Chap5-Fabrication Des Émulsions - SAA - 21 - 22

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CHAPITRE 5 : FABRICATION DES EMULSIONS

1. FORMULATION D'UNE EMULSION

Cette partie présente les différentes étapes de la fabrication d'une émulsion. En effet,
en fonction de la nature de l'émulsion que l'on souhaite obtenir, la fabrication
implique une série de choix tels que :

- Le type d'émulsion (E/H ou H/L).

- Les ingrédients (nature des 2 phases, tensioactifs émulsifiants,


concentration, additifs, etc.)

- Le procédé (ordre d'incorporation des ingrédients, vitesse d'agitation, température


d'émulsification et de refroidissement, etc.)

Pour réaliser une émulsion, deux liquides non miscibles sont nécessaires : une
phase non polaire appelée phase grasse et une phase polaire ou phase aqueuse.

Sachant que la phase hydrophile est composée d'eau (ou d'eau florale, de glycérine,
etc.), la première étape est la sélection des ingrédients de la phase lipophile. Le
choix de ces ingrédients se fait selon :

- les propriétés physico-chimiques des ingrédients déterminants le sens de


l'émulsion (E/H, H/E, viscosité, solubilité, etc.).

- le coût et la disponibilité des ingrédients présents sur le marché.

- les ingrédients autorisés ou interdits selon le secteur d'utilisation.

1.1. Les ingrédients de la phase grasse

La phase lipophile, huileuse peut se composer de différents éléments liposolubles


(solubles dans l’huile) comme :

Les cires qui sont des corps gras solides à température ordinaire et qui
fusionnent (deviennent liquides) en générale au-dessus de 50°C.

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 Cires animales comme la cire d’abeille, le blanc de baleine.
 Cires végétales comme le carnauba issu du palmier brésilien.
 Cires minérales comme la paraffine issue de la séparation de produits
pétrolifères, l’ozokérite, ou autres cires fossiles.
 Cires synthétiques comme les esters gras solides, dites aussi cire
purcelin.

Les graisses qui sont semi-solides à T° ordinaire, elles ont un point de fusion
plus faible.

 Graisses animales comme la lanoline issue de la laine de mouton, le suif


de bœuf, le jaune d’œuf.
 Graisses végétales comme le beurre de cacao ou de karité.
 Graisses minérales comme la vaseline blanche.
 Graisses synthétiques comme les esters gras, palmitate d’isopropyl.

Les huiles qui sont liquides à T° ordinaire.

 Huiles animales comme l’huile de foie de requin, l’huile de vison, l’huile de


tortue.
 Huiles végétales comme celles d’arachide, d’olive, d’amande douce, de
germe de blé, de maïs, de soja, d’avocat…
 Huiles minérales comme celle de vaseline, de paraffine.
 Huiles synthétiques comme les esters d’acide gras (myristate d’isopropyl),
les alcools gras (alcool oléique).

Les composants liposolubles que l’on incorpore aux émulsions, qui sont des
principes actifs, comme :
 Le carotène,
 Les insaponifiables de soja, de luzerne, d’avocat,
 Les vitamines liposolubles (A, D, E, K, F).
 Les parfums,
 Les antioxydants,
 Certains conservateurs antimicrobiens,
 Certains émulsifiants.

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1.2. Les ingrédients de la phase hydrophile ou aqueuse

L’eau sert de solvant, on y trouve de nombreux éléments hydrosolubles


(solubles dans l’eau) comme :

Les humectants qui empêchent l’évaporation de l’eau et donc la


déshydratation.
Ils augmentent le mouillage, c’est-à-dire le contact entre émulsion et la surface
où on l’applique.

 Le glycérol
 Les polyalcools

Les conservateurs, tels que les antimicrobiens hydrosolubles.

Les antioxydants

Des principes actifs hydrosolubles comme :

 Les vitamines,
 Les agents hydratants : hydrolats…,
 Les extraits végétaux,
 Les extraits biologiques.

Certains émulsionnants ou émulsifiants, comme les tensio-actifs ou les esters.

Des colorants

1.3. Les tensioactifs


• Les choix des tensioactifs

Le choix des tensioactifs est très important car ils assurent la formation et la stabilité
de l'émulsion dans le temps.

Les tensioactifs peuvent former des couples. En général, l'un des tensioactifs joue le
rôle de stabilisateur d'interface et l'autre empêche la migration des gouttelettes
(séparation des deux phases).

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Pour que des couples de tensioactifs puissent se former, il faut prendre en compte
différents paramètres :

- Le HLB des tensioactifs : l'un doit être hydrophile (HLB > 10) et l'autre doit être
hydrophobe (HLB < 10).

