouins, au contraire, n'ayant besoin d'autre protection que
celle de leur lance, ont toujours refusé de reconnaître une
suprématie étrangère.
Administration.— Jusqu'en 1886, notre colonie était
administrée par un commandant militaire. Depuis elle a un
gouverneur, qui est M. Lagarde, assisté d'un nombre très res-
treint de chefs de service ou d'agents. La justice y est rendue
par un juge de paix à compétence étendue. La dépense de
la colonie, pour 1893, est évaluée à 480 642 francs. Le gouver-
neur s'est appliqué à employer le plus souvent possible les
chefs indigènes et leurs sujets.
La garnison d'Obock, la seule du pays, se compose d'une
demi-compagnie d'infanterie de marine et de quelques canon-
niers, le tout commandé par un lieutenant. La station locale
comprend une canonnière, le Météore (4 canons), et un aviso,
le Pingouin (2 canons).
Lieux habités. — Obock est un port qui aura besoin
426 LA FRANCE COLONIALE
d'être amélioré. Les édifices publics sont, pour la plupart, des
baraquements provisoires, ou des constructions très modestes,
de fer ou de briques. Il y a une grande factorerie, Poingdestre et
Mesnier (charbons et vivres), une autre maison française,
Nalin et Cie, un petit négociant français, trois grecs et douze
maisons musulmanes (riz, vivres, étoffes).
On donne le nom, certainement prétentieux, de ville à
Tadjourah, qui n'est que la réunion de quelques habitations
construites avec des piquets et des nattes au bord de la mer.
Ces huttes sont, il est vrai, grandes, proprement construites
et bien aérées.
Une mosquée, une maison de douane et un fortin en maçon-
nerie constituent les édifices de Tadjourah; les deux derniers
ont été construits par les Égyptiens. Dans de beaux jardins,
bien arrosés par des puits à bascule, poussent sous des dattiers
une assez grande variété de légumes.
Tadjourah a deux ports et, suivant la mousson, les boutres
mouillent au ras Ali ou à Tadjourah même.
La ville de Tadjourah a une population de 1000 à 1500 habi-
tants, dont un certain nombre, le tiers ou le quart, est étran-
ger à la localité : on y rencontre des Arabes, des Indiens, des
Juifs, des gens du Choa, etc.
A l'exception de quelques artisans forgerons ou bijoutiers,
tous les Tadjourates sont en même temps marchands, conduc-
teurs de caravanes, marins.
Outre Obock et Tadjourah, signalons les deux Alliages mari-
times de Sagallo et Arnbabo, où les caravanes vont s'orga-
niser.
Au petit port du cap Djiboutil, il y a quatre négociants :
deux Français et deux Somâli.
Assurément, tout cela est encore bien modeste.
Utilité de cette colonie.— Notre établissement d'Obock
peut et doit devenir :
1° Un port de relâche et de ravitaillement entre Suez et la
Cochinchine et les autres possessions françaises de l'Extrême-
Orient;
2° Une colonie française;
3° Un centre de commerce maritime ;
4° La tête de ligne d'une route commerciale vers l'Ethiopie
méridionale.
1°Obock port de relâche. — Il ne faut point l'ou-
blier : les Anglais à Aden ont, pendant la guerre franco-alle-
LA MER ROUGE 427
mande, interdit de vendre du charbon à des navires français.
Ce seul fait, et il est historique, prouve surabondamment que, si
la France ne veut point s'exposer, dans certaines circonstances
données, à perdre dans l'Extrême-Orient une situation labo-
rieusement acquise, elle doit avoir un port à elle dans les
parages mêmes où les Anglais ont reconnu qu'il leur était indis-
pensable de posséder un établissement pour la sûreté de leur
empire des Indes.
Le simple examen d'une carte suffit à démontrer qu'un
port de relâche entre Suez et les Indes est tout aussi bien placé
sur la côte d'Afrique que sur celle de l'Arabie. La situation
d'Obock est bien supérieure, pour un port de refuge, à celle
d'Aden : c'est l'opinion de tous les navigateurs qui connaissent
le port anglais et la rade française.
Il ne faut que longer la côte d'Afrique de Massaouah à Gar-
dafui, visiter Assah, Reita, Tadjourah, Zeilah, Berberah même,
pour reconnaître la grande supériorité d'Obock sur tous ces
différents ports, tous plus ou moins ouverts aux Agents du sud
ou du nord.
Dans ces parages, soumis à l'influence des moussons de la
mer des Indes, les vents sont périodiques et réguliers, plus ou
moins impétueux; ils soufflent constamment ou du sud ou du
nord; généralement du sud-ouest en été, ils tournent au nord-
est en hiver.
Le mouillage d'Obock, situé à la corne nord de la baie de
Tadjourah et à l'intérieur du redan que forme le ras Bir, se
trouve ainsi fermé à tous les Agents qui soufflent du nord.
Les vents qui soufflent du sud sont sans effet sur la mer
d'Obock, car elle est brisée et amortie par les îles, bancs et
récifs qui se trouvent entre Obock et Zeilah, point qui est lui-
même abrité par un cap des vents du sud.
Le mouillage d'Obock, tel qu'il est, sans travaux, offre une
rade close, abritée de tous les vents, où un grand nombre de
navires de tout tonnage peuvent trouver en tout temps un
refuge assuré.
Les ressources d'Obock, jusqu'à ces derniers temps, ont été
celles d'une côte sauvage : de l'eau de très bonne qualité, du
poisson, du gibier, de la viande fraîche, du bois.
FRANCE COLONIALE. 28
434 LA FRANCE COLONIALE
CHAPITRE II
CHEIKH-SAID
CHAPITRE PREMIER
HISTOIRE
CHAPITRE II
GÉOGRAPHIE GÉNÉRALE
Mahé
Pondichéry
Yanaon .. . CHAPITRE III
LES HABITANTS
CHAPITRE IV
GOUVERNEMENT ET ADMINISTRATION
Recettes.
1° Enregistrement et domaines 145 064 79
2° Contributions directes 422 166 92
.
3° Droit de navigation et de port 54 169 60
4° Contributions indirectes. 137 304 80
5° Postes télégraphes.
et
6° Produits divers
1
10 014 85
201669 49
7° Subvention de la métropole 75 000
Total 2 045 390 45
CHAPITRE V
GÉOGRAPHIE ÉCONOMIQUE
Cultures. — Les cultures de l'Inde ont une valeur annuelle
estimée à 1 887 000 francs (valeur de 1889), représentant un
capital de 18 510 000 francs. Pondichéry entre dans ce total
pour 786 000 francs; Karikal, pour 876 000 francs; Mahé,
pour 194 000 francs; Yanaon, pour 31 000 francs. Nous avons
calculé que la terre rapporte environ 10 0/0 à Pondichéry, 4 0/0
à Karikal, 7 à 8 0/0 à Mahé, de 10 à 17 0/0 à Yanaon Chander-
nagor ne présente que des jardins et des lieux de plaisance. La
moyenne de rapport pour l'Inde entière est assez élevée, attei-
gnant près de 9 0/0.
La situation de Pondichéry est entre 0 et 11 mètres au-
dessus du niveau de la mer, avec un point culminant de 35 mètres;
les territoires de Chandernagor, Karikal et Yanaon n'ont pas
d'altitude supérieure à 10 mètres, celui de Mahé a 50 mètres.
C'est ce qui explique le grand développement des cultures que
peut faire ressortir le tableau suivant, arrêté au 31 décembre
1890 :
Riz 14 918 hectares 43 ares 18
Menus grains 10 272 — 89 — 80
Potagers. 422 — 52 — 38
Bétel 33 — 93 — 48
Tabac 8 — 11 — 02
Indigo 4S6 88 97
Cannes à sucre.
Coton
Divers arbres fruitiers
4 39
318
—
—
—
—
18
28
89
—
—
—
—
94
03
29
Total
............ hectares
20 492 ares 15 09
C'est donc sur une superficie totale de 50 803 hectares un
chiffre de 26 492 hectares que l'agriculture a conquis, aux-
quels il faut ajouter un millier d'hectares pour les habitations :
soit les sept dixièmes du pays, étant donné que le domaine
public (routes, étangs, villages) et les villes occupent deux
autres dixièmes, et qu'un seul dixième au plus reste inculte.
Les principales cultures du territoire de Pondichéry sont
les menus grains, qui occupent plus de la moitié des exploita-
tions, le riz, les graines oléagineuses et arbres fruitiers, l'indi-
gotier, les potagers, le bétel, le tabac, le cotonnier, la canne à
sucre. Parmi les principaux produits, il faut encore noter le
callou (suc des spathes du cocotier), les huiles d'iloupé, de coco,
de gingély, de palma-christi, les fruits divers.
L'INDE FRANÇAISE 469
Les cocotiers sont disséminés en bordures ou épars dans
les autres assolements ; leur culture est donc particulièrement
fructueuse. Il en serait de même, avec quelque effort, du poi-
vrier, aujourd'hui trop délaissé.
Des essais divers ont été poursuivis au parc colonial pour
la culture de la vigne et de la vanille; on augure beaucoup de
cette seconde culture, qui doit être conduite avec une extrême
prudence pour ne point amener de brusques avilissements de
prix.
Les arachides entrent à peine en exploitation sur les terrains
jadis incultes de l'étang d'Oussoundou et dans les terres rouges
de Calapett l'avenir de la colonie est là au point de vue agri-
cole. Les neuf dixièmes des arachides transitant par Pondichéry
;
PARTIE HISTORIQUE
CHAPITRE PREMIER
31
— Jules Ferry, Le lonkin et la mère patrie, 1891. — R. Carleron, Sou-
venirs de la campagne du Tonhin, 1891. — Jacques Harmant, La vérité
sur la retraite de Langson (Mémoires d'un combattant, 1892). — J. Chail-
ley-Bert, La Colonisation de l'Indo-Chine, l'expérience anglaise, 1892.
FRANCE COLONIALE.
482 LA FRANCE COLONIALE
trouva un asile auprès d'un vicaire apostolique français,
Pigneau de Béhaine, évêque in partibus d'Adran. Sur les con-
seils du prélat, Gia-Long demanda le secours de Louis XVI. Le
28 novembre 1787, un traité d'alliance, offensive et défensive,
fut signé à Versailles entre les plénipotentiaires français et le
prince royal Canh-Dzué, assisté de l'évêque d'Adran. Le roi de
France promettait d'envoyer en Indo-Chine une flotte de guerre
et un corps de débarquement, de fournir des munitions et un
subside de 500 000 piastres. En retour, Gia-Long cédait à la
France l'archipel de Poulo-Çondore, la baie et la ville de Tou-
rane; il accordait la liberté de commerce à nos nationaux et la
liberté du catholicisme.
