Revista Documents
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1929)
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Cet ouvrage a ete Mite avec I'aide de la Direction des bibliothegues, des musees
et de "information scientifique et technique du Ministere de l'Education nationale,
de la Jeunesse et des Sports, dans Ie cadre d'un " concours de reprints " organise par
ses soins en 1987 et dont la bibliotheque du rnusee de I'Homme a ete laureate.
ISSN 0990-3178
Editions Jean-Michel Place, 1991.
12 rue Pierre et Marie Curie, 75005 Paris.
ISBN 2-85893-146-1
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Documents
L'aventure de Documents (deux ans, quinze nurneros) commence tres loin de l'avantgarde, au Cabinet des Medailles. Bataille et d'Espezel y sont collegues, d'Espezel etant par
ailleurs le directeur de quelques revues, tres officielles et plut6t specialisees : Arettiuse, ou
avaient paru les premiers articles de Bataille (alors numismate), les Cahiers de la republique
des lettres, dont le numero special sur L'Arnerique avant Christophe Colomb en 1928
publie L'Amerique disparue , son premier grand article. D'Espezel, qui est un peu
partout, est aussi a La Gazette des beaux-arts, que finance Georges Wildenstein. II servira
d'interrnediaire. Wildenstein financera Documents.
La numismatique, selon la definition qu'en donnera plus tard Jean Babelon, l'un des
collaborateurs de Documents, est la science des monnaies qui n'ont plus cours que dans
les speculations des erudits 1. Elle inclut aussi les medailles, monnaies qui n'ont jamais
eu cours. La passion du numismate a quelque chose de l'avarice. II aime l'argent mais
c'est, comme Harpagon, pour Ie garder et Ie regarder. II n'aime pas depenser. Etrange
amour desinteresse pour l'argent, amour de ce qui permet tout une fois qu'il a ete coupe
de ce qu'il permet, amour de l'argent gele, interdit, a la fois expose et en reserve. II a la
passion des echangeurs mais inechangeables. Des conducteurs de la valeur d'echange, il
exige qu'eux-mernes soient hors d'usage. La monnaie quitte la Bourse pour se faire
recycler, rue de Richelieu, a la Bibliotheque nationale 2.
VII
tr
....
revue n'a encore publie qu'un numeral, d'Espezel envoie a Bataille. une note persiffleuse
et menacante. Le titre que vous avez choisi pour cette revue; n'est guere justifie qu'en
ce sens qu'il nous donne des Documents sur votre etat d'esprit. C'est beaucoup, mais
ce n'est pas tout a fait assez. II faut vraiment revenir a l'esprit qui nous a inspire Ie
premier projet de cette revue, quand nous en avons parle a M. Wildenstein, vous et
moi '.
On rencontrait Ie mot document dans la presentation que Bataille fait de L'ordre de
chevalerie, sa these pour l'ecole des Chartes. La seule valeur de ce texte medieval, dit-il,
est documentaire. Le poeme, sans valeur litteraire, sans originalite, n'a aucun interet que
d'etre un document ancien et curieux sur les idees chevaleresques et sur les rites de
l'adoubement )}2. Le contrat etait-il, en conforrnite avec la conception chartiste du document,
de ne publier dans Documents que des textes sans valeur Iitteraire ni originallte ? Si c'est
le cas, on comprend que d'Espezel se soit inquiete : car Bataille, a publie dans Documents
ses propres textes, ceux de Leiris et de quelques autres qui, sans merne entrer dans la
consideration de leurs qualites litteraires, ne manquent pas, d'Espezel l'a senti, d'une
certaine originallte.
Ethnographie
Parmi les rubriques enumerees dans Ie sous-titre de la revue, la trinite Archeologie
Beaux-Arts Ethnographie occupe la position centrale 3. Chacune renvoie a un domaine
independant : l'ethnographie echappe geographiquement et l'archeologie historiquement a
la tutelle des beaux-arts. Mais cette relativisation. des valeurs esthetiques occidentales
s'aggrave d'une relativisation encore plus radicale, celIe des valeurs esthetiques en tant
que telles. C'est elle qui marque Ie choix du terme ethnographie de preference a
l'expression d'arts primitifs. II a valeur de manifeste: il affiche que Documents n'est pas
une autre Gazette des beaux-arts, et surtout pas une Gazette des beaux-arts primitifs.
Documents aura pour plate-forme une opposition au point de vue esthetique ", Cette
opposition est impliquee dans Ie titre lui-meme. Un document est, dans sa definition
meme, un objet denue de valeur artistique. Denue de ou depouille de, selon qu'il en a ou
n'en a jamais eu une. Mais c'est de deux choses l'une: on a a faire ou bien a des
documents ethnographiques ou bien a des oeuvres d'art. Cette opposition binaire (qui
donne au terme de document, merne employe isolernent, ses connotations anti-esthetiques)
n'est pas une audace lexicale. C'est en to ute innocence, sans donner Ie sentiment qu'il
1. Un des rares echos suscites par la revue, une note parue dans Les Nouvelles littersires, se permettra un jeu de mot
du rneme genre, facile et sans mechancete, sur Ie titre: Documents donne dans son quatrierne nurnero de fort curieux
documents photographiques ,
2. Georges Bataille, L'Ordre de Chevalerie (1922), (Euvres completes, vol. 1, Paris, Gallimard, 1970, p. 100. Voir
aussi le compte rendu (paru dans Aretbuse en 1926) d'un volume de numismatique: Ces documents, ecrit Bataille,
souvent aussi interessants du point de vue archeologique qu'au point de vue artistique mettent en relief l'effort accompli
autrefois pour organiser un magnifique reseau de circulation (ibid, p. 107).
3. Dans les trois premiers nurneros : Doctrines Archeologie Beaux-Arts Ethnographie , a partir du nurnero 4:
Archeologie Beaux-Arts Ethnographie Varietes ,
4. Le seul collaborateur de Documents a defendre l'art comme tel sera un obscur prehistorien, Henri Martin: a
propos de sculptures prehistoriques, il conclut qu'elles repondent a une intention qui n'est pas seulement cultuelle ou
symbolique . II faut aussi tenir compte du desir irnperieux de satisfaire une passion: celle de l'Art , (Dr Henri Martin,
L'Art solutreen dans la vallee du Roc (Charente), Documents, novembre 1929, n 6, p. 309).
VIII
cite ou qu'il joue sur Ie mot, que Leiris y recourt, dans les pages de Documents, en
parlant d'un ouvrage de photographies. II manquait encore en France, ecrit-il, un livre
qui presentat au grand public un choix de documents purement ethnographiques et non
pas simplement une serie d'oeuvres d'art 1.
Carl Einstein, sans utiliser Ie mot document lui-merne, reprend la merne opposition
dans Ie compte rendu qu'il donne d'une des plus importantes expositions d'art primitif de
I' epoque, I' exposition d'art Africain et Oceanien organisee par Tristan Tzara et Charles
Ratton a la Galerie du Theatre Pigalle : il faut traiter cet art historiquement, et non plus
seulement Ie considerer sous Ie seul point de vue du gout et de l'esthetique 2.
La valeur d'usage
(Roland Barthes 3)
IX
desaffection par decontextualisation des objets exposes. Griaule demandait au rnusee qu'il
evoque, a cote du vase, Ie fan tome de l'homme qui boit. Pour Schaeffner, un instrument
de musique isole est une abstraction. II a besoin d'etre accornpagne. Des documents
photographiques et phonographiques doivent lui permettre de revenir vers Ie concret : la
position de l'instrumentiste qui en joue, Ie ou les sons qu'il produit, etc. I. Mais il y a
toute une gamme de performances qui se deroulent sans autre instrument que Ie corps
(mortel) du musicien, qui consistent en gestes qui, dit Schaeffner, s'aneantiraient si la
photographie n'en conservait Ie precede 2. La valeur d'usage, selon Marx, renvoie toujours
en derniere analyse aux organes et aux besoins d'un corps vivant. II est done normal que,
selon cette logique, l'insistance sur la valeur d'usage des objets exposes (sur leur fonction
au lieu de leur seule forme) conduise a l'introduction du corps dans l'espace du musee
(elle ouvre l'espace du musee au monde du corps et des besoins). Le concept central de
cette museologie est celui de techniques du corps.
II y a un contrat symbolique autour de la beaute : de merne qu'on ne parle pas
d'argent a table, on doit taire au rnusee les origines laborieuses des objets qu'on expose.
Comme l'argent, la beaute n'a pas d'odeur. On passe l'eponge. Ainsi l'exige l'arrivisme
esthetique. Aucun amateur ne demandera ce que faisaient ces objets avant de valoir si
cher. Aucun amateur ne demandera pourquoi on ne les avait jamais vus avant qu'ils ne
s'exposent.
Les ethnographes de Documents s'en prennent a ce contrat et au refoulement de la
valeur d'usage qu'il implique. lis veulent un musee qui ne reduirait pas automatiquement
les objets a leurs proprietes formeIles, esthetiques, un espace d'exposition d'ou la valeur
d'usage ne serait pas exciue, mais dans lequel elle pourrait etre non pas simplement
representee, mais exposee, manifestee. lis voudraient dejouer l'alternative qui veut qu'on
se serve d'un outil et qu'on regarde un tableau. Que l'entree d'un outil au musee n'ait pas
pour condition qu'il renie ses origines. Au lieu de la remplacer par une valeur d'echange
ou d'exposition, cet espace preserverait la valeur usage, lui permettrait de survivre a la
decontextualisation, coupee de sa fin mais valeur d'usage quand merne, une valeur d'usage
en sabbatique. A la fois utile et desoeuvree. C'est l'utopie d'un espace ou on pourrait,
comme disent les Arnericains, have one's cake and eat it too. Ce ne sont pas les chaussures
du dimanche, ce sont les chaussures de tous les jours, mais au jour du repos. Les habits
de travail au jour du repos 3.
1. A cote de l'instrument expose doit figurer une photographie du joueur de celui-ci; l'objet muet, et sa position
entre les mains de qui l'eveille et soudain le multiplie (Andre Schaeffner, Des instruments de musique dans un
rnusee d'ethnographie , Documents, octobre 1929, n" 5, p. 252).
Position proche de celle de Georges Duthuit qui, a la merne epoque - par exemple dans son article de Cahiers d'art
sur les Tissus coptes (1927) -, s'opposait a la reification museographique des objets ceremoniels.
2. Andre Schaeffner, Des instruments de musique dans un musee d'ethnographie , Documents, octobre 1929, n 5,
p.254.
Le Tresor de la langue franr;aise pour illustrer Ie sens etendu du mot document (son extension au-dela des frontieres
du document ecrit) emprunte une citation a la Methode de J'ethnographie (1957) de Marcel Griaule : photographie et
cinernatographie employees par des chercheurs de bonne foi donnent Ie moyen d'etablir les documents les plus
independants et les plus impartiaux du systerne d'investigation ethnologique ,
3. Cette reflexion sur ce que serait un rnusee de la valeur d'usage n'est pas sans rapport avec celie que Heidegger va
developper quelques annees plus tard (1935) dans L'origine de l'ceuvre d'art a propos de tableaux de Van Gogh
representant des chaussures. C'est l'etre-produit du produit qui arrive, seulement par l'ceuvre et seulement dans
l'ceuvre, a son paraitre , (Martin Heidegger, L'origine de l'ceuvre d'art , in Chemins qui ne tnenent nulle part, trad.
Wolfang Brokmeier, Paris, Gallimard, 1962, p. 27).
XI
En 1937, sept ans apres la fin de Documents, le Trocadero est detruit, remplace par
le Palais de Chaillot. Dans les nouveaux locaux, Ie Musee d'Ethnographie, l'annee suivante,
devient le Musee de l'Homme. Leiris presente dans la N.R.F. les ambitions de cette
institution. Le terme document apparait plusieurs fois dans ce bref article. Comment
proceder pour que les documents (observations, objets de collections, photographies), dont
la valeur est liee au fait qu'ils sont chases cuelllieasur le vif, puissent garder quelque
fraicheur une fois consignee dans des livres au mis en cage dans des vitrines? Et il
continue: Toute une technique de la presentation devra intervenir comme suite a la
technique de la collecte, si l'on tient a ce que les documents ne deviennent pas de simples
materiaux pour une erudition pesante 1.
Sur place
La superiorite de la peinture sur la musique tient a ce que, des Ie moment ou elle
est appelee a vivre, il n'y a plus de raison pour qu'elle meure, comme c'est le cas, au
contraire, de la pauvre musique... La musique s'evapore des qu'elle est [ouee,
perennisee par I'usage du vernis, la peinture subsiste (Leonard de Vinci 2)
Ce n'est pas tout a fait un hasard si c'est a propos du jazz que Sartre, revenant de
New York, a forrnule pour la premiere fois son imperatif esthetique : les ouvrages de
l'esprit, comme les bananes, doivent se consommer sur place. Les arts primitifs (dont le
jazz fait partie) sont en effet soumis, au plutot ils soumettent, a ce que Proust appelait la
tyrannie du Particulier. lis n'obeissent pas aux lois du marche, ne reconnaissent que la
valeur d'usage, mais c'est aussi ce qui leur permet d'avoir leurs exigences. Elles sont
to utes liees au fait qu'ils ne se deplacent pas. II ne faut pas compter sur eux pour faire Ie
premier pas. Ces objets intransportables, inseres dans le tissu social d'une rnaniere si
etroite qu'ils ne survivraient pas a leur extraction, imposent la loi du sur place, on the
spot.
C'est a propos de l'eglise de Balbec que Proust evoque cette tyrannie du Particulier:
Balbec etant le seul lieu du monde qui possede l'eglise de Balbec , cette eglise, comme
les bananes de Sartre, ne livre son gout que sur place 3. Le narrateur de la Recherche fait
cette remarque en face de l'eglise. Mais au rneme moment il pense aux moulages de ses
statues qu'il a vus au Musee du Trocadero. A cote du Musee d'Ethnographie, le Trocadero
de la IIIe Republique abritait en effet cette autre invitation au voyage, meme s'il s'agit d'un
voyage moins lointain, le Musee des Monuments Francais. Sans faire de Proust un
ethnographe, la conjonction est significative. Plus d'un depart a dfi se decider au cours
d'une visite a l'un ou l'autre des deux Musees qu'abritait ce batlment aujourd'hui disparu
et dont chacun disait que la chose sans son lieu n'est jamais la chose merne. Ces deux
institutions, dont la contiguite est sans doute accidentelle, exposent le merne deracinernent,
la merne nostalgie d'obelisque (<< les cocotiers absents de la superbe Afrique ). Leur
1. Michel Leiris, Du Musee d'Ethnographie au Musee de l'Hornme . La nouvelle revue fran(;aise, aoGt 1938, n" 299,
p.344.
2. Cite par Walter Benjamin, L'ceuvre d'art au temps de ses techniques de reproduction , in CEuvres choisies, trad.
Maurice de Gandillac, Paris, Julliard, 1959, p. 223.
3. Marcel Proust, A l'ombre des jeunes filles en fleurs, Paris, Gallimard, 1988 [Folio n? 1946), p. 228.
XII
XIII
FlEttmrc''''
A Documents, la nostalgie de la valeur d'usage suit deux pentes differentes. Chez les
ethnologues, elle suit une pente profane et la valeur d'usage renvoie pour eux a l'utilisation
technique, sociale, econornique de l'objet (c'est de vases que parle Griaule, et l'homme
qui s'en sert n'est pas forcernent un pretre). Mais ce n'est pas a ce type de production
materielle que Leiris pense lorsqu'il reproche a l'esthetisme museographique de transformer
un masque ou une statue construite en vue de fins rituelles precises et cornpliquees Ie
vulgaire objet d'art I. Comme chez Proust et Benjamin, la valeur d'usage ici suit une
pente du sacre : l'usage renvoie a la categoric que Bataille explorera sous Ie nom d'usage
improductif. Et c'est autour de ces deux versions, l'une profane l'autre sacree, de la valeur
d'usage que les deux tendances du comite de Documents, l'ethnographie et l'avant-garde,
vont diverger.
D'ailleurs la plus forte critique de la valeur d'echange utilitaire publiee par Documents
ne vient pas d'un ethnographe, mais de Bataille. Sa cible, c'est la commercialisation de
l'avant-garde que Bataille fait commencer, curieusement, en 1928 (est-ce une reference a
la publication du Surreelisme et la peinture 7), date a laquelle les productions de l'avantgarde ont perdu toute valeur d'usage pour entrer a la bourse des valeurs d'echange. Avant
cette date, l'avant-garde se depensait, maintenant elle s'achete. Elle repondait a des
hantises inavouables, non transposees, maintenant elle s'accroche a des presentoirs (<< on
entre chez Ie marchand de tableaux comme chez un pharmacien, en quete de remedes
bien presentes pour des maladies avouables ], Elle qui dispensait des images qui forment
ou deforrnent des desirs reels . elle n'est plus qu'une periode, la plus brillante si l'on
veut, mais rien de plus qu'une periode de l'histoire de l'art. e Je defie, dit Bataille,
n'importe quel amateur de peinture d'aimer une toile autant qu'un fetichiste aime une
chaussure 2. Car l'opposition n'est pas entre science et amateurisme, mais entre
amateurisme et fetichisme, entre la distance de l'amateur et la hantise de l'obsede, Je
defie un amateur d'art moderne de se consumer pour une toile comme un fetichiste Ie fait
pour une chaussure 3.
L'exemple choisi par Bataille, bien que classique, est interessant. Cette chaussure
permet en effet de souligner l'ecart qui se dessine ici entre les deux versions de la valeur
d'usage, celle de Bataille et celie des ethnographes. Car la chaussure est effectivement un
objet utile, un objet qui sert (il sert a marcher, etc.). Mais ce n'est pas pour marcher que
le Ietlchiste utilise la chaussure. Elle a pour lui une valeur d'usage qui commence
paradoxalement (c'est precisernent ce que Bataille appelle ailleurs le paradoxe de l'utilite
absolue ) au moment exact ou elle cesse de marcher, au moment ou elle ne sert plus a
marcher. C'est la valeur d'usage d'une chaussure hors d'usage, On se rappellera que c'est
a l'occasion de chaussures peintes par Van Gogh que Heidegger avait confie a I'ceuvre
1. Michel Leiris, "Civilisation", Documents, septembre 1929, n 4, p. 221-222.
2. Georges Bataille, L'esprit moderne et Ie jeu des transpositions", Documents, 1930, n 7 [489].
Dans une variante manuscrite de cet article, Bataille oppose obsession et hantises " a 1'" esthetisme des amateurs"
(Georges Bataille, CEuvres completes, vol. 1, p. 656.)
3. C'est l'epoque ou Bataille travaille a la valeur d'usage de D.A.F. de Sade dans laquelle il denonce (pour reprendre
I'expression de Jamin) Ie mode d'inemploi " auquel I'admiration des gens de lettres a reduit I'ceuvre de Sade ; la valeur
d'usage de Sade ne doit pas se limiter a la jouissance bibliophilique des amateurs et des connaisseurs. Georges Bataille,
" La valeur d'usage de D.A.F. de Sade , in (Euvres completes, vol. 2, p. 56. Voir aussi, dans Le Bleu du del, in tEuvres
completes, vol. 3, p. 428.
XIV
Ni haut ni bas
La question du document anthropologique (de sa collecte, de sa conservation) occupe
une place centrale dans les sommaires de Documents. La revue d'ailleurs suit attentivement
Ie rearnenagement du Musee d'Ethnographie, entrepris par Georges Henri Riviere sous la
direction de Paul Rivet, son directeur depuis 1927. Dans Ie premier nurnero, Riviere fait
Ie point sur les travaux 3. Deux mois plus tard, c'est Rivet lui-merne qui formule l'ideologie
qui preside a cette reorganisation 4.
Cette ideologie, je l'ai deja dit, est foncierement anti-esthetique. Le Trocadero ne sera
pas plus un musee des beaux-arts que Documents une Gazette des beaux-arts. Pas un
instant Riviere n'envisage de faire concurrence au Louvre. II felicite au contraire Rivet
d'avoir place Ie Musee du Trocadero sous la tutelle du Museum National d'Histoire
Naturelle, l'associant a l'un des premiers corps savants de la Nation, tout en restant
fidele a son objet: l'ethnographie , On remarquera, une fois de plus, que Riviere ne parle
pas d'arts primitifs, mais d'ethnographie. II parle merne de proteger l'ethnographie contre
la mode dont les arts primitifs beneficient dans l'avant-garde. A la suite de nos derniers
poetes, artistes et musiciens, la faveur des elites se porte vers l'art des peuples reputes
primitifs et sauvages. [...] Ceci provoque dans l'ethnographie d'etranges incursions, accroit
une confusion que l'on croyait reduire. [...] Le Trocadero renove pouvait se fonder sur ce
contresens, devenir un Musee des Beaux-Arts ou les objets se repartiraient sous l'egide de
la seule esthetique. Pauvre principe a la verite, qui n'aboutit qu'a distraire du tableau et
au hasard, quelques-uns seulement de ses elements essentiels 5.
1. Pour la place laissee au fetichlsme par ces analyses de Heidegger, Cf. Jacques Derrida, Restitutions , in La verite
en peinture, Paris, Flammarion, 1978, pp. 379 et sq..
2. Georges Bataille, Van Gogh Prornethee (1937), in CEuvres completes, vol. 1, p. 500.
3. Georges Henri Riviere, Le musee d'ethnographie du Trocadero , Documents, avril 1929, n" 1, p. 58.
4. Paul Rivet, L'etude des civilisations materielles : ethnographie, archeologie, prehistoire , Documents, juin 1929,
n 3, p. 132.
5. Georges Henri Riviere, Le musee d'ethnographie du Trocadero . Documents, avril 1929, n? 1, p. 58.
Ethnographie et beaux-arts reievent d'institutions distinctes. Du panorama des cornpetences museographiques que
donne Riviere, on retiendra leurs attributions respectives: au Louvre reviennent les beaux-arts et l'archeologie , au
Trocadero I'Ethnographie , etc. ,
Un rnusee d'ethnographie, precise Riviere, devrait embrasser dans leur ensemble" les civilisations primitives et
archaiques , Car ce sont des societes qui constituent des ensembles; elles sont anterieures a la separation des fonctions
xv
Ce sont en effet les ethnographes qui montent en premiere ligne de la croisade antiesthetique 1. Rivet: II est capital que l'ethnographe, comme l'archeologue, comme le
prehistorien, etudie tout ce qui constitue une civilisation, qu'il n'en neglige aucun element,
pour si insignifiant ou banal qu'il paraisse. [...] Les collecteurs ont commis la faute d'un
homme qui voudrait juger de la civilisation francaise actuelle par les objets de luxe qu'on
ne rencontre que dans un groupe tres limite de la population 2. Griaule : l'ethnographie
doit se mefier du beau, qui est bien souvent une manifestation rare, c'est-a-dire
monstrueuse, d'une civilisation 3. Schaeffner: Nut objet a fins sonores ou musicales, si
primitif , si informe apparaisse-t-il, nul instrument de musique ne sera exclu d'un
classement methodique 4. De merne que le psychanalyste doit preter a tout une attention
egale, de merne que le surrealiste qui ecrit sous la dictee automatique doit laisser passer
tout, de merne le collecteur anthropologique doit tout retenir. Ne jamais privilegier un
objet par ce qu'il est beau , ne jamais en exclure un autre parce qu'il parait insignifiant,
ou repugnant, ou informe.
Rien ne sera exclu, dit Schaeffner. Aucun objet, si informe soit-il ,
Dans le numero de decernbre 1929, Leiris et Griaule consacrent chacun un bref article
au crachat , Est-ce un article ethnographique ou surrealiste ? C'est, selon James Clifford,
l'un et l'autre, un article d'ethnographie surrealiste, L'ethnographe (comme le surrealiste)
est en droit de choquer , Clifford ajoute : Cracher denote une condition fondamentalement
sacrilege. Selon cette definition revue et corrigee, parler ou penser, c'est aussi ejaculer 5.
Cette definition requiert evidemment qu'on puisse l'appliquer a elle-rnerne. L'article
Crachat , faisant ce qu'il dit, doit devenir lui-meme une ejaculation sacrilege. II faut que
l'ethnologue, quand il parle de crachat, choque autant qu'il le ferait en crachant. D'ou le
recours au droit de choquer. Aussi a-t-on affaire ici a un article (qu'on prenne le mot dans
Ie sens qu'on voudra) d'un type sensiblement different de ceux dont il a ete question
jusqu'a present.
Trente ans plus tard, apres la mort de Bataille, c'est par ce changement de registre
que Leiris caracterisera la courbe suivie par Documents. L'irritant et l'heteroclite, si ce
n'est I'lnquietant devinrent, plut6t que des objets d'etude, des traits inherents a la
propre aux societes plus evoluees > : pour les societes primitives, Ie meme etabllssement servira done 11 la fois de
Musee des Beaux-Arts, de Musee du Folklore et de Conservatoire des Arts et Metiers ,
Ce ne sont probablement par les surrealistes qui reclamaient l'entree au Louvre des arts primitifs. En 1930, apres
l'exposition de la Galerie Pigalle, Paul Guillaume, deplorant Ie culte de l'exotique et du sauvage auquel Ie surrealisme a
fait aboutir la mode des arts primitifs, declarera I'art negre mflr pour Ie Louvre.
1. Desnos exprime une resistance identique 11 I'endroit d'une autre esthetisation, celie dont beneficie (ou souffre)
l'imagerie populaire: ce sont les manifestations populaires qui patissent Ie plus de ces vogues soudaines (Robert
Desnos, Imagerie moderne , Documents, decernbre 1929, n" 7; p. 377). Merne note chez Bataille: de tres miserables
esthetes, en quete de placer leur chlorotique admiration, inventent platement la beeute des usines (Georges Bataille,
Cheminee d'usine , Documents, novembre 1929, n? 6, p. 329).
2. Paul Rivet, L'etude des civilisations materielles : ethnographie, archeologie, prehistoire , Documents, juin 1929,
n? 3, p. 133.
3. Marcel Griaule, Un coup de fusil , Documents, 1930, n? 1, p. 46.
4. Andre Schaeffner, Des instruments de musique dans un rnusee d'ethnographie I), Documents, octobre 1929, n? 5,
p. 252.
5. James Clifford, On Ethnographic Surrealism , Comparative Studies in Society and History, October 1981, p. 52
(<< The ethnographer, like the surrealist, is licensed to shock ],
Le mot sacrilege vient de I'article de Leiris qui ecrlvait : Le crachat est un comble en tant que sacrilege (Michel
Leiris, Crachat , Documents, decembre 1929, n? 7).
XVI
Licensed to schock
Mais, precisernent, dit Clifford, l'ethnographe, comme Ie surrealiste, a Ie droit de
choquer.
II ne connait qu'un principe. Tout montrer. Tout reIever. Tout dire. Tout est a sa
place quand les choses se passent au museum. Le Musee de l'homme sera Ie Musee du
tout de l'homme. Nihil humani alienum. Aucun objet, si informe apparaisse-t-il, ne sera
exclu. Tout ce qui est merite d'etre documente. II y a une forme de compassion, un
mouvement de charite episternologique, dans ce parti pris des petites choses. La science
console les humbles realites de mepris que leur oppose l'elitisme des esthetes. Clifford en
conclut que l'ethnographie a en commun avec Ie surrealisme l'abandon de la distinction
entre Ie haut et le bas de la culture 3. Et de l'abandon de cette distinction decoulerait
que Ie bas ne choque plus.
D'Espezel ne partage pas cet avis. II n'avait pas encore lu l'article Crachat ,
II y a quelque chose de nietzscheen dans ce projet de dire oui a tout. De vouloir ce
qui est dans sa totalite. De dire oui sans choisir a ce qu'on n'a pas choisi. De reaffirrner,
chose apres chose, la totalite de ce qui est dans l'etalage ontologique d'un rnusee sans
reserve. Mais I'eternel retour de tout a un prix. Nul n'affirme Ie tout innocemment.
Dans Ie merne numero que l'article Crachat de Griaule et Leiris, Bataille publie
Informe , qui lui fait echo en particulier avec son theorerne final: Affirmer que l'univers
ne ressemble a rien et n'est qu'informe revient a dire que l'univers est quelque chose
comme une araignee ou un crachat 4. Informe : c'est le merne mot que chez Schaeffner,
mais il a perdu l'hurnilite qu'il avait sous la plume de l'ethnographe. Agrandi, comme
l'ennui baudelairien, a des dimensions cosmiques, il nomme maintenant la monstruosite
irnpresentable du tout. II ne s'agit plus de montrer a quai tout, y compris l'informe,
ressemble, c'est le tout qui, parce qu'il est informe, se charge d'une monstruosite
1.
2.
3.
4.
Michel Leiris, De Bataille !'Impossible 11 !'impossible Documents , Brisees, Paris, Mercure de France, 1965, p. 261.
Michel Leiris, Metaphore , Documents, juin 1929, n'' 3, p. 170.
Clifford, On Ethnographic Surrealism , p. 49.
Georges Bataille, Informe .., Documents, decembre 1929, n" 7, p. 382.
XVII
inexposable. II ne ressemble a rien. C'est un tout sans exemple. L'informe (trop present
pour etre presentable) ne se laisse plus contenir. Place en abyme, il destabilise la difference
entre objet et monde, entre partie et tout. Une fois de plus, le front commun de l'avantgarde et de l'ethnographie se defait. Les memes mots n'accomplissent pas partout les
memes besognes. La valeur d'usage du mot informe n'est pas la merne lorsque c'est
Schaeffner ou lorsque c'est Bataille ou Leiris qui l'utilisent. Ce que Schaeffner veut, c'est
classer meme l'informe ; alors que l'informe, pour Bataille, declasse , D'un cote la loi du
sans exception, de l'autre celIe d'une exception absolue, d'un unique sans proprietes.
Licence d'ethnographe
Clifford insiste sur !'importance qu'a eu l'enseignement de Mauss pour Documents.
Mais le Mauss qu'il cite n'est pas celui des grands textes (Ie don, Ie sacrifice, les variations
saisonnieres, etc.), c'est l'auteur de la communication sur les techniques du corps
- posterieure a Documents: elle date de 1934 -, un texte qui par beaucoup d'aspects
recoupe (sans les aborder) les problernes de museographie si importants pour Documents.
II se trouve d'ailleurs que, parmi les techniques du corps mentionnees par Mauss, il y
a celle du crachat. Mais c'est un crachat qui n'est pas sacrilege, il est therapeutique (il
figure sous la rubrique des soins de la bouche). La chose peut done se faire et se dire de
la maniere la plus appropriee. Et d'ailleurs, si jamais il y avait une faute a racheter,
l'ethnographe est la, pret a payer. Ce crachat pasteurise dispense Mauss d'invoquer Ie
droit de choquer de l'ethnologue 1.
Mais pour Bataille et Leiris l'hygiene n'excuse rien. Au contraire, elle est leur bete
noire. Le mot hygiene , sous leur plume, a precisement l'impact d'un crachat. La salete
1. Soltis de bouche. - Technique du tousser et du cracher. Voiei une observation personnelle. Une petite fille ne
savait pas cracher et chacun de ses rhumes en etait aggrave. Je me suis informe. Dans Ie village de son pere et dans la
famille de son pere particulierement, au Berry, on ne sait pas cracher. Je lui ai appris it cracher. Je lui donnais quatre
sous par crachat. Comme elle etait desireuse d'avoir une bicyclette, elle a appris it cracher. Elle est la premiere de la
famille it savoir cracher , (Marcel Mauss, Les techniques du corps ", in Anthropologie et Sociologie, Paris, Presses
Universitaires de France, 1960, p. 383). Cet article est posterieur de plusieurs annees it celui de Griaule et Leiris.
Clifford ne mentionne pas cette reference au crachat. Mais il eite "la rubrique qui la suit : "Hygiene des besoins
naturels. - lei je pourrais vous enurnerer des faits sans nornbre (Clifford, p. 47). Mauss dit qu'i! Ie pourrait mais i! ne
Ie fait pas. Pudeur? L'ethnographe hesite-t-il it utiliser son droit de choquer? ne se sent-il pas, comme dit Clifford,
licensed to shock?
C'est avec les problernes poses par la documentation museographique des techniques du corps que Levi-Strauss
commence son introduction it l'oeuvre de Mauss (pp. XI-XIV) : Nous collectionnons les produits de l'industrie humaine ,
remarque-t-il, mais ne faisons rien pour le corps. Aussi suggere-t-il la constitution d' Archives internationales des
Techniques corporelles. Et donne it titre indicatif une breve liste desdites techniques. La premiere mentionnee concerne
la position de la main dans la miction chez l'homme , un geste qui releve de cette hygiene des besoins naturels sur
laquelle Mauss aurait pu enumerer des faits sans nombre. Cet exemple n'est pas indifferent. II temoigne de la proximite
du tabou et de la valeur d'usage. Et constitue it ce titre Ie negatif anthropologique de ce que la Fontaine de Marcel
Duchamp a ete du cote de l'avant-garde. Le jour ou les musees des beaux-arts et les musees d'anthropologie fusionneront,
I'inexposable position de la main de l'homme dans la miction pourraenfin rencontrer I'inutilisable Fontaine de Duchamp.
En attendant ce jour, ils poursuivent en chien de faience, aussi separes qu'Achille et sa tortue, leur sape contre les
valeurs d'exposition.
Voir aussi les reflexlons sur les musees d'anthropologie dans Ie chapitre final d'Anthropologie structurale, ou LeviStrauss examine Ie statut des musees d'anthropologie: "i! ne saurait s'agir exclusivement de recueillir des objets ,
p, 413 ; aujourd'hui, les hommes tendent it remplacer les objets, p. 414 (Claude Levi-Strauss, Anthropologie structurale,
Paris, Pion, 1958).
XVIII
est Ie propre de l'homme, d'ou il suit que moins une chose est propre, plus elle est
humaine. Et inversement. Leiris formule l'equation en toutes lettres. Pariant de nu tel que
Ie representait la peinture academique, il le declare propre et ratisse, et en quelque sorte
desliumenise 1. La merne equation est impliquee par la formule ou Bataille declare que
Ie gros orteil est la partie la plus humaine du corps humain : la plus humaine, preciset-il, parce que la plus sale, celie qui est soumise a la salete la plus ecoeurante 2.
Il ne s'agit pas ici, comme avec les ethnographes, de la rehabilitation des humbles.
Tout se dit. Mais dans Ie tout de Bataille il reste de l'inavouable. Pour le dire, il faut
exposer un tabou et, en l'exposant, s'y exposer. Ce qui induit une depense, fait passer la
communication du niveau de la valeur d'echange a celui de la valeur d'usage. Ou, pour
le dire autrement, reintroduit l'interdit dans la science. Il faut tout dire, oui, mais a la
condition que tout ne puisse pas se dire. L'imperatif categorique ici est pris dans un
tourniquet ou le tu dois a peine forrnule donne lieu a un done tu ne peux pas ,
L'avant-garde ne veut pas du droit de choquer que lui offrent les ethnographes. Si
quelqu'un se formalise, on montre son permis. Licence d'ethnographe? Mais que serait
un sacrilege dans les limites de la simple raison?
,
Ecarts
Griaule, Rivet, Schaeffner reprochaient aux esthetes de sortir de la moyenne. En
selectionnant le beau, ils privilegient Ie rare, done le monstrueux. La position de Bataille
est exactement inverse. Dans Les ecarts de la nature , la beaute se trouve non plus du
cote des exceptions, mais du cote de la norme statistique : La beaute, ecrit-il, serait a la
merci d'une definition aussi classique que celie de la commune mesure 3. Aussi la
teratologic (science des ecarts de la nature) est-elle la piece decisive de son esthetique.
Mais cette teratologie implique que soient inverses les rapports du monstrueux et de la
laideur : alors que les ethnologues ecartent la beaute parce qu'ils la jugent statistiquement
monstrueuse, Bataille privilegie le monstrueux parce qu'il le juge esthetiquement laid. Sa
definition du monstrueux n'est plus statistique, elle est strictement esthetique. S'il le
privilegie, ce n'est pas en raison de sa rarete. Au contraire, loin de l'opposer au normal, il
en fait le cceur de la definition de l'indlvldualite (l'impossible est quotidien) : etant donne
Ie caractere commun de l'incongruite personnelle et du monstre , l'individu est en tant
que tel le lieu de tous les ecarts ". Bataille s'oppose bien a la commune mesure, mais ce
n'est pas au nom d'une dernesure romantique, c'est au nom de quelque chose comme
une tres ordinaire dernesure, une tres commune absence de commune mesure. Dans
Figure humaine , l'espece elle-rneme est decrite comme une juxtaposition de monstres 5.
Aussi est-ce precisement autour du concept d'ecart que l'ecart le plus grand se dessine
entre les deux tendances motrices de Documents, les ethnographes et les anti-esthetes.
Les ethnographes veulent le continu, Bataille veut la rupture. Ils veulent reconstituer les
contextes pour que tout apparaisse a sa place, alors qu'il charge le document d'exposer
1.
2.
3.
4.
5.
XIX
--'-. -,--,,~.
"
.~.~.
-_."-
l'incongrulte radicale du concret: tout d'un coup, les etres les plus ordinaires ne
ressemblent a rien, cessent d'etre a leur place. On se demande qui est responsable pour
la publication dans Documents de la Crise de la causalite ou Hans Reichenbach denonce
dans Ie determinisme une fausse idealisation: chaque evenernent est un coup de
des, ajoute-t-il '.
Cet ecart (1' hiatus irrationaiis) est l'une des pieces decisives de l'ideologie esthetique
de Documents. Avec la peinture moderne, dit Carl Einstein, on est place en dehors du
normal. [...] On a ecarte la monotonie biologique . La vitesse de l'imagination de Picasso
depasse Ie conservatisme biologique 2. L'art moderne commence au moment precis ou
les memes causes cessent de produire les memes effets. II dejoue la reproduction du
semblable, I'engendrement du merne par Ie merne, la loi de l'hornogeneite biologicoesthetique. En d'autres termes, Ie beau est toujours Ie resultat d'une ressemblance. Alors
que la laideur (comme l'informe) ne ressemblea rien. C'est sa definition. Son espace est
celui de l'avortement. Elle n'arrive jamais a s'elever jusqu'au stade du double, de l'image,
de la reproduction (du typique et du caracteristique). Elle reste un cas. Mais l'esthetique
de Documents inverse les jugements de valeur relatifs a ces definitions. C'est a defaut de
!'impossible copie du laid que la beaute surgit, une beaute qui n'est plus que Ie resultat
ou Ie residu de l'echec de la reproduction du laid. Pour cette esthetique de l'ecart, qui est
avant tout une anti-esthetique de l'intransposable (une resistance a la transposition
esthetique), il est secondaire que Ie laid soit un echec de la reproduction (ce ne sont pas
les ecarts de la nature qui seraient des echecs de la nature), l'essentiel est que Ie beau luimerne soit un echec de la non-reproduction. Une reproduction qui ne serait pas arrivee a
echouer jusqu'au bout. Une depense qui n'aurait pas eu lieu sans reserve. La valeur
d'usage n'aurait pas ete totalement consumee sur place. L'avortement d'un avortement.
xx
Cette promotion du document entre dans le cadre d'une condamnation plus generale
de l'imagination qui fait partie de l'inspiration moderniste. C'est a elle, par exemple, que
Leiris rattachera son projet autobiographique. Dans De la litterature consideree comme
une tauromachie , il insiste sur le fait que L'Age d'homme n'est pas une ceuvre de
fiction: c'est la negation d'un roman , Comparant son autobiographie a une sorte de
collage surrealiste ou plutot de photo-montage, il la presente comme une collection de
pieces a conviction: aucun element, dit-il, n'y est utilise qui ne soit d'une veracite
rigoureuse ou n'ait valeur de document 1. La meme inspiration docurnentaire avait
pousse Bataille a ajouter a Histoire de l'oeil un chapitre final de Coincidences: ces
souvenirs permettent de diminuer la part prise par la liberte de l'imagination dans
l'invention romanesque 2.
En ce sens, Documents n'est pas une revue surrealiste.
C'est une revue agressivement realiste ".
La seule imagination me rend compte de ce qui peut etre ecrivait Breton dans le
Manifeste de 1924 4 Mais Documents ne veut ni l'imagination ni le possible. La
photographie y prend la place du reve. Et si la metaphore est la figure la plus active de la
transposition surrealiste, le document en constitue la figure antagoniste, agressivement
anti-rnetaphorique. Avec lui, l'impossible, c'est-a-dire le reel, chasse le possible.
2. Bataille manifestera la meme insistance, plus tard, dans La tragedie de Gilles de Rais : De telles scenes ne sont
pas l'oeuvre d'un auteur. Elles ont eu lieu ,
3. Les professions de foi realistes sont nombreuses. Par exemple, de Leiris: c'est done a mon avis cornmettre un
contresens complet qu'oublier Ie caractere foncierement reeliste de l'ceuvre de Picasso (Michel Leiris, Toiles recentes
de Picasso , Documents, 1930, n? 2, p. 62).
Cf. aussi Georges Ribemont-Dessaignes : Je suis realiste. [...] II y a des personnes qui parlent de Ce-qui-existe, et de
Ce-qui-n'existe-pas, et qui ne croient qu'a ce dernier en lui deniant toute existence. [...] Elles ne sont que surrealistes ,
Un peintre est toujours un realiste, Je n'en connais point qui ne Ie soit pas. Tant pis pour les surrealistes : qu'ils
abandonnent tout commerce avec la peinture (Georges Ribemont-Dessaignes, Giorgio de Chirico , Documents, 1930,
n 6, pp. 337, 338).
Et Desnos, dans un compte rendu de la Femme 100 teres: Pour Ie poete, il n'y a pas d'hallucinations. II yale
reel , Robert Desnos, La femme J 00 tetes, par Max Ernst , Documents, 1930, n" 6, p. 238).
4. Andre Breton, Manifeste du surreelisme, tEuvres completes, vol. 1, Marguerite Bonnet, ed., Paris, Gallimard, 1988,
p.312.
5. Roland Barthes, Les sorties du texte , Bstsille (Paris: UGE, 1973), p. 62.
XXI
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reels. Pas un instant Bataille n'oppose, comme les marxistes, fetichisme et valeur d'usage
(il n'y a pas pour lui de fetichlsme de la marchandise); quand il invoque Ie Ietichlsme,
c'est au contraire toujours contre la marchandise. Le fetiche est l'objet irremplacable,
intransposable. Je defie, ecrit Bataille, n'importe quel amateur de peinture d'aimer une
toile autant qu'un fetichiste aime une chaussure 1. Et Leiris commence son article sur
Giacometti en opposant Ie fetichisme vrai (fetichisme non deguise ) a ce qu'il appelle Ie
fetichisme transpose (ou mauvais fetlchisme) des ceuvres d'art: C'est a peine si, dans
Ie domaine des ceuvres d'art, on trouve quelques objets (tableaux ou sculptures) capables
de repondre a peu pres aux exigences de ce vrai Ietlchisme 2. Le fetiche transpose est
precisement celui qui a ete mis hors d'usage pour entrer sur le marche, celui qui a ete
degrade en marchandise. Celui dont on ne se sert plus mais que l'on collectionne. Les
objets surrealistes de Giacometti seraient, d'apres Leiris, les premiers vrais fetiches a etre
reapparus depuis longtemps dans l'atelier d'un artiste parisien. II est significatif que, dans
Documents, ce ne soient pas les ethnographes qui utilisent ce concept qui pourtant renvoie
aux religions primitives.
En avril 1929, Emmanuel Berl avait publie son pamphlet, Mort de fa pensee
bourgeoise. Mort de fa mort bourgeoise devait suivre quelques mois plus tard. Bergson,
Proust, les surrealistes, tout Ie monde y passe: La conclusion, intitulee Defense du
materialisme , propose un materialisme qui merite la qualification bataillienne de bas
materialisme, un materialisme d'une bassesse agressive que Berl presente comme l'arme
proletarienne par excellence, la seule arme de quelque poids contre Ia bourgeoisie. Ses
termes rappellent singulierernent l'article Materialisme publie par Bataille quelques mois
plus tot, dans Ie nurnero de juin 1929 de Documents. Berl ecrit que Ie materialisme ne
consiste pas a donner une valeur ontologique a Ia matiere pour Ia refuser a tout Ie reste,
mais a chercher d'abord, dans l'infinite des causes qui provoquent un phenornene, les
causes les plus simples et Ies causes Ies plus basses. [...] Le materialisme, continue-t-il, est
done une certaine maniere de deprecier, II signifie UI1 certain gout de Ia depreciation 3.
On reconnait la definition de Bataille qui commence son article par une attaque contre les
materialistes qui ont soumis Ia matiere elle-merne a l'exigence idealiste du devoir-etre, au
point de lui substituer une forme ideele de la matiere, une forme qui se rapprocherait
plus qu'aucune autre de ce que Ia matiere devrait etre 4.
1. Georges Bataille, L'esprit moderne et Ie jeu des transpositions ", Documents, 1930, n'' 8 [489].
Pourtant ces ersatz que sont, aux yeux de Bataille, les oeuvres d'art sont aussi indelogeables que des catachreses :
rien de vraiment nouveau ne peut encore les remplacer , ecrit Bataille a propos de ces irremplacables rernplacants.
(Bataille, L'esprit moderne et le jeu des transpositions , Documents, 1930, n" 8, p. 49).
2. Michel Leiris, Alberto Giacometti , Documents, septembre 1929, n 4, p. 209.
3. Emmanuel Berl, Mort de la morale bourgeoise, 1929; Paris, Jean-Jacques Pauvert, 1965, p. 174.
Avec en toile de fond la crise du surrealisrne, un bref dialogue s'esquisse entre Ber! et Bataille. Dans Conformismes
freudiens , Ber! cite Bataille a l'occasion d'une discussion de ce qu'il appelle Ie fetichisme contemporain. Le phallus
remplace alors la feuille de vigne. Ni plus ni moins. Et pour parler Ie langage de Georges Bataille, l'ideallsrne grangrenant
Ie fetiche en fait un devoir etre". (Formes, n? 5, avril 1930).
La denonciation du devoir etre inspire beaucoup des sarcasmes anti-surrealistes de Bataille : Si l'on dit que les fleurs
sont belles, c'est qu'elles paraissent conformes ce qui doit etre (Georges Bataille, Le langage des fleurs , Documents,
1930, n" 3, p. 162) ; et l'espace ferait beaucoup mieux, bien entendu, de faire son devoir" (Georges Bataille, Espace ",
Documents, 1930, n 1, p. 41). Au contraire, chez Breton: A nous de lui opposer en commun cette force invincible qui
est celle du devoir-Sire, qui est celle du devenir humain (Andre Breton: Position poJitique du surreslisme, in Manifestes
du surreslisme, Paris, Jean-Jacques Pauvert, 1962, p. 274).
4. Georges Bataille, Materialisme , Documents, juin 1929, n 3, p. i 70. Bataille reviendra sur cette critique du
materialisme ontologique dans Le bas materialisme et la gnose (Documents, 1930, n" 1, p. 1).
XXII
Reimpression
La signification de la reimpression n'est pas la meme selon qu'il s'agit d'un livre ou
d'un periodique. On reedite un roman, parce qu'il a du succes ou que le moment est
venu de le redecouvrir. Habent sua tete libelli. S'agissant d'un journal, la transposition de
l'aoriste a l'imparfait altere le satut textuel de l'objet. La revue est transforrnee en
document. Publier en 1990 un fac-simile des Fliegende Blatter de 1929-1930, la chose
ressemble par plus d'un cote a l'exposition d'une ceuvre d'art primitif dans un musee
parisien, qu'il soit de l'homrne ou du Louvre. Carpe diem. Cueillez des aujourd'hui les
journaux du matin.
Mais c'est aux kamikaze, aux passantes de l'avant-garde, celles qui n'ont pas passe
deux saisons, que revient le reprint d'honneur. Elles ont dure si peu qu'on les rappelle.
Le reprint recupere, contre son gre, ce qui n'avait pas voulu de la survie. Documents, par
exemple. Place, comme Leiris l'a dit sous le signe de l'impossible, c'etait une revue qui
ne se destinait pas a faire long feu. Le contrat ideologique semblait etre une esthetique de
l'irrecuperable. Aussi y a-t-il dans sa reedition, phenix malgre lui, quelque chose de merne
nature que par exemple la transformation d'abattoirs en pare naturel. Nous autres
civilisations nous aurions tant voulu pouvoir etre mortelles. Mais on a perdu la Ioi. Ceci
ne tuera pas cela. Qui aujourd'hui se battrait, comme le Hugo des Mains sales, pour le
droit a l'irrecuperable ? Ou comme la Judith de Giraudoux quand elle realise avec horreur
1. La matiere, ecrit Berl, c'est ce qui ne dure pas. [...] Le materialisrne refuse done toutes les valeurs de permanence,
tout ce qui s'accroche 11 la duree (Emmanuel Berl, Mort de la morale bourgeoise, Paris, Jean-Jacques Pauvert, 1965,
p. 174.
XXXIII
que les inavouables plaisirs que lui a fait connaitre Holopherne sont sous passe d'etre
transforrnes en histoire pieuse, en legende ediflante. D'etre donnes en exemple.
....
--
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12 Avril 1929
3 Mai
17 Mai 1929
19 Avril 19 29
10
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19 29
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