Dakar Littoral

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Programme Zones Humides de l'UlCN

Gestion des Ressources

Côtières et Littorales

du Sénégal

Actes de l'Atelier de Gorée 27-29 JuiIIet 1992

AT. Diaw, A. Bâ, P. Bouland, P.S. Diouf, L-A. Lake,


M-A. Mbow, P. Ndiaye et M.D. Thiam
o
0
Gestion des Ressources Côtières et

Littorales du Sénégal ,
UICN - Union mondiaIe pour Ia nature
Fondée en 1948, l'UICN - Union mondiale pour la nature réunit des Etats, des organismes
publics et un large éventail d'organisations non gouvernementales en une association mondiale
unique: en tout, près de 770 membres dans 123 pays.
L'UICN étant une union, sa raison d'être est de servir ses membres - de se faire le porte-parole
de leur point de vue sur la scène internationale et de leur offrir les idées, les stratégies et l'appui
technique dont ils ont besoin pour atteindre leurs objectifs. Par l'intermédiaire de ses six
commissions, l'UICN peut faire appel à plus de 5000 expert bénévoles pour ses missions,
projects et groupes d'action. Un secrétariat central coordonne le Programme de l'UICN et dirige
les initiatives sur la conservation et l'utilisation durable de la diversité biologique mondiale tout
en fournissant toute une gamme de services. L'Union aide de nombreux pays à préparer leur
stratégie nationale de conservation et applique ses connaissances dans le cadre des projets
qu'elle supervise. De plus en plus, les opérations sont décentralisées et conduites par un réseau
en expansion de bureaux nationaux et de délégations régionales établis surtout dans des pays
en développement.
L'UICN - Union mondiale pour la nature cherche avant tout à œuvrer, en collaboration avec
ses membres, à l'avènement d'un développement qui soit durable et améliore de manière
permanente la qualité de vie de l'humanité toute entière.

Le Programme Zones Humides de I'UICN


Le Programme pour les zones humides de l'UICN coordonne et renforce les activités de l'Union
dans le domaine de la gestion des écosystèmes de zones humides. Le Programme se concentre
essentiellement sur la conservation des processus écologiques et hydrologiques, en particulier
par l'élaboration, l'expérimentation et la promotion de moyens d'utiliser durablement les zones
humides. Il s'acquitte de cette tâche en collaboration avec les membres et les partenaires de
l'UICN, et en particulier avec les autres organisations internationales qui ont vocation à
intervenir dans les zones humides, telles que le Bureau de la Convention de Ramsar et le Bureau
international de recherches sur les oiseaux d'eau et les zones humides (BIROE).
Le Programme consiste pour l'essentiel dans un ensemble de projets sur le terrain, dont l'objectif
est d'élaborer des méthodologies pour la gestion des zones humides, en particulier dans les pays
en développement où les zones humides sont intensivement utilisées par les communautés
locales dont le bien-être est lié à ces écosystèmes. Les politiques et stratégies applicables se
fondent sur les résultats de tels projets et présentent leurs conclusions sous une forme utile pour
les responsable des décisions et des plans des gouvernements concernés.
Les activités prises en charge par le Programme sont élaborées en fonction des besoins et des
informations communiqués par les membres de l'UICN. Pour faciliter cette procédure, le
Programme s'appuie sur les délégations régionales de l'UICN. Il travaille également en étroite
liaison aves les principales agences d'aide au développemt, por faire en sorte que les exigences
de la conservation soient suffisamment prises en compte dans leurs projets.
Le Programme pour les zones humides bénéficie d'un apport financier généreux de la part du
Fonds mondial pour la nature (WWF), de la Direction suisse de la coopération au
développement et de l'aide humanitaire (DDA), de l'Agence finlandaise pour le développement
international (FINNIDA) et du gouvernement des Pays-Bas. Des contributions ont été reçues
de l'Agence norvégienne pour le développement international (NORAD), de l'Autorité
suédoise pour le développement international (SIDA), de l'Agence américaine pour le
développement international (USAID), de la Fondation Ford et d'un cetain nombre de membres
de l'UICN parmi lesquels l'Association finlandaise pour la conservation de la nature (FANC),
l'Institut français pour le développement en coopreation (ORSTOM), la Société royale pour la
protection des oiseaux (RSPB), le Service des parcs nationaux des Etats-Unis (USNPS) et le
Fonds mondial pour la nature (WWF). La coordination s'effectue au siège de l'UICN en Suisse,
avec des coordonnateurs régionaux en Amérique centrale et du Sud, au Brésil, en Afrique de
l'Est, occidentale et australe, et en Asie du Sud-est.
Gestion des Ressources Côtières et

Littorales du Sénégal

Actes de VAtelier de Gorée du 27-29 Juillet 1992

Sous Ia direction de

A.T. Diaw

Avec Ia coIIaboration de

A. Bâ, P. Bouland, P.S. Diouf, L-A. Lake, M-A. Mbow,


P. Ndiaye et M.D. Thiam

UICN ISRA IFAN


UICN - Bureau régional en Afrique de l'Ouest
ISRA - Institut Sénégalais de Recherches Agricoles
IFAN - Institut Fondamental d'Afrique Noire
1993
Publiée par: l'Union mondiale pour la nature - UICN, Gland, Suisse

UlCN
Union mond'ale pour II natnrt

Droits d'auteur: 1993. Union internationale pour la conservation de la nature et de ses


ressources
La reproduction des textes de cette publication à des fins non
commerciales et notamment éducatives est autorisée sans qu'il soit
nécessaire de demander la permission préalable des détenteurs des
droits d'auteur
La reproduction à des fins commerciales et notamment en vue de la
vente est interdite sans permission écrite préalable des détenteurs des
droits d'auteur

Citation: Diaw, A.T., Bâ, A., Bouland, P., Diouf, P.S., Lake, L-A.,
Mbow, M-A., Ndiaye, P. et Thiam, M.D. 1993. Gestion des
Ressources Côlières et Littorales du Sénégal: Actes de l'Atelier de
Gorée 27-29 Juillet 1992. UICN, Gland, Suisse, x + 484 pp.

ISBN: 2-8317-0145-7

Mis en page: Samara Publishing Ltd, Tresaith, Dyfed, SA43 2JG, Royaume Uni

Couverture conçu: Sarah Skinncr

Couverture photo: Retour de pêche, Sénégal. George Crépin

Disponible auprès de la: Division de la communication de l'UICN, Rue Mauverney 28,


CH-1 196 Gland, Suisse

La terminologie géographique employée dans cet ouvrage, de même que sa présentation ne sont
en aucune manière l'expression d'une opinion quelconque de la part de l'UICN en ce qui
concerne le statut juridique ou l'autorité de quelque Etat, territoire ou région que ce soit ou en
ce qui concerne la délimitation de leurs frontières
L'opinion des auteurs, exprimée dans ce compte rendu, ne reflète pas nécessairement celle de
l'UICN
Tab1e de Matières

CEREMONIE OFFICIELLE D'OUVERTURE

DISCOURS DE MONSIEUR URBAIN DIAGNE, MAIRE DE GOREE 3

DISCOURS DU PROFESSEUR ABDOULAYE BARA DIOP,


DIRECTEUR DE L'IFAN 5

DISCOURS DE MONSIEUR DIAFARA TOURE,


DIRECTEUR DU CRODT/lSRA 7

DISCOURS DE MONSIEUR PATRICK BOULAND, DELEGUE


REGIONAL DE l'UICN POUR L'AFRIQUE DE L'OUEST 9

DISCOURS D'OUVERTURE DE MONSIEUR ETIENNE SARR,


DIRECTEUR DE CABINET DE MONSIEUR LE MINISTRE DE
L'EDUCATION NATIONALE 11

PROBLEMATIQUE DU LITTORAL
THE LITTORAL ISSUE

EXPOSE INTRODUCTTF: LA GESTION DES RESSOURCES COTIERES


ET LITTORALES DU SENEGAL 15
Pour le Comité d'Organisation, Alioune BA

EVOLUTION HISTORIQUE ET DECOUPAGE DU LITTORAL


SENEGALAIS 23
Ahmadou F. KANE

LES PEUPLEMENTS HUMAINS ANCIENS DU LITTORAL


ATLANTIQUE SENEGALAIS: LES AMAS COQUILLIERS
ANTHROPIQUES ET LES RECHERCHES PLURIDISCIPLINAIRES 29
Marie-Amy MBOW

GEOGRAPHIE DES TERRAINS SALES ET NUS DE MANGROVE:


LA PROBLEMATIQUE DES TANNES 43
Amadou Tahirou DIAW, Jeannine LE RHUN, Fernand VERGER
et Mame Demba THIAM

V
RECHERCHES EN SCIENCES GEOMATIQUES
RESEARCH IN GEOMATIC SCIENCES

LES SCIENCES GEOMATIQUES DANS LA GESTION DES


RESSOURCES LITTORALES: LES TECHNIQUES DE LEVES
HYDROGRAPHIQUES 65
Nouhoum DIOP

LE REGIME DES MAREES A DJIFERE (SALOUM, SENEGAL) 77


Amadou Tahirou DIAW et Maine Demba THIAM

VARIABILITE DES PRECIPITATIONS SUR LE BASSIN VERSANT


DU SALOUM 87
Honoré DACOSTA

TRANSITION EAU-CONTINENT: RECHERCHES SUR LES UNITES


PHYSIOGRAPHIQUES TOPOSEQUENTIELLES DE L'ILE DE
FOUNDIOUGNE 105
Amadou Tahirou DIAW, Ndèye Fatou DIOP et Paul NDIAYE

EVOLUTION INTERANNUELLE DES ENVIRONNEMENTS


LITTORAUX AU SENEGAL: EXEMPLE DU LITTORAL DE
LA LANGUE DE BARBARIE 1 13
Bachir DIOUF

EVOLUTION DE L'EMBOUCHURE DU SALOUM DE 1958 A 1992 121


Mariline BA, El Hadj Salif DIOP, Bachir DIOUF, Arona SOUMARE,
Henri CHEVILLOTTE, Jean-Luc SAOS, Jean-Paul BARUSSEAU et
Cyr DESCAMPS

CONSEQUENCES DE L'ELEVATION DU NIVEAU MARIN SUR LES


COTES SENEGALAISES 133
Isabelle NIANG-DIOP

ETUDES ET AMENAGEMENTS
SURVEYS AND DEVELOPMENTS

CIRCULATION ET DYNAMIQUE DES SELS NUTRITIFS ET DU


PHYTOPLANCTON DEVANT LES COTES SENEGALAISES 141
Itaf DEME-GNINGUE et Bassirou DIAW

vi
L'ESTUAIRE DU FLEUVE SENEGAL: IMPACT DES BARRAGES DE
DIAMA ET MANANTALI SUR LA QUALITE CHIMIQUE DES EAUX 1 57
Mariline BA

DEUX PROBLEMES DE LA REGION DAKAROISE:


LA SUREXPLOITATION DES NAPPES ET L'EVACUATION
DES EAUX USEES 173
Fatoumata BA-NIANG, Bara DIAKHATE et Mamadou DIONE

SIMULATION DE L'INTRUSION SALINE DANS LA NAPPE DES


SABLES INFRABASALTIQUES DE DAKAR, SENEGAL 181
Cheikh Bécaye GAYE et Abdoulaye FAYE

LA GESTION DES RESSOURCES DU TERROIR DE KAYAR 191


Rokhaya D. FALL et Ousmane FALL

LA FDCATION DES DUNES AU SENEGAL 20 1


Babacar DIA

PROPOSITIONS D'AMENAGEMENT DES PLANTATIONS DE


FILAO DE LA GRANDE COTE (SENEGAL) 21 1
Papa NDIAYE

POLLUTION, URBANISATION ET SANTE


POLLUTION, URBANIZATION AND HEALTH

PORT MARITIME ET LUTTE CONTRE LA POLLUTION DU LITTORAL 225


Nouhoum DIOP

PRINCIPES D' ELIMINATION DES DECHETS INDUSTRIELS 233


Massamba SECK

REJETS CHIMIQUES EN MER ET CONSEQUENCES


ENVIRONNEMENTALES POUR LA REGION DAKAROISE 237
Oumar SARR

LE REJET DES EAUX USEES A DAKAR: ANALYSES CHIMIQUES


ET BACTERIOLOGIQUES, PROBLEMES D'EPURATION 245
Seydou NIANG

vii
CONTAMINATION DU PEUPLEMENT BENTHIQUE ET POLLUTION
DES BAIES DE DAKAR 26 1
Amadou Abdoulaye SECK

ENVIRONNEMENT COTIER ET SANTE: LE CAS DES VILLES DE


DAKAR ET MBOUR 269
Médecin-Commandant Cheikh FALL

L'EPIDEMIE DE BILHARZIOSE INTESTINALE A RICHARD-TOLL 275


Dr Idrissa TALLA

EPIDEMIOLOGIE DES PRINCIPALES ENDEMIES PARASITAIRES


DANS LE DELTA DU FLEUVE SENEGAL 283
Dr Oumar GAYE, Dr Oumar FAYE, Pr Samba DIALLO,
Dr Oumar NDIR et Dr Oumar Talla DIAW

EXPLOITATION ET GESTION DES RESSOURCES


RESOURCE EXPLOITATION AND MANAGEMENT

EXPLOITATION DES RESSOURCES HALIEUTIQUES COTIERES


DANS LES EAUX SOUS JURIDICTION SENEGALAISE 29 1
Mariama BARRY-GERARD, Moustapha KEBE et Modou THIAM

LA PECHE DANS LES ESTUAIRES DU SENEGAL 31 1


Papa Samba DIOUF, Tidiane BOUSSO, Hamet Diaw DIADHIOU et
Moustapha KEBE

LA TRANSFORMATION ARTISANALE DES PRODUITS


HALIEUTIQUES SUR LE LITTORAL ET SON IMPACT SUR
L'ENVIRONNEMENT 323
Absa GUEYE-NDIAYE

VALORISATION DES ACTIVITES AQUICOLES EN FILIERE DE


DEVELOPPEMENT A LA BASE 335
Amadou Abdoulaye SECK

L'AQUACULTURE EN MILIEU CONTINENTAL AU SENEGAL 343


Tidiane BOUSSO, Hamet Diaw DIADHIOU, Papa Samba DIOUF et
Louis LE RESTE

viii
PARASITOSES DE CREVETTES SENEGALAISES: EXEMPLE D'UNE
MICROSPORIDIOSE DE PENAEUS NOTIALIS (PEREZ-FARFANTE, 1967) 365
France-Lyse CLOTILDE-BA

GESTION DES RESSOURCES HALIEUTIQUES DANS LES ESTUAIRES


DU SENEGAL 373
Louis LE RESTE

CONFLITS LIES AU SECTEUR DES PECHES SENEGALAISES 379


Moustapha KEBE et Louis LE RESTE

ESPACE TOURISTIQUE LITTORAL


TOURIST BEACHES

L'AMENAGEMENT DES ZONES TOURISTIQUES DE LA PETITE COTE


ET DE LA BASSE-CASAMANCE: IMPACTS SPATIAUX ET SOCIO-
ECONOMIQUES D'UNE OCCUPATION LITTORALE LINEAIRE 395
Binta SENE DIOUF

PROBLEMATIQUE DE LA MISE EN VALEUR DES RESSOURCES ET


POTENTIALITES TOURISTIQUES DU LITTORAL SENEGALAIS 413
Ismaïla GOUDIABY

LES RAPPORTS ENTRE TOURISME ET ESPACE LITTORAL:


EXEMPLE DE LA PETITE COTE (SENEGAL) 423
Amadou DIOP

CONSERVATION ET GESTION DU LITTORAL


LITTORAL CONSERVATION AND MANAGEMENT

LA PECHE A L'EXPLOSIF A DAKAR 439


El Aly HAIDAR et Georges GREPIN

GESTION DES PRODUITS HALIEUTIQUES ET DU LITTORAL 443


Michel NDOUR

ix
NOTE DE CONTRIBUTION AU PROFIT DE L'ATELIER SUR
"LA GESTION DES RESSOURCES COTIERES ET LITTORALES
DU SENEGAL" DU 27 AU 29 JUILLET 1 992 A GOREE 445
ATELE-SENEGAL

UTILITE DES SYSTEMES D'INFORMATION GEOGRAPHIQUE (SIG)


DANS LA GESTION DES RESSOURCES NATURELLES 447
Amadou Moctar DIEYE, Aboubacar CAMARA, Hubert GEORGE

PLANIFICATION ET DEVELOPPEMENT DURABLE EN ZONE


COTIERE DE GUINEE-BISSAU 455
Claudio Carrera MARETTI, Renato J.R. de SALES

PARCS ET RESERVES NATURELS DU LITTORAL SENEGALAIS


RESSOURCES ET PROBLEMES 463
DIRECTION DES PARCS NATIONAUX

RECOMMANDATIONS, MOTIONS ET CEREMONIE


OFFICIELLE DE CLOTURE

RECOMMANDATIONS 473

MOTION DE REMERCIEMENTS 474

MOTION DE FELICITATIONS 475

DISCOURS DE CLOTURE DE MONSIEUR AMAR B. NIANG,


DIRECTEUR DE CABINET DE MONSIEUR LE MINISTRE DE
LA MODERNISATION DE L'ETAT ET DE LA TECHNOLOGIE 475

LISTE DES PARTICIPANTS 479

X
CEREMONIE OFFICIELLE D'OUVERTURE
DISCOURS DE MONSIEUR URBAIN DIAGNE,
MAIRE DE GOREE

Monsieur le Directeur de Cabinet de Monsieur le Ministre de l'Education Nationale,


Monsieur le Directeur de l'IFAN,
Monsieur le Directeur du CRODT, Représentant le Directeur-Général de l'ISRA,
Madame le Proviseur de la Maison d'Education Mariama Bâ,
Monsieur le Délégué Régional de l'UICN pour l'Afrique de l'Ouest,
Mesdames, Messieurs les Chefs et Représentants des Missions Diplomatiques,
Messieurs les Conseillers Municipaux,
Mesdames, Messieurs les Directeurs et Chefs de Services Nationaux,
Mesdames, Messieurs, Honorables Invités,
Veuillez me permettre au nom de Monsieur Mamadou DIOP, Député-Maire de Dakar,
empêché, au nom de la population de l'île et en mon nom propre, de vous souhaiter la
bienvenue à Gorée.
Ouverte à tous les souffles fécondants, Gorée a été dans l'histoire du Monde un lieu
privilégié de rencontre et de consultation de toutes sortes, de toutes natures.
Le choix de Gorée pour abriter les travaux de votre Atelier "Gestion des Ressources
Côtières et Littorales du Sénégal" ne pouvait trouver meilleur site. Laboratoire et terrain
d'application, Gorée vous offre, Mesdames, Messieurs les participants, les chercheurs,
les décideurs administratifs comme les détenteurs des moyens nécessaires à l'appui des
réalisations des futures conclusions, Gorée, dis-je, vous offre l'occasion de passer à
l'action.
Nous ne saurons jamais assez exprimé notre gratitude à l'UICN, à l'IFAN et à l'ISRA
pour le thème choisi et qui est ô combien d'actualité au lendemain de cette grande
rencontre mondiale de Rio. En parcourant le programme des séances des jours à venir,
nous nous apercevons de l'importance et du sérieux des thèmes à traiter. Aussi, parlant
du littoral, nous permettrez-vous de dire si par certains endroits la lutte contre l'avancée
de la mer est soit envisagée soit en train de se réaliser. Nous dirons quant à nous Goréens,
avec beaucoup d'inquiétude mais non sans moins d'humour, que la mer est déjà dans les
salons de nos appartements après avoir dévasté nos cuisines. Vous aurez, je pense,
l'occasion de visiter durant votre séjour, ces endroits que nous venons de vous citer. Il
s'agit des maisons qui bordent le littoral Nord-Ouest de l'île.
C'est la raison pour laquelle Mesdames, Messieurs, bien chers hôtes de Gorée, vos
travaux nous intéressent au plus haut point parce que d'importance, mais aussi et surtout,
du fait que chacun et chacune de vous, ainsi que toutes les institutions et organismes que
vous représentez avec compétence, vous constituez des facteurs d'espoir et d'espérance
afin de venir à bout de nos préoccupations voire de nos inquiétudes.
Je souhaite que vos travaux contribuent profondément à l'amélioration de notre environ
nement, de la qualité de notre vie, non seulement à Gorée mais au Sénégal et dans le
monde entier.

3
Ressources Côtières et Littorales du Sénégal

Gorée, mère des cités du Sénégal, symbole de l'humanité à plus d'un titre, vous remercie
infiniment de votre présence dans ses murs et sur son sol. Puissent vos travaux constituer
une pierre dans la recherche de la consolidation de la paix dans le monde.
Bienvenue à vous, distingués hôtes de Gorée et de sa population.
Je vous remercie de votre attention.
DISCOURS DU PROFESSEUR ABDOULAYE
BARA DIOP, DIRECTEUR DE L'IFAN

Monsieur le Directeur de Cabinet, Représentant Monsieur le Ministre de l'Education


Nationale,
Monsieur le Maire de Gorée,
Monsieur le Directeur du CRODT, Représentant le Directeur-Général de l'ISRA,
Madame le Proviseur de la Maison d'Education Mariama BA,
Monsieur le Délégué Régional de l'UICN pour l'Afrique de l'Ouest,
Mesdames, Messieurs les Chefs et Représentants des Missions Diplomatiques,
Mesdames, Messieurs les Invités,
Chers Collègues,
L'Atelier sur la Gestion des Ressources Côtières et Littorales du Sénégal, organisé
conjointement par l'Institut Sénégalais de Recherches Agricoles (ISRA) et l'Institut
Fondamental d'Afrique Noire Cheikh Anta Diop, a pour objectif de réfléchir sur une
nouvelle approche des milieux littoraux sénégalais. Aussi, a-t-il essayé d'intégrer dans
son spectre la plupart des acteurs impliqués dans l'administration, la gestion ou la
conservation des espaces littoraux et des ressources qu'ils contiennent.
C'est le lieu de remercier les nombreux chercheurs et techniciens du développement qui
par la qualité et la diversité de leurs contributions, ont permis la tenue du présent Atelier.
Durant trois (3) jours, des équipes pluridisciplinaires réfléchiront aux conséquences du
développement sur un milieu aux potentialités économiques importantes, mais si sensible
et si fragile.
L'Atelier s'est voulu quelque peu informel et "informatif '. Et c'est avec plaisir que nous
y accueillons des hommes du terroir et des professionnels de l'information, qui au cours
des travaux devraient nous apporter le fruit de leurs expériences sur les problèmes relatifs
à la gestion du littoral.
L'Atelier n'aurait pu se tenir sans l'appui personnel du Délégué de l'Union Mondiale
pour la Conservation de la Nature (UICN) pour l'Afrique de l'Ouest, Monsieur Patrick
BOULAND qui a perçu très tôt les enjeux d'une telle rencontre. Nous lui sommes gré
pour les suggestions et l'aide matérielle qu'il nous a apportées.
Nous remercions également le Proviseur et le personnel de la Maison d'Education
Mariama Bâ qui nous ont offert un cadre de travail agréable et fonctionnel.
La Direction Générale du Port Autonome de Dakar, et particulièrement le Service des
Phares et Balises, nous ont apporté un concours fort appréciable pour l'organisation tant
logistique que scientifique de cet Atelier. C'est avec plaisir que nous saluons cette
collaboration qui permet à nos équipes de recherche de fonctionner avec peu de moyens
mais de manière efficace.
Il a plu à Monsieur le Ministre, Chef du Protocole de Monsieur le Président de la
République, de mettre à la disposition de l'Atelier, une vedette spéciale qui facilitera
grandement nos déplacements durant cette rencontre. L'Atelier par ma voix le remercie
très chaleureusement.

5
Ressources Côtières et Littorales du Sénégal

Je remercie pour terminer Monsieur le Directeur de Cabinet de Monsieur le Ministre de


l'Education Nationale qui, malgré ses occupations, a bien voulu présider la séance
d'ouverture de cet Atelier.
Monsieur le Directeur de Cabinet,
Monsieur le Maire,
Monsieur le Directeur du CRODT,
Madame le Proviseur de la Maison d'Education Manama BA,
Monsieur le Délégué Régional de l'UICN pour l'Afrique de l'Ouest,
je voudrais conclure.
Chers collègues, vous avez répondu massivement à notre invitation pour la tenue de cet
Atelier d'intérêt national; puissions-nous par la richesse de nos travaux et la pertinence
de nos conclusions lui donner une application pratique.
L'occasion nous semble trop belle d'utiliser la "passerelle" entre la recherche/dévelop
pement et la recherche fondamentale, pour appréhender les problèmes de mise en valeur
des zones côtières et littorales. En cela, nous répondrons à notre vocation d'université
tournée vers le développement.
Je vous remercie.

6
DISCOURS DE MONSIEUR DIAFARA TOURE,
DIRECTEUR DU CRODT/ISRA

Monsieur le Directeur de Cabinet, Représentant Monsieur le Ministre de l'Education


Nationale,
Monsieur le Maire de Gorée,
Monsieur le Directeur de l'IFAN,
Madame le Proviseur de la Maison d'Education Mariama BA,
Monsieur le Délégué Régional de l'UICN pour l'Afrique de l'Ouest,
Mesdames, Messieurs les Chefs et Représentants des Missions Diplomatiques,
Mesdames, Messieurs les Directeurs Nationaux,
Mesdames, Messieurs,
Au nom du Directeur Général de l'ISRA empêché, je tiens tout d'abord à remercier
Monsieur le Directeur de Cabinet de Monsieur le Ministre de l'Education Nationale, qui
a bien voulu présider l'ouverture de cet Atelier sur la "Gestion des Ressources Côtières
et Littorales du Sénégal".
A ces remerciements, j'associe Monsieur le Délégué Régional de l'UICN pour l'Afrique
de l'Ouest qui a soutenu et accompagné l'organisation de cette rencontre à toutes les
étapes.
Mes remerciements vont également aux participants qui par leur contribution, ont rendu
possible la tenue de cette rencontre.
Pourquoi cet Atelier? En effet, plusieurs raisons justifient son organisation:
- l'importance des potentialités économiques des milieux côtiers et littoraux avec la
pêche, l'agriculture, l'exploitation des ressources en eau;
- le rôle écologique fondamental de ces écosystèmes qui sont des zones de reproduc
tion, de refuge et de nursery pour une grande quantité d'espèces animales;
- la fragilité de tels milieux, sensibles aux agressions naturelles et anthropiques;
- la concentration d'une partie importante de la population sénégalaise le long de la
côte et des principaux estuaires;
- le manque de coordination des recherches menées dans ce domaine et la difficulté
de communication entre les différents agents qui travaillent sur les milieux côtiers
et littoraux.
Un des mérites de cet Atelier est de permettre la rencontre de chercheurs et de dévelop
peurs de spécialités différentes, afin d'avoir une réflexion interdisciplinaire, d'ailleurs
seule capable d'impulser un développement viable.
Mesdames, Messieurs,
Les thèmes de cet Atelier cadrent parfaitement avec les préoccupations du CRODT. En
effet, l'objectif majeur de ce centre est la gestion rationnelle des ressources halieutiques
de la zone économique maritime du Sénégal ainsi que l'aménagement des pêcheries. Les
stocks sont étudiés non seulement en tant qu'entité biologique mais également leurs
systèmes d'exploitation et mieux leurs systèmes de production.

7
Ressources Côtières et Littorales du Sénégal

Dans notre démarche, nous avons toujours privilégié l'approche globale ou multidisci-
plinaire, qui comme vous le savez, seule, permet d'intégrer l'ensemble des facteurs
biologiques, environnementaux, sociologiques, historiques et économiques, interagis
sant au sein du système de production aquatique.
C'est vous dire tout l'intérêt que l'ISRA accorde à cet Atelier, Atelier qui, faudrait-il le
rappeler, est le fruit de la collaboration entre l'IFAN, l'ISRA et l'UICN et qui permettra,
j'en suis persuadé, un renforcement de l'option d'une politique de recherche orientée
vers le développement, comme le préconisent les autorités de notre pays.
Nous pensons que la presse dont l'une des plus nobles tâches est d'informer afin
d'éduquer, jouera un rôle important dans cet Atelier. En effet, nous comptons sur les
journalistes pour sensibiliser les populations sur les enjeux d'une bonne gestion des
ressources et de la conservation de l'environnement côtier et littoral.
Je concluerai, Mesdames, Messieurs, en souhaitant que de ces journées se dégagent des
recommandations qui permettront de gérer au mieux les ressources côtières et littorales
du Sénégal.
Je vous remercie.

8
DISCOURS DE MONSIEUR PATRICK BOULAND,
DELEGUE REGIONAL DE l'UICN POUR
L'AFRIQUE DE L'OUEST

Monsieur le Directeur de Cabinet, Représentant Monsieur le Ministre de l'Education


Nationale,
Monsieur le Maire de Gorée,
Monsieur le Directeur de l'IFAN,
Monsieur le Directeur du CRODT,
Madame le Proviseur de la Maison d'Education Mariama BA,
Mesdames, Messieurs les Représentants des Agences de Coopération et de la Commu
nauté Internationale,
Mesdames, Messieurs, Honorables Participants,
Permettez-moi de vous apporter les remerciements de l'UICN pour votre participation
massive à ces trois journées. Alors que les délais étaient extrêmement courts, vous avez
su apporter à l'IFAN, à l'ISRA et à l'UICN votre appui. Et une quarantaine de
communications seront présentées lors de séances à thèmes.
L'appui des institutions officielles ne nous fait pas non plus défaut, puisqu'une quaran
taine de personnes sont venues écouter et participer à nos débats.
Nous savons tous que l'enjeu de cet Atelier est de taille, puisque le Sénégal entend
continuer à tirer, à l'avenir, une bonne partie de ses richesses de son littoral et de l'océan.
Mais par ailleurs, nous savons que les populations ont tendance à se regrouper sur les
littoraux du pays, et on peut aisément imaginer que les tendances actuelles se poursui
vront au siècle prochain, aggravant les problèmes que nous connaissons.
Les littoraux sont donc un enjeu majeur de l'aménagement du territoire. Les régions
littorales sont soumises à des pressions croissantes. Elles font l'objet de processus de
destruction telles la disparition de la mangrove et la salinisation des sols pour lesquels
de vastes superficies sont perdues au développement.
Ce phénomène est accompagné de graves problèmes de pollution de l'eau, de l'air et de
phénomènes de santé publique récurrents. Cette expansion urbaine pose avec une certaine
brutalité sur la Presqu'île du Cap-Vert les problèmes liés à des utilisations antagonistes
de l'espace littoral telles que par exemple la pêche contre le tourisme ou la pêche contre
l'urbanisation.
Ces enjeux sur un espace très limité reposent le plus souvent sur une méconnaissance de
la valeur des littoraux; la valeur ne signifiant pas exclusivement une valeur marchande.
Ainsi, le prélèvement incontrôlé de sable sur les plages et les dunes côtières pour les
besoins de la construction, entraîne une diminution de la capacité d'infiltration de l'eau
dans les sables et une moindre alimentation en eau pour l'agriculture des Niayes par
exemple, ou provoque l'accélération de l'érosion côtière. Or, on ne peut raisonnablement
demander d'arrêter de prélever le sable pour la construction! Cet exemple pose toute la
gravité du problème de l'aménagement du territoire et doit nous montrer que les solutions
possibles apparaissent dans la mise en évidence de principes scientifiques, qui servent
de base à une politique de gestion des ressources côtières.

9
Ressources Côtières et Littorales du Sénégal

Le Sénégal est membre de l'UICN depuis bientôt trente ans. Depuis cette époque, votre
pays s'est engagé dans une politique de préservation de quelques-uns de ses principaux
biotopes littoraux. Les Parcs nationaux qui sont nés de cette politique, bénéficient de
procédure d'aménagements et de protections spécifiques, qui a abouti jusqu'à aujour
d'hui, à maintenir la diversité biologique des littoraux.
Il n'en va pas de même des autres formes littorales où l'urgence d'une politique de
conservation des ressources apparaît. Je prendrai le seul exemple de la pêche à l'explosif
dans les eaux dakaroises, qui risque de mettre en péril, si elle se poursuit, l'ensemble de
la communauté des pêcheurs artisanaux, qui produisent l'essentiel du poisson consommé
sur Dakar.
L'organisation de ces trois journées est conçue de manière à décloisonner les thèmes de
recherche. L'ensemble des participants pourra entendre la totalité des communications
dans le but de provoquer un enrichissement mutuel de connaissances, de créer des
passerelles nouvelles entre spécialistes et thématiques de recherche.
Il est donc important que l'ensemble de la communauté scientifique puisse faire entendre
sa voix en toute connaissance de cause.
Cet Atelier a été prévu sur l'Ile de Gorée, loin des rumeurs de la grande ville, dans cette
Maison d'Education Mariama BA, qui est un lieu propre à la méditation et à l'écoute des
autres. Dans ce lieu, depuis quelques semaines, l'UICN avec le concours d'artistes,
travaille à donner la parole aux enfants de Gorée.
Voyez derrière vous, sur les murs de cette salle, les résultats des travaux des enfants. Ils
nous disent leurs préoccupations par rapport à leur environnement insulaire et par rapport
à leur perception de leur avenir.
Je vous formule les vœux pour que cet Atelier soit donc placé sous la plus belle et sous
la plus redoutable des tutelles, celle des enfants. Sachons répondre à leur attente!
Je vous remercie.

10
DISCOURS D'OUVERTURE DE MONSIEUR
ETIENNE SARR, DIRECTEUR DE CABINET DE
MONSIEUR LE MINISTRE DE L'EDUCATION
NATIONALE

Monsieur le Maire de Gorée,


Monsieur le Directeur de l'IFAN,
Monsieur le Directeur du CRODT, Représentant le Directeur-Général de l'ISRA,
Monsieur le Délégué Régional de l'UICN pour l'Afrique de l'Ouest,
Mesdames, Messieurs les Chefs et Représentants des Missions Diplomatiques,
Madame le Proviseur de la Maison d'Education Mariama BA,
Mesdames, Messieurs les Professeurs,
Mesdames, Messieurs les Chercheurs,
Mesdames, Messieurs,
Le présent Atelier sur la "Gestion des Ressources Côtières et Littorales du Sénégal" est
organisé conjointement par l'Institut Fondamental d'Afrique Noire (IFAN) et l'Institut
Sénégalais de Recherches Agricoles (ISRA).
C'est là l'occasion, de rappeler la nécessité d'une collaboration entre la recherche fondamen
tale, la recherche/développement et l'enseignement.
C'est aussi un heureux hasard qu'il se tienne au lendemain du rendez-vous planétaire qu'aura
été la Conférence des Nations Unies sur l'Environnement organisée à Rio, auquel le Sénégal
a participé. L'Université Cheikh Anta Diop de Dakar et l'Institut Sénégalais de Recherches
Agricoles par la pertinence de leurs travaux respectifs sur l'environnement et en particulier
sur la gestion des littoraux, n'ont pas manqué d'apporter leur contribution à cette instance.
Votre Atelierme permet de rappeler que l'axe central de la réforme de l'Education est d'ouvrir
l'Ecole sur son milieu et symétriquement, de faire entrer le milieu dans l'Ecole.
Au demeurant, le Chef de l'Etat, son Excellence Monsieur Abdou DIOUF, précisait dans sa
réponse au discours d'usage du Concours Général 1 992, le rôle que peut et doitjouer l'Ecole
dans les problèmes relatifs à l'Environnement. Il affirmait "qu'à partir de ce choix éduca-
tionnel", je le cite: "A partir de là, les méthodes et les contenus de l'enseignement se trouvent
profondément modifiés".
Il appartient désormais au Maître, sur la base des problèmes rencontrés dans le Milieu:
- de proposer des solutions qui font appel aux savoirs et aux savoirs-faire des élèves;
- d'établir des passerelles entre les différentes disciplines; en somme de contribuer à
l'émergence d'une pédagogie active permettant aux connaissances livresques de se
muer en outils opératoires.
La plupart des disciplines enseignées à tous les niveaux du système scolaire abordent de
façon explicite ou implicite et à des degrés divers des questions relatives à l'environne
ment.
Des programmes spécifiques existent pour l'élémentaire et le secondaire. Il s'agit du
PFIE, Programme de Formation et d'Information à l'Environnement qui a obtenu des
résultats satisfaisants et du PSE2, Programme Sahélien d'Education dont le contenu reste
à définir.

11
Ressources Côtières et Littorales du Sénégal

Aussi attendons-nous de cet Atelier, qu'il contribue à l'enrichissement de nos pro


grammes d'enseignement en matière d'Education environnementale.
Je puis vous assurer qu'en souhaitant plein succès à vos travaux, le Ministère de
l'Education Nationale se penchera avec attention sur vos recommandations. La qualité
des participants augure déjà de leur pertinence.
Aussi, est-il souhaitable que l'Atelier puisse proposer à l'ensemble de la communauté
scientifique et éducative, une vision des principaux thèmes d'intérêt national, une
esquisse d'un programme de gestion de l'Environnement côtier, une situation spatio
temporelle exacte du littoral, notamment des sites qui paraissent les plus menacés; enfin,
un plan d'actions pour lequel la synergie des équipes pluridisciplinaires sera un gage de
succès.
Mon Département n'a pas pour mission de proposer une planification des ressources
littorales, conséquence ultime d'un atelier tel que celui organisé par l'ISRA et l'IFAN.
Toutefois, il a la responsabilité d'assurer les conditions d'une meilleure connaissance
des resssources littorales et côtières, et une bonne compréhension de l'évolution des
phénomènes naturels ou anthropiques qui exercent une influence sur le milieu.
C'est pourquoi, nous saluons encore une fois cette heureuse initiative prise par l'ISRA
et l'IFAN, instituts qui, aujourd'hui, doivent gagner le pari d'unir et de faire cheminer
ensemble, la recherche et l'enseignement, deux disciplines qui se nourrissent mutuelle
ment de leurs acquis.
Je ne saurais terminer sans remercier les organismes d'aide et de coopération, en
particulier l'Union Mondiale pour la Conservation de la Nature (UICN), pour son appui
financier déterminant pour la tenue de cet Atelier. En cela, l'UICN a mis en pratique le
mot du Dr Martin HOLDGATE, son Directeur-Général qui soulignait à Perth (Australie)
que: "Gérer la Nature, c'est gérer les Hommes".
En souhaitant plein succès à vos travaux, je déclare ouvert l'Atelier sur la "Gestion des
Ressources Côtières et Littorales du Sénégal".
Je vous remercie.

12
PROBLEMATIQUE DU LITTORAL

THE LITTORAL ISSUE


EXPOSE INTRODUCTIF

LA GESTION DES RESSOURCES COTIERES ET


LITTORALES DU SENEGAL

Pour le Comité d'Organisation, Alioune BA


Département de Géographie, Faculté des Lettres et Sciences Humaines,
Université Cheikh Anta Diop, Dakar (Sénégal)

1. INTRODUCTION
A l'évidence le littoral sénégalais parcouru depuis plus de quatre siècles est un espace
complexe; complexité qui justifie parfaitement la littérature abondante qui lui est
consacrée.
Nous allons essayer de présenter cette zone de contact entre le continent et la mer pour
tenter de dégager quelques pistes de réflexion.

2. CONNAISSANCE DU LITTORAL SENEGALAIS

2.1. L'importance stratégique du littoral sénégalais


Elle s'exprime d'abord à travers un problème d'accès et d'accessibilité. En effet le
Sénégal est un pays côtier situé à l'avancée la plus occidentale de l'Afrique. Il constitue
pour la navigation un point de ravitaillement stratégique, aussi bien sur les routes
méridiennes de la côte occidentale d'Afrique que vers les Canaries et le Sud du Maroc;
de même, sur les routes Europe-Afrique-Amérique du Sud ou Antilles, la situation de
finistère de la presqu'île est sans égale: Dakar constitue non seulement un carrefour
maritime de tout premier plan mais joue en plus une fonction d'escale précieuse; cela
explique tout l'enjeu militaire et commercial du site.
A cet égard, si en Afrique de l'Ouest la côte basse et rectiligne, dont le rivage est précédé
d'une forte barre, est peu propice à la vie maritime, le Sénégal dispose avec le port de
Dakar de l'une des meilleures rades en eaux profondes, privilège partagé avec la Sierra
Leone par Freeetown. Un autre avantage est représenté par le canyon naturel de Kayar
qui a justifié dans un passé récent le projet d'un port d'hydrocarbures (Keur Farah-
Pahlavi).

2.2. L'appel de la mer


Dans le contexte d'une économie extravertie, la distance par rapport à la côte est favorable
au Sénégal; le point le plus éloigné de la mer se trouve à moins de 500 km. C'est un
avantage réel quand on sait qu'en Afrique subsaharienne, on dénombre 14 pays sans
littoral; l'ensemble de ces pays, à l'exception du Swaziland, de la Zambie et du
Zimbabwé, sont considérés comme les moins avancés d'Afrique noire.
Evidemment, en se situant au plan national, cette appréciation très optimiste est à nuancer
avec force, car un déséquilibre important existe entre régions périphériques continentales

15
Ressources Côtières et Littorales du Sénégal

et régions côtières atlantiques; c'est dans ces dernières, dénommées régions maritimes,
que l'appel de la mer reste le plus sonore.
L'attirance se manifeste à travers les activités de pêche, l'exploitation des salines, le
maraîchage dans les dépressions interdunaires littorales, la riziculture des estuaires et
espaces deltaïques, le transport fluviomaritime par cabotage et les activités les plus
récentes, relatives au tourisme et au développement industriel.
En résumé, la convoitise suscitée par cet espace exigu introduit une certaine compé
tition qu'il convient de formaliser. Or, malgré un arsenal de textes juridiques et de
nombreux schémas d'aménagement, les stratégies d'intervention sont encore difficiles à
harmoniser. En outre, il se pose sans conteste un problème d'occupation et d'utilisation
du littoral.

2.3. Occupation et utilisation du littoral


La recherche est confrontée à un problème de concepts liés à la définition de la côte et
du littoral.
La côte est-elle une ligne ou un trait par allusion à une ligne de démarcation correspondant
au trait de côte ou encore à la ligne de rivage? Quelle est sa spatialité par allusion à une
zone ou à une région côtière? Les mêmes questions peuvent être répétées à propos de la
notion de littoral.
En se référant à la dimension spatiale, d'autres interrogations surgissent notamment en
ce qui concerne la différence entre espace côtier, espace littoral et espace maritime.
Quelles en sont les limites au large et sur la côte? La question est rendue plus ardue par
le fait que l'Ouest du pays a connu, aux plans géologique et océanographique, de
nombreuses variations de niveau.
Certains documents fournissent les statistiques suivantes: 718 km de côtes et 198 000 km2
d'espaces maritimes au Sénégal.
Les interrogations conceptuelles ainsi formulées, il s'agit de faire connaissance avec la
côte sénégalaise selon le découpage administratif et le vécu social, autrement dit espace
technique, espace social.

2.4. La subdivision du littoral


Le littoral est subdivisé en 3 grands ensembles.

2.4.1. La Grande Côte, de l'embouchure du fleuve Sénégal à la


Presqu'île du Cap-Vert
Elle représente le secteur Nord à partir du delta du fleuve Sénégal dont le régime a été
régulé par les barrages hydroélectriques de Manantali et antisel de Diama réalisés à la
fin de la décennie 1980. Le long de la Grande Côte, la région des Niayes est surtout
identifiée à travers les ensembles dunaires littoraux et les dépressions interdunaires plus
ou moins inondées, cadre d'une culture maraîchère intense. Il s'agit de véritables oasis,
"niches écologiques" auxquelles le voisinage immédiat de l'océan confère un climat
privilégié, loin de la rigueur des vents d'Est. Ainsi chaque étang est cerné par une
végétation hygrophile dans laquelle domine le palmier à huile accompagné d'un cortège
varié d'espèces d'origine soudano-guinéenne.

16
Exposé Introductif

Dans cet ensemble, on peut situer le canyon naturel de Kayar, le Lac Rose, objet de grande
curiosité. On y annonce également des perspectives énergétiques intéressantes avec la
découverte de gisements de tourbes.

2.4.2. La Petite Côte


Elle correspond au secteur compris entre Dakar et la Pointe de Sangomar, englobant
l'estuaire du Saloum; elle apparaît également comme un milieu dont le paysage consti
tutif est en grande partie dominé par une végétation de palétuviers: les mangroves
tropicales. Ce milieu se caractérise aussi par d'imposants sols salés appelés tannes et qui
matérialisent la rupture avec les milieux arables.
La Petite Côte, dessinée comme un immense golfe ouvert au Sud de Dakar, est plus
abritée que l'ensemble précédent: la barrière que constituent notamment dans l'arrière-
pays le massif de Ndiass et le micro-horst de Bargny lui sont également favorables.

2.4.3. La Casamance maritime ou Basse Casamance


Elle rappelle à bien des égards le Bas-Saloum par la zone estuarienne. Celle-ci, définie
par la limite interne de la remontée des marées, s'étend de la Gambie à la Guinée Bissau
enserrant les larges vallées de la Casamance et de ses affluents. La Casamance maritime
est également caractérisée par des vasières sillonnées de chenaux profonds et anastomo
sés aux méandres particuliers. La comparaison ne s'arrête pas là; à cet égard, au centre
des vasières à mangrove casamançaises existent aussi des zones salées, sans végétation,
rappelant les formations de tannes du Saloum dont l'extension fait le désespoir des
agriculteurs.

2.5. Mitoyenneté, circonscriptions administratives et mer


Les espaces maritimes ainsi définis constituent les façades occidentales des régions
administratives de:
- St-Louis: département de Dagana (Grande Côte);
- Louga: départements de Louga et de Kébémer (Grande Côte);
- Thiès: départements de Tivaouane, de Thiès (Grande Côte) et de Mbour (Petite
Côte);
- Dakar: départements de Pikine (Grande Côte), de Dakar (Grande et Petite Côte) et
de Rufisque (Petite Côte);
- Fatick: départements de Fatick et Foundiougne (Petite Côte);
- Ziguinchor: départements de Bignona et d'Oussouye (Basse Casamance).
Au Sénégal, seules quatre régions sur dix n'ont pas de façade maritime; les régions de
Thiès et de Dakar sont les plus ouvertes à l'Océan.

2.6. Charge démographique et peuplement


Il ressort de l'examen de la carte du Sénégal que l'essentiel des efforts d'équipement
depuis l'administration coloniale ont porté sur la partie atlantique du pays. Aussi les
populations, les établissements humains sont-ils corrélativement concentrés à l'Ouest
d'une ligne Dagana-Kolda. Il n'en demeure pas moins un paradoxe: la côte, en ce qui
concerne le secteur immédiatement riverain ou le rivage, est relativement vide.

17
Ressources Côtières et Littorales du Sénégal

Du rivage à la périphérie immédiate des Niayes approximativement matérialisée par l'axe


ferroviaire Louga-Thiès, ce qui représente une largeur moyenne d'environ 30 km, la
Grande Côte s'identifie à un espace marginal, un "no man's land" où les seules véritables
villes maritimes sont Saint-Louis et Dakar.
L'occupation sédentaire de cette partie du pays est donc récente: d'abord par l'arrivée
depuis le XVIIIe siècle de groupes sporadiques, venus des autres régions du Sénégal;
ensuite par la création de colonats sur initiative de l'administration. Dans le delta du
Sénégal, la colonisation humaine remonte aux armées 1960 et elle se poursuit encore;
ainsi, les pionniers venus des autres régions du Sénégal ont créé les villages de Mboun-
doum, de Kassak, etc.
Par ailleurs, la lecture de la feuille topographique Kayar (édition de 1958) indique que
la région est restée longtemps inhabitée et que la mise en place a été tardive. On en veut
pour preuve les noms des localités et lieux dits, toponymes réservés en général à des
endroits pas encore ou peu explorés:
Mbayakh lieu inhabité
Santhie nouveau village
Gayane endroit touffu ou sombre
Gorba lieu à défricher.
Les témoignages signalent la fondation au XVII'siècle, dans les environs du Lac Tanma,
des villages de Beroum, Tialane, Tore, Ber, Tiédème par des Lébou qui y vécurent côte
à côte avec des Sérère None. Aux premiers occupants, se sont ajoutés des Peul qui seraient
venus pour la première fois dans les Niayes vers 1915. Les principaux villages d'accueil
sont aujourd'hui du Nord au Sud: Potou, Léona, Loumpoul, Mboro, Mbawane, Kaniak,
Niaga, Keur Massar, Malika, Yeumbeul et Thiaroye-Peul. Les Niayes étaient pour eux
un territoire de transhumance; toutefois, elle constituait par contre une région relative
ment malsaine pour les zébus à cause de la présence des glossines.
Au total, on n'enregistre des densités rurales importantes que dans la circonscription de
Tivaouane.
En ce qui concerne la Petite Côte, les fortes densités du bassin arachidier et la surpopu
lation de quelques îles, parmi lesquelles Fadiouth, sont connues. P. Pélissier le signale
dans sa thèse mais ajoute que: "les hautes densités s'effritent sans que l'on puisse leur
fixer une frontière linéaire, en raison de la place croissante occupée par les tannes et du
caractère souvent insulaire que prennent les derniers lambeaux de la couverture sablon
neuse. D'autre part, des raisons historiques ne sont pas étrangères à une relative
dépression démographique, aux approches de l'estuaire du Saloum et de la Pointe de
Sangomar".
Ces espaces vides sont également connus de B.S. Diouf (1987) qui précise que de
Fadiouth à la Pointe de Sangomar, sur environ 35 km de côtes, on ne compte que 4
villages (les trois villages de Palmarin et Djifère). La population des îles du Saloum
(Gandoul et Socé) est également peu dense; dans les îles Gandoul majoritairement
peuplées de Niominka, pour l'arrondissement de Niodior, la population est de 15 149
habitants répartis dans 18 villages dispersés dans un espace insulaire assez vaste. Quant
aux îles Socé, elles sont presque vides; seules les localités de Bétanti et de Toubakouta
sont significatives.

18
Exposé Introductif

Au Sud, le littoral casamançais est très peu peuplé. Ainsi, de Diogué à Kafountine, les
localités sont de petits villages, inserrés dans les bolons, avec de très faibles densités, de
l'ordre de 5 habitants au km2.
Finalement du Nord au Sud, de la Grande Côte à la Basse Casamance, le littoral n'est
pas occupé de façon homogène. Cet état de fait serait-il lié à l'insécurité créée au niveau
de l'espace côtier par la traite négrière, ou encore à l' inhospitalité et l'insalubrité des
basses plaines? En effet, on peut signaler des phénomènes de sursalure ou d'acidification
de certains sols (Saloum, Casamance), l'existence de sols rouges lessivés de la Casa
mance maritime, la végétation littorale exubérante et fastidieuse à défricher qu'est la
mangrove, la présence de glossines et les menaces liées à l'érosion côtière sur les sites
de Rufisque, Guet-Ndar, Djifère et Joal-Fadiouth entre autres.
Cette dépression démographique signifie-t-elle pour autant faible pression foncière en
ces lieux? Rien n'est moins sûr, la diversification des activités s'accompagne de plus en
plus de compétition pour le contrôle de l'espace.

2.7. Signification économique


Je me permets d'avancer une idée personnelle pour vous inciter à la discussion. En effet,
malgré l'importante extension du littoral (706,74 km de côtes d'après A.T. Diaw, 1984),
on ne peut pas dire que les Sénégalais soient un peuple tourné vers la mer. Le peuplement
relativement continental et la faible proportion des populations directement impliquées
dans les activités traditionnelles, liées à la mer, en sont des illustrations. Ces constats
semblent justifier la remarque de Pélissier (1966) qui dit de la Grande Côte: "ce secteur
côtier qui tourne le dos à la côte".
Les professionnels de la mer s'intéressent aux activités de la pêche et de ses dérivés, à
la riziculture côtière, au maraîchage, à l'exploitation des salines ou au ramassage de
coquillages.
Au Sénégal, la pêche maritime fournit à la population, aussi bien dans les secteurs côtiers
que dans les régions de l'intérieur, l'essentiel des protéines animales. Le riz au poisson
n'est-il pas considéré, à tort ou à raison, comme le plat national par excellence. Le
poisson est donc consommé frais, mais aussi séché (poisson salé séché ou sali, poisson
fumé séché ou métora, poisson braisé séché ou kétiakh, poisson fermenté séché ou
guedj).
Les points traditionnels de grande pêche Guet-Ndar, Kayar, Mbour, Joal méritent une
attention particulière. Cependant, il ne faut pas perdre de vue les autres points de
concentration de pirogues comme Yoff, Ouakam, Soumbédioune, baie de Hann et le
secteur qui s'étend de Niaguiss à Diattacounda avec l'important centre de Goudomp.
Mais, comme le fait remarquer R. Nguyen Van Chi - Bonnardel: "Mis à part les hommes
de Guet Ndar pour qui le métier de la mer est exclusif, la pêche n'est jamais l'occupation
unique des gens du littoral; elle se juxtapose toujours à l'agriculture, celle-ci apparaît
même, dans tous les cas, comme l'activité fondamentale". Ce secteur d'activité est
marqué par une importante mobilité des pêcheurs d'un centre à un autre; c'est là toute
une sociologie qui mériterait de plus longs développements.

19
Ressources Côtières et Littorales du Sénégal

L'aménagement de la zone littorale intéresse le maraîchage confronté à un problème de


commercialisation; il s'y ajoute une forte dépendance de cette agriculture, initialement
possible dans les cuvettes interdunaires du fait de la présence d'une nappe phréatique
subsuperficielle, mais qui dépend maintenant, suite à la sécheresse contemporaine, de
diverses décisions relevant de l'équipement et de la gestion du territoire. Dans la région
de la Grande Côte, qui a fait l'objet de projets de grande envergure sous la tutelle de
l'ancienne SODENIA, les cuvettes sont menacées surtout d'ensablement, or, dans le
secteur, les cultivateurs ne font pratiquement plus aucune culture en dehors des cuvettes
interdunaires. Le maraîchage est devenu la seule source de revenus; des perspectives
incertaines concernent l'exploitation éventuelle des gisements de tourbe mais aussi la
promotion d'un élevage laitier à la faveur du climat frais du littoral.
La riziculture côtière est aussi pratiquée dans le delta du Sénégal, dans la zone
estuarienne du Saloum et en Basse-Casamance.
En réalité l'attraction du littoral se manifeste de façon complexe, à l'image du port, espace
industriel relativement important, disposant d'aménagements sur des centaines d'hec
tares. Des vocations se dessinent. Il est important de souligner qu'au Sénégal, si le littoral
fait partie des potentialités les plus mises en exergue, il représente cependant une zone
stratégique dont le développement continue d'être lié à desfacteurs exogènes. Aussi le
port de Dakar doté d'un terminal à conteneurs ne peut-il assurer un trafic de plus de
100 000 conteneurs. Le trafic de ces dernières années s'élevait à environ 5 millions de
tonnes en entrées et sorties. L'intérêt stratégique du port de Dakar vaut également par
son équipement pour la réparation navale, le carénage ou d'autres opérations. Cependant
la gestion d'un port pose également le problème de la pollution des eaux et des plages
riveraines.
L'industrie est surtout liée aux installations portuaires, notamment à Dakar qui développe
une macrocéphalie de plus en plus difficile à gérer. Il s'agit en général d'industries non
structurantes. L'illustration la plus patente est la Zone Franche Industrielle de Dakar dont
les rejets ne manquent évidemment pas de poser des problèmes d'environnement.
La vocation la plus affirmée du littoral sénégalais est certainement celle du tourisme dont
la conquête intéresse essentiellement la Presqu'île du Cap-Vert et se poursuit vers le Sud,
délaissant la Grande Côte. Les études menées depuis les années 1 970 ont défini un espace
littoral touristique sur la Petite Côte et la Basse Casamance qui connaissent depuis lors
une intensification des activités balnéaires. De Bargny à Kabrousse, le littoral est divisé,
par endroit, en futures zones touristiques ou Unités d'Aménagement Touristique
(U.A.T.); celle de Saly est déjà concrétisée (triangle de 7 km de côté dont le sommet est
situé à Gandigal et la base délimitée par la mer). Le bilan de l'expérience permettrait
d'apporter des corrections avant toute généralisation; la SAPCO, société d'intervention,
devrait s'interroger sur les impacts de sa politique et à différentes échelles.
Au total, la réflexion sur le littoral est large et nécessite une approche inter
disciplinaire.