- Le pH : certains tensioactifs ioniques sont incompatibles entre eux à un certain pH.

- La température : étant donné que la température peut varier lors d'une émulsion, il
faut que les tensioactifs utilisés gardent les mêmes propriétés.

- L'efficacité du tensioactif : bien que certains tensioactifs aient le même HLB, ils
n'auront pas les mêmes effets (ces informations peuvent être obtenues par les
fournisseurs).

- L'état physique du tensioactif : les tensioactifs sont plus faciles à utiliser


lorsqu'ils sont sous forme liquide.

La méthode HLB n'est pas toujours représentative du comportement réel des


tensioactifs. En effet, elle ne prend pas en compte des paramètres comme la
température et le pH. C'est pourquoi Salager, en 2001, a développé un concept
appelé Différence Hydrophile-Lipophile (HLD) prenant en compte plusieurs
paramètres tels que la température et le pH. Cependant, cela ne sera pas abordé du
fait de sa complexité.

• La quantité de tensioactifs

Plus le procédé est efficace, plus petite sera la quantité de tensioactif nécessaire à
l'émulsification.

Les facteurs à prendre en compte pour déterminer la quantité de tensioactif à


incorporer dans la préparation sont :

- La stabilité de l'émulsion : plus grande est la stabilité de l'émulsion recherchée, plus


importante sera la quantité de tensioactifs.

- L'efficacité du tensioactif : plus le tensioactif est efficace et plus la quantité requise


pour former et stabiliser l'émulsion est faible.

- L'utilisation d'agent de viscosité permet de diminuer la quantité de tensioactifs étant


donné qu'ils agissent comme stabilisateur.

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- L'aire interfaciale : plus l'aire interfaciale est grande et plus la quantité d'émulsifiant
devra être importante pour la stabiliser.

Exemples de tensioactifs

En agro-alimentaire, les émulsifiants font partie des additifs alimentaires. Leur rôle
est de lier les phases grasses et aqueuses des produits aussi divers que les sauces
mayonnaises,…

E 322 : lécithine (présent naturellement dans le jaune d’œuf et le soja)


E 471 : Mono et diglycérides d’acides gras
E 472 : esters de mono et diglycérides d’acides gras
E 473 : sucroesters
E 474 : sucroglycérides
E 481 : stéaroyl-2-lactylate de sodium
etc…

1.4. Autres additifs

Les épaississants-gélifiants

Les épaississants et/ou gélifiants aqueux ou huileux augmentent la viscosité de la


phase huileuse ou eau et empêchent ainsi les gouttelettes dispersées de remonter
en surface.
Exemples : gomme, dérivés de la cellulose, gélatine, alginates, pectine, gélose.

Les raidisseurs d’interface

Ce sont des particules solides pulvérulentes (à l’état de poudre) qui se placent autour
des particules dispersées, les maintiennent ainsi éloignées les unes des autres et les
immobilisent.
Exemple : talc, bentonite.

Les émulsifiants complexes

Ils ont une double activité : tensio-actifs et gélifiant à la fois.

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2. PRINCIPES PHYSIQUES DE LA FORMATION D'UNE EMULSION

1. Formation et rupture des gouttes

Le procédé de formation des gouttelettes est basé sur le cisaillement du mélange et


ce procédé s'effectue en deux étapes :

- La dispersion : mélange de la phase hydrophile et lipophile pour former de grosses


gouttes d'environ 100 µm de diamètre.

- L'homogénéisation : rupture des grosses gouttes en gouttelettes d'environ 10 µm


de diamètre.

Remarque : La taille des gouttelettes dépend de la vitesse de cisaillement du


mélange.

2. Procédés d'émulsification

Le choix du procédé d'émulsification est une étape importante. En effet, en fonction


du choix des différents paramètres de procédés, différents types d'émulsion peuvent
être obtenus à partir de la même formule (simple E/H, H/E, multiple, etc.).

Les variables de procédé susceptibles de changer sont les suivantes :

- L'ordre d'incorporation des ingrédients.

- La température.

- La vitesse et la durée d'agitation.

- La géométrie de l'agitateur.

3. Etapes de fabrication
Les étapes de fabrication (voir Figure 1) d'une émulsion sont regroupées sur le
schéma suivant :

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PREPARATION DE PREPARATION DE
LA PHASE LA PHASE
AQUEUSE HUILEUSE

MELANGE
DISPERSION

HOMOGENEISATIO
N

REFOIDISSEMENT
FINITION

TRANSFERT
VIDANGE

REPARTITION

CONDITIONNEMEN
T

Figure 1 : Diagramme du procédé de fabrication

a. Préparation des 2 phases

L’objectif est d’obtenir deux phases homogènes à une température définie.