Certaines difficultés ne permirent pas au gouvernement
français de remplir ses promesses. Pigneau de Béhaine ne se
découragea pas. Il fréta à Pondichéry deux navires, engagea
des officiers, des ingénieurs et des médecins, Chaigneau, de
Forçant, Vannier, Dayot, Ollivier, Le Brun, Barizy, de l'Isle-
Sellé, Despiaux, Guillon et Guilloux. La flotte et l'armée de
Gia-Long furent organisées à l'européenne; le prince recouvra
son héritage et s'empara du Tonkin, où régnait alors une
dynastie rivale.
L'évêque d'Adran demeura le principal conseiller de l'em-
pereur jusqu'en 1798. Il mourut alors, et la fortune de nos com-
patriotes déclina. Les successeurs de Gia-Long ne furent pas
aussi favorables aux entreprises des Européens.
Première guerre avec l'Annam. — Plusieurs con-
flits s'élevèrent entre la cour de Hué et les gouvernements occi-
dentaux, surtout à l'occasion du supplice de plusieurs mission-
naires 1.
En 1858, les avanies de la pour annamite, qui avait repoussé
les avances pacifiques d'un plénipotentiaire français, M. de
Montigny, contraignirent les cabinets des Tuileries et de l'Es-
curial à agir avec vigueur. Le vice-amiral Rigault de Genouilly,
à la tête d'une expédition franco-espagnole, s'empara de Tou-
rane (31 août 1858) et de Saïgon (15-17 février 1859). La guerre
d'Italie et l'expédition de Chine firent abandonner momentané-
ment la conquête du delta du Mékong. Le port de Tourane fut
même évacué. Seule la place de Saigon fut admirablement
défendue par le capitaine de vaisseau d'Ariès et le colonel
espagnol Palanca Guttierez.
1. LesFrançais Gagelin, Marchand, Cornay, Jaccard, Borie-Dumoulin,
Delamotte, Schoeffler et Bonnard, les Espagnols Delgado, Henarez, Fer-
nandez, Diaz et Sampredo.
L'INDO-CHINE FRANÇAISE 483
Les Annamites, pour nous assiéger dans Saigon et dans son
annexe la cité chinoise de Cholon, élevèrent, sous la direction
du maréchal Nguyen-Tri-Phuong, des lignes de circonvallation
fortifiées, dites lignes de Ki-Hoa, et bloquèrent étroitement
notre petite garnison, forte de 800 hommes au plus.
La fin de la campagne de Chine permit de reprendre les
opérations avec vigueur. L'amiral Charner, à la tête d'une
division navale de douze bâtiments et d'un corps de débarque-
ment de 3 à 4 000 hommes, arriva le 6 février 1861 à Saigon.
Le 24 février, les lignes de Ki-Hoa furent attaquées. Une
partie des positions ennemies tomba en notre pouvoir. Le len-
demain, après un mouvement tournant sur la gauche des Anna-
mites, un furieux assaut nous rendit maîtres des fortifications
des Annamites. Nos pertes étaient sérieuses et permettaient,
dès ce jour, de comprendre que des ennemis asiatiques, forte-
ment retranchés et commandés par des hommes vigoureux
comme le vieux Nguyen-Tri-Phuong, n'étaient pas des adver-
saires à dédaigner.
Mytho, Bien-Hoa, Baria, Vinh-Long tombèrent ensuite
entre les mains de l'amiral Bonard, successeur de Charner,
Traité de Saigon, 1863. — L'empereur Tu-Duc, sou-
verain de l'Annam. menacé par une révolte de ses sujets du
Tonkin, privé des envois de riz de ses provinces méridionales,
consentit alors à signer la paix à Saïgon (5 juin 1862). Il cédait
à la France les trois provinces de Mytho, de Bien-Hoa et de
Saïgon et le groupe de Poulo-Condore. Il s'engageait à payer
une indemnité de guerre de 20 millions de francs et ouvrait au
commerce les ports de Tourane, Balat et Quangan. Les ratifi-
cations du traité furent échangées à Hué entre Tu-Duc, l'ami-
ral Bonard et le colonel Palanca, le 14 avril 1863. De notre
côté, nous avions rétrocédé Vinh-Long à l'Annam.
occupation dos provinces occidentales, 1867. —
Le grand mandarin Phan-than-Giang avait été nommé vice-roi
des contrées occidentales du bas Mékong, demeurées sous la
domination de l'Annam. Cet homme supérieur, l'un des plus
remarquables que nous ayons rencontrés devant nous, épuisa
ses forces dans une tâche ingrate. D'un côté, il s'efforçait de
convaincre son gouvernement de l'inutilité des efforts hostiles
contre notre établissement, et d'un autre, il était contraint, par
les ordres de son roi, de soutenir les révoltes qui se produi-
saient contre la domination française.
Cette situation dura jusqu'en juin 1867. A cette époque, le
484 LA FRANCE COLONIALE
chef de notre colonie, l'amiral de la Grandière, fut auto-
risé, pour y mettre un terme, à occuper Vinh-Long, Chau-
doc et Hatien. Le vice-roi, convaincu de l'inutilité d'une résis-
tance, donna l'ordre aux gouverneurs de recevoir nos garnisons.
Puis, refusant les propositions généreuses de notre amiral, qui
lui offrait un asile, il s'empoisonna, noble victime d'une politi-
que cauteleuse qu'il avait inutilement combattue 1.
Les six provinces de la Basse-Cochinchine nous apparte-
naient désormais; mais la cour de Hué protestait toujours
contre l'occupation de la rive droite du Mékong. Les efforts de
nos amiraux s'attachaient à régulariser cette situation et à la
faire consacrer par un instrument diplomatique.
des Annamites.
Dans ces conditions, l'amiral Dupré pensa pouvoir agir au
Tonkin. Son but était d'obtenir un traité qui consacrerait
l'occupation des trois provinces occidentales de la Basse-Cochin-
chine, opérée en 1867, et la signature d'une convention com-
merciale, ouvrant à nos nationaux le fleuve Rouge.
Francis Charnier. — L'amiral Dupré appela à Saïgon le
lieutenant de vaisseau Francis Garnier, ancien compagnon de
Doudart de Lagrée, comptant beaucoup « sur l'intelligence de
cet officier, instruit par un long séjour en Cochinchine, par le
grand voyage qu'il avait fait, sur sa vue fort nette et fort juste
de nos intérêts dans l'extrème-Orient et du but auquel nous
deAaons tendre 2».
L'amiral chargea Garnier d'une mission que celui-ci a ainsi
caractérisée : « Chercher à apaiser les conflits élevés entre
M. Dupuis et le vice-roi du Yuman, d'un côté, et les mandarins
annamites, de l'autre; étudier les dispositions des populations
et s'en servir, au besoin, comme d'une arme pour vaincre les
dernières résistances des lettrés annamites ; négocier avec eux
et les autorités du Yunnan un tarif douanier donnant satisfac-
tion à toutes les parties; essayer, enfin, d'obtenir pour notre
industrie et nos nationaux l'exploitation des mines du Yunnan,
qu'un décret impérial venait de rouvrir 3 ».
Tout le programme de l'expédition du Tonkin se trouve
dans ces lignes.
Garnier quitta la Cochinchine le 11 octobre 1873 et arriva,
taël est un lingot d'argent du poids de 37 gr. 73 Le taëlesl
1. Le
soumis aux varialions du change : Longtemps il a valu 7 fr. 50.
2. Dépêche de l'amiral Dupré, 29 avril 1873.
3. Lettre de Francis Garnier à M. Levasseur, professeur au Collège de
France.
L'INDO-CHINE FRANÇAISE 487
le 23, au Tonkin après s'être arrêté à Tourane pour se mettre
en rapport avec la cour de Hué. La petite expédition française
se composait de deux canonnières et de 175 hommes, marins et
fantassins de marine. Le 5 novembre, Garnier mouillait à Hanoï,
où il était reçu par M. Dupuis. Par une insigne maladresse,
Nguyen-Tri-Phuong n'avait envoyé aucun officier pour assister
au débarquement. Il fallut que notre lieutenant de vaisseau
usât d'intimidation afin d'obtenir un logement convenable pour
son escorte.
Les mandarins annamites ne tardèrent pas à contester les
pouvoirs du commandant français. Suivant eux, son rôle devait
se borner à expulser M. Dupuis du Tonkin. Garnier, sans se
laisser arrêter par ces prétentions, prit, le 15 novembre, une
décision qu'il fit notifier aux autorités indigènes et aux consuls
des colonies voisines et des ports orientaux ouverts au com-
merce européen. Il déclarait ouvrir le Song-Koï aux navires
français, espagnols et chinois, et fixait les droits de douane à
acquitter par les trafiquants.
Cependant le maréchal Nguyen-Tri-Phuong prenait une
attitude hostile. Il se fortifiait dans la citadelle de Hanoï et
réunissait des troupes. Le 19 novembre, Garnier, ayant reçu
quelques renforts, adressa au chef annamite un ultimatum
demandant le désarmement du fort. Il ne reçut aucune réponse.
Prise de Hanoï par Garnier. — Le 20 novembre 1873,
à six heures du matin, trois colonnes françaises, soutenues par
les Chinois de M. Dupuis, s'avancèrent sur la citadelle, que
M. Balny d'Avricourt bombarda avec deux canonnières. A
huit heures, la place, occupée par sept mille hommes environ,
était entre nos mains, et Nguyen-Tri-Phuong, frappé d'un coup
de mitraille dont il devait mourir, était prisonnier.
Garnier prit aussitôt le gouvernement de la province. Il ne
fut nullement embarrassé, car, en prévision de cette éventua-
lité, il avait précédemment organisé en secret le pays, formé
les cadres d'une milice et établi des courriers pour corres-
pondre avec les différentes villes.
Conquête du Delta. — Alors commença une merveil-
leuse campagne, comparable aux expéditions de Cortez et de
Pizarre au Mexique et au Pérou. Successivement Garnier et ses
compagnons 1 s'emparèrent de Phu-Ly, Haï-Dzuong, Ninh-
Binh, Nam-Dinh et dominèrent tout le Delta.
1. Les lieutenants de vaisseau Balny d'Avricourt, Esmez, Bain de la
Coquerie, le docteur Harmand, le sous-lieutenant Edgard de Trentinian,
les aspirants Hautefeuille, Perrin et Bouxin, l'ingénieur Bouillet.
488 LA FRANCE COLONIALE
Tu-Duc, effrayé, envoyait des négociateurs à Hanoï et à
Saigon pour essayer de traiter. Mais les autorités annamites du
Tonkin, impuissantes devant une poignée de Français, faisaient
en même temps appel aux Hékis ou Pavillons-Noirs, débris des
anciennes bandes de rebelles chinois désignés sous le nom de
Taïpings, et commandés par Luu-Vinh-Phuoc. Dès lors les
succès de nos soldats furent moins rapides; sur quelques points
nous étions réduits à la défensive, et le chef de l'expédition
attendait avec impatience des renforts envoyés de Saïgon par
l'amiral Dupré.
mort de Garnier. — Le 21 décembre, Francis Garnier
était en conférence dans la citadelle de Hanoï avec les plé-
nipotentiaires annamites pour arrêter les préliminaires du
traité, quand on lui annonça une attaque des Pavillons-Noirs.