20
Exposé lntroductif

3. PERSPECTIVES DE RECHERCHE
Existe-t-il une grande question du littoral? Et quelle est la grande préoccupation de
l'heure?
Telles sont les questions collectives auxquelles il faut apporter des réponses. Car, par
rapport aux changements globaux à travers le programme "Géosphère-Biosphère" nos
interpellations s'adressent à toutes les grandes disciplines thématiques de l'environne
ment: l'hydrodynamique, la sédimentologie, la biologie, la géologie, l'océanographie,
la géographie, la sociologie, l'économie, etc. Ainsi, au sortir de cette rencontre, il
s'agira de:
- faire l'esquisse de la carte d'identité du littoral sénégalais, en commençant par nous
mettre d'accord sur la sémantique;
- réfléchir sur les problèmes d'occupation et d'utilisation de cet espace de plus en plus
convoité et de proposer des solutions appropriées:
relatives aux meilleures formules pour la coordination des actions et des
programmes;
concernant l'opportunité d'un code d'utilisation de l'espace, mieux penser à
un programme national ou régional (au niveau des Etats) du développement
côtier;
en rapport avec les schémas de mise en valeur sans oublier la dimension
humaine; autrement dit, comment concilier les compétitions sociologiques et
économiques sur l'espace littoral.
A cet égard, il y a toute une problématique à conduire, celle de la migration saisonnière
des pêcheurs d'un centre de pêche à l'autre: les migrations de Saint-Louis à Kayar; de
Bargny, Mbour, Rufisque, Yoff, vers Joal; de Saint-Louis vers Mbour; de la vallée du
Sénégal vers la Gambie et la Casamance.
- Il serait heureux de tenter un bilan de la pêche artisanale, de l'organisation du
mareyage et l'amélioration de la production artisanale; tout cela par rapport à un fort
appel de main d'œuvre composée des désœuvrés de la sécheresse.
- Une des priorités de l'heure, c'est peut être aussi la gestion des ressources, la
sauvegarde de sites rares:
à commencer par l'évaluation sur le plateau continental comme sur les fonds;
à envisager les applications des nouvelles technologies, comme la télédétection.
- Les plaines basses maritimes et les cuvettes interdunaires constituent des ressources
dont l'exploitation présente un certain nombre de contraintes.
L'étude sur la récupération des tannes divise les chercheurs; à ce propos, un débat sain,
strictement scientifique est souhaité.
Les ensembles dunaires littoraux de la Grande Côte connaissent une intense évolution
d'origine éolienne dont la principale conséquence est l'ensablement des dépressions
maraîchères.
La crise écologique affecte également la végétation fossile des Niayes que les agressions
anthropiques n'épargnent pas non plus. Il est souhaitable de discuter des mesures de
sauvegarde. Nous inviterons nos collègues à fournir les premiers éléments de l'impact
des barrages (sur les fleuves Sénégal et Casamance) sur le littoral.

21
Ressources Côtières et Littorales du Sénégal

- Sur la Grande Côte, les problèmes de disponibilité en eau sont réels. La multiplica
tion de puits forages menacent la pérennité de la nappe. Cela nous amène à la question
de la gestion des aquifères côtiers. Quelle est la situation du moment?
- En ce qui concerne le tourisme, les pessimistes ne manquent pas de prédire une
situation de monopole gênante. Le débat qui suivra nous éclairera.
- Nos préoccupations sont également d'ordre environnemental et sécuritaire.
Environnement quand il s'agit d'analyser et de trouver des solutions aux risques
d'urbanisation et d'encombrement du littoral par une occupation sauvage, les rejets des
eaux usées urbaines, le péril fécal, la promiscuité dans l'espace exigu des îles, les
problèmes de l'architecture en bord de mer suite à l'attaque du sol, à l'humidité excessive,
à l'érosion éolienne. Environnement toujours quand il s'agit de la pollution dans le
voisinage des ports, des usines: nos recommandations de discuter sur les emprises
portuaires et leurs efforts sur la dynamique littorale.
Sécurité pour la navigation en mer, surtout pour la flottille de pêche traditionnelle qui
n'utilise aucun moyen de communication et de sauvetage.
- L'Atelier devra se prononcer enfin sur les politiques de sauvegarde, de conservation
avec le réseau des Parcs et Réserves, en réfléchissant sur des mesures opératoires
allant dans le sens du développement rural intégré, qui fait de plus en plus des
riverains de ces espaces protégés, des partenaires impliqués dans leur gestion.
Je me permettrais de conclure sur cette dernière invitation. L'objectif de cet exposé
introductif consistait à soulever le plus d'interrogations possibles; il demeure certain que
de nombreux problèmes, d'ordre général ou à caractère spécifique, ont été oubliés. Ils
ne devront pas pour autant être écartés du débat que nous souhaitons le plus large, de
façon à apporter aux ressortissants des terroirs, hommes et femmes, des informations
utiles et améliorantes pour le vécu de leur espace côtier.

REFERENCES BIBLIOGRAPHIQUES
DIAW, A.T. (1984). Morphométrie du littoral sénégalais et gambien. Notes
Africaines, n° 183, Dakar, pp. 58-63.
DIOUF-SENE, B. (1987). Le tourisme international: étude géographique de son
impact sur la Petite Côte et en Basse Casamance. Doct. 3e Cycle, Univ. Dakar,
318p.
PELISSIER, P. (1966). Les paysans du Sénégal. Les civilisations agraires du Cayor à
la Casamance. Imprim. Fabrègue, Saint-Yrieix, 939 p.

22
EVOLUTION HISTORIQUE ET DECOUPAGE DU
LITTORAL SENEGALAIS

Ahmadou F. KANE
Département de Géographie, Faculté des Lettres et Sciences Humaines
Université Cheikh Anta Diop, Dakar, Sénégal

Résumé

Le littoral est diversement défini. Ligne ou espace, il demeure un milieu de topographie


bien affirmé, aux caractères biogéographiques typiques. Ses populations ont pendant
longtemps pratiqué une économie de cueillette dans un environnement bipartite, la mer
et le continent, ces deux éléments conditionnant la vie du littoral.
Le littoral ouest-africain, projeté dans la politique mondiale dès le milieu du XV siècle
par les appétits des cours princières européennes, a connu dans sa Nature et dans ses
Populations des prélèvements importants.
Le prélèvement de bois destiné à la construction de navires, de factoreries et de
logements, a contribué à la fragilisation et à la dégradation du littoral. Ainsi, en
Casamance et dans les Scarcies, des peuplements entiers de palmiers à huile ont disparu
pour les besoins de l'industrie du savon et des lubrifiants destinés à la France et à la
Grande-Bretagne, dans le premier tiers du XIXe siècle.
La mise en exploitation des plantations des Amériques a entraîné par ailleurs, une forte
ponction humaine sur le continent africain; ce qui a contribué à modifier la carte ethnique
et politique des zones littorales.
L'ordre européen se traduisit par la division de l'espace littoral en unités administratives
mal définies. Ces divisions reflétèrent les rivalités entre les diverses puissances coloni
satrices que furent le Portugal, la France, l'Angleterre et la Hollande. En définitive, le
découpage actuel ne fut précisé que par les conventions franco-anglaises (28 juin 1882;
10 août 1889) et franco-portugaises (12 mai 1886).

HISTORICAL EVOLUTION AND CUTTING OUT OF THE


SENEGALESE LITTORAL ZONE

Abstract

A littoral zone has various definitions. Whether a line or an area, it remains an environ-
ment with a topography and typical biogeographical features. Its populations have lived
for a long time on a hunters'/gatherers' economy in a bipartite environment: the sea and
the mainland. The life of the littoral zone depending on these two elements.
The natural environnement and population of the West African littoral zone, projected
in international politics as early as the mid-15th century due to the covetousness of
European princely courts, has been subjected to constant demands.

23
Ressources Côtières et Littorales du Sénégal

The cutting of timber for the construction of boats and buildings, including living
quarters, has contributed to a weakening and degradation of the littoral zone. Thus, in
the Casamance and in the Scarcies, whole populations ofpalm-oil trees have disappeared
in the first third of the 19th century to satisfy the demands of the soap and lubricants
industry destined for France and Great Britain. In addition, the farming of American
plantations led to a large human exodus ofthe population in the African continent, which
resulted in modifying the ethnic and political map of littoral areas.
The European order was illustrated by the division of the littoral area in ill-defined
administrative units. These divisions reflected the rivalry between the different colonial
powers Portugal, France, England and Holland. Finally, the present division was pres-
cribed by the Franco-English (June 28, 1882; August 10, 1889) and Franco-Portugese
(May 12, 1886) conventions.

LE PARTAGE HISPANO-PORTUGAIS AU XVe SIECLE

Dès que les progrès de la navigation, les découvertes techniques et l'avancée des sciences
comme l'astronomie et la géographie le permirent, certains pays d'Europe se lancèrent
selon l'expression d'André Vigarié "vers les rivages du point du jour".
Rivages inconnus, rivages mystérieux dont les échos reçus à travers le Sahara et la
Méditerranée poussèrent à l'organisation d'expéditions de découverte. Ainsi le rivage
ouest-africain se vit-il progressivement troublé dans sa quiétude à partir du XVe siècle.
Parce qu'il devait être visité, connu, nommé et divisé par des navigateurs et des
négociants agissant au nom de la grandeur de leurs princes et de leurs pays, le littoral fut
abordé par plusieurs navires de plus en plus grands et performants: caravelles, goélettes,
bricks, etc.
Au départ, ces lointains voyages furent organisés par des armateurs privés qui entraînè
rent par la suite dans leurs entreprises les gouvernements de leurs pays. Le Portugal et
l'Espagne d'abord, à cause de leur maîtrise de la navigation et de leur rôle de gardiens
de la foi catholique dans le bassin de la Méditerranée, inaugurèrent ces voyages
lointains.
Mais bientôt les retombées financières et commerciales créèrent des frictions entre ces
deux puissances navales. L'Eglise fut sollicitée pour bénir les entreprises, confirmer les
points acquis et surtout pour assurer l'arbitrage entre deux pays chrétiens impliqués dans
la grande aventure maritime:
- la bulle Romanus Pontifex du Pape Nicolas V, parue le 8 janvier 1455, trancha
le différend entre le Portugal et la Castille à propos du commerce d'Afrique,
au-delà du Cap Bogador, en faveur du Portugal qui dût abandonner cependant
les Canaries;
- la bulle Inter Cœtra du Pape Alexandre VI Borgia, publiée le 4 mai 1493, soit un an
après la découverte de l'Amérique ou Indes occidentales, réserva à l'Espagne le droit
d'acquérir les îles et territoires par delà d'une ligne tracée à 550 km ( 1 00 lieues) à l'Ouest
des Açores et du Cap Vert; l'Est de cette ligne revenant bien entendu au Portugal;
- les deux monarchies se reconnurent leurs zones d'influence respectives par le traité
de Tordesilas du 7 juin 1494.

24
Evolution Historique et Découpage du Littoral

Ce partage du monde inconnu entre l'Espagne et le Portugal par l'Eglise créa le


mécontentement dans les autres cours et amena François 1er à demander à l'ambassadeur
d'Espagne, en 1540, de voir le testament d'Adam pour savoir qui était exclu des conquêtes.

LA CONCURRENCE EUROPEENNE A PARTIR DU XVIe SIECLE


Au XVIe siècle donc, les autres pays européens, la France, l'Angleterre et les Pays-Bas
rejoignirent le Portugal et l'Espagne dans la course à la possession du littoral africain.
Des politiques nationales véritables en matière de commerce maritime et de conquêtes
de terres furent alors ébauchées et la lutte n'en fut que plus rude.
Au XVIIe siècle, les premières compagnies furent fondées avec des patentes d'une durée
pouvant atteindre 40 ans. Elles agissaient sur des positions du littoral vagues ou mal
définies, chacune privativement à toute autre, selon l'expression consacrée alors. Les
frictions devinrent en Afrique même des conflits qui, souvent, ne furent que les prolon
gements des guerres européennes.
Les premières compagnies (1626: celle du Sénégal fondée par Richelieu) matérialisèrent
leur présence par la construction d'entrepôts sur la côte, au débouché des fleuves, où
allait naître une vie littorale s'appuyant essentiellement sur les rapports commerciaux
entre africains et européens et, secondairement, sur une présence militaire destinée à
protéger les négociants étrangers.
Le littoral africain bascula rapidement dans l'horreur avec le déclenchement et le
renforcement du commerce des esclaves. Il en fut ainsi pour la France jusqu'à la
Convention qui supprima les Compagnies en 1791 et 1794 et arrêta - provisoirement -
l'esclavage et, pour l'Angleterre, jusqu'au début du XIXe siècle. L'esclavage fut pourtant
maintenu jusqu'au 27 avril 1848 par la France et supprimé quelques années plus tôt par
la Grande Bretagne.

LES RIVALITES EUROPEENNES SUR LA COTE: FONDEMENTS


ECONOMIQUES ET STRATEGIQUES
A partir de 1818 une reconversion économique s'opéra en Europe et, au commerce des
hommes, on préféra celui des marchandises. La France retrouva le Sénégal qu'elle avait
perdu à l'occasion des guerres napoléoniennes: avec Schmaltz et ensuite Faidherbe,
commence l'organisation du Sénégal. Mais dès le traité de 1763 qui mit fin à la guerre
de Sept ans en Europe, on commença à mentionner l'appellation de Grande Côte, celle
qui s'étendait de Gorée à Saint-Louis (article 20). Plus tard, avec l'arrivée des français
sur la Casamance par l'occupation de Carabane en 1 826 et de Sédhiou en 1 836, une
réforme administrative du Sénégal s'imposa, mais elle ne devint effective qu'en 1854
avec l'installation de Faidherbe à Saint-Louis. Il y eut dès lors le Gouverneur de
Saint-Louis et le Commandement particulier de Gorée et Dépendances, par lesquelles il
faut entendre le Sine, le Saloum, la Casamance, la Petite Côte, les provinces et les
comptoirs situés au Sud de la Casamance. Cette réforme réunissait à la Division Navale
créée en 1843 une zone d'action s'étendant de Gorée à Assinie. Une nouvelle réforme
intervient le 26 février 1 859 précisant la Petite Côte. Auparavant, le traité de Paris du
28 septembre 1783 avait déjà mentionné les pays des Rivières situées au Sud du Sénégal,
ébauche de la Guinée française.

25
Ressources Côtières et Littorales du Sénégal
Les rivalités se poursuivirent au XIXe siècle et le littoral devint selon le mot de Van
Vollenhoven "une rue des nations": France du Sud marocain à la Gambie, Angleterre
en Gambie et en Sierra Leone vers 165 1, Portugal entre les fleuves Casamance et Cassini,
les Allemands pour un court temps au bord du Kakandé ou rio Nunez.
La France et l'Angleterre s'affrontèrent entre le Nunez et les Scarcies et l'occupation par
la France de Boké en 1 866 fit pencher la balance de son côté. La mission Noirot-Bayol
en juillet 1 88 1 arracha aux Almamys le traité du 5 juillet qui accorda le littoral à la France
en même temps qu'il institua le protectorat sur le Fouta Djallon. Dès lors, France et
Angleterre s'entendirent pour délimiter leurs zones d'influence et leurs négociations
aboutirent à la convention du 28 juin 1 882 qui mit le rivage guinéen entre les mains des
français qui par le décret du 12 octobre 1882 constituèrent la Colonie des Rivières du
Sud du Sénégal, future Guinée Française. Le rivage de la nouvelle colonie dépendit du
Sénégal jusqu'à la fin du XIXe siècle.
En 1886, la France et le Portugal échangèrent Ziguinchor et le fleuve Casamance contre
le Cassini et les droits de pêche français au large de Terre Neuve. Enfin, l'arrangement
du 10 avril 1889 fixant les limites sur le littoral des possessions françaises et anglaises
sur la côte: la Gambie et le Sénégal, la Guinée portugaise, la Guinée française et la Sierra
Leone étaient dès lors clairement délimités sur leurs portions littorales.
Cette présence changea d'orientation sur le plan économique avec la signature en 1826
d'un traité d'amitié et de commerce entre l'Angleterre et le Soumbouya sur la Mellacoré;
ce fut le premier traité d'amitié et de commerce conclu entre un pays d'Europe et un pays
des Rivières du Sud. Cette évolution se confirma surtout après 1848.
C'est que le machinisme européen avait besoin de matières premières. On mit sauvage
ment à contribution les palmeraies à huile pour l'approvisionnement des fabriques de
savon de Liverpool, Manchester, Marseille et Bordeaux, pour la fabrication de lubrifiants
destinés à la fois aux machines des industries naissantes et aux moteurs des navires à
vapeur et pour la fabrication des bougies à stéarine.

CONSEQUENCES ENVIRONNEMENTALES ET HUMAINES DE LA


PRESENCE EUROPEENNE
L'éclairage se généralisant à partir de 1 840 accentua davantage les prélèvements des
arbres. Cette destruction massive entraîna des conséquences graves: le sol mis à nu fut
la proie du ruissellement accélérant la disparition de la végétation. Le rio Kapatchez est
un témoin: il s'est envasé et des villages de pêcheurs sont aujourd'hui situés en terre
ferme.
De la même manière, les peuples littoraux furent désorganisés selon des mouvements
Est-Ouest et Nord-Sud. Les peuples refoulés de l'intérieur par d'autres communautés
plus encadrées et mieux structurées se retrouvèrent sur le littoral, ligne de pression entre
les Européens et leurs ennemis de l'intérieur. Du jour au lendemain, leurs habitudes se
transformèrent radicalement: des agriculteurs sous pluie devinrent des cultivateurs "en
eau", des éleveurs devinrent des marins et pêcheurs. Les transformations entraînèrent la
méfiance et la peur et, finalement, le repli sur soi. Les isolats, en tant que constructions
politiques, perlèrent le rivage.

26
Evolution Historique et Découpage du Littoral

Sur le littoral même il y eut des bousculades, tantôt orientées vers le Nord (Baga, Soussou,
Landouman, Nalou, Biaffoubé, Pepel, Diola, etc.) tantôt vers le Sud (Mandeny, Timné,
etc.)- Une nouvelle carte ethnodémographique vit lejour; elle resta en l'état pendant toute
la période coloniale et perdure encore actuellement.
Les Etats littoraux successeurs des puissances coloniales se trouvent donc confrontés au
double problème de l'aménagement et de la protection de leurs portions de rivage, ce qui
les conduit à gérer deux types de situation. La situation nationale et les situations
internationales elles-mêmes très complexes.
La situation nationale se perçoit au regard de la répartition du littoral entre les différentes
activités socio-économiques (pêche, industrie, tourisme) et entre ces dernières et les
populations qui vivent sur la côte. La cohabitation n'est pas toujours facile: les exigences
des uns étant les interdits des autres. La cohabitation devient compétition puis, confron
tation et généra des conflits plus ou moins graves et plus ou moins longs. Leur gravité
et leur longévité dépendant de la force de l'Etat c'est-à-dire de la solidité de ses
institutions et de sa capacité à les faire respecter.
Les situations internationales impliquent au moins deux Etats littoraux contigus dans la
gestion de leurs zones riveraines à travers lesquelles les limites sont mal définies ou en
tout pas démarquées. Les contestations surgissent lorsque des richesses sont en jeu
(richesses halieutiques, hydrocarbures) ou lorsque se posent des questions touchant à la
souveraineté nationale (zone maritime nationale, zone maritime exclusive, zone interna
tionale). Dès lors le rivage "militaire" diffère du rivage "civil" et leur administration
également. Des cas encore trop récents sont malheureusement là pour les illustrer
(Guinée Conakry-Guinée Bissau, Sénégal-Gambie, Sénégal-Guinée Bissau, Sénégal-
Mauritanie).

EPILOGUE
Le littoral actuel est donc l'ultime image d'un film qui s'est déroulé sur plusieurs siècles.
De cette longue évolution, il a gardé certains traits même si à l'arrivée, ceux-ci ne se
posent plus dans les termes du départ. Il demeure une ligne ou une zone de pression:
- pression de peuples organisés de part et d'autre de lignes frontières qui sont deve
nues l'inscription du temps dans l'Espace, donc des rapports entre Etats;
- pression à l'intérieur même des Etats littoraux entre des ethnies voisines, entre ces
noyaux ethno-démographiques qui cohabitent plus ou moins bien;
- pression entre les autorités continentales et les navires, pêcheurs indélicats et pol
lueurs (rôle de la Marine nationale);
- conflits entre groupes de pression économiques impliqués dans le tourisme, la
pêche, l'agriculture ou l'industrie.

27
LES PEUPLEMENTS HUMAINS ANCIENS DU
LITTORAL ATLANTIQUE SENEGALAIS:
LES AMAS COQUILLIERS ANTHROPIQUES
ET LES RECHERCHES PLURIDISCIPLINAIRES

Marie-Amy MBOW
Musée d'Art Africain IFAN, Université Cheikh Anta Diop, Dakar, Sénégal

Résumé

Les zones côtières, et le littoral en particulier, sont considérés comme des zones à très
forte productivité du fait de leur importante activité biologique.
L'occupation des littoraux est un phénomène observé mondialement dès la fin du
Pléistocène et le début de l'Holocène. Au Sénégal, la colonisation des zones littorales se
manifeste entre autres, par la présence le long des estuaires des fleuves Sénégal, Saloum
et Casamance, d'accumulations anthropiques de coquillages de volume variable.
L'analyse des amas coquilliers nécessite de par la diversité des vestiges qu'ils contiennent
et des questions qu'ils soulèvent, une approche pluridisciplinaire. En effet, l'étude des
coquilles marines peut servir à reconstituer et à dater les paliers successifs des niveaux
marins holocènes; elle peut conduire également à l'établissement de variations climati
ques locales ou de biotopes par comparaison avec des peuplements actuels. Enfin, elle
peut permettre de mesurer les conséquences de la prédation humaine sur les peuplements
malacologiques.
Ces sites connaissent aussi des problèmes d'environnement, plus particulièrement de
conservation, liés à l'urbanisation et à l'exploitation des coquilles qu'ils renferment. Ils
doivent aussi faire l'objet d'une gestion plus rigoureuse dans le cadre de leur intégration
aux circuits touristiques sénégalais.

ANCIENT HUMAN POPULATIONS OF THE SENEGALESE


ATLANTIC LITTORAL ZONE: ANTHROPGENIC
CONCHIFEROUS CLUSTERS AND MULTIDISCIPLINARY
RESEARCH

Abstract

Coastal zones, and in particular the littoral zone, are considered areas of very high
productivity, due to their important biological activity.
The occupation of littoral zones is a phenomenon which has been observed on a global
scale since the end of the Pleistocene and the beginning of the Holocene period. In
Senegal, the colonization of littoral zones is revealed by the occurence of anthropogenic
accumulations, of shells of variable sizes, along the estuaries of the Senegal, Saloum and
Casamance rivers.

29
Ressources Côtières et Littorales du Sénégal

Due to the diversity ofthe remains they contain, and the questions they raise, the analysis
of the conchiferous clusters requires a multidisciplinary approach. Indeed, the study of
marine shells can be used to reconstitute and date the successive stages of Holocene
marine levels. It can also lead establishing local climatic changes or biotopes by
comparison with present populations. Lastly, it can facilitate by measuring the effects of
human predation on malacological populations.
These sites also have environmental problems and more particularly conservation
problems linked to urbanization and exploitation of the shells they contain. They must
also be more strictly managed as they are integrated into the Senegalese touristic circuit.

1. INTRODUCTION
Les zones côtières et le littoral en particulier, sont des zones de très forte productivité du
fait de l'importante activité biologique qui s'y développe.
Aussi, l'occupation des littoraux est-elle un phénomène observé mondialement entre la
fin du Pléistocène et le début de l'Holocène (autour de 1 0 000 ans B.P.). Elle se caractérise
par une exploitation des ressources côtières (mollusques, poissons, mammifères marins)
dont témoigne l'existence de différents sites archéologiques côtiers.
Au Sénégal, la colonisation des zones littorales est attestée, entre autres, par la présence
d'accumulations anthropiques de coquillages de volume variable, formant des sites
originaux le long des estuaires des fleuves (Sénégal, Saloum et Casamance).
Ces sites sont des décharges où ont été entassées les rejets d'activités domestiques ou
techniques sur plusieurs époques. Ils renferment principalement des coquilles vides
d'arches (Anadara senilis), d'huîtres (Crassostrea gasar), de patelles (Patella safiana),
de pourpres (Thaïs haemastoma et Murex hoplites) et de Cvmbium provenant de
l'exploitation ancienne des mollusques. Divers autres déchets biologiques: végétaux et
ossements, bien conservés dans ce milieu permettent de se faire une idée sur l'alimenta
tion, les stratégies d'exploitation du milieu littoral (chasse, cueillette, pêche, élevage,
agriculture) et de reconstituer les paléoenvironnements (paléo-géographie). Des restes
d'éléments techniques (outils et objets en céramique, en pierre, en métal, en os) ainsi que
des vestiges d'habitation (inhumations, foyers, traces de construction) permettent d'en
trevoir les savoir-faire technologiques et les facteurs culturels, qui ont sous-tendu
l'évolution démographique et sociale des populations côtières.
Par ailleurs, d'un point de vue scientifique et économique, les amas coquilliers consti
tuent parmi les sites archéologiques du Sénégal, un patrimoine original. Leur intérêt
scientifique réside dans les différents domaines de recherche qu'ils englobent: écologie,
géomorphologie, technologie, ethnologie, biologie, etc. Leur intérêt économique résulte
de l'utilisation des coquilles et de leur intégration dans les circuits touristiques locaux.

2. LES DIFFERENTES PROVINCES D'AMAS COQUILLIERS:


LA DISTRIBUTION SPATIALE DES SITES
On distingue sur la base de critères chrono-culturels quatre provinces:

30
Les Peuplements Humains Anciens du Littoral

2.1. Les amas coquilliers du delta du Sénégal


Les amas coquilliers du delta du Sénégal sont datés entre le IV4me millénaire avant J.C.
et le V'me siècle après J.C. Si quelques rares sites sont d'âge néolithique, la majorité
d'entre eux sont d'âge protohistorique et historique.
Les sites les plus anciens sont les plus éloignés du rivage actuel; ils sont situés autour
des digitations anciennes du delta intérieur (marigots du Khant, de Menguèye et de
Sarré). La couche coquillière peut dépasser 2 m d'épaisseur et le matériel archéologique
comprend de la céramique, des outils en os, en bois et en pierre (ces derniers étant très
rares), des perles et pendeloques en os ou en coquilles, des ossements de poissons et de
mammifères sauvages ou domestiqués. Les datations indiquent que l'occupation de ces
sites se termine autour de 2 000 ans B.P.
L'activité de collecte semble alors se reporter, au Nord et au Sud de Saint-Louis en
bordure des cuvettes et cordons littoraux récents (marigots du Ndèl, de Gueumbeul, de
Ndieuguer) où elle perdure jusqu'au XVIII*"" siècle (Adanson, 1752). Les dépôts sont
peu épais et à la céramique s'ajoutent, des fragments de pipe, des perles en céramique et
en verre, des poids de filet, des fusaïoles et des ossements humains.

2.2. Les amas et sites de la Grande Côte et de la Presqu'île du


Cap-Vert
Les amas et sites de la Grande Côte et de la Presqu'île du Cap-Vert sont localisés
autour du réseau hydrographique ancien constitué par des lagunes, estuaires et
dépressions fossiles ou encore en eau (lac Retba, lac Mbawane, lac Tanma, Kayar...)
ou autour des plages (Pointe de Fann, Iles de la Madeleine...). Les plus anciens sont
datés autour du IIIeme millénaire avant J.C. (lac Tanma); les plus récents sont d'âge
protohistorique, autour du Xime siècle et postérieurement au XV*me siècle après J.C.
(lac Retba, Almadies, Ouakam, Pointe de Fann, îles au Serpent, Bel-Air 3, Hann, Cap
des Biches).
Ils ont été édifiés par des consommateurs de patelles, de pourpres, d'arches ou d'huîtres.
On y trouve pêle-mêle une céramique à décor cordé, des poteries minuscules, des perles
de verre, de coquillages ou en métal, des bracelets de fer, des pendentifs d'oreille et des
anneaux en métal cuivreux, de rares éclats de débitage en silex, des pointes de lances en
fer, des hameçons en os ou en fer, des ossements humains et des restes de poissons ou
des mammifères domestiqués.

2.3. Les amas du Nord de la Petite Côte et de l'estuaire du


Saloum
Les amas du Nord de la Petite Côte et de l'estuaire du Saloum sont les plus spectaculaires,
tant par leur nombre que par leurs dimensions. Leurs contours chronologiques ont
été établis entre le début de l'ère chrétienne et le Vllème après J.C. pour ceux du Nord
de la Petite Côte (Siendou, Joal, Fa bura) et entre le Ilime et le XVIIlime siècle après
J.C. pour ceux du Saloum (Diorom Boumak, Bangalère, Niodior, Maya, Missirah,
Djinak).

31
Ressources Côtières et Littorales du Sénégal

Il s'agit de véritables Kjôkkenmôddinger ou sambaquis à arches et huîtres, surmontés de


tumulus. Ils appartiennent à différentes traditions céramiques, dont les faciès ont été
reconnus à Fa Bura et à Diorom Boumak. Un mobilier abondant a été exhumé dans des
inhumations: objets de parure (perles en coquillages, en métal cuivreux, en or, en verre
ou en calcédoine, bracelets, anneaux de chevilles et d'oreille en métal cuivreux et en fer,
grelots en fer), poteries (à couvercles, embase, englobe poli et impressions cordées ou
au moyen d'une colonne vertébrale de poisson roulée).

2.4. Les amas coquilliers des estuaires de la Gambie et de la


Basse-Casamance
Les amas coquilliers des estuaires de la Gambie et de la Basse-Casamance prolongent
vers le sud l'aire d'extension de ceux du Saloum. Les plus anciens amas de la Casamance
sont datés vers la fin du Néolithique (II"1" siècle avant notre ère); les plus récents sont
du XVIir4me siècle après J.C.
Ils ont livré, outre des arches et des huîtres, de la céramique, des ossements de poissons
et de mammifères domestiqués (bœufs, moutons ou chèvres), des fragments de métal
ferreux.
Une étude archéologique sur la base de similitudes dans la céramique entre les sites de
Diorom-Boumak, Bangalère et celui de Loudia-Ouolof suggère qu'entre le VII'me siècle
et le XV""' siècle des échanges de produits halieutiques contre du riz, se seraient produits
entre le Saloum et la Casamance.

3. IMPORTANCE SCIENTIFIQUE DES AMAS: LES ETUDES


PLURIDISCIPLINAIRES
La détermination et l'analyse des différents types de vestiges contenus dans les décharges
coquillières doit faire appel à de nombreuses spécialités.
L'étude des restes osseux relève des domaines de l'archéozoologie et de l'anthropologie,
celle des végétaux de la palynologie, de l'anthracologie et de la paléobotanique, enfin
celle du mobilier archéologique de la typologie et de la technologie.
Nous n'exposerons ici, que les données relatives aux coquilles qui sont du domaine de
la conchyliologie et de la malacologie.

3.1. L'étude des coquilles


La conchyliologie étudie les coquillages préhistoriques provenant le plus souvent des
amas coquilliers. Elle comprend la détermination ou taxinomie qualitative des espèces
ainsi que la taxinomie quantitative de chaque espèce par le procédé de la biométrie,
l'étude des stries de croissance, le poids ainsi que le nombre des spécimens. Elle permet
d'établir les caractéristiques des assemblages fossiles et de fournir un ensemble de
données qui sera comparé aux caractéristiques des assemblages actuels, étudiées plus
particulièrement par la malacologie. L'étude comparative des assemblages archéologi
ques et actuels permet de déterminer le calendrier saisonnier de la collecte et les saisons
d'occupation des sites. Enfin, des datations radiométriques effectuées à partir des
coquilles permettent de situer chronologiquement les sites.

32
Les Peuplements Humains Anciens du Littoral

3.1.1. Les datations radiométriques


Des séquences chronologiques sont établies à partir de datations sur coquilles. Ces
datations concernent:
- des occupations humaines: kjôkkenmôdding et amas coquilliers;
- des variations climatiques locales (phases humides, lacustres ou palustres et des
paliers successifs des niveaux marins holocènes): niveau de terrasses, biostrome.

3.1.2. Chronologie des amas


A partir d'une carte cumulée des dates connues de sites d'Afrique du Nord et du Sahara
(38°N à 15°N de latitude), N. Petit-Maire et J. Casanova (1980) ont établi que l'occupa
tion humaine préhistorique de 10 000 à 2 000 ans B.P. était liée à des facteurs de
géographie physique (altitude, proximité des rivages marins ou lacustres, dépressions
interdunaires) qui déterminaient souvent ces fluctuations selon les oscillations du bio-
tope.
Au Sénégal, quelques datations de sites archéologiques littoraux ont été effectuées
(C. Descamps et al., 1974, 1977; J. Ausseil-Badie et al., 1991; P. Elouard et al, 1975,
1977; C.A. Diop, 1971; H. Fame et al., 1974; O. Linares de Sapir, 1971; A. Ravisé,
1970). Certains secteurs sont un peu mieux connus que d'autres (Saloum, Casamance,
delta du Sénégal par rapport à la Presqu'île du Cap-Vert, la Grande Côte et la Petite Côte):
- pour le delta du Sénégal, 22 dates concernent 12 (?) sites, du IV4m* millénaire avant
J.C., au V*m' siècle après J.C.;
- pour la Grande Côte, 6 dates concernent 4 sites, du IIIeme millénaire avant J.C. au
XVIIème siècle après J.C.;
- pour la Presqu'île du Cap-Vert, 2 dates concernent 2 sites, du IX4m6 au XV*me siècle
après J.C.;
- pour le Nord de la Petite Côte, 13 dates (dont 1 1 d'un même site) concernent 3 sites,
du début de l'ère chrétienne au VII4me siècle après J. C.;
- pour l'estuaire du Saloum, 45 dates (dont 19 d'un même site et 9 d'un autre site)
concernent 12 sites du IIime au XVIIIème après J.C.;
- pour la Casamance, 1 5 dates concernent 6 sites du IIème siècle avant J.C. au XVIIIème
après J.C.
On a au total 1 03 dates pour une quarantaine de sites concernant tout le littoral sénégalais.
La répartition de ces dates et des sites qu'elles concernent, reflète le déséquilibre de la
recherche entre les différents secteurs d'une part, et la disparité des recherches à
l'intérieur d'une même zone d'autre part. Cette répartition est aussi tributaire des
processus différentiels de fossilisation, d'érosion et de conservation qui facilitent ou au
contraire masquent la visibilité des sites.
Le delta du Sénégal et l'estuaire du Saloum sont les secteurs actuellement les mieux
connus grâce aux prospections et aux fouilles qui y ont été effectuées. Les prospections
ont permis de recenser une centaine de sites coquilliers dans l'estuaire du Saloum et
moins de 200 dans le delta du Sénégal.
Les amas du Saloum sont de loin les plus volumineux. Ils seraient dus à une activité
intense de collecte qui a été relatée dès le XVIOTe siècle par un voyageur portugais
(V. Femandez, 1506-1507 in Th. Monod, Texeira da Mota et R. Mauny, 1951) dans le
cadre d'une économie de subsistance et de troc (O. Linares de Sapir, 1971 et

33
Ressources Côtières et Littorales du Sénégal

C. Descamps, 1988 et 1989). Dès lors, on comprend mieux pourquoi ont été édifiés des
amas aussi volumineux que celui de Fa Bura (500 000 m3 sur 8 ha). Sur la base d'une
accumulation journalière moyenne de 25 kg de coquillages par personne active,
H. Gravrand (1983) estime qu'il aura fallu 20 millions de journées de travail pour
édifier ce dernier amas.
La répartition de ces dates, montre aussi un gradient d'ancienneté Nord-Sud; les sites du
delta du Sénégal étant les plus anciens.
On note aussi une fréquence marquée des dates comprises entre 2 200 et 1 700 ans B.P.
(IIItme siècle avant et lit*' après J.C.) pour le delta du Sénégal, entre 1 200 et 500 ans
B.P. (VlIr" au XV*™ après J.C.) pour la Grande Côte et la Presqu'île du Cap-Vert, entre
1 400 et 250 ans B.P. (VI*™ au XVtf"* après J.C.) pour la Petite Côte, entre 1 500 et
900 ans B.P. (V™e et Xème siècle après J.C.) pour l'estuaire du Saloum, entre 1 500 et
400 ans B.P. (Vime et XVI™' siècle après J.C.) pour la Casamance.
En ce qui concerne le delta du Sénégal, la fréquence des dates peut être corrélée, comme
on l'a observé en Mauritanie, avec les améliorations climatiques, en particulier les
épisodes humides. Les causes de la disparition de l'activité de collecte dans le delta
intérieur après 2 000 ans B.P. seraient plutôt liées à des phénomènes morpho-climatiques
(confinement et envasement du milieu ayant entraîné la disparition des mollusques
laguno-estuariens d'après J. Monteillet, 1 988) qu'à des phénomènes humains (surexploi
tation des mollusques et déforestation des mangroves reliques).
Pour le Saloum, le ralentissement et, même, l'arrêt de l'édification des sambaquis
observés à partir du XIV""' siècle (G. Thilmans et C. Descamps, 1982) aurait d'après
Descamps (in P. Giresse et al, 1988) une origine historique humaine (liée à des départs
de population, à des perturbations dans les communications) plutôt qu'une origine
écologique (la dégradation du biotope: par comblement du delta et péjoration des
conditions climatiques, par des phénomènes d'hypersalination dus au fonctionnement
estuarien inverse et nuisant au bon développement des mollusques).
L'ensemble de ces observations fondent la différenciation entre les amas "septentrio
naux" de Saint-Louis et les amas "méridionaux" du Saloum et de la Casamance. Et
d'après C. Descamps (1988, op. cit.) "aucun argument archéologique et anthropologique
ne permet de présumer que les édificateurs du Nord, chassés de leur terroir par la
désertification, auraient migré vers le Sud en suivant le littoral, pour venir s'établir près
des biotopes riches en mollusques du Saloum".

3.1.3. Chronologie des variations hydrologiques


Un autre ensemble de datations sur coquilles marines a permis de délimiter une courbe
des oscillations et des altitudes du niveau marin durant le Quaternaire récent, à partir des
paléo-rivages sur les côtes ouest-africaines (H. Faure et P. Elouard, 1967; G. Einsele
et al., 1977; J. Pinson-Mouillot, 1980; L. Martin et al., 1972; G. Delibrias, 1974...).
Au Sénégal, l'épisode transgressif marin du Nouakchottien (P. Elouard, 1967, 1968) est
nettement marqué par des dépôts coquilliers et sableux de terrasse (P. Michel, P. Elouard
et H. Faure, 1967, 1968), aux débouchés des fleuves et autour des cuvettes et lacs
littoraux.

34
Les Peuplements Humains Anciens du Littoral

D'autres épisodes hydrologiques postérieurs, positifs ou négatifs reflètant des variations


climatiques locales sont aussi mis en évidence par l'étude des malacofaunes:
- présence d'une malacofaune mésohalobe à Pachymelania aurita, de basse salinité
enregistrée au Khant (delta du Sénégal) à une période non précisée, autour de
4 000 ans B.P., de même que dans la vallée du Lampsar et dans le secteur de
Gandon-Rao entre 3 400 et 3 200 ans B.P. (J. Monteillet, 1988);
- prolifération d'une malacofaune euryhaline marine à saumâtre (Tympanotonus
fuscatus, Tagelus angulatus) au Ferlo de 1980 ± 100 ans B.P. à 1 545 ± 120 ans
B.P. indicatrice d' invasions marines périodiques sur près de 1 00 km et correspondant
à la baisse du débit fluvial et à l'installation du régime hydrologique contrasté actuel
(J. Monteillet et al, 1981). Ces observations sont correlées avec les données
palynologiques (arrêt brutal des apports polliniques du fleuve au lac de Guiers,
d'après A-M. Lezine (1988).

3.1.4. Caractéristiques des mollusques et précision sur le biotope


L'écologie et la biologie des mollusques actuels, étudiées par la malacologie, permettent
d'appréhender les paramètres du milieu qui influent sur leur croissance et leur reproduc
tion. La comparaison entre les caractéristiques des assemblages actuels et fossiles, permet
de déterminer les variations locales et saisonnières qui ont pu affecter la collecte ancienne
ainsi que la part de l'influence de l'homme sur le milieu.
Des méga-huîtres fossiles de sites du delta du Sénégal (Menguèye, Gouye Niokhor et
Poudioum) présentent les caractéristiques suivantes: grande taille des spécimens (jusqu'à
22,6 cm), forte épaisseur des tests (jusqu'à 3,6 cm sous le crochet), âge moyen supérieur
à 10/12 ans (A.A. Seck, communication orale), absence de contre-empreinte de fixation
de palétuviers, présence de coquilles de Tympanotonus et d' Anadara incrustées dans les
coquilles, allongement et étroitesse de la coquille selon l'axe dorso-ventral. Ces carac
téristiques ont permis en comparaison avec des huîtres actuelles d'établir, que certaines
des huîtres des sites étudiés, étaient des huîtres de fond qui se seraient développées en
immersion permanente en se fixant par exemple sur des bancs de coquilles mortes ou
vivantes (J.C. Rosso, 1974) ou des substrats rocheux ou latéritiques (A.A. Seck, com
munication orale). Seck (1986) signale en Basse-Casamance, dans les départements de
Bignona (12°32'N - 16°14' W) et d'Oussouye (12°30'N - 16°50' W) une variété d'huîtres
géantes dénommées localement Simodj ou Alenibugué, qu'il conviendrait de comparer
à Crassostrea gasar ADANSON, qui se trouve immergée dans l'eau et que l'on recueille
par plongée en apnée (M.C. Cormier-Salem, 1987: zone d'Ouloubaline, Fumodjor).
La découverte d'un biostrome à Crassostrea de 4 ha de surface, daté de la transgression
holocène nouakchottienne à Bassoul dans un chenal de marée de l'estuaire du Saloum
confirme cette hypothèse (G. Demarcq et H. Demarcq, 1990).
L'étude topographique des substrats solides du delta du Sénégal (terrasse coquillière
entre autres) ainsi que la découverte en place de gisements fossiles d'huîtres géantes,
pourraient donner un éclairage nouveau à cette hypothèse.
Par ailleurs, certaines variations morphologiques du test de coquilles sont en relation
avec l'hydrodynamique (ouverture ou fermeture de l'écosystème côtier). J. Monteillet
(1988) interprète la multiplication de l'annélide parasite Polvdora cillata sur des co
quilles d' Anadara senilis du Khant, en même temps que la diminution de taille des

35
Ressources Côtières et Littorales du Sénégal

mollusques exploités, comme un signe d'envasement du milieu, qui aurait entraîné la


disparition progressive de l'espèce dans le delta intérieur. Les modifications de l'enrou
lement de la spire de Tympanotonus fuscatus sont aussi fonction des conditions du
biotope.
L'étude de la biométrie et des stries d'accroissement des mollusques, permet de mettre
en évidence la structure démographique des peuplements et les classes d'âge exploitées.
J.P. Debenay et al. (1987) établissent "qu'un niveau de coquilles jeunes, homométriques
et de petite taille, appartenant à une même génération, indique une période de proliféra
tion" tandis "que des coquilles de plusieurs générations à hétérométrie marquée indique
une période défavorable d'appauvrissement du peuplement par la destruction des indi
vidus âgés, aptes à la reproduction". L'alternance de ces niveaux dans les amas reflèterait
d'après C. Descamps (in P. Giresse et al., 1 988) les caractéristiques locales des différents
gisements de collecte.
L'homométrie serait un critère de localisation géographique de la collecte et l'hétéromé-
trie indiquerait un mélange des collectes provenant de biotopes différents.
La présence en nombre important de coquilles de petite taille est parfois interprétée
comme un indice de surexploitation (J.C. Rosso et N. Petit-Maire, 1978).
L'analyse des isotopes du carbone 13C et de l'oxygène l8O contenus dans les coquilles
sert à déterminer les températures des eaux dans lesquelles elles ont vécues.
M. Pflaumann (1980) suggère par exemple, que les températures des eaux océaniques
auraient été plus élevées de 1 à 2°C que les températures actuelles lors de l'optimum
climatique holocène pour la portion du littoral situé entre 19° et 27°N. L'analyse
isotopique de coquilles (Arca, Dosinia, Cardium, Turitella) du Cap Timiris-Nouamrhâr
(de 19°21 ' - 32'N à 12°23'- 07'N) de Mauritanie confirme cette observation (P. Giresse
et al., 1980).
Enfin, des estimations de biomasse animale potentielle ainsi que l'apport énergétique
(kilocalories) et nutritionnel (nutriments) des espèces consommées peuvent être dérivées
des observations sur les populations actuelles.
Le rapport actuel entre les ressources potentielles par unité de surface de gisement et les
ressources exploitées, comparé à la biomasse accumulée dans le passé, pourrait permettre
d'estimer l'aire et l'intensité de la collecte ancienne.
Des estimations concernant le nombre d'occupants des sites sont aussi calculées à partir
du volume de coquilles et des autres restes alimentaires consommés sur une période
donnée, exprimée en jours généralement.

3.2. Les techniques d'exploitation et d'utilisation


Les traitements thermiques et altérations subis par les coquilles au cours de la préparation
peuvent aussi être révélés par l'analyse physico-chimique.
Les coquillages peuvent être consommés crus (traces de fracture), brûlés (traces de
carbonisation), ébouillantés (absence de traces et recours aux méthodes de détermination
chimique, à l'ethnographie et aux témoins indirects: la poterie).
L'analyse chimique des coquilles permet de mettre en évidence la technique de cuisson
des coquilles.

36
Les Peuplements Humains Anciens du Littoral

A Poudioum, la technique de la diffraction de rayons X a permis de confirmer l'hypothèse


faite d'après les observations de la collecte actuelle sur les méthodes de cuisson des
coquilles par ébullition, ce qui explique en même temps la présence de nombreux tessons
de céramique. Quand la coquille n'est pas brûlée, elle contient de l'aragonite, tandis que
quand la température de cuisson est supérieure à 400°C, l'aragonite se transforme en
calcite; les diffractogrammes effectués sur des coquilles d'Anadara senilis brûlées et
non-brûlées ont mis en évidence ce phénomène.
L'étude visuelle ou au microscope des usures, fractures et microtraces permet de déceler
d'éventuelles traces de sciage ou d'utilisation des bivalves.
Des traces de fracture suggèrant une ouverture du bivalve Anadara senilis par percussion
ou pression sur la charnière ont été observées sur des sites de la baie Saint-Jean dans
l'Agneitir en Mauritanie (S. Amblard, 1989).
Les coquilles ont pu aussi servir:
- d'instruments:
racloir à usages divers à l'exemple des coquilles d'Unio utilisées au Fouta
(Sénégal) pour gratter le fond des marmites, ou comme le bivalve d'eau douce
(de grande taille, jusqu'à 1 3 cm de distance dorso-ventrale) Egeria paradoxa
en Côte d'Ivoire;
pour le décor des poteries (cf. décor cardial des poteries méditerranéennes du
Néolithique ancien);
- de matière première:
la coquille d' Egeriaparadoxa est débitée en lamelle, façonnée en cuiller à bord
poli, percée de trous par percussion puis partiellement régularisée à Nyamwan,
(J. Polet, 1988: région de la lagune Aby dans les îles éotilé en Côte d'Ivoire,
2550 ± 95 ans B.P. et 1962 ± 112 ans B.P.). Cette industrie du coquillage
disparaît dans les niveaux où apparaît le fer alors que l'industrie lithique est
absente et l'outillage poli faiblement représenté.
A Menguèye (M-A. Mbow, inédit) des traces de sciage ont été relevées sur des coquilles
de Spisula nivea sans que l'on sache à quoi étaient destinés les fragments de coquilles
prélevés.
Des perles et rondelles d'enfilage en coquillages sont fréquentes dans les amas (colliers
associés aux inhumations dans les amas du Saloum). Des pendeloques en coquillages
ont été trouvées au Khant (Sénégal) et à Lasasailia et Tarfaya (Mauritanie) et témoignent
d'un art consommé de la parure.
Par ailleurs, l'exploitation des mollusques et des ressources aquatiques, halieutiques
et autres, a pu inciter les groupes humains, comme l'ont préconisé certains auteurs
(L. Binford, 1968), à se sédentariser: ce phénomène de sédentarisation étant nécessaire
pour domestiquer les plantes et les animaux.

4. IMPORTANCE ECONOMIQUE ET PROBLEMES DE


CONSERVATION
Les sites coquilliers connaissent des problèmes d'environnement et plus spécifiquement
de conservation liés à divers processus naturels et anthropiques.

37
Ressources Côtières et Littorales du Sénégal

4.1. Les processus naturels


Ce sont notamment les processus d'érosion marine et hydrologique qui affectent le
plus ces dépôts sous la forme de transports latéraux. Des dépôts remaniés par l'eau
ont été décrits dans le delta du Sénégal autour du marigot du Ndël (J. Joire, 1947) et
autour du Khant (P. Michel, 1973). H. Hubert (1922) décrit des dépôts similaires
autour du lac Retba: "les variations des chenaux de lagune, les courants de crue ou
de marée entraînent les coquilles des différentes formes de dépôts". Les coquilles
remaniées par l'eau sont polies, les côtes et stries d'accroissement sont effacées, les
bords sont émoussés, le crochet est souvent troué; leur couleur est souvent grisâtre à
jaunâtre.

4.1.1. Des processus de lessivage des surfaces et de percolation


Des processus de lessivage des surfaces et de percolation peuvent causer le déplacement
ou la détérioration des vestiges (surtout les petits os et les charbons que l'on retrouve
disséminés un peu partout, ce qui en fait un matériel de datation peu fiable).

4.1.2. Les processus de bioturbation


Les processus de bioturbation sont aussi actifs dans ces dépôts. La végétation envahit
certains dépôts; de nombreux baobabs poussent sur les amas du lac Retba et du Saloum
et deviennent de très bons indicateurs. Un essai d'interprétation de la végétation des
amas coquilliers ou plutôt de localisation des amas par des facteurs discriminants dont
la végétation a été envisagée au Saloum par le Département de Géographie de l'Univer
sité Cheikh Anta Diop de Dakar (Equipe TECASEN), mais elle s'est révélée non
concluante.
Une pédogénèse active se développe au Saloum. Une étude des sols des amas coquilliers
de Diorom Boumak datés d'un peu plus d'un millier d'années (J.C. Leprun et al., 1976)
a mis en évidence "une pédogénèse des rendzines assez bien évoluée qui a abouti à la
formation d'un complexe argilo-humique caractéristique, à une différenciaton morpho
logique et physico-chimique en horizons et à une décarbonatation partielle". La vitesse
de pédogénèse est attribuée à la nature meuble et divisée du matériau d'origine, qui
permet une pénétration facile par l'eau et les racines.

4.1.3. Le vent
Le vent est aussi responsable du remaniement des sites. Ainsi, sur les dunes non fixées,
la déflation éolienne provoque l'accumulation et la juxtaposition de matériel provenant
d'horizons différents au départ. Ce matériel peut également s'accumuler sous forme
d'éboulis de pente du côté au vent de la dune en mouvement (Ndiaoudoune dans le delta
du Sénégal, Guéréo-Somone sur la Petite Côte).
Les coquilles sont en général d'un blanc mat plâtreux et présentent un aspect dépoli
caractéristique. Leurs arêtes sont vives et dentelées; les stries d'accroissement sont plus
marquées que sur les coquilles fraîches.

38
Les Peuplements Humains Anciens du Littoral

4.1.4. L'avancée dunaire


L'avancée dunaire peut aussi être responsable de l'enfouissement de certains amas situés
dans les zones de contact entre les dunes littorales et les dunes continentales. Au lac
Tanma, un certain nombre de sites néolithiques sont actuellement recouverts en même
temps que des terrains cultivables de la dépression.

4.1.5. Les animaux fouisseurs


Les animaux fouisseurs sont aussi responsables de certains dégâts. On remarque des
terriers de rongeurs ou d'herbivores (rat, varan) dans les amas ou des poches à cram-cram
qui servent de greniers à des fourmis (Poudioum, Menguèye). La présence intrusive de
certains escargots (Limicolarid) qui affectionnent les milieux riches en déchets et
matières organiques végétales dont ils se nourrissent, est à signaler (Gouye Niokhor).

4.2. Les processus anthropiques


L'activité humaine aussi perturbe ces dépôts. Elle se manifeste principalement par:

4.2.1. Les inhumations


Les inhumations (au Saloum ont été recensés 903 tumulus funéraires, C. Descamps et
G. Thilmans, 1979).

4.2.2. Les fouilles archéologiques


Les fouilles archéologiques qui tout en détruisant, cherchent cependant à établir et
améliorer la connaissance des populations à l'origine de ces dépôts.

4.2.3. Les autres excavations


Les autres excavations dont les motivations sont diverses:
- fouilles clandestines d'amateurs de pièces esthétiques ou négociables (Kayar, Tula,
Fa Bura, Diorom boumak);
- carrières en concessions aux Travaux publics et aux entrepreneurs (dans ce sens un
recensement des dépôts coquilliers de la région de Saint-Louis avait été effectué en 1 957
par P. Michel; l'énorme amas de Fa Bura (400 m de diamètre N-S, 10 m de hauteur,
surface de 8 ha) situé à l'Est de Joal a été entièrement exploité par les Travaux publics
pour les besoins de la route de Ndangane et de Palmarin. Il s'agit en général d'une
exploitation à grande échelle pour des travaux d'utilité publique: routes, barrages;
- carrières en exploitation par des artisans indépendants (villageois Peul en général
dans la région de Saint-Louis pour des besoins de construction des agglomérations
environnantes; dans les îles du Saloum, certaines coopératives villagoises commer
cialisent les coquilles à Kaolack et à Banjul, car elles servent de matériau pour la
fabrication de béton, ballast et chaux...; à Fadiouth, les coquilles sont utilisées pour
conquérir des terres sur la mer par les techniques de poldérisation). Nous tenons à
signaler que l'exploitation de multiples carrières de coquillages dans la région de
Saint-Louis a cependant permis de porter à notre connaissance, l'existence de
nombreux sites archéologiques qui auraient échappé à notre attention du fait de leur
enfouissement sous 1 à 1,50 m de dépôts sablo-argileux).

39
Ressources Côtières et Littorales du Sénégal

4.2.4. Les aménagements


Les aménagements agricoles qui concernent en général la surface des amas:
- labour (périmètres maraîchers en bordure de la dépression du Néyabe au lac
Mbawane et de la dépression du Mbakenda au lac Retba qui empiètent sur les dépôts
coquilliers);
- haies (d'Euphorbes pour délimiter en général les champs au lac Retba).

4.2.5. Les aménagements particuliers


Les aménagements particuliers;
4.2.5.1. Clôture
Le grand amas de Poudioum était traversé dans sa partie centrale d'Est en Ouestjusqu'en
1 990 par une clôture de barbelés qui servait, dans le cadre d'un projet sénégalo-allemand,
de limite à un périmètre de reboisement des Eaux et Forêts.
4.2.5.2. Périmètre de reboisement sur la Grande côte (entre Dakar et Saint-Louis)
La plupart des sites que nous avons visités entre Kayar, Mboro et autour de Lompoul
sont actuellement dissimulés dans les filaos. Le réseau racinaire des filaos en se déve
loppant, perturbe la stratigraphie des sites. De plus, ce milieu à forte teneur en humus
contribue à la détérioration rapide des os et autres vestiges de ces sites. C'est le lieu de
souligner ici l'absence de coordination entre les instituts de recherche et les structures
gouvernementales qui gèrent des projets de ce type. A cet égard, avec la construction des
barrages sur le Sénégal, on a observé le même phénomène dans la moyenne vallée du
fleuve où de nombreux sites ont été détruits sans qu'on ait pensé à faire appel aux
spécialistes de ces questions. D'un autre côté, certains sites qui faisaient l'objet d'une
exploitation en carrières ont été protégés par ces périmètres car ils sont devenus
inaccessibles aux exploitants.
4.2.5.3. Habitations
Des vestiges d'un ancien village (Ghent) ont été relevés dans le quart sud-ouest de l'amas
de Poudioum. L'agglomération de Niaga-Wolof se déplace vers le bord du lac Retba et
des amas sont maintenant inclus dans des domaines privés. Les sites sur dunes littorales
entre la Somone et Guéréo servent de soubassement à des cabanons d'estivants dakarois
ou thiéssois. Dans la Presqu'île du Cap-Vert, la plupart des sites coquilliers ou non
coquilliers sont indistinctement détruits. Certains nous sont signalés épisodiquement au
hasard d'une promenade ou à l'occasion d'un nouveau lotissement ou de creusement de
puits ou céanes comme à Pikine Dalifor.
4.2.5.4. Dépotoir public
A Mbeubeusse des sites avaient été signalés (P. Elouard et I. Ndiaye, 1976).
4.2.5.5. Fours à chaux
Des sites qui témoignent d'une exploitation artisanale ont été décrits par J. Joire (1947)
au lieu-dit "La Sau" dans la zone de Sanar-Ndiaoudoune. Le carbonate de calcium que
l'on trouve dans la chaux connaît diverses utilisations: fertilisant dans l'agriculture,
complément alimentaire pour volailles etc.

