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Vingtièmes journées techniques du Comité Français d’Hydrogéologie

de l’Association Internationale des Hydrogéologues


« Aquifères de socle : le point sur les concepts et les applications opérationnelles», La Roche-sur-Yon, juin 2015

Méthodologie et résultats d’application de la tomographie


électrique de résistivité par courant continu pour l’exploration
hydrogéologique des aquifères discontinus en domaine de socle
Baltassat J.M.(1), Mathieu F.(1), Ambroise B.(2), Barbet C.(3), Béon O.(4), Dewandel B.(5),
Lachassagne P.(3), Norie A.(4), Wyns R.(6)
(1) BRGM, DRP/RAI, BP 36009, 45060 Orléans Cedex2, [email protected]
(2) Faculté de Géographie, Université de Strasbourg, 67000 Strasbourg
(3) DANONE Waters, Evian-Volvic-World, BP 87, 74500 Evian-les-Bains Cedex
(4) DANONE Waters, Water Division, BP 87, 74500 Evian-les-Bains Cedex
(5) BRGM, D3E/NRE, 34000 Montpellier, France
(6) BRGM, DGR/GAT, BP 36009, 45060 Orléans Cedex2
Principes de la tomographie de résistivité appliquée aux aquifères de socle
L’exploration des aquifères en domaine de socle est communément réalisée en utilisant les méthodes
électriques (par courant continu) et électromagnétiques (EM dans le domaine fréquentiel ou transitoire)
mesurant le paramètre résistivité électrique. L’altération des roches cristallines, qui sont massives et
électriquement résistantes quand elles sont saines, s’accompagnent d’une augmentation de la teneur en
eau et en argile quand elles sont fracturées et altérées, qui se manifestent par des résistivités
anormalement faibles. Sous la croute latéritique, le profil d’altération se décompose en plusieurs couches
subhorizontales dont la saprolite constitue la partie capacitive de l’aquifère et surmonte la zone fissurée
qui avec les zones de fracture tectonique constituent la partie transmissive de l’aquifère (Wyns et al. 1999,
2004). La distribution spatiale des résistivités électriques du sous-sol permet donc d’imager les structures
tectoniques et le développement des altérations des roches cristallines en domaine de socle et par là
d’imager les aquifères.
Bénéficiant d’un rendement de mesure élevé du fait de l’absence de contact du capteur avec sol, les
méthodes électromagnétiques sont couramment utilisées pour investiguer de vastes surfaces conduisant à
cartographier les variations horizontales de résistivité imageant les principales structures des massifs. Les
méthodes électriques par courant continu qui nécessitent le contact d’électrodes avec le terrain demeurent
néanmoins parmi les plus utilisées du fait de la relative facilité de mise en œuvre des mesures et de la
fiabilité des résultats obtenus en profondeur grâce à des processus d’inversion et de modélisation
performant en 2D et 3D (Loke 2004).
Les mesures de résistivité par courant continu sont normalement réalisées en injectant un courant, I dans
le sous-sol entre deux électrodes de courant (C1, C2) et en mesurant la différence de potentiel, V entre
deux autres électrodes de potentiel (P1 et P2) localisées à distance. La profondeur d’investigation croit avec
la distance entre l’injection et la mesure. La résistivité apparente mesurée dans volume investigué est
calculée tel que ρa= K V/ I avec K qui dépend de l’arrangement géométrique des différentes électrodes.
Grâce au développement des systèmes multi-électrodes permettant une mesure automatisée et des
procédés de modélisation et d’inversion efficace en 2D et 3D, la méthode de la tomographie électrique de
résistivité a remplacé les procédures classiques alliant le profilage (trainé) et le sondage électrique car
d’une part, la mise en œuvre d’une tomographie électrique est aussi rapide que celle d’un trainé avec
plusieurs profondeurs d’investigation et d’autre part parce que l’interprétation des sondages électriques
considère des terrains tabulaires et conduit à des résultats erronés en cas d’importantes variations latérales
de résistivité (Dahlin et Loke 1998, Acworth 2001). L’exploration du granite de la Margeride à la fin des
années 1990 (Baltassat et Mathieu 2000) démontre clairement les limites de la méthode des sondages
électriques dans cet environnement de granite altéré où des tomographies électriques réalisées peu après
mettent en évidence d’importantes anomalies conductrices enracinées en profondeur et recoupant le
profil d’altération stratiforme. L’interprétation de sondages voisins conduit à des résultats cohérents tant
que l’écartement des lignes de mesure reste limité et alors que l’investigation recoupe généralement le
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profil d’altération stratiforme mais aucune corrélation satisfaisante n’est obtenue pour les mêmes