Pendant que nos marins se portent aux remparts et tirent
quelques obus qui éloignent l'ennemi, Garnier fait une sortie
vers le village de Thu-Lé, Balny se dirige sur Phu-Hoaï. Nos
hommes se déploient en tirailleurs, Garnier est à leur tête. Tout
à coup il tombe dans une embuscade et est massacré pendant
que, sur un autre point, Balny trouve aussi la mort.
La perte de Garnier fut vivement ressentie par le petit corps
expéditionnaire qui avait appris à connaître son chef; tous les
hommes avaient foi en lui et il exerçait sur eux le triple ascen-
dant de la science, de la volonté et de l'héroïsme. Ironie du sort,
trois heures après la mort du chef, les renforts attendus étaient
annoncés et ils arrivaient à Hanoï quatre jours plus tard. La
disparition de Francis Garnier était un malheur irréparable.
Lui seul, réussissant dans ses négociations avec les ambassa-
deurrs annamites, pouvait dénouer la situation créée par, son
expédition et par la prise de possession du pays.
Les officiers survivants firent bravement face au péril. D'a-
près les ordres posthumes de Garnier, trouvés dans ses papiers,
M. Bain de la Coquerie prit le commandement militaire,
M. Esmez la direction politique. Une convention allait être
signée par ce dernier avec les plénipotentiaires annamites, quand
un courrier remit à ceux-ci une lettre de la cour, mettant fin à
leur mission, et, bientôt après, M. Esmez reçut du lieutenant
de vaisseau Philastre l'ordre de cesser les pourparlers.
La politique d'abandon. — M. Philastre, inspecteur
des affaires indigènes, chef de la justice indigène à Saïgon, avait
reçu de l'amiral Dupré l'ordre d'accompagner les mandarins
annamites envoyés à Saïgon pour traiter avec le gouverneur et
L'INDO-CHINE FRANÇAISE 489
obtenir de lui l'expulsion de Dupuis du Tonkin. Ces ambassa-
deurs étaient Lè-Tuan et le futur régent du royaume, Nguyen-
Van-Tuong. Jusqu'au moment où ils apprirent la prise de la
citadelle de Hanoï par Francis Garnier, les négociateurs pré-
tendaient ne pas avoir les pouvoirs nécessaires pour traiter de
la cession des trois provinces occidentales de la Basse-Cochin-
chine à la France, bien que cette clause fût la première d'un
projet de traité débattu dès le gouvernement de l'amiral de la
Grandière. A la nouvelle du coup de force de Garnier, Nguyen-
Van-Tuong, accompagné de M. Philastre, se rendit à Hué pour
demander de nouvelles instructions. Il revint à Saïgon et partit
pour Hanoï, toujours avec M. Philastre, pour régler sur place
la question du Tonkin.
Dès que M. Philastre apprit la mort de Francis Garnier, il
prit la direction des affaires politiques. Il savait que le cabinet
de Versailles, présidé alors par M. de Broglie, s'opposait à
l'occupation militaire du Tonkin. Arrivé le 2 janvier 1874 à
Haï-Dzuong, M. Philastre donna l'ordre au lieutenant de Tren-
tinian d'évacuer la place, rappela successivement à Hanoï les
compagnons de Garnier et signa une convention avec Nguyen-
Van-Tuong pour l'abandon du Delta par les forces françaises.
Il spécifiait, il est vrai, qu'une amnistie serait accordée par Tu-
Duc à ceux des indigènes qui s'étaient compromis pour notre
cause. On ne sait que trop comment cet engagement fut tenu
par la cour de Hué. Bientôt après une nouvelle convention fai-
sait abandonner Hanoï par nos soldats et par M. Dupuis. Seul,
un résident français, le capitaine Rheinart, de l'infanterie de
marine, devait rester dans la capitale du Tonkin avec une
faible escorte.
CHAPITRE II
32
de Hué sollicita aussitôt un armistice qui fut accordé.
M. Harmand, assisté de M. Palasne de Champeaux, adminis-
trateur des affaires indigènes, se rendit dans la capitale et
imposa les conditions de la France Elles furent acceptées par
le traité du 25 août 1883. Ce traité reconnaissait entièrement
notre protectorat sur l'Annam et le Tonkin, annexait la pro-
vince de Binh-Thuan à la Cochinchine, nous donnait le droit
FRANCE COLONIALE.
498 LA FRANCE COLONIALE
d'occuper à titre permanent les forts de Thuan-An et plusieurs
autres positions et ouvrait au commerce européen les ports de
Tourane et de Xuanday. Un résident, de France, installé à Hué,
devait avoir le droit de voir le roi en audience personnelle.
L'administration des douanes devait être remise entre nos
mains et un traité de commerce spécial devait compléter les
avantages consentis à la France par le traité politique.
CHAPITRE III
DEPUIS LA PAIX DE 1885.
1. Mgr Puginier est mort en 1892. Il avait passé la plus grande partie
de sa carrière au Tonkin où il a rendu les plus éminents services. Il
était officier do la Légion d'honneur.
822 LA FRANCE COLONIALE
Tanh-Dong, l'enlèvement du fort de Ben-Mé, la rencontre de
Phu-Cat, la colonne de Ninh-Binh, les reconnaissances de Quan-
Dao, et de Cho-Chu, les colonnes de Quang-Binh et de Quang-
Nam (1886), le siège mémorable de Ba-Dinh (décembre 1886-
janvier 1887), la prise du fort de Makao, la reconnaissance de
Moxat, les colonnes du fleuve Rouge (colonel Brissaud et com-
mandant Pelletier), la marche remarquable du colonel Pernot,
en décembre 1887 et en janvier 1888, dans le bassin de la
rivière Noire, la brillante affaire de Cho-Moi, sous le général
Borgnis-Desbordes, les opérations très importantes du Yen-
Thé, dirigées par le colonel Frey en 1891 et reprises en 1892,
par le général Voyron, les colonnes du colonel Terrillon dans
le Dong-Trieu (1891 1892), la colonne Servière dans le Mau-
Son, en 1892, et de nombreux engagements où nos officiers et
nos soldats ont montré la plus brillante bravoure et une téna-
cité bien propre à faire réfléchir pirates et rebelles. Aussi les
soumissions augmentent-elles chaque jour. Toutes ces colon-
nes prendront fin le jour où les frontières seront barrées, où
les pirates chinois ne pourront plus donner la main aux
rebelles annamites. C'est en ce sens que la question du Tonkin
est une question chinoise. Entendons-nous avec les Chinois
pour faire respecter la frontière du Tonkin, car des deux côtés
de cette frontière il y a des pirates chinois, et il y a par consé-
quent dans ce fait une question sociale que nous devons
résoudre avec les Célestes.
Ce point capital réglé, nous ne trouvons plus au Tonkin que
des malfaiteurs comme il y en a eu de tous temps, quelquefois
des rebelles ; mais alors la question est simplifiée, elle devient
purement annamite et ces gens-là, n'ayant plus rien à attendre
de leurs camarades chinois, seront vite contraints par la cour
de Hué, appuyée au besoin par nos colonnes, à redevenir de
paisibles agriculteurs.
Pour nous la prospérité de notre établissement en Indo-
Chine, qui offre de si merveilleuses richesses, dépend entière-
ment de la solution que nous préconisons.
L'art. 1er du traité de paix, de commerce et d'amitié conclu
entre la France et la Chine, le 9 juin 1885, est ainsi conçu :
«
La France s'engage à rétablir et à maintenir l'ordre dans
les provinces de l'Annam qui confinent à l'empire chinois. A
cet effet, elle prendra les mesures nécessaires pour expulser
les bandes de pillards et gens sans aveu qui compromettent la
sécurité publique et pour empêcher qu'elles ne se reforment.
Toutefois les troupes françaises ne pourront, dans aucun cas,
L'INDO-CHINE FRANÇAISE S23
franchir la frontière qui sépare le Tonkin de la Chine, fron-
tière que la France promet de respecter et de garantir Contre
toute agression.
«
De son côté, la Chine s'engage à disperser ou à expulser
les bandes qui se réfugieraient dans ses provinces limitrophes
du Tonkin, et à disperser celles qui chercheraient à se former
sur son territoire pour aller porter le trouble parmi les popu-
lations placées sous la protection de la France, et, en considé-
ration des garanties qui lui sont données quant à la sécurité de
la frontière, elle s'interdit pareillement' d'envoyer des troupes
au Tonkin.
«
Les hautes parties contractantes fixerontpar une conven-
tion spéciale les conditions dans lesquelles s'effectuera l'extra-
dition des malfaiteurs entre la Chine et l'Annam.
«
Les Chinois, colons ou anciens soldats qui vivent paisi-
blement en Annam, en se livrant à l'agriculture, à l'industrie
ou au commerce, et dont la conduite ne donnera lieu à aucun
reproche, jouiront pour leurs personnes et pour leurs biens de
la même sécurité que les protégés français. »
Cet article, fort critiqué par de bons esprits connaissant
parfaitement l'Empire du Milieu, présente selon nous les incon-
vénients suivants d'où proviennent nos difficultés dans le haut
Tonkin. Pendant que nous exécutons loyalement et strictement
le premier paragraphe, les mandarins de la frontière des deux
Kouang, qui ne sont pas les signataires du traité 1, considèrent
le paragraphe deuxième, contre-partie du précédent, comme
une lettre morte. Ils secourent, au moins indirectement, les
pirates, ils leur donnent asile, ils permettent la formation des
bandes. Il nous faut sans cesse peser sur le Tsong-li-Yamen
pour obtenir enfin le respect des conventions internationales et
jamais ne nous laisser arrêter par des promesses sans consé-
quence. Pour arriver au résultat voulu, il faut négocier la con-
vention spéciale d'extradition prévue au paragraphe troisième,
et cette négociation nous donne précisément la plate-forme que
nous cherchons pour obtenir des mandarins des frontières
l'exécution des engagements consentis par la cour de Pékin.
Alors, mais alors seulement, on se trouvera en présence, de
Chinois « agriculteurs, industriels et négociants », établis dans
l'Annam, Chinois à qui nous avons promis la sécurité. Jusqu'à
ce moment il nous sera bien difficile de considérer les émigrés
du Céleste-Empire comme des « colons » dignes de protection.
1. Rappelons que les vice-rois ont souvent une politique personnelle
différente de la politique du gouvernement central.