40
Les Peuplements Humains Anciens du Littoral

5. CONCLUSION
La revue des différents processus naturels et anthropiques affectant les amas coquilliers
permet de prendre la mesure des enjeux contraires qui apparaissent comme autant de
menaces pesant sur eux:
- en raison du matériau coquillier qu'ils renferment ces sites constituent des res
sources économiques d'importance;
- du fait de leur localisation dans des zones littorales en voie rapide d'urbanisation,
les terrains qu'ils occupent constituent un patrimoine foncier convoité;
- à cause du patrimoine culturel dont ils sont porteurs, ils peuvent être valorisés dans
le cadre de circuits touristiques et doivent faire l'objet d'une gestion appropriée dans
le cadre d'une politique d'harmonisation des impératifs écologiques et économiques.

GLOSSAIRE
KJÔKKENMÔDDING: terme danois désignant les volumineux amas coquilliers
attribués à la culture mésolithique de l'Ertebôlle qui s'épanouit de 4.600 à
3.100 ans avant J.C. au nord de la Presqu'île du Jutland.
SAMBAQUI: terme brésilien désignant les amas coquilliers situés le long de la côte
atlantique entre Rio de Janeiro et Rio Grande do Sul et dont la période
d'occupation principale est datée entre 4 900 et 2 000 ans B.P.
BIOSTROME à Crassostrea: accumulation horizontale de coquilles d'huîtres en
place au sein d'un sédiment marin argileux et d'origine naturelle.

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42
GEOGRAPHIE DES TERRAINS SALES ET NUS DE
MANGROVE: LA PROBLEMATIQUE DES TANNES

Amadou Tahirou DIAW


Laboratoire de géographie, IFAN, Université Cheikh Anta Diop, Dakar, Sénégal

Jeannine LE RHUN, Fernand VERGER


Laboratoire Imagéo, UP 30 du CNRS, Paris, France

Marne Demba THIAM


Département de géographie, Faculté des Lettres et Sciences Humaines,
Université Cheikh Anta Diop, Dakar, Sénégal

Résumé

Les tannes caractérisent les zones à mangrove de nombreuses régions tropicales du globe.
Ils couvrent de vastes étendues dans les zones estuariennes sénégalaises.
Les différents auteurs se sont attachés à démontrer que la connaissance du domaine
estuarien était liée au perfectionnement de la taxinomie générale par une individualisa
tion des paysages.
L'utilisation de modèles calés sur les marais des milieux tempérés a contribué à occulter:
- les réalités terminologiques locales;
- les relations du tanne avec les formations végétales adjacentes;
- les relations submersion/topographie.
Par ailleurs, l'usage de l'indicateur de discontinuité qu'est la marée, a été largement
exagéré. Aussi, après une description des tannes, de leur condition d'évolution et de leur
répartition sur le globe, les auteurs donnent-ils une définition de ces formes.

GEOGRAPHY AND PROBLEMATIC ISSUE OF SALT AND


BARREN MANGROVE AREAS "TANNES"

Abstract

Barren areas ("tannes") are characteristic ofthe mangrove areas in many tropical regions
throughout the world.
They cover wide areas in the Senegalese estuarine zones.
The various authors of this paper endeavoured to demonstrate that knowledge of the
estuarine area was linked to the improvement of the gêneral taxonomy through an
individualization of sites.

43
Ressources Côtières et Littorales du Sénégal

The use of a sophisticated model ofthe marshes of temperate areas has contributed to an
improved understanding:
- the local mangrove terminology;
- the tanne's relationship with adjacent plant assemblages;
- the relationship between topography and submersion depth.
Furthermore, the use ofthe tide as a means of classification has been largely exagerated.
The authors, therefore, after a description ofthe "tannes", their evolutionary conditions
and their global distribution, give a definition of these forms.

INTRODUCTION
Des étendues planes et salées, inondables par la marée, marquées par de faibles dénivel
lations, caractérisent les zones à mangrove de nombreuses régions tropicales du globe.
Les appellations de ces formes sont aussi diverses que les régions où on les observe.
Ainsi connaît-on les plaines kSira-Sira (réf. C9) de Madagascar, les Bada en Inde, les
salt pans (réf. A5) en Papouasie - Nouvelle Guinée. Les hypersaline bare flats ont été
décrits par maints auteurs en Australie. Les latino-américains parlent d'albinos, de
salitrales ou de salineras. C'est le terme serer de tan1 qui est le plus répandu dans la
littérature ouest-africaine. Quelques auteurs (réf. D13) ayant déjà travaillé au Sénégal
l'ont, en outre, utilisé pour désigner des formes comparables au Gabon et en Inde.
Assimilé par la plupart des géographes francophones en partie à la haute slikke et au
schorre des milieux tempérés, le tanne pose des problèmes terminologiques liés à ses
différents faciès et reste encore mal défini, surtout dans ses relations avec les formations
végétales qui lui sont adjacentes.

1. DESCRIPTION DU TANNE
La topographie constitue le trait majeur dans la description du tanne. A l'échelle
régionale, sa morphologie générale est plate. A plus grande échelle, elle est en réalité très
cloisonnée, avec des dénivellations topographiques mineures mais susceptibles de créer
une zonation caractéristique, liée à la contrainte de la marée sur ces étendues. En effet,
la succession des inondations et des retraits, dont la marque se surimpose à la topographie,
élabore une structure d'ensemble auréolaire (planches la-b). L'aspect le plus décrit en
est la concentration des cristaux de sel en surface. Celle-ci donne naissance à des
efflorescences blanches dont l'aspect varie en fonction de la position altimétrique du
tanne, du type de marée, du degré d'évaporation et de la proximité ou non de la nappe

1 Correspondance de A.K. Bandyopadhyay de la Central Soil Salinity Research Institute, West


Bengal, en date du 6 juillet 1985.
2 Le substantif tan, qui signifie "blancheur", est un exemple d'alternance consonantique r/t
fréquemment rencontrée dans la langue serer. L'adjectif "blanc" se dit en effet ran et la
blancheur du tan est en relation avec le sel dont la conséquence la plus évidente se traduit
par l'absence de végétation sur cette étendue. C'est aussi ce dernier point que les locuteurs
étrangers au serer ont retenu du tan, dont la transcription approprié serait celle-ci.
Cependant, l'usage ayant consacré le terme sous la forme tanne, nous nous y conformerons.

44
Géographie des Terrains Salés et Nus de Mangrove
Ressources Côtières et Littorales du Sénégal

Planche 1a Etats et surface d'un fanne du secteur de Ngokhor (Saloum) et


structuration auréolaire des niveaux (Cliché AT. DIAW)

Planche 1 b Le même tanne avec au premier plan la dégradation de la mangrove


(Cliché AT. DIAW)

46
Géographie des Terrains Salés et Nus de Mangrove

Planche 2 Surface d'un tanne montrant la structure en forme d'assiette et de coupelle


(Cliché AT. DIAW)

Planche 3 Fentes de retrait sur un fanne (Cliché A.T. DIAW)

47
Ressources Côtières et Littorales du Sénégal

d'eau salée. Les principaux faciès du tanne en relation avec la marée et la topographie,
établis lors de travaux antérieurs (réf. D16), seront repris lors de l'étude zonale et avec
les problèmes de terminologie.
Les nivellements, effectués sur les divers tannes du secteur de Guimsam, dans les
îles du Saloum (figure 1), présentent le plus souvent des dénivellations comprises
entre 2 et 6 cm. Exceptionnellement, elles atteignent 16 à 20 cm, dans le cas où une
partie du tanne correspond à un ancien chenal. Les valeurs plus élevées, 40 à 80 cm,
ne correspondent pas à l'aire directe du tanne. Elles sont plutôt à mettre en relation
avec des formes mitoyennes: chenal fonctionnel, cordon coquillier ou sableux. Enfin,
il faut également souligner la présence, le plus souvent en bordure du tanne, de bosses
qui rompent l'harmonie topographique apparente. La pente d'ensemble de ces formes
est douce, mais ces bosses, posées sur une surface plane, paraissent imposer leur
modelé. Aussi, l'œil accorde-t-il beaucoup d'importance à ces accidents topographi
ques d'origine éolienne de forme arrondie et allongée, décrite comme des lunettes.
Dans l'aire immédiate du tanne existent par contre des formes très peu prononcées
mais qui, combinées à la structure litée des sédiments et à leur teneur en argile, sont
insuffisantes pour créer un modelé de détail fait de microboursouflures. J. Vieillefon
(réf. D18) attribue la mise en place de ce micromodelé au dégagement de soufre et à
l'emprisonnement d'air qui aboutissent à une structure dite de "moquette". En effet,
les boursouflures éclatent sous les pas, donnant ainsi une sensation veloutée compa
rable à une moquette. Le façonnement d'une telle structure peutêtre conjuguée à un
retrait aussi rapide de la nappe dans des sols à qualité gonflante marquée.
Par ailleurs, deux catégories principales de formes de creux sont rencontrées à la
surface du tanne. Elles s'observent la plupart du temps dans sa partie centrale où la
morphologie déprimée autorise la concentration des eaux et facilite la décantation
des éléments argileux apportés par la marée ou les eaux de pluie. La première
catégorie se présente sous l'aspect de coupelles ou d'assiettes (planche 2). Il constitue
en quelque sorte le négatif des microboursouflures décrites plus haut, et peut être
considéré comme transition vers la seconde catégorie de formes, si l'on considère les
variations de volume provoquées par les phénomènes d'hydratation et de retrait par
dessiccation. Cette seconde catégorie représente sans doute un micromodelé de
type gilgaï décrit en détail par F. Verger3, avec existence de larges fentes de retrait
(planche 3) comparables à celles qu'a observées R. Rougerie dans la vallée du
Sénégal au Nord-Est de Rosso.
D'autre part, l'action des êtres vivants peut modifier l'allure du tanne: il peut être
ondulé en surface avec de petites crevasses dues au piétinement de l'homme et du
bétail. Une bioturbation du tanne est par ailleurs produite par les crabes rouges qui
contribuent à un ameublement du sol avec de petites bosses signalant l'entrée des
terriers. L'action des plantes pose des problèmes plus complexes qui seront abordés
plus tard.

3 F. VERGER (1964). Mottureaux et gilgaïs. Ann. de Géogr., t. 73, p. 41 3430.

48
Géographie des Terrains Salés et Nus de Mangrove
Ressources Côtières et Littorales du Sénégal

2. CONDITIONS D'EVOLUTION ET REPARTITION DES TANNES


DANS LE MONDE
Situés dans des zones de forte concentration humaine, les tannes ont toujours suscité de
l'intérêt, ainsi qu'en témoignent les divers travaux d'aménagement pour la riziculture,
ou les titres des articles publiés à ce sujet. Les conditions nécessaires à leur formation
sont de deux types: celles dites naturelles, et celles d'origine anthropique. Les deux
peuvent être associées, contribuant à une extension progressive du phénomène.
La figure 2 montre que la répartition mondiale des tannes ou des ensembles considérés
comme tels correspond certes à des climats tropicaux mais reste surtout marquée par une
diversité zonale certaine. En effet, si les tannes ont été d'abord décrits dans des régions
caractérisées par de faibles précipitations annuelles, ils ont été plus récemment observés
sous des climats à pluviosité importante, mais mal répartie au cours de l'année. Il semble
donc que, parmi les conditions pluviométriques, l'existence d'une saison sèche soit
fondamentale pour empêcher le développement de toute végétation et conduire ainsi à
un faciès de tanne. Cette saison, dont la durée varie suivant la zone climatique, n'est
déterminante que dans les relations précipitations - évaporation qui jouent un rôle
essentiel dans les mécanismes hydrologiques. L'importance de l'évaporation peut, en
effet, contribuer à dérégulariser les submersions par la marée et à perturber la nappe d'eau
salée. La conséquence principale est que la mer devient, par rapport au tanne, un pôle de
salinité minimum, selon l'expression de F. Baltzer et L.R. Lafond (réf. D2). Plus
récemment, les conditions édaphiques ont été prises en compte; Cl. Marius explique la
formation des tannes du Gabon ou de Pichavaram par un substrat argileux qui, en
réduisant la perméabilité, contribue à entretenir une nappe salée permanente favorable à
leur développement.
Le rôle des marées de forte amplitude a été envisagé par certains auteurs tels que F.R.
Fosberg (réf. A5). Cet auteur constate que les zones nues en arrière de mangroves sont
situées dans des régions où interviennent durant quelques jours des hautes marées au
printemps. Entre ces périodes de forte amplitude de la marée en saison sèche, se produit
une concentration de sel dépassant le seuil de tolérance des plantes halophiles. Cette
position doit être nuancée davantage en tenant compte des facteurs liés à la fréquence et
à la durée des inondations des marées, facteurs peu détaillés dans la littérature. Les
dispositions microtopographiques du tanne, pourtant déterminantes puisqu'il suffit
souvent d'une infime variation d'altitude pour modifier les submersions et l'humidifica
tion comme la dessiccation, sont, elles aussi, insuffisamment étudiées. Aussi, avons-nous
entrepris une série de mesures topographiques sur les tannes du Saloum dont les résultats
seront publiés ultérieurement.
Les tannes sont considérés comme des milieux antérieurement afforestés. On y retrouve
en effet généralement des racines de palétuviers en surface ou en profondeur. Aussi, à
côté du climat, une régression récente du niveau marin interviendrait dans leur formation,
comme l'a souligné G. Paradis (réf. D14). Dans le cas du Sénégal, ce haut niveau peut
être le Nouakchottien (Flandrien). Celui-ci semble avoir joué un rôle essentiel dans la
formation et l'extension des tannes en amont du Sine-Saloum; cet ensemble résulte en
effet d'une salinisation ancienne, et n'est actuellement plus considéré comme une forme
tidale, puisque n'étant plus atteint par les marées (réf. D17).
Géographie des Terrains Salés et Nus de Mangrove

Les modifications morphologiques aboutissant à la naissance ou à la progression des


tannes peuvent également être provoquées par des actions anthropiques. Celles-ci restent
essentiellement motivées par les besoins d'une exploitation agricole (riziculture) et
artisanale ou industrielle (extraction de sel). Dans le premier cas, les conditions de
rétention hydrique et la présence d'une matière organique relativement importante
ont poussé l'homme à coloniser les sols de mangrove. Dans la plupart des expé
riences, il s'agit de tentatives d'édification de banquettes, de digues ou d'augets-déver-
soirs pour mieux contrôler l'économie de l'eau; les travaux ont trop souvent conduit à la
disparition complète de la végétation et non au développement de la riziculture forte
ment entravée par l'acidité et la salinité des sols, ou par des conditions hydro-clima
tiques défavorables.
La production du sel constitue, quant à elle, une activité relativement ancienne. Les
procédés les plus couramment utilisés pour cette opération sont de deux types:
- une évaporation naturelle bien connue par exemple sur les côtes du Sénégal;
- une ébullition du filtrat de la terre salée, activité largement développée dans le golfe
de Guinée et bien décrite par G. Paradis et E. Adjanahoun (réf. D15).
La répartition des tannes dans de nombreuses régions du globe s'expliquerait donc par
des conditions édaphiques, morphologiques et hydroclimatiques relativement larges. La
confection d'un tableau synoptique de cette répartition se heurte à des difficultés liées à
la diversité des origines prêtées à ces formes, mais surtout au fait que leur mécanisme de
formation ou d'extension reste dans le détail insuffisamment étudié. Seules des expé
riences et des mesures de terrain feront mieux comprendre le réseau d' interrelations fort
complexe des facteurs physiques et anthropiques (précipitations/marée, précipita
tions/nappe salée/évaporation, marée/pente/géochimie, texture granulométrique/dessic-
cation marée/végétation/anthropisation...).

3. ZONATION DU TANNE ET ESSAI DE DEFINITION


Lorsqu'on aborde le problème de la zonation des tannes, de nombreuses questions
méritent d'être soulevées:
- Existe-t-il une zonation typique des tannes?
- Le tanne représente-t-il un état stable ou un stade dans une évolution?
- Quelle correspondance peut-on établir entre la zonation des tannes et celle des marais
maritimes tempérés, souvent utilisés comme référence?
Pour les marais tropicaux, les distinctions zonales se sont toujours appuyées sur la
présence ou l'absence de végétation. Mais, si les auteurs s'accordent pour dire que le
tanne est une étendue salée et nue, c'est paradoxalement la végétation qui entretient une
équivoque terminologique et morphologique liée à plusieurs faits; en effet, une zonation
trop rapidement calée sur le modèle tempéré et ne tenant compte que de la physionomie
de la végétation, sans observations sur les relations submersions/topographie et un usage
abusif de l'indicateur de discontinuité qu'est la marée ont conduit, notamment dans le
cas sénégalais, à une pléthore de définitions. Par ailleurs, la partition par le critère végétal
a abouti à une description large, couvrant l'ensemble du marais mais occultant pour
l'essentiel les recherches sur une quelconque zonation du tanne proprement dit.

51
Ressources Côtières et Littorales du Sénégal

Les descriptions les plus caractéristiques de l'association mangrove-tanne ont été effec
tuées par F.R. Fosberg (réf. A5) dans le Nord Equatorien, à Puna Island (estuaire du Rio
Guayas) où, selon son expression, de curieuses étendues nues sont localisées entre la
mangrove et la terre ferme. Cette succession est mentionnée également dans le delta de
Rio Villaneuva (Nord-Ouest du Nicaragua) où la disposition des mangroves épouse
étroitement le tracé du complexe des chenaux de marée. Dans la même étude, F.R.
Fosberg signale aussi l'existence de tanne dans les mangroves australiennes, le long de
la côte du Queensland. Sur ce même continent, le schéma de zonation le plus détaillé est
cependant celui fourni par W. Macnae (réf. A7) pour des zones à pluviométrie élevée,
supérieure ou égale à 2 000 mm. Ce schéma s'établit comme suit:
- forêt à Avicennia et Sonneratia;
- forêt à Rhizophora;
- forêt à Bruguiera;
- forêt à Ceriops;
- zone interne à Avicennia marina;
- forêt d'Eucalyptus.
Lorsque la pluviométrie, à laquelle il faudrait ajouter des facteurs comme l'évaporation,
la durée et la fréquence des submersions, baisse, la zonation est modifiée. On note alors
l'existence de tanne et la disposition de la végétation devient la suivante:
- forêt à Avicennia;
- forêt à Rhizophora;
- forêt de Bruguiera;
- tanne;
- fourré de Ceriops;
- forêt d'Eucalyptus.
Dans le domaine indo-malais, F. Blasco et C. Caratini (réf. A3) décrivent la zonation de
la végétation de la région de Pichavaram (delta de la Cauvry) en liaison avec le rythme
des marées et la durée des submersions. C'est ainsi qu'ils distinguent trois zones:
- la zone à Rhizophora (R. apiculata et R. mucronata);
- la zone à Avicennia (A. officina L. et A. marina Vierh);
- l'arrière mangrove, discontinue, faite essentiellement de Suaeda avec de larges
plaques de sol nu.
La zonation mentionnée par R. Kerrest (in Cl. Marius, réf. A8) dans le même secteur
semble légèrement différente avec:
- la zone à Rhizophora;
- les formations à Suaeda plus ou moins mélangé d' Avicennia marina;
- les formations à Avicennia marina pur;
- la zone nue.
En Nouvelle-Guinée et en Papouasie, la disposition zonale observée (réf. A5) se présente
de la manière suivante:
- une zone de mangrove bordant les chenaux;
- des zones nues de couleur blanche où ne pousse aucune végétation;
- une forêt d'Eucalyptus de terre ferme.

^2
Géographie des Terrains Salés et Nus de Mangrove

Ce schéma ressemble à peu de choses à ce qui a été décrit à Madagascar par M. Weiss
(réf. C 1 0) et J. P. Trouchaud (réf. C9), précisément au Nord-Ouest de Tuléar. Ces auteurs
distinguent:
- une zone de vasière à mangrove;
- une deuxième zone prolongeant la vasière et dite à "évaporites", inondée à marée
haute seulement. Cette zone salée similaire au tanne est considérée comme une plaine
de transition localement appelée Sira-Sira. Elle peut être couverte par endroits de
salicornes et, lorsqu'elle est dans cet état, les parties concernées sont désignées sous
le vocable de heake.
En Océanie, F. Baltzer (réf. Al) a consacré une bonne partie de ses travaux aux marais
néo-calédoniens. La zonation qu'il décrit reste tout à fait originale avec une ceinture de
Rhizophoracées subdivisée en plusieurs formations comprenant:
- une zone à Rhizophora mucronata largement développée dans les parties externes
(bordure de chenaux et baies), mais pouvant être aussi retrouvée dans les parties
internes;
- une zone unispécifique à Bruguiera gymnorhiza disposée parallèlement au rideau
de Rhizophora;
- une zone mixte à Rhizophora et à Bruguiera, dense dans les parties externes et de
forme plus claire dans les parties internes.
Les Rhizophoracées sont relayées dans la zone la plus interne des mangroves de la
Dumbéa par Avicennia officinalis qui précède le pré-salé à Salicornia. Celles-ci sont,
dans les secteurs les plus salés, remplacées par un voile algaire à Cyanophycées. Enfin,
la dernière zone rencontrée correspond aux régions de salinité extrême. Elle est nue et
sans végétation.
Le complexe mangrove - tanne a fait l'objet de nombreuses études sur le littoral
ouest-africain. Un schéma simplifié de la zonation que l'on y rencontre serait du type
suivant:
- un rideau de Rhizophoracées localisées en bordure de chenaux, d'extension
moyenne à faible;
- une formation secondaire à Avicennia pouvant se mélanger à des Rhizophora;
- le tanne.
En Afrique centrale, les récents travaux de Cl. Marius (réf. D13) montrent, dans la baie
de Mondah au Gabon, une disposition analogue à celle des milieux à mangrove de l'Ouest
Africain.
Ainsi, c'est certainement en Afrique de l'Ouest que les tannes sont les plus caracté
ristiques. Mais si au départ, la plupart des auteurs décrivent le tanne comme une
étendue salée et nue, ce qui rejoint la représentation faite par les Serer, les essais de
subdivision de l'espace effectués par la suite ont développé quelques équivoques
résultant de distinctions fondées sur des séquences végétales ou pédologiques abou
tissant à des contradictions certaines. A notre connaissance, après les différentes
études d'aménagement des tannes du Sine, le premier essai de spatialisation dyna
mique a été conduit en 1963 par C. Charreau et P. Bonfils (réf. D4) dans la région de
Mbour au Sénégal. Ces auteurs ont introduit les notions de tanne vif correspondant
à un sol fortement salé de type hypersolontchak et de tanne herbu assimilé à un sol
moyennement salé de type solontchak. Ces notions ont par la suite été reprises surtout

53
Ressources Côtières et Littorales du Sénégal

pardespédologuesetdes géomorphologues. Ainsi, J. Vieillefon (réf. D18)etCl. Marius


(réf. D13) définissent le tanne vf/comme un domaine exceptionnellement inondé par la
marée, compte tenu de sa position topographique légèrement surélevée. Il correspondrait
au tanne nu à efflorescences salines largement utilisé par les auteurs notamment par E.S.
Diop et M. M. Sall (réf. D8). Le tanne nu inondé est alors défini comme une zone
d'inondation quasi permanente, d'humidité élevée, d'évaporation faible (Cl. Marius).
Mais cette zone humide est en fait variable dans l'espace et dans le temps: c'est l'état
caractérisant une partie ou la totalité du tanne à un moment donné, en fonction de la
disposition topographique et de l'importance de la marée. Ainsi, selon les auteurs, le
tanne peut être vif, nu, inondé et/ou inondable, herbu, herbeux, herbacée, à efflorescence
salines.
On voit là toute l'ambiguité terminologique qui apparaît; si le mot tanne désigne par
définition une zone salée et nue, le qualificatif nu accolé au mot tanne constitue une
redondance, alors que le mot herbu contredit le terme de départ. Par ailleurs,
l'assimilation du tanne herbu au schorre ou à une partie du schorre montre que cette
distinction, fondée sur une similitude d'aspect de la végétation, a abouti à une
schématisation extrême et même à des erreurs. Dans ce cas précis, la comparaison
avec le modèle tempéré qu'est le schorre n'est pas bonne. En effet, selon le strict
critère hydrographique, le schorre reste compris dans la zone inondable par les eaux
marines ou fluvio-marines. Or, pédologues et géomorphologues qui, à la suite de
C. Charreau et P. Bonfils, parlent du tanne herbu le décrivent comme isolé de toute
influence des marées. Pour cette raison, cette formation herbacée doit être classée
comme une forme supratidale à la différence du tanne qui, avec ses multiples états,
reste fondamentalement un ensemble tidal.
Aussi proposons-nous d'appeler pelouse supratidale ce qui est couramment nommé tanne
herbu, suivi de l'indication de l'espèce ou des espèces dominantes ("pelouse supratidale à
Sesuvium" par exemple) qui apporte une précision supplémentaire justifiée.
La comparaison entre les marais tempérés et les marais tropicaux mérite un examen critique.
Il faut souligner tout d'abord que, même en zone tempérée, les critères de définition et de
reconnaissance des différentes formations ont été largement détaillés par F. Verger4 et repris
par J. Le Rhun5. Nous nous y conformerons pour essayer d'établir la correspondance entre
les successions slikke-schorre et vasière-tanne, dont la disposition générale est résumée dans
les tableaux la et lb.
La dynamique tidale est le trait majeur sur lequel devra s'apppuyer toute comparaison
entre marais tempérés et tropicaux. Vasière à mangrove et tanne d'une part, slikke et
schorre d'autre part s'étendent entièrement à l'intérieur de la zone intertidale. Leur
limite supérieure correspond au niveau le plus haut atteint par les pleines mers de
grande vive eau. A l'intérieur de cet espace, les subdivisions et les correspondances
entre les faciès sont délicats à établir car très étroitement liés à la fréquence et à la

4 F. VERGER (1969). Marais et wadden du littoral français. Etude de Géomorphologie, Paris,


Paradigme éd., 549 p. + 1 pl. h. t.
5 ]. Le RHUN (1982). Etude physique de la baie du Mont Saint-Michel, Tfiése Je 3e cycle,
Université de Paris I, 31 3 p. + 3 pl. h. t.

54
Géographie des Terrains Salés et Nus de Mangrove

Tableau 1a Critères de définition de la slikke et du schorre (d'après F. Verger, 1969)

Critères de définition Slikke Schorre

Hydrographiques Etendue à l'intérieur de Zone inondable pendant


la zone intertidale mais les marées de vives
n'en atteint pas la limite eaux ou pendant les
supérieure tempêtes

Botaniques Peut développer une Végétation halophile


végétation assez fournie dense en dehors des
dans sa partie supérieure chenaux et des petites
mares

Sédimentologiques ou Sédiments fins Sol composé d'un


pédologiques comprenant au moins matériel fin souvent Mi
5% de vase, sans ou stratifié granulé, plus
évolution pédologique ferme que celui de la
slikke

Tableau 1 b Critères de définition de la slikke et du schorre appliqués à la vasière et au


tanne

Critères de définition Vasière Tanne

Hydrographiques Partie inférieure située Entre PMM et PMGVE;


entre BMVE et PMME. possibilité d'intervention
Partie supérieure située de la nappe phréatique;
entre PMM et Grde inondation par les eaux
PMME de pluies

Botaniques Développement d'une Absence de végétation


végétation de mangrove

Sédimentologiques ou Vase plus ou moins Sable fin, limoneux,


pédologiques sableuse, sols peu rangé dans le groupe
évolués, potentiellement des solontchaks
sulfatés-acides (sulfatés-acides)

55
Ressources Côtières et Littorales du Sénégal

durée dessubmersions; lesdifférents aspects les plus directement perceptibles des marais
dépendent de la capacité de la végétation à s'adapter ou non à des teneurs en sel qui peuvent
atteindre de très fortes valeurs dans les marais tropicaux du fait d'une évaporation souvent
importante. On constate que les taux de salinité s'accroissent alors globalement de la mer
vers le tanne, zone où la concentration saline devient trop forte pour autoriser le développe
ment de toute végétation. Le tanne peut ainsi être comparé à certaines mares ou cuvettes de
sursalinité que l'on observe sur les parties les plus anciennes des schorres, et particulièrement
dans les parties internes basses des schorres contraires.
L'aspect du tanne lui-même varie en fonction du niveau atteint par les marées; on y
observe une microzonation qui s'établit en fonction de l'ancienneté de la submersion et
de la microtopographie. Ces états, fréquemment observés sur les photographies aé
riennes, ont déjà fait l'objet d'une analyse (réf. D3). Ils peuvent être schématisés de la
manière suivante:
- une zone haute, couverte de poussières, de teinte sombre. Cette zone a été anciennement
atteinte par la marée;
- la deuxième zone a été atteinte plus récemment par la marée; les poussières ont été
lessivées et on y observe la formation d'efflorescences salines;
- la zone la plus basse, recouverte par la marée la plus récente, est encore humide.
En climat tempéré, des ceintures formées selon les mêmes processus s'observent l'été,
alors que les hauteurs atteintes par les marées sont faibles et l'évaporation la plus forte,
soit dans les cuvettes dénudées des schorres, soit sur les hautes slikkes.
Le mécanisme des marées sur le tanne peut être compliqué par une interférence liée
aux précipitations qui dérégularisent la dynamique tidale en entraînant des phéno
mènes de dessalement par lessivage des sols ou une interférence liée à la nappe phréatique
dont une forte salinité amplifie au contraire la dénudation par l'existence de cris
taux de sel.
Ces différents états, comme du reste l'existence de quelques herbacées généralement
développées à la faveur des pluies dans des microdépressions centrales ou bordières du
tanne, ne sauraient se substituer à la forme elle-même. C'est pourquoi nous préférons
maintenir l'idée générale de salinité liée au tanne, déterminante pour sa stérilité; pour
traduire aussi l'aspect ponctuel, spatialement et temporellement, de ces herbacées, nous
parlerons de pelouse ou de "péritan" pour reprendre l'expression de J.G. Adam
(réf. Dl).
Enfin, on peut encore, à la lumière de toutes ces remarques, se demander s'il existe une
zonation typique du tanne et du marais tropical en général. En ce qui concerne le second
point, comme nous avons pu le constater, divers schémas ont été élaborés. Dans le cas
de l'Ouest africain, l'amalgame des divers états dynamiques avec le tanne n'a pas
contribué à homogénéiser les choses. Mais si le problème de la délimitation de l'espace
intertidal subsiste encore, nous pensons avec F. Blasco (réf. A4) qu'une zonation
classique même schématique des littoraux tropicaux s'impose. Elle serait du type que
nous proposons (figure 3).

56
Géographie des Terrains Salés et Nus de Mangrove

57
Ressources Côtières et Littorales du Sénégal

CONCLUSION
Le tanne, à travers de multiples séquences, a fait l'objet de nombreuses descriptions. Il
a donc fini par s'imposer depuis une décennie environ à la communauté scientifique
mondiale comme une forme pantropicale. Mais si le paysage du tanne semble facile à
percevoir sur le terrain, il n'en est pas de même de ses divers états, variables d'une
séquence à l'autre, d'une période à une autre. Le tanne pose des problèmes liés à notre
avis à deux faits essentiels: une assimilation entre formes de milieux différents et une
substitution entre des états de la forme elle-même. Ce dernier point a davantage
compliqué les choses même si, paradoxalement, tous les auteurs s'accordent pour
reconnaître au tanne son caractère nu. Ce trait découle d'une série de facteurs convergents
vers la salinité (marée, évaporation, nappe phréatique). Il devrait donc être à la base de
la définition même de la forme. Aussi, nous définirons le tanne de la manière suivante:
Le tanne s'étend, en arrière des vasières à mangrove, dans la zone inondable par les
marées de vives eaux; il est caractérisé par des sédiments sablo-limoneux, une forte
salinité et une absence totale de végétation.
Enfin, comme on peut le constater, nous excluons de cette définition toutes les formes
qui évoluent en circuit fermé, qui ne sont plus atteintes par les marées, résultat d'une
salinisation ancienne et encore appelées tannes dans les secteurs amont du Sine et du
Saloum. Il en est de même des cuvettes localisées dans les cordons des dunes de la vallée
du Sénégal dont la salinité provient pour l'essentiel des infiltrations d'eaux marines et
qui en réalité se rapprochent davantage des sebkras.

REFERENCES BIBLIOGRAPHIQUES

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61
RECHERCHES EN SCIENCES
GEOMATIQUES

RESEARCH IN GEOMATIC SCIENCES


LES SCIENCES GEOMATIQUES DANS LA
GESTION DES RESSOURCES LITTORALES:
LES TECHNIQUES DE LEVES
HYDROGRAPHIQUES

Nouhoum DIOP
Service des Phares et Balises, Port Autonome de Dakar, Sénégal

Résumé

L'aménagement du littoral constitue pour les Etats à façade maritime une des priorités
des politiques de dévéloppement parce que:
- d'abord cette partie de territoire reste un centre d'activités économiques à forte valeur
ajoutée; à titre d'exemple, le littoral est le lieu privilégié pour la création de stations
balnéaires qui favorisent le développement touristique;
- ensuite, le développement de la pêche maritime se conçoit avec la mise en place
d'infrastructures de réception et de traitement dont l'implantation, pour des raisons
économiques évidentes, se projette sur le littoral;
- enfin, la globalisation des échanges intervenue avec l'avénement de l'intermoda-
lisme a entraîné l'accroissement des besoins en installations portuaires pour la
promotion du commerce international.
Les sciences géomatiques jouent un rôle essentiel dans la connaissance des différents
facteurs qui agissent sur la mer, de leurs conséquences sur le littoral, afin de favoriser
des prises de décisions adéquates dans les plans d'aménagement de cette zone.
Les levés hydrographiques combinent un ensemble de sciences telles que la géodésie,
l'océanographie physique, la bathymétrie, la photogrammétrie de la frange côtière, la
géophysique, et constituent un préalable à la plupart des formes d'exploitation du milieu
marin et plus particulièrement à une meilleure connaissance de la dynamique sédimen-
taire.
L'auteur analyse ici les différentes techniques de mesure des paramètres océaniques
comme la houle, les marées et courants, la bathymétrie et la sédimentologie.
L'exposé retrace rapidement le rôle de la géodésie dans les opérations de mise en plan
et parle des techniques de localisation, de leurs conditions de mise en œuvre et des
faiblesses rattachées à chacune d'entre elles.

65
Ressources Côtières et Littorales du Sénégal

GEOMATHEMATICAL SCIENCES IN THE MANAGEMENT


OF LITTORAL RESOURCES: THE TECHNIQUES OF
HYDROGRAPHICAL SURVEYS

Abstract

Littoral zone management is one of the priorities for political development of states
which have a coastline because:
- this part ofthe territory is an area with a high value ofeconomic activity, for instance,
the littoral zone is the main area for the establishment of seaside resorts which
promote the development of tourism;
- the expansion ofmaritime fishing conceive the setting up ofreception and processing
infrastructures which for obvious economic reasons are located on the littoral zone;
- the increase in international trade and global interactions has resulted in the need for
improved coastal harbour facitities.
Geomathematical sciences play a crucial part in our knowledge of the different factors
that have an impact on the sea and the littoral zone, and are used to promote appropriate
decision-making when planning the development of this area.
Hydrographic surveys combine a set ofsciences such as geodesy, physical oceanography,
bathymetry, photogrammetry of the coastal fringe, and geophysics, and constitute a
prerequisite for most forms of exploitation of the marine area, and particularly, to obtain
knowledge of the dynamics of sediments.
The author hereby analyses the different techniques for measuring oceanic parameters
such as swells, tides and currents, bathymetry and sedimentology.
This paper recalls briefly the role of geodesy in planning operations and refers to the
location techniques, their implementation conditions, and their possible weaknesses.

1. INTRODUCTION

1.1. Quelques définitions

1.1.1. La géodésie
La géodésie est l'étude de la forme et des dimensions de la terre; elle intéresse l'hydro
graphie car elle fournit, avec l'astronomie et la radiolocalisation, les éléments permettant
la détermination précise des positions de points à la surface du globe et les méthodes de
représentation sur un plan de zones de la surface de la terre qui ont des applications
importantes en cartographie.

1.1.2. La houle
La houle est une onde produite par l'action du vent à la surface de l'eau et dont la période
est comprise entre 1 et 30 s. Elle est par conséquent caractérisée par:

66
Les Techniques de Levés Hvdrographiques

- son creux H ou son amplitude a = H/2;


- sa longueur d'onde - L - séparant deux crêtes successives;
- sa période T;
- sa célérité C;
- sa cambrure V = H/L.
Quelques indications sur la houle: son creux ne dépasse pas une quinzaine de mètres sur
le globe terrestre. Sa longueur d'onde varie de quelques dizaines et quelques centaines
de mètres. Sa période varie de 1 s à 30 s. La cambrure ne dépasse pas 14%.

1.1.3. La marée
Elle est une ondulation périodique du niveau des mers et des océans qui se manifeste sur
la côte par une oscillation dont l'amplitude varie entre 0,3 et 15 m et la période entre
12 heures et 18 ans 2/3:
- Marée d'origine astronomique: marée dûe à l'influence des astres (notamment le
soleil et la lune à cause de leur masse);
- Marée périodique d'origine non astronomique; ce sont:
les seiches qui prennent naissance dans des bassins sous l'effet de certaines
forces (vent, pression). Leur période est assez courte de cinq minutes à une
heure;
certaines ondes de plateau.
Ces deux phénomènes s'opposent à la marée par l'instabilité de leur phase.
- Les marées météorologiques qui sont dûes à l'influence des vents alternatifs (vent
"solaires" ou moussons) ou à des variations de pression atmosphérique.
- Marée non périodique: elle intervient à la suite de variations dûes au vent ou à la
pression, qui sont de grande ampleur (raz de marée ou storm surge) et qui peuvent
être catastrophiques sur les côtes basses; il faut les différencier des tsunamis qui sont
des variations très brutales engendrées par des déformations brusques de l'écorce
terrestre.

1.1.4. Les courants


Ils peuvent être classés en trois types:
- Les courants généraux qui sont des courants océaniques permanents et uniformes
dûs aux variations de pression et de pesanteur en divers points des océans.
- Les courants de marée qui sont des courants périodiques, dont la direction varie avec
le temps. Ils sont représentés par la rose des courants qui est l'hodographe de la
vitesse par rapport à un point fixé.
- Les courants causés par l'action des forces externes comme le vent. La houle entraîne
un courant souvent fort, parallèle à la côte, près du littoral.

1.1.5. La bathymétrie
Elle peut être définie comme la topographie des fonds marins.

1.1.6. La sédimentologie
Etudie le déplacement des sédiments sur le littoral.

67
Ressources Côtières et Littorales du Sénégal

1.2. L'utilisation des paramètres liés aux différents facteurs


agissant sur le littoral

1.2.1. La houle
On constate que, dans la répartition de l'énergie totale des océans par tranche de période,
c'est dans celle correspondant à la houle que l'on retrouve la plus grande quantité
d'énergie (figure 1).
L'étude de la houle et sa connaissance sont donc d'un intérêt particulier pour la tenue
des ouvrages construits en mer, sur la côte ou offshore, et des conditions d'exploitation
d'un port.

1.2.2. La marée
L'étude de la marée est menée pour les raisons suivantes:
- pour la réduction des sondes brutes dans la bathymétrie;
- pour sa connaissance par le navigateur lui permettant de naviguer en sécurité;
- pour le dimensionnement des usines marémotrices;
- pour l'aménagement des ports.

1.2.3. Le courant
Sa connaissance permet:
- le tracé des chenaux d'accès portuaires et navigables;
- l'implantation des sites portuaires.
L'étude du courant est également d'un grand intérêt dans la sédimentologie.

1.2.4. La bathymétrie
La connaissance des fonds marins est utile à plus d'un titre:
- pour le navigateur;
- pour les besoins de la sédimentologie;
- dans l'aménagement des ports.

2. LES METHODES ET TECHNIQUES D'ETUDES ET DE MESURES

2.1. La houle

2.1.1. La houle théorique (figure 2)


Il existe différents modèles mathématiques de la houle dont les plus connus sont les
suivants:
- La théorie de GERSTNER s'applique à une profondeur infinie;
- La théorie d'AIRY est du premier ordre;
- La théorie de STOKES étudie les houles instationnelles en coordonnées d'Euler aux
ordres l à 5;

68
Les Techniques de Levés Hvdrographiques

- La théorie de MICHE s'est développée autour des houles de premier et deuxième


ordre;
- La théorie de la houle Cnoïdale est seulement valable pour les faibles profondeurs;
- Lathéoriede l'onde solitaire tourne autour d'une houle en faible profondeur et d'une
longueur d'onde très grande.
La figure 2 indique les domaines de validité de ces différentes théories.

2.1.2. Les houles réelles


Souvent la conception des ouvrages en mer est fondée sur la connaissance de la houle
observée sur une période (1 an, 10 ans, etc.). La détermination de l'amplitude s'effectue
alors à partir d'un dépouillement statistique de l'ensemble des mesures effectuées dans
la période.
Trois caractéristiques peuvent ainsi être mesurées.
2.1.2.1. La période
La mesure s'effectue en comptant le nombre de crêtes passant en un point matérialisé
par une balise, pendant un intervalle de temps donné. Cette période peut s'obtenir
sur les enregistrements d'amplitude des houles, qui s'effectuent sur un papier enre
gistreur.
2.1.2.2. L'amplitude
Elle est mesurée soit:
- Directement à lajumelle sur une échelle graduée fixée à une tour métallique reposant
sur le fond (lunettes de Galilée); procédé imprécis.
- Par des houlographes enregistreurs placés dans des tubes verticaux ou des points à
l'intérieur des digues. Toutefois la digue doit être grandement ouverte pour ne pas
amortir le mouvement de la houle qui peut être puni par un flotteur.
- Par un sondeur à ultra-son posé sur le fond.
- Par un dépouillement stéréographique de photos aériennes. Il a l'avantage de pouvoir
être utilisé en haute mer et en même temps l'inconvénient d'être moins précis que
les méthodes précédentes.
- Par des bouées enregistreuses de houle (Datawell) ou houlographes accéléromètres
dont le signal est transmis par radio à une station réceptrice dans un rayon de 50 km
environ.
2.1.2.3. La direction
Elle peut s'effectuer:
- Par dépouillement des photographies aériennes mais cela coûte cher.
- Par la détection radar des lignes de crête.
- Par l'indicateur de direction de houle qui est une boule sphérique fixée à une tige
dont on mesure la direction des déplacements par des gangues extenso-métriques;
l'ensemble est posé sur le fond. La sphère se déplace alternativement dans la
direction de propagation de la houle.
Les houles réelles ne sont pas monochromatiques car l'amplitude, la période et la
direction ne sont pas constantes.

69
Ressources Côtières et Littorales du Sénégal

70
Les Techniques de Levés Hvdrographiques

eou peu profonde- cou profonde

inéoire ■

00« 004 0 l 0 3 0»

Figure 2 Zone de validité des différentes théories de houle


H - Creux
d - Profondeur eau
L - Longueur d'onde
T - Période

71
Ressources Côtières et Littorales du Sénégal

2.1.3. Prévision de la houle


Elle s'effectue à partir de la connaissance des paramètres de vent comme:
- la vitesse moyenne du vent à la surface de l'eau;
- la direction du vent;
- le fetch;
- la durée pendant laquelle le vent souffle sur le fetch.
Les différentes méthodes de prévision:
- Méthode de la houle significative ou de SVERDRUP et MUNK (1947); elle permet
le calcul de la houle à l'extrémité du fetch pour les grandes profondeurs et après la
sortie du fetch.
- Méthode de BRETSNEIDER et RE1D (1953) pour les faibles profondeurs qui prend
en compte le frottement sur le fond et l'infiltration dans le fond perméable.
- Méthode de prévision annuelle sur une étendue d'eau limitée ou méthode de
FALVEY. Elle tient compte du vent annuel (lac). Cette méthode est valable dans les
limites suivantes:
10 m/s < V 10<50 m/s
2 km < F < 200 km

V 10 est la vitesse horizontale du vent à 10 m de la surface libre au repos en
m/s.

2.2. La marée

2.2.1. L'observation de la marée


Les modèles qui découlent des conditions théoriques sont insuffisants pour permettre la
détermination précise à l'avance de la marée en un point du globe terrestre.
Pour appuyer certaines hypothèses faites, ainsi que l'établissement des formules de
prédiction, l'observation préalable et continue du phénomène au large est nécessaire.
Mais les techniques d'observation au large sont souvent complexes et coûteuses.
L'observation de la marée réelle permet pendant les travaux de sondage de résoudre les
problèmes liés aux perturbations accidentelles qui peuvent affecter le niveau de la surface
de l'eau. Elle permet également d'assurer la sécurité de la navigation en temps réel.
Plusieurs méthodes d'observation sont utilisées.
2.2.1.1. Les observations ponctuelles
- L'échelle de marée: elle présente les avantages suivants; elle est simple d'emploi, le
prix de l'installation est faible. Toutefois, pour obtenir des observations continues,
il faut une permanence de la main-d'œuvre. Le choix de son emplacement est le
problème essentiel.
- Les marégraphes: leur emploi permet de résoudre le problème de la main d'œuvre.
- Les marégraphes à flotteur (OTTRIG ...). La précision de l'enregistrement est
fonction de l'échelle de recherche. Elle varie de 0,6 mm à 2,4 mm pour une échelle
évoluant entre l/20e et 1/1 e.

72
Les Techniques de Levés Hvdrographiques

- Le marégraphe à pression. Il est surtout utilisé pour la mesure de la marée au large.


Le capteur de pression est placé soit au fond soit à la surface. Exemple du marégraphe
à fuite (limorigraphe Neyrpic, "Telimnip") dont la précision est de 2% du marnage
en hauteur et 20 mn par mois en temps. Le marnage maximum mesurable est de
15 m. Exemple du marégraphe par petit fond jusqu'à 200 m et pour grand fond
(jusqu'à 6 000 m). Il doit pouvoir résoudre 1 mm sur 5 km. Exemple du
marégraphe SUBER dont l'autonomie varie de 16 à 128 jours. La résolution est
0,3 cm en hauteur d'eau. La dérive en temps est de 3 mn sur 6 mois.
2.2.1.2. Les méthodes de détermination globales de la marée
Il y a les méthodes de perturbation d'orbite des satellites qui sont des procédures
complexes dont l'explication dépasse le cadre de cet atelier.
Il y a également l'altimétrie par satellite qui combine des mesures d'altitude d'un satellite
au-dessus de la mer et la détermination précise de position dans un système de référence;
cela permet d'obtenir l'élevation de la surface de la mer dans ce système.

2.3. Le courant
L'observation des courants peut s'effectuer selon diverses méthodes.

2.3.1. Les méthodes directes


2.3.1.1. Les mesures au point fixe
On utilise souvent les courantomètres posés soit sur le fond soit fixés sur une ligne de
mouillage aux caractéristiques variables avec la profondeur et la force des courants à
mesurer (exemple du courantomètre SUBER SLS II): c'est la valeur moyenne du courant
qui est donnée sur une période de temps déterminée, choisie par l'opérateur. La résolution
de la mesure est d'environ 30 cm/s. Il permet des mesures de courant de 2,5 cm/s à
320 cm/s.
2.3.1.2. Les mesures lagrangiennes
C'est le cas des flotteurs dont l'observation de la trajectoire de flotteurs dérivants permet
de tracer des lignes de courants.
La partie immergée doit être aussi importante que possible, et la superstructure ne doit
pas donner trop prise au vent et doit rester facilement repérable.
On peut également citer les traceurs radioactifs ou colorés. La position est donnée soit
en déterminant la distance parcourue, soit avec des techniques telles que:
- l'observation visuelle;
- la radiolocalisation;
- les méthodes acoustiques, etc.
2.3.1.3. Les méthodes indirectes
Il y a entre autres:
- les méthodes dynamiques: le courant est calculé à partir de mesures de densité et en
appliquant les équations de la mécanique des fluides;
- les méthodes de détermination de dérive.

73
Ressources Côtières et Littorales du Sénégal

2.4. La bathymétrie
Elle combine deux (2) opérations:
- une de mesure de fond;
- une de localisation.

2.4.1. Les techniques de mesure de fond


On peut en citer:
- Une méthode manuelle utilisant le fil à plomb.
- Une méthode acoustique utilisant la technique de l'ultrason dont la précision est
fonction de la fréquence d'utilisation. On distingue les sondeurs acoustiques
mono fréquence ou bi fréquence en fonction de la nature du terrain à insonifier
(terrain homogène ou hétérogène).

2.4.2. La localisation
2.4.2.1. La méthode optique
Elle consiste à déterminer la position du mobile à partir de trois stations par procédé
optique (théodolite). Trois opérateurs visent en même temps un mobile se déplaçant sur
un profil. Un algorithme permet de déterminer la position du point.
2.4.2.2. La radiolocalisation
Le principe est le même que celui défini précédemment mais au lieu de l'emploi de
théodolites, il est utilisé trois balises installées sur des stations dont les coordonnées sont
connues à l'avance. Un appareil récepteur installé sur le mobile permet de calculer le
point.
Raydist
Le Raydist est un système à comparaison de phase de haute précision et fonctionne en
bande HF. Sa portée est égale à 450 km le jour et à 280 km la nuit. Sa précision est de
l'ordre de 3 mètres. Il peut être utilisé par 4 opérateurs différents. Il fonctionne soit en
mode circulaire ou hyperbolique, soit dans une combinaison des deux modes.
Trident
Le Trident travaille en mode circulaire en gamme de fréquence VHF. Le trident III a une
portée limitée à 1 30 km pour les applications maritimes. La portée minimale est de 200 m.
Les fréquences d'utilisation sont soit de 200 MHZ, 400 MHZ ou 1 200 MHZ. Sa précision
est inférieure à 3 m.
Syledis
Le Syledis est un système de positionnement à moyenne portée. Il peut fonctionner soit
en mode circulaire ou en mode hyperbolique ou avec la combinaison des deux. La portée
maximale est de 120 km pour le Syledis B et 220 km pour le Syledis LD. La précision
est fonction de la distance mesurée:
jusqu'à 1 X portée optique: 1 mètre
de 1 à 2 X portée optique: 3 mètres
de 2 X portée optique à la portée limite: 20 mètres.

74
Les Techniques de Levés Hvdrographiques

Ariemis
L'Ariemis est un système à micro-ondes qui comprend 2 stations: une station "mobile"
à bord du navire et une station "fixe" à terre. Le point est donné en distance et relèvement
de la station fixée. C'est un système à utilisateur unique. La portée varie entre 10 mètres
et 30 km. La précision est de 1,5 mètre pour la distance et de 0.08 degré pour l'Azimut.
Il fonctionne sous deux fréquences, une pour la station mobile et une pour la station fixée
séparées par 30 MHZ et dans les limites de portée de radio directe.
Comme tous les systèmes à micro-ondes, les conditions de propagation des signaux
peuvent être affectées par les réflexions des signaux à micro-ondes sur la surface de la
mer appelées "trous d'interférence" ou "trous de distance".

2.5. La sédimentologie
La houle est le principal agent responsable du transport des sables le long des rivages.
La connaissance de la houle, du courant et de la nature du sol ainsi que la bathymétrie
des fonds est essentielle dans la connaissance du transport du littoral. D'autres facteurs
externes, comme le vent, les facteurs géologiques et humains jouent également un rôle
dans le transport des sédiments par les différents facteurs naturels.

3. LA REDACTION DES LEVES HYDROGRAPHIQUES


La rédaction des levés hydrographiques doit nécessairement informer des systèmes
géodésiques utilisés.
La plupart des levés hydrographiques effectués au Sénégal utilisent des systèmes
géodésiques pouvant être résumés comme suit:
- IGN 74 limité à la zone de Dakar;
- YOFF 200 pouvant être utilisé sur l'ensemble du pays;
- l'ADINDAN;
- et surtout le GAUSS LABORDE utilisant l'ellipsoïde d'Hayford et la double pro
jection conforme. Il est utilisé dans le Saloum et la Casamance.
L'IGN 74, le YOFF 200 et l'ADINDAN utilisant tous la projection UTM mais des datums
différents. Toute opération hydrographique dans un des systèmes doit en faire mention.

4. CONCLUSION
La connaissance des différentes techniques de levés hydrographiques par le chercheur
est nécessaire afin que celui-ci puisse mesurer 1 ' impact des données mises à sa disposition
pour ses conclusions. Le chercheur recourt souvent aux plans et cartes fournis dans des
systèmes géodésiques différents. L'analyse doit nécessairement se mener sur un référen
tiel unique. La bathymétrie évoluant avec le temps, les suppports d'analyse différents
aboutiront à des conclusions qui risquent d'être entachées d'erreur car le point évolue
dans le transit littoral. La connaissance des besoins des chercheurs en précision est
également nécessaire pour leur prise en compte dans les différentes techniques de levés.

75
Ressources Côtières et Littorales du Sénégal

A titre d'exemple un système de levés bathymétriques par profils longitudinaux en


maillage constant est beaucoup plus avantageux pour le chercheur étudiant l'évolution
d'une flèche sablonneuse qu'un procédé en "éventail" dont le maillage s'agrandit au fur
et à mesure que l'on s'éloigne de la côte.
Il est souvent fait appel à des méthodes d'interpolation de fond vers le large quand le
chercheur ne dispose pas d'un levé serré répondant à ses exigences. De telles méthodes
font recourir à des procédés probabilistes dont les résultats sont souvent dispersés.
Pour l'hydrographe pourtant cette dernière méthode, en fonction de l'échelle de restitu
tion reste valable, simple et peu coûteuse quand les lignes isobathes sont perpendiculaires
aux profils.

REFERENCES BIBLIOGRAPHIQUES
GRAILLOT. Cours de Travaux Matitimes. Inst. Port. d'Ens. et de Rech., Havre,
Tomes 1, 2 et 4.
R. BONNEFILLE. Cours d'Hydraulique Maritime, Masson éd., Paris, 171 p.
BESSERO (1985). Cours de Géodésie, SHOM, Brest, Tomes 1 et 2.
INSTITUT FRANÇAIS DE NAVIGATION (1989). Revue Technique de Navigation
Maritime, Aérienne, Spatiale et Terrestre, vol. 37.
BUREAU HYDROGRAPHIQUE INTERNATIONAL. Publication spéciale n° 39,
Monaco.

76
LE REGIME DES MAREES A DJIFERE
(SALOUM, SENEGAL)

Amadou Tahirou DIAW


Laboratoire de Géographie, IFAN, Université Cheikh Anta Diop, Dakar, Sénégal

Marne Demba THIAM


Département de Géographie, Faculté des Lettres et Sciences Humaines
Université Cheikh Anta Diop, Dakar, Sénégal

Résumé

L'estuaire du Saloum, situé à une centaine de kilomètres au Sud de Dakar, constitue


un milieu fort complexe. Il se caractérise par une forte dynamique littorale cependant
peu étudiée dans le détail.
En effet, la plupart des travaux relatifs aux agents dynamiques s'appuient sur des
mesures limitées dans le temps. Aussi, les auteurs de cet article, après un rappel des
notions liées à la marée et l'inventaire des problèmes d'acquisition des données, se
sont-ils attachés à suivre l'évolution de celle-ci sur une année. Cette étude, qui
concentre le plus grand nombre d'observations à Djifère, a permis, par l'analyse des
différents moments de la marée, d'obtenir la courbe des marées et de constater
l'existence d'une "marée à 2 eaux".

TIDAL REGIME AT DJIFERE


(SALOUM, SENEGAL)

Abstract

Situated one hundred kilometres south of Dakar, the Saloum estuary constitutes a
very complex environment. The littoral zone is characterized by a higly dynamic
environment, which has as yet not been studied in great detail.
Indeed, most of the work concerning dynamic agents are based on measures of a limited
time period. The authors of the present paper, having reviewed elementary knowledge
linked to the tide and making an inventory of data acquisition problems, have also
tried to follow the tidal evolution over a period of twelve months. This study which
concentrates most of its observations on Djifère, through analysis of the different
tidal phases, has enabled the production of a tidal curve and confirmed the existence
of a double tide.

77
Ressources Côtières et Littorales du Sénégal

Introduction

La difficulté majeure à laquelle on se heurte en étudiant le littoral sénégalais demeure


sans conteste l'acquisition des données d'ordre dynamique (houle, marée, vent...). En
effet, à la quasi-absence de relevés dans certains secteurs, il faut opposer le faible nombre
ou la courte durée des observations dans les zones relativement mieux étudiées. C'est le
cas du Saloum qui a très tôt retenu l'attention des pouvoirs publics - parce que voie
d'accès essentielle vers le port arachidier de Kaolack - mais où les mesures ayant trait
aux facteurs-agents marins restent quelque peu fragmentaires. Aussi, nous sommes-nous
efforcés de suivre l'évolution de la marée à la station de Djifère' durant un an, afin de
préciser un certain nombre de ses particularités et d'apporter une contribution à la
connaissance d'un milieu fort complexe.