sondages pour les plus grandes longueurs de ligne : les inflexions des sondages électriques traduisent alors
les variations latérales de résistivité qui sont interprétées malencontreusement en profondeur. Cette
configuration et ces défauts d’interprétation sont bien illustrés par les modélisations de Dahlin et Loke
(1998) qui montrent sans ambiguïté les avantages de la tomographie électrique sur plusieurs modèles de
discontinuité latérale de résistivité.
Méthodologie d’application
Pour des commodités de mise en œuvre et parce que les électrodes des systèmes multi-électrodes sont
généralement reliées par un même câble, les mesures sont réalisées le long de profils. Les différentes
configurations du quadripôle (C1, C2, P1, P2) qui sont classiquement utilisés le long de ces profils sont : le
dipôle-dipôle, le Wenner, le Wenner-Schlumberger, le gradient, le pôle-dipôle et le pôle-pôle. Parmi les
trois premières configurations qui ont toutes les électrodes sur le profil de mesure, le dispositif dipôle-
dipôle offre la meilleure résolution des variations tant verticales qu’horizontales ainsi que la plus grande
profondeur d’investigation (Edward 1977, Baker 1989, Seaton & Barbey, 2002, Dahlin &Zhou 2004, Loke
2004). Dans les environnements de socle ou les résistivités sont souvent au-delà de la cinquantaine
d’Ohm.m, la décroissance du signal dipôle-dipôle avec l’écartement émetteur-récepteur est moins sensible
et ce dispositif est recommandé du fait de sa capacité à imager les structures discontinues tout comme le
dispositif gradient qui offre la meilleure résolution horizontale (Dahlin et Zhou 2004) parmi l’ensemble des
dispositifs. Pour des profondeurs d’investigation plus importantes, Le dispositif pôle-dipôle présente un
bon compromis entre investigation et résolution quand il est possible de mettre en œuvre et maintenir,
dans des conditions économiques raisonnables, l’électrode lointaine à la distance convenable (Edward
1977, Oldenbourg et Li 1999, Razafindratsina & Lataste 2014). Pour des profondeurs également
importantes mais où la mise en œuvre d’électrode lointaine n’est pas possible, il existe une limite au-delà
de laquelle le rapport signal sur bruit ne peut plus être maintenu à un niveau acceptable du fait de la
puissance d’injection limitée (quelques centaines de mA généralement) et/ou de la précision limitée de
mesure des équipements multi-électrodes. Il existe alors une méthodologie alternative, basée sur un
dispositif de mesure où l’injection et la réception sont séparées, qui permet suivant les conditions de
résistance aux électrodes d’injecter des courants pouvant atteindre plusieurs ampères compensant
l’atténuation du signal en profondeur sans souffrir des problèmes de couplage électromagnétique qui
limite la puissance des systèmes multi-électrodes.
Les programmes de mesures multi-électrode sont conçus de manière à assurer un bon niveau de signal en
accord avec la précision des résistivimètres (p. ex. au moins 0.3 mV sont recommandés par l’AGAP) en
adaptant la géométrie du dispositif et l’intensité du courant injecté. Pratiquement, considérant la résistivité
moyenne attendue du milieu et les niveaux d’injection permis par le système de mesure on définit le
facteur géométrique limite, Kmax qu’il convient de ne pas dépasser afin de maintenir le niveau de signal de
réception. La géométrie du dispositif est adaptée régulièrement alors que l’écartement injection-réception
augmente par des embrayages sur des dipôles de réception de plus en plus grands.
Différents types d’erreurs peuvent affecter les mesures et par suite les résultats. Ce sont principalement,
suivant Zhou et Dahlin (2003), les erreurs sur la géométrie du dispositif qui peuvent dépasser 20% sur la
résistivité mesurée pour des erreurs de positionnement de 10% d’un dipôle-dipôle et les erreurs de mesure
du potentiel causées par les effets transitoires du réseau électrique haute tension, les champs telluriques et
les dysfonctionnements instrumentaux. Ces erreurs sont souvent corrélées avec des résistances de contact
élevées (Dahlin & Zhou 2003) qui sont des conditions courantes dans les environnements de socle. Il
convient de vérifier et si besoin améliorer les résistances de contact aux électrodes afin d’assurer des
mesures dans les conditions optimales de fonctionnement des résistivimètres (niveau d’injection, équilibre
des résistances et couplage électromagnétique).
La précision nécessaire sur la géométrie du dispositif peut être obtenue facilement par un levé GPS
différentiel dont les localisations dans un référentiel reconnu permettront la réoccupation des sites avec
une précision équivalente (pour l’implantation des forages p.ex.). Des méthodes plus classiques (chaine
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Resistivity (ohm.m)