524 LA FRANCE COLONIALE
FRANCE COLONIALE. 34
PARTIE GEOGRAPHIQUE
CHAPITRE PREMIER
GÉOGRAPHIE GÉNÉRALE
LATITUDE LONGITUDE
Basse-Cochinchine à 11°30 N. 102°5'55à 105°9'55"E
1.
Cambodge .. . .
8°
10°30'à 14° 100°30' à 104°50'
Annam 10° à 20° 102° à 107°
Tonkin . 17°30' à 25-20 101° à 105°40'
2. Cochinchine française (en 1891). 67 000 km (q2) 2 034 4-53 hab.
Cambodge 100 000 1 300 000
Annam 140 000 12 000 000
Tonkin 150 000 4 000 000
457 000 km(q2) 19 534 483 hab.
532 LA FRANCE COLONIALE
CHAPITRE II
LES INDIGENES
I. -LES ANNAMITES
IL — LES CAMBODGIENS
CHAPITRE III
GOUVERNEMENT ET ADMINISTRATION
Le lieutenant-gouverneur. — Le lieutenant-gouver-
neur administre la Cochinchine sous la haute autorité du gou-
verneur général. Il exerce les pouvoirs attribués par les lois et
les décrets aux gouverneurs de nos colonies quand ces pou-
voirs ne sont pas réservés au gouverneur général et les pou-
voirs délégués par celui-ci en vertu d'arrêtés.
Un secrétaire général assiste le lieutenant-gouverneur.
Conseil privé. — Le conseil privé est composé du secré-
taire général, du commandant des troupes, du commandant de
la marine, du chef du service administratif, du procureur de
la République de Saïgon, de deux conseillers titulaires et de
deux conseillers suppléants choisis parmi les notables de la
colonie, nommés par décret pour quatre ans (leur mandat est
renouvelable). L'inspecteur des services administratifs et
financiers assiste au conseil et peut présenter ses observations
dans toutes les questions.
Conseil colonial.— Le conseil colonial, créé par décret
du 8 février 1880, se compose.de seize membres, dont six
L'INDO-CHINE FRANÇAISE 565
Annamites. Ses pouvoirs sont très étendus et participent à la
fois des pouvoirs des conseils généraux de nos départements,
et, en matière financière, des pouvoirs d'un parlement local.
Représentation au Parlement. — La Cochinchine,
depuis 1871, nomme un député. Son représentant est actuelle-
ment. M. Le Myre de Vilers, son ancien gouverneur.
Conseil d'arrondissement. — Un arrêté du 12 mai
1882 a constitué des conseils d'arrondissement présidés par les
administrateurs des affaires indigènes. Ces conseils, où siègent
des conseillers annamites, élus par les notables des villages,
ont su mériter la confiance du gouvernement, s'occuper avec
intelligence des intérêts de leurs cantons et consentir à de
grands sacrifices pour l'instruction publique et l'ouverture des
voies de communication.
L'administration générale est centralisée à Saigon et placée
sous la direction du secrétaire général.
Il existe actuellement vingt et un arrondissements qui ont à
leur tète des inspecteurs ou des administrateurs des affaires
indigènes, assistés d'interprètes et de commis français ou anna-
mites.
Communes. — Au moment de la conquête, nous avons
trouvé la commune annamite fortement constituée. Chaque
village forme une petite république oligarchique, avec deux
classes d'habitants, les inscrits sur le livre de population et
les non inscrits, formant la plèbe. Les inscrits possèdent seuls
le droit de vote pour la nomination du conseil des notables
chargé de l'administration de la commune : ce sont les citoyens
actifs. L'indépendance administrative des villages était très
grande dans tout l'Annam, et un officier royal, même un man-
darin, gouverneur de province, ne pénétrait jamais sur son
territoire pour faire les actes de son ministère sans se faire
assister par les notables. Nous avons respecté autant que pos-
sible l'autonomie communale; nous nous sommes contentés de
surveiller la gestion des conseils élus et, pour détruire les abus
du particularisme local, inhérent à ce système d'organisation,
nous avons créé les conseils d'arrondissement. Cette sage con-
duite devra être suivie dans l'Annam et le Tonkin; c'est la seule
pratique rationnelle. Il faut éviter à tout prix dans l'Indo-
Chine la centralisation à outrance de la métropole, autrement
nos fonctionnaires seraient accablés sous le fardeau des affaires.
La ville de Saïgon est administrée par un maire et deux
566 LA FRANCE COLONIALE
adjoints nommés par le gouverneur, assistés de quinze Con-
seillers municipaux dont onze sont citoyens français et quatre
indigènes. A Cholon est institué un conseil municipal composé
d'un président, exerçant les fonctions de maire, de trois mem-
bres européens présentés par la Chambre de commerce et
nommés par le gouverneur, de quatre membres annamites et
de quatre membres chinois élus.
Justice. —Au début de notre établissement en Cochin-
chine tous les pouvoirs judiciaires furent concentrés entre les
mains du gouverneur, représentant de l'empereur des Français
qui, par le traité du 5 juin 1862, se trouvait substitué aux
anciens souverains nationaux. Dans les arrondissements les
administrateurs rendirent la justice aux indigènes et appliquè-
rent les prescriptions du code de Gia-Long, remarquable par
sa sagesse. Les Européens furent soumis au Code civil, au
Code de commerce et au Code pénal, appliqués par un tribunal
de première instance, une cour impériale et une cour crimi-
nelle institués à Saïgon.
Quand la République eut substitué le gouvernement civil
au pouvoir militaire, la Cochinchine fut divisée en plusieurs
ressorts, constitués comme dans la métropole, et les magis-
trats connurent de toutes les causes, tant au civil qu'au criminel,
que les parties fussent européennes ou indigènes. Pour les
Annamites, on promulgua une législation rapprochée du Code
civil français, tenant compte des moeurs et des coutumes de
nos régnicoles. Ces mesures firent passer nos sujets sous le
droit commun. Seulement le gouverneur reçut, pour prévenir
toute tentative de rébellion, certains pouvoirs discrétionnaires
de haute police, tels que le droit d'interner les indigènes à
Poulo-Condore, de mettre leurs propriétés sous séquestre, et,
dans certains cas, d'infliger des amendes aux communes ou aux
congrégations chinoises.
Finances. — Les dépenses et les recettes de la colonie sont
votées par le Conseil colonial. Le budget est préparé par le
secrétaire général. Il est arrêté et rendu exécutoire par le gou-
verneur général ou par le lieutenant-gouverneur par déléga-
tion. Le budget se divise en recettes ordinaires, recettes
extraordinaires, dépenses ordinaires et extraordinaires, obliga-
toires et facultatives.
Les revenus de la colonie se composent :
1° Des contributions directes (impôt foncier des centres,
impôt des rizières et des salines, impôt foncier des villages,
L'INDO-CHINE FRANÇAISE 567
impôt personnel des Annamites, patentes, capitation des Asia-
tiques étrangers) ;
2° Des produits du domaine (ventes de terrains domaniaux,
locaux et concessions temporaires, ventes de matériel);
3° Des produits des forêts (permis de coupe, droit sur les
bois coupés, sur les huiles et résines, etc.);
4° Des revenus indirects (enregistrement, hypothèques,
droits dé phare et d'ancrage, droit d'entrepôt', droit sur l'opium,
sur l'alcool de riz, sur l'exportation des riz, des buffles et
des boeufs, etc.);
5° Des recettes des postes et télégraphes.
Le budget des recettes s'élevait, en 1891, à 6 606 922 pias-
tres dont 5 007 191 piastres, soit les cinq sixièmes, pour les
impôts indirects.
Le budget des dépenses obligatoires, y compris la subven-
tion à la métropole, s'élevait la même année à 4 368 859 pias-
tres 98 cents. Le gouvernement de la République contri-
buait aux dépenses de la Cochinchine pour une somme de
2 570 010 francs, non compris la solde et les frais de passage
de la garnison et d'un certain nombre de fonctionnaires qui
sont à la charge du budget de la marine. La subvention versée
par la colonie fut de 2 millions de francs jusqu'en 1887. En 1888
elle fut portée au chiffre excessif de plus de 11 millions, abais-
sée à 8 millions en 1891, à 6 millions et demi en 1892; le
budget projeté pour 1893 la réduit à 5 millions.
CHAPITRE IV
GEOGRAPHIE ECONOMIQUE.
etc.
le miel, le cardamome, l'ivoire, l'écaille de tortue, le goudron,
les cornes de cerf, le sel pour la saumure du poisson du Cam-
bodge, les bois de teinture, de construction et d'ébénisterie,
les chinoiseries et les incrustations, la gomme-gutte, la gomme
laque,
Le riz de Cochinchine est envoyé dans l'Amérique méridionale
(Brésil, RépubliqueArgentine, Chili, Havane), à Java, à Manille,
Singapour et Bourbon, où nos riz commencent à remplacer
ceux de l'Inde anglaise. Un marché plein d'avenir est celui de
la Chine, et déjà Hong-Kong enlève pour ce pays plus de
L'INDO-CHINE FRANÇAISE 589
2,17 fois laquantité demandée par les autres ports réunis.
Les exportations du Cambodge se font presque toutes par
la Cochinchine française ou par Kampot. Elles comprennent le
poivre, les peaux et les cornes de boeufs et de buffles, les boeufs
pour la boucherie de Saigon, le coton, le riz paddy, les feuilles
de bétel fraîches, les nattes, les bois de construction, d'ébénis-
terie et de teinture, les résines, le poisson salé, l'huile de pois-
son, le fil de laiton pour le Laos. La valeur des exportations
atteint un chiffre de 6 à 7 millions.
Le Tonkin exporte les métaux du Yunnan (étain, cuivre,
mercure), le cristal de roche, les plantes médicinales, les
plantes tinctoriales, le thé aggloméré en forme de briques, le
cunao ou faux gambier, le sticklac, le cardamome sauvage,
l'amidon de riz, l'huile ou vernis à laquer et les marchandises
laquées, les étoffes ou tapis brodés, les meubles incrustés, le
papier d'écorce de mûrier, le sel, les soies brutes, les arachides,
l'huile de badiane, le papier, les cornes de cerf, les comestibles
desséchés (crustacés, poissons, ailerons de requins, viande de
porc salée ou fumée, oeufs, champignons), les porcs, les volailles,
les noix d'arec, les bambous, les rotins, la cannelle, les peaux
de boeuf et de buffle.
Le commerce du Tonkin pour 1891 a été :
CHAPITRE V
CONCLUSIONS
A. BOUÏNAIS et A. PAULUS.
LA
NOUVELLE-CALÉDONIE 1
ET DÉPENDANCES
CHAPITRE PREMIER
CHAPITRE II
LES INDIGENES
CHAPITRE III
GOUVERNEMENT ET ADMINISTRATION
CHAPITRE IV
1. Rhynochetos jubatus.
LA NOUVELLE-CALÉDONIE 619
attaquée ni par les sauterelles, ni par aucune maladie. Produc-
tion en 1886 : 160000 kilogrammes.
La canne à sucre produit à l'hectare 2 000 francs et le riz
600 francs (580000 kilogrammes 1886).
Le tabac est très cultivé. Le gouvernement encourage cette
culture. Les colons ont à améliorer la production par des engrais
potassiques.
La luzerne et les plantes fourragères donnent jusqu'à 8 cou-
pes par an.
Enfin l'ananas produit 1 500 fruits par hectare et donne
730 litres d'eau-de-vie, à 62 degrés, au prix d'au moins 1 franc
le litre. Une grande plantation avec distillerie s'est introduite
il y a quelques années, afin de remplacer par l'eau-de-vie
d'ananas les pertes que cause dans nos vignobles le phylloxera.
Le bananier, le cocotier, le manioc font partie des cultures
les plus essentielles de la colonie, et poussent sans aucun soin,
ainsi que les fruits tropicaux : oranges, citrons, pêches, man-
gues, etc. La vanille vaut environ 80 francs le kilogramme.
Plantes ornementales. — Les plantes exotiques à
feuillage ornemental qui donnent lieu en Belgique et en Allema-
gne à un commerce important, sont demandées à la Nouvelle-
Calédonie et à nos autres colonies pour l'exportation.
Les aralias, les cycadées, les dracaenas, les yuccas font
'ornement des forêts calédoniennes. Les grandes futaies en
font l'utilité.
Essences forestières. La Calédonie a 120 000 hecta-
—
res de forêts où croissent des arbres magnifiques : le kaori (un
dammara) a 30 mètres sous branches, est très droit et donne
une résine excellente. Le niaouli (Melaleuca viridiflora) est
l'arbre calédonien par excellence. Une infusion de ses feuilles
remplace le thé ou le laurier dans les sauces. Il assure la salu-
brité du pays ; aussi le propage-t-on en Algérie comme l'euca-
lyptus. Son fourreau d'écorce le préserve du feu et sert à faire
des cases. Il produit l'essence de niaouli ou huile de cajeput,
employée dans la parfumerie et en médecine contre les rhuma-
tismes et les maladies de la vessie. En un mot, c'est un arbre
précieux à tous les égards.
Les caoutchoutiers seraient à exploiter, car les produits de
cet arbre sont devenus rares et chers en Europe.
Le bancoulier donne l'huile de camari et le cocotier l'huile
de coco, de sorte qu'une savonnerie européenne, montée à
Nouméa, fournit à toute la colonie le savon ordinaire.
620 LA FRANCE COLONIALE
Les dammaras et les araucarias font des colonnes superbes.
Le houp est un bois incorruptible servant à faire des piro-
gues et des piliers de cases.
L'arbre à pain donne annuellement des fruits savoureux et
féculents.
Le suc de l'arbre à goudron [Rhus atra) engendre des plaies
douloureuses, lorsqu'on débite sans précaution le bois vert.
Les arbres d'essences propres à l'ébénisterie se vendent en
grume 10 francs le stère, et celles propres aux constructions
5 francs le stère.
Le tamanou, l'ébène blanc, le chêne tigré, le bambou et une
foule de bois propres à tous usages abondent. La colonie con-
somme de 3 à 4000 mètres cubes de bois et dépense par an en
Australie et en Amérique, 400000 francs de bois qu'elle pour-
rait faire débiter dans ses propres forêts; mais elle n'a que
deux exploitations et quelques petits chantiers forestiers. Les
bois de la Nouvelle-Zélande et de l'Orégon, qui valent, tout
débités, 25 francs le mètre cube dans le pays d'origine, sont
donc amenés à Nouméa au prix de 100 à 150 francs et même
plus. Il est temps que la main-d'oeuvre vienne permettre l'exploi-
tation, facilitée par les. chutes d'eau naturelles, des forêts
situées sur le bord de la mer le long de la côte nord-est.
CHAPITRE V
LES ILES LOYALTY ET AUTRES DÉPENDANCES DE LA
NOUVELLE-CALÉDONIE.
CHAPITRE PREMIER
HISTOIRE
CHAPITRE II
CHAPITRE III
LES HABITANTS
Les cultes.
— Les habitants des îles Tahiti et Moorea
sont en grande majorité protestants, le catholicisme ayant,
malgré l'appui qu'il a trouvé auprès du plus grand nombre
des commandants et hauts fonctionnaires du gouvernement,
fait peu de progrès dans ces îles, depuis environ 40 ans qu'il
y a été introduit.
Les habitants des îles Gambier, Tuamotou, Marquises, sont
en grande majorité catholiques.
Un décret du 23 janvier 1880 a créé, dans les Établissements
LES ILES TAHITI 639
français de l'Océanie, un synode qui administre les Églises pro-
testantes. Celles-ci forment 18 paroisses dans Tahiti propre,
4 dans Moorea, 3 dans les Tubuaï, 3 dans les Marquises. La plu-
part des pasteurs sont indigènes. Le synode est composé de
pasteurs français. A Tahiti, en outre, il y a une Église protes-
tante française, dite indépendante.
L'Église catholique est sous la direction d'un évêque in par-
tibus, vicaire apostolique de « Tahiti et dépendances » ; il a sous
son autorité l'administrateur apostolique des Marquises, les
deux provicaires apostoliques des Tuamotou et des Gambier,
les deux desservants de Papeete.
Indépendamment de ces deux cultes, il en existe un troi-
sième, le mormonisme, dont les adeptes sont des indigènes des
Tuamotou réfugiés sur un plateau du district de Punaauia, où
ils ont construit un temple. Ces disciples de Joseph Smith sont
restés monogames.
CHAPITRE IV
GOUVERNEMENT ET ADMINISTRATION
CHAPITRE V
CEOGRAPHIE ECONOMIQUE
CHAPITRE VI
ARCHIPELS OCÉANIENS
42
contient des mots identiques. Elles ont, comme les Calédoniens,
la coutume du tabou et celle des adoptions d'enfants. Dans les
FRAnCE COLONIALE.
638 LA FRANCE COLONIALE
fêtes, elles aiment à s'orner de plumes, de bracelets, de coquil-
les de poissons. L'unité de leur système de numération est 20
ou deux fois 20. Cependant ils comptent mieux que les Calé-
doniens. Ils croient aux mauvais génies disposant des éléments
de la nature, faisant la tempête, le soleil, la pluie. Ils font des
offrandes d'aliments dans les cimetières. Leur dieu Toupai est
un dieu des combats.
Les écoles indigènes sont sous la direction des mission-
naires et des religieuses de Saint-Joseph de Cluny, recevant un
traitement de l'administration. L'école la plus fréquentée est
celle de Taiohaé. Le budget de l'instruction publique est
minime.
Quant à la population européenne, ce sont des individus
de toutes nationalités, Français, Américains, Anglais, Chiliens,
Péruviens Leurs moeurs sont très relâchées. Ils ne cultivent
que pour leurs besoins du coton, des patates et du tabac et ils
élèvent des porcs et des volailles. Ils s'unissentplus ou moins
légalement à des femmes indigènes et font souche de métis.
La plupart des Européens prennent les habitudes des
Canaques. Il en résulte que, malgré ces éléments disparates, le
gouvernement est simple et le résident français est facilement
obéi, quoique ne disposant comme force armée que de trois
gendarmes et d'une police de sept indigènes, avec un sergent
canaque. Ce résident, dit M. Eyriaud des Vergues, remplit à la
fois les fonctions d'ordonnateur, d'officier de l'état civil, de
commissaire de l'inscription maritime. Il y a maintenant un
juge de paix français.
Le résident a sous ses ordres un agent spécial qui est à la
fois trésorier-payeur, receveur, percepteur, notaire et greffier.
Comme armée, le brigadier de gendarmerie commande sa
brigade de deux gendarmes, dont l'un est aussi huissier et
l'autre comptable des vivres. Un pilote français est maître de
port et interprète. Un artilleur de marine avec un canon de
12, quatre soldats et un sergent d'infanterie de marine,
neuf agents de police indigènes avec un sergent interprète,
complètent le personnel administratif, civil et militaire.
Les Marquises occupent le milieu de la route qui conduit de
Panama en Malaisie, en Australie, en Chine, au Japon, en
Indo-Chine. Elles sont à quinze jours de San-Francisco. Leur
régime administratif est celui de la loi française. Leur climat
est favorable à l'Européen laborieux. Ces îles sont donc des-
tinées à un grand avenir, auquel les Français devraient se
préparer. Nous émigrons en Amérique, à la Plata, au Brésil ;
AUTRES ARCHIPELS OCÉANIENS 659
nous négligeons les pays français et nous dérobons à notre
patrie son patrimoine naturel.
Cependant les Marquises offrent aux colons sobres et
industrieux une vie facile. Des concessions de terrains magnifi-
ques leur sont accordées à un prix minime. Les bois de cons-
truction y sont abondants pour y élever les premiers abris
d'immigrants sous un ciel toujours chaud.
Il y a plus de 2 000 boeufs dans le pays. Un taureau ou une
vache coûtent 100 francs, un mouton 20 francs, un bélier
15 francs, une brebis 25 francs, une chèvre 2 fr. 50, une
poule de 1 fr. 25 à 2 fr. 50 et un porc 30 centimes la livre. Les
Canaques se nourrissent principalement des fruits de l'arbre
à pin (artocarpus) comme les Tahitiens, mais les Européens
doivent manger de la viande. Le poisson d'ailleurs ne leur
manque jamais. La culture est des plus faciles.
On estime que ces îles font annuellement pour deux millions
et demi d'affaires, mais surtout avec San-Francisco.
Outre lés produits de consommation, le pays peut fournir
à l'exportation des ressources variées : la nacre des huîtres
perlières, le poisson salé, le tabac, la laine, la canne à sucre,
le mûrier à papier, le coprah, les cocos, les bananes, les
oranges, les patates, l'huile de bancoul, le crin végétal, l'huile
de coco, lé coton, le fer, les nattes, filets, cordages, toiles de
fabrication indigène, les plantes tinctoriales. Quand les navires
passeront aux Marquises, toutes ces denrées seront demandées.
Il leur faudra des animaux, des fruits, des vivres frais. Il
serait donc temps que des colons allassent profiter de ces
débouchés, mais il est nécessaire qu'ils soient en famille afin
d'éviter de tomber au niveau des Canaques. A l'égard de ceux-
ci on doit se montrer ferme et juste. Il ne faut tourner en
dérision ni leurs coutumes bizarres, ni leurs superstitions
puériles. Il faut les respecter et s'en faire respecter. Au lieu
de leur inculquer nos vices, il faut les amener peu à peu à
aimer et à adopter la civilisation française. Si les peuplades
océaniennes commencent à entrer en relations les unes avec les
autres et avec les Européens, ceux-ci commencent aussi à se
grouper en Océanie par nationalités. Nous sommes venus des
premiers : ne laissons pas prendre la place par nos rivaux.