1. PROBLEMES TERMINOLOGIQUES LIES A LA MAREE


Le mot marée désigne, dans son acception la plus courante, le mouvement oscillatoire
du niveau de la mer résultant des attractions de la Lune et du Soleil sur les molécules
liquides. Le phénomène est donc une conséquence de la gravitation universelle (A. GOU-
GENHEIM, 1 985). Il conditionne par exemple toute l'organisation de l'espace intertidal,
fondamental du point de vue géographique, et dont la délimitation, quelle que soit la zone
climatique, s'appuie sur l'utilisation de niveaux de références en relation avec les niveaux
particuliers de la mer.
Nous nous sommes tout d'abord intéressés dans la présente étude à l'oscillation de
niveau, à laquelle correspond une oscillation horizontale de l'eau. Les différentes
définitions associées à cette oscillation verticale alternative et périodique ont été préci
sées par F. VERGER (1968). En effet, cette alternance se traduit pendant une certaine
durée par un mouvement descendant désigné aussi sous les vocables de baissée, perdant
ou marée descendante. Ce mouvement de montée et de baissée, dans le cas général, passe
par les étapes de variations suivantes du niveau:
- A la fin de la montée, on note un arrêt de l'oscillation qui correspond à l'étale.
Celle-ci est dite étale de pleine mer puisque le niveau de l'eau est maximal; dans
cette situation, on parle de pleine mer ou de marée haute.
- La baissée qui suit l'étale de pleine mer est, elle aussi, marquée lorsqu'elle
s'achève par une interruption du mouvement et l'existence d'une étale, dite cette
fois-ci de basse mer; le niveau étant minimal, on parle de basse mer, ou de marée
basse.
Toutefois, on peut noter comme le remarque, F. VERGER (1968) des cas où la courbe
d'une marée peut présenter 2 ou 3 sommets rapprochés. Le sommet le plus élevé
représente la pleine mer principale et les autres sommets sont qualifiés de pleines mers

I Nous tenons à exprimer nos vifs remerciements à la Direction des Parcs Nationaux du
Sénégal et aux agents du campement de Djifère qui ont bien voulu effectuer pour nous les
observations marégraphiques consignées dans ce travail.

78
Le Régime des Marées à Djifère

secondaires. Il en est de même des basses mers où la moins élevée désigne la basse mer
principale tandis que les autres correspondent aux basses mers secondaires.
Le marnage est défini comme étant la dénivellation entre la pleine mer principale ou
unique et la basse mer principale ou unique. Nous l'assimilerons comme le veut l'usage
à la notion d'amplitude2. Très variable d'un littoral maritime à un autre, il est fort lors
des syzygies et faible lors des quadratures. La marée la plus forte est appelée marée de
vive eau et la plus faible marée de morte eau. Cependant, ces marées se produisent avec
un certain retard (âge de la marée) pour la première sur la syzygie et pour la seconde sur
la quadrature.
Les variations de l'oscillation verticale de l'eau passent aussi par une succession de
phases au cours du mois lunaire suivant le schéma ci-dessous:
- croissance du marnage entre une morte eau et la vive eau suivante, c'est le revif;
- décroissance du marnage entre une vive eau et la morte eau qui la suit, c'est le déchet.
La marée présente sur le globe des aspects très divers. Sur les côtes sénégalaises, chaque
jour lunaire de 24 heures 50 minutes connaît deux pleines mers et deux basses mers peu
différentes de niveau. Ce caractère semi-diurne imprime par conséquent son empreinte
à la marée.
Enfin, les niveaux de références sur lesquels s'appuie la définition des mouvements
verticaux sont de plusieurs ordres:
- Le premier niveau qui pourrait être évoqué parce qu'étant le plus simple est celui
qui, entendu dans le sens Laplacien, est appelé niveau d'équilibre par les hydro
graphes. Il s'agit en l'occurence du niveau que prendrait la mer si elle ne subissait
pas l'attraction de la Lune et du Soleil.
- Le niveau de mi-marée est la moyenne arithmétique des pleines et basses mers
pendant une longue période. Il diffère du niveau moyen approché par le calcul de la
moyenne arithmétique des hauteurs horaires avec l'obtention des meilleures valeurs
sur la période de révolution des nœuds de la dernière lune, ou période chaldéenne
égale à 18 ans 2/3. Toutefois, la pratique courante permet la confection de niveau
moyen journalier, mensuel ou annuel.
La terminologie liée à l'oscillation horizontale de l'eau est en relation évidente avec celle
de niveau. Elle s'appuie également sur les types d'onde accompagnant la marée. Le cas
d'une onde stationnaire et celui d'une onde progressive sont en général envisagés. Mais
dans les deux situations, un des caractères essentiels reste l'annulation du mouvement
pendant un instant donné de la marée, parfois désignée aussi sous le nom d'étale de
courant et auquel F. VERGER, (1968) préfère celui de renverse. Les autres moments de
déroulement du mouvement horizontal sont:
- pour une onde stationnaire, le flot qui accompagne la montée puis le jusant qui
accompagne la baissée;

2 L'expression d'amplitude qui en physique s'applique à la demi-dénivellation est définie par


H. BAULIG (1956) comme la moitié du marnage, qui lui est qualifié par R. MUSSET
(1956) de différence des niveaux extrêmes (in: F. VERGER, 1968).

79
Ressources Côtières et Littorales du Sénégal

- pour une onde progressive par contre, les deux courants se produisent pendant la
montée comme pendant la baissée. Aussi, le flot est défini comme le courant qui
porte dans le sens de progression de l'onde et le jusant celui du sens contraire.
Le réseau géodésique sénégalais, malgré les efforts déployés par l'IGN, la Mission
hydrographique de la Marine et le Service des Travaux Publics reste relativement
modeste et pose par ailleurs de multiples problèmes de "maintenance". Sur l'ensemble
du littoral, Dakar est une référence à laquelle les autres ports ou stations restent rattachés.
En effet, par une relation de concordance, on peut arriver, en chaque point de la côte, à
établir le zéro hydrographique. Cette valeur qui est le zéro de l'échelle du marégraphe
de Dakar, encore appelé zéro commun de l'Annuaire et des cartes marines se trouve à
2,30 m en contrebas du repère du nivellement de Dakar3. Ainsi, en nous appuyant sur ce
zéro et sur la base des calculs établis par nos soins le niveau de mi-marée à Dakar est de
1,02. En fonction de la période considérée, ce niveau est variable comme du reste le
niveau moyen dont les valeurs adoptées dans l'Annuaire des marées sont établies à + 1 ,01
de 1975 à nos jours et à +0,98 de 1958 à 1974.
Le niveau zéro du nivellement général de l'Afrique de l'Ouest, appelé couramment zéro
normal est la surface horizontale passant par le repère fondamental de Dakar, niveau
moyen à Dakar. Il a une valeur légèrement différente du niveau moyen adopté par
l'Annuaire des marées puisque se situant à +1,320 m.

2. PROBLEMES LIES A L'ACQUISITION DES DONNEES


La détermination des niveaux est avant tout un problème d'échelle entendu également
au sens de moyens. Il en est ainsi quand on veut étudier les marées, et le caractère
sommaire des données sur les côtes du Sénégal s'explique essentiellement par les
difficultés de deux ordres:
- à la précision des marégraphes s'oppose le chiffre élevé des devis d'installation;
- et à la relative facilité d'installation des échelles de marée s'oppose la contrainte du
suivi des lectures.
L'emplacement des observations de la marée dans le Saloum s'est imposé de lui-même,
puisque pour nous le souci fut de trouver une zone contrôlable face à d'éventuelles
exactions. La proximité du campement de Djifère nous est apparue idéale et convenable
du point de vue des conditions d'observations. En effet, l'échelle a été installée dans une
sorte de baie à 40 m du rivage, à un endroit qui ne s'assèche pas lors de la basse mer et
où la marée accède librement sans être gênée par des obstacles.
Le dispositif utilisé est simple, facile à exécuter et établi à peu de frais. Il s'agit en effet
d'une plaque métallique de 2 mm d'épaisseur, de 129 mm de largeur et d'une hauteur

3 Ce repère est différent de celui du zéro des cartes tel qu'il est défini dans les tables des marées
des colonies françaises de l'Adantique pour l'an 1910. En effet, le Capitaine de Frégate LE
BAIL estime, pour la presqu'île du Cap-Vert (1909-1 910), que le repère de 1910 a été
transféré lors de travaux dans le port. Et c'est sur sa demande qu'il a été procédé à l'exécution
d'un nivellement entre ce repère transféré (situé à 1 2,065 m au-dessus du zéro des cartes) et le
plan formé par la partie supérieure du musoir sud de l'entrée du bassin du radoub; la côte de
ce plan étant à 2,31 2 m au-dessus du zéro des cartes.

80
Le Régime des Marées à Djifère

Tableau 1 Correspondance entre les graduations de l'échelle de marée et les valeurs


réelles à partir du zéro du dispositif

50/25 cm 50, 2/27 cm 50, 4/29 cm 50, 6/31 cm 50, 8/33 cm


51/35 cm 51, 2/37 cm 51, 4/39 cm 51,6/41 cm 51 , 8/43 cm
52/45 cm 52, 2/47 cm 52, 4/49 cm 52, 6/51 cm 52, 8/53 cm
53/55 cm 53, 2/57 cm 53, 4/59 cm 53, 6/61 cm 53, 8/63 cm
54/65 cm 54, 2/67 cm 54, 4/69 cm 54, 6/71 cm 54, 8/73 cm
55/75 cm 55, 2/77 cm 55, 4/79 cm 55, 6/81 cm 55, 8/83 cm
56/58 cm 56, 2/87 cm 56, 4/89 cm 56, 6/91 cm 56, 8/93 cm
57/95 cm 57, 2/97 cm 57, 4/99 cm 57, 6/101 cm 57, 8/103 cm

58/105 cm 58, 2/107 cm 58, 4/109 cm 58,6/111 cm 58, 8/113 cm


59/1 15 cm 59, 2/117 cm 59, 4/1 19 cm 59, 6/121 cm 59, 8/123 cm

d'1 m. Cette échelle est graduée en centimètres à l'aide de bandes alternativement


blanches et bleuâtres et adossée à une planche en bois pour assurer sa stabilité à +25 cm.
Le plan d'eau est quasiment permanent à partir de cette référence dont la base constitue
en réalité le niveau zéro. Par conséquent, les valeurs de l'échelle de marée (haute de 1 m)
seront comptées au-dessus de cette référence dont les relations de correspondance sont
établies dans le tableau 1 .
Des fiches d'observations ont été par ailleurs confectionnées et, afin de familiariser les
agents des Parcs à l'exercice des relevés - qui se font dejour- les lectures ont porté pendant
les premiers mois seulement sur les pleines et les basses mers, ensuite elles ont été
systématisées à partir de janvier 1986 de quart d'heure en quart d'heure. Ce dispositif a
permis ainsi d'obtenir dans des conditions de précision suffisante, le tracé de la "courbe
des marées" à Djifère.

3. INTERPRETATION DES DONNEES


Le marnage très modéré et le caractère semi-diurne de la marée restent les phénomènes
prépondérants de l'hydrologie des côtes sénégalaises. L'amplitude est en effet insigni
fiante au regard de celle de la baie de Fundy au Canada, (18,50 m), de Puerto Gallegos
en Argentine ( 1 6,80 m) ou encore du littoral de la France où elle atteint 1 5 m dans la baie
du Mont St-Michel.
Les hydrographes ont établi un coefficient servant à caractériser l'oscillation verticale
semi-diurne de la marée, en France. Ce coefficient, plus communément exprimé en
centièmes, est le quotient du demi-marnage de l'onde semi-diurne, par l'unité de la
hauteur de Brest, égale à 3,21 .

81
Ressources Côtières et Littorales du Sénégal

Le diviseur a été choisi de telle sorte que le coefficient de la marée semi-diurne ait un
coefficient 1,00 lorsque le Soleil et la Lune sont dans le plan de l'Equateur (équinoxe)
et à leurs distances moyennes de la Terre (F. VERGER, 1968). Les valeurs attribuées au
minimum et au maximum du coefficient de marée varient de 20 pour la morte eau minimale à
120 pour la vive eau maximale théorique.
Le Lieutenant de vaisseau J. TROMEUR (1930-1931) et A. MINOT (1933) ont, au cours de
leurs travaux sur le Saloum, repris cette notion de coefficient largement usitée sur le littoral de
la France. Mais les valeurs fournies doivent être accueillies avec quelques réserves - comme le
souligne du reste l'Ingénieur A. MINOT - puisqu'établies à partir de l'Annuaire des marées des
côtes françaises pour le port de Brest. En effet, la variation du coefficient est proportionnelle au
mamage de la marée semi-diurne à Brest où les ondes ne présentent pas, toutefois, les mêmes
traits que sur les stations côtières du Sénégal. En d'autres termes, si les marées caractéristiques
sont dans leur ensemble correctement définies, il n'en est pas de même pour l'exactitude de la
valeur des coefficients correspondants.
Par ailleurs, les plus forts mamages observcs dans le Saloum (ruines de la douane à Sangomar)
sont mentionnés dans les travaux du même Lieutenant J. TROMEUR (1930) avec 1,80 m et
ceux de la mission LE FUR (1950) avec 1 ,60 m. Le Service Hydrographique de la Marine dans
différentes Instructions Nautiques (1944, 1959, 1970, 1981) fournit à peu de choses près les
mêmes chiffres (1,70 m).
Nous avons à la station de Djifère obtenu des valeurs diverses de l'état de la mer, fonction du
type de marée et de la période de l'année. La moyenne annuelle des PM s'établit à 120,14 cm
et celle des BM à 57,40 cm soit une amplitude de 62,73 cm4.
En moyenne, les vives eaux les plus fortes s'établissent en octobre, novembre, avril et mai. Dans
le détail, elles débutent avec la troisième marée qui a suivi la syzygie à un ou deux jours après
l'équinoxe de septembre et unjour après celui de mars, seulement à la quatorzième marée après
la dernière syzygie.
Les marées de mortes eaux les plus fortes sont observées enjuin et grosso modo dejanvier
à mars. Dans le détail, elles s'établissent pour le solstice de décembre à deux jours près
(24 décembre) et à la cinquième marée après la quadrature.
En considérant toujours le schéma moyen (figure 1 et tableau 2) on note les variations
suivantes:
- une marée dans la croissance des pleines mers de juin à novembre est presqu'
effective, parallèlement à la décroissance de l'importance des valeurs de basses mers
(juin à octobre). Cette constatation se traduit par des marnages relativement faibles;
- une absence de progression des valeurs dans un sens ou l'autre, de décembre à mai,
mais avec des pleines mers sensiblement égales aux premières et des basses mers
nettement plus importantes, ce qui entraîne de fortes amplitudes;
- ces différences d'amplitude pourraient être mises en relation avec les variations de
la pression dont les schémas d'évolution restent fortement corrélables. En effet,

4 L'amplitude moyenne mesurée pour 60 marées par le projet Intecsa, entre le 1 2-02-79 et le
25-03-79 est de 0,57m. L'amplitude moyenne des 5 plus grandes marées toujours au cours de
la même période est égale à 1 ,03.

82
Le Régime des Marées à Djifère

Tableau 2 Hauteurs et amplitudes moyennes de la marée à Djifère

PM: 120,41 cm BM: 57,40 cm Amplitude: 62,73 cm

Mois Haut, (cm) Mois Haut, (cm) Mois Haut, (cm)

06/85 101,00 06/85 26,40 06/85 74,60

07/85 190,92 07/85 50,50 07/85 59,42

08/85 111,64 08/85 63,00 08/85 48,64

09/85 118,20 09/85 76,86 09/85 41,34

10/85 120,09 10/85 77,66 10/85 43,43

11/85 120,46 11/85 72,53 11/85 47,93

12/85 113,25 12/85 54,87 12/85 58,38

01/86 110,80 01/86 43,57 01/86 67,23

02/86 115,65 02/86 45,04 02/86 70,61

03/86 114,63 03/86 43,73 03/86 70,90

04/86 122,87 04/86 60,60 04/86 60,07

05/86 123,42 05/86 55,60 05/86 67,42

parallèlement à la croissance et à la décroissance des valeurs baromètriques corre


spondent un accroissement et un décroissement du marnage à Djifère.
Par ailleurs, mise à part la forme variable des courbes de marée de Sangomar, on constate
l'existence de certains cas d'inflexions caractérisées par des PM et BM (figure 2) donnant
ainsi une PM et BM principales et une PM et BM secondaires. Ce phénomène de "marée
à 2 eaux" représente une faible proportion de la marée à Sangomar (environ 4%). Il est ici
observé durant la période de Nouvelle Lune et le dédoublement de la courbe pour la PM
se produit lors du revif et pour la BM lors du déchet. Cette dernière remarque confirme
s'il en était besoin, les observations de ROLLET de l'ISLE (1945) dans les Pertuis.
Enfin, l'une des originalités des caractères hydrologiques du milieu s'affirme dans les
différents moments de la marée. D'après nos observations, les étales ont une durée
moyenne de lh 12 mn pour les PM et de lh 01 mn pour les BM. Selon le Service

83
Ressources Côtières et Littorales du Sénégal

Hydrographique de la Marine (in Instructions Nautiques, 1 944) les retards de la marée


dans le fleuve Saloum, par rapport à la barre, sont d'environ 1 h à la hauteur de l'épi de
Diakhanor. Sur la base des prévisions adoptées dans l'Annuaire des marées des années
1985-19865 et du calcul d'une cinquantaine de mesures effectives à Djifère, nous
constatons qu'en moyenne un parfait équilibre de 1 h 19 mn s'établit au niveau du retard
des PM et des BM par rapport toujours à la barre de Sangomar.
Les différents mouvements horizontaux ont été d'abord évoqués par la mission Le BAIL
(1909-1910), repris par divers auteurs par la suite. J.Y. TROMEUR (1930-1931),
A. MINOT (1933-1937) entre autres. Seul PELNARD-CONSIDERE (1959) parle de la
prédominance du jusant sur le flot, mais dans le chenal d'embouchure . Le schéma
classique dans les estuaires attribue en durée, la prédominance du flot sur le jusant.
La durée du flot peut dépasser 6 heures et varier d'une saison à une autre ou d'un jour à
l'autre de plus d'une heure. En effet, en septembre 1935 les observations marégraphiques
signalées dans le rapport d'A. MINOT, entre le secteur de Sangomar et Diakhanor
donnaient les durées suivantes:
- pour 4 jusants: 6 h; 7 h; 6 h; 6 h;
- et pour 4 flots: 7 h; 5h ; 5 h 30; 5 h 30.
Pour le rapport de l'EPEEC (1982), et pour des mesures effectuées en avril et novembre
on note:
- pour 3 jusants: 5 h; 5 h 45; 5 h 30;
- pour 2 flots: 7 h et 6 h 15.
Les observations que nous avons effectuées (16 flots et 18 jusants) donnent en moyenne
une prédominance du flot sur le jusant suivant les termes de 6 h 21 et de 6 h 08. Cette
dissymétrie constitue une particularité hydrologique du Saloum expliquée par d'intenses
actions évaporatoires, une rétention hydrique de la mangrove... (M. SALL, 1982). En
tout cas, la durée d'acheminement de la marée d'une heure, entre la pointe de Sangomar
et Djifère se trouve être décalée par rapport à Kaolack (à 120 km en amont) de 8 à 9 h et
d'environ 8 h 30 à la station de Fatick, ce qui pose le problème des ondes de marée dont
le retard disproportionné ne peut être expliqué par les seuls faits de la pente, de l'absence
de débit ou de la rétention par la mangrove. A cet égard, il faudrait également envisager

5 Les différences horaires de l'état de la mer entre Dakar et la barre de Sangomar selon
l'Annuaire des marées sont marquées par un retard de 45 minutes en PM et de 33 minutes
en BM.
Pour le projet Intecsa (1979) qui avait implanté un marégraphe à l'usine de la SOPESINE
c'est-à-dire à 1 000 m environ de notre échelle de marée, la moyenne des différences horaires
entre Dakar et Djifère (usine) sont pour février et mars respectivement 52 minutes et
1 h 10 mn en PM et 1 h 12 mn et 1 h 20 mn en BM.
Par contre, d'après les travaux de la Mission de l'Adantique Sud-Saloum (avril-mai 1 964,
sous la direction technique de l'Ingénieur Bourgoin), la marée à l'embouchure du Saloum a
un retard moyen de 1 0 mn seulement sur celle de Dakar. Cet état est confirmé par de
récentes mesures du Service de Sécurité maritime sénégalais (novembre 1 983), qui avec une
échelle de marée implantée à 1 3*48'33"N et 16'46'49"W, trouve également un retard de
1 5 mn entre la PM à Dakar et celle de l'embouchure du Saloum.
6 On peut en effet se demander si les volumes entrés au flot l'emportent sur ceux écoulés au
jusant en chaque point de l'estuaire?

84
Le Régime des Marées à Djifère

Figure 1 Evolution moyenne mensuelle des pleines mers et des basses mers à
Djifère, et de la pression atmosphérique à Dakar (trait épais)

Figure 2 Exemples de courbes à deux pleines mers et à deux basses mers à Djifère

85
Ressources Côtières et Littorales du Sénégal

la dissymétrie et la spécialisation des bolons et/ou la rencontre de courants comparable


au Wantij dont parle J. VAN VEEN (1950) et décrit par F. VERGER (1968) dans les
baies frisonnes. Dans cette dernière hypothèse, les lieux de rencontre pourraient bien
coïncider avec des îlots et des bancs sableux. En tout cas, elle devrait s'appuyer sur des
études plus nombreuses fondées sur de grandes séries d'observations et permettre ainsi
de rompre avec le caractère fragmentaire des données exploitées concernant les côtes
sénégalaises.

CONCLUSION
Le système estuarien du Saloum apparaît d'une grande complexité et l'étude de la marée
par ses caractères hydrologiques particuliers nécessite incontestablement une densifica-
tion des points d'observation. En outre si les caractéristiques des différents moments de
la marée (durée des étales de niveau, durée des mouvements horizontaux) - il est vrai
dans des termes moyens - restent quelque peu atténuées à l'embouchure, elles ne
devraient pas cacher l'imprécision de nos connaissances sur nombre de phénomènes
typiquement géographiques notamment le rythme de vie des ostréicultrices des îles, la
progression des herbacées halophiles ou encore la submersion et l'évolution des tannes.

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86
VARIABILITE DES PRECIPITATIONS SUR LE
BASSIN VERSANT DU SALOUM

Honoré DACOSTA
Département de Géographie, Faculté des Lettres et Sciences Humaines,
Université Cheikh Anta Diop, Dakar, Sénégal

Résumé

Après un bref aperçu des caractéristiques climatiques, l'auteur procède à une homogé
néisation des données pluviométriques. Il analyse la variabilité des précipitations
moyennes sur le bassin du Saloum en caractérisant statistiquement les années à forte
pluviosité et étudie la répartition mensuelle des pluies pour les années concernées. Enfin,
une étude fréquentielle des précipitations journalières et de la concentration des pluies
pendant ces années particulières a été faite.

VARIABILITY OF RAINFALL OVER THE SALOUM RIVER BASIN

Abstract

After a brief summary of climatic features, the author proceeds to a homogeneisation of


pluviometric data. He analyses the variability of average rainfalls on the Saloum basin
by statistically characterizing high-pluviosity years and studies the monthly rainfall
distribution for the years under review. Finally, a frequential study of daily rainfall and
of the concentration of rains during these particular years has been carried out.

INTRODUCTION
L'estuaire du Saloum a connu des changements souvent brutaux durant ces dernières
décennies, changements dont la manifestation la plus tangible est la forte érosion qui a
plusieurs fois détruit ou endommagé la flèche de Sangomar et les villages environnants.
Divers modèles ont été proposés pour expliquer les modifications constatées dans ce
milieu. Cette étude a pour but de montrer l'évolution des précipitations sur le bassin
versant du Saloum durant les soixante-dix dernières années et la particularité, du point
de vue pluviométrique, des années où se sont produites ces modifications majeures au
niveau de l'estuaire du Saloum.

1. PARAMETRES PHYSIQUES ET CLIMATIQUES DU BASSIN


DU SALOUM
Le bassin du Saloum (figure 1), compris entre 13°37' et 15°04' de latitude Nord et
13°54'30" et 16°55' de longitude Ouest, fait partie intégrante du bassin sédimentaire
sénégalo-mauritanien (P. MICHEL, 1973). Il couvre une surface de 29 720 km2 dont

87
Ressources Côtières et Littorales du Sénégal

2 800, soit 9%, sont en permanence en eau c'est-à-dire soumis à une submersion
permanente du fait de la marée. Ce bassin se caractérise par son allongement dans le sens
Est-Ouest, s'élargissant de plus en plus en direction de l'Océan Atlantique. Les pentes
sont très faibles de façon générale, car à l'exception du plateau de Thiès qui borde le
bassin dans sa partie Nord-Ouest où les altitudes peuvent atteindre 100 m, sur le reste du
bassin n'apparaît que la courbe de niveau 50 m dans les environs de Darou Mousty,
Thiel-Vélingara Ferlo et au Nord de Koungheul-Koumpentoum, à l'Est du bassin. Cette
faiblesse des pentes explique la remontée très prononcée de la mer jusqu'au-delà de
Kahone, sur le Saloum. Les caractéristiques morphométriques du bassin sont indiquées
ci-dessous:
Surface: 29 720 km2
Périmètre stylisé: 878 km
Coefficient de compacité: 1,43
Rectangle équivalent L: 355,5 km
Rectangle équivalent 1: 83,6 km
Du point de vue climatique, le bassin se situe dans le domaine tropical pur avec des
précipitations variant entre 1 000 et 600 mm. P. MORAL (1965), M. LEROUX (1980)
et P. SAGNA (1988) ont fait des études très détaillées sur les différents facteurs
climatiques de la zone. On retiendra la partition de l'année en deux saisons, sèche et
humide, allant respectivement de novembre à mai et de juin à octobre, avec l'alternance
de l'influence des anticyclones des Açores et la cellule saisonnière maghrébine d'une
part, et d'autre part celui de Sainte-Hélène. Les conditions thermiques sont très pénibles
en saison sèche avec des températures maximales absolues toujours supérieures à 40°C
à Kaolack, principale station climatologique du bassin. Le tableau 1 fournit les valeurs
moyennes de différents paramètres climatiques à la station de Kaolack. Nous reviendrons
sur les précipitations plus en avant.

Tableau 1 Paramètres climatiques de la station de Kaolack

PERIODE JAN FEV MAR AVR MAI JUN JUL AOU SEP OCT NOV DEC

T* C. moy. 51-85 25 27 29 31 30 29 29 28 28 29 28 25
Insol. (heures) 55-83 268 269 306 307 308 268 249 229 227 244 262 247
Evap. mm 51-82 263 266 312 284 239 160 107 72 67 103 171 224
Hum. rel. moy. % 51-83 37.5 38.5 39.5 42.5 50 62.5 72 78.5 78.5 65.5 55 41
Tens. de vap. Mb 51-80 10.1 10.7 11.9 14 18.5 24.7 27.9 29.4 29.6 27.2 18.1 11.8
Pression Mb 51-80 12.2 11.3 10.5 10.1 10.9 12.4 12.7 12.2 12.2 11.8 11.5 12.3
Vit, moy. vents 51-80 3 3.1 3.4 3.4 3.4 3.4 2.9 2.3 2 1.8 1.8 2.5
Direction NNE NNE N NNW NNW W W W WSW W NE NNE

88
Variabilité des Précipitations sur le Saloum
Ressources Côtières et Littorales du Sénégal

2. LA PLUVIOMETRIE

Le réseau pluviométrique
Les stations pluviométriques sur le bassin du Saloum sont d'inégale importance compte
tenu de leur durée d'observation et de la qualité de l'information fournie. Les premières
observations remontent à 1 9 1 8 à Fatick, Foundiougne et Kaolack, 1 9 1 9 à Diourbel; 1 92 1
à Bambey. Pour des raisons évidentes, cette analyse des précipitations se fera sur la base
des stations longue durée nous permettant de remonter le plus loin dans le temps. Les
stations sont choisies en fonction de leur position sur le bassin; quand deux stations sont
très proches l'une de l'autre nous avons retenu la plus ancienne, à qualité égale sur la
période commune. Le tableau 2 regroupe les caractéristiques des stations retenues, au
total une vingtaine.
Ce tableau montre l'hétérogénéité des données disponibles, d'où la nécessité de leur
homogénéisation. Celle-ci a été faite à l'aide du vecteur régional (Y. BRUNET-MORET,
1978). Compte tenu de la décroissance des précipitations du Sud au Nord, les stations
ont été réparties en deux groupes, séparés par la latitude Fatick, rattachée au groupe
dénommé Saloum nord. Il a été possible d'homogénéiser les données de l'ensemble des
stations sur la période 1920-1989. Les indices pluviométriques des deux vecteurs
permettent de retracer la variabilité des pluies sur cette période. En effet, pour chaque
année, le vecteur détermine un indice pluviométrique défmi sur la base de la pluie

Tableau 2 Liste des stations retenues pour l'étude

STATION LATITUDE LONGITUDE ALTITUDE DEBUT


(m) D'OBSERVATION
BAMBEY METEO 14° 42'N 16° 28' W 20 1921
DAROU MOUSTY 15° 02'N 16° 02' W 49 1946
DIONEWAR 13° 54'N 16° 44' W 2 1962
DIOURBEL 14° 39'N 16° 44' W 7 1919
FATICK 14° 20'N 16° 24' W 6 1918
FOUNDIOUGNE 14° 07'N 16° 28' W 6 1918
GASSANE 14° 50'N 15° 18' W 33 1956
KAFFRINE 14° 06'N 15° 33' W 11 1922
KAOLACK 14° 08'N 16° 04' W 6 1918
KOUNGHEUL 13° 58'N 14° 50' W 11 1931
KOUMPENTOUM 13° 59'N 14° 33' W 18 1939
MBOUR 14° 25'N 16° 58' W 10 1931
NDOFFANE 13°44'N 15° 56" W 21 1963
NIORO DU RIP 13°44'N 15° 47' W 18 1932
SADIO 14° 48'N 15° 33' W 22 1949
SOKONE 13° 53'N 16° 23' W 7 1963
THIEL 14° 54'N 15° 04' W 45 1956
THIES 14° 48'N 16° 57 W 71 1918
TOUBACOUTA 13° 47'N 16° 29' W 2 1957
VELINGARA FERLO 15°00'N 14° 41' W 25 1944

90
Ressources Côtières et Littorales du Sénégal

moyenne à l'échelle de l'espace considéré. La valeur 1 définit la moyenne; tout indice


supérieur à 1 signifie que la pluviométrie de l'année en question est excédentaire; dans
le cas contraire, l'année est globalement déficitaire. On trouvera en annexe la pluviomé
trie annuelle homogénéisée sur cette période ainsi que la moyenne interannuelle calculée
sur la même durée.
La normale 1951-1980 donne une pluviométrie moyenne, variant du Sud au Nord, de
880 à 480 mm, avec un gradient océanique bien marqué. La figure 2 indique la disposition
des isohyètes interannuelles 1951-1980 qui montrent une répartition très zonale des
précipitations sur le bassin.

3. VARIABILITE DES PRECIPITATIONS

3.1. Pluviométrie annuelle


Diverses approches permettent d'étudier la variabilité de la pluviométrie sur une aire
donnée. Nous privilégions celle de la pluie moyenne, calculée selon la méthode de
THIESSEN, sur l'ensemble du bassin. Elle a l'avantage d'être uniforme, intégrant toutes
les disparités de la répartition spatiale.
Cette pluie moyenne a été calculée sur les soixante-dix ans, mais l'analyse portera sur la
différence normalisée qui permet d'apprécier en terme de déficit ou d'excédent, exprimé
en pourcentage, les écarts par rapport à la moyenne. On obtient la figure 3, qui met en
évidence les grandes césures dans la chronique des précipitations en Afrique tropicale,
pour la période connue. Les années 1931, 1941 et 1968 ont inauguré l'actuel déficit
pluviométrique qui se prolonge encore.
Par contre 1927,1936 et 1950 se singularisent par leur fort excédent pluviométrique qui
est respectivement de 45.7%, 52.2% et 60%. L'année 1935 a enregistré un excédent de
38.8%. et 1950 s'inscrit dans une série d'année à pluviométrie excédentaire allant
jusqu'en 1958.
Pour mieux mettre en évidence la particularité des années 1927, 1936, 1950 et 1987 on
a procédé à une analyse statistique sur la pluie moyenne annuelle permettant d'exprimer
en terme de fréquence ou de récurrence les valeurs observées. On obtient les résultats
suivants qui montrent le caractère exceptionnel de la pluviométrie de 1950, 1936, 1927
et 1987.
1950: 1/50 ans en récurrence humide
1 936: 1/62 ans en récurrence humide
1927: 1/25 ans en récurrence humide
1987: 1/4 ans en récurrence sèche.
1987 peut être considérée comme une année banale puisque sa fréquence ne revêt aucun
caractère exceptionnel, même si elle est déficitaire.
La figure 4 présente la distribution statistique de la série des pluies moyennes. On a
indiqué la position de ces années particulières.

3.2. Répartition des pluies mensuelles


Cette répartition a été étudiée uniquement pour les années 1927, 1936, 1950 et 1987 en
comparaison avec la moyenne interannuelle calculée sur toute la période d'observation

92
Variabilité des Précipitations sur le Saloum

1
M■
m•
M' mM
m
M■

U■

1■ A il n, n n fin . nJ 1
Vu * U
F'fl 1 1
1
«1 -
IF
*4 - 1
n
4* ■
1 if» ■MO m imo itt» m

Figure 3 Variabilité de la pluviométrie annuelle (excédent et déficit par rapport à la


moyenne) sur le bassin du Saloum

93
Ressources Côtières et Littorales du Sénégal

Tableau 3 Pluie moyenne annuelle sur le bassin du Saloum

Année P. Année P. Année P. Année P. Année P. Année P. Année P.


moy. moy. moy. moy. moy. moy. moy.

1920 634 1930 657 1940 669 1950 1068 1960 705 1970 446 1980 420
1921 549 1931 587 1941 482 1951 900 1961 627 1971 619 1981 566
1922 624 1932 668 1942 608 1952 851 1962 657 1972 444 1982 454
1923 633 1933 865 1943 901 1953 769 1963 618 1973 413 1983 337
1924 857 1934 676 1944 686 1954 818 1964 718 1974 587 1984 473
1925 658 1935 926 1945 620 1955 867 1965 689 1975 667 1985 532
1926 561 1936 1016 1946 693 1956 680 1966 773 1976 534 1986 473
1927 972 1937 631 1947 637 1957 797 1967 861 1977 391 1987 556
1928 758 1938 724 1948 718 1958 905 1968 411 1978 647 1988 633
1929 813 1939 627 1949 701 1959 624 1969 824 1979 585 1989 613

Tableau 4 Répartition mensuelle des pluies en 1927, 1936, 1950 et 1987 à Kaolack,
Fatick et Foundiougne

FATICK KAOLACK FOUNDIOUGNE


1927 1936 1950 1987 Moy. 1927 1936 1950 1987 Moy. 1927 1936 1950 1987 Moy.
Jan 0 0 1 0 0 0 0 1 0 0
Fév 0 0 1 0 0 0 0 1 0 1
Mar 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0
Avr 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0
Mal 12 0 2 36 8 4 0 5 14 3
Jun 86 230 48 13 44 99 201 57 16 55 102 128 67 43
Jul 124 160 202 138 144 189 217 132 133 151 68 136 143 101 151
Août 493 316 534 179 267 578 485 424 161 274 667 723 505 212 332
Sep 201 316 359 206 198 221 283 340 140 192 230 330 309 205 217
Oct 127 81 74 39 57 110 74 111 101 57 82 103 157 89 60
Nov 19 7 10 2 5 8 17 0 14 2 7 7 0 2
Déc 0 0 0 0 2 0 0 0 0 2 0 0 0 0 2

94
Variabilité des Précipitations sur le Saloum

Figure 5a Station de Fatick: Comparaison profils pluviométriques mensuels des


années 1927, 1936, 1950 et 1987
Ressources Côtières et Littorales du Sénégal

800 -rr
700 - □ 1927
600 -| ■ 1936
m ■ 1950
r
m 400 H m 1917
JOO m Moy
200
100
0
IAM FEV MARS OCT NOV DEC

Figure 5c Station de Foundiougne: Comparaison des profils pluviométriques


mensuels de 1927, 1936, 1950 et 1987

pour les stations de Kaolack, Foundiougne et Fatick. Le tableau 4 montre l'importance


particulière des hauteurs de pluies enregistrées au mois d'août et septembre.
A Fatick, la pluviométrie d'août 1927 présentait un excédent de 84,6%; août 1936,
18,4%; août 1950, 100%.
A Kaolack, on a respectivement pour ces trois années 1 1 1%, 77% et 55%.
A Foundiougne, on a également pour ces trois années 101%, 1 18% et 52%.
Par contre 1987 est partout déficitaire comme l'avait d'ailleurs montré l'analyse
statistique des pluies moyennes annuelles.

3.3. Analyse des pluies journalières


Il nous a semblé opportun d'analyser les pluies journalières car leur importance et leur
répartition dans le temps et dans l'espace peuvent aider à comprendre les situations
météorologiques ayant prévalu à ce moment-là. Il importe cependant de définir un
référentiel permettant d'apprécier la fréquence et le caractère exceptionnel de telle ou
telle précipitation journalière.
Pour cela, on a ajusté aux pluies journalières la loi de PEARSON III Tronquée dont la
fonction de répartition s'écrit:

flW = Fi(0)* 1/ryf (x/sV * e * dx/s

96
Variabilité des Précipitations sur le Saloum


Fi (x) est la probabilité pour que la valeur de la variable soit supérieure ou égale à x;
F\ (0) est la probabilité pour que la valeur de la variable ne soit pas nulle, c'est
le paramètre de tronquage;
y est le paramètre de forme, positif, sans dimension;
s est le paramètre d'échelle, positif, s'exprimant dans la même unité que x,
ici comme la précipitation;
r est la fonction Gamma incomplète (Eulerienne de seconde espèce).
L'ensemble des précipitations journalières est pris en compte, ce qui signifie que l'étude
traite n valeur xi; xi = N* M, N étant le nombre d'années d'observations et M le nombre
moyen de jours de pluie.
F] (0) est en théorie égal à M365.25, rapport du nombre moyen de jours de pluie par an
au nombre de jours de l'année, mais on préfère calculer Fx (0) avec W, nombre moyen
théorique de jours de pluie dans l'année, obtenu par la méthode des moments (ce qui
exclut l'imprécision du nombre de jours de pluie inférieure à 0. 1 mm non comptabilisés).
Les résultats sont consignés dans le tableau 5 pour quelques stations du bassin. On
constate une diminution des hauteurs d'averses du littoral vers l'intérieur du pays.
La figure 6 donne une représentation graphique de cette distribution statistique pour les
stations de Fatick, Foundiougne et Kaolack. Les deux ou trois plus fortes averses
survenues sur les trois stations y sont indiquées.Les temps de retour indiqués permettent
d'apprécier le caractère exceptionnel de certaines de ces averses, notamment à Foun
diougne et Fatick en 1 936 et 1 950. La pluie du 1 3 août 1 936 à Foundiougne a une période
de retour de 500 ans et celle du 21 août 1936 a la même station, de 70 ans.
Mais la concentration des pluies en Août 1 927, 1 936 et 1 950 semble plus intéressante à analyser:
Cette concentration de pluies dans une zone à forte hydromorphie peut être à l'origine
d'un important ruissellement de surface avec comme corollaire une érosion de grande
envergure comme cela a été constaté sur les bassins versants de Thyssé Kaymor ces
dernières années (H. DACOSTA, 1992).

Fatick Foundiougne Kaolack Joal


(mm) (mm) (mm) (mm)
Août 1927 deuxième décade 200,7 327,5 357,7 -
Août 1936 du 10 au 22 285,4 599 328,3 -
Août 1950 du 17 au 31 440,4 423,2 284,6 471,3

CONCLUSION
Il est singulier de noter la correspondance, à peu de choses près, des années à forte
pluviométrie avec celles des fortes érosions qui ont entraîné des modifications au
niveau de l'estuaire du Saloum. En effet, YVETOT (1936) constata l'ouverture du
Lagoba en 1927, même si d'autres auteurs (LE FUR, 1953; TROMEUR, 1939;
MINOT, 1934) la situent en 1928.
En 1936, YVETOT (1936) a signalé également une importante érosion au niveau de
l'estuaire du Saloum, érosion qui a entraîné la destruction du village de Diacolodja.

97
Ressources Côtières et Littorales du Sénégal

Tableau 5 Hauteurs fréquentielles des averses sur quelques stations du bassin du


Saloum

Fréquence 0,5 0,2 0,1 0,04 0,02 0,01


Récurrence 2 ans 5 ans 10 ans 25 ans 50 ans 100 ans
Bambey 81,7 103,2 119,9 142,2 159,3 176,5
Diourbel 77,3 96,0 110,3 129,4 143,9 158,5
Fatick 87,8 108,9 125,1 146,6 163,1 179,6
Foundiougne 98,8 124,6 144,5 171,5 192,2 213,2
Kaffrine 70,3 85,5 97,0 112,2 123,7 135,2
Kaolack 84,9 105,2 120,8 141,7 157,6 173,5
Koumpentoum 79,3 97,1 110,6 128,5 142,1 155,7
Mbour 98,0 126,1 148,1 177,1 200,5 223,5
Nioro 83,5 101,9 116,0 134,7 149,0 163,3
Thiès 87,7 112,5 131,8 157,8 177,9 198,2

Figure 6 Distribution statistique des averses journalières (Pearson III Tronquée)

98
Variabilité des Précipitations sur le Saloum

1 950 fut une année de forte pluviométrie dans une série de dix ans. Le Lamane du village
de Dionewar signale une simple rupture du cordon en 1952 et 1954.
Il serait hasardeux de prétendre que la pluie soit seule responsable de telles modifications car
ce serait ignorer les lois de la dynamique fluviale qui entrent en ligne de compte. En effet, le
réseau hydrographique du Saloum se caractérise par la faiblesse de sa pente longitudinale
incapable d'accélérer la vitesse de l'écoulement. Il s'y ajoute l'étendue de la zone de
mangrove jouant le rôle d'un bassin de réception amortissant la puissance d'une telle crue.
Un troisième facteur à prendre en considération est la résistance opposée par l'onde de marée.
La rupture de la Pointe de Sangomar en février 1987, en l'absence de toute précipitation
annuelle significative, montre que la dynamique responsable d'un tel phénomène doit
être marine. Mais cela n'exclut peut-être pas la conjonction des deux en saison des pluies
grâce à une situation météorologique dont les effets s'exercent simultanément sur le
continent par des précipitations et sur la côte par des "raz de marée" auxquels ont été
attribuées les modifications de 1927 et 1936.
Il serait intéressant de confronter les données marégraphiques disponibles avec les
chroniques des précipitations afin d'évaluer avec précision l'influence de ces dernières
sur la forme des marégrammes.

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LEROUX, M. (1983). Le climat de l'Afrique tropicale. 2 vol., éd. Champion, Paris, 650 p.
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MINOT, A. (1934). Rapport Minot. Dakar, Serv. des Trav. Publ., 60 p.
MORAL, P. (1965-1966). Le climat du Sénégal. Rev. de Géogr. del'Afr. Occident.
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YVETOT, I. (1949). Trois notes relatives aux côtes de l'A.O.F.

99
Ressources Côtières et Littorales du Sénégal

Annexe 1 Fichier pluviométrique opérationnel (Sud Saloum)

Foundiougne Koumpentoum
Koungéeul ioubacouta
Ndof ane Dionewar
Vecteur Kaolack Kaf rine Sokone
Année Nioro

1920 0.950 785 684 713 782 724 715 811 760 741 821
1921 0.840 694 605 630 691 640 632 717 672 655 726
1922 0.940 777 677 705 774 716 707 802 752 733 812
1923 0.980 810 706 735 807 746 737 836 784 764 847
1924 1.240 1024 893 930 1021 945 933 1058 992 967 1072
1925 0.990 818 713 743 815 754 745 845 792 772 856
1926 0.860 711 619 645 708 655 647 734 688 671 743
1927 1.400 1157 1008 1050 1152 1066 1053 1195 1120 1092 1210
1928 1.120 925 807 840 922 853 843 956 896 874 968
1929 1.220 1008 879 915 1004 929 918 1041 976 952. 1054
1930 0.990 818 713 743 815 754 745 845 792 772 856
1931 0.954 826 775 716 648 727 718 814 763 744 824
1932 0.975 866 583 836 707 741 734 832 780 761 843
1933 1.336 1069 995 920 1196 949 1005 1140 1069 1042 1155
1934 1.010 717 710 765 795 872 760 862 808 788 873
1935 1.267 1044 957 816 1047 998 953 1081 1014 988 1095
1936 1.520 1071 1276 1133 1195 1120 1144 1297 1216 1186 1314
1937 0.977 915 585 659 776 827 735 834 782 762 844
1938 1.046 886 832 821 696 755 787 893 837 816 904
1939 0.965 808 691 752 810 636 726 824 772 753 834
1940 1.054 994 655 809 737 816 824 899 843 822 911
1941 0.745 601 525 571 645 508 567 636 596 581 644
1942 1.005 887 675 746 798 835 673 858 804 784 869
1943 1.317 1041 1090 844 1041 1068 951 1124 1054 1027 1138
1944 0.919 725 698 555 900 746 605 784 735 717 794
1945 1.096 1006 721 649 876 854 942 935 877 855 947
1946 1.158 1079 721 809 861 859 992 988 926 903 1001
1947 1.012 875 716 649 876 854 942 864 810 789 875
1948 1.066 805 755 729 984 969 654 910 853 831 921
1949 1.119 914 903 710 923 876 629 955 895 873 967
1950 1.514 1315 1086 1055 1258 1194 1046 1292 1211 1181 1308
1951 1.329 1098 1067 857 1123 878 1076 1134 1063 1037 1149
1952 1.330 1099 924 892 1143 919 1130 1135 1064 1037 1149
1953 1.186 1034 759 773 973 1053 864 1012 949 925 1025

100
Variabilité des Précipitations sur le Saloum

Koungéeul Foundiougi Koumpentc ioubacout.


Ndof ane Dionewar
Vecteur Kaolack Kaf rine Sokone
Année Nioro

1954 1.216 1064 899 979 827 926 862 1038 973 948 1051
1955 1.218 1099 780 898 1015 948 857 1039 974 950 1053
1956 0.938 657 702 759 724 773 665 800 750 732 811
1957 1.168 901 932 835 975 825 824 997 934 911 1009
1958 1.398 1081 1050 1030 1199 1012 1052 1193 1118 1090 1208
1959 0.964 680 636 699 911 706 725 823 771 752 833
1960 1.050 868 756 788 864 800 790 896 840 819 907
1961 0.909 725 775 712 742 571 631 776 727 709 786
1962 0.868 508 605 551 816 795 698 859 694 677 631
1963 0.904 777 671 575 778 688 598 857 779 709 792
1964 1.075 880 777 732 736 867 761 1164 879 744 1070
1965 1.020 763 672 697 872 700 880 1110 875 760 837
1966 1.239 913 946 823 1075 1011 920 1051 945 1012 1167
1967 1.334 1051 845 920 1024 1131 907 1223 1161 1120 1273
1968 0.638 493 540 412 518 463 545 608 485 497 515
1969 1.088 1000 733 798 830 692 981 966 830 895 942
1970 0.730 596 477 530 458 568 568 722 664 475 649
1971 1.053 739 666 687 648 946 600 800 854 922 906
1972 0.655 494 480 519 626 514 548 554 400 530 528
1973 0.692 602 440 469 525 546 537 701 617 469 630
1974 0.816 629 548 669 708 635 623 768 584 592 750
1975 1.052 1028 703 770 974 768 746 1005 886 671 854
1976 0.794 760 472 622 695 596 597 711 635 625 619
1977 0.594 491 503 458 399 427 507 475 475 463 513
1978 0.938 703 639 650 772 599 853 917 854 667 835
1979 0.909 765 648 750 837 577 649 772 727 723 786
1980 0.662 523 418 507 553 472 498 565 483 620 572
1981 0.864 786 591 713 721 658 650 701 627 674 747
1982 0.634 541 513 457 431 483 496 461 422 564 548
1983 0.527 418 305 375 501 401 397 523 418 421 455
1984 0.714 552 586 511 511 544 464 574 662 645 617
1085 0.793 532 651 555 725 604 651 650 593 651 685
1986 0.839 801 636 629 714 639 631 707 585 654 725
1987 0.587 852 551 527 806 653 662 696 691 668 741
1988 0.960 793 691 720 790 731 722 819 768 749 830
1989 0.930 768 670 698 765 708 700 794 744 725 804
Moyenne 830 722 725 822 769 756 875 805 786 872

101
Ressources Côtières et Littorales du Sénégal

Annexe 2 Fichier piuviométrique opérationnel (Nord Saloum)

Daroumous F
Velingara
Vecteur Diourbel Bambey Gassane
Année Mbour iles Fatick Sadio ilél

1920 0.93 631 482 759 606 549 447 502 513 524 472
1921 0.79 532 415 608 554 441 376 423 432 442 398
1922 0.91 618 481 683 565 607 437 482 502 513 463
1923 0.97 656 594 760 573 560 464 522 533 544 491
1924 1.31 888 724 962 859 809 628 707 722 737 665
1925 0.98 664 648 770 560 540 470 528 539 551 497
1926 0.81 551 512 658 453 471 390 439 448 458 412
1927 1.51 1022 949 1041 956 908 723 813 830 848 765
1928 1.14 774 719 752 685 755 548 616 629 643 579
1929 1.28 864 877 951 480 715 611 688 702 718" 647
1930 0.97 586 660 741 538 589 466 524 535 546 493
1931 0.79 585 477 565 480 468 381 428 437 447 403
1932 1.04 751 735 752 603 545 500 563 575 587 529
1933 1.25 775 917 885 776 716 600 675 690 705 635
1934 1.01 753 575 856 563 542 483 543 555 567 511
1935 1.52 869 960 981 1117 956 728 818 836 854 770
1936 1.5 1681 685 1115 803 880 718 808 825 843 760
1937 0.97 757 442 616 602 579 463 521 532 543 490
1938 1.11 757 643 687 745 751 534 600 613 626 565
1939 0.91 678 615 557 536 565 438 493 504 514 464
1940 0.95 561 595 766 638 532 457 514 525 536 483
1941 0.69 485 435 444 371 493 331 373 381 386 351
1942 0.83 555 568 600 506 456 397 447 456 466 420
1943 1.42 1145 856 1055 785 789 682 768 784 801 722
1944 1.15 764 601 765 853 726 551 620 633 647 583
1945 0.79 574 550 630 409 410 379 426 435 445 401
1946 0.92 524 615 740 600 501 440 495 506 517 466
1947 0.86 495 633 670 447 543 413 464 474 485 437
1948 1.12 822 677 589 662 606 605 618 631 ooy 569
1949 1.03 555 584 710 632 567 533 622 570 582 525
1950 1.74 1317 1039 1220 1158 983 814 890 957 978 881
1951 1.39 908 977 1015 903 768 683 672 765 782 705
1952 1.21 760 887 848 756 722 508 665 664 679 612
1953 1.15 882 594 859 740 745 504 587 632 646 582

102
Variabilité des Précipitations sur le Saloum

Daroumousty
Velingara
F.
Vecteur Diourbel Bambey Gas ane
Année Mbour Fatick Sadio
iles ilél

1954 1.23 722 855 799 730 780 605 716 678 693 624
1955 1.4 824 894 988 940 781 653 802 769 785 747
1956 1.07 661 596 842 724 645 397 615 592 569 563
1957 1.22 649 775 1051 814 676 548 699 622 661 560
1958 1.29 960 771 828 730 760 578 701 851 725
1959 0.91 615 426 630 572 535 430 489 500 510 500
1960 1.06 684 767 644 683 823 536 570 582 594 536
1961 0.97 775 564 668 583 571 464 522 516 545 491
1962 1.12 812 739 777 616 747 544 603 540 629 567
1963 0.98 573 586 740 559 538 556 526 591 542 495
1964 1.1 774 804 851 723 703 437 593 560 518 558
1965 1.03 698 627 642 605 602 514 557 651 616 524
1966 1.06 659 502 823 707 581 510 544 602 651 540
1967 1.27 741 799 977 811 823 811 621 699 598 644
1968 0.6 575 236 335 359 363 340 323 330 296 304
1969 1.38 980 826 950 875 666 619 828 749 925 701
1970 0.68 431 444 490 458 483 332 247 212 280 400
1971 0.89 476 523 803 663 605 458 399 473 439 350
1972 0.63 251 228 298 419 394 319 438 426 378 2398
1973 0.56 334 266 394 334 322 283 317 294 323 319
1974 0.94 538 655 523 599 519 515 552 514 551 415
1975 0.99 755 578 668 505 534 529 446 582 619 567
1976 0.8 461 474 673 497 426 360 416 444 524 415
1977 0.54 237 289 373 352 308 232 304 272 358 439
1978 1.04 744 605 523 664 630 466 585 521 447 596
1979 0.81 487 626 532 527 513 423 473 415 416 353
1980 0.6 371 409 315 324 331 333 323 330 395 395
1981 0.82 467 537 514 505 447 423 504 451 430 430
1982 0.74 442 460 578 452 372 390 428 408 417 376
1983 0.5 344 241 273 317 264 267 ■279 275 281 254
1984 0.73 414 316 536 460 286 430 421 404 413 372
1985 0.76 479 405 634 390 404 415 490 421 430 388
1986 0.65 374 368 425 279 408 329 358 365 329
1987 0.88 697 417 575 365 467 546 503 486 496 447
1988 0.93 667 509 671 580 550 447 503 513 525 473
1989 0.89 555 611 644 556 527 429 482 493 503 454
Moyenne 671 607 705 612 585 489 543 550 561 512

103
TRANSITION EAU-CONTINENT: RECHERCHES
SUR LES UNITES PHYSIOGRAPHIQUES
TOPOSEQUENTIELLES DE L'ILE DE
FOUNDIOUGNE

Amadou Tahirou DIAW


Laboratoire de Géographie, IFAN, Université Cheikh Anta Diop, Dakar, Sénégal

Ndèye Fatou DIOP et Paul NDIAYE


Laboratoire de Biogéographie, Faculté des Lettres et Sciences Humaines,
Université Cheikh Anta Diop, Dakar, Sénégal

Résumé

Les auteurs opèrent une visualisation des contacts entre milieux adjacents, de nature
opposée, dans une localisation de type toposéquentiel. Les observations réalisées dans
l'île de Foundiougne permettent d'approcher le problème de la transition entre milieu
liquide et milieu continental qui, dans ce secteur, apparaît avec des limites très nettes
entre les différentes unités considérées.
L'analyse s'appuie en particulier sur les états de surface, les caractéristiques géo-
pédologiques, les valeurs de paramètres sédimentologiques et la pente relative.

MARINE-LAND TRANSITION: RESEARCH ON THE


TOPOSEQUENTIAL PHYSIOGRAPHIC UNITS OF
THE ISLAND OF FOUNDIOUGNE

Abstract

The authors carry out a visualization of the interactions between adjacent, but topose-
quential, environments of opposite type. Observations made on the Island of Foun
diougne allow an approach to the issue of transmission between marine and land
environment, which, in this sector, where the different units considered are distinct.
The analysis is based notably on surface conditions, geo-pedological features, the values
of sedimentological parameters and the relative slope.

1. PRESENTATION GENERALE
La zone étudiée est située sur le cours moyen du fleuve Saloum, entre 14°03'03" -
14°10'02" de latitude Nord et 16°22'00" - 16°32'46" de longitude Ouest (figure la-b).
Sa superficie est d'environ 6 000 ha. Sur le plan climatique, elle appartient au domaine
soudanien qui se caractérise par deux saisons tranchées:

105
Ressources Côtières et Littorales du Sénégal

Figure 1a-b Localisation du site étudié

Figure 1c Unités physiographiques du site étudié

106
Transition Eau-continent: l 'Ile de Foundiougne

- Une saison sèche de novembre àjuin, dépourvue de pluies, intégrant une sous-saison
fraîche de novembre à mars et une sous-saison chaude de mars à juin.
- Il existe une saison humide ou hivernage, de juillet à octobre, durant laquelle
surviennent les pluies. En outre, les mois d'août et de septembre concentrent à eux
seuls l'essentiel des précipitations.
Pour ce qui concerne l'hydrologie du Saloum, elle est déterminante sur le climat et
inversement. Elle influe sur le climat pendant la saison sèche car elle contribue à
l'atténuation du temps, plus agréable sur le littoral. Le climat, à son tour, joue un rôle
significatif sur l'hydrologie car les seuls apports d'eau douce que reçoit le fleuve lui sont
assurés par les précipitations qui tombent pendant l'hivernage.
Au plan géomorphologique, l'estuaire du Saloum se caractérise par une certaine plati
tude. Les unités géomorphologiques observées successivement à partir du cours d'eau
sont: les vasières, les tannes, les pelouses halophiles et les cordons sableux ou coquilliers
qui constituent les unités les plus élevées au plan altitudinal (figure lc). Au plan
topographique, l'altitude augmente de la vasière vers l'intérieur des terres et il importe
de souligner que les différences de dénivellation entre ces unités sont souvent difficile
ment décelables; la transition n'est souvent perceptible qu'à travers le couvert végétal
dans le cas où il existe.
Quant à la pédologie, les sols du Sine-Saloum, sont en étroite relation avec la géomor
phologie et déterminent l'organisation des formations végétales.
La végétation, enfin, a fait l'objet de beaucoup de travaux généraux; elle n'a par contre
donné lieu qu'à très peu d'études détaillées. On distingue en gros trois types de
groupements végétaux au Sine-Saloum avec la disposition suivante, de la vasière vers
les zones exondées:
- La mangrove composée de Rhizophora ou d'Avicennia et de Conocarpus suivant le
niveau de submersion.
- Les pelouses halophiles constituées surtout par des herbacées du genre Sesuvium,
Philoxerus ou Paspalum, etc.
- Les cordons sableux occupés par des espèces ligneuses et sous-ligneuses comme
Acacia, Combretum, Tamarindus, etc., et par quelques herbacées annuelles. Les
cordons coquilliers, eux, sont le plus souvent colonisés par Adansonia digitata
associée à Maytenus senegalensis.
La présente étude a été effectuée à partir de transects levés lors d'une mission de terrain,
d'analyses sédimentologiques en laboratoire et de relevés d'espèces végétales.
L'analyse sédimentologique a essentiellement concerné la granulométrie, le pH, l'humi
dité et la salinité.