1000
d’arpenteur et théodolite) calées sur des repères

100
10
topographiques terrain non ambigus sont
MW1
toutefois également fiables et parfois nécessaires OB2

quand la couverture GPS est déficiente. OB3

MW3

L’analyse qualité et le traitement des données est Y-1


Saprolite
Y-2
le passage obligé pour filtrer les outliers et les Y-3

effets superficiels indésirables qui interféreraient IFP27

IFP27/3
avec les structures recherchées (a-coups de prise, IFP27/4

réponse de canalisations métalliques, …) et IFP27/5

MW1
qualifier la tomographie pour l’inversion. Bien MW1_SN

que l’altération soit un processus graduel, les OB2


OB2_SN

contrastes de résistivité entre les altérites et la OB2_LN


OB3
OB3_SN
roche saine ou peu altérée sont marqués et les OB3_LN
OB1
transitions d’un domaine de résistivité à un autre OB1_SN

OB1_LN
peuvent être brutales. L’expérience montre que MW3
MW3_SN
Y-1 Fissured
l’option de régularisation des moindres carrés qui Y-1
Y-2
Y-2
zone

minimise les valeurs absolues de l’écart entre Y-3


Y-3
IFP27

résistivités mesurées et calculées (L1norm ou IFP27/3

inversion par blocs) est la plus efficace pour IFP27/4

IFP27/5

imager les limites entre les milieux de socle altéré MW1


MW1_SN

(Oyalinkha et Yaramanci 2000, Seaton & Burbey OB2

2002, Loke et al. 2003). OB2_SN

OB2_LN
OB3
OB3_SN
Résultats d’application OB3_LN
OB1 Fresh
Les résultats de la tomographie électrique de OB1_SN
rock
OB1_LN
résistivité sont globalement la définition d’une MW3
MW3_SN
Y-1
succession (Figure 1 et 2) résistant-conducteur- Y-1
Y-2
Y-2 ERT resistivity
résistant (avec de bas en haut R1>C1<R2). Les Y-3
Y-3 OA=1m normal resistivity
IFP27 Short normal Resistivity
limites conducteur-résistant (R1-C1 et C1-R2) IFP27/3 Long normal resistivity