L’obtention d’une phase huileuse homogène implique un chauffage des différents
ingrédients (certains ne sont pas liquides à température ambiante) de façon à réduire
leur viscosité. Les températures d’usage sont comprises entre 70 °C et 90 °C.

Les émulsifiants sont ajoutés à la phase dans laquelle ils sont le plus solubles.
Certains additifs, généralement liposolubles, sont ajoutés à cette étape.

Les éventuels additifs volatils (parfums…) ou thermolabiles (certains additifs) sont


introduits après ou en cours de refroidissement.

L’homogénéité de chaque phase est obtenue grâce à une agitation en cuve par une
hélice ou une turbine et une ancre mobile qui optimise les transferts thermiques.

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b. Dispersion

Le mélange grossier des deux phases s’effectue dans une cuve avec mobiles
d’agitation. Le résultat de cette étape est déterminé par :

 le type de mobile ;
 la position du mobile ;
 le mode d’introduction des phases (ordre, vitesses
 la température ;
 la vitesse et la durée du mélange.

Deux protocoles principaux d’introduction des phases se pratiquent :

 introduction dans la cuve de la phase aqueuse et la phase huileuse puis


agitation ;
 introduction d’une des deux phases dans la cuve et incorporation progressive
de l’autre phase en cours de mélange. Dans ce cas, la vitesse d’incorporation
est déterminante : une vitesse trop élevée peut provoquer une inversion de
phase non désirée.

c. Homogénéisation

La réduction de la taille des gouttes implique un fort cisaillement.

Le choix de la méthode et des paramètres opératoires se fait en fonction de la


gamme de taille à atteindre et de la viscosité du pré-mélange.

d. Refroidissement et finition

La vitesse de refroidissement dépend de l’efficacité des échanges thermiques et


donc du mobile d’agitation.

La finition consiste à ajuster les propriétés de l’émulsion aux spécifications attendues


par ajout d’additifs.

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e. Procédés discontinus et continus

La fabrication d’une émulsion de façon discontinue se fait en cuve. C’est le procédé


en batch. La cuve doit être vidangée en fin d’opération et les fluides renouvelés pour
une nouvelle fabrication.

Le processus continu ou en ligne implique la mise en circulation des fluides par des
pompes et le contrôle des débits. Les installations industrielles en ligne sont
généralement automatisées.

f. Pression et température

Quel que soit le procédé sélectionné, la stabilisation chimique de l’émulsion


implique d’introduire le moins d’air possible en cours de fabrication et lors du
conditionnement (sauf dans le cas de certaines émulsions alimentaires où l’air fait
partie de la structure du produit). Les étapes de dispersion et d’homogénéisation
s’effectuent donc sous vide.

Le choix des températures d’opération obéit a plusieurs contraintes :

 fluidité des ingrédients à mélanger : certains ingrédients sont solides ou très


visqueux à température ambiante et doivent donc être chauffés pour que
chaque phase soit homogène, et pour que l’homogénéíté de la dispersion soit
garantie ;
 préservation des ingrédients thermolabiles : certaines molécules actives dans
les cosmétiques ou les médicaments, et certains composants des ingrédients
de base des émulsions alimentaires, sont altérés à des températures
modérées.

Dans certains cas, il est possible d’ajouter un ingrédient fragile à froid, après une
étape de dispersion à température élevée.

ll faut alors s’assurer que l’augmentation de viscosité liée à la baisse de température


n’empêche pas la répartition homogène de l’ingrédient rajouté. (les contrôles
d’homogénéité sont particulièrement importants pour les émulsions
pharmaceutiques).

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5. Procédés d'agitation mécanique

Le choix du procédé d'agitation est important pour obtenir une émulsification efficace.
Il doit permettre un cisaillement optimal et une bonne circulation du fluide.

• Les différents types d'agitateur

Il existe différents mobiles d'agitation pour former une émulsion. On distingue deux
classes d'agitateur :

- Les agitateurs pour un mélange radial.

- Les agitateurs pour un mélange axial.

• Le mélange radial

Un mélange radial (voir Figure 2) provoque un mouvement au niveau de l'agitateur.