2. CLASSIFICATION DES DIFFERENTS TYPES DE CONTACTS


Cette classification est passée par une analyse tant au plan topographique, floristique que
sédimentologique, en se basant sur les transects réalisés sur la zone et qui sont situés soit
aux abords du cours d'eau ou de ses affluents, soit plus loin, à l'intérieur des terres
(figure 2).
Trois types de contacts peuvent être dégagés: les contacts pelouse-cordon, les contacts
tanne-pelouse et les contacts tanne-cordon.

107
Ressources Côtières et Littorales du Sénégal

2.1. Les contacts pelouse-cordon


Ils sont caractérisés par une topographie peu marquée avec de faibles valeurs de pente,
de l'ordre de 2,84%. Les limites se développent sur des distances comprises entre 40 et
585 m. Le passage de l'une à l'autre des deux unités s'effectue de manière progressive.
Au plan floristique, elles sont essentiellement composées d'espèces ligneuses et sous-
ligneuses dont les plus fréquentes sont Combretum glutinosum, Acacia seyal et Balanites
aegyptiaca. On y rencontre également une dizaine d'autres espèces ligneuses et sous
ligneuses. Dans cette catégorie de contacts, les herbacées sont également présentes.
Au point de vue sédimentologique, le diagramme textural présente la plus grande
homogénéité et la texture est essentiellement sableuse avec des valeurs partout supé
rieures à 7 1% et un taux de fraction fine toujours plus important, variant entre 50 et 82%.
Les pH sont acides à moyennement acides, les taux de salinité sont les plus faibles de
toutes les séries de contact de même que les taux d'humidité.

2.2. Les contacts tanne-pelouse


Ils sont caractérisés eux aussi par une topographie peu marquée avec de faibles valeurs
de pente, de l'ordre de 2,17%. Les limites se développent sur de courtes distances de
l'ordre moyen de 47 m. Ici également, le contact s'effectue de manière progressive.
Au plan floristique, la composition végétale est essentiellement constituée d'herbacées
avec, comme espèce la plus fréquente, Eragrostis tremula.
Au plan sédimentologique, la texture granulométrique qui se caractérise par une certaine
homogénéité est sableuse à sablo-limoneuse avec des pourcentages de sables compris
entre 48 et 94% et des pourcentages de limons variant entre 6 et 38%.
Les valeurs de pH sont moyennement acides à alcalines. La salinité est, dans l'ensemble,
moyenne et enfin l'humidité faible, demeure supérieure à celle des limites pelouse-
cordon.

2.3. Les contacts tanne-cordon


La transition se fait de manière brutale avec des valeurs de pente généralement assez
importante (en moyenne 7,3%). Ces contacts se développent sur de courtes distances.
La flore est ici composée, soit par des herbacées, soit par des herbacées et des sous
ligneux, soit encore par des herbacées associées à des ligneux.
Ces contacts sont marqués, dans l'ensemble par une texture granulométrique homogène
essentiellement constituée de sables (entre 76 et 92%) avec une fraction fine plus
importante variant entre 62 et 67%.
Les pH y sont alcalins à moyennement acides. La salinité qui est la plus élevée de toutes
les séries de contact varie entre 6 et 19%o et les taux d'humidité sont aussi les plus
importants.

108
Transition Eau-continent: l'Ile de Foundiougne

109
Ressources Côtières et Littorales du Sénégal

3. CONCLUSION
Dans l'ensemble, au fur et à mesure qu'on s'éloigne du cours d'eau en direction des zones
exondées, on note que la texture sédimentologique devient plus homogène et sableuse,
le pH s'acidifie, les taux de salinité et d'humidité diminuent.
On remarque également que la flore s'enrichit, sans doute avec l'adoucissement des
conditions sédimentologiques (et l'augmentation des altitudes).
Pour ce qui concerne plus particulièrement les limites étudiées, il existe une étroite
dépendance entre les paramètres sédimentologiques: pH, salinité et humidité; cela
prédispose à certaines conclusions:
- Les valeurs des trois paramètres sont les plus faibles au niveau des contacts
pelouse-cordon, avec des moyennes respectives de 5 pour le pH, 2,6%o pour la
salinité et 0,9% pour l'humidité.
- Les pentes peu sensibles et les sols, dont la texture granulométrique est à dominante
sableuse, sont les plus riches au plan floristique.
- Les valeurs des contacts tanne-pelouse sont intermédiaires avec des moyennes de
6,7 pour le pH, 6,3%o pour la salinité et 1,7% pour l'humidité. Leurs pentes sont
encore plus faibles que les précédentes et la végétation, assez pauvre, est dominée
par des herbacées à cause des taux de salinité non négligeables.
- Enfin, les valeurs des contacts tanne-cordon sont les plus élevées de toutes avec en
moyenne 7,3 pour le pH, 1 l%o pour la salinité et 3,8% pour l'humidité; ceci est dû
au fait que les influences du tanne se font encore sentir. Leur composition floristique,
plus ou moins riche, est dominée soit par des herbacées, soit par des ligneux et sous
ligneux; au point de vue floristique, on note donc soit une prédominance des
influences du tanne, soit une prédominance des influences du cordon.
De cette étude, il ressort trois principaux constats:
- Le premier est une caractéristique physiographique qui tient à la relative linéarité de
l'organisation des paysages des secteurs étudiés.
- Le deuxième constat réside dans le fait que les contacts sont toujours très nets;
- La troisième observation importante est que le schéma classique eau-vasière-tanne-
pelouse-cordon peut être perturbé: il arrive qu'on passe du tanne au cordon ou de la
vasière à la pelouse. Dans de tels cas, la séquence est dite incomplète.

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de la Côte d'Ivoire. Thèse Doctorat ès-Sciences, Univ. Louis-Pasteur de
Strasbourg.
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DIAW, A.T., LAKE, L-A. et THOMAS, Y-F. (1989). Contribution à l'étude
morphométrique des tannes de l'estuaire du Saloum. Notes de biogéographie,
n° 4, Dakar, pp. 207-232, 7 fig., 3 tabl., 3 ann.

110
Transition Eau-continent: l 'lle de Foundiougne

DIOP, E.S. (1978). L'estuaire du Saloum et ses bordures (Sénégal). Etude


géomorphologique. Th. de Doct. de 3e cycle, Université Louis-Pasteur,
Strasbourg 1, 247 p., 54 fig., 4 pl. cart. au 1/50 000.
MARIUS, C.L. (1985). Mangroves du Sénégal et de la Gambie. Ecologie, Pédologie,
Géochimie. Mise en valeur et Aménagement. ORSTOM, Coll. Trav. & Doc.,
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NDIAYE, P. (1986). Méthodes d'inventaire, analyse et cartographie de la végétation.
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n° 1, Dakar, 57 p.
SALL, M.M. (1983). Sédimentologie des tannes herbus du Gandoul occidental (îles
du Saloum). Rapp. techn. EPEEC, pp. 74-79.

111
EVOLUTION INTERANNUELLE DES
ENVIRONNEMENTS LITTORAUX AU SENEGAL:
EXEMPLE DU LITTORAL DE LA LANGUE DE
BARBARIE

Bachir DIOUF
Département de Géologie, Faculté des Sciences et Techniques, Université
Cheikh Anta Diop, Dakar, Sénégal

Résumé

Ce travail a trait aux changements topobathymétriques de profils réalisés dans des


conditions de positionnement optimales. Ces profils englobent à la fois le cordon littoral,
les domaines intertidaux et infratidaux.
D'une manière générale, les profils se caractérisent par la présence de trois unités
morphologiques distinctes : un avant-plage, une barre d'avant-côte et un glacis.
Les sédiments, généralement grossiers, montrent une distribution hétérogène, fonction
de la profondeur et de la position du profil. L'hétérogénéité du matériel traduit le rôle
important joué par les courants du large dans le transport sédimentaire. Par ailleurs, les
changements morphologiques constatés au niveau de la pente interne de la barre d'avant-côte
traduisent une diminution de l'énergie des vagues.

INTER-ANNUAL EVOLUTION OF THE LITTORAL


ENVIRONMENTS IN SENEGAL: THE EXAMPLE OF
THE LANGUE DE BARBARIE LITTORAL ZONE

Abstract

This work deals with the topobathymetric variations of profiles realized in optimal
positioning conditions. These profiles encompass both the offshore bar and the inter- and
infratidal areas.
Broadly speaking, the profiles are characterized by the presence of three distinct mor-
phological units: a foreshore, a forecoast bar, and a glacis.
The sediments, generally coarse, show a heterogenous distribution linked to the depth
and position of the profile. The heterogeneity of the material illustrates the important
part played by offshore currents in sediment transportation. Furthermore, the mor-
phological variations noticed at the level of the internal slope of the forecoast bar
illustrate a weakening of the energy of waves.

113
Ressources Côtières et Littorales du Sénégal
Evolution du Littoral de la Langue de Barbarie

1. INTRODUCTION
Les littoraux sableux à travers le monde se caractérisent par la fragilité de leur équilibre
dynamique et sont fréquemment affectés par des phénomènes d'érosion.
Différents scénarios sont envisagés pour l'évolution du niveau marin. Les plus pessi
mistes envisagent une montée du niveau marin de 1 à 1,5 m. Concomitamment, on peut
s'attendre à une intensification de l'action de la houle. En réalité, la diminution de
l'énergie des vagues au contact de zones de plus en plus profondes sera faible et on peut
s'attendre à une augmentation de la longueur d'onde et de la hauteur des vagues.
Cette intensification des courants côtiers pourrait induire une accentuation de l'érosion
côtière, notamment dans toutes les zones où les possibilités d'une modification uniforme
du littoral sont limitées ou bien sont devenues impossibles par suite de l'action anthro-
pique (urbanisation, industries, commerce, etc.).
Dans cette perspective, divers modèles essaient d'établir une relation entre le recul de la
ligne de rivage et l'augmentation de la profondeur. Le problème est alors de réunir de
façon régulière des données de terrains fiables sur plusieurs années (longues séries de
mesures) pour assurer un suivi régulier de l'évolution des fonds et de la plage aérienne.
Un programme de suivi a été initié depuis 1989 sur le littoral sénégalais, terrain tout
indiqué pour des études de cette nature, d' autant que 1 ' aménagement sur le fleuve Sénégal
d'un barrage anti-sel laissait présumer une retenue des apports dans le bief aval du fleuve,
notamment la fraction la plus grossière susceptible de contribuer à l'alimentation des
rivages situés en aval transit vers le Sud. Ce programme de suivi s'appuie sur quatre
Observatoires de Dynamique des Côtes (ODC) implantés (figure 1 ):
- à Gandiole dans l'embouchure du fleuve Sénégal;
- à Mboro sur le littoral entre Malika et Gandiole;
- à Rufisque sur la côte Sud de la Presqu'île du Cap-Vert;
- à Djifère sur l'estuaire du Saloum.
Le but du travail est de parvenir à définir des modèles à partir des variations interan
nuelles. La forme du profil de plage est considérée comme l'expression la plus significative
de l'état de la côte susceptible de permettre une prédiction des tendances (engraissement,
équilibre, érosion).
On se propose donc d'illustrer le comportement d'un segment de la côte sénégalaise entre
1 989 et 1991 à travers l'exemple de la zone d'embouchure du fleuve Sénégal (figure 2).

2. METHODOLOGIE D'ETUDE
L'évolution morphologique de la plage aérienne et du profil sous-marin est suivie au
cours des deux principales saisons climatiques, en fin de saison sèche (juin) et en fin de
saison des pluies (octobre). En effet, il est nécessaire d'avoir la meilleure continuité
possible entre les deux parties émergée et submergée. Par conséquent, il faut travailler
lorsque la "barre" (ensemble des brisants et de leurs déferlements respectifs), suractivée
par le régime des alizés, est atténuée aux changements saisonniers. Ce suivi est réalisé
grâce à l'établissement de profils topobathymétriques effectués à partir de bornes-
repères, perpendiculairement à la plage. Ils sont donc définis par leur angle par rapport
à ce trait morphologique, angle qui sera le même durant toute la période de surveillance
afin de permettre une comparaison rigoureuse des profils dans le temps.

115
Ressources Côtières et Littorales du Sénégal
Figure 3 Profil type de l'avant plage

117
Ressources Côtières et Littorales du Sénégal

Les enregistrements topographiques sont effectués à l'aide d'un géodimètre à rayon laser
qui, outre qu'il permet de définir un azimut, donne par lecture la distance et le dénivelé
d'un point quelconque du profil par rapport à la borne-repère. La bathymétrie est
enregistrée par un sondeur FUSO-200 installé dans une pirogue de location.
L'enregistrement débute à partir des fonds de 10 mètres. Un opérateur matérialise
toutes les 15 secondes sur le papier de sondeur des "tops" correspondant aux
distances lues sur le géodimètre. Le dépouillement des profils permet d'établir une
courbe distance/profondeur qui illustre la morphologie des fonds qu'on relie
ensuite aux données des profils en domaine émergé pour avoir des profils topoba-
thymétriques.
Les analyses sédimentologiques sont effectuées sur la base d'un échantillonnage
détaillé en fonction de la morphologie des profils (fonds de 10 m, creux et crêtes
de barres d'avant-côte, zone de collision et zone de swash, arrière-plage...). Les
échantillons lavés et séchés sont ensuite granulométriquement caractérisés à l'aide
d'une colonne de tamis de norme AFNOR. Les indices granulométriques calculés
à partir des courbes cumulatives sont confrontés pour mettre en évidence les
variations de la taille des grains dans les stocks sédimentaires au cours de la période
considérée.

3. ANALYSE MORPHOLOGIQUE
Les processus hydrodynamiques et hydrosédimentaires de la zone de déferlement
s'inscrivent entre deux types extrêmes: les systèmes réflectifs à pente forte et les
plages dissipatives à pente douce. Diverses formes de barres et de fosses, des
topographies rythmiques et des cellules de circulation caractérisent des états
intermédiaires.
Le littoral sénégalais s'inscrit dans le contexte des côtes dissipatives. Dans un tel
contexte, on enregistre habituellement de façon régulière des structures rythmiques
(croissants de plage, barres festonnées, etc.).
Les profils du littoral de la Langue de Barbarie présentent une partie aérienne
généralement constituée par la succession de cordons dunaires interrompus par des
creux interdunaires. La morphologie de la zone de battement des marées est
toujours accidentée par une berme actuelle située à une dizaine de mètres de la
limite du jet de rive.
Le profil de l'avant-côte est un profil à épaulement, rarement à barre d'avant-côte,
qui marque un changement de la pente des fonds vers -4 m (figure 3). Les barres
d'avant-côte sont apparues sur les derniers profils de 1991, ce qui laisse supposer
une évolution du littoral de cette partie de la côte sénégalaise vers un système
dissipatif typique.
Les pentes sont généralement plus fortes après la saison des pluies en rapport
généralement avec une érosion des différentes parties du profil.
La prémodélisation implique de prendre en considération la configuration du profil
de part et d'autre de l'épaulement. Deux fonctions satisfont à cette disposition du
profil:

118
Evolution du Littoral de la Langue de Barbarie

- pour les zones peu profondes:


Y = a, **■
avec 0,10 <a, <0,15

- pour les zones profondes:


Y = 0,20 x*.
avec 0,50 <b2 <0,60
Y étant la profondeur et x la distance à la côte.
Dans ces relations, la valeur de l'exposant s'accroît vers le sud, atteignant 0,70 à 0,80.
Cette évolution indique, semble-t-il, une érosion plus forte au nord qu'au sud et en
profondeur que dans la proche avant-côte.
La disposition morphologique n'indique donc aucune déstabilisation due à la réduction
des apports à l'embouchure: les régions les plus proches présentent, en effet, un meilleur
bilan sédimentaire que des régions situées plus au nord et donc plus éloignées. Cela se
traduit par une progression de la pointe de la Langue de Barbarie vers le sud, avec
formation d'un crochet semblable à celui noté sur la flèche de Sangomar. Dans le même
temps, la partie médiane de la langue se fragilise. Ces observations sont, du reste,
aisément faites sur les images satellitaires qui montrent, par ailleurs, un colmatage de la
langue de Moumbaye.

Figure 4 Courbes différentielles de fréquences des sédiments de la station de


Gandiol

119
Ressources Côtières et Littorales du Sénégal

Les changements morphosédimentaires se manifestent par des alternances d'érosions et


de dépôts dérivant généralement vers le Sud sous l'action des houles de NW et n'obser
vant pas de rythme saisonnier. Il est à noter que les observations faites au tout début de
cette étude (saison 1988-89) étaient de loin plus alarmantes que tout ce qui fut noté par
la suite.

4. OBSERVATIONS SEDIMENTOLOGIQUES
Le sédiment est généralement à grain moyen, bien trié. L'asymétrie du sédiment est
généralement positive vers le Sud et négative vers le Nord, ce qui indique des processus
érosifs plus intenses au Nord qu'au Sud comme le suggérait du reste l'essai de modéli
sation fait à partir de l'analyse morphologique.
Les échanges sédimentaires entre les différents niveaux du profil affectent surtout les
parties hautes mais s'observent cependant jusqu'à 10 m de profondeur. Il y a générale
ment alternance des perturbations granulométriques mais sans claire rythmicité saison
nière: les profils d'une période à l'autre s'enrichissent ou s'appauvrissent en fractions
grossières ou en fractions fines (figure 4).

5. CONCLUSIONS
Le régime d'évolution morphologique du littoral de la Langue de Barbarie s'inscrit dans
le contexte des plages dissipatives à pente douce. Mais, contrairement à ce qui est observé
dans ce type de système, les profils transversaux de la plage sont rarement des profils à
barre (s) d'avant-côte mais apparaissent plutôt concaves. Cependant, il semble que
l'évolution de cette partie de la côte sénégalaise se fait dans le sens d'une configuration
littorale à barres d'avant-côte.
La rétention des apports dans le bief aval du fleuve n'a apparemment pas d'incidence sur
le bilan sédimentaire des zones situées en aval transit vers le Sud.
Il existe une variabilité interannuelle plus forte que celle provoquée par l'alternance
saisonnière. Au début de l'étude, la zone littorale a manifesté un état de dégradation plus
alarmant que tout ce qui fut observé par la suite. Il est donc nécessaire d'organiser
rapidement l'acquisition de connaissances sur les rythmes pluriannuels des fluctuations
météorologiques et océanographiques.

REFERENCES BIBLIOGRAPHIQUES
BARUSSEAU, J.P., DESCAMPS, C., DIOUF, B., KANE, A., MONTEILLET, J. et
KUETE, M. (1991). Proceedings of SEPM: IGCP 274. Research
Conference Quaternary Coastal Evolution, Tallahassee (Florida), 21-27.
COMARAF (1990). Hydrodynamique et Erosion Côtière. Rapp. teck, n° 3.
L'APRÈS-BARRAGE DANS LA VALLÉE DU SÉNÉGAL. (1992). Modifications
hydrodynamiques et sédimentologiques: Conséquences sur le milieu et
les aménagements hydroagricoles. Rapp. de synth., Strasbourg.

120
EVOLUTION DE L'EMBOUCHURE DU SALOUM
DE 1958 A 1992

Mariline BA, El Hadj Salif DIOP, Bachir DIOUF, Arona SOUMARE


Université Cheikh Anta Diop, Dakar, Sénégal

Henri CHEVILLOTTE, Jean-Luc SAOS


ORSTOM, Dakar-Hann

Jean-Paul BARUSSEAU, Cyr DESCAMPS


Université de Perpignan, France

Résumé

A partir des données de la carte marine dressée en 1958, de l'imagerie satellitaire


LANDSAT 1 976, des simulations SPOT 1 98 1 , de l' imagerie SPOT 1 99 1 , et des mesures
sur le terrain en 1991 et 1992, l'évolution de l'embouchure du Saloum a pu être retracée.
L'érosion du littoral au nord de la brèche qui s'est ouverte en février 1987, est suivie par
des mesures régulières à l'aide d'un topo-géodimètre laser. Des profils bathymétriques
effectués avec un échosondeur permettent de suivre la morphologie des fonds dans la
brèche et le chenal principal du Saloum.
Depuis 1958, la pointe de Sangomar a progressé continuellement vers le Sud. Son
extension de 500 m entre 1958 et 1981, a atteint 3 000 m en 1991.
Après l'ouverture de la brèche dans le cordon littoral en 1 987, la progression de la pointe
vers le sud s'est poursuivie, alors que cette brèche s'élargit rapidement vers le Nord par
une érosion rapide de la langue sableuse. L'ouverture atteint maintenant plus de
3 000 mètres.

EVOLUTION OF THE MOUTH OF THE SALOUM FROM


1958-1992

ABSTRACT
The evolution of the mouth of the Saloum can be redrawn from the data of the marine
map established in 1958, the 1976 LANDSAT satellite imagery, the 1981 SPOT
simulations, and field measurements carried out in 1991 and 1992.
The erosion of the littoral zone at the north of the beach which opened in February
1 987 is monitored by regular measurements using topo-geodimetre laser. Bathyme
tric profiles carried out with an echo-sound recorder make it possible to trace the
morphology of the beach and the main channel of the Saloum.
Since 1958, the tip of Sangomar has been continuously advancing southward. Its
extension to 1 500 m between 1958 and 1981 reached 3 000 m in 1991.

121
Ressources Côtières et Littorales du Sénégal
Evolution de l Embouchure du Saloum de 1958 à 1992

Figure 2 Calque d'interprétation de l'image SPOT d'Octobre 1991 : Iles du Saloum

123
Ressources Côtières et Littorales du Sénégal

DONNEES SATELLITAIRES

DECOUPAGE DES
IMAGETTES

COMPOSITION ANALYSE EN
MANIPULATIONS DES
COLOREE COMPOSANTES
NIVEAUX DE GRIS
PRINCIPALES

DELIMITATION DES
ZONES

CREATION D'UN CANAL


ZONES

STATISTIQUES SUR LES ZONES


I
CLASSIFICATION

SAISIE MANUELLE DES MOYENNES


DANS LES TROIS CANAUX

VISUALISATION DES
STATISTIQUES

REALISATION DE LA MATRICE DE
CONFUSION

VERITE TERRAIN

ANALYSE DES
RESULTATS

Figure 3 Principales étapes de traitement de l'imagerie à partir du logiciel "CHIPS"

124
Evolution de l 'Embouchure du Saloum de 1958 à 1992

Following the opening of the beach in the offshore bar in 1987, the tip continuee! its
southward advance, while the beach is rapidely widening northward by way ofa rapid
erosion of the sandy tip. The opening has now reached more than 3 000 metres.

INTRODUCTION
Ce travail a été réalisé dans le cadre des activités de recherches menées par l'Equipe
Pluridisciplinaire d'Etudes des Ecosystèmes Côtiers (EPEEC) sur l'ensemble du
littoral du Sénégal. Une action spécifique de recherches menée sur la Pointe de
Sangomar et la partie aval du Saloum (figures 1 et 2) est conduite depuis 1987, date
de la rupture de la Pointe de Sangomar, par des chercheurs de l'Université Cheikh
Anta Diop de Dakar (départements de Géographie et de Géologie), de l'ORSTOM et
de l'Université de Perpignan.

1. MOYENS ET METHODES

1.1. Les données cartographiques


Il s'agit:
- de la carte topographique I.G.N. au 1/200 000,
- des esquisses cartographiques au 1/50 000 dressées par E.S. DIOP d'après des
séries de photographies aériennes de 1954 et de 1969 et par simulations SPOT
réalisées en 1981,
- la carte marine (n° 6147, SHOM) datant de 1958 et qui donne une esquisse
bathymétrique du Bas-Saloum.

1.2. Les données satellitaires


Il s'agit:
- de l'image multispectrale LANDSAT du 15 février 1976;
- des simulations SPOT réalisées dans la même région en octobre 1 98 1 ;
- de deux images multispectrales du satellite SPOT datées des mois d'avril et d'octo
bre 1991.

2. LOGICIELS ET MATERIELS
Les logiciels et matériels utilisés par la réalisation de cette étude sont les suivants:
- le logiciel "Planète" de l'ORSTOM sur station de travail couleur SUN. Ce logiciel
adapté à un environnement en multifenêtrage est couplé à une imprimante couleur
canon.
- le logiciel de traitement d'images "CHIPS" du département de géographie couplé
à une imprimante couleur XEROX. La méthodologie utilisée pour la mise en
évidence des modifications intervenues sur les images SPOT de 1991 est simple et
peut se résumer sous la forme d'un organigramme (figure 3).

125
Ressources Côtières et Littorales du Sénégal

Pour les mesures in situ le matériel suivant a été utilisé:


- un échosondeur d'une précision de l'ordre de la dizaine de centimètres a permis de mettre
en évidence différents profils bathymétriques, en particulier les chenaux dont les
profondeurs étaient comprises entre 6 et 12 m et celles de plus de 12 m (figures 4 et 5);
- un courantomètre instantané Braystoke et un courantomètre digital Kalsciso. Sur ce
plan, les mesures réalisées au niveau du chenal principal et dans la "brèche de
Lagoba" devraient être complétées par d'autres séries de mesures à partir de
courantomètres enregistreurs "type Anderaa", afin de se faire une idée plus précise
sur la dynamique des courants (flot et jusant), tant au niveau du chenal principal
qu'au niveau de la "brèche";
- un topo-géodimètre à laser qui a permis de suivre de manière très régulière le recul
du trait de côte et la vitesse de l'érosion. L'avantage de cet instrument de mesure de
précision grâce à son faisceau laser est de pouvoir assurer un suivi jusqu'au
centimètre près pour les distances et jusqu'au 1/1 0e ou au 1/1 00e de grade près pour
les dénivellations.

3. LES RESULTATS
Depuis 1958, la Pointe de Sangomar a progressé continuellement vers le -Sud. Son
extension qui était de 1 500 m entre 1958 et 198 1 a atteint plus de 3 000 m en 1991 . La
superposition de différentes cartes le montre très clairement de même que l'on peut
remarquer cette situation sur l'imagerie LANDSAT de février 1976.
Depuis l'ouverture de la brèche au niveau de l'ancienne embouchure de la Pointe de
Sangomar en février 1987, la progression de cette dernière en direction du Sud n'a pas
cessé. On en a pour preuve les mesures directement effectuées sur l'imagerie SPOT par
comparaison entre les données des mois d'avril et d'octobre 1991, comparaison qui
montre une extension de 200 m environ en 6 mois. Alors que les mesures réalisées entre
1981 et 1991 donnent une extension de 1 300 m (figure 6).
Cependant, entre 1987, date de la rupture de la Pointe de Sangomar et 1991, la brèche
s'est élargie rapidement vers le Nord avec une érosion de la langue sableuse bien mise
en évidence par les mesures de topo-géodimétrie. L'ouverture actuelle dépasse 3 000 m
et le recul du trait de côte se poursuit toujours vers le Nord (figure 6).

4. LES MECANISMES DE L'EVOLUTION ACTUELLE DE LA


POINTE DE SANGOMAR
Parallèlement à un recul très rapide du trait de côte face à l'océan (au niveau du
campement de l'usine de Djifère, plus de 20 m/an ont été mesurés depuis février 1987),
l'élargissement de la brèche vers le Nord s'est poursuivi (de l'ordre de 600 à 750 m/an).
Comment expliquer les mécanismes de fonctionnement des courants (flot et jusant)
couplés à la marée et à la houle dans ce secteur?
Les deux images du 25/04/91 et du 24/10/91 correspondent à des périodes de marée
descendante avec des hauteurs comprises entre 0,60 m et 1 m.

126
Evolution de l 'Embouchure du Saloum de 1958 à 1992
Ressources Côtières et Littorales du Sénégal

128
Evolution de l 'Embouchure du Saloum de 1958 à 1992

Figure 6a Progression de la pointe de Sangomar (d'après Diaw, 1991 , complétée


par Soumaré, 1992)
Figure 6b Evolution du trait de côte à Djifère (d'après l'image LANDSAT, 1 976, et
SPOT, avril à octobre 1991)

1976 Avril 1991 Octobre 1991


Dessin exécuté par A.P. Ndiaye

129
Ressources Côtières et Littorales du Sénégal

En fait, les chenaux de -12 m de profondeur (qui se creusent de -6 m à -12 m vers le


chenal principal et qui sont accolés sur les deux images à la partie Sud de Djifère) sont
constamment maintenus par les courants de flot qui participent en même temps à
l'accumulation d'une certaine quantité de sable face au campement de Djifère (côté
Saloum) jusqu'à la jetée de l'usine. Ces courants de flot participent dans le même temps
à l'érosion de la section située immédiatement au Nord de la jetée de l'usine de Djifère.
On retrouve ici les mécanismes classiques de l'érosion côtière: accumulation en amont
d'un obstacle dans le sens du courant principal et érosion à l'aval.
Par contre, 3 km plus au Sud, le chenal principal des -12 m, bien localisé sur les images
d'avril et octobre 1 99 1 et d'après des profils bathymétriques, est constamment maintenu
par les courants de jusant (chenal qui plonge de -7 m à -12 m vers l'océan). C'est dans
l'un de ces chenaux, notamment au Sud de Djifère qu'on a enregistré des vitesses de 5
à 6 m/s alors que les maxima de vitesses enregistrées jusqu'à présent dans le Saloum
n'ont jamais dépassé 1,5 m/s.
La circulation au sein de ces chenaux principaux mérite donc d'être suivie de près grâce
à l'installation de courantographes enregistreurs immergés aussi bien au niveau des
chenaux les plus profonds qu'au niveau des épaulements, afin de suivre sur des cycles
complets de marée, la dynamique du flot et du jusant. Ces enregistrements et mesures à
des fins de contrôle s'avèrent d'autant plus indispensables qu'ils contribueront à éviter
tout aménagement hasardeux qui risquerait d'exacerber le phénomène de l'érosion dans
des secteurs non encore concernés.

5. IMPACTS SOCIO-ECONOMIQUES DE L'EVOLUTION DE LA


POINTE DE SANGOMAR
Ces impacts peuvent être perçus à plusieurs niveaux:
- Une accélération de la sédimentation et un enrichissement silto-sableux qui à terme
risquent d'avoir des conséquences négatives sur le développement harmonieux de
la mangrove située à l'Est la flèche de Sangomar.
- Pour le moment, le chenal principal du Saloum, principale voie de navigation en
direction du port de Kaolack est assez bien maintenu; les petites passes d'accès aux
différents villages (Dionewar et Niodior par exemple) connaissent une sédimentation
sableuse plus importante, avec une fréquence inhabituelle des hauts fonds, ce qui
pose le problème de leur navigabilité notamment à marée basse.
- Certaines populations et infrastructures ont déjà été déplacées (village de Palmarin,
Campement touristique de Djifère et le camp des gardes du Parc National du delta
du Saloum entièrement détruit). Si le phénomène de l'érosion se poursuit, on devra
envisager de déplacer le village de Djifère (l'usine n'étant plus fonctionnelle), en
espérant que certains ouvrages hydrauliques importants, tel que le forage de Djifère,
seront épargnés.
Parmi les mesures qui ont été prises, tant au niveau national qu'international, il importe
de souligner:
- Le suivi exercé depuis quelques mois de l'évolution de la Pointe de Sangomar par
la Direction de l'Hydraulique du Sénégal. Encore faudrait-il que les propositions de
projets émises à cet effet puissent trouver les financements requis.

130
Evolution de l 'Embouchure du Saloum de 1958 à 1992

- La proposition récemment faite à Rio de Janeiro, parallèlement à la conférence de


la CNUED et lors de la réunion d'un "groupe de travail UNESCO/PNUE sur
l'impact des changements climatiques et leurs conséquences au niveau des zones de
mangrove", de retenir comme site prioritaire d'observation, entre cinq autres sites
sélectionnés de par le monde, la Pointe de Sangomar et les zones de mangroves
environnantes. Des études relatives à l'impact des variations du niveau moyen de la
mer pourraient y être envisagées si les financements étaient obtenus.

REFERENCES BIBLIOGRAPHIQUES
BARUSSEAU, J.P., DIOP E.S., GIRESSE, P. et al. (1986). Conséquences
sédimentologiques de l'évolution climatique récente dans le delta du Saloum.
Océanographie Tropicale, 21: 89-92.
DIAW, A.T., DIOP, N., THIAM, M.D. et THOMAS, Y-F. (1991). Remote sensing of
spit development: a case study of Sangomar spit, Senegal. Z. Geomorph. N.F.,
Suppl. Bd. 81, Berlin-Stuttgart, pp. 11 5- 124.
DIOP, E. S. (1975). Etude géomorphologique de la Pointe de Sangomar et des Iles du
Gandoul (Sénégal). T.E.R. de Géographie, Dakar, 183 p.
SOUMARE, A. (1992). Evolution géomorphologique récente des paysages du
Bas-Saloum (Sénégal). Mémoire de DEA, Dakar, 35 p.
SY, A (1982). Etude géomorphologique des flèches sableuses du littoral sénégalais.
T.E.R. de Géographie, Dakar, 103 p.

131
CONSEQUENCES DE L'ELEVATION DU NIVEAU
MARIN SUR LES COTES SENEGALAISES

Isabelle NIANG-DIOP
Département de Géologie, Faculté des Sciences et Techniques, Université Cheikh
Anta Diop, Dakar, Sénégal

Résumé

En considérant l'hypothèse d'une élévation du niveau marin suite au réchauffement de


l'atmosphère, une étude a été menée sur les conséquences d'un tel phénomène sur les
côtes sénégalaises.
Cette présentation fait le point sur:
- la répartition des zones côtières susceptibles de disparaître soit par inondation, soit
par érosion côtière;
- les différentes options de protection envisageables et leur coût ;
- la comparaison entre la valeur économique des zones en danger et leurs coûts de
protection.
Finalement, nous montrerons que dans le cas d'une accélération de la montée du niveau
marin, les impacts seront appréciables pour le Sénégal en terme de pertes de terrain, coûts
éventuels de protection ou de déplacement des populations mais également pression sur
les ressources en eau potable. Un Plan d'Aménagement de la zone côtière apparaît
nécessaire si l'on veut minimiser les coûts d'une élévation du niveau marin.

CONSEQUENCES OF SEA LEVEL RISE ON THE


SENEGALESE COAST

Abstract

Considering the hypothesis of a sea level rise resulting from atmospheric warming, a
study has been carried out on the consequences of such a phenomenon on Senegalese
coasts.
The present communication reviews the following aspects:
- the distribution of the coastal areas liable to disappear either because of floods or
through coastal erosion;
- the different protection options that can be considered;
- the comparison between the economic value of the areas threatened and their
protection costs.
Finally, we shall demonstrate that in the case of accelerated sea level rise, the conse
quences for Senegal will be significant in terms of land loss, eventual costs ofpopulation
protection or transfer, but also pressures on drinking water resources. The Development
Plan for the coastal area appears vital if the costs of sea level rise are to be minimized.

133
Ressources Côtières et Littorales du Sénégal

INTRODUCTION
Il est actuellement admis que le réchauffement de l'atmosphère déterminé par l'émission
de gaz à effet de serre tels que le gaz carbonique, les chlorofluorocarbones, etc., devrait
engendrer une élévation globale du niveau marin suite à l'expansion thermique des
océans et à la fonte des calottes polaires. Lors de la Conférence Internationale
UNEP/lCSU/WMO tenue à Villach en 1985, il a été estimé que l'on pouvait s'attendre
à une élévation du niveau marin de 20 à 140 cm avant la fin du XXIe siècle.
Cette étude est le résultat d'une collaboration entre l'Université de Maryland (USA) et
l'Université de Dakar, sur financement de l'Environmental Protection Agency (EPA)
des USA. Elle a été présentée lors de l'atelier international de l'IPCC sur les consé
quences de l'élévation du niveau marin, tenu au Vénézuela du 9 au 13 mars 1992.
Les objectifs visés par cette étude étaient d'estimer les impacts sur la côte sénégalaise
d'une telle élévation du niveau marin. Pour ce faire, on a essayé de déterminer pour
différents scénarii d'élévation du niveau marin (0,5, 1 et 2 m d'élévation pour
l'année 2100):
- les pertes de terrain engendrées;
- les coûts de protection de la zone littorale;
- la valeur économique des terrains susceptibles d'être perdus.
Pour parvenir à ces résultats, une nouvelle méthodologie, la cartographie par vidéo
("videomapping") a été expérimentée afin de résoudre le problème de la faible résolution
des cartes topographiques existantes (équidistance des courbes de niveau rarement
inférieure à 20 m).

1. PRINCIPAUX RESULTATS OBTENUS

Pertes de terrain estimées


Pour chaque hypothèse d'élévation du niveau marin (0,5, 1 et 2 m), les pertes de terrain
dues à l'érosion côtière (tableau 1) et à l'inondation des zones estuariennes ont été
calculées (tableau 2).
Il apparaît donc que les pertes de terrain dues à l'érosion sont négligeables en valeur
absolue par rapport à celles dues à l'inondation des estuaires. Ces zones estuariennes
étant des zones de cultures et d'aménagements (delta du Sénégal), leur inondation
pourrait provoquer des problèmes d'approvisionnement pour certaines denrées alimen
taires. La faible proportion des zones perdues par érosion côtière ne doit pas faire perdre
de vue que la majorité de la population et des infrastructures économiques sont situées
le long de la côte, ce qui signifie des pertes économiques potentielles importantes.

2. COUTS DE PROTECTION DU LITTORAL


Trois possibilités ont été envisagées:

134
Conséquences de l 'Elévation du Niveau Marin

Tableau 1 Pertes de terrain dues à l'érosion côtière

Elévation du Estimations
niveau marin (en km2)
(en m) Basse Forte
0,5 28 44
1 55 86
2 105 157

Tableau 2 Pertes de terrain dues à l'inondation des zones estuariennes; on suppose


ici la perte de toutes les mangroves à partir de 1 m d'élévation du niveau
marin, soit 2 150 km2

Elévation du niveau marin Pertes totales de terrain


(en m) (en km2)
0,5 1 919
1 5 987
2 6 389

Tableau 3 Coût de réajustement des structures de protection déjà existantes


(1 $1990 = 182 F CFA)
Elévation du niveau marin Coût 1990
(en m) (en millions de $)
0,5 1-4
1 3-6
2 10-13

Tableau 4 Idem tableau 3 mais en tenant compte de la protection du port de Dakar

Elévation du niveau marin Coût 1990


(en m) (en millions de $)
0,5 23-26
1 46-49
2 96-99

Tableau 5 Coûts de protection de toutes les zones littorales importantes


(le PNB 1990 du Sénégal = 4.071 millions de $)
Elévation du Estimation basse % PNB Estimation haute % PNB
niveau marin 1990 1990 1990 1990
(en m) (en millions de $) (en millions de $ )
0,5 146 4% 575 14%
1 255 6% 845 24%
2 492 12% 1 401 34%

135
Ressources Côtières et Littorales du Sénégal

Premier cas
Seules les zones actuellement protégées (Saint-Louis, Rufisque, Joal) seraient réaména
gées de manière à tenir compte de l'élévation du niveau marin. Deux hypothèses ont été
étudiées: la première (tableau 3) ne prend pas en compte le port de Dakar alors que la
deuxième envisage une protection du port (tableau 4).
On voit donc que le coût de protection du port de Dakar est nettement supérieur au coût
d'aménagement des autres structures. Mais le port a une grande importance économique.

Deuxième cas
Protection de toutes les zones littorales importantes (villes, plages touristiques, indus
tries, zones à ressources naturelles).
Sont inclus ici le premier cas (réajustement des structures existantes et du port de Dakar),
l'alimentation en sable des plages touristiques et la protection des autres zones littorales
importantes par des murs de protection.
N'ont pas été pris en compte ici les coûts de relogement des pêcheurs des petits villages
et la protection des zones basses dans les estuaires.

Troisième cas
Ici, on suppose que l'on va protéger toutes les zones côtières ayant une population
supérieure à 0 habitants par km2, ce qui veut dire toute la côte.
Comme on peut s'en rendre compte, cette option n'est pas viable économiquement.

3. VALEUR ECONOMIQUE DES TERRAINS SUSCEPTIBLES


D'ETRE PERDUS
Il s'agissait ici d'estimer la valeur des zones susceptibles d'être perdues par érosion ou
inondation en faisant l'inventaire des habitations, installations économiques, hôtels et
structures implantés dans ces zones. Les résultats sont présentés au tableau 7.
D'autre part, nous avons estimé le nombre de personnes qui devraient être déplacées pour
les différents scénarios d'élévation marin (tableau 8).

4. COMPARAISON COUTS DE PROTECTION/VALEUR


ECONOMIQUE DE TERRAINS
On a comparé les coûts de protection déterminés dans le deuxième cas, sans inclure les
coûts de protection du port de Dakar avec la valeur économique des terrains concernés. Les
résultats varient considérablement selon que l'on travaille en basse ou haute estimation.
Les coûts de protection sont ici inférieurs à la valeur économique des terrains. Cependant
ces coûts sont tout de même élevés pour un pays comme le Sénégal qui doit faire face à
d'autres exigences. Pour une hypothèse de 1 m d'élévation du niveau marin ils représen
teraient 6% du PNB de 1990. De plus, la protection du port de Dakar n'est pas prise en
compte ici. Dans le cas de l'estimation haute, on voit que les coûts de protection
deviennent supérieurs à la valeur des terrains, ce qui impliquerait un abandon pur et
simple de la zone côtière.

136
Conséquences de l'Elévation du Niveau Marin

Tableau 6 Coûts de protection de toute la zone littorale

Elévation du Estimation basse % PNB Estimation haute % PNB


niveau marin 1990 1990 1990 1990
(en m) (en millions de $) (en millions de $)
0,5 407 10% 1 422 35%
1 973 24% 2156 53%
2 2 792 69% 4 269 105%

Tableau 7 Valeur économique des terrains susceptibles d'être perdus

Elévation du Estimation basse Estimation haute


niveau marin 1990 1990
(en m) (en millions de $) (en millions de $)
0,5 345 464
1 499 707
2 752 1 101

Tableau 8 Populations à déplacer selon les différents taux d'élévation du niveau


marin (les pourcentages de la population ont été calculés sur la base de la
population estimée pour 1990, c'est-à-dire 7 732 000 habitants)
Elévation du Hypothèse % Hypothèse %
niveau marin basse Population haute Population
(en m)
0,5 68 000 0,9% 103 000 1,3%
1 109 000 1,4% 178 000 2,3%
2 188 000 2,4% 305 000 3,9%

Tableau 9 Comparaison coûts de protection/valeur des terrains dans le cas de


l'estimation basse
Elévation du Coût de protection Val. économique des
niveau marin 1990 terrains 1990
(en m) (en millions de $) (en millions de $)
0,5 146 345
1 255 499
2 492 752

Tableau 10 Comparaison coûts de protection/valeur des terrains dans le cas de


l'estimation haute

Elévation du Coût de protection Val. économique des


niveau marin 1990 terrains 1990
(en m) (en millions de $) (en millions de $)
0,5 575 464
1 845 707
2 1 401 1 101

137
Ressources Côtières et Littorales du Sénégal

CONCLUSIONS
Cette étude indique qu'en cas d'élévation du niveau marin due au réchauffement de
l'atmosphère, le Sénégal serait très affecté en terme de pertes de terrain dues soit à une
recrudescence des phénomènes d'érosion côtière, soit à des inondations des zones basses,
notamment des estuaires. Des problèmes de salinisation des nappes phréatiques avec
leurs conséquences sur l'alimentation en eau et la préservation de zones écologiques
telles que les Niayes s'y ajouteraient.
Les estimations et comparaisons faites relativement aux coûts de protection et à la valeur
économique des zones menacées montrent que, même en cas de protection rationnelle
(cas no 2), les coûts resteraient très élevés pour le budget du pays (entre 4 et 34% du PNB
1990). De plus, il faut rappeler que ces estimations ne tiennent pas compte des dévelop
pements démographiques et économiques postérieurs à 1990. Il semble donc urgent de
mettre sur pied un Plan d'Aménagement de la Zone Côtière qui devrait, entre autres, se
pencher sur la possibilité d'établir des zones de retrait dans lesquelles on n'autoriserait
plus de nouvelles constructions, mais aussi sur de nouvelles options d'aménagement
touristique (éviter les hôtels pieds dans l'eau). Il s'agirait également d'envisager des
solutions pour sauver les infrastructures économiques situées dans des zones menacées.

138
ETUDES ET AMENAGEMENTS

SURVEYS AND DEVELOPMENTS


CIRCULATION ET DYNAMIQUE DES SELS
NUTRITIFS ET DU PHYTOPLANCTON
DEVANT LES COTES SENEGALAISES

Itaf DEME-GNINGUE, Bassirou DIAW


Centre de Recherches Océanographiques de Dakar-Thiaroye, Sénégal

Résumé

L'hydrologie de la façade maritime sénégalaise est caractérisée par une variabilité


spatiale, saisonnière et interannuelle marquée. Elle est régie par deux grandes saisons:
une saison froide et une saison chaude séparées par des saisons de transition.
La circulation suit deux grands courants: le courant nord-équatorial vers l'Ouest et le
contre-courant équatorial vers l'Est.
L'enrichissement est essentiellement régi par l'upwelling. Son intensité est fonction de
celle des alizés.
En saison chaude, les eaux sont stratifiées, la thermocline est profonde et le maximum
de chlorophylle est situé au sommet de celle-ci. Les sels nutritifs sont peu abondants
notamment en surface. Il en est de même pour la biomasse phytoplanctonique plaquée à
la côte.
En saison froide, l'upwelling remonte en surface la thermocline ainsi que les sels nutritifs.
La biomasse phytoplanctonique est présente dans l'ensemble de la couche d'eau par
fonds de -10 m et sur tout le plateau continental et parfois même au-delà. L'étendue et
la concentration de cette biomasse sont fonction de l'intensité de l'upwelling mais aussi
de la zone considérée entre le Nord et le Sud du Cap-Vert.

CIRCULATION AND DYNAMICS OF NUTRIENT SALTS AND


PHYTOPLANKTON ALONG THE SENEGAL COASTS

Abstract

The hydrology of the Senegalese maritime front is characterized by a marked spatial,


seasonal and interannual variability. It is regulated by two long seasons: a cold season
and a hot season, separated by transitional seasons.
Circulation follows two large currents: the north-equatorial current westward and the
equatorial counter-current eastward.
Enrichment is mainly controlled by upwelling. Its intensity depends on that of the trade
winds.
In the hot season, the waters are stratified, the thermocline is deep, and the maximum
concentration of chlorophyll is found at the top of the thermocline. Nutrient salts are not
very abundant, particularly at the surface, neither is the phytoplankton biomass adjacent
to the coast.

141
Ressources Côtières et Littorales du Sénégal

In the cold season, the upwelling brings up to the surface the thermocline as well as the
nutrient salts. The phytoplankton biomass is present everywhere in the water layer in
depths of- 1 0 m and throughout the continental shelf, sometimes even beyond. The extent
and concentration of this biomass depend on the intensity of the upwelling but also on
the area involved between the north and the south of Cap-Vert.

1. INTRODUCTION
Depuis quelques années, les connaissances acquises dans la bio-écologie des poissons
ainsi que certains événements comme le phénomène d'El Nino observé sur les côtes
d'Amérique du Sud, ont provoqué une meilleure prise de conscience de la part des
scientifiques quant à l'importance des facteurs hydroclimatiques dans les fluctuations de
la production halieutique.
Au Sénégal, le poisson représente la première source de protéines pour les populations.
La production halieutique permet également une rentrée de devises non négligeable tant
par les accords de pêche avec les navires étrangers que par l'exportation de produits bruts
ou transformés. Par ailleurs, la pêche et ses activités annexes occupent une part impor
tante de la population active.
Les débarquements au Sénégal sont constitués à près de 60% par les ressources pélagi
ques (CURY et ROY, 1991) et ces dernières sont connues pour leur sensibilité aux
fluctuations de l'environnement. Certaines ressources hauturières dont bénéficie le
Sénégal, comme les thons, ont également été identifiées comme étant très sensibles aux
conditions environnementales; les bancs de thons s'observent dans les zones d'eau
chaude qu'ils suivent tout au long de l'année.
Ainsi, si dans le passé un des thèmes majeurs dans l'étude des pêcheries a été le mode
de gestion de la raréfaction de la ressource, aujourd'hui la nouvelle problématique intègre
la variabilité liée aux facteurs hydroclimatiques et la façon de gérer la ressource. L'étude
des facteurs physico-chimiques et de la circulation devant le Sénégal s'intègre donc
parfaitement au thème de l'Atelier sur la gestion des ressources côtières et littorales.
Les côtes ouest-africaines, dont celles du Sénégal, sont connues pour la richesse de leurs
eaux soumises en continu ou saisonnièrement à des phénomènes de remontée d'eaux
profondes riches en substances nutritives. Ces remontées en rapport avec l'action des
vents, montrent l'importance des conditions météorologiques dans la région.

2. CONDITIONS METEOROLOGIQUES
Pendant l'année, le littoral sénégalais est soumis à l'influence de trois masses d'air
principales, perceptibles au sol: deux d'origine boréale et une d'origine australe séparées
par une surface de discontinuité appelée front intertropical (FIT). Le FIT est situé dans
la zone des basses pressions intertropicales et matérialisé au sol par une ligne dont on
peut suivre les déplacements (figure 1), lesquels régissent en partie le climat.
Quatre champs de pression déterminent la circulation dans les basses couches atmosphé
riques (figures 2a-b):
- les anticyclones des Açores et de Sainte Hélène qui forment deux systèmes maritimes
permanents;

142
Circulation et Dynamique des Sels et du Phytoplancton
Ressources Côtières et Littorales du Sénégal

30°W 20° 10" 0° 10° c

30° W. 70° 10° 0° I0°E

Fig 2a-b Centres d'action et circulation en janvier et juillet


CENTRES D'ACTION
-1o15- Ligne isobare (pression en mb au niveau de la mer)
==== Tracé au sol de l'équateur météo (F.I.T. sur le continent)
D Axe des basses pressions intertropicales
A1 Cellule anticyclonique des Açores
A2 Cellule anticyclonique Maghrébine
A3 Cellule anticyclonique de Ste. Hélène
MASSES D'AIR
Alizé maritime Mousson
,, Alizé continental ,. Traject. des masses d'air

144
Circulation et Dynamique des Sels et du Phytoplancton

- l'anticyclone de Libye et la dépression saharienne qui forment deux systèmes


continentaux saisonniers.
Ces quatre champs de pression déterminent l'évolution saisonnière du vent au sol ainsi
que trois types de vent:
- De novembre à mai, on a une période de vents de secteur Nord avec une rotation
progressive vers l'Ouest; c'est la période d'alizé maritime où les vents atteignent
leur maximum d'intensité (environ 5 m/s) dans toute la partie Nord de la côte. C'est
durant cette période que survient également l'alizé continental ou harmattan, de
secteur Nord et Nord-Est. De juillet à septembre, c'est une période de vents faibles
d'Ouest. Octobre et juin sont des mois de transition rapide (J. P. REBERT, 1979).

3. CONDITIONS HYDRODYNAMIQUES GENERALES


La région maritime sénégalaise est caractérisée par deux types de circulation
(B. DIAW, 1982):
- le courant nord-équatorial vers l'Ouest (avec des eaux froides);
- le contre-courant équatorial vers l'Est (avec des eaux chaudes et salées).
Cette circulation zonale devient méridienne sur le plateau continental où l'on distingue:
- un courant Sud (avec des eaux froides) de novembre à mai, improprement appelé
courant des "Canaries" (M. ROSSIGNOL, 1973);
- un courant Nord (avec des eaux chaudes) de juin à août.
Les eaux côtières sénégalaises sont renouvelées pendant une partie de l'année par le
processus d'upwelling. Localement la direction de la côte, la topographie du plateau
continental et les fluctuations du régime des vents créent d'importantes modifications
spatiales et temporelles de cette circulation qui est largement soumise à des influences
extérieures à la zone du plateau (J.P. REBERT, 1979).
L'étude des mesures de courant relatives à la saison froide (figure 5) faite par J.P. RE
BERT (1979) montre que sur les franges occidentales du Cap-Vert, il existe en surface
une grande divergence des courants suivie par un "jet" au niveau du talus continental
qui peut atteindre des vitesses de 75 cm/s. Ce "jet" se poursuit jusque vers 14°N et sa
composante vers la terre crée une convergence des eaux au niveau du talus. Au sud de
14°N, l'influence du Cap-Vert s'estompe et on se trouve dans une zone de courants assez
réguliers de l'ordre de 30 cm/s.
Le transport moyen est dirigé vers le Nord. Le courant Sud (en surface et d'une faible
épaisseur, 20 m en moyenne), semble correspondre à un courant de dérive pur, dû au
vent. Le courant profond serait caractérisé par un noyau de haute vitesse longeant le talus
continental (mars).
Il n'y aurait pas de contre-courant profond. Le courant décroît régulièrement de la surface
vers le fond. Une faible circulation vers le Nord existe à l'extérieur du plateau continental
(mars).
Les courants de marée sont faibles. Leur vitesse moyenne maximum est de l'ordre de
10 cm/s. Ils sont presque négligeables sur la composante méridienne des courants
(J.P. REBERT, 1979).

145
Ressources Côtières et Littorales du Sénégal

4. LA STRUCTURE DES MASSES D'EAU ET LA SITUATION


THERMO-HAUNE
On distingue principalement trois masses d'eau (figure 3):
- les eaux froides salées du courant Sud;
- les eaux chaudes et salées du courant Nord;
- les eaux libériennes chaudes et dessalées.
La zone frontale entre les eaux chaudes et froides connaît des oscillations Nord-Sud de
grande amplitude. De là résulte l'alternance de saisons hydrologiques (G. B. BERRIT,
1952; M. ROSSIGNOL, 1973; D. TOURE, 1983).
Il existe deux saisons hydrologiques principales (figure 4), séparées par des périodes de
transition:
- Saison froide (de janvier à mai): les eaux froides venant du Nord sont transportées
vers le Sud par le courant dit des "Canaries". Le front des eaux chaudes reflue plus
au Sud. Sous l'influence des alizés, de nombreux upwellings côtiers amènent en
surface des eaux plus froides et plus riches en sels nutritifs.
- Transition vers la saison chaude (mai-juin): les alizés s'estompant, les eaux froides
sont progressivement recouvertes par les eaux d'origine tropicale, associées au
contre-courant équatorial. Ces eaux chaudes, se déplacent rapidement vers le Nord.
- Saison chaude (de juillet à octobre): elle correspond à l'extension vers le Nord, les
eaux libériennes pouvant remonter jusqu'en Mauritanie.
- Transition vers la saison froide (novembre-décembre): c'est le retour des alizés et
l'apparition d'upwellings côtiers. Les eaux chaudes refluent vers le Sud et le large
(D. TOURE, 1983).
Dès le mois de janvier, les eaux froides envahissent presque tout le plateau continental.
Elles sont constituées en quasi-totalité d'eaux centrales sud-atlantique (ECSA) qui
remontent en surface par le mécanisme de l'upwelling côtier (figure 6).
Entre Saint-Louis et le Cap-Vert les salinités de surface peuvent diminuer par mélange
avec les eaux du fleuve Sénégal. Devant les zones côtières de la Petite Côte, la salinité
tend à diminuer par mélange avec les eaux du coin dessalé qui persiste jusqu'en avril
devant la Guinée Bissau. La variabilité interannuelle de la salinité en saison froide
demeure cependant très faible par rapport à celle de la température.
Les eaux chaudes apparaissent vers le mois de mai et sont transportées par la frange Nord
du contrecourant équatorial. Leur température peut passer de 24 à 27°C en deux mois.
Leur salinité est à l'origine comprise approximativement entre 35,6 à 35,8%o. Sous l'effet
de l'évaporation elle augmente ensuite de manière linéaire à partir du mois de mai en
tendant vers 36%o. L'augmentation de salinité cesse en fonction de l'arrivée des pluies
(en juillet ou au-delà).
L'apparition en surface d'eau à salinité faible en saison chaude est évidemment liée à la
forte pluviométrie dans toute la zone de mousson à cette époque. Cependant d'autres
processus peuvent intervenir qui sont notamment dictés par:
- Les eaux du large liées au contre-courant équatorial, dont les salinités typiques sont
de l'ordre de 3596o.