On a vu avec quelle facilité on se rend de Marseille, de
Brest, de Rochefort et de Bordeaux à Nouméa et de là à Tahiti,
aux Marquises et aux Tuamotou. Des départs réguliers ont lieu
toutes les six semaines ou tous les mois. Les passagers pour
les Marquises passent donc par Papeete, à moins d'une occa-
660 LA FRANCE COLONIALE
CH. LEMIRE.
TERRE-NEUVE 1
PARTIE HISTORIQUE
V. NICOLAS.
ALFRED RAMBAUD, LA FRANCE COLONIALE
LA GUADELOUPE
ET SES DÉPENDANCES 1
CHAPITRE PREMIER
CHAPITRE II
GEOGRAPHIE GENERALE
FRANCE COLONIALE.
qui est le siège
44
d'une justice de paix à
690 LA FRANCE COLONIALE
Climatologie- — Le climat de la Guadeloupe est doux.
La chaleur s'y élève souvent jusqu'à 30 et 32° ; mais elle est
atténuée, le jour, par la brise de mer et, la nuit, par la brise
de terre. Le minimum de la température est de 17°. Il descend
quelquefois plus bas dans les parties élevées de l'île.
L'année se divise en trois saisons distinctes et de durée
irrégulière: la saison fraîche, la saison chaude et sèche, la
saison chaude et pluvieuse. La première de ces périodes
commence en décembre et finit en mars ; la seconde commence
en avril et finit en juillet ; la troisième commence en juillet et
finit en novembre.
Cette dernière saison porte le nom d'hivernage. C'est celle
des grandes pluies et des vents violents. L'atmosphère est
soumise, durant cette période, dans tout l'archipel des Antilles,
à des perturbations qui ont causé trop souvent de considérables
ravages.
La colonie a été plusieurs fois le théâtre de terribles oura-
gans. Ceux dont le souvenir est resté le plus fortement gravé
dans les esprits sont : l'ouragan du 24 août 1832 et celui
du 6 septembre 1865. La dépression barométrique a été de
36 millimètres pendant le premier de ces ouragans, et de 32
millimètres, pendant le second.
Les jours sont à peu près d'égale durée en toute saison,
sauf dans les mois de décembre et de janvier, où ils sont un
peu plus courts. Le soleil se lève vers 5 heures du matin, et se
couche vers 6 heures du soir. Le crépuscule et l'aurore sont
presque imperceptibles, comme dans tous les pays tropicaux.
L'air est fortement imprégné d'humidité. Les observations
recueillies pendant les années 1878 à 1883 ont donné une
moyenne hygrométrique de 80 degrés.
Les tremblements de terre sont fréquents, mais ne se
manifestent guère que par de légères secousses. Cependant, en
1843, le 8 février, un grand cataclysme s'est produit : la ville
de la Pointre-à-Pitre a été renversée de fond en comblé,
plusieurs localités ont subi de grands dommages, et l'aspect
même de la principale montagne de l'île a été modifié. Depuis
cette époque, on a substitué, dans les villes, les constructions
en bois ou en fer aux constructions en maçonnerie.
LA GUADELOUPE ET SES DÉPENDANCES 691
CHAPITRE III
GOUVERNEMENT ET ADMINISTRATION
CHAPITRE IV
GÉOGRAPHIE ÉCONOMIQUE
CHAPITRE PREMIER
HISTOIRE
CHAPITRE II
GÉOGRAPHIE GÉNÉRALE
CHAPITRE III
GOUVERNEMENT ET ADMINISTRATION
CHAPITRE IV
GÉOGRAPHIE ÉCONOMIQUE
46
Importance de la colonie. — La Martinique est un
pays agréable et d'avenir. La richesse de son sol, sa situation
topographique, la clémence de son climat, sa salubrité la font
rechercher des étrangers.
FRANCE COLONIALE.
722 LA FRANCE COLONIALE
Quand partout et toujours on prétend que le véritable
esprit colonisateur est l'apanage en quelque sorte exclusif de
l'Anglais, il n'est pas inutile de signaler de nombreuses posses-
sions britanniques périclitant de jour en jour autour de la Mar-
tinique, dont la prospérité peut s'assombrir au milieu des crises
industrielles et commerciales, si générales aujourd'hui, mais
dont la vitalité est si puissante et dont l'esprit est resté si pro-
fondément et si passionnément français.
M. HURARD,
Député de la Martinique.
ALFRED RAMBAUD, LA FRANCE COLONIALE
LA GUYANE 1
CHAPITRE PREMIER
HISTOIRE
CHAPITRE II
ET
LÀ TRANSPORTATION
J. LEVEILLÉ,
Professeur à la Faculté de droit de Paris, chargé d'une mission à la Guyane
membre de la Commission de revision du Code pénal.
FIN
48
FRANCE COLONIALE.
CONCLUSION
Afrique de l'Ouest :
Sénégal 120 000 400 000
Fouta-Djallon ....
Rivières du Sud. . . .
Soudan français avec
Dinguiray et Kaarta.
24 000
80 000
330 000
100 000
600 000
1 000 000
Bodian ....
États de Mademba et
100 000 1 200 000
États de Samory.
États de Tiéba.
Etats de Kong.
...
...
Bondoukou, Djimini,
. .
300
60
50
000
000
000
1 000
160
530
000
000
000
Afrique de l'Est :
Réunion
Mayotte
1 980
366
165 12
915
270
Nosy-Bé 293 10 905
7
Sainte-Marie
Comores
Madagascar. ....
....
Obock et Cheïkh-Saïd.
155
1 606
391964
130 000
33
4 000
21
634
000
000
000
760 CONCLUSION
Kil. carrés. Habitants.
Asie :
Inde française. 509 283 053
....
. .
Cochinchine 67 000 2 034 453
Cambodge 100 000 1 500 000
Tonkin1 130 000 4 000 000
Annam. 140 000 12 000 000
Océanie :
Nouvelle-Calédonie et
dépendances (sans
compter les Nouvelles-
Hébrides) 20 000 .62 714
Tahiti et dépendances. 4 363 24418
Amérique :
Saint-Pierre et Mique-
lon 235 5 929
Martinique 988 175 863
Guadeloupe et dépen-
dances 1 870 165 899
Guyane (sans les terri-
toires contestés). 78 900 29 769
49
1. L'Angleterre est très fière du concours que, dans des circonstances
analogues, par exemple dans la guerre du Soudan, lui prêtent les volon-
FRANCE COLONIALE.
770 CONCLUSION
Si le Parlement français vote cette loi sur le service militaire qui
est réclamée avec instance par les populations de nos îles, quels
admirables éléments de recrutement trouvera dans les citoyens
de couleur, surtout pour les guerres intertropicales, notre future
armée coloniale. Et c'est pour d'autres champs de bataille aussi
qu'on peut compter sur eux. Et quand cette grande Afrique fran-
çaise, qui s'étend maintenant de l'Algérie aux rives du Congo et des
bouches du Sénégal au lac Tchad, sera enfin organisée, pourvue
d'un système de communications rapides, quand, avec ses immenses
réserves d'hommes de guerre, elle sera devenue vraiment une
France du pays du soleil, qui sait de quel poids la mère patrie
pourra peser même dans la vieille Europe?
La France ne doit donc pas désespérer de l'utilité et de l'avenir de
son oeuvre coloniale. Elle est presque la seule nation qui se soit
approchée de la solution pour le problème de l'administration des
races étrangères; elle ne les détruit pas, comme ont fait trop sou-
vent les autres peuples; elle sait mieux que personne se les assimi-
ler. Depuis qu'elle a des troupes algériennes, sénégalaises, souda-
naises, gabonaises, malgaches, tonkinoises, annamites, leurs fastes,
militaires ont déjà de glorieux souvenirs, sans qu'une seule révolte
les ait ternis. Du jour où elle a proclamé la liberté politique pour
elle-même, elle l'a donnée aussi à ses colonies. Elle seule, jusqu'à
présent, a osé concevoir la métropole et les colonies comme for-
mant une seule patrie, un seul État ; non seulement elle a doté la
taires de ses colonies. Voici ce qu'on lit dans le Graphie du 7 mars 1885,
page 238 :
«Le contingent australien de l'expédition envoyée par la Nouvelle-
Galles du Sud a quitté Sydney mardi.
— Samedi les troupes ont
été passées en revue par le gouverneur, lord Augustus Loftus, et
dimanche des services spéciaux ont été célébrés dans la cathédrale
anglicane et dans la cathédrale catholique romaine. — Mardi a été
observé comme un jour de fête général. Les rues par lesquelles devaient
passer les troupes étaient encombrées de monde. — Les troupes ont été
escortées par un corps de 600 marins et hommes de troupe de la marine
appartenant aux navires de la station. Sur le quai, le gouverneur a fait
aux troupes un discours entraînant, faisant allusion à ce que, pour la
première fois dans la grande histoire de l'empire britannique, une colo-
nie éloignée envoyait avec enthousiasme, à ses propres frais, un contin-
gent de troupes entièrement équipées pour aider les forces impériales
dans la rude guerre qu'elles font pour supprimer des cruautés inénar-
rables et pour l'établissement de l'ordre et de la justice dans un pays
injustement gouverné. — « Ce que vous faites, continua-t-il, c'est pour
« prouver au monde l'unité de ce puissant et invincible empire dont
« vous êtes membres... Notre sérieux espoir, c'est que vous aurez le glo-
« rieux privilège de partager le triomphe, comme les travaux, et que
« vous reviendrez vers nous couronnés de la reconnaissance de l'Angle-
« terre, comme vous êtes maintenant entourés de ses sympathies. » L'en-
thousiasme public de la colonie se maintient à l'état de fièvre; le nombre
des volontaires a atteint six fois la force demandée, et il y a eu un flot
continu de contributions en argent et en nature. »
CONCLUSION 771
plupart de ses dépendances de représentations locales, mais, par
une politique qui remonte au décret du 22 août 1792, elle leur a
assuré une représentation dans son Parlement. Français de France
ou Français d'Afrique, des Antilles, de l'océan Indien, de l'Indo-
Chine, et, aussi bien, ceux des Indous, Sénégalais, Océaniens, qui
ont été élevés à la cité française, tous, sous les lois délibérées en
commun, ont les mêmes devoirs et, tous, les mêmes droits. Suivant
un mot de M. le sénateur Lenoël, « la France considère ses colonies
comme partie intégrante de son territoire, tandis que l'Angleterre
les considère presque comme des pays étrangers; l'homme d'État
anglais s'attend à ce que la séparation ait lieu quelque jour; l'homme
d'État français s'efforce d'arriver à l'assimilation ».
1
L'ALGÉRIE
Par M. Pierre FONCIN.
PARTIE HISTORIQUE.
Chapitre premier : Jusqu'à la prise d'Alger (1830). — La Berbérie, 41. -
Temps primitifs : Maures et Numides (Berbères), 42. — Domination car-
thaginoise, 42. — Conquête romaine (202 avant J.-C. - 43 ap. J.-C.), 42. —
La conquête romaine comparée à la conquête française, 43. — Administra-
tion romaine : elle n'assimile pas les Berbères, 44. — Résistance sourde
et révoltes des Berbères, 45. — Caractère de l'oeuvre romaine, 46. —
Dominations diverses. Les Vandales, 46. — Les Byzantins, 46. — Pre-
mière invasion arabe, 47. — Dynasties berbères du VIIIe au XIe siècle,
47. — Seconde invasion arabe et nouvelles dynasties berbères, 48. — Les
Zianides de Tlemcen, 48. — Domination turque, 49.
Chapitre II : Depuis la prise d'Alger. — Conquête d'Alger par les Fran-
çais (1830), 49. — Occupation du littoral algérien (1830-1834), 50. — Les
troupes d'Afrique, 51. — Les bureaux arabes, 51. — L'Atlas Tellien :
Abd el-Kader, 52. — Abd-el-Kader maître de la province d'Oran (1833-
1836), 52. — Les deux sièges de Constantine (1836-1837), 53. — Bugeaud
et Abd-el-Kader : traité de la Tafna (1836-1839), 53. — Conquête du Tell,
et des hauts plateaux (1839-1843), 54. — Guerre du Maroc et soumission
d'Abd-el-Kader (1845-1847), 54. — Extension de la conquête : soumission
du Sahara algérien (1848-1885), 55. — Sécurité actuelle; Moyens de la
maintenir, 56.
PARTIE GÉOGRAPHIQUE.
Chapitre premier : Géographie générale de l'Algérie. — Situation, limites
et superficie, 59. — Relief général du sol : les montagnes, 60. — Aperçu
géologique, 60. — Le littoral : caps, golfes, îles, 61. — Les cours d'eau tel-
liens, 61. — Les chotts, 62. — Les eaux du versant saharien,, 62.— Carac-
tère général du climat, 62. — Vents et brises, 63. — Pluies et brumes, 63.
— Température, 64. — Lumière, 64. — Salubrité, 65. — Situation centrale
de l'Algérie, 65. — Imperfection des régions naturelles de l'Algérie, 66.
— Les régions naturelles complétées par les chemins de fer, 67. — Les
trois provinces, 67. — Alger, centre naturel et capitale de l'Algérie, 68.
Chapitre II : Les indigènes. — Berbères et Arabes, 69. — Les indigènes
sédentaires : la Grande-Kabylie, 70. — Les Kabyles, 71. — Agriculture
et industrie des Kabyles, 71. — Institutions des Kabyles, 72. — Autres
tribus sédentaires du Tell, 73. —L'Aurès et les Aurasiens, 73. — Ksou-
riens, 74. — Les Mzabites, 74. — Les nomades, 75. — Les Touareg, 76.
— Les
semi-nomades, 77. — Organisation sociale dos indigènes : la
tribu, 78. — La famille, 78. — La propriété, 79. — Les marabouts, 79.
— Les ordres
religieux, 80. — Les Aïssaoua, 81. — Les Maures, 81. —
Les Israélites, 82. — Les Couloughlis, 82. — Les nègres, 82. — Diversité
des races; unité de la religion et de la langue, 83.
Chapitre III : Gouvernement et administration. — Les débuts de l'admi-
nistration française en Algérie (1830-1834), 84. — Les gouverneurs géné-
raux militaires et les bureaux arabes, 84. — Premier essai de gouverne-
ment civil (4848-1851), 85. — Retour au régime militaire (1851-1858), 85.
— Le
ministère de l'Algérie (1858-1860), 86. — Le royaume arabe (1860-
1870), 86. — Retour au régime civil (1870), 87. — L'organisation actuelle :
le gouvernement général, 87. — L'administration départementale, 89. —
L'administration communale, 90. — Difficultés spéciales à l'administra-
TABLE DES MATIÈRES 781
tion algérienne, 91. — Naturalisation et état civil, 92. — L'armée et la
sécurité, 93. — Justice européenne, 94. — Justice musulmane, 95.
Impôts : leur perception; leur affectation, 96. — Octroi de mer, 97. —
Budget de l'Algérie, 98. — Prisons et dépôts de mendicité, 99: —
— Assis-
tance et santé publiques, 99. — Institutions de prévoyance, 101. — Cul-
tes, 101. — Instruction publique: administration, 101. — Enseignement
supérieur, 101. — Enseignement secondaire, 102. — Enseignement pri-
maire, 103. — Enseignement des indigènes, 104.
Chapitre IV : Géographie économique et colonisation. — Statistique :
population musulmane, 106. — Population israélite, 107. — Population
étrangère européenne, 107. — Population française, 107. — Histoire de
la colonisation : débuts, 108. — Le régime des concessions, 108. — Les
colons de 1848, 109. — Les grandes compagnies, 109. — Les Alsaciens-
Lorrains en Algérie, 110. — La colonisation pendant ces dernières années,
110. — Difficultés de la colonisation en Algérie, 111. — Les terres et la
propriété, 112. — L'act Torrens, 112.— Les villes, 113. — La végétation, 114.
— L'agriculture algérienne : céréales, 115. — Culture de la Élève
vigne, 115. —
Exploitation des forêts, 115. — Cultures diverses, 116. — des ani-
maux, 116. — Travaux publics agricoles, 117. — Industries minières, car-
rières, eaux minérales, 117. — Industries diverses, 118. — Routes, 118.—
Chemins de for : réseau rationnel des voies ferrées, 118. — Postes et télé-
graphes, 120. — Ports et phares, 120. — Services maritimes et navigation,
120. — Régime commercial, 121. — Commerce, 122. — Ce que l'Algérie
coûte à la France, 123. — Situation exceptionnelle de l'Algérie, 123. — Ce
que l'Algérie rapporte à la France, 123. — Avenir de l'Algérie, 126. —
Assimiler progressivement l'Algérie à la France, 126.
LA TUNISIE
Par M. Jacques TISSOT,
PARTIE HISTORIQUE.
Chapitre premier : Jusqu'à l'intervention française de 1881. — Temps
primitifs, 129. — Domination carthaginoise, 130. — Conquête et domi-
nation romaines, 131. — Dominations diverses : les Vandales et les Byzan-
tins, 132. — Les Arabes, 132. — Croisade de saint Louis et expéditions
européennes, 133. — Les Turcs, 133. — La dynastie husseïnite : la
Tunisie indépendante, 133. — Traités avec la France, 134. — Rapports
entre la Tunisie et la France depuis 1830 ; tentatives de réformes, 135.
La question tunisienne au Congrès de Berlin, 137. — Dernières années
—
de l'ancien régime tunisien, 138.
Chapitre II : Intervention française et occupation de la Régence. —
Causes de l'intervention, 140. — Rôle de M. Roustan, consul général de
France, 141. — Les hostilités contre les Khroumirs, 142. — Entrée des
Français dans la Régence, 143. — Débarquement à Bizerte, 143. — Essais
d'intervention étrangère, 143. — Traité du Bardo, 144. — Première paci-
fication de la Régence, 145. — Rappel d'une partie des troupes, 145. —
Nouvelle agitation, 146. — Insurrection de Sfax et ses suites, 146. —
Occupation de Kérouan, 147. — Pacification définitive du. pays, 148. —
Attaques de la presse contre M. Roustan, 149. — Gouvernements de
M. Cambon et de M. Massicault, 150.
PARTIE GÉOGRAPHIQUE.
Chapitre premier : Géographie générale de la Tunisie. — Situation, limites
782 LA FRANCE COLONIALE
et superficie, 153. — Littoral : caps, golfes, îles, 153. — Relief général du
sol : les montagnes, 154. — Régime des eaux : les cours d'eau, 154. —
Les lacs et chotts, 155. — Climat, température, saisons, 156. — Salu-
brité, lS7.
Chapitre II : Les habitants. — Chiffre total de la population, 158. —
Population étrangère européenne, 158. — Population française, 159. —
Les Maltais, 159. — Les Israélites, 160. — Les Berbères, Arabes et Maures,
161. — Les tribus tunisiennes, 162. — Les villes, 162. — Tunis et ses
environs, 163. — Les villes de l'intérieur, 166. — Kérouan, 167. — Les
théologiens de Kérouan, 168. — Les villes de la côte, 168. — Les villes
de la région des Oasis, 170.
Chapitre III : Gouvernement et administration. — Comment nous gou-
vernons la Tunisie, 171. — Le pouvoir du bey, 172. — Le résident géné-
ral de France à Tunis, 172. — Les ministres du bey, 173. — Les divisions
administratives: caïds,khalifas, cheïkhs, 173. — Les contrôleurs civils, 175.
— Les municipalités, 176. — Le service de la santé, 177.—
Les principales
réformes : 1° Création d'une justice française et suppression des capitu-
lations, 177. — Affaire Ben-Ayad, 181. — Affaire de l'Enfida, 181. —
2° Réforme des finances : conversion et nouvelle unification de la dette,
182. — Les nouveaux budgets, 183. — La Commission consultative, 185.
— 3° Réforme de l'instruction publique, 185. — Service des antiquités et
des arts, 189. — Services militaires, 190. — Résumé des réformes, 190,
— Prospérité financière de la Tunisie, 190.
Chapitre IV : Géographie économique. Colonisation. Ressources de la
Tunisie.— La végétation, 191. — Oasis : palmiers, etc., 192. — Les acqui-
sitions de terres, 193. — Les plantations de vignes, 194. — La main-
d'oeuvre et le prix de la terre, 195. — Les huiles, les alfas, 195.— Exploi-
tation et produits des forêts, 196. — Les animaux sauvages, 196. — Les
animaux domestiques, 197. — Élève des animaux, 197. — Produits de la
mer : coraux, éponges, pêcheries, 198. — Industries minières, or, fer,
plomb, 198. — Marbres, argiles, phosphates, 199. — Sources minérales,
199. — Travaux publics, 200. — Industrie indigène, 201. — Commerce,
201. — Conclusion: avenir de la colonie, 204.
PARTIE HISTORIQUE.
Jusqu'à l'arrivée de Faidberbe, 205. — Gouvernement de Faidherbe,
207. — Mouvement d'expansion vers l'est, 208. — Les trois campagnes
du colonel Borgnis-Desbordes (1880-1883), 210. — Les campagnes du
lieutenant-colonel Boilève et du commandant Combes (1883-1885), 213. —
La campagne du colonel Frey (1885-18S6), 213.