En effet, l'agitateur propulse le fluide du centre vers les parois qui le renvoient vers le
centre. On distingue 2 types d'agitateur utilisés pour les émulsions :

- Turbine

- Ancre

Figure 2 : Schéma d'écoulement radial

Exemples mélangeurs radiaux :

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• Le mélange axial

Un mélange axial (voir Figure 3) provoque un mouvement dans tout le récipient. Le


fluide est aspiré par l'agitateur le long de son axe puis il est envoyé vers le bas.
Ensuite, le fluide remonte le long des parois jusqu'à la partie supérieure du récipient
d'où il redescend en étant aspiré vers le centre. On distingue 2 types d'agitateur
utilisés pour les émulsions :

- Hélice
- Turbine à pales inclinées

Figure 3 : Schéma d'écoulement axial


Exemples mélangeurs axiaux :

• La position de l'agitateur

La position de l'agitateur dans le récipient est un paramètre important. En effet, la


hauteur de l'agitateur dans le récipient permet d'obtenir différents types d'émulsion
quel que soit l'ordre d'introduction des ingrédients (voir figure 4).

Figure 4 : Influence de la position de l'agitateur sur l'émulsion

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Remarques : Dans le cas des émulsions très concentrées, lorsque le pourcentage
de phase dispersée est dépassé, l'émulsion s'inverse.

• La vitesse et le temps d'agitation

Il est nécessaire de trouver un compromis entre une vitesse assez élevée pour
atteindre la granulométrie désirée sans trop consommer d'énergie.

Le temps de mélange a une influence sur la granulométrie de l'émulsion et sur la


dispersion des deux phases. L'agitation diminue la taille des gouttes au cours du
temps jusqu'à atteindre un équilibre entre rupture et coalescence. Il est également
important de noter qu'une agitation prolongée peut provoquer une déstabilisation de
l'émulsion (exemple : mûrissement d'Ostwald)

L'estimation du temps de mélange n'est pas définie par des règles. Elle se fait de
manière visuelle et à l'aide de l'expérience du formulateur.

6. Applications : Émulsions alimentaires

Les opérations d’émulsification sont mises en œuvre dans le domaine alimentaire


soit pour améliorer des émulsions naturelles (exemple du lait entier), soit pour créer
des émulsions à partir de phases au départ non dispersées.
La formulation alimentaire se fait sur la base d’exigences organoleptiques, parfois
nutritionnelles.

Les ingrédients alimentaires comportent souvent


des molécules participant à la stabilisation de l’émulsion, notamment des protéines.
Les éventuels émulsifiants rajoutés doivent être choisis dans la liste des additifs
autorisés à des doses respectant la réglementation.

Presque toutes les émulsions alimentaires sont de type aqueux, à l’exception notable
du beurre et des margarines.
La stabilisation fait très souvent intervenir plusieurs éléments. Par exemple, dans le
cas d’une margarine, la stabilité cinétique est largement assurée par la forme
cristallisée du produit mais le choix des émulsifiants est déterminant pour
l’homogénéité et la stabilité de l’émulsion avant cristallisation.

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Les émulsions à base de lait sont stabilisées par les caséinates, en plus d’éventuels
tensioactifs de faible poids moléculaire.
Les sauces sont les émulsions alimentaires les plus proches des émulsions modèles,
dans la relative simplicité de leur structure.
La mayonnaise peut être prise comme exemple type d’émulsion alimentaire, sans
oublier sa particularité d’être une émulsion concentrée de haute viscosité.

En formulation de produits agroalimentaires, on distingue également produits « actifs


» (matières premières de base) et divers additifs, que l’on peut classer comme suit :

• matières premières de base.


• émulsifiants : permettent de stabiliser les émulsions.
• épaississants et gélifiants.
• autres additifs : acidifiants, colorants, arômes, conservateurs.

Soupe instantanée
Les qualités gustatives des produits alimentaires commerciaux sont assurées par les
matières premières de base.
Mais d’autres qualités sont exigées par le client : facilité d’utilisation (dissolution
rapide dans l’eau), aspect, consistance et durée de conservation.
La formule suivante correspond à une préparation de 30 % de soupe instantanée
mélangée à 70 % d’eau bouillante.
Matière première Fonction et caractéristiques Masse (%)
Légumes Matière de base 8
Huile végétale Matière de base 5
Sel Matière de base 2
Monostéarine (E471) Émulsifiant 2
Amidon de maïs Épaississant 5
Glutamate monosodique (E621) Exhausteur de goût 3,5
Orthophosphate de potassium Régulateur d’acidité 0,5
Jaune de quinoléine (E104) Colorant alimentaire 2
Sucrose Édulcorant 1
Arômes 1
Eau Milieu de dilution 70

70

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