146
Circulation et Dynamique des Sels et du Phytoplanctoi

Figure 3 Les catégories d'eaux de surface (d'après Rossignol, 1973)

14
Ressources Côtières et Littorales du Sénégal

Figure 4 Température surface


a) en hiver
b) en été

148
Circulation et Dynamique des Sels et du Phytoplancton
Ressources Côtières et Littorales du Sénégal

Figure 6 Salinité surface


a) en hiver
b) en été

150
Circulation et Dynamique des Sels et du Phytoplancton

- Les eaux du fleuve Sénégal dont on peut percevoir les effets au Nord dès le mois de
juillet et au Sud vers le mois de septembre. Au niveau de Saint-Louis, leur salinité
peut être inférieure à 20%o et croit à mesure qu'on s'éloigne de l'embouchure.
- Le coin d'eau dessalée guinéenne constitué d'eaux formées au Sud du Cap Roxo
par les apports des nombreux fleuves côtiers de la Guinée Bissau et de la Guinée.
Ces eaux peuvent atteindre des salinités très basses (<30%o).
- Les effets locaux comme le ruissellement des eaux de pluies, l'influence des
nappes phréatiques supérieures et les débordements des marigots (J.P. REBERT,
1979).
Les variations hydroclimatiques ont un effet direct sur l'enrichissement en sels
nutritifs et en biomasse des eaux sénégalaises.

5. SELS NUTRITIFS
Les quantités de sels nutritifs rencontrées dans les eaux sénégalaises varient dans
l'espace et le temps. Suivant la saison observée, les sources et le taux d'enrichisse
ment sont différents.
En saison chaude, la couche de surface est dépourvue de nitrate et de phosphate quelle
que soit l'origine des eaux; ce sont des eaux oligotrophes. Durant toute cette saison,
les eaux sont stratifiées et le réservoir de sels nutritifs se situe en dessous de la
pycnocline.
Des résultats obtenus à la station côtière de Yoff de 1 985 à 1 989, très proches de ceux
obtenus sur le plateau (C. OUDOT et C. ROY, 1991) montrent que les plus fortes
valeurs de nitrates (16 umol/1) sont observées entre février et mars, et les plus faibles
(<3 umol/1) entre juin et novembre. Les phosphates varient de la même manière et
en même temps que les nitrates. Les plus fortes valeurs (>1,2 umol/1) et les plus
faibles (<0,5 umol/1) s'observent à la même période que pour le nitrate. On note que
ces valeurs de phosphate et de nitrate ne sont jamais nulles à la côte. Elles s'expli
queraient par la diffusion turbulente à partir des sédiments (C. OUDOT et C. ROY,
1991). Au large, les valeurs sont voisines de zéro pendant la période chaude, particuliè
rement en année d'upwelling faible (I. GNINGUE, C. ROY et D. TOURE, 1990). La
variabilité spatiale est quasi inexistante en période chaude.
En saison froide, les concentrations sont élevées à la côte au Nord du Cap-Vert et au
niveau du talus au Sud du Cap-Vert. En année d'upwelling faible à modéré, les
teneurs en sels nutritifs sont plus faibles (I. GNINGUE et al., 1990) que celles
observées en année d'upwelling fort. Quelle que soit l'intensité de l'upwelling, la
répartition des sels nutritifs est différente entre le Nord et le Sud du Cap-Vert pendant
la saison froide.
En upwelling faible à modéré, les plus fortes concentrations sont près de la côte
et on observe des pics secondaires sur le talus et de forts gradients côte/large au
Nord du Cap- Vert. En upwelling fort, le gradient côte/large est plus faible et on
observe de fortes concentrations jusqu'à 90 milles au large (10 uatg/1) contre
60 milles maximum au large pour les upwelling faibles ou modérés (6 uatg/1).

151
Ressources Côtières et Littorales du Sénégal

Au Sud du Cap-Vert, le maximum de sels nutritifs est observé au niveau du talus. On


observe un fort gradient Nord-Sud en bordure côtière, notamment en upwelling fort
à modéré. En upwelling faible, ce gradient est plus faible. L'extension vers le large des
sels nutritifs est plus importante en cas d'upwelling fort, comme c'est le cas au Nord.
Les quantités de sels observées sont fonction de l'intensité de l'upwelling.

6. BIOMASSE PHYTOPLANCTONIQUE
La chlorophylle est l'estimateur de biomasse le plus utilisé, de par sa représentativité (le
phytoplancton contenant toujours de la chlorophylle) mais aussi de par sa facilité de
dosage.
Devant le Sénégal, la biomasse phytoplanctonique varie en quantité dans l'espace et
le temps notamment, selon les saisons hydrologiques.
En saison chaude, sa distribution verticale est fonction de la position de la thermocline
et de la nitratocline (D. TOURE, I. GNINGUE, 1991). Avec l'accalmie des vents et le
fort éclairement pendant cette période, la chlorophylle est présente sur une bonne
partie de la colonne d'eau (jusqu'à 75 m). A proximité des côtes, on observe un
maximum de biomasse en surface; au large, la biomasse est très proche de zéro et le
maximum est situé au dessus de la nitratocline qui, pendant cette période, est
relativement profonde.
Les concentrations de biomasse sont généralement faibles pendant la saison chaude et
on remarque trois principaux peuplements le long de la côte sénégalaise:
- un qui occupe toute la côte Nord de Saint-Louis à Kayar;
- le second, localisé le long de la Petite Côte;
- le troisième, observé devant l'embouchure de la casamance.
Ces concentrations relativement faibles dans l'ensemble, sont cependant plus ou moins
importantes selon l'année. En 1986, les concentrations sont plus faibles et moins
répandues vers le large sur la côte Nord. En 1 987, ces concentrations sont un peu plus
élevées et les écarts entre radiales sont plus importants, notamment au Nord. Des
concentrations relativement importantes ont été observées cette année sur l'ensemble du
plateau continental et parfois même un peu au large. Il existe un fort gradient côte/large
pour les eaux de surface.

7. PRODUCTION
En saison chaude, la couche homogène de surface est épuisée en sels nutritifs; le
développement du phytoplancton est relativement faible près de la côte; il se fait par
régénération à partir de la matière organique provenant des crues des fleuves, rivières et
des pollutions diverses (déchets domestiques ou issus de la transformation artisanale des
produits de la pêche et effluents des industries agro-alimentaires). Au large, le maximum
de phytoplancton est situé au sommet de la nitratocline (à environ 20 m) dans les eaux
stables et éclairées à l'intérieur de la pycnocline. La transparence relativement grande
des eaux permet un développement en profondeur du phytoplancton en dessous de la
nitratocline (disque de secchi de l'ordre de 18 m, D. TOURE, 1983).

152
Circulation et Dynamique des Sels et du Phytoplancton

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Figure 7 Distribution le long des radiales de la température (°C), des nitrates


(natg/l) et de la biomasse phytoplanctonique (|ag/l) en saison chaude de
1986: campagne LS861 1

153
Ressources Côtières et Littorales du Sénégal

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Figure 8 Distribution le long des radiales de la température (°C), des nitrates


(uatg/l) et de la biomasse phytoplanctonique (ug/l) en saison froide de
1986: campagne LS8603

154
Circulation et Dynamique des Sels et du Pnytoplancton

En saison froide, le système est typique de celui des upwellings côtiers dans lequel on
distingue trois phases:
- Début de l'upwelling, phase pendant laquelle le développement du pnytoplanc
ton est favorisé par les fortes vitesses verticales ascendantes dans les couches
intermédiaires et profondes qui injectent les sels nutritifs dans la couche stable
et bien éclairée de la pycnocline. La valeur de biomasse intégrale est alors de
25 mg/m2.
- Au milieu de l'upwelling, lorsque les vents sont forts et les vagues puissantes,
on observe un accroissement vertical de la turbulence et de la turbidité des eaux
côtières. Ces phénomènes augmentent l'absorption et la diffusion du rayonne
ment solaire par les matières dissoutes et en suspension dans l'eau. L'épaisseur
de la couche riche en phytoplancton diminue alors. Par ailleurs, la biomasse
intégrée n'est pas encore importante malgré l'enrichissement en sels nutritifs des
couches superficielles (biomasse intégrale de 20 mg/m2).
- La troisième phase correspond à la période de maximum de biomasse intégrée
(70 mg/m2) observée juste après la période la plus intense de remontée soit entre
mars et mai. Ainsi, la période du maximum de productivité des eaux sénégalaises
serait située à la fin de la remontée lorsque les eaux de surface sont encore riches
en sels nutritifs avec un éclairement maximum.
Ces productions, comparées à celles d'autres régions (3 à 22 mg/m2 dans le secteur
oriental du Pacifique et 75 à 322 mg/m2 au Cap-Blanc dans l'upwelling mauritanien),
classeraient l'upwelling sénégalais comme étant de moyenne productivité.

8. CONCLUSION
Les eaux sénégalaises sont soumises à de grandes variations tant saisonnières qu' in
terannuelles. Les alizés influent directement sur leur enrichissement et conditionnent
leur productivité.
En saison chaude, les eaux sont stratifiées, chaudes en surface et en partie dessalées
avec de faibles concentrations en sels nutritifs et en biomasse phytoplanctonique, le
peu de biomasse observée étant plaquée à la côte.
En saison froide, l'upwelling enrichit les eaux de surface qui deviennent froides et
riches en sels nutritifs et en biomasse phytoplanctonique. Cependant, cette richesse
est variable selon l'intensité des vents qui, en définitive, conditionnent l'ensemble
des processus d'enrichissement.

REFERENCES BIBLIOGRAPHIQUES
BERRIT, G.R. (1952). Esquisses des conditions hydrologiques du plateau continental
du Cap-Vert à la Gambie. Bull. IFAN, XIV (3).
DIAW, B. (1982). Synthèse des résultats physiques des campagnes de prospection
acoustique le long du plateau continental Ouest-africain (1973-1982). Archives
n° 122, CRODT.

155
Ressources Côtières et Littorales du Sénégal

DIAW, B. (1984). Interactions thermiques entre Océan et Atmosphère dans la Baie de


Gorée. Calcul du cycle thermique extérieur et du profil vertical de température
de l'eau. Mémoire CRODT.
GNINGUE, L, ROY, C. et TOURÉ, D. (1990). Variabilité spatio-temporelle de la
température des nitrates et de la chlorophylle devant les côtes du Sénégal. Doc.
se, n° 122, CRODT.
OUDOT, C. et ROY, C. (1991). Les sels nutritifs au voisinage de Dakar: cycle annuel
moyen et variabilité inter-annuelle. Pêcheries ouest-africaines; Ed. Cury et
Roy, ORSTOM, p. 81-89.
PORTOLANO, P. (1981). Contribution à l'étude de l'hydroclimat des côtes
sénégalaises. Doc. CRODT/ORSTOM.
ROSSIGNOL, M. (1973). Contribution à l'étude du "Complexe guinéen". Centre
ORSTOM, Cayenne.
REBERT, J.P. (1979). Hydrologie et dynamique des eaux du plateau continental
sénégalais. Doc. se, n° 89, CRODT.
TOURÉ, D. 1983. Contribution à l'étude de l'"upwelling" de la Baie de Gorée et de
ses conséquences sur le développement de la biomasse phytoplanctonique.
Doc. Sc., n° 93, CRODT.
TOURÉ, D. et GNINGUE, I. (1991). Variations spatio-temporelles de la biomasse
phytoplanctonique sur le plateau continental sénégalais. Pêcheries
ouest-africaines; Ed Cury et Roy, ORSTOM, p. 90-102.

156
L'ESTUAIRE DU FLEUVE SENEGAL: IMPACT
DES BARRAGES DE DIAMA ET MANANTALI SUR
LA QUALITE CHIMIQUE DES EAUX

Mariline BA
Département de Géologie, Faculté des Sciences et Techniques, Université
Cheikh Anta Diop, Dakar, Sénégal

Résumé

Le fleuve Sénégal constitue le principal réseau d'eau douce du Sénégal. Ces dernières
années, deux barrages ont été mis en place, un à l'aval (Diama) pour stopper l'invasion
saline, et un autre à l'amont (Manantali) comme réservoir d'eau.
La mise en fonctionnement de ces barrages a entraîné des modifications de la qualité des
eaux dans l'ensemble estuarien. Aujourd'hui, en amont du barrage de Diama, les eaux
sont douces tout au long de l'année, alors qu'au début des années 80, l'invasion saline
pouvait remonter jusqu'à Podor. La matière organique piégée par le barrage s'accumule
dans cette masse d'eau douce. Ceci provoque un début d'anoxie, l'oxygène dissous utilisé
lors de la minéralisation de la matière organique aboutissant à la formation de sels
nutritifs tels que les nitrites et les nitrates. En aval, l'estuaire est envahi par les eaux
marines après la fermeture du barrage de Diama en fin de crue. Mais jusqu'à présent,
l'ouverture périodique des vannes a empêché, par simple dilution, une sursalinisation
des eaux sous l'action de l'évaporation.

THE SENEGAL RIVER ESTUARY: IMPACT OF THE DAMS OF


DIAMA AND MANANTALI ON THE CHEMICAL QUALITY OF
ITS WATERS

Abstract

The River Senégal is the main fresh water network of Senegal. Recently, two dams have
been constructed, one downstream (Diama) to prevent salt invasion, and another ups-
tream (Manantali) as a water reservoir.
The operating of these dams resulted in changes in the quality of waters in the estuarine
complex. Nowadays, upstream of the dam of Diama, water is fresh all year round, while
in the early 1 980s the salt invasion could reach as far as Podor. The organic matter trapped
by the dam accumulates in this freshwater mass. This provokes the beginning of anoxia,
since dissolved oxygen is used during the mineralization of the organic matter, leading
to the formation of nutrient salts such as nitrites and nitrates. Downstream, the estuary
is invaded by seawater, due to the closing of the dam of Diama after the floods. But until
now, the periodic opening of the floodgates has prevented, by dilution alone, an
oversalinization of waters due to evaporation.

157
Ressources Côtières et Littorales du Sénégal

INTRODUCTION
Nous avons étudié durant l'année 1991-92 les variations hydrologiques de l'estuaire du
fleuve Sénégal qui a subi de fortes modifications depuis plusieurs années, sous l'action:
- du phénomène de sécheresse;
- de l'artificialisation de tout le système hydrologique avec les barrages de Diama et
de Manantali (figure 1).

1. CADRE GENERAL

1.1. Cadre climatique


Le Nord du Sénégal est soumis à un régime sahélien à faible pluviosité (figure 2). Cette
diminution de la pluviosité s'accompagne d'un raccourcissement de la saison des pluies
de 4 mois à 2 ou 3 mois suivant les années.

1.2. Cadre hydrologique


Pour remédier aux difficultés entraînées par la diminution de la pluviosité, deux barrages
ont été construits:
- le barrage de Diama (figure 3), barrage anti-sel, est fermé pendant la saison sèche
de novembre à juin et ouvert progressivement lorsque l'onde de crue arrive, vers la
fin de mois de juillet. Ce barrage fonctionne depuis 1985;
- le barrage de Manantali est un barrage réservoir d'eau. Des lâchers d'eau sont faits
pendant la crue en fonction des besoins agricoles et de la recharge du lac de Guiers
dont l'eau est acheminée jusqu'à Dakar pour la consommation d'eau potable; ce
barrage fonctionne depuis la fin 1988.
Dorénavant l'estuaire du Sénégal est scindé artificiellement en deux parties distinctes
pendant environ huit mois de l'année: l'aval envahi par la mer, l'amont en eau douce.
Toutefois, des lâchers plus ou moins importantes ont lieu sous diverses contraintes,
pendant l'étiage, permettant un mélange des eaux marines et douces.
Le fleuve, entre Richard-Toll et Diama, a de nombreux méandres et reçoit plusieurs
marigots (figure 1): la Tahouey, le Natchié, le Diovol, le Gorom et le Djoudj sur la rive
gauche, le Garak sur la rive droite.
Tout un système de tributaires existe dans la partie aval du delta:
- Deux marigots (1, 2) en rive droite à l'aval immédiat du barrage.
- Le Djeuss, affluent barré à la hauteur de Dakar-Bango par un petit pont barrage, qui
fonctionne comme le barrage de Diama.
- Un bras de l'estuaire, le Tiallakt, s'isole en bordure de la Langue de Barbarie au
Nord de Saint-Louis remontant vers la frontière mauritanienne.
- Enfin, tout un système lagunaire situé entre Saint-Louis et Gandiole sur la rive
gauche est limité vers l'Est par un réseau de diguettes et de canalisations réduisant
l'extension des plans d'eau à la période des hautes-eaux. En arrière des lagunes peu
profondes, temporairement inondées par les eaux de crue, sont partiellement bordées
de mangroves relictuelles.

158
L 'Estuaire du Sénégal, Barrages et Qualité des Eaux
Ressources Côtières et Littorales du Sénégal

Figure 2 Les isohyètes annuelles (a, b, c) et interannuelles (d) au nord du Sénégal

2. UTILISATION DE L'EAU

2.1. Utilisation dans les zones riveraines


Dans les zones riveraines, l'eau est utilisée pour le bétail, par les populations locales,
pour la recharge des nappes phréatiques dans les zones inondées lors des débordements
du fleuve, des marigots et des dépressions en période de crue, et bien sûr pour les cultures
(industrielles ou non) avec le développement des cultures irriguées.
Saint-Louis s'alimente en eau potable dans la partie amont du Djeuss.

2.2. Utilisation en dehors des zones riveraines


L'utilisation principale est l'alimentation en eau potable de la Presqu'île du Cap-Vert.
Depuis 1971, une adduction d'eau a été mise en service, du lac de Guiers à la Presqu'île
du Cap-Vert.

160
L 'Estuaire du Sénégal, Barrages et Qualité des Eaux

3. ETUDE HYDROLOGIQUE ET HYDROCHIMIQUE DU DELTA


DU FLEUVE SENEGAL

3.1. But de l'étude


Cette étude a pour objectif général d'apporter une contribution pour une meilleure
connaissance de l'hydrologie de l'estuaire grâce à l'analyse hydrodynamique et hydro
chimique d'un secteur considérablement modifié par l'artificialisation du système hydro
logique du fleuve Sénégal ainsi que par le développement des périmètres hydroagricoles.

3.2. Méthodologie
Entre les années 1991 et 1992, des mesures de courant ont été faites à différentes saisons
(mars, juin, juillet, septembre, novembre 91, février 92) et à différentes profondeurs
(surface, mi-fond, fond) associées à des mesures de hauteur d'eau, de température, de
salinité, de pH, d'oxygène dissous, de transparence; des prélèvements d'eau ont été
également réalisés pour évaluer les quantités de matières en suspension, les concentra
tions en sels nutritifs (nitrites, nitrates, phosphates, silicates) et en chlorophylle, en
surface et au fond.
Ces prélèvements et mesures ont été faits à Gandiole, à 8 km de l'embouchure (figure 1),
en station fixe au milieu du chenal pendant un cycle de marée à partir d'une embarcation.
Les mêmes mesures, à l'exception des mesures de courant, ont été faites à St-Louis, au
barrage de Diama, côté aval et côté amont lorsque les vannes étaient fermées et
uniquement côté amont lorsque les vannes étaient ouvertes (en période de crue), à
Richard-Toll ainsi qu'au Nord du lac de Guiers.

3.3. Présentation des résultats - discussion


L'hydrologie en estuaire est très complexe car les paramètres que l'on étudie sont soumis
à de nombreux facteurs (débit du fleuve, coefficients des marées, apports en sédiments,
salinité, température, micro-organismes, présence ou non de végétation le long d'un
estuaire, faune aquatique, ...) que l'on ne maîtrise pas toujours.
Dans le cas qui nous intéresse, la complexité est renforcée par la situation géographique
de la zone (dans le Sahel), par le climat et depuis quelques années par la mise en
fonctionnement des deux barrages de Diama et de Manantali.

3.3.1. Hydrologie, caractéristiques physiques, MES


Hydrologie
A Gandiole, l'ouverture du barrage de Diama en étiage entraîne une hétérogénéité saline.
La stratification des eaux est accentuée par des vitesses de courant de jusant particuliè
rement élevées qui remettent en suspension les sédiments fins dans la couche d'eau
profonde. Ce fonctionnement stratifié de type estuarien en période d'étiage, correspond
à des moments particuliers du régime de l'estuaire désormais sous l'influence du barrage
de Diama.
En étiage, lorsque le barrage est fermé, nous observons un système homogène avec un
type de fonctionnement lagunaire déjà décrit par MILLET (1991).

161
Ressources Côtières et Littorales du Sénégal

Figure 3 Schéma du barrage de Diama

Température
en °C

mois

Figure 4 Variations de température de l'eau entre mars 1991 et février 1992 à


Gandiole

162
L 'Estuaire du Sénégal, Barrages et Qualité des Eaux

Entre la fin de l'étiage et le maximum de la crue, le régime estuarien est complètement


inversé: l'eau de mer peu chargée en matière en suspension, est expulsée et l'estuaire est
totalement envahi par de l'eau douce très turbide.
En crue, le passage d'un milieu marin homogène à un milieu sous dominante fluviale se
fait beaucoup plus rapidement qu'avant le barrage.
La température (à Gandiole)
Les variations de température de l'eau sont importantes au cours des saisons (figure 4).
Les températures sont minimales en février et maximales en septembre.
La salinité
Les variations tidales à Gandiole sont assez peu marquées, bien qu'en mars, en juin
1 99 1 et en février 1 992 on observe une légère augmentation de la salinité avec le flot
(figure 5).
Les variations en fonction de la profondeur sont nettes en mars et en juin avec des salinités
plus élevées au fond. En juillet et en février les eaux sont homogènes.
Avant le barrage, les eaux marines atteignaient Podor à un peu plus de 200 km de
l'embouchure, et des taux de salinités supérieurs à celui de l'eau de mer (35%o) étaient
observées jusqu'au km 70 enjuillet 1982 (GAC et al., 1986). Actuellement, bien que nous
observions en étiage une augmentation de la salinité en aval du barrage sous l'action de
l'évaporation, la salinité ne dépasse pas 35%o (figure 6). Ceci est dû aux ouvertures de
barrage qui entraînent une dilution des eaux marines.
En amont du barrage, dans les eaux de fond, nous observons une salinité non négligeable
qui provient vraisemblablement d'une mauvaise étanchéité des vannes. Nous n'avons
pas pu déterminer l'étendue de cette infiltration, le fleuve étant impraticable.
Les matières en suspension
Au cours d'un cycle tidal, lorsque les vitesses de courant ont tendance à s'annuler
les M.E.S. décantent; par contre lorsque les vitesses de courant augmentent il y a une
remise en suspension des particules.
A Gandiole, les matières en suspension varient d'environ 20 mg/1 en période d'étiage
à environ 400 mg/1 en période de crue (figure 7). En fait, il est vraisemblable que les
concentrations les plus importantes soient en début de crue grâce à l'apport des
matières en suspension par les eaux superficielles dues aux premières averses ainsi
que la remise en suspension des sédiments déposés sur les parties basses des berges
par le clapotis lors de la dernière crue (GAC, 1979). En décrue, les débits solides sont
rapidement dégressifs et on atteint, en étiage, une concentration relativement stable
d'environ 20 mg/1.
De manière générale, en période d'étiage, les teneurs en M.E.S. sont plus élevées au
barrage de Diama, côté amont, que dans l'estuaire (figure 8). Ceci, grâce à une
accumulation de débris de toutes sortes, de limons, stoppés par le barrage. En
crue, les eaux douces de l'estuaire sont un peu plus chargées que celles de la partie amont,
sous l'action de l'érosion des berges (DIOUF et al, 1990) et probablement des zones
basses dénudées qui longent les bras du fleuve en aval du barrage.

163
Ressources Côtières et Littorales du Sénégal

1 19 mari 1991 26 juin 19911

Salinité Salinité
en 7«« en 7..
32 36
30 -I
28 -|
26
24

22
18 20 H 18 20H

| 24 juillet 1991 |24 février 1992


| Salinité Salinité
en 7.. en 7..
36 32

35 H 31 H
34 H
33

32 H Surface
Fond
31 — \
10 12 14 16 18 20H

Figure 5 Variations tidales de la salinité à Gandiole

164
L 'Estuaire du Sénégal, Barrages et Qualité des Eaux

Salinité
en %«
40 n

mars juin juillet sept. nov. février

mois

Figure 6 Variations de la salinité entre mars 1991 et février 1992 à Gandiole

MES
en mg/'l
500 -.

mars juin juillet septembre novembre février


mois

Figure 7 Variations saisonnières des M.E.S. à Gandiole

165
Ressources Côtières et Littorales du Sénégal

3.3.2. Caractéristiques hydrochimiques


le pH
Dans le delta du Sénégal, le pH est compris entre 6,7 en amont du barrage de Diama et
8,3 à Gandiole.
A Gandiole, le pH diminue pendant la période de crue à cause de l'apport en eaux
douces moins alcalines que l'eau de mer (figure 9). A Diama-amont, le pH est plus faible
au fond qu'en surface où la photosynthèse est plus active grâce à l'ensoleillement
(figure 10).
L'oxygène dissous
L'oxygène dissous est un élément essentiel dans les processus biologiques des écosys
tèmes aquatiques.
Les valeurs à Gandiole sont généralement comprises entre 80 et 110% (figure 11) et
augmentent au cours de la journée quelle que soit la saison et quelle que soit la
transparence de l'eau. C'est un milieu où la turbulence des vagues ajoutée à la photosyn
thèse favorise l'oxygénation des eaux.
Ainsi les eaux sont mieux oxygénées à Gandiole qu'en amont du barrage où nous
remarquons même des valeurs très faibles de l'ordre de 20% de saturation au pied du
barrage (figure 12). En effet le barrage de Diama constitue un piège pour l'ensemble des
détritus, composés en partie de matière organique, venus de l'amont. Ces détritus
sédimentent, s'accumulent et leur décomposition entraînent une forte consommation
d'oxygène. Ce processus pourrait aboutir à un milieu totalement anoxique.
Plus en amont vers Richard-Toll et le Nord du lac de Guiers les eaux sont bien oxygénées
même en fin de saison sèche (environ 100% de saturation le 24 juillet 1991).

MES
en mg/1
300 -

200 -
— Surlace n
— Fond II \\

100 -

n
u i •
mars juin juillet septembre novembre février
mois

Figure 8 Variations saisonnières des M.E.S. au barrage de Diama (amont)

166
L 'Estuaire du Sénégal, Barrages et Qualité des Eaux

Les sels nutritifs


Les sels nutritifs sont des éléments indispensables à la vie phytoplanctonique. S'ils sont
en quantité insuffisante, ils limitent la production de matière vivante.
Dans l'estuaire du Sénégal, les sels nutritifs tels que les nitrites, les nitrates et les
phosphates sont en concentration faible et ne montrent aucune variation particulière au
cours d'un cycle tidal.
Les concentrations en nitrites sont comprises, dans toute la zone étudiée, entre 0, 1 et
0,8 umol/l. Les nitrates varient entre 0 et 14 umol/l. On remarque une accumulation de
nitrates au pied du barrage, côté amont, pendant la saison sèche lorsque les vannes sont
fermées. L'évolution des variations saisonnières des nitrites et des nitrates est inverse à
Gandiole de celles observées à Diama-amont (figures 13, 14, 15, 16).
Les teneurs en phosphates atteignent leur maximum en février aussi bien à Gandiole qu'à
Diama-amont (figures 17, 18). Entre Richard-Toll et le lac de Guiers les valeurs sont
toujours inférieures à 0,8 umol/l.
Les silicates sont des sels nutritifs qui entrent dans la composition du squelette de certains
micro-organismes aquatiques tels que les diatomées et les radiolaires. Leurs concentra
tions varient en fonction de la salinité: les eaux douces sont chargées en silice, les eaux
marines ont une faible teneur en silicates. Lorsque la salinité est comprise entre 25 et
35 %o, la teneur en silice est comprise entre 20 et 40 umol/l. Lorsque les eaux sont douces,
la silice est comprise à Gandiole entre 160 et 190 umol/l; elle atteint 240 umol/l à Diama
- amont (figures 19, 20).
Entre Richard-Toll et le lac de Guiers, les valeurs ne sont jamais inférieures à 1 30 umol/l.
La chrorophylle
La chrorophylle qui donne une estimation de la biomasse phytoplanctonique est répartie
de façon assez similaire dans tout l'estuaire de part et d'autre du barrage avec, toutefois,
un appauvrissement à proximité du barrage. Les valeurs sont peu élevées et indiquent un
milieu pauvre biologiquement.
On relève les teneurs en chlorophylle les plus élevées, d'une part, à Gandiole et, d'autre
part, entre Richard-Toll et le lac de Guiers. La biomasse phytoplanctonique varie entre
0,5 et 5 g/l à Gandiole.
Les concentrations sont similaires entre les eaux de fond et les eaux de surface malgré
une transparence de l'eau extrêmement variable en fonction des saisons (figures 21, 22).
Les teneurs sont plus faibles au barrage de Diama, côté amont, qu'à Gandiole et, d'autre
part, la crue apprauvrit le milieu en chlorophylle.
Nous remarquons, cependant, en étiage, une augmentation sensible de la chlorophylle
dès qu'un des éléments nutritifs augmente. En crue, les valeurs sont faibles car les eaux
très turbides ne sont pas favorables à la photosynthèse et donc au développement du
phytoplancton.

4. SYNTHESE DES RESULTATS


Cette étude a pu mettre en évidence des modifications au sein de l'estuaire. Ces
changements peuvent se résumer ainsi:

167
Ressources Côtières et Littorales du Sénégal

85-

80-

7.5'

7 (H
Surftce
Fond
6 5 —I—<—i—>—i • 1 1—i '—i ■
m*rj juin juill sept nov février
mois

Figure 9 Variations saisonnières du pH Figure 10 Variations saisonnières du


à Gandiole pH à Diama (amont)

02
02 m % it f ituretierv
en V. de satureiion
110 T

mars juin juill sept nov février m*r$ juin juill. sept nov fév

mois mois

Figure 1 1 Variations de l'oxygène Figure 12 Variations saisonnières de


dissous à Gandiole l'oxygène dissous à Diama
(amont)

I68
L 'Estuaire du Sénégal, Barrages et Qualité des Eaux

N02
en pmol/1
0 .6 ■

Suriece
01
juin juill s»pt nov février juin juill sept nov février
mois mois

Figure 13 Variations saisonnières de Figure 14 Variations saisonnières de


nitrites à Gandioie nitrites à Diama (amont)

N01 N03
en pmol/1 en pmol/1
6 - 12 i A a Surfit*
5- o— Surttc» • / \ 10 - / \ e— Fend
/
4 - Fond jp^v» \ 6-
fA *
3- 6-
2■ J \ A
4-
1/ \/\
1 - 2- r .
V M \■
' ' Un - —i—• i ■ i ■ i ■ ' ■ i •
mars juin juill jep» nov février mars juin juill ïepl nov février

mois mois

Figure 15 Variations saisonnières de Figure 16 Variations saisonnières de


nitrates à Gandioie nitrates à Diama (amont)

169
Ressources Côtières et Littorales du Sénégal

Figure 17 Variations saisonnières des Figure 18 Variations saisonnières des


phosphates à Gandiole phosphates à Diama (amont)

Si02 Si02
en pmol/l en pmol /]
200 -i 240 -
—o— SuiUc* P-——» 220 -
•— ForuS ! \ r\
200 ■
/ \
1 \ 180 -
100 / \ * X
/ \ 160 -
\ / \
/ \ MO -
\/ ▼ o— Surftce x
^^^^ \ 120 -
*~— F n rÀ
u I r—l ' 1 . , . T
W\\r% jgw juill $ep( nov févrwr m»fs jum juill itpt nov fivri»r

mois ■oit

Figure 19 Variations saisonnières des Figure 20 Variations saisonnières des


silicates à Gandiole silicates à Diama (amont)

170
L 'Estuaire du Sénégal, Barrages et Qualité des Eaux

Chlorophylle Chlorophylle '


•n^j/1
4 -ï
4i
ï■ 3-
—o— Suilece ,
2■ A / 2■ ' ^
/
1 ■ 1 ■
—o— Suitoce
• Fond ■ •
frocs Juin juill sept nov février rrurj Juin juill sept nov février

mois mois

Figure 21 Variations saisonnières de la Figure 22 Variations saisonnières de la


chlorophylle à Gandiole chlorophylle à Diama (amont)

- perturbations dans l'hydrodynamique avec des changements brutaux des vitesses de


courant, une réduction dans le temps soit du flot soit du jusant en fonction des
ouvertures et fermetures des vannes;
- un apport en sédiments dans les zones marginales de l'estuaire lorsque les vannes
sont fermées; un lessivage de ces zones avec remise en suspension des sédiments
dès que l'on ouvre les portes;
- une chute brutale de l'oxygène dissous et du pH au pied du barrage avec, côté amont,
une accumulation des nitrites et des nitrates;
- une augmentation de la salinité en amont du barrage pendant l'étiage, associée à une
baisse de la silice et mettant en évidence une infiltration des eaux saumâtres dans la
réserve d'eau douce;
- des quantités très faibles de sels nutritifs dans la partie aval de l'estuaire pendant la
saison sèche;
- une biomasse phytoplanctonique peu importante pour une zone estuarienne et qui
reflète la pauvreté du milieu.

5. CONCLUSIONS
Le fleuve Sénégal a été, depuis fort longtemps, le cadre d'activités diverses et ceci
grâce à des écoulements importants dus à des précipitations abondantes. Depuis plus
de 20 ans, des conditions climatiques particulièrement dures ont entraîné un énorme
déficit hydrique dans toute la vallée du fleuve Sénégal et, par conséquent, une dégrada
tion de l'environnement extrêmement préoccupante.

171
Ressources Côtières et Littorales du Sénégal

C'est pourquoi, devant un tel état de fait, la construction de deux barrages a été réalisée
pour améliorer la gestion de l'eau dans toute la vallée. Or, il est très difficile lorsque l'on
construit des infrastructures de satisfaire tous les besoins. Quand il s'agit de barrage en
pays sahélien, le problème est encore plus grand puisqu'il faut exploiter au mieux l'eau
dans un pays qui en manque cruellement.
Les résultats que nous avons obtenus ne sont pas dramatiques mais montrent qu'il est
nécessaire de surveiller la zone qui devrait devenir à long terme une région agricole
développée, pourvue en électricité et avec des possibilités de navigation propres au
développement des industries.
Il est primordial de continuer de telles études grâce à des suivis sur plusieurs années
conjointement à des études dans d'autres disciplines. Nous avons vu, en effet, qu'une
étude sur une année dans ce contexte bien particulier est loin d'être suffisant. Les
phénomènes étudiés évoluent sur une échelle de temps beaucoup plus grand.

REFERENCES BIBLIOGRAPHIQUES
DIOUF, B., BARUSSEAU, J.P., KANE, A. (1990). Evolution de la zone
d'embouchure du fleuve Sénégal: bilan des premières observations
morphosédimentaires. Projet CAMPUS: l'après barrage dans la vallée du
Sénégal, Rapp. de synth. sur les travaux menés en 1 989.
GAC, J.Y. (1979). Géochimie du lac Tchad. Bilan de l'altération de l'érosion et de la
sédimentologie. Th. Univ. Louis Pasteur, Strasbourg, 249 p.
GAC, J. Y., CARN, M., SAOS, J. L. (1966). L'invasion marine dans la basse vallée
du fleuve Sénégal. Rev. Hvdrobiol. trop. 19 (2): 93-108.
MILLET, B. (1991). Modélisation numérique de la circulation de marée et de la
dispersion du sel dans l'estuaire du fleuve. Doc. CRODT, Dakar, 31 p.
ROCHETTE, C. (1974). Le bassin du fleuve Sénégal. Monographie hydrologique de
l'ORSTOM, Paris, n° 1,31 p.

172
DEUX PROBLEMES DE LA REGION DAKAROISE:
LA SUREXPLOITATION DES NAPPES ET
L'EVACUATION DES EAUX USEES

Fatoumata BA-NIANG, Bara DIAKHATE, Mamadou DIONE


Direction Planification et Etudes, SONEES1, Sénégal

Résumé

L'alimentation en eau de la région de Dakar et l'évacuation des eaux usées, posent


problème du fait de la demande sans cesse croissante et du déficit pluviométrique
réduisant considérablement la réalimentation des nappes.
On en est arrivé à une surexploitation à la limite de la capacité de renouvellement des
nappes existantes. Ces aquifères sont les suivants: infrabasaltiques, sables quaternaires,
calcaires de Sébikotane, calcaires de Pout/Mbour, Maestrichien de Pout/Mbour, sables du
littoral nord. Ces ressources, pour la plupart, en contact avec la mer, sont peu profondes
dans la Presqu'île de Dakar et renferment originellement des eaux de bonne qualité pour
la consommation. Elles commencent à être polluées par l'intrusion du biseau salé signalée
dès 1954 dans la zone de Hann et à certains endroits par des infiltrations d'eaux usées.
Il y a lieu de trouver des solutions à cet état de choses.
Par ailleurs, les volumes de plus en plus importants d'eaux usées rejetés, (13,24 millions
de mVan) avec toute la charge polluante qu'elles véhiculent (DBO, DCO, MES...) font
que nous assistons actuellement à une dégradation du milieu marin. Cette situation a
surtout été favorisée par la topographie de la Presqu'île de Dakar, les forts courants
marins et la configuration des réseaux.
Des études sont menées depuis 1973 et plus récemment. Elles devraient aboutir à des
solutions concrètes et réalistes pour réduire les nuisances dues à ces rejets.

TWO PROBLEMATIC ISSUES IN THE REGION OF DAKAR:


THE OVEREXPLOITATION OF WATER BODIES AND THE
DRAINAGE OF WASTE WATERS

Abstract

Water supply and drainage of waste waters in the area of Dakar constitute a problem
because of the incessantly growing demand for water and the rain deficit which consid-
erably reduces the renewal of water bodies.

1 Société Nationale d'Exploitation des Eaux du Sénégal.

173
Ressources Côtières et Littorales du Sénégal

We have identifiee! that overexploitation of water resources limits the capacity to


recharge existing water bodies. The threatened aquifers are: infrabasaltics, Quaternary
sands, Sebikotane's limestones, Pout/Mbour limestones, Pout/Mbour Maestrichian,
northern shore-line sands. These resources, mostly in contact with the sea, are shallow
in the Peninsula ofDakar and originally contained waters of a good quality for consump-
tion. They are being polluted by the intrusion ofa saline edge in the area ofHann, reported
since 1954, and in some places by infiltration of waste waters. This situation must be
resolved.
On the other hand, because the volume of discharged waste water is becoming greater
(13.24 millions of mVyears), loaded with pollutants (COD, BOD, SM...) degradation of
the marine environment is currently being witnessed. This situation has especially been
aided by the topography of the Peninsula of Dakar; strong marine currents and the
configuration ofjietworks.
Studies have been carried out since 1973 and more recently. They should result in
concrete and realistic solutions to alleviate the aggravations due to these discharges.

1. LES RESSOURCES EN EAU EXPLOITEES DANS LA REGION


DE DAKAR
Petite bourgade de quelques milliers d'habitants au début de ce siècle, Dakar n'a cessé
de se développer pour passer à:
- 54 000 habitants en 1 930;
- 360 000 habitants en 1 960;
- 1 499 690 habitants en 1988.
Cette croissance démographique s'est traduite par une augmentation rapide des besoins
en eau de la ville et de l'ensemble de la Presqu'île du Cap-Vert.
En l'absence d'eau douce de surface permanente dans la région ou à proximité, l'appro
visionnement en eau fut assuré jusqu'en 1970 uniquement par des puits et forages dont
l'historique des productions totales à partir de 1925, toutes utilisations confondues, est
donnée dans le tableau 1 .

2. EVOLUTION DES NAPPES


L'accroissement continu des prélèvements a entraîné des baisses importantes du niveau
des nappes et, dans certains cas, une avancée du biseau salé avec parfois la contamination
de forages.

2.1. Nappe infra basaltique


En 1954, les forages du "Km 5" et du "Point B" situés respectivement en bordure des
littoraux Sud-Ouest et Est de la tête de la presqu'île sont contaminés, suite à un
doublement de la production à partir de 1946 (12 000 à 24 000 mVjour).
En 1960, afin de ne pas aggraver cette salinisation, les pompages furent ramenés à
18 000 m3/jour avec l'arrêt de certains puits et forages (puits de Hann, Km 5 et
Point B).

174
Problèmes des Nappes et des Eaux Usées à Dakar

Tableau 1 Productions des forages alimentant Dakar depuis 1925 (m3/j)

Ressources 1925 1939 1946 1952 1959 1965 1968 1972 1976 1981 1991
1939 1946 1952 1959 1965 1967

Infrabasalt 3 000 12 000 24 000 24 000 18 000 18 000 18 000 18 000 18 000 14 000 21 000

Sables quatem
Thiaroye 15 000 12 000 12 000 12 000 12 000 12 000 10 400 10 400
Berr Thialane 7 000 9 000 9 000
Sébikotane 30 000 28 000 25 000 25 000 25 000 28 000 31 000

Pout/Mbour 9 000 17 000 56 315 61 000

Lac de Guiers 29 000 29 000 29 000 40 000

Littoral Nord 27 000 8 530 100 000

Actuellement les prélèvements s'élèvent à 21 000 mVjour. Bien que la piézométrie se


soit stabilisée, le biseau salé continue à progresser sur les deux littoraux. Cette avancée
a été confirmée par les sondages géoélectriques réalisés par le BRGM en 1987 sur un
profil Hann-Cambérène.

2.2. Nappe des sables quaternaires de la Presqu'île


Située dans les sables quaternaires s'étendant de la Patte d'Oie à Kayar, cette nappe dont
le potentiel exploitable est évalué à 47 000 mVjour, est exploitée par forages:
- Dans le secteur de Pikine-Thiaroye, depuis 1952, le pompage se situe à un rythme
de 1 5 000 mVjour pour l'alimentation en eau de Dakar (champ captant de Thiaroye).
Ce volume, ramené à 12 000 m3/jour en 1959, est passé actuellement à
10 400 m3/jour. Ce secteur de Thiaroye est caractérisé actuellement par:
une avancée du biseau salé au Nord (Cambérène-Guédiawaye) où le forage
SONEES-F1 ter a dû être abandonné, et au Sud dans la zone de Mbao où un
début d'invasion saline a été mise en évidence par sondages géoélectriques;
une forte pollution par des nitrates dans les zones urbaines de Pikine-Thiaroye.
L'urbanisation touche les zones d'alimentation de la nappe, réduisant de plus
en plus le taux de recharge par les pluies.
- Dans le secteur de Berr-Thialane, le pompage réalisé depuis 1976, à des fins
uniquement agricoles, fournit près de 9 000 m3/jour. Une invasion saline s'y
manifeste depuis 1987 et a entraîné l'arrêt d'un des forages (F5 situé non loin du
biseau salé).
Au total, près de 40 000 mVjour sont actuellement prélevés sur un potentiel exploitable
de 47 000 mVjour pour l'ensemble de la nappe. La baisse de la nappe enregistrée depuis
1976 est de l'ordre de 20 à 30 cm par an.

175
Ressources Côîières et Littorales du Sénégal

2.3. Nappe de Sébikotane


En 1959, face à l'accroissement des besoins en eau de Dakar et aux signes de surexploi
tation des nappes de Dakar, la nappe des calcaires paléocènes de Sébikotane fut mise en
exploitation, par forages, pour l' AEP2 de Dakar avec un volume de 30 000 mVjour ramené
à 25 000 mVjour en 1968 par suite d'une menace de salinisation à partir du Sud (secteur
de Panthior-Yenne). Depuis 1980 les prélèvements sont repassés à 31 000 mVjour,
entraînant une augmentation lente mais régulière de la salinité dans le secteur Sud avec
cependant un léger ralentissement dans celui de Panthior dû à la recharge saisonnière par
le barrage de Panthior réfectionné en 1987 par la DGRH3.
La nappe est surexploitée depuis plusieurs années: les ressources en eau exploitables sont
estimées à 20 000 mVjour alors que le volume pompé est de 3 1 000 mVjour.

2.4. Nappe du complexe Maestrichtien-Paléocène de Pout/Mbour


Suite aux menaces de salinisation de la nappe de Sébikotane, des forages furent égale
ment mis en exploitation dans le secteur de Pout pour l'AEP de Dakar à partir de 1965
au rythme de 9 000 puis 17 000 mVjour en 1968.
Actuellement l'ensemble des prélèvements (Dakar et autres) s'élève à 61 000 mVjour
contre un potentiel exploitable évalué à 58 000 mVjour. Là aussi, il y a nette surexploi
tation de la nappe mais l'on ne constate pas encore une invasion saline en dehors de la
zone côtière de la Somone.

2.5. Nappe des sables et calcaires du littoral Nord


Les sables dunaires et calcaires lutétiens entre Kayar et Saint-Louis contiennent une
nappe libre exploitée intensivement pour l'AEP de Dakar à partir de 1974. Les prélève
ments sont évalués actuellement à 100 000 mVjour dont 27 000 mVjour pour Dakar et
7 000 pour les ICS4.
Le niveau de la nappe ne baisse que lentement malgré le déficit pluviométrique des vingt
dernières années et une exploitation intensive entre Kelle et Kébémer d'une part et à
Toundé Thioune (Nord-Ouest de Mékhé) d'autre part:
- 15 cm/an dans les zones proches des gros centres de captage;
- 4 cm ailleurs.
Bien que non encore surexploitée, la nappe présente deux secteurs vulnérables qui font
l'objet d'une attention particulière de la part de la DGRH:
- la frange littorale entre Mboro et Potou;
- et la zone limitrophe du delta du fleuve Sénégal (Nord-Ouest de Louga) siège d'un
biseau salé situé en profondeur et où se trouvent des centres de captage appelés à se
développer (Ndiock Sall, Sam Ndiaye, Ngueune Sarr, etc.).

2 Approvisionnement en Eau Potable.


3 Direction du Génie Rural et de l'Hydraulique.
4 Industries Chimiques du Sénégal.

176
Problèmes des Nappes et des Eaux Usées à Dakar

3. POLLUTION COTIERE LIEE AU REJET D'EAUX USEES


DRAINEES PAR LES RESEAUX D'EVACUATION GERES
PAR LA SONEES

3.1. Configuration des réseaux d'eaux usées de Dakar

3.1.1. Historique et évolution


La topographie de la Presqu'île du Cap-Vert et l'orientation des pentes du plateau vers
la côte ouest ont été à l'origine de la configuration des réseaux d'assainissement tels
qu'ils se présentent actuellement.
Deux considérations ont orienté les prises de décision au moment de la mise en place des
réseaux.
a) Rejet des effluents vers la côte ouest compte tenu de l'existence de forts
courants marins favorisant la dispersion en mer des eaux usées qui y sont
rejetées.
b) Protection de la baie de Hann à cause de l'existence de faibles courants qui,
combinés à la faible profondeur des fonds marins, favorisent la formation de
dépôts et par conséquent la pollution.
Ce deuxième principe s'est matérialisé par le relèvement des eaux usées de la zone
industrielle et du port vers le réseau de la côte ouest pour éviter leur écoulement dans les
canaux d'eaux pluviales orientés vers la baie de Hann. Malheureusement ce principe de
séparation des Eaux Usées-Eaux Pluviales de cette zone a été de moins en moins respecté
par les riverains des canaux et principalement les industriels.
Par la suite, les études du plan directeur effectuées par NEDECO en 1973 ont été à la
base des plus importantes orientations en matière de rejet des eaux et de protection du
milieu marin. Les principales conclusions de l'étude sur les secteurs dotés de rejet ou
pouvant l'être en raison de l'extension de la ville sont résumées ci-après:
- Côte occidentale:
rejet directement à la côte à proscrire;
rejet en mer à faire par émissaire d'au moins 300 m.
- Côte septentrionale (Cambérène, Yoff, etc.):
rejet à la côte à proscrire;
rejet en mer des eaux brutes par émissaire de 2 300 m.
- Côte méridionale (baie de Hann et Rufisque):
rejet à la côte ainsi qu'en mer à proscrire.

3.1.2. Configuration du réseau actuel


Le Réseau Eaux Usées de Dakar est conçu pour déverser toutes les eaux usées de la ville
et du port vers l'Océan Atlantique à l'Ouest de la Presqu'île du Cap-Vert. C'est là en effet
que se jettent:
- le collecteur principal du Plateau;
- les collecteurs de la Médina;
- le collecteur de Hann-Fann;
- les systèmes autonomes de la plupart des établissements publics le long de la corniche.

P"
Ressources Côtières et Littorales du Sénégal

Sur la côte septentrionale, on note principalement le rejet des eaux traitées à la station de
Cambérène.

3.1.3. Evaluation des rejets


Le tableau ci-dessous donne les principaux rejets d'eaux usées de Dakar et leur charge
polluante.
A cela il faudra ajouter 35 000 mVjour d'eaux résiduaires rejetées sur la baie de Hann
par l'intermédiaire des réseaux Eaux Pluviales et les branchements pirates.

3.1.4. Problèmes posés par les rejets E.U. du réseau public


Sans préjuger des résultats de l'étude de réhabilitation, de protection et d'aménagement
des baies de Dakar entreprise par le BRGM5 pour le compte de la Direction de
l'Environnement, on peut affirmer qu'actuellement, à des degrés divers, les rejets d'eaux
usées en mer entraînent une importante dégradation du milieu marin tant sur le plan
écologique que sanitaire et même visuel. Il importe donc que des mesures préventives et
curatives soient prises.

Point de rejet Volume annuel DBO DCO MES


(m3) (tonnes) (tonnes) (tonnes)
Siphon pointe 6 millions 4 125 9 354 6 204
de Fann
Camp Lat-Dior 7 560 12 750 6 363
Départ Gorée 5,9 millions 2 507 3 280 2 023
Cambérène
rejet E. Traitée 1,3 millions 13 52 39
Cambérène
rejet E. Brute 0,04 millions 28 36 26

3.2. Mesures mises en oeuvre au niveau des réseaux


d'évacuation Eaux Pluviales-Eaux Usées
Hormis les actions de maintenance effectuées sur les installations de traitement et de
pompage, des actions ponctuelles ont été mises en œuvre dans le but d'éviter les rejets
directs à la côte. Mais il va de soi que le problème devra être réglé de façon plus globale,
dans le sens de ce que préconise l'étude sur la réhabilitation des baies. Toutefois, cette
étude devra être approfondie dans son aspect diagnostic ainsi que dans sa partie recom
mandations. Elle devrait proposer des solutions concrètes réalisables chaque fois que des
rejets sont détectés, après consultation avec tous les services impliqués dans le domaine
de l'assainissement et de la protection de la nature.
Les opérations effectuées sur le réseau d'évacuation d'eaux usées et dont l'influence se
fait sentir directement sur l'environnement des baies de Dakar peuvent se résumer à:

5 Bureau de Recherches Géologiques et Minières.

178
Problèmes des Nappes et des Eaux Usées à Dakar

- un projet complémentaire Canal Gueule-Tapée avec assèchement du canal IV;


- la récupération d'une partie des eaux rejetées par le collecteur principal (rejet Camp
Lat-Dior);
- la mise en place d'un système de rinçage du Canal Gueule-Tapée avec la récupération
des eaux usées pirates par la station de Soumbédioune et le pompage au syphon
(projet en cours);
- l'exécution de branchements sociaux dans le bassin versant de la Médina en vue
d'éviter les rejets d'eaux usées dans le réseau Eaux pluviales par les populations
dépourvues d'infrastructures d'assainissement.

4. MESURES PRECONISEES DANS LE PLAN DE STRATEGIE

4.1. BaiedeHann
C'est le secteur où la situation est la plus critique, c'est pourquoi le traitement de
l'ensemble des rejets constitue un impératifd'action pour la réhabilitation du milieu. Les
solutions préconisées pour les industries sont les suivantes:
- le repérage des branchements effectués sur le Réseau Eaux Pluviales ou directement
en mer;
- l'amélioration des technologies industrielles visant à réduire les flux polluants
rejetés;
- la valorisation et le recyclage des déchets solides et liquides;
- la mise en place de prétraitement d'élimination des produits toxiques résiduels ou
des polluants spécifiques de certaines entreprises.

4.2. Côte Nord


Secteur à vocation touristique, le plan de stratégie préconise une protection particulière
et vigilante. Tous les rejets sur ce littoral côtier devraient subir au minimum un traitement
identique à celui recherché à Cambérène.

4.3. Littoral et Pointe de Fann


Les relevés d'analyse bactériologique effectués le long de ce littoral indiquent la présence
d'une pollution bactérienne bien que des aspects favorables de courantologie aient
conduit à y implanter un rejet en mer. Un retour en côte d'une certaine partie de la
pollution dispersée ne semble pas exclu; c'est pourquoi la mise en place d'un traitement
préliminaire est à envisager.

4.4. Côte septentrionale


Il s'avère nécessaire de mettre en place un traitement tertiaire en vue de la réutilisation
des eaux usées ou de remettre en état le rejet en mer actuellement défectueux.

1 79
SIMULATION DE L'INTRUSION SALINE DANS
LA NAPPE DES SABLES INFRABASALTIQUES
DE DAKAR, SENEGAL

Cheikh Bécaye GAYE, Abdoulaye FAYE


Département de Géologie, Faculté des Sciences et Techniques,
Université Cheikh Anta Diop, Dakar, Sénégal

Résumé

Dakar, capitale du Sénégal, avec une population estimée à plus de 1,5 millions
d'habitants, tire l'essentiel (plus de 70%) de son eau potable de l'exploitation
d'aquifères répartis le long de la Presqu'île du Cap-Vert. La nappe infrabasaltique
semi-captive localisée sous la ville de Dakar, fournit environ 10% de la demande en
eau journalière qui dépasse 250 000 m3, et qui, du reste, n'est satisfaite qu'à hauteur
de 70 à 75%. La conjugaison de la sur-exploitation et de la sécheresse des vingts
dernières années a induit une intrusion d'eau saline en différents points de la nappe.
Un programme de surveillance de cet aquifère exécuté de 1987 à 1990 nous a permis
d'analyser l'évolution du biseau salé et de proposer un modèle de simulation du
fonctionnement du système en relation avec les contraintes climatiques et les condi
tions d'exploitation.

SIMULATION OF THE INTRUSION OF SALT IN THE


INFRA-BASALTIC SAND BODY IN DAKAR, SENEGAL

Abstract

Dakar, capital city of Senegal, with a population estimated at over 1,5 million
inhabitants, derives the main part of its drinking water (over 70%) from the
tapping of aquifers distributed along the Cap-Vert Peninsula. The semi-confined
infra- basaltic water body located under the city of Dakar provides about 10% of
the daily water requirement which exceeds 250 000 m3 and which is only satisfied
to the tune of 70 to 75%. Overtapping combined with the drought of the last
twenty years resulted in the intrusion of salt water in different points of the water
body.
A monitoring programme for this aquifer permitted us to analyse the evolution of the
salted edge and to propose a model of simulation of the functioning of the System in
relation to climatic constraints and tapping conditions.

181
Ressources Côtières et Littorales du Sénégal

INTRODUCTION
Dakar, capitale du Sénégal, constitue avec sa banlieue, une des plus grandes métropoles
de l'Ouest africain. Sa population répartie sur une aire de près de 50 km2, est estimée à
plus de 1 ,5 millions d'habitants, avec une forte densité au niveau de la tête de la Presqu'île
du Cap-Vert (figure 1).
L'approvisionnement en eau potable de cette agglomération est assuré pour l'essentiel
(plus de 70%) par l'exploitation d'aquifères répartis le long de la presqu'île. L'accrois
sement rapide de la population, avec l'arrivée massive de ruraux affectés par la sécheresse
persistante des deux dernières décennies, a provoqué une augmentation de la consom
mation d'eau qui dépasse 250 000 mVjour. Dans le même temps, une diminution de la
recharge des nappes est observée avec la baisse de la pluviométrie (figure 2). Il en découle
un déficit d'alimentation et une sur-exploitation des principaux aquifères en attendant la
réalisation du Canal du Cayor1. Cette situation a eu pour conséquence l'intrusion d'eau
saline en différents points des aquifères et le redéploiement des forages d'exploitation
loin de la ligne de rivage. Le présent travail précise l'impact de ce schéma d'exploitation
sur la nappe des sables infrabasaltiques.