— Les
deux campagnes
du colonel Gallieni (1886-1888), 214. — Les Français devant Tombouctou,
216. — Les trois campagnes Archinard (1888-1891), 217.
— Destruction de
l'empire d'Ahmadou, 217. — La guerre contre Samory, 223. — Le sultan
Aguibou et le roi Tiéba, 224. — La campagne du colonel Humbert (1891-
1892), 226. — La convention anglo-française du 5 août 1890, 227. —
Mission du capitaine Binger, 230. — Le Dr Crozat dans le Mossi, 231. —
Autres missions au Soudan français, 233. — Résultats généraux, 233.
PARTIE GÉOGRAPHIQUE.
Chapitre premier : Géographie générale du Sénégal et du Soudan français.
TABLE DES MATIÈRES 733
— De France au Sénégal, 235. — Le littoral : Dakar, Gorée, Rufisque 235
— Les Rivières du Sud, 236. — Du Sénégal au Niger, 238. — Le fleuve
Sénégal : 1° la barre du Sénégal, 238. — 2° Le bas fleuve, 238.
Saint-Louis, 239. — 3° Le moyen Sénégal, 239. —
— 4° Le haut fleuve
242. — Le haut Niger, 244.
Chapitre II : Les indigènes. — Les races, 245. Race berbère, 246.
—
Race arabe, 246. — Pourognes, 246. — Race peulhe, 246. Toucouleurs, —
248. — Race mandingue, 249. — Race ouolof-sérère, 249. — Les castes, 251.
—
— Ouvriers, 252. — Chasseurs et pêcheurs, 253. — Constructions des
Noirs, 253. — Guerriers, 255. — Esclaves, 235. La famille chez les
—
noirs du Soudan, moeurs, coutumes, 260. — Religions, 264.
Chapitre III : Gouvernement et administration. Sénégal et Soudan, 266.
—
I. SÉNÉGAL : Divisions politiques et administratives, 266. Le gouver-
—
neur et les services civils, 267. — Député, conseil colonial, conseils
municipaux, droit électoral, 268. — Services militaires et maritimes, 268.
— Organisation judiciaire, 269. — Organisation financière, 270. — Budget
de la colonie, 270. — Navigation et douanes, 271. — Instruction publique,
271. — Organisation religieuse, 271. — Travaux publics, 272.
— II. SOUDAN
FRANÇAIS : Divisions politiques et administratives, 272. — Caractères de
notre domination au Soudan, 274. — Principaux centres, 276. — Admi-
nistration, 276. — Services militaires, 277. — Budget du Soudan, 278.
Chapitre IV : Géographie économique. — Production et commerce, 279.
— But que la France doit se proposer d'atteindre dans le Soudan
occidental, 281.
LA REUNION
MADAGASCAR
Par M. Gabriel MARCEL.
PARTIE HISTORIQUE.
Chapitre premier : Jusqu'à la fin du second Empire.
— Premières tenta-
tives sur Madagascar : les Portugais, 369. — Les Hollandais et les Anglais,
370. — Les Français, 371. — Richelieu et Rigault, 371. Pronis, 372. —
Etienne de Flacourt, 372. —
— Colbert et la Compagnie des Indes, 373.
— Madagascar fait retour à la couronne, 374. — Madagascar au dix-hui-
tième siècle, 375. — Béniowski, 376. — Madagascar pendant la Révolution
et l'Empire, 378. — Prétentions anglaises après 1815 : Farquhar, 378.
— Madagascar et la Restauration, 379. — La reine Ranavalo, 379. —
Madagascar et la monarchie de Juillet, 380. — Français à Madagascar :
Lastelle, Laborde, Lambert, 381. — Madagascar et le second Empire, 381.
— Radama II, 382. — Les missions britanniques, 383.
Chapitre II : La guerre de 1882-1885. — Causes de la guerre, 384.
—
La rupture, 387.— Premières opérations : le contre-amiral Pierre, 388. —
Discussions dans les Chambres, 390. — Opérations de l'amiral Miot,
390. Nouvelles discussions dans les Chambres, 391. — Dernières opéra-
—
tions, 392. — Le traité du 17 décembre 1885, 393. — Exécution du traité
de 1885, 394. —Notre établissement et nos forces militaires à Diégo-Suarez,
396. — Nos futurs colons à Madagascar, 397.
PARTIE GÉOGRAPHIQUE.
Chapitre premier : Géographie générale de Madagascar. — Situation, 400.
— Superficie, 400. — Relief du sol : montagnes, 401. — Régime des
eaux, 401. — Climat, 402. — Rades et ports, 402.
Chapitre II : Les indigènes de Madagascar. — Races, 402. — Population,
403. — Les Hova, 403. — Habitations, mobilier, costume, 404. — La
famille : polygamie, 405. — Idées religieuses, 405. — État politique, 405.
— Influence de la civilisation européenne, 406.
Chapitre III : Géographie économique de Madagascar. — Productions
naturelles. Flore, 407. — Faune, 409. — Richesses minérales, 411. — Res-
sources de l'île, 411.
II. Cheïkh-Saïd.
Par M. Paul BONNETAIN.
L'INDO-CHINE FRANÇAISE
Par M. le colonel A. BOUINAIS et M. A. PAULUS.
PARTIE HISTORIQUE.
Chapitre premier : Jusqu'au traité de 1874. — Aux dix-septième et dix-
huitième siècles, 481. — Première guerre avec l'Annam, 482. — Traité de
Saïgon (1862), 483. — Occupation des provinces occidentales (1867), 483.
— Protectorat sur le Cambodge (1863), 484. — Premier projet de protec-
torat sur l'Annam, 485. — M. Dupuis, 485. — Francis Garnier, 486. —
Prise de Hanoï par Garnier, 487. — Conquête du Delta, 487. — Mort de
Garnier, 488. — La politique d'abandon, 488. — Le traité de 1874, 489.
Chapitre II : Depuis le traité de 1874. — Difficultés pour l'exécution du
traité, 491. — L'Annam se rapproche de la Chine, 492. — Mission de
Rivière. — Nouvelle prise de Hanoï, 493. — Le marquis de Tseng, 494. —
Le traité Bourée, 494. — Nouvelle conquête du Delta, 494. — Mort de
Rivière, 495. — Renforts envoyés au Tonkin; 496. —Expédition sur Hué,
497. — Traité de protectorat avec l'Annam, 497. — Opérations au Tonkin,
498. — Prise de Haï-Dzuong, 498. — Combat de Phung, 499. — Interven-
tion armée des Chinois, 499.— Prise de Sontay, 500. — Il faut encore
des renforts, 503. — Prise de Bac-Ninh, 504. — Prise de Hong-Hoa, 505.
TABLE DES MATIÈRES 787
— Le traité Fournier, 505. — La surprise de Bac-Lé, 506. Difficultés
avec l'Annam, 507. — Difficultés avec le Cambodge, 508. —
— Opérations
de l'amiral Courbet, 510.
— Bombardement de Fou-Tchéou, 510. — Opé-
rations dans l'île Formose, 512. Succès au Tonkin, 513. — Acte de
—
neutralité anglais, 513. — Courbet fait sauter les navires chinois, 514.
Le blocus du riz et l'occupation des îles Pescadores, 514. —
— La marche
sur Langson, 514. — Prise de Langson, 515. — Défense héroïque de Tuyen-
Quan. Combat de Hoa-Moc, 515. L'affaire de Langson : succès et
—
retraite, 516. — La paix avec la Chine, 517. Mort de l'amiral Courbet,
518. — Guet-apens de Hué, 518. —
Chapitre III: Depuis la paix de 1885. Le Tonkin jusqu'à Paul Bert, 519.
La —
— commission de délimitation des frontières, 520. Paul Bert
résident général, 521. — Traité de commerce avec la Chine, 521. —
— Les
opérations de gendarmerie, 521. — Missions Pavie, 524. Coup d'oeil
—
sur les opérations des Anglais en Birmanie, 524. — Conclusion, 528.
PARTIE GÉOGRAPHIQUE.
Chapitre premier : Géographie générale. Situation et limites, 531. —
Le littoral, 332. —
— Le Delta, 533. — Iles, 533. — Montagnes, 534. —
Fleuves, 585. — Lacs, 537. — Climat. Salubrité, 538.
Chapitre II : Les Indigènes. I. ANNAMITES :
— Caractères physi-
— LES
ques, 540. — Caractères moraux, 541. — Nourriture, 544. — Habitations,
544. — La famille, 546.
— L'esclavage, 548. — Religions, 548. —
Langue,
349. — II. LES CAMBODGIENS, 550.
— Caractères physiques, 550. — Carac-
tères moraux, 551. — La famille, 551. — L'esclavage, 552. Religion,
552. — Langue, 352. — III. LES CHINOIS, 553. —
— IV. LES IMMIGRANTS
ASIATIQUES, 534. — V. LES TRIBUS SAUVAGES, 554. — VI. LES VILLES : 1° Villes
de Cochinchine, 556. — 2° Villes de l'Annam, 557. — 3° Villes du Tonkin,
557. — 4° Villes du Cambodge, 558.
Chapitre III: Gouvernement et administration. — I. PÉRIODE ANTÉRIEURE A
— Cochinchine et Cambodge, 358. —
L'UNION INDO-CHINOISE(1858-1887), 558.
Annam et Tonkin, 559. — II. DEPUIS L'UNION INDO-CHINOISE, 561. Création
de l'Union indo-chinoise (1887), 561.— L'organisation actuelle — : le gouver-
neur général, 562. — Conseil supérieur de l'Indo-Chine, 562. — Services
divers, 563. — Armée, 363. — Marine, 563. — Justice, 563. — Finances,
364. III. INSTITUTIONS PARTICULIÈRESA LA COCHINCHINE, 564. Le lieutenant
— —
LA NOUVELLE-CALÉDONIE ET DÉPENDANCES
Par M. CH. LEMIRE.
LA MARTINIQUE
Par M. HURARD.
LA GUYANE
Par M. Jules LEVEILLE.
CONCLUSION
Par M. Alfred RAMBAUD.
Importance et utilité de nos colonies. — Comparaison de notre histoire
coloniale avec celle de l'Angleterre, 755. — Sécurité relative des posses-
sions d'outre-mer à l'époque présente, 756. — Importance réelle de notre
empire colonial : superficie et population, 758. — Commerce de la France
avec ses colonies, 761. — Avantages recueillis par notre marine mar-
chande, 763. — Comparaison entre certaines colonies françaises et
anglaises ; prépondérance de la France en Afrique, 763. — Utilité de ses
colonies pour la France, 763.
Appendice.
Par MM. A. RAMDAUD et H. SCHIRMER.
La réorganisation du Soudan français, 773. — La guerre au Dahomey, 774.
TABLE DES CARTES