entre ces différents faciès de résistivité sont IFP27/4


Mean value
IFP27/5
variables d’un site à l’autre mais généralement
comprises entre 500 et 1000 Ohm.m (Figure 1).
Par exemple, Beauvais et al. (1999) observent,
sur un profil d’altération complet couronné par
une cuirasse, une limite à environ 800 Ohm.m
pour R1-C1 et C1-R2. Mais les granites de St-
Galmier en limite de graben dans une zone très
fracturée, soumise à l’altération et aux fluides
hydrothermaux, la limite R1-C1 s’établit autour
de 150 Ohm.m et les granites peu ou pas altérés
ne dépassent pas les 1000 Ohm.m à 150 m de
profondeur.
La limite R1-C1 est généralement clairement
marquée et définit la base du profil d’altération.
Sa profondeur présente une corrélation
satisfaisante avec les principales venues d’eau
observées sur le site de Salus en Uruguay (Figure
3) et de Longmen en Chine, avec le toit de la zone Figure 1 – Borehole and tomography resistivity
fissurée sur le Mont Mahury en Guyane. C’est measured in various crystalline basement setting.
Maheshwaram Watershed (above) and other sites
l’indicateur principal obtenu en résultat des (below); C1, R1 and R2 correspond to the resistivity
facies of the weathering profile commented in the text.
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tomographies de résistivité pour cibler les régions présentant la plus grande épaisseur d’altération et donc
les meilleures réserves aquifères. Sa profondeur est utilisée pour définir la longueur des forages
d’exploration en prenant en considération que la zone fissurée se développe parfois au-dessus (forage de
Cote-Rouge à St-Galmier) et/ou au-dessous de cette limite (Site de Salus en Uruguay, forage du Mont
Mahury en Guyane).
La gamme de résistivité de la zone fissurée recoupe en effet largement la gamme correspond à la roche peu
ou pas fissurée (figure 1) et prévoit que la distinction des deux niveaux sur la base de la résistivité n’est pas
toujours possible. Néanmoins Dewandel et al (2006) réussissent à cartographier la zone fissurée du bassin
de Maheshwaram en Inde en résultat de l’interprétation de 80 sondages électriques contrainte par la
gamme des profondeurs statistiquement acceptables selon une analyse de variogrammes basée sur les
lithologies de 45 forages.
L’interprétation et l’utilisation de la limite C1-R2 est plus délicate. Beauvais et al. (1999) calibrent les
résistivités de la partie supérieure du profil d’altération grâce à une tomographie surface-forage mise en
œuvre dans deux fosses recoupant la cuirasse. Ils établissent ainsi une limite à 477 Ohm.m entre la
saprolite et les argiles tâchetées (mottled zone) puis une limite à 810 Ohm.m (figure 1) entre les argiles
tâchetées et les matériaux ferralitiques meubles en base de cuirasse ; cette dernière étant au-delà de 2300
Ohm.m. En Guyane (sites du Mont Mahury et de Cacao) le résistant R1 correspond à la cuirasse (ρ > 1500
Ohm.m ) en place ou remaniée et probablement à des éluvions de matériaux ferralitiques meubles et de
cuirasse (600 < ρ <1500 Ohm.m sous la nappe) pouvant dépasser 10 m d’épaisseur par place (Figure 2).
Dans le bassin de Maheshwaram en Inde (Dewandel et al 2006) et en Margeride, le résistant superficiel R2
à plus de 1000-1500 Ohm.m correspond à des arènes sableuses sèches. A St-Galmier, R2 correspond à des
niveaux ou blocs résiduels de roche saine intercalé dans le profil d’altération. L’interprétation de cet
interface C1-R2 comme le toit de la nappe aquifère, bien qu’elle soit vérifiée dans différents contextes
(Seaton et Barbey, 2002) n’est donc pas a priori évidente.
Conclusion
Les tomographies électriques de résistivité utilisant les équipements multi-électrodes s’appliquent avec
succès à imager les formations aquifères des socles altérés et les discontinuités qui les affectent en utilisant
des configurations de mesure, des procédés de traitement et d’inversion des données spécifiques. Le choix
des dispositifs quadripôles offrant la meilleure résolution notamment latérale (dipôle-dipôle, gradient,
pôle-dipôle) ainsi que l’utilisation du procédé d’inversion par blocs qui permet de mieux résoudre la
géométrie et la résistivité des milieux fortement contrastés sont déterminant.
Les résultats de la tomographie électrique de résistivité sont globalement la définition d’une succession
résistant-conducteur-résistant (avec de bas en haut R1>C1<R2). La limite R1-C1 est généralement
clairement marquée et définit la base du profil d’altération. C’est l’indicateur principal pour cibler les
régions présentant le profil d’altération le plus épais et offrant les meilleures réserves aquifères ainsi que
pour définir les profondeurs des forages d’exploration. La zone fissurée dont la gamme de résistivité
recoupe largement celle de la roche saine, peu ou pas fissurée n’est généralement pas distinguée sauf
contraintes géométriques nombreuses apportées par des calibration sur des forages. La limite C1-R2 est
plus délicate a interpréter car elle peut traduire la partie la plus évoluée du profil d’altération (cuirasse et
niveaux meubles ferralitiques en place ou éluvionnaires), des niveaux d’arène sableuse sèche, des blocs de
roche saine résiduels ou le passage à la zone non saturée. Les variations latérales de résistivité localisent
précisément les failles et les zones de fracture tectonique qui affectent le massif.
Une procédure générale d’exploration en vue de forages hydrogéologiques se dessine, ciblant d’une part
les profils d’altération les plus épais pour une épaisseur maximale de l’aquifère et de la zone fissurée
productive à sa base, et d’autre part les discontinuités sub-verticales pour bénéficier de la productivité des
failles, filons et contacts ; ces dernières constituent des cibles de forage de choix, notamment lorsque
l’horizon fissuré du profil d’altération stratiforme est réduit. Parallèlement, l'identification des zones les
plus conductrices, permet d'éviter leur forage quand elles correspondent à des formations argilisées peu
perméables.
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Figure 2 – Resistivity tomography cross-section illustrating the different resistivity facies (R1-C1-R2) encountered at
Cacao site. (French Guyana). C2 qualify a more conductive saprolite which may be related to metavolcanite.

Figure 3- Correlation between the depth of the R1-C1


interface and the main fractures and water strike on
Salus site (Uruguay).

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