1. CONTEXTE HYDROGEOLOGIQUE
La géologie de la Presqu'île est connue grâce aux nombreux sondages pétroliers et
forages hydrauliques. La coupe géologique type (figure 3) indique une formation
sableuse d'âge quaternaire reposant sur un substratum marneux tertiaire, elle même
surmontée, sur une partie de la ville de Dakar, par des produits volcaniques, définis
sant ainsi un aquifère captif, avec un toit et un mur. Le mur de l'aquifère, constitué
de marnes et argiles éocènes affecte la forme d'un plan incliné vers le Nord-Ouest,
passant d'une profondeur de 20 mètres au Sud, à plus de 75 mètres dans la zone de
Yoff-Cambérène au Nord. Le toit, formé par la base des produits du volcanisme des
Mamelles, présente une allure irrégulière; cette base se situe dans la partie Ouest bien
au-dessous du niveau de la mer (-65 m au Fort A) alors qu'elle est au-dessus du niveau
de la mer dans la partie orientale (+10 m au Front de terre). La couverture basaltique
disparaît progressivement vers l'Est de la presqu'île. L'aquifère est constitué de
sables fins à moyens non consolidés, dont l'épaisseur varie très rapidement, suivant
en cela les variations de profondeur du toit et du mur (figure 3); elle atteint 75 m au
Nord pour une moyenne de 30 m sur le reste. La perméabilité de ces sables est estimée
en moyenne à 1,2.10"* m/s (O.M.S., 1972; GAYE, 1980). Pour les basaltes, GAYE
et al. (1980) considèrent des conductivités hydrauliques verticale (Kv) de
5.10"5 m/s et horizontale (Kh), de 10"5m/s.

1 Projet de conduite d'eau destinée à approvisionner Dakar, à partir du lac de Guiers, vers
1996.

1X2
Simulation de l 'Intrusion Saline

-j—i—i—i i » ■ -i—l i ■ i
20 40 60 eo
TEMPS EN ANNEES

Figure 2 Evolution de la pluviométrie à Dakar entre 1921 et 1988

183
Ressources Côtières et Littorales du Sénégal

184
Simulation de l 'Intrusion Saline

2. SURVEILLANCE DE LA NAPPE INFRABASALTIQUE


Dès la mise en service des ouvrages d'exploitation en 1925, la nappe infrabasaltique a
commencé à faire l'objet d'une surveillance poussée, avec mesures périodiques de niveau
piézométrique et échantillonnage pour analyses chimiques. Le réseau actuel comprend
une vingtaine de points, dont huit forages actifs et douze ouvrages qui sont soit des
piézomètres simples ou doubles ou des forages abandonnés (figure 4).

3. PIEZOMETRIE DE LA NAPPE
L'allure de la surface piézométrique est relativement complexe (figure 5), avec une
dépression axée autour des principaux ouvrages d'exploitation, dans la partie centrale de
la nappe. A côté de cette dépression, se trouve un dôme hydraulique correspondant à une
zone d'infiltration, à la limite de la couverture volcanique. Les fluctuations piézométri-
ques saisonnières indiquent une remontée de l'ordre du mètre entre juin et septembre,
suivie d'une baisse lente qui se poursuit pendant la saison sèche (GAYE, 1980). La
réaction à l'alimentation se fait sentir plus rapidement dans la partie libre de la nappe
qu'au niveau de la zone à couverture volcanique où l'infiltration est retardée. Cependant
l'évolution à long terme montre une baisse continue des niveaux depuis 1975 (SONEES,
1986), cette baisse étant de l'ordre du mètre par an.

4. POSITION DU BISEAU SALE


La présence d'eau à fortes concentrations en chlorures dans certains ouvrages constitue
des indices d'intrusion d'eau salée au niveau des bordures occidentale et méridionale de
la tête de la presqu'île (figure 5). Dans la zone du centre de captage de Hann, à l'Est, la
cloche salée, à l'origine de l'arrêt des pompages dans ce secteur dès les années 1960
(MARTIN, 1970), ne s'est pas encore totalement estompée (THERRIEN et al., 1991).
L'intrusion saline semble être limitée à proximité du rivage, bien qu'il soit nécessaire de
renforcer la densité du réseau pour tracer de façon précise l'avancée du biseau.

5. QUALITE DE L'EAU
Dans l'ensemble l'eau de la nappe est de bonne qualité et les contaminations anthropo-
géniques restent très faibles, malgré le taux élevé d'urbanisation des dernières années.
La salinité moyenne de l'eau pompée de la nappe infrabasaltique est restée relativement
constante pendant ces 10 dernières années, ce qui est tout à fait surprenant si l'on
considère par ailleurs la baisse des niveaux piézométriques. Ceci ne doit pas être
interprété comme une stabilisation du biseau salé, mais plutôt comme le résultat d'une
localisation judicieuse des captages au centre de l'aquifère, à plus de 4 km du rivage en
moyenne. En réalité, la salinité a augmenté dans certains ouvrages installés sur le littoral;
ainsi, le puits Km 5 reste encore salé suite à l'avancée du biseau dans le secteur Ouest
vers les années 1960.

185
Ressources Côtières et Littorales du Sénégal

Figure 5 Carte piézométrique de l'aquifère infrabasaltique

ISOCHLORES 50%
- bum

-30
\
A B C FDE

1
0 500 1000 1500 2000m
DISTANCE AU RIVAGE

Figure 6 Position de la langue salée déterminée par le calcul

I86
Simulation de l 'Intrusion Saline

6. MODELISATION NUMERIQUE
Un modèle numérique a été utilisé pour analyser le comportement de l'aquifère infraba-
saltique dans des conditions variables d'exploitation et d'alimentation (OUELLET,
1988). Plusieurs simulations ont été effectuées pour évaluer l'inertie du système. On a
surtout voulu étudier les mouvements relatifs de l'interface eau douce/eau salée en
fonction des différentes contraintes; c'est le programme USGS-SUTRA, décrit par
VOSS (1984), qui a été utilisé. Ce modèle à deux dimensions utilise la méthode des
éléments fins pour simuler un écoulement à densité variable et le transport de l'ensemble
des solides dissous au sein du milieu poreux. Les deux variables fondamentales de ce
modèle sont la pression du fluide et la concentration de l'ensemble des solides dissous
exprimés comme une fraction de la masse du fluide.
Un maillage d'éléments finis comprenant 2 717 éléments et 2 976 nœuds a été utilisé
pour discrétiser une section en coupe de l'aquifère, sur une longueur de 9 800 m, avec
une épaisseur de 80 m. Le maillage est plus fin aux extrêmités pour rendre compte des
plus forts gradients de pressions et de concentrations dans ces zones de contact.
Les conditions suivantes ont été retenues:
- une condition de NEUMANN (flux nul) est imposée à la base du maillage pour
indiquer que le mur argileux est imperméable;
- sur les extrémités du maillage, une pression hydrostatique qui correspond à la
concentration de l'eau de mer est imposée (condition de DIRICHET);
- un flux d'entrée qui simule le flux net de recharge (infiltration volume d'eau pompé)
est imposé sur toute la surface au niveau des mailles supérieures;
- en vue de simuler le transport de masse, il est nécessaire de fixer la concentration
initiale dans l'eau d'infiltration (résidu sec); celle-ci correspond à la teneur en sels
minéraux de l'eau douce dans la région qui est de l'ordre de 60 mg/1;
- de même l'on considère que l'eau entrant par les limites à potentiel imposé a la
concentration de l'eau de mer, soit 35 700 mg/1, tandis que l'eau qui s'échappe par
ces mêmes limites a une concentration égale à celle calculée par le modèle;
- il est également considéré qu'aucun échange de matière avec le substratum ne se
produit.

7. DISCUSSIONS ET CONCLUSION
Plusieurs simulations ont été effectuées sur la base des données du tableau 1 indiquant
les conditions d'exploitation de la nappe depuis la mise en service des premiers forages.
Les résultats pour la zone de Yoff, située au Nord-Ouest de la presqu'île sont donnés par
la figure 6, avec la position calculée à l'issue de chaque phase de simulation (A à F du
tableau 1) de l'isochlore 50%, définie comme un mélange à parts égales d'eau douce et
d'eau de mer.
A une phase de sur-exploitation de la nappe correspond une avancée rapide de l'interface
eau douce/eau salée vers l'intérieur des terres, ainsi qu'on peut l'observer pour les
périodes de 1 947 à 1 959 et de 1 973 à 1 987 (courbes B et D, figure 6). La vitesse à laquelle
l'intrusion progresse varie de 65 m/an entre 1947 et 1959, à 35 m/an pour la période
1973-1987; l'effet cumulé est une avancée du biseau salé sur plus de 1000 m.

187
Ressources Côtières et Littorales du Sénégal

Tableau 1 Evolution de l'exploitation de la nappe infrabasaltique

Période Infiltration Taux de Bilan


pompage
(m3/j) (nrVj) (m3/j)

A 1925-1946 18 000 12 000 +6 000

B 1947-1959 18 000 24 000 -6 000

C 1960-1972 18 000 18 000 0

D 1973-1987 12 000 18 000 -6 000

E 1988-1993a 12 000 12 000 0

F 1988-1993 b 12 000 9 000 +3 000

En cas d'équilibre entre les pompages et l'infiltration (période 1960-1972), la progres


sion du front salé n'est pas arrêtée; elle est seulement ralentie avec une vitesse de l'ordre
de 5 m/an. Une stratégie de gestion de l'aquifère basée sur un équilibre entre les apports
et les sorties ne sera pas donc tout à fait satisfaisante, car provoquant une poursuite de
l'avancée du biseau (courbe E, figure 6). Seule une diminution des taux de pompage peut
provoquer un recul du biseau ou à la limite sa stabilisation (courbe F, figure 6).
Malheureusement face à l'important déficit actuel, la Société Nationale d'Exploitation
des Eaux du Sénégal (SONEES) est obligée de poursuivre l'exploitation de la nappe au
moins en régime d'équilibre, ce qui ne provoque pas à court terme une dégradation de
la qualité de l'eau et semble constituer une solution intérimaire acceptable en attendant
la construction du Canal du Cayor.
Il serait très difficile de maintenir cet équilibre si le déficit pluviométrique enregistré au
cours des dernières années se poursuit. Toutefois une sur-exploitation induisant une
avancée du biseau de 35 m/an pourrait être envisagée pendant quelques années, à
condition de concentrer les forages au centre de la Presqu'île. Une fois que le Canal sera
opérationnel, il sera alors possible de réduire les pompages de façon à provoquer un recul
du biseau.
Globalement, même si la nappe infrabasaltique ne fournit que 10% environ de l'eau
consommée à Dakar, du fait de sa proximité, elle constituera encore une importante
source d'appoint pour l'approvisionnement en eau de la ville de Dakar, et mérite à ce
titre d'être préservée.

188
Simulation de l 'Intrusion Saline

REMERCIEMENTS
Les auteurs expriment toute leur reconnaissance au Centre de Recherches pour le
Développement International (Bureau de Dakar) qui a bien voulu financer les travaux de
recherches du programme "Nappes Salées" et adressent leurs sincères remerciements à
leurs collègues de l'Université de Laval pour leur amicale collaboration.

REFERENCES BIBLIOGRAPHIQUES
GAYE, C.B. (1980). Etude hydrogéologique, hydrochimique et isotopique de la
nappe infrabasaltique de la Presqu'île du Cap-Vert (Sénégal). Thèse 3ème
cycle, Univ. Dakar, 131p.
GAYE C.B., GELINAS, P., FAYE, A., OUELLET, M. and THERRIEN, P. (1989).
Groundwater planning and management in coastal areas. The case history of
Dakar, Senegal. Recent Advances in Groundwater Hvdrology: Amer. Inst.
ofHvdrology, pp. 238-245.
MARTIN, A. (1970). Les nappes de la Presqu'île du Cap-Vert. Leur utilisation pour
l'alimentation en eau de Dakar. Publ. BRGM/Fac. Dakar, 49 p.
O.M.S. (1972). Etude des eaux souterraines du Sénégal. Projet SEN-3201, tome 1
(nappe infrabasaltique), 104 p.
OUELLET, M. (1988). Analyse par éléments finis d'une intrusion saline à Dakar
(Sénégal). Maîtrise Se, Univ. Laval, Québec, 59 p. + annexes.
SONEES (1986). Renforcement de l'approvisionnement en eau de la région de Dakar
1986-1991, phase intérimaire. Rapp. SONEES, Dakar, tome 1.
THERRIEN, P., GAYE, C.B., GELINAS, P., OUELLET, M., FAYE, A. (1991).
Exploitation et gestion des aquifères côtiers: le cas des nappes de la
Presqu'île du Cap-Vert, Sénégal. Congrès Mondial des Ressources
en Eau ", Rabat, Résumés, pp. 29-3 1 .
VOSS, C. I. (1984). SUTRA: A finite element simulation model for
saturated-unsaturated fluid density dependent groundwater flow with energy
transport or chemically reactive single species solute transport. U.S.G.S.,
Water Res. Invest. Rep., 84-4369, 409 p.

189
LA GESTION DES RESSOURCES DU TERROIR DE
KAYAR

Rokhaya D. FALL, Ousmane FALL


Ministère du Développement Rural et de l'Hydraulique,
Direction de l'Agriculture, Bureau Pédologie du Sénégal

Résumé

La gestion des ressources côtières et littorales constitue un élément fondamental dans le


développement économique du Sénégal compte tenu des potentialités énormes que recèle
cette partie du pays.
Cependant, à l'exemple du terroir de Kayar, qui a fait récemment l'objet d'une étude
agro-pédologique détaillée par le Bureau Pédologie du Sénégal, des menaces réelles de
déséquilibre de l'environnement existent, et sont même directement lisibles sur les
photographies aériennes de la zone.
Dans la perspective d'un développement durable de ces ressources essentiellement
halieutiques et maraîchères, la mise en œuvre d'une politique intégrée reste une
urgence.
En particulier, les mesures immédiates suivantes sont indispensables:
- fixation des dunes pour éviter l'ensablement des espaces interdunaires à vocation
agricole;
- protection par endiguement de la niaye pour réduire la salinisation.
Par ailleurs, la sécurisation et l'augmentation de différentes productions ne peuvent se
faire sans la modernisation des techniques d'exploitation et la valorisation des impor
tantes réserves de tourbe et des résidus de diverse nature pour produire les énormes
quantités de matière organique devant sous-tendre la fertilisation des sols sableux et
pauvres du terroir.

MANAGEMENT OF THE RESOURCES OF THE LOCALITY OF


KAYAR

Abstract

The management of coastal and littoral resources is a key element in the economic
development of Senegal, considering the enormous potentials held by this part of the
country.
However, as shown by the example of the locality of Kayar, which recently has been the
object of a detailed agro-pedological survey by the Pedology Office of Senegal, there are
real threats of environmental imbalance as can be seen even on the aerial photos of the
area.

191
Ressources Côtières et Littorales du Sénégal

From a sustainable development perspective ofthese resources which are essentially fish
products and market gardening products, the implementation of an integrated policy is
still urgently needed.
In particular, the following immediate measures are required:
- stabilisation of dunes to avoid the sanding up of inter-dune spaces utilized for
agriculture;
- protection of the Niaye by embankment to reduce salinization.
Furthermore, to secure and increase different productions it is necessary to modernize
the exploitation techniques and to exploit the considerable peat reserves and the different
wastes, in order to produce the enormous quantities of organic matter that must support
the fertilization of the poor and sandy soils of the locality.

INTRODUCTION
Les ressources côtières et littorales constituent une composante majeure de l'économie
nationale sénégalaise. La tendance à la croissance de cette composante pourrait
continuer si sa gestion était plus rationnelle et les techniques mises en œuvre plus
compétitives.
Les produits de la pêche et du maraîchage, essentiels dans le secteur primaire,
rencontrent des problèmes sérieux dès qu'il s'agit de passer du primaire au secondaire
par leur transformation; il en est de même pour le passage au secteur tertiaire
(écoulements et transactions).
Cette étude conduite par le Bureau Pédologie du Sénégal analyse succintement la
situation de la gestion actuelle des ressources du terroir de Kayar et recense quelques
directions fondamentales pour améliorer cette gestion.

1. PRESENTATION DU TERROIR
Le terroir de Kayar, situé à 14°55' de latitude Nord et 17°07' de longitude Ouest, couvre
une superficie d'environ 1 592 ha et fait partie de la Communauté Rurale de Djinder,
arrondissement de Pout, département de Thiès. Kayar se trouve sur le littoral à 58 km au
Nord-Est de Dakar.
Le recensement de 1988 donne pour Kayar une population autochtone de 7 000
habitants composée essentiellement de Lébous. Il s'y ajoute des saisonniers guet-
ndariens et cayoriens dont le nombre (2 000 à 2 500) est fonction des mouvements
saisonniers.
Le climat de Kayar est de type subcanarien du fait de sa position littorale et de l'influence
de l'alizé maritime. Pendant la saison des pluies ou hivernage, la mousson du Sud-Ouest
apporte la pluie dont le volume réparti sur 3 mois (juillet, août et septembre) est en
moyenne de 367,8 mm/an. La température moyenne des dix dernières années est de
24,4°C avec un minimum de 1 7,2°C en janvier et un maximum de 30,3°C en septembre.
L'humidité relative moyenne est de 75,4%, la vitesse du vent de 4,3 m/s et l'insolation
de 7,6 h/j. L'évapotranspiration potentielle calculée à l'aide de la formule de PENMAN
donne un total annuel de 2 259,3 mm.

192
La Gestion des Ressources du Terroir de Kayar

Le terroir de Kayar se caractérise également par son relief accidenté et extrêmement


varié, donnant ainsi naissance à des unités géomorphologiques bien distinctes. Une
coupe transversale Ouest-Est de la zone permet de distinguer six grands ensembles:
- la mer (océan atlantique);
- la plage;
- les dunes blanches nues et fortement ondulées;
- les dunes littorales fixées par des filaos;
- la dépression interdunaire (ou Niayes);
- les dunes intérieures semi-fixées avec des espaces interdunaires.
Chacun de ces domaines du terroir est le théâtre d'activités économiques plus ou
moins intenses selon la période de l'année. Il s'agit:
- de la pêche et de la transformation du poisson;
- du maraîchage et de la cueillette des produits forestiers;
- de l'élevage de bétail et de l'aviculture.

2. POTENTIALITES PRODUCTIVES DU TERROIR ET


INCIDENCES SOCIO-ECONOMIQUES

2.1. Ressources animales

2.1.1. La pêche
La pêche constitue l'activité prépondérante et la principale source de revenus des
populations de Kayar. En effet, la campagne de pêche qui s'étale sur 6 mois, de
novembre/décembre à avril/mai mobilise la presque totalité des jeunes pour les
sorties en mer et des femmes qui assurent la transformation et l'écoulement du
poisson.
Les pêcheurs, tout comme les femmes et les mareyeurs, se sont constitués en
Groupements d'Intérêt Economique (GIE). D'autres personnes bénéficient des re
tombées de la pêche en s'occupant d'activités annexes; ce sont:
- les fabricants de paniers servant à l'emballage du poisson;
- les colporteurs pour le transport du poisson;
- les vendeurs et les casseurs de glace;
- les gérants des stations d'essence.
La production totale annuelle s'élève à environ 13 000 tonnes, toutes espèces
confondues, soit 20% des débarquements totaux de la région de Thiès et 12% de la
pêche artisanale sénégalaise. Cette bonne production s'explique par les nombreux
atouts dont dispose la pêche au niveau de Kayar:
- une population jeune, active et expérimentée dans le domaine de la pêche
artisanale, sensible au progrès technologique;
- une richesse en poissons, surtout pélagiques côtiers;
- un grand centre d'attraction où l'on trouve des populations venant du reste du
Sénégal et même des pays limitrophes;
- une vaste frange maritime pouvant abriter notamment une criée;
- un centre proche de Dakar (gros marché d'écoulement de la production).

193
Ressources Côtières et Littorales du Sénégal

En l'absence d'infrastructures de conservation adéquates, la transformation du pois


son devrait jouer un rôle capital dans la valorisation des produits halieutiques.
Cependant, les techniques actuellement utilisées sont très artisanales et ne répondent
pas aux capacités d'absorption réelles du marché national.
Cette situation a des répercussions néfastes sur l'environnement par la création de
déchets provenant à la fois du poisson invendu et des restes de poissons fumés; la
quantité de déchets est estimée à 1,5 t/j en pleine période de pêche.
Il est également important de noter que la campagne de pêche coïncide avec la période
de production maraîchère, ce qui ne manque pas de poser un problème de répartition
de la main d'œuvre entre ces deux activités essentielles. Par contre en hivernage, les
activités de pêche diminuent créant en conséquence un sous-emploi au niveau des
jeunes.

2.1.2. L'élevage
Au niveau du terroir de Kayar, l'élevage, qui est de type traditionnel extensifpur, occupe
la troisième place après la pêche et le maraîchage aussi bien en ce qui concerne les
populations employées que les revenus.
L'élevage bovin (nombre de têtes estimé à 1 600) est pratiqué par deux groupes
d'éleveurs:
- le groupe d'éleveurs wolof - lébou - sérère: grands éleveurs pour la plupart. Les
animaux confiés aux bergers peul sont un moyen de thésauriser le surplus financier
dégagé au niveau des autres secteurs d'activité;
- le groupe d'éleveurs peul: ces petits propriétaires qui vivent les dures réalités
pastorales du village, tirent l'essentiel de leurs revenus de l'activité d'élevage.
A l'exception de quelques petits troupeaux conduits par les Peul pour le compte
généralement de plusieurs propriétaires, l'élevage des petits ruminants (environ 500)
reste encore un élevage de case, se résumant à quelques têtes par concession, mais
cependant pratiqué par la presque totalité des habitants du village. Les animaux laissés
en divagation pour la plupart contribuent à l'insalubrité du village.
Contrairement à ce qui se passe dans le reste de la zone des Niayes, l'aviculture qui est
encore de type traditionnel, est très peu pratiquée au niveau du village et se réduit aux
besoins de consommation.
Le long des Niayes, 276 fermes ont été recensées par AVICAP en 1988, avec une
production de 3 000 à 4 000 tonnes par an de fientes de volailles. Ces déchets vendus 5 à
1 0 F CFA/kg constituent une source importante de matière organique riche en azote et
en phosphore pouvant contribuer au développement du maraîchage.

2.2. Ressources forestières


A la suite du projet "PL 480" (4 220,5 ha reboisés entre 1981 et 1988), l'ORSTOM et
le Projet "Conservation des Terroirs du Littoral" (CTL) mènent respectivement depuis
quelques années des activités de recherche et de reboisement dans le but de la fixation
des dunes littorales.

194
La Gestion des Ressources du Terroir de Kayar

D'autre part, le projet "Village pilote" qui intervient dans la zone depuis quelques
années envisage, en rapport avec le CTL, la mise en place de pépinières villageoises
destinées au lancement d'actions de reboisement communautaire, impliquant ainsi les
populations dans la maîtrise de leur environnement.
Certaines espèces forestières naturelles du terroir constituent une source de revenus non
négligeable par la commercialisation de leurs fruits comestibles. Ces espèces en voie de
disparition du fait de la sécheresse méritent d'être régénérées en les intégrant dans les
programmes de reboisement. D'autres encore sont connues pour leurs propriétés médi
cinales.
Pour ce chapitre, nous renvoyons le lecteur à l'exposé relatif aux activités forestières du
littoral.

2.3. Potentialités agricoles du terroir

2.3.1. Caractéristiques agro-climatiques


L'analyse des facteurs climatiques intéressant le terroir permet de définir les principales
caractéristiques agroclimatiques de la zone. Celles-ci sont résumées dans le tableau l.
La longueur de période de croissance qui est de 72 jours tout comme la pluviométrie
réelle, environ 360 mm/an, constituent une contrainte pour les grandes cultures prati
quées au Sénégal, à savoir mil et arachide. Un complément d'irrigation est donc une
nécessité absolue pour toutes cultures d'hivernage envisagées dans cette zone.

2.3.2. Les sols


L'étude agro-pédologique au 1/20.000 du terroir réalisée par le Bureau Pédologie du
Sénégal à la demande du projet Village Pilote a permis de cartographier et de caractériser
les différents types de sols corrélés aux grandes unités géomorphologiques (tableau 2).
- Les sols de dunes: ils couvrent au total 70 1 ,50 ha, soit 44% des terres du terroir.
Leurs caractéristiques principales sont des pentes fortes pouvant dépasser 35%, une
texture sableuse dans.tout le profil, des teneurs insignifiantes en élements nutritifs.
- Les sols des espaces interdunaires occupent 374,1 ha, soit 23,5% du terroir. Leur
texture quelque peu améliorée dans les horizons de surface reste sableuse en
profondeur même si le drainage s'y trouve être réduit comme en atteste les tâches
d'oxydo-réduction observables dans le profil. Le relief y est quasi-plat sauf lorsqu'il
est associé à des dunettes à pente faible. La teneur en éléments fertilisants, la matière
organique en particulier, demeure faible malgré la couverture herbacée non négli
geable et la longue pratique maraîchère. Cependant la facilité d'accès à la nappe
phréatique dont la profondeur varie entre 3 et 7 m donne à ces sols une qualité certaine.
- Les associations de dunes et interdunes couvrent 165,9 ha soit 10,4% du terroir.
- Les niayes: dépression interdunaire sablonneuse située à l'arrière des dunes litto
rales, les niayes de Kayar renferment trois grands types de sols:
Des sols tourbeux qui couvrent 1 2,7 ha et sont inondés en hivernage, mais qui,
en saison sèche voient la nappe phréatique descendre jusqu'à 50 sinon 100 cm.
L'horizon organique limoneux, très acide, de 50 à 70 cm d'épaisseur repose
sur du sable.

195
Ressources Côtières et Littorales du Sénégal

Tableau 1 Caractéristiques agro-climatiques du terroir de Kayar

Période de croissance Régime hydrique Régime thermique


période de croissance
Début Fin Long Pér. Ann. Pér. Pér. Rap. Temp. Insol. Humid.
hum. crois. hum. pluv. moy. rel.
ET.
Déc. D. j- j- mm mm mm °C h/j
3/7 1/10 72 0 426.2 368.8 0 0 27.6 7.3 79,6

Tableau 2 Résumé des principales caractéristiques physico-chimiques des sols de


Kayar
Types Profondeur Texture
Matière Somme CEC pH Conductivité
de sols organ. des eau électrique
bases (1/5 nmhos/
(cm) (meq/100) (meq/100) (meq/100) ca)
Dunes 0-8 sableuse 0,29 12,09 5,12 7,2
8-60 sableuse 0,16 0,56 0,83 6,7
60-150 sableuse 0,30 0,25 6,2
Espaces 0-30 sablo-
interdunaires limoneuse

30-58 sableuse 0,16 0,20 0,53 5.0


58-150 sableuse 0,15 0,33 5,1
Sols 0-30 limoneuse 0,17 0,85 0,88 5,9 0,029
tourbeux
30-70 limoneuse 8,83 31,10 54,44 1.8 10,170
>70 sableuse 1,90 0,50 4,4
Sols 0-8 limon fin 15,33 231,14 148,52 5,4
salés
8-25 limon fin 19,20 311,68 40,39 4.3
25-45 limon fin
45-67 limoneuse 87,13 18,85 2.5
67 - 100
limoneuse 25,97 3,1
Sols 0-20 limono- 2,12 47,35 1,80 9,1 3,260
humifères sableuse
20-50 sableuse 0,49 11,37 5,12 9,2 0,290
50-95 sableuse 2,31 1,73 7.8
95-120 sableuse 3,47 2,06 2,7

196
La Gestion des Ressources du Terroir de Kayar

Des sols salins d'une superficie de 3 1,9 ha correspondant à la zone d'accumu


lation des eaux de ruissellement (lac). En saison sèche, l'eau s'évapore pour
laisser une croûte saline donnant l'aspect d'un tanne.
Des sols humifères qui correspondent à la partie longitudinale des niayes; cette
partie comprend un chenal de 25,2 ha entouré d'une plaine fluvio-marine de
96,1 ha délimitée par une végétation de palmiers à huile. Du fait de la nappe
phréatique subsuperficielle (profondeur <2 m), ces sols restent humides, voire
saturés pendant toute l'année et sont par conséquent cultivés sans complément
d'irrigation.

2.3.3. Aptitude des terres


2.3.3.1. Occupation et utilisation actuelle des terres
Du point de vue de l'occupation des terres, le terroir de Kayar peut-être subdivisé en cinq
domaines:
- le domaine maritime (mer et plage);
- le domaine littoral reboisé en partie en filaos;
- le domaine maraîcher regroupant les niayes non salées et les espaces interdunaires;
- une zone d'élevage sur les dunes intérieures semi-fixées;
- et une zone d'habitation, village de Kayar, encaissée entre l'aval des niayes et la
plage.
Sur les 1 592 ha du terroir, on considère que 389,3 ha sont cultivés, dont 166,8 ha en
terres des niayes, soit 1,5% du terroir et 222,5 ha en sols dior (espaces interdunaires),
soit 14% du terroir.
Cependant, si la totalité des sols des niayes sont cultivés tout le temps, il n'en est pas de
même des sols dior qui ne le sont que partiellement dans l'année.
Les cultures pluviales (mil, niébé, maïs, etc.) se pratiquent encore mais sur des superficies
insignifiantes. La culture du riz qui se faisait sur une grande échelle a presque disparu à
cause des nombreuses sécheresses. L'arboriculture fruitière également n'est pas très
développée par rapport à la zone des niayes en général.
La principale activité agricole à Kayar demeure alors le maraîchage qui se pratique
pendant toute l'année. Les principaux types de culture concernés sont: la pomme de terre,
le choux, l'oignon (blanc et rouge), la patate douce, la tomate, le navet, l'aubergine
(douce et amère), le piment, la carotte, le gombo, le concombre, le melon, la citrouille,
les haricots verts, la courgette, etc.
Le système d'exploitation est de type traditionnel amélioré par l'utilisation d'engrais
minéral et de produits phytosanitaires; les techniques culturales restent tout de même
archaïques. La rotation est bi-annuelle ou tri-annuelle selon le cas. Les cultures maraî
chères de type européen (oignon, pomme de terre, chou, etc.) ne sont pas pratiquées en
hivernage.
Le tableau 3 donne une estimation de la production maraîchère du terroir pour les
principales spéculations.
On estime que, pour les trois récoltes de l'année, la première est la plus importante, la
deuxième représente les 3/4 de celle-ci et la troisième récolte, qui se situe en hivernage,
la moitié de la première.

197
Ressources Côtières et Littorales du Sénégal

Tableau 3 Productions et rendements estimés des principales cultures en 1988


(source: Projet Village Pilote)

Spéculations Production annuelle en tonne Rendement/ha-tonnes/ha


1èr" récol. 2ème récol. 2ème récol. Total Obtenus en Normes
janv.-fév. mai-juin août-sept. moyenne
Pomme de terre 410 307 205 922 16 15-25
Oignons 470 352 235 1 057 20 30-70
Choux 500 375 250 1 125 17 10-20
Carotte 137 103 68 308 15 20-25
Navet 125 03 62 280 15 20-30
Piment 7 S 3 15 2 4-10
Tomate de table 107 80 53 241 18 5-30

2.3.3.2. Aptitude actuelle et potentielle


L'étude agro-pédologique du terroir de Kayar a permis de distinguer 15 unités cartogra
phiques. Celles-ci ont été évaluées pour les différentes spéculations actuellement prati
quées ou susceptibles d'être envisagées dans la zone. Le résultat de cet exercice est
présenté dans le tableau 4 dont les paramètres sont définis comme suit:
Classes d'aptitude:
SI: terres très aptes
S2: terres moyennement aptes
S3 : terres marginalement aptes
N 1 : terres actuellement inaptes
N2: terres définitivement inaptes
Sous classes d'aptitude (contraintes):
C: climat
W: aération
n: nutrition
nl: nutrition
n2: somme des bases échangeables
n3: pH
n4: teneur en matière organique
t: texture
e: pente et érosion
s: salinité
r: rétention et besoin en eau.
Remarque: Les associations dunes/interdunes ne sont pas prises en compte ici.

198
La Gestion des Ressources du Terroir de Kayar

Selon la nature et la sévérité des contraintes de mise en valeur décelées, les recomman
dations suivantes peuvent être formulées en vue d'une gestion rationnelle des terres de
Kayar:
- Certaines dunes à pente faible peuvent être mise en valeur après amélioration de leur
statut nutritionnel. Par contre, pour le respect de l'équilibre de l'environnement, il
n'est pas recommandé de cultiver sur les dunes à pente forte (>8%). Celles-ci devront
plutôt être reboisées pour éviter l'ensablement des espaces interdunaires voisins.
- Du fait de leur texture sableuse, l'amélioration de la productivité des sols des espaces
interdunaires passe forcément par des apports importants de matière organique, sous
forme de fumier ou de compost devant soustendre leur fertilisation. D'autre part,
pour sécuriser la production, des efforts doivent être faits pour une plus grande
maîtrise de l'eau grâce à la modernisation des techniques d'exhaure et d'irrigation.
- Les principales contraintes des sols de niayes sont: la salinité, les engorgements
temporaires et l'acidité:
le drainage de la plaine fluvio-marine peut se faire en utilisant le chenal des
niayes comme drain collecteur, ce qui abaissera en même temps la nappe
phréatique à un niveau raisonnable;
l'acidité des sols peut être sensiblement améliorée par des amendements
organiques et calciques;
des mesures de protection des zones moins salées des niayes contre l'avancée
des tannes sont urgentes; par endiguement par exemple;
en ce qui concerne les cultures sous pluie, seul le mil peut être envisagé avec
des chances de réussite, vu les conditions climatiques de la zone.

3. STRATEGIES DE GESTION DES RESSOURCES DU TERROIR


POUR UN DEVELOPPEMENT DURABLE
L'analyse prospective des potentialités du terroir de Kayar fait état de la grande diversité
des ressources naturelles disponibles. Cependant, les activités productives qui y sont
menées ne sont pas sans incidence sur l'environnement. Ainsi, pour répondre au souci
d'un développement durable, une stratégie globale de gestion des ressources du terroir
s'impose. Elle implique les mesures et actions suivantes:
- l'amélioration des techniques de stockage et de transformation des produits halieu
tiques grâce à des recherches appliquées sur le séchage et le fumage;
- la mise en place de dispositifs appropriés le long de la plage pour faciliter la
récupération des déchets de poissons en vue de leur recyclage;
- l'aménagement d'espaces pour le parcage des animaux, ceux élevés à domicile en
particulier, ce qui permettrait de produire du fumier et de s'acheminer vers la mise
en place de véritables étables;
- le développement de l'aviculture (création de GIE) en vue de résorber le chômage
des jeunes;
- les fientes de volaille associées aux autres déchets, compostées ou non, qui peuvent
considérablement contribuer à la fertilisation des périmètres maraîchers et même
représenter une source d'emplois très lucratifs;

199
Ressources Côtières et Littorales du Sénégal

- des actions de conservation des sols par la poursuite de la fixation des dunes
littorales, le reboisement des dunes intérieures pour la protection des zones de
cultures contre l'ensablement, la lutte contre la salinisation des niayes, etc.;
- en somme, une meilleure intégration des activités agricoles, de foresterie, d'élevage
et de pêche par la mise au point de techniques agro-sylvo-pastorales aptes à conserver
l'équilibre de l'environnement.

CONCLUSION
Le développement durable et productif des zones côtières et littorales du Sénégal passe
par une meilleure gestion de leurs ressources.
La base stratégique de gestion de celles-ci est l'intégration harmonieuse des différentes
activités dans l'espace réduit que constituent la côte et le littoral.
La stabilité et la prospérité de l'une de ces activités, sources de revenus, sont liées à
l'équilibre et au développement des autres. Ainsi, l'accumulation des déchets de poissons
ou de l'aviculture influe négativement sur l'environnement; par contre, la transformation
et Y utilisation de ces déchets dans les cultures, libérent la plage au profit de la pêche et
apportent des fertilisants nécessaires aux terres.

200
LA FIXATION DES DUNES AU SENEGAL

Babacar DIA
Ministère du Développement Rural et de l'Hydraulique,
Projet Conservation des Terroirs du Littoral (CTL Nord),
Direction des Eaux, Forêts et Chasses, Dakar, Sénégal

Résumé

La désertification est l'aboutissement d'un long processus. Elle constitue une menace
sérieuse pour notre environnement.
La zone des Niayes, lieu de prédilection de la production légumière de notre pays, a
durement ressenti les contrecoups de cette désertification qui se sont manifestés par
l'avancée constante des dunes (de sable).
Pour lutter contre ce phénomène, considéré à juste raison comme un fléau, le Sénégal a
entrepris par le biais du service forestier un important programme de fixation des dunes
de la Grande Côte, de Dakar à Saint-Louis. Ce programme a des acquis certains, qui se
sont traduits par la mise sur pied d'un imposant rideau de filaos dont l'aménagement est
aujourd'hui à l'ordre du jour.

THE STABILISATION OF DUNES IN SENEGAL

Abstract

Desertification is the result of a long process which constitutes a serious threat to our
environment.
The area of the Niayes, where vegetable cultivation is at its highest in Senegal, has been
seriously affected by the impact of this desertification which has resulted from the
continual advance of sand dunes.
In order to fight this phenomenon, which plagues the area, Senegal has undertaken,
through its Forest Service, an important programme of stabilisation of dunes on the
Grande Côte, from Dakar to Saint-Louis. This programme has made certain achieve-
ments such as planting ofa massive screen of "filao" trees, which is very much in keeping
with current thinking.

1. GENERALITES
Les atteintes que la société industrielle fait subir à notre Planète constituent de graves
menaces pour notre environnement, si l'on pense par exemple à la question de la couche
d'ozone.
On ne saurait toutefois oublier la menace constituée par la désertification qui contribue
à dégrader notre environnement et à freiner notre développement économique et social.

20 1
Ressources Côtières et Littorales du Sénégal

Loin d'être un phénomène conjoncturel, la désertification est en réalité l'aboutissement


d'un processus qui date de plusieurs siècles. Le Sénégal, à l'image de ses voisins du
Sahel, a été durement touché par le phénomène qui a notamment pour conséquences la
dégradation de la couverture végétale. Celle-ci est aggravée par:
- la surexploitation forestière (surtout pour la production d'énergie ligneuse destinée
à une population sans cesse croissante);
- l'extension mal contrôlée des défrichements;
- le surpâturage;
- les feux de brousse.
Selon la zone écologique considérée, cette dégradation de la couverture végétale peut se
présenter sous divers aspects. Dans la zone des Niayes, on note une dégradation
grandissante constituée par l'avancée des dunes de sable ensevelissant les bas-fonds.
Ayant pris conscience de la gravité de la situation qui prévaut dans les Niayes où sont
produits près de 95% des légumes du pays, le Service forestier a jugé indispensable d'y
initier un important programme de fixation des dunes pour sauver ce qui peut encore
l'être.

2. HISTORIQUE ET OBJECTIFS DE LA FIXATION DES DUNES

2.1. Historique
Depuis plusieurs décennies déjà, la politique forestière du Sénégal s'est intéressée au
reboisement de la Grande Côte ou plus exactement au sauvetage des cuvettes maraîchères
de la zone des Niayes. C'est ainsi que les premières plantations ont été réalisées en 1925
par le Service de l'Agriculture pour lutter contre l'ensablement des cuvettes-maraîchères.
Le Service forestier a commencé à prendre les choses en mains à partir de 1948 en
entreprenant des reboisements portant sur une bande littorale de 200 m de large dans la
zone de Malika.
D'importants programmes de fixation de dunes ont commencé à voir le jour en 1975
grâce aux réalisations du projet PNUD-FAO-SENEGAL de Kébémer.
En 1980, un deuxième projet intitulé "Gandiolais" devait emboîter le pas à l'Inspection
forestière de Saint-Louis qui avait réalisé entre 1973 et 1978, 33 hectares de fixation des
dunes avec des moyens limités. En 1 988, ce projet devient le Projet Conservation des
Terroirs du Littoral - Secteur Nord (CTL Nord) tout en gardant la même source de
financement, l'ACDI1.
En 1981, la zone Kayar/Notto Gouye Diama/Mboro devait accueillir le troisième projet
du genre, intitulé PL 480.Ce projet est d'abord financé par l'USAID, puis en 1988, par
l'ACDI qui en fait l'antenne Sud du projet de Conservation des Terroirs du Littoral.
Ces trois projets se sont ainsi partagé les 1 82 kilomètres de la Grande Côte sénégalaise
et ont pu réaliser leurs jonctions sur une bande large de 200 m en 1982. Leurs activités
qui se poursuivent toujours, se traduisent maintenant par l'élargissement de cette bande

1 Agence Canadienne de Développement International.

202
La Fixation des Dunes au Sénégal

mais aussi par la réalisation d'actions complémentaires (axes routiers, protection rappro
chée des cuvettes maraîchères, création de boisés de démonstration).

2.2. Objectifs
Les objectifs généraux de la fixation des dunes au Sénégal se résument comme suit:
- protection du potentiel maraîcher de la zone des Niayes par la fixation des dunes
proprement dites;
- l'installation de brise-vents autour des cuvettes maraîchères, le long des axes routiers
et pistes de production;
- sensibilisation des populations pour une meilleure implication de leurs activités aux
efforts de lutte contre la désertification;
- création de "boisés de démonstration" pour et par les populations en vue de mieux
les familiariser avec les techniques de pépinières et de plantation. Ces boisés sont
également destinés à la production (à petite échelle) de bois répondant à divers
besoins (chauffe, service, fruit, médecine traditionnelle).

3. CARACTERISTIQUES ECOLOGIQUES DE LA ZONE DES


NIAYES
La zone des Niayes (figure 1) est caractérisée par deux types de dunes (blanches vives
et jaunes semi-fîxées) longeant la Grande Côte sénégalaise entre la Presqu'île du
Cap-Vert et l'embouchure du fleuve Sénégal, sur une distance de 182 km.

3.1. Systèmes dunaires


De la plage vers l'intérieur, le type de sol est très variable, ainsi nous avons successive
ment:
- une plage de sable coquillier marin;
- des dunes blanches vives, en mouvement sous l'effet des vents, et qui constituent la
zone d'alimentation des dunes intérieures;
- des dunes jaunes ou roses semi-fixées qui constituent la principale menace des niayes
situées à l'arrière-plan;
- une suite de dépressions (niayes), utilisées pour les cultures maraîchères, dont la
survie est étroitement liée à la fixation des dunes maritimes;
- des dunes rouges fixées avec une maigre végétation à base d'Acacia.

3.2. Climat
Il est du type tropical subcanarien caractérisé par 3 à 4 mois de saison des pluies et 8 à
9 mois de saison sèche.

3.2.1. Températures
Elles sont en moyenne douces avec des écarts relativement faibles. Les alizés maritimes
qui soufflent dans la zone pendant une bonne partie de l'année influent sur les tempéra
tures enregistrées à savoir:
- les moyennes maxima toujours inférieures à 30°C;

203
Ressources Côtières et Littorales du Sénégal
La Fixation des Dunes au Sénégal

- les moyennes journalières comprises entre 22 et 25°C;


- des amplitudes thermiques assez importantes: 10-1 5°C.

3.2.2. Pluviométrie
Dans les années 1950, la zone était traversée par les isohyètes 450-600 mm. Depuis 1968,
on note une baisse de la pluviométrie qui dépasse rarement 350 mm. Cependant,
l'hygrométrie élevée (80%) pouvait occasionner des pluies occultes mais, ces dernières
années, on a encore enregistré une baisse (moins de 300 mm dans certaines zones en
1990).

3.2.3. Vents
La zone des Niayes est soumise à l'influence de trois masses d'air:
- L'harmattan, vent d'Est chaud et sec. Il souffle surtout de mars àjuin et peut entraîner
une forte dessiccation.
- Les alizés maritimes, vents frais, secs et chargés d'embruns sont de direction
NNW-SSE. Leur vitesse est parfois très forte avec des pointes de 40 à 45 km/h; les
embruns sont de petites masses d'air saturées en eau salée qui se déposent sur la face
intérieure des feuilles des arbres situés à proximité de l'océan. Ils empêchent ainsi
le développement végétatifde certaines plantes en inhibant leur action photosynthé
tique.
- La mousson, chargée d'humidité, vient du Sud et souffle de juillet à octobre.

3.2.4. La végétation
Hormis les quelques 9 600 ha de plantations artificielles de filao, Acacia tortilis domine
le paysage de la zone des Niayes. On y rencontre par ailleurs certaines essences vestiges
telles Cocos nucifera, Celtis integrifolia ou Parinari macrophylla.

4. TECHNIQUES DE FIXATION DES DUNES


D'une manière générale, il y a trois grands types de fixation des dunes:
- la fixation mécanique;
- la fixation biologique;
- la fixation chimique.
Selon l'ampleur du phénomène d'ensablement, ces techniques peuvent être utili
sées seules ou associées. Dans le contexte sénégalais, le cas le plus fréquent se
résume en une association de la fixation mécanique et de fixation biologique.

4.1. La fixation mécanique


Elle représente une phase nécessaire au succès de la fixation biologique. Pour s'entourer
de toutes les garanties de succès, la fixation mécanique doit être assurée avant la
plantation. Des avantages certains peuvent en découler:
- accélérer la croissance des plantes: par exemple Casuarina equisetifolia sur dune
peut avoir une croissance moyenne de 3 m par an quand il bénéficie d'une bonne
protection;
- permettre de former des peuplements homogènes;

205
Ressources Côtières et Littorales du Sénégal

Tableau 1 Variation de l'espacement entre les fascines et de types de protection en


fonction de la pente du terrain

Pente Esp. entre fascines Types de protection


(%) (m) préconisée
0-5 20-25 Simple
10-15 15-20 Croisée
>15 10-15 Croisée

- baisser le coût de revient à l'hectare en rendant l'arrosage non indispensable. En


effet, la protection faite à temps diminue la vitesse des vents, par conséquent
l'évapotranspiration et donne ainsi aux plants mis en terre l'opportunité de bénéficier
au maximum de la pluviométrie;
- permettre d'avoir un bon pourcentage de réussite, ce qui réduirait au maximum les
travaux de regarnis et contribue ainsi à la baisse du coût de revient à l'hectare. La
fixation mécanique consiste à:
(a) Eriger une grande palissade d'un mètre de haut à 60-70 m de la limite de la
marée haute pour créer une contre-dune, (ou dune artificielle) un an avant la
plantation.
(b) Mettre en place un réseau de fascines de 0,5 m de haut dirigées perpendicu
lairement aux vents dominants, à 20-25 m de la contre-dune. Cet espace entre
la grande palissade et les fascines permet la formation de la contre-dune mais
aussi la libre circulation des véhicules.
L'angle formé par la contre-dune et les fascines doit être de l'ordre de 42 à 45°.
L'espacement entre les fascines et le type de protection (simple ou croisée) sont fonction
de la configuration du terrain (tableau 1).
Les types de matériaux utilisés pour la fixation mécaniques sont:

4.1.1. Les panneaux de Nguer (Guiera senegalensis)


Il s'agit de panneaux tressés de 3 m de long sur 1 m de haut (grande palissade) ou 3 m
de long sur 0,5 m de haut (fascines). Ces panneaux sont confectionnés par les paysans et
vendus à 250 F CFA pièce pour les premiers et à 170 F CFA pièce pour les seconds. Ils
sont disposés en accolade pour former soit la grande palissage ou la fascine ("Nguer":
Guiera senegalensis).

4.1.2. La grille synthétique (type CHAVANOZ)


Cette grille est importée de France et coûte presque 3 fois plus cher que les panneaux de
"Nguer". Du point de vue de l'efficacité en matière de protection, la grille est moins
intéressante que les panneaux de "Nguer" mais, dans certaines zones comme celle du
Gandiolais où le "Nguer" est relativement rare, obligation est faite d'avoir recours à la
grille pour couvrir tous les besoins. Les mailles de la grille synthétique sont de l'ordre
de 2-3 mm. La grille est présentée sous forme de rouleaux de 1,50 m x 300 ou 200 m.

206
La Fixation des Dunes au Sénégal

4.1.3. Les fibres TEXAND


C'est un assemblage de filaments fins continus, en matière plastique, ayant l'aspect d'une
mèche blanche qu'il faut étaler sur le sable dunaire pour obtenir une protection dite
horizontale. Cette méthode devient de plus en plus rare dans les chantiers de fixation des
dunes au Sénégal.
En plus de ces différents matériaux, la confection des réseaux de protection nécessite des
piquets (60 cm de hauteur pour les fascines et 1 ,50 m de hauteur pour la grande palissade),
du fil de fer recuit ou de la ficelle, des tenailles, des marteaux et des pelles.

4.2. La fixation biologique


La nécessité de la fixation biologique sur les dunes se justifie par le fait que la fixation
mécanique est en général d'une durée de vie très limitée. L'association des deux permet
à la fixation biologique d'assurer la continuité de la stabilisation après usure du matériel
mécanique.
En ce qui concerne la fixation biologique, il est à noter que le choix des espèces à une
importance capitale; en effet, les espèces à considérer doivent:
- développer une résistance aux embruns marins, aux vents desséchants, à l'ensable
ment et au déchaussement;
- avoir une croissance assez rapide.
Dans le contexte sénégalais, l'espèce qui réunit toutes ces conditions est sans aucun doute
Casuarina equisetifolia (filao), bien qu' il ne rejette pas de souche et que sa régénération
naturelle soit pratiquement nulle. C'est d'ailleurs la raison pour laquelle, on préconise
l'introduction d'autres espèces comme Acacia tortilis, associée à Acacia holoserisea et
Prosopisjuliflora en arrière plan des premiers rideaux de filao.
La plantation sur dunes ne bénéficiant pas d'arrosage doit être exécutée après un cumul
pluviométrique 40 mm. La densité de plantation varie en général entre 1 100 et 1 600
plants à l'hectare.

4.3. La fixation chimique


Cette méthode n'a réellement pas encore vu le jour au Sénégal sans doute à cause de son
coût trop élevé. Elle exige beaucoup de précaution et son efficacité n'est pas toujours
certaine.
Au cours de la campagne 1987/1988, un produit australien dénommé Erosel a été testé
sur les dunes du Gandiolais. Le principe consistait à épandre les granules d'Erosel de
manière uniforme sur le sol et à procéder par la suite, à un arrosage très fin pour que le
liant contenu dans les granules puisse se libérer et ainsi consolider les grains de sable.
La dose d'utilisation est de 20 g/m2. Les résultats ont été du reste assez concluants mais
le prix du produit est un facteur limitant quant à l'extension du procédé.

5. REALISATIONS EFFECTIVES
La zone du littoral Nord du Sénégal a été et demeure le site d'un important programme
de fixation des dunes.

207
Ressources Côtières et Littorales du Sénégal

Tableau 2 Superficies plantées par année

ANNEE MALIKA KEBEMER CAMBERENE KAYAR SAG TOTAL


(ha) (ha) (ha) (ha) (ha) (ha)
1948 9
1949 20
1950 27
1951 24
1952 10
1953 22
1954
1955 47
1956 50
1957 100
1958 110
1959 4
1972 30
1973 40 7
1974 14
1975 52 30
1976 71 60 36 12
1977 155 58
1978 85 52
1979 40 140 50
1980 179 100
1981 500 400 240
1982 300 1 000 260
1983 60 650 40
1984 110 430 70
1985 202 160
1986 450 530 170
1987 250 43 150
1988 250 179 145
1989 300 195 140
1990 300 297 147,5
TOTAL 774 3 263 136 3 724 1 705,5 9 602,5

208
La Fixation des Dunes au Sénégal

La région de Dakar a été la première concernée par un reboisement d'une bande littorale
de 423 ha entre 1948 et 1959 destiné à freiner l'ensablement des terrains de culture et
des voies d'accès.
Suite au succès obtenu avec le filao dans la région de Dakar, d'autres superficies ont été
plantées sur la Langue de Barbarie entre 1957 et 1959, au lac Tanma et dans la zone de
Kayar en 1967, à Cambérène entre 1972 et 1976, dans la zone de Mbao et vers
l'embouchure du fleuve Sénégal en 1973. Ces plantations portent sur environ 700 ha et
ont été réalisées par le Service forestier avec l'aide du FIDA.
A partir de 1975, trois projets financés par la communauté internationale ont permis de
faire la jonction des boisements effectués sur la côte Nord par une plantation de plus de
8 000 ha en filao. La largeur de la bande varie entre 400 et 600 m. Le bilan global s'élève
à quelques 9 600 ha de dunes fixées (tableau 2).
D'autres actions ont été réalisées en vue de renforcer cette protection. On peut citer ici
le reboisement sur dunes intérieures (environ 1 000 ha), la protection rapprochée autour
des cuvettes maraîchères par l'installation de brise-vents périphériques sur une ou
plusieurs lignes, la création de placeaux intérieurs sur des sols abandonnés ou fragiles.
Ces plantations sont généralement réalisées en Eucalyptus camaldulensis et en Acacia
holosericea. Récemment, une action de grande envergure a été entreprise pour:
- la création de bois de village (individuels ou collectifs) pour la satisfaction des
besoins immédiats des populations en combustibles ligneux;
- et l'érection de brise-vents pour la protection des pistes contre l'ensablement. Tout
compte fait, le Service Forestier du Sénégal a inscrit à son actif des acquis certains
en matière de fixation des dunes mais le constat qui se confirme de plus en plus est
l'impérieuse nécessité de procéder à l'aménagement des plantations côtières de filao
en vue de la pérennisation de ces acquis. En effet, dans ces plantations qui ont été
réalisées à des densités relativement fortes, on constate une mortalité sur pied
imputable à une absence d'éclaircies. Un plan d'aménagement a déjà été élaboré et
son application devrait normalement suivre.

6. PERSPECTIVES EN MATIERE DE LUTTE CONTRE LA


DESERTIFICATION
La fixation des dunes, comme toute autre action de lutte contre la désertification, doit
être sous-tendue par une politique globale intégrée qui s'avère incontournable. Cette
politique ne devrait pas être figée mais mettre l'accent sur des priorités telles que:
- l'implication des populations;
- la gestion des écosystèmes;
- la réduction de la pression sur les formations végétales;
- la mise en œuvre de mesures institutionnelles et règlementaires;
- le développement de la formation et de la recherche.

6.1. L'implication des populations


En effet, il semble de plus en plus évident que l'adhésion des populations à la politique
de lutte contre la désertification soit indispensable. Cette adhésion devrait être considérée
comme un acte patriotique qui les associerait et les responsabiliserait dans le cadre de la

209
Ressources Côtières et Littorales du Sénégal

conception, de la réalisation, du suivi et même de l'évaluation de toutes les actions


afférentes à la lutte contre la désertification, et également les encourager à créer des
associations relatives à la protection de la nature.

6.2. La gestion des écosystèmes


Elle implique notamment une protection efficace de la faune et de la flore, par des actions
de reboisement, de mise en défens et d'amélioration de la fertilité des sols, ainsi que des
aménagements dictés tant par des inventaires fiables que par une organisation rationnelle
de l'exploitation.

6.3. La réduction de la pression sur les formations végétales


Pour ne pas anéantir nos efforts de reforestation et d'aménagement, il est d'une urgente
nécessité de réduire la pression exercée aussi bien par les humains que les animaux sur
les formations végétales existantes. Pour ce faire, il faudrait:
- poursuivre et élargir les campagnes d'économie d'énergie (diffusion de la meule
"casamance" et des foyers améliorés);
- mieux développer les recherches sur les énergies renouvelables et les produits de
substitution;
- mettre l'accent sur la sensibilisation;
- renforcer les moyens humains et matériels des services chargés de la protection de
l'environnement.

6.4. Mesures institutionnelles et réglementaires


Elles visent à:
- harmoniser les différentes législations en matière de développement rural en vue
d'élaborer un code rural;
- coordonner les actions des O.N.G. pour plus d'efficacité;
- renforcer les moyens mis à la disposition des structures chargées de lutter contre la
désertification.

6.5. Formation et recherche


Le volet "recherche" souffre d'un manque de personnel évident. De plus, il est à
déplorer la sous-utilisation de la recherche liée à une mauvaise diffusion des résultats
auprès des services chargés du développement. Pour corriger ces insuffisances, il serait
souhaitable de:
- former davantage d'agents pour mieux affronter le fléau de désertification;
- élaborer un plan de formation des agents de différents niveaux dans les domaines
ayant trait à la lutte contre la désertification;
- faire prévaloir le rôle d'éducation et de conseil de l'Administration forestière plutôt
que celui de policier;
- favoriser les conditions d'un échange fructueux entre la recherche, le développement
et les populations;
- inclure un volet recherche (d'accompagnement) dans les projets de développement
forestier.

210
PROPOSITIONS D'AMENAGEMENT DES
PLANTATIONS DE FILAO DE LA GRANDE COTE
(SENEGAL)

Papa NDIAYE
Ministère du Développement Rural et de l'Hydraulique,
Projet Conservation des Terroirs du Littoral (CTL Sud),
Direction des Eaux, Forêts et Chasses, Dakar, Sénégal

Résumé

L'importance des plantations de filao (Casuarina equisetifolia) réalisées le long de la


Grande Côte du Sénégal justifie la mise en place, dans les plus brefs délais, d'un plan
d'aménagement forestier. Ce plan définit les différentes tâches à appliquer pour assurer
une pérennité de la protection et une production soutenue dans le sens d'une satisfaction
des besoins en combustibles ligneux des populations. L'aménagement est prévu pour
une durée de 10 ans avec une phase expérimentale d'un an.
Les principaux produits attendus sont: bois de chauffe, charbon de bois, bois de service
et poteaux de ligne. La possibilité annuelle est de 38 636 m3 répartie sur tout le
peuplement. L'exploitation sera faite par et pour les populations avec une participation
effective des femmes.

