Molière Le Malade Imaginaire

Télécharger au format pdf ou txt
Télécharger au format pdf ou txt
Vous êtes sur la page 1sur 3

Molière le malade imaginaire:

Contexte:

Les relations entre Louis XIV et Molière, contrairement à ce que l’on pense, sont aussi
bonnes qu’auparavant. Plusieurs raisons expliquent pourquoi Molière n’a pas été invité à la
Cour pour présenter sa nouvelle comédie:
- Au mois de mars 1672, Lully obtient le privilège de l’Académie royale de musique,
lui donnant le monopole des pièces musicales. (C’est donc à lui que Louis XIV
commande le grand spectacle du carnaval de 1673, qui s’étend de l’Epiphanie au
Carême)
- La mort du 4e enfant légitime de Louis XIV le 4 novembre 1672 et le deuil décrété
par la Cour qui suspend les divertissements jusqu’à nouvel ordre.
Ainsi, Molière construit sa pièce à La Ville, ce n’est que le 19 Juillet 1674, près d’un an
après la mort de Molière que le Malade imaginaire est joué à Versailles devant le roi.
Elle a eu lieu dans un théâtre de verdure, devant la façade de la grotte de Thétis. La façade
de cet ornement des jardins de Versailles a aujourd’hui disparu (la grotte a été détruite en
1684).

Mise en scène:

La comédie-ballet présente un système de décors hybride, qui mêle des pratiques qui sont
celles de la tragédie à machines et des opéras, avec au moins un décor différent pour le
prologue et chacun des actes et celles de la comédie « unie », fondées sur le décor unique.
Ce décor unique, pour la comédie de l’époque de Molière, prend la forme soit de la salle
d’un logis bourgeois, soit du carrefour urbain.
On trouve une combinaison de ces deux décors dans Le Malade imaginaire, avec la
chambre d’Argan, dans laquelle se déroulent les trois actes parlés, et le décor de rue ou
carrefour urbain utilisé pour le premier intermède. Le prologue était doté d’un décor
indépendant, grand décor de verdure incluant un arbre articulé.
Ces décors étaient généralement des toiles peintes fixées sur des châssis en bois en
nombre pair, disposés face à face de manière à produire un effet de perspective et fermés
par une grande toile de fond de scène. Le Malade imaginaire imposait cependant trois
changements de décor : entre le prologue et le premier acte, entre le premier acte et le
premier intermède puis entre le premier intermède et le deuxième acte. Ces changements
s'effectuent à vue, grâce à la présence de rails sur lesquels étaient posés les châssis et
autres éléments du décor, ce qui permettait de les faire coulisser au moyen de câbles
actionnés par des machinistes depuis la coulisse (qui tire son nom de cette opération !) et de
les remplacer très rapidement par le décor suivant. Pour le dernier intermède, Molière
imagine un changement de décor original : ce sont les danseurs euxmêmes, costumés en «
tapissiers », qui viennent préparer la salle où aura lieu la cérémonie d’intronisation.

Les costumes ou « habits de théâtre » sont à la charge des comédiens. La conception et la


réalisation des costumes de ballet sont, en revanche, confiés à des tailleurs payés par le roi
et, exceptionnellement dans le cas du Malade imaginaire, par la troupe, pour deux raisons :
les danseurs doivent changer de costume plusieurs fois pendant le spectacle ; il est
nécessaire en outre que ces costumes soient unifiés. Comme les costumes des danseurs
étaient coûteux, ils étaient souvent réemployés.
Costume d’Argan: il était composé d’ « un manteau de pluche couleur de rose doublé de
fourrure blanche » et d’« un bonnet de panne couleur de rose garni de dentelle », soit la
tenue d’un malade gardant la chambre… (édition de 1682).

Musique:

La rupture avec Lully oblige Molière à trouver un autre musicien pour ses nouveaux projets.
C’est alors qu’il se tourne vers Marc-Antoine Charpentier, fraîchement arrivé de Rome où il
a séjourné trois ans. À son retour, il est accueilli à Paris par l’illustre Mademoiselle de Guise
qui va être sa principale mécène pendant près de vingt ans. C’est d’ailleurs probablement
par son intermédiaire, en raison de liens familiaux et amicaux communs entre les familles de
Guise et de Molière, que Charpentier est présenté à Molière : un compositeur partisan du
style italien avait tout pour lui plaire. Charpentier est alors un jeune compositeur qui n’a écrit
jusque-là que de la musique religieuse. En 1672, le musicien compose de nouvelles
musiques pour les reprises de pièces comme Les Fâcheux, Le Mariage forcé ou Psyché.
Mais sa première véritable création est Le Malade imaginaire. Inconnu du public,
Charpentier est acclamé pour sa contribution au Malade imaginaire et poursuit, après la
mort de Molière, sa collaboration avec le Théâtre Français jusqu’en 1685.

Intermèdes:

Les liens entre la comédie et les intermèdes ne sont pas toujours évidents. Le premier
intermède, par exemple, est amené d’une manière assez artificielle ; on y voit l’intervention
d’un personnage de la comédie italienne, Polichinelle, qui est amoureux de Toinette
(servante d’Argan dans la pièce) et qui veut la séduire par une sérénade. Ce n’est qu’un
prétexte pour ce qui va se dérouler par la suite et qui n’a pas grand chose à voir avec la
pièce. En revanche, le second intermède est introduit par Béralde qui veut distraire, voire
soigner, son frère en lui offrant un divertissement. Le troisième intermède ou « cérémonie
des médecins » est celui qui s’intègre le mieux à la comédie puisque la réception d’Argan
dans le corps des médecins ridiculisés dans toute la pièce est la condition nécessaire au
mariage de Cléante et d’Angélique.

Danse et Comédie-Ballet:

Pierre Beauchamp était l’un des plus grands danseurs de son époque : maître à danser, il
avait fait son chemin à la Cour dans les divertissements du roi depuis 1648, on dit même
qu’il avait donné des leçons à Louis XIV. En 1661, il a composé toute la musique et les
ballets des Fâcheux. Il collabore ensuite régulièrement avec Molière pour les
comédies-ballets à la Cour, puis dans son théâtre parisien. Pour Le Malade imaginaire il
crée des entrées de danses pittoresques, typiques du ballet : il règle ainsi toutes les actions
« en cadence » qui ponctuent le spectacle, dont celle des archers : les bergers qui se
placent autour de Flore, les archers , les tapissiers qui installent la salle, les médecins qui
entrent et sortent et dansent au son des claquements de main et des mortiers, etc .

Toutes ces « entrées de ballet » forment un contraste agréable car le maître mot du ballet,
au XVIIe siècle, est la variété avec les « vraies danses » elles-mêmes très diversifiées avec
les jeux joyeux des bergers du prologue et avec la danse lente des Maures du IIe intermède.
Par exemple on peut penser que les singes des Maures étaient interprétés par des
danseurs, c’est une pantomime comique qu’on trouve dans les ballets depuis le début du
XVIIe siècle !

L’un des grands plaisirs du Carnaval (version élaborée de la “mascarade”) était que les gens
se déguisaient, et allaient en bande dans les bals organisés toutes les nuits durant la
période qui va de l’Épiphanie au Carême, et en plein durant laquelle est créé Le Malade
imaginaire le 10 février. Voilà pourquoi dans la pièce, Béralde, le frère d’Argan explique qu’il
a « rencontré » des « Égyptiens », aujourd’hui nous dirions des Roms, qui étaient connus
pour leurs mœurs étranges et inquiétantes (sous le règne de Louis XIV on les condamne
régulièrement aux galères au titre de vagabonds, maraudeurs, diseurs de bonne aventure,
comme dans Le Mariage forcé, et on les accuse aussi de voler les enfants, comme la
Zerbinette des Fourberies de Scapin) mais aussi pour leurs habits bariolés .
Ici ils sont encore « vêtus en Mores », c’est-à-dire déguisés en Africains du nord !

Au départ, l’idée était de mettre de la comédie dans un ballet : si on raisonne dans ce sens,
on comprend que la danse et ce qui lui est associé naturellement au XVIIe siècle, les
costumes, les déguisements, sont l’ingrédient le plus important du spectacle. On a donc
beaucoup de danses « agréables » : les bergers du prologue, les Maures, mais aussi des
danses très burlesques, comme celle des singes ou celle des médecins, qui en plus dansent
sur des claquements de main et des bruits de mortiers qui servent à fabriquer les remèdes,
donc sur des bruits familiers. Le public adorait ça : on sait qu’on a rajouté des danses au fur
et à mesure des reprises du spectacle. Parallèlement, il y a beaucoup de danses dans les
intermèdes qui sont en fait des actions « en cadence », c’est-à-dire que le mouvement
naturel est stylisé, et les danseurs effectuent de manière réglée sur le rythme de la musique.
Par conséquent il y a une continuité physique, rythmique, entre les danseurs et les acteurs,
qui contribue à faire que la violence de certaines actions soit atténuée : par exemple la
bastonnade de Polichinelle prépare la scène où Argan menace de donner le fouet à
Louison. Cela contribue à donner une forme agréable à ce qui est au premier abord
franchement pénible mais aussi, en déréalisant ces actions, à montrer qu’on est au théâtre,
et que tout cela est pour rire

Vous aimerez peut-être aussi