PROPOSALS FOR THE FIXTURE OF THE FILAO


PLANTATIONS OF THE GRANDE COTE (SENEGAL)

Abstract

The importance of the plantations of Casuarina equisetifolia, "filao" realized along the
Grande Côte of Senegal justifies the implementation as soon as possible of a forest
development plan. This plan would determine the différent tasks necessary to achieve
sustainable protection and a sustained production in view of satisfying the populations
needs for fuel. The development is planned over 10 years, with a one-year experimental
phase.
The main products expected are: firewood, charcoal, timber, and wood poles. The annual
potential is 38 636 m3 distributed over the whole population. The tapping will be carried
out by and for the populations with the participation of women.

INTRODUCTION
Une bande continue de filao de 150 km de long sur 400 m de large a été installée avec
succès entre 1948 et 1991 sur la Grande Côte du Sénégal, au Nord de Dakar. Bien que

211
Ressources Côtières et Littorales du Sénégal

l'objectif principal de protection se trouve atteint, il se pose maintenant de manière


cruciale le problème de la gestion de ces peuplements.
Le projet CTL a entrepris d'élaborer un plan d'aménagement de ces peuplements arrivés
pour la plupart à maturité et donnant des signes de vieillissement s'ils ne sont pas déjà
morts sur pied. L'objectifde ce plan est de mettre au point un modèle de gestion intégrant
les diverses composantes de leur environnement biophysique et permettant à ce couvert
forestier de jouer un double rôle de protection et de production. Cela nécessite une
identification préalable des acteurs ou intervenants potentiels de même qu'une organi
sation conséquente des activités en amont et en aval de l'aménagement.
La présente étude fait une synthèse de la démarche adoptée et propose des recomman
dations quant aux dispositions à prendre pour une pérennisation des peuplements.

1. ETAT DES PLANTATIONS


Les peuplements de filao de la zone des Niayes connaissent un développement très inégal.
D'après les observations faites sur l'état des peuplements, on peut faire les constats
suivants:
- Dans toutes les plantations de la zone, la première bande soumise à l'action directe
des embruns marins, offre toujours des peuplements dégradés qui présentent des
arbres rabougris et malformés. La largeur de cette bande varie d'une plantation à une
autre entre 25 et 40 m.
- Les bandes suivantes, localisées sur les dunes vives, se comportent mieux que les
premières parce que bénéficiant de la protection de ces dernières. Cependant, leur
développement n'est pas uniforme du fait de la microtopographie; en effet, les
meilleurs sujets sont toujours localisés sur les bas-fonds et ceux situés sur les
sommets de dunes sont les plus défavorisés car les plus exposés aux vents et les plus
éloignés de la nappe phréatique.
- Les bandes de plantations situées sur les dunes intérieures offrent des peuplements
moins vigoureux et quelquefois en mauvais état du fait de la sévérité de la concur
rence herbacée et de l'éloignement de la nappe phréatique.
Sur l'ensemble de la zone, le filao connaît une bonne fructification, satisfaisante et
régulière; cependant la régénération naturelle est absente.
D'une façon générale, les filaos offrent une bonne résistance aux vents. On note çà et là
des maladies qui demeurent pour l'instant non identifiées. L'hypothèse d'une maladie
parasitaire est souvent retenue.

2. CAPACITE D'ACCUEIL DE LA FORET VIS-A-VIS DES


ESPECES ANIMALES
Malgré des conditions d'installation qui sont pour l'essentiel assez défavorables, on
observe tout de même la présence de lièvres et de singes. Ces derniers, moins ombrageux
et moins difficiles quant à leur nourriture, pourraient connaître un développement
important à terme et imposer une gestion cynégétique. Toutefois, la biomasse animale
est encore très faible et loin d'être une contrainte sylvicole.

212
Propositions d'Aménagement des Plantations de Filao

3. ETUDE DES RISQUES POUVANT PESER SUR LE MILIEU


Jusqu'à présent, aucun risque naturel affirmé ne pèse sur le milieu; par contre, des risques
potentiels peuvent menacer les peuplements; il s'agit essentiellement de menaces d'ordre
biologique (agents pathogènes, parasites, etc.) du fait de la monospécifité des plantations;
les risques d'incendie ne sont pas à écarter du fait de l'accès du public aux plantations
et du fait de la sensibilité du filao au feu. Cependant, tous les risques énumérés plus haut
n'imposent pas à nos yeux une contrainte sylvicole particulière. Nous estimons que la
principale menace à savoir le déplacement des dunes a été maîtrisé par la réussite des
reboisements.

4. DIVISION DE LA FORET EN PARCELLES


Nous définissons la parcelle comme étant la plus petite unité de gestion pour laquelle on
recherche un objectif unique. Ce travail devra être réalisé en tenant compte de la
microtopographie, de l'homogénéité des potentialités et des contraintes liées à des rôles
de protection ou d'accueil du public.
La forêt a été divisée en blocs correspondant aux années de plantation. Chaque bloc
présente une structure régulière du fait que tous les arbres ont le même âge.

5. PRINCIPALES FONCTIONS ASSIGNEES A LA FORET


Les principales fonctions assignées aux peuplements de la Grande Côte sont celles de
protection du milieu, de production de bois et d'accueil du public.
- La protection était l'objectif initial pour freiner l'avancée des dunes maritimes sur
le continent et assurer un rôle de brise-vent pour les cultures maraîchères.
- La production a été envisagée par la suite du fait du bon comportement du filao.
Cette fonction correspond à un objectif secondaire qui permettra de satisfaire les
besoins en combustibles ligneux des populations.
- L'accueil est une fonction secondaire liée à la proximité des grands centres urbains
comme Thiès, Dakar, Louga et St-Louis. Ces peuplements de filao peuvent être
considérés comme forêts péri-urbaines dans certains cas (Dakar).
L'objectif de protection demeure, dans le cadre de l'aménagement, la fonction princi
pale.

6. CLASSEMENT EN SERIES
Il s'agit d'un zonage de la forêt, chaque zone ou série est un ensemble de peuplements
destiné à poursuivre le même objectif et à subir le même traitement sylvicole. Compte
tenu des principaux objectifs recherchés dans les peuplements et des traitements envisa
gés, on pourra distinguer principalement trois types de séries:
- Une série "hors-cadre" où aucune intervention sylvicole ne pourra être justifiée.
Cette zone concernera les 50 premiers mètres du peuplement en partant de la mer, à
savoir les peuplements directement soumis à l'action des embruns marins.

213
Ressources Côtières et Littorales du Sénégal

- Une série de production et protection: nous estimons que dans cette série l'objectif
de protection ne constituera pas un facteur limitant à l'optimisation de la production;
pour assurer tant soit peu sa fonction de protection, elle sera traitée en futaiejardinée.
Elle sera contiguë à la première et s'étendra sur une largeur de 50 m.
- Une série de production: elle se situe à la limite de la deuxième série et s'étend
jusqu'aux dunes intérieures. A ce niveau, rien n'empêchera l'optimisation de la
production; cette série de production sera traitée en futaie régulière.

7. LE CHOIX DES ESSENCES


Le choix des essences dépend des conditions écologiques et des principaux objectifs
poursuivis; c'est dire que toute introduction d'essence doit être mûrement réfléchie. Tous
ces facteurs nous amènent à faire la proposition suivante:
- sur les dunes maritimes, le filao restera l'essence principale (essence qui détermine
la sylviculture à appliquer);
- sur les dunes intérieures, Acacia tortilis ou Leucaena sera l'essence principale
(essence désignée pour devenir à terme l'essence principale).

8. AGE D'EXPLOITABILITE
Les dimensions requises pour la production de poteaux contenues dans l'étude du marché
du PRS pour le bois de service spécialisé (MORENO, 1990), peuvent être obtenues au
bout de 12 ans. Donc cet âge sera considéré comme âge d'exploitabilité.
Dans la série "hors-cadre", étant donné que la mobilisation des produits n'est pas
envisagée, on peut élever l'âge jusqu'à l'exploitabilité physique, c'est-à-dire 40 ans.
Seulement, il faudra veiller au renouvellement des peuplements au fur et à mesure que
des arbres dépérissent.

9. METHODE D'AMENAGEMENT DANS LA SERIE DE


PRODUCTION
Tous les blocs de la série de production seront aménagés suivant la méthode du groupe
de régénération strict; ainsi les blocs constituant le groupe de régénération seront
totalement régénérés à l'issue de l'aménagement. Cette méthode est la plus simple et
celle qui convient le mieux à un bon "déroulement" de la régénération.
La conduite de la régénération peut être réalisée dans un délai très court, à la suite d'une
coupe rase (coupe de régénération unique sur un bloc) étant donné que la stabilité du
milieu est maintenant acquise. L'aménagement fixera pour chaque bloc l'année de
passage en coupe, en s'efforçant de repartir assez régulièrement dans le temps récoltes
et travaux.

10. METHODE D'AMENAGEMENT DANS LA SERIE MIXTE


Il convient de préciser que cette série présente une structure régulière sur chaque bloc,
bien qu'elle soit appelée à évoluer vers la structure jardinée. En définitive, cette série
doit être aménagée comme une forêt "traitée" en futaie régulière, au moins lors du

214
Propositions d'Aménagement des Plantations de Filao

premier aménagement. A cet égard, nous préconisons la méthode précédente à savoir la


méthode du groupe de régénération strict. Cependant, la conduite de la régénération se
fera différemment. Le délai sera plus long, à la suite de coupes progressives; nous
suggérons la coupe par bandes successives et l'aménagement fixera comme précédem
ment (à titre indicatif au moins) pour chaque bloc, les dates des coupes et les surfaces
correspondantes, en s'efforçant également de répartir aussi régulièrement que possible
dans le temps récoltes et travaux.

11. DUREE DE L'AMENAGEMENT


Nous avons retenu une durée de 10 ans pour des raisons technico-économiques et du fait
de divers autres facteurs: les objectifs ne sont pas définitifs (la forêt est donc affectée par
des changements éventuels d'objectifs); la forêt reste encore vulnérable aux risques
naturels; la sylviculture du filao n'est pas très bien maîtrisée surtout en ce qui concerne
son comportement en deuxième génération, etc.

12. DETERMINATION DE L'EFFORT DE REGENERATION


De la surface à régénérer dépendent l'avenir de la forêt, le volume des principales récoltes
et la majeure partie du volume des travaux.
Quelle que soit la répartition actuelle des âges, en adoptant l'effort de régénération de
3 646,5 ha pendant deux durées d'aménagement (au plus), on parvient à une série
parfaitement équilibrée.

13. CLASSEMENT DES BLOCS DANS LES TRAITEMENTS DE


FUTAIE REGULIERE
On distinguera principalement un groupe de régénération, un groupe de préparation et
éventuellement un groupe d'amélioration.

14. GROUPE DE REGENERATION


C'est l'ensemble des blocs que l'on doit couper au bout du premier aménagement. On
aura dans ce groupe presque tous les blocs sauf les blocs 1985 de Kayar (120 ha) où
seulement les 20 ha appartiennent au groupe de régénération, et les blocs 1985 et 1986
de Sag. Certains blocs en bon état feront l'objet de travaux sylvicoles intermédiaires
(élagage ou éclaircie en attendant l'intervention définitive).

15. GROUPE DE PREPARATION


C'est l'ensemble des blocs que l'on doit couper au cours du deuxième aménagement. Le
groupe de préparation ne comportera que les blocs 1985 et 1986 de Sag et une bonne
partie du bloc 1 985 de Kayar. Ce groupe comporte peu de blocs et cela est dû à la surface
d'équilibre trop importante obtenue pour l'effort de régénération.

215
Ressources Côtières et Littorales du Sénégal

16. GROUPE D'AMELIORATION


En l'absence de références théoriques (hauteur dominante, facteur d'espacement), nous
retenons comme groupe d'amélioration la série mixte protection-production. Dans cette
série, nous préconisons de procéder à des éclaircies sélectives pour favoriser la produc
tion de poteaux. Le rythme d'éclaircies sera fonction des besoins exprimés par le marché
et des exigences de la série en terme d'amélioration. C'est aussi dans ce cadre que nous
envisageons tous les travaux de nettoyage.

17. EVALUATION DES POSSIBILITES


Il s'agit plus précisément de la "possibilité volume". Elle se définit comme le volume
moyen susceptible d'être récolté annuellement pendant la durée de l'aménagement dans
la série de production. La détermination de la possibilité dans un groupe de régénération
strict se fait par l'application de la formule suivante:
V V
P = - + B = - + s.b
d d

V = le volume qui a été inventorié au début de la durée d
d = durée de l'aménagement
B = l'accroissement moyen annuel des peuplements du groupe de régénération
b = leur accroissement moyen annuel par hectare
s = la surface du groupe de régénération.
Remarque: b a été calculé en faisant la moyenne arithmétique des productivités
annuelles pondérées par leurs surfaces, faute de valeur sur l'accroissement courant des
peuplements en début d'aménagement.
Application numérique:
V = 225 556 m3
d =10 ans
s = 3646,5 ha
b =4,41 mVha/an
La possibilité (P) est donc égale à 38 636,6 mVan.

17.1. Organisation des opérations de coupes dans l'espace et


dans le temps
Voir tableaux let 2

17.2. Coupes d'éclaircie


Les éclaircies peuvent être effectuées sur la base d'une programmation annuelle en tenant
compte de l'état du peuplement et des besoins en produits exprimés.

216
Propositions d'Aménagement des Plantations de Filao

17.3. Bilan prévisionnel économique et financier


L'étude technico-commerciale avait pour objectif de déterminer les voies et moyens
d'impliquer au maximum les populations dans toutes les phases d'exploitation, de
transformation et de commercialisation des produits issus de l'aménagement.

18. EXPLOITATION

18.1. Système classique

Bois de chauffe
L'exploitation est faite par des "sourghas"'. L'arbre est coupé à 50 cm du sol. L'outillage
nécessaire comprend la hache et le coupe-coupe. Les opérations de coupe, de façonnage,
de débusquage se font manuellement. Le prix de revient d'un stère de bois sur chantier
est évalué à 1 817 F CFA.

Charbon de bois
A l'instar du bois de chauffe, le bois utilisé pour le charbon de bois est traité jusqu'au
débusquage de la même manière et avec les mêmes instruments. Le prix d'un sac de
charbon sur site obtenu par le procédé de la meule traditionnelle est évalué à 775 F CFA
tandis que celui obtenu par le procédé de la meule casamançaise est évalué à 805 F CFA.

18.2. Dans la Région des Niayes


L'étude est basée sur une production à distance (15 km des peuplements) grâce à
l'utilisation de camions de transport; les taxes et redevances forestières sont remplacées
par la valeur de remplacement de la matière première.
Pour la production de bois de chauffe, le prix de revient obtenu pour un stère en utilisant
la hache pour la coupe et le façonnage du bois mort est évalué à 5 276 F CFA alors qu'en
utilisant la tronçonneuse, ce prix de revient est de 4 369 F CFA.
Pour le charbon de bois, l'étude comparative entre l'utilisation de la hache et de la
tronçonneuse pour le coût de production d'un sac de charbon par la meule traditionnelle
donne respectivement 4 1 70 F CFA et 4 270 F CFA. Si on utilise la meule casamançaise,
ces coûts deviennent respectivement 3 004 F CFA et 3 046 F CFA.
Pour le bois de service, les coûts comparés sont respectivement pour la hache de
202 F CFA et pour la tronçonneuse de 195 F CFA le stère.
Les coûts de revient du bois de chauffe et du charbon de bois obtenus dans la production
classique sont nettement plus faibles que ceux produits sur la dune. Cela s'explique par
le taux insignifiant des redevances forestières, des charges d'exploitation élevées à cause
du transport et de la dotation des amortissements. Cet état de choses permet de compren
dre que le charbon et le bois de chauffe sont fortement subventionnés par l'Etat.

1 Ouvrier apicole.

217
Ressources Côtières et Littorales du Sénégal

Tableau 1 Constitution du prix de revient à Dakar (en F CFA) d'un stère de bois mort
sur la dune suivant deux scénarios

ELEMENT DU SUR LA DUNE Classique %


COUT DE REVIENT
Scénario Scénario
1 2

Coût de prodVstère 5 276 4 369 1 871 14,5

Chargement bois 420 420 420 3

Transport à Dakar 756 756 2 100 17

Autres frais 50 50 100 1

Déchargement 270 270 270 2

Coût de rev. au 6 772 5 865 4 707 -


prod.

Marge du 2 573 2 228 1 793 14


producteur

Prix de revient 9 345 8 093 6 500 -


grossiste/détailleur

Autr. charges de 1 500 1 500 1 500 12


distr.

Marge/grossiste/ 6 448 5 584 4 500 36,5


détaillant

Prix de rev./ 17 293 15 177 12 500 100


stère à Dakar

En termes de gains, l'analyse de la valeur ajoutée directe fait ressortir une valeur plus
importante sur la dune qu'avec le système classique (voir tableaux 1 et 2).
La production avec utilisation des moyens locaux des populations se traduit par des coûts
de revient de 2 616 F CFA pour le sac de charbon et de 18 308 F CFA le stère de bois
mort.

218
Propositions d'Aménagement des Plantations de Filao

Tableau 2 Constitution du prix de vente à Dakar (en francs CFA) d'un sac de charbon
produit sur la dune pour les scénarios et vendu

ELEMENT DU PRIX Scénario Scénario Scénario Scénario Classique %


DE VENTE 1 2 3 4

Coût de production 4 170 4 270 3 004 775 - 20

Chargement 25 25 25 25 25

Transport 250 250 250 250 700 25,4

Autres frais 40 40 40 40 40 1,4

Déchargement 35 35 35 35 35 1,3

Prix de revient au 4 520 4 620 3 354 3 396 1 575


producteur à Dakar

Marge aux product 1 220 1 247 906 917 425 15,4

PV. au bana-bana 5 740 5 867 4 260 4 313 2 000

Marge bana-bana 574 5 807 426 431 200 7,2

PV au détaillant 6 314 6 454 4 686 4 744 2 200

Loc. point de vente 80 80 80 80 80 2,9

Pertes et charges 25 25 25 25 25 0,9


sur produits

Marge de détaillant 1-283 1 312 958 970 970 16,6

PR du sac à Dakar 7 702 7 874 5 749 5819 3 000 100

PV au kg 154 157 115 116 60

CONCLUSION PARTIELLE
Il ressort de ce qui précède que:
- le scénario le plus rentable pour la production de charbon de bois est le procédé où
toutes les opérations seront réalisées par des animaux de trait et les charrettes pour
le débardage, la coupe et le façonnage par la hache et la carbonisation à partir de la
meule casamançaise;
- pour le bois de chauffe, il ëst préférable de mécaniser les opérations de coupe et de
débardage par l'utilisation de la tronçonneuse et de véhicules tous-terrains.

219
Ressources Côtières et Littorales du Sénégal

Il faudra également que les prix de vente des produits ligneux fixés par l'Etat soient revus
à la hausse et au moins multipliés par trois:
- Pour les poteaux, la coupe et le façonnage seront manuels ainsi que le débardage
jusqu'à la limite du peuplement; le transport se fera par camion. Le prix de revient
du poteau brut est estimé à 3 610 F CFA ce qui se rapproche du coût de revient dans
les pays producteurs (Cameroun) ou le prix d'achat au producteur varie entre 3 000
à 3 800 F CFA. Il serait souhaitable que les sociétés utilisatrices soient associées à
la création d'une unité de traitement de poteaux qui pourrait faire l'objet d'une étude
approfondie.

RECOMMANDATIONS
1. L'aménagement forestier tel que nous l'entendons doit impérativement reposer
sur les potentialités humaines de la côte Nord avec le soutien des projets et
ONG de la zone.
2. La population riveraine devra bénéficier dès maintenant du droit d'usage sur
ces forêts et le principe "il appartient à celui qui coupe un arbre d'en planter
un autre" devrait être bien établi.
3. Une formation en techniques d'exploitation (élagage, coupe, carbonisation,
etc.) doit être assurée avec une bonne planification des interventions de
même qu'un important programme de sensibilisation sur les réalités des
filao, sur ses possibilités et sur l'organisation sociale à adopter devront être
développés.
4. Les femmes seront impliquées à toutes les étapes en particulier dans le
processus de commercialisation et dans les décisions à prendre quant à
l'utilisation des bénéfices.
5. Les voies d'accès seront renforcées avec la création de nouvelles pistes dans le cadre
du Programme d'Ajustement Structurel des Transports. Elles existent au niveau
du village de Malika, de la voie de sortie des camions et au niveau du lac Rose.
Quelques voies d'accès existent dans la région et déterminent les zones où
l'exploitation va débuter; ce sont du Nord au Sud:
la route Potou - Mboumbaye,
la route Potou - mer,
la route Lompoul -mer,
la route Fass-Boye - mer,
la route Mboro - mer,
la piste des ICS,
la route de Kayar.
Il ne sera donc pas nécessaire d'ouvrir des pistes de débardage et de créer des
zones d'empilement.
Tenant compte de la distribution des superficies à exploiter annuellement, la
priorité sera donnée aux peuplements correspondant à ces voies d'accès.
6. Les Eaux et Forêts auront à développer des outils de vulgarisation et de
conseils auprès des populations et à mettre ces dernières en confiance.

220
Propositions d'Aménagement des Plantations de Filao

7. L'organisation en Groupement d'Intérêt Economique villageois paraît la plus


adaptée; une attention particulière sera portée à l'intégration des femmes dans
tout le processus.
Les communautés rurales et leurs représentants seront des interlocuteurs
à privilégier, à informer et à consulter parce qu'ils sont partie prenante de
la dynamique de la zone et qu'ils sont garants de l'équilibre de son
développement.
8. L'exploitation sera faite par les villageois riverains avec la supervision de
l'Inspection Régionale et la Communauté Rurale. Chaque village devra
constituer un groupement. Le bois ainsi exploité sera vendu par le groupement
au profit de tout le village. Un pourcentage de cette vente sera investi dans les
actions de reboisement. Ce scénario est le plus adéquat dans le contexte actuel
de la foresterie au Sénégal parce qu'il est plus conforme à l'approche
participative que le Service forestier développe actuellement. Les villageois
pourront se regrouper en coopératives qui se chargeront des travaux
d'exploitation sous la supervision du service forestier et de la communauté
rurale. Un cahier des charges définissant les règles d'exploitation devra être
signé entre les responsables des coopératives, ceux de la communauté rurale
et le service forestier.
Ce cahier définira le rôle et les attributions de chaque partie avant, pendant et
après l'exploitation.
9. En tenant compte de la dimension des tiges arrivées à maturité, l'idéal serait
d'utiliser des tronçonneuses pour la coupe du bois vert et des coupe-coupes
pour le bois mort. La sortie des produits pourra se faire par camions ou par
charrette, les points de vente n'étant pas très loin.
10. Les grands marchés de ligneux existants peuvent servir de points primaires de
commercialisation. Il s'agit particulièrement de Mboumbaye pour la région de
Saint-Louis, Potou pour la région de Louga, Fass Boye ou Mboro pour la
région de Thiès, Kayar et Malika pour la région de Dakar.
11. La commercialisation des produits issus des peuplements pourra suivre un
circuit à deux ou trois niveaux:
producteur-consommateur,
producteur-intermédiaire-consommateur.
Les marchés potentiels de consommation sont principalement: Saint-Louis,
Louga, Kébémer, Tivaouane, Thiès, Mboro, Kayar et la Région de Dakar.
12. La meule casamançaise présente de multiples avantages parmi lesquels
l'accroissement de 40% du chiffre d'affaires réalisé sur la vente de charbon de
bois issu d'une même quantité de bois carbonisé.
13. La carbonisation devrait se faire dans des aires aménagées sur la dune pour
respecter les coûts de production; le stockage se fera au niveau des points
d'enlèvement.
14. Le coût de production le moins élevé pour le charbon est de 2 6 1 6 F CFA contre
775 F CFA pour le procédé classique alors que pour le bois de chauffe et le
bois de service, il est de 4 369 F CFA stère contre 1817F CFA pour le procédé
classique.

221
Ressources Côtières et Littorales du Sénégal

Ces coûts de production tiennent compte des coûts de transport sur la dune et
de la valeur de remplacement de la matière première qui est assimilée au coût
de réalisation d'un hectare de plantation de filao sur la dune. Les redevances
et taxes forestières représentent 33% des coûts de production alors que la
valeur de remplacement représente environ 43% du coût de production sur le
littoral. Il n'y a aucune possibilité d'écouler les produits du filao si les prix de
vente du bois et du charbon de bois actuels sont maintenus.
15. Par conséquent et du point de vue économique, l'exploitation des peuplements
du littoral pour la production de combustibles devrait nécessairement attendre
la décision de l'Etat de réviser les redevances forestières à la hausse, à moins
de subventionner les produits obtenus.
16. Il serait bon de promouvoir la vente des étais aux entrepreneurs en bâtiments
pour valoriser ce produit fortement concurrencé par les chevrons en bois
importés et les étais métalliques.
17. La quantité de poteaux exploitables (normes SENELEC) est estimée à 4 800
poteaux/an (NDIAYE, 1991). Le coût de production du poteau brut livré en
bord de route est de 3 978 F CFA (CISSE, 1992).
18. Les populations particulièrement ciblées sont celles qui vivent dans la zone du
littoral; les activités visées ne perturberaient pas celles de maraîchage, de
pêche et d'élevage.
19. Pour ce qui est des les revenus des populations impliquées dans l'aména
gement, on remarque que la valeur ajoutée directe (rémunération) offerte par le
charbon est plus substantielle comparativement à celle offerte par le bois de
chauffe ou le bois de service lorsque le débardage est mécanisé. Par contre, en
utilisant les moyens locaux pour le débardage, la valeur ajoutée directe issue
de la production du bois de chauffe apparaît bien supérieure.
20. La production de bois de service, moins contraignante, devra être confiée aux
groupements féminins.
21. Une intégration des activités des populations, des techniciens et des autres
acteurs intéressés par le développement de la région des Niayes serait un atout
majeur pour faire coïncider l'intérêt des populations et les objectifs de
production et de protection.
22. Les plantations de la côte peuvent jouer un rôle important dans l'éducation du
public; des aires de détente et une piste de randonnée pédestre pourront y être
aménagées ainsi qu'un parcours sportif vu le nombre de personnes qui
fréquentent la plage de Guédiawaye. Des produits issus de l'exploitation
comme les perches et gaulettes pourront servir à la construction de
campements touristiques ou bungalows. Ces derniers seront gérés par les
populations riveraines à l'image de ce qui se fait en Casamance.
Toutes ces actions ne pourront être réalisées que si les projets de
développement travaillant dans la zone se concertent et si les pouvoirs publics
coordonnent les futurs chantiers qui y sont prévus.

222
POLLUTION, URBANISATION ET SANTE

POLLUTION, URBANIZATION AND


HEALTH
PORT MARITIME ET LUTTE CONTRE LA
POLLUTION DU LITTORAL

Nouhoum DIOP
Service des Phares et Balises, Port Autonome de Dakar, Sénégal

Résumé

Cette communication s'attache à définir le rôle que peut jouer un port maritime dans la
lutte contre la pollution.
Après une définition du port maritime, de son implantation et de ses installations, l'auteur
fait état de l'impact des activités portuaires sur la préservation de l'environnement.
Par ailleurs, il met l'accent sur les différentes installations nécessaires pour la collecte
des matériaux polluants et leur mode de stockage. Les principes d'analyse de risques de
pollution en fonction des types (tellurique et pélagique) et les mesures de prévention sont
également étudiés.
Enfin, l'auteur précise le rôle susceptible d'être joué par le port dans la gestion d'une
crise de pollution en milieu littoral.

SEA PORTS AND THE STRUGGLE AGAINST POLLUTION OF


THE LITTORAL ZONE

Abstract

This presentation tries to define the role a sea port can play in the struggle against
pollution.
After a definition of the sea port, its establishment and its facilities, the author indicates
the impact of port activities on the preservation of the environment.
Furthermore, he underlines the different facilities that are to be set up for the collection
of pollutant materials and the way they are stored. The principles of analysis on the risks
of pollution in relation to types (telluric and pelagic), as well as precautionary measures,
are also studied.
In conclusion, the author specifies the role the port is likely to play in the management
of a pollution crisis in a littoral area.

1. INTRODUCTION
Le port maritime est destiné à recevoir des navires de mer, par opposition à un port fluvial
qui reçoit des convois ou des bâtiments fluviaux.
On peut donc comprendre qu'un port soit maritime même s'il est placé sur un fleuve. Un
port peut également être à la fois maritime et fluvial quand ses installations lui permettent
d'accueillir à la fois les deux types de bâtiments.

225
Ressources Côtières et Littorales du Sénégal

En fonction des activités et des opérations qui y sont menées, le port maritime est une
source de pollution pour l'environnement parce ce que:
- les navires qui le fréquentent sont eux-mêmes sources de pollution du plan d'eau
portuaire;
- les marchandises qui y sont traitées renferment une proportion de matières dange
reuses;
- les exutoires qui y débouchent véhiculent des effluents pour la plupart polluants;
- quelle que soit sa position (littorale ou intérieure), le port peut devenir un foyer de
diffusion des nappes polluantes entraînées par les courants et le vent.
Mais qu'est ce que la pollution?
La Convention sur le droit de la mer la définit comme étant "l'introduction directe ou
indirecte, par l'homme, de substances ou d'énergie dans le milieu marin, y compris les
estuaires, lorsqu'elle a ou peut avoir des effets nuisibles tels que dommages aux
ressources biologiques, à la faune et à la flore marines, risques pour la santé de l'homme,
entraves aux activités maritimes, y compris la pêche et les autres utilisations légitimes
de la mer, altération de la qualité de l'eau de mer du point de vue de son utilisation et
dégradation des valeurs d'agrément".

2. LES DIFFERENTES SOURCES DE POLLUTION MARINE

2.1. La pollution volontaire


Elle concerne les effluents déversés dans le port sans traitement préalable (tellurique),
les eaux de déballastage de navires reversées sur le plan d'eau (pélagique).

2.2. La pollution accidentelle


Elle intervient à la suite d'une défaillance humaine dans l'exploitation quotidienne des
ports et des plans d'eau du littoral.

3. LES REGLES DE LUTTE CONTRE LA POLLUTION DE


L'ENVIRONNEMENT MARIN

3.1. Les règles préventives

3.1.1. Les caractéristiques des navires et leur manœuvrabilité


La conception et l'aménagement des ports doivent être fondés sur les caractéristiques
des navires qu'ils sont appelés à accueillir ainsi que leur développement. Les principaux
types de navires en service dans le monde peuvent être classés comme suit:
- les tankers de pétrole brut;
- les tankers de produits raffinés;
- les navires chimiques;
- les navires vraquiers;
- les navires conventionnels;
- les portes-conteneurs;
- les navires rouliers;

226
Port Maritime et Lutte Contre la Pollution du Littoral

- les car-ferries;
- les navires de croisière.
Chaque type de navire a ses caractéristiques et ses contraintes d'exploitation propres
auxquelles les installations portuaires doivent être adaptées.

3.1.2. Manœuvrabilité des navires


La manœuvrabilité est importante dans la prévention des accidents. On peut distinguer:
- la manœuvrabilité du navire sans contrainte en pleine mer;
- la manœuvrabilité sous vitesse réduite (entre 4 à 8 nœuds) dans des zones étroites et
peu profondes comme les chenaux d'accès.
La capacité de manœuvre d'un navire dépend:
- de la puissance développée par les appareils de propulsion ainsi que du nombre et
du type d'hélices;
- des caractéristiques du gouvernail en relation avec les hélices (temps de réponse);
- des appareils auxiliaires fixés sur le navire (comme les propulseurs d'étrave);
- de la forme de la coque.
Le caractère de la manœuvrabilité d'un navire peut être affecté par des conditions locales
dont l'effet doit être pris en compte:
- les faibles profondeurs qui exigent souvent une réduction de vitesse imposée par les
effets de fonds;
- le vent, la houle et les courants;
- l'interaction entre deux navires (rencontre de navires ou dépassement).
La connaissance des performances d'un navire en matière de manœuvre est indispensable.
La conception des navires doit jouer un rôle important dans la prévention des accidents.

3.2. Les services du trafic maritime


Leur rôle est d'assister tout navire, dans leurs zones de juridiction portuaire, dans l'intérêt
des autorités portuaires et de l'armateur. Ils peuvent donner des consignes de déplace
ment de navire pour assurer un trafic fluide dans les zones portuaires. Les deux principaux
risques que court un navire en mouvement sont:
- la collision avec un autre navire;
- l'échouement.
Un navire est en mesure d'éviter ces deux situations par ses propres moyens. Cependant,
l'expérience a montré que, dans certains cas, des services basés à terre sont nécessaires
pour l'assistance des navires dans des zones à haut niveau de trafic, dans les chenaux ou
dans des conditions atmosphériques et hydrologiques difficiles. La mise en place d'un
service de trafic maritime doit tenir compte des caractéristiques du port, notamment:
- s'il s'agit d'un port ouvert à la mer ou non;
- la présence d'une ou deux voies de trafic dans le chenal d'accès;
- le niveau du trafic que reçoit le port;
- l'existence d'un régime de marée contraignant qui impose des conditions spéciales
d'entrée dans le port;
- si le trafic de rivière est lié au port et si les navires de mer et les convois utilisent les
mêmes chenaux;

227
Ressources Côtières et Littorales du Sénégal

- le système d'exploitation (à quai, sur coffre ou à l'ancre);


- la nature des marchandises manutentionnées.
Chaque port définit son règlement d'exploitation qui prend en compte tous ces aspects
et veille à sa stricte application.

3.3. Le pilotage et les pilotes


Le pilotage joue un rôle fondamental dans la prévention des accidents de navigation.
Selon le port, le règlement d'exploitation précisejusqu'à quelle taille de navire le pilotage
est obligatoire dans les zones portuaires.

3.4. Les aides à la navigation


Elles jouent également un rôle important dans la navigation et doivent par conséquent
faire l'objet d'un entretien soutenu.

3.5. La nécessité d'un code de l'environnement pour la pollution


d'origine tellurique
Chaque port peut en fonction de la législation en vigueur mettre en place un code qui
définit les procédures préalables au déversement d'eaux usées dans le port. Car, comme
le prévoit la Convention de Londres de 1972 sur l'immersion, "La capacité de la mer
d'assimiler les déchets et de les rendre inoffensifs et ses possibilités de régénérer ses
ressources naturelles ne sont pas illimitées".

3.6. La Convention Marpol 1973-1978


Ses principaux éléments peuvent être rappelés ci-après:
- le rejet à la mer d'hydrocarbures et de produits chimiques et le rejet des eaux usées
et des ordures rendu nécessaire par l'exploitation normale des navires sont extrême
ment limités, et interdits dans des zones maritimes dont le milieu est particulièrement
vulnérable;
- mise en place d'installations à terre pour la réception de résidus d'hydrocarbures et
de produits chimiques, d'eaux usées et d'ordures;
- normes rigoureuses, en matière de construction et d'équipement des navires, desti
nées à réduire au minimum les fuites d'hydrocarbures et de produits chimiques en
cas d'accidents;
- dispositions obligatoires relatives aux inspections et visites des navires pour contrô
ler que les normes internationales sont respectées;
- signalement immédiat des événements mettant en jeu la présence d'hydrocarbures
et d'autres matières nuisibles;
- coopération entre les gouvernements pour déceler toutes infractions aux règlements
et faire appliquer les règles;
- procédures rapides d"'amendement tacite" afin de tenir compte des progrès techni
ques et des changements intervenus dans le commerce maritime international;
- promotion de la coopération internationale.
La Convention Marpol résume à elle seule l'ensemble des procédures pour la prévention
de la pollution du littoral.

228
Port Maritime et Lutte Contre la Pollution du Littoral

3.7. Les plans d'urgence


Pour réagir en cas de situations critiques, il est nécessaire de concevoir un plan d'inter
vention d'urgence qui définit les principales ressources naturelles à protéger, les risques
possibles, les équipements et personnels à mobiliser, les moyens de communication à
prévoir et les différents scénarios à mettre en place pour combattre efficacement le fléau.
La mise en place d'un plan d'urgence fait appel à la notion de risque.

3.7.1. Le risque de pollution accidentelle des eaux


Le risque de pollution accidentelle des eaux lié:
- aux risques d'accidents des navires spécialisés dans le transport des produits pol
luants;
- aux menaces, en cas d'accident, auxquelles sont soumis les hommes et leur environ
nement; ces menaces peuvent se traduire par une pollution des eaux ou de
l'atmosphère, mais aussi par des dangers (incendie, explosion) qui ne sont pas de
nature polluante.

3.7.2. L'évaluation du risque d'accident


L'évaluation du risque d'accident pouvant survenir à un navire ou à une installation
contenant ou manipulant des substances dangereuses est basée sur des méthodes prob-
abilistes qui nécessitent de disposer de données très complètes sur le trafic maritime, les
caractéristiques du navire ou la nature des produits transportés ou manipulés.
Deux approches sont employées à cette fin:
- celle basée sur la recherche des causes des accidents;
- celle s 'appuyant sur des études statistiques des accidents survenus pour en estimer
la probabilité.
Les causes d'accidents peuvent être dûes:
- au navire lui-même;
- aux mauvaises conditions météorologiques;
- au facteur humain ("fatigue factor").
Pour mettre en place un schéma probabiliste adapté à chaque cas, on doit:
- procéder à l'analyse des processus de pollution;
- établir des lois de probabilité de pollution;
- estimer la gravité de la pollution qui peut être évaluée à trois niveaux:
Catastrophique
L'effet d'un accident est dit catastrophique quand il est capable de toucher de
vastes zones autour du foyer de crise soit par des fumées toxiques ou les ondes de
choc d'une lourde explosion. Exemple les collisions.
Sévère
L'effet est dit sévère si l'accident est inhérent aux activités portuaires.
Mineur
L'effet mineur est défini comme causé par des accidents mineurs quotidiens con
sidérés comme inévitables.
La quantification des conséquences d'un accident peut être faite selon les recommanda
tions du "Yellow Bosk", une édition du Ministère hollandais des Affaires Sociales et de
l'Emploi.

229
Ressources Côtières et Littorales du Sénégal

4. LA GESTION DES CATASTROPHES DANS LES PORTS


Les catastrophes dans un port résultent d'accidents graves, dont les conséquences
touchent les biens et les personnes ainsi que les activités portuaires elles-mêmes. Ces
accidents peuvent être:
- des déversements de matières dangereuses telles que le pétrole, des gaz liquéfiés ou
des produits chimiques;
- des accidents liés à la manipulation des marchandises conventionnelles;
- des incendies et des explosions à bord des navires;
- des collisions et des échouements;
- des catastrophes naturelles telles que les inondations et les tempêtes.
Les deux derniers types d'accident peuvent entraîner les trois premiers.
La gestion de catastrophe dans un port est un système intégré impliquant une diversité
de personnes, d'équipements et de technologies pour lutter contre les accidents en mer
et les catastrophes dans les zones portuaires. La gestion de crise consiste en trois
composantes:
- humaine;
- matérielle;
- procédurielle.
La structure de gestion de crise n'est pas nécessairement dépendante du port même si
son personnel peut être employé pour y jouer un rôle important. Plusieurs organisations
y sont impliquées:
- le port maritime et les principales organisations maritimes (Marine, Service de
Sécurité Maritime);
- les Sapeurs-pompiers;
- la Police;
- les Autorités locales;
- l'Armée.
Chacune d'elles joue un rôle précis pendant la crise, mais il faut toutefois distinguer deux
niveaux de crise:
- une crise dite "interne" qui concerne uniquement la zone portuaire; le port maritime
peut faire face à la catastrophe avec ses propres moyens et garder son contrôle sur
l'activité portuaire;
- la seconde est dite "externe"; l'environnement et la population riveraine sont
menacés; les autorités locales et gouvernementales sont impliquées, des moyens
supplémentaires et les décisions gouvernementales sont nécessaires.
Dans le cadre d'une catastrophe portuaire, il est conseillé d'établir la cellule de crise au
centre de trafic portuaire (Capitainerie). L'état major de crise déclenche immédiatement
le plan d'urgence. Un exemple pratique de gestion de crise est donné par le système
"CHRIS"' du Port de Rotterdam qui permet la gestion d'un déversement accidentel de
substances liquides dangereuses.

I Chemical Operational Information System.

230
Port Maritime et Lutte Contre la Pollution du Littoral

5. CONCLUSION
La pollution sur le littoral ne peut être analysée sans la prise en compte des activités
portuaires. Le port maritime peut être le foyer d'une pollution qui peut être catastrophique
et avoir des conséquences sur des zones étendues du littoral. Il incombe à l'autorité
portuaire de prendre des mesures pour minimiser les risques d'accidents dans la zone
portuaire. Celles-ci comprennent des études de risques potentiels lui permettant de
déterminer les actions à mener pour accroître la sécurité de la navigation et les équipe
ments à acquérir en cas de catastrophe.
Elle doit introduire, là où cela apparaît nécessaire, le contrôle des mouvements de navires
et des plans d'urgence d'intervention préparés en rapport avec les autres structures
concernées, les autorités locales et d'autres organisations, pour permettre une action
immédiate et efficace en cas de catastrophe.
Le personnel employé sur les terminaux où des matières dangereuses sont manipulées
doit être totalement versé dans les procédures d'urgence et formé selon des normes au
moins égales à celles requises pour le personnel nomade.

REFEREFENCES BIBLIOGRAPHIQUES
CEDRE INFOPOL (1987). Evaluation du risque de pollution accidentelle lié au
transport maritime de produits chimiques.
INTERNATIONAL ASSOCIATION OF PORTS AND HARBORS. Guidelines on
port safety and environnemental protection.
INSTITUT PORTUAIRE D'ENSEIGNEMENT ET DE RECHERCHE (I.P.E.R.).
Tome 3. Cours de travaux maritimes.
ORGANISATION MARITIME INTERNATIONALE. Stratégie pour la protection du
milieu marin.
SERVICE DES PHARES ET BALISES ET DE LA NAVIGATION (1982). Guide
pratique pour la protection des points sensibles du littoral par des barrages
flottants. Poll Ibim 0302.

231
PRINCIPES D'ELIMINATION DES DECHETS
INDUSTRIELS

Massamba SECK
Département de Planification, Nouvelle SOTIBA, Rufisque, Sénégal

Résumé

Les industriels soucieux de préserver l'environnement transforment les déchets selon


quatre principes: le premier consiste à intégrer le recyclage au processus de production
industrielle, le deuxième est basé sur le tri des déchets, le troisième sur l'épuration tandis
que le quatrième se fonde sur les technologies propres pour réduire les risques de
pollution en amont même de la chaîne de production.

PRINCIPLES FOR THE DISPOSAL OF INDUSTRIAL WASTES

Abstract

In their concern about the preservation ofthe environment, industrials use four principles
to process wastes. The first principle consists in integrating recycling into the industrial
production process; the second is based on the sorting out ofthe wastes; the third on their
purification; while the fourth is based on clean technologies to reduce the risks of
pollution up the production line.

PHILOSOPHIE DES INDUSTRIELS SUR LES EFFLUENTS


Une entreprise rentable doit économiser les matières premières et les énergies nécessaires
à son fonctionnement; quant à la main d' œuvre, elle est liée au pays d'accueil. Elle peut
être chère ou bon marché suivant que l'entreprise se trouve dans un pays du Nord ou du
Sud. Selon le cas, on a une grande ou une faible automatisation; le niveau d'automatisa
tion d'une entreprise reflètant généralement son impact sur l'environnement et l'unité
industrielle qui transforme des produits donne ordinairement des déchets en sous-pro
duits.
Définition d'un déchet
C'est un sous-produit non utile à l'entreprise mais qui peut être considéré comme une
source de matières premières pour une autre industrie, lui attribuant ainsi une valeur
quelconque. Les déchets sont généralement évacués sous trois formes:
- gazeuse, entraînant une pollution de l'air;
- liquide, avec pollution des rivières, nappes souterraines, mer;
- solide, évacué vers des décharges non contrôlé.
La lutte pour la préservation d'un environnement sain impose aux industriels la trans
formation de leurs déchets en produits valorisables. Cette lutte s'articule autour de
plusieurs principes de valorisation des déchets:

233
Ressources Côtières et Littorales du Sénégal

soit par traitement extérieur aux procédés de fabrication;


soit de manière préventive.
1re Principe

Recycler les différents déchets en cours de fabrication


C'est l'approche la plus économique car plus le cycle est court plus la récupération des
déchets est facile. Il faut toujours essayer d'intégrer les déchets dans les processus de
fabrication.
2e Principe

Séparer les différents types de déchets


Il faut sérier les déchets en séparant les déchets très dégradés des autres. Exemple pour
les eaux, il faut séparer les eaux de pluie des eaux industrielles et eaux usées domestiques.
3e Principe

Traitement, épuration, dépollution


Il n'est plus permis aux industries de rejeter leurs effluents dans l'air, dans les eaux de
surface ou les décharges (ce qu'elles préfèrent), sans autorisation ou traitement préala
bles. Toutefois, nous signalons que quels que soient les procédés de traitement utilisés,
ils sont toujours générateurs de nouveaux types de pollution. C'est un aspect déterminant
du problème.
Le traitement extérieur ou procédé en dépollution se fait en bout de chaîne; c'est le
système "End of Pipe", rien n'étant modifié au niveau de l'unité de production. Les
matériels, procédés et produits actuellement proposés sont nombreux et ne font que
concentrer, par des processus physiques chimiques ou biologiques, la plus grande partie
des matières polluantes:
- ce sont les stations d'épuration pour les eaux usées;
- les filtres et cyclones pour les polluants atmosphériques;
- les incinérateurs pour les déchets solides;
- les polluants concentrés par les systèmes d'épuration (boues, cendres et poussières)
doivent être éliminés à leur tour.
Les traitements extérieurs sont disponibles sur le marché mais très coûteux aussi bien à
l'investissement qu'à l'exploitation. Le suivi correct pour une entreprise d'une installa
tion est guidé par le souci d'être en conformité avec les normes. Mais y a-t-il des normes
sénégalaises en matières de rejets?
4e Principe

Réduire les pollutions à la source par des technologies propres, anti-polluantes


Les technologies propres ou "Clean Technologie" recouvrent dans leur conception la
plus large, l'ensemble des mesures internes de lutte contre la pollution. Elles cumulent
la prévention de la pollution à la source, la transformation du procédé, l'amélioration des
conditions de travail et la protection de l'environnement.
Elles s'articulent autour de trois niveaux: réaménagements internes, modifications de
procédés de fabrication et procédés propres.

234
Principes d'Elimination des Déchets Industriels

Les réaménagements internes


Sans remettre en cause les procédés de fabrication, ils procèdent d'une remise en ordre
des ateliers, d'un contrôle des points d'apparition des pollutions et d'une bonne gestion
de l'eau, de l'énergie, des matières premières, des produits fabriqués et des déchets de
fabrication ou d'emballage.
On peut citer entre autres: la collecte des déchets, la limitation des pertes et gaspillages
de matières premières ou usinées par un contrôle précis, le lavage à contre-courant, la
gestion rigoureuse des déchets, etc.
Ces mesures de bon sens, doivent être mises en œuvre en priorité dans tous les
établissements et, de préférence, avant les investissements d'épuration.

Les modifications de procédés de fabrication


Il s'agit de technologies réduisant considérablement l'apparition de la pollution. Les
technologies propres ne modifient pas seulement la nature des procédés; elles l'amélio
rent dans un sens moins polluant. La séparation et la réutilisation en fabrication de
matières premières autrefois perdues, la mise en circuit fermé d'un atelier, la séparation
et la valorisation des sous-produits autrefois rejetés en constituent de bons exemples.

Les procédés propres


Il est rare que l'élimination définitive de la pollution soit garantie par les procédés mis
en œuvre; quelques exemples: le dégraissage des tissus par solvant en circuit fermé, le
décalomniage mécanique des fils d'acier et la fabrication sans eau de polystyrène sont
de véritables procédés propres.

Avantages pour l'industrie


- valorisation des déchets vendus comme sous-produits;
- réalisation d'une importante économie sur l'eau, l'énergie et les matières premières,
tout en contribuant à des gains de productivité;
- avancées technologiques par rapport aux concurrents;
- conditions de travail améliorées;
- contraintes de localisation industrielle moins fortes puisque la pollution est forte
ment ou totalement réduite;
- maintenance facilitée aux différents procédés automatisés;
- amélioration de l'image de marque de l'industriel, de son entreprise auprès des
riverains et de l'Administration, ce qu'il peut mettre en valeur dans sa stratégie de
"Marketing et développement".

Avantages pour la collectivité


L'utilisation de technologies propres a des incidences positives sur l'environnement:
- la pollution industrielle est réduite et les ressources économisées;
- le risque de pollution accidentelle se trouve réduit ou inexistant;
- la recherche appliquée est renforcée;

235
Ressources Côtières et Littorales du Sénégal

- les gains de productivité qui résultent de l'introduction d'un procédé propre peuvent
permettre de réaliser de nouveaux investissements et entraîner la création d'emplois
nouveaux.
Le 4e principe est un idéal qui n'existe même pas encore d'une façon généralisée dans
les pays développés, à plus forte raison au Sénégal. Dans ce pays, les industries sont
polluantes et n'ont jamais été contraintes par une législation quelconque à se conformer
à des normes précises. Ces normes sont d'ailleurs en cours d'élaboration, ce qui nous
inquiète beaucoup car nous espérons que l'I.S.N.' ne proposera pas des normes généra
lisées trop sévères et inutiles mais plutôt des normes sectorielles qui prennent en compte
les secteurs d'entreprise, le milieu récepteur et surtout les objectifs de qualité visés pour
ce milieu.

CONCLUSION
Les industries doivent jouer leur rôle dans la protection de l'environnement qui est
l'affaire de chacun. En ce qui les concerne, elles doivent prendre conscience de leur rôle
de pollueuses et commencer avant tout par réaliser un éco-bilan ou un audit environne
mental; cela leur permettrait, d'une part, de savoir combien leur coûtera la prise en
compte d'une politique de protection de l'environnement et, d'autre part, de connaître
avec précision ce qu'elles rejettent et à quels endroits.
Il faut des normes et directives assez précises pour que l'entreprise puisse avoir des
références de base pour toute action qu'elle voudrait mener. A ce titre, nous sommes
d'accord avec le projet du PNAE2, qui considère que le modèle suédois semble mieux
adapté à la situation et à la tradition juridique du pays. Il se fonde sur un examen de
chaque industrie et sur l'intention volontariste d'aboutir à une charge acceptable pour
l'environnement selon un calendrier et des méthodes choisies de commun accord par les
différentes parties.
Toutefois, il faut signaler qu'une étude d'impact ou d'incidence est en général imposée
à une entreprise qui veut s'installer mais pas à celles en activité. La création de zones
industrielles est de nature à limiter l'impact (négatif) des entreprises sur la collectivité.

1 Institut Sénégalais de Normalisation.


2 Plan National d'Actions pour l'Environnement.

236
REJETS CHIMIQUES EN MER ET
CONSEQUENCES ENVIRONNEMENTALES POUR
LA REGION DAKAROISE

OumarSARR
Département de Chimie, Faculté des Sciences et Techniques, Université Cheikh
Anta Diop, Dakar, Sénégal

Résumé

L'objet de la présente communication est de faire le point sur les principales substances
chimiques déversées en mer au large de Dakar.
L'auteur analyse ensuite les conséquences environnementales de ces rejets et esquisse des
solutions parmi lesquelles la mise sur pied des points nodaux de traitement chimique et
mécanique des eaux usées et l'élaboration d'une meilleure politique de sensibilisation et d'
éducation des populations.

CHEMICAL DISCHARGES INTO THE SEA AND THE


ENVIRON MENTAL EFFECTS IN THE DAKAR AREA

Abstract

The object of this report is to define the main chemical substances discharged into the
sea off Dakar.
The author then analyses the effects ofthese discharges on the environment and su ^gests
solutions. Among these are the establishment of nodal points for the chemical and
mechanical treatment of waste waters, and the elaboration of an improved polky for
population awareness and education.

1. INTRODUCTION
Selon les adeptes de la théorie de l'évolution, la mer serait le berceau de la vie. De nos
jours, ce berceau reste encore indispensable pour la préservation de la vie sur terre. Toute
perturbation de son écosystème a une incidence directe sur la vie.
La mer est malheureusement muette et l'homme, égoïste, la considère comme un endroit
idéal pour évacuer ses résidus. L'expérience prouve cependant que, dans la plupart des
cas où la substance rejetée est solide, la mer finit tôt ou tard par la rejeter sur la plage.
En revanche elle est désarmée devant cette agression moderne que constitue le rejet de
substances chimiques nocives lié au développement industriel.

237
Ressources Côtières et Littorales du Sénégal

L'objet de la présente communication est de faire l'inventaire des principales substances


chimiques déversées en mer au large de Dakar (cf. planches photographiques), d'analyser
leur impact et de proposer quelques thèmes de réflexion en vue de la solution ou de
l'atténuation des problèmes.

2. PRINCIPALES SUBSTANCES DEVERSEES EN MER


En circulant sur la côte au Sud de Dakar, entre le port et Thiaroye, on se rend bien compte
de l'évidence de la pollution dûe à trois sources essentielles:
- les usagers du PAD1;
- les sociétés industrielles;
- les ménages et les diverses activités de l'homme.

2.1. Pollution de la zone portuaire


Au niveau du PAD, l'essentiel des substances polluantes est constitué par les hydrocarbures
ainsi que les huiles et graisses provenant du récurage des navires et des installations.
Les terminaux portuaires de la CSPT2, des ICS3 et de la SSPT4 contribuent également à la
pollution de l'air dans la zone portuaire.

2.2. Types de substances polluantes


En 1986, la Direction de l'Environnement a réalisé une étude sur la quantité de substances
polluantes déchargées en mer (tableau 1 ). Il s'agit surtout des huiles et graisses, du phénol,
des substances azotées et phosphatées. On peut y ajouter les métaux lourds tels que le mercure,
le cadmium, le plomb et une grande variété de colorants utilisés dans les usines de tannerie,
de galvanoplastie, du papier et des textiles, qui sont entraînés vers la mer par les eaux usées.

2.3. Pollution par les eaux usées


Les ménages et les diverses autres activités humaines contribuent essentiellement à la
pollution littorale par l'intermédiaire des eaux usées déversées directement en mer sans
traitement préalable. Il s'agit:
- d'abord des substances nutritives azotées et phosphatées en sus des bactéries et matières
organiques. Des études récentes (UNESCO et BSP, 1991) ont montré que dans la
composition des eaux d'égout, chaque habitant contribue pour 2 g de phosphates et 1 2 g
de substances azotées en moyenne par jour. Pour la population dakaroise, estimée à
1 500 000 habitants environ, cela correspondrait à 1 000 tonnes de phosphates et
6 500 tonnes de substances azotées par an;
- ensuite, des détritus versés directement sur la plage et contenant des piles usagées
(pb Hg).

1 Port Autonome de Dakar.


2 Compagnie Sénégalaise des Phosphates de Taïba.
3 Industries Chimiques du Séné(,>al.
4 Société Sénégalaise des Phosphates de Thiès.

238
Rejets Chimiques en Mer et Conséquences Environnementales

Tableau 1 Masse de polluants déchargés dans la mer en tonne/are


(source: BRGM/Dir. Environ., 1986)

SOCIETE DBO DCO HUILE PHENOL SUBS PHOS


GRAISSE AZOTEES PHATE
SONACOS 2 230 5 580 1 400 - - -
SOTIBA 150 27 - 2,592 - -
ICOTAF 50 628 - 0,892 - -
SAR 113 315 43,2 0,54 23,4 -
NSOA 61 153 7,3 - - -
PECHE - - 367 - - -
(CUMUL)
CCV 24 302 - 0,42 - -
ICS Mbao - - - - - 115
CSL 3 16 0,8 0,017 1,5 -
TOTAL
NATIONAL 11 200 29 520 4 164 4,6 25,5 115

3. IMPACT SUR L'ECOSYSTEME


La prolifération des huiles, graisses et hydrocarbures contribue à la diminution des
échanges entre l'atmosphère et la mer et entraîne une pénurie d'oxygène indispensable
à la mer (cf. tableau avec les grandes valeurs de DBO et DCO).
La pollution atmosphérique par le phosphate et le soufre peut engendrer des perturbations
respiratoires pour les usagers du port mais surtout en cas de combinaison avec l'hydro
gène le soufre peut donner du H2S très toxique par inhalation.
Le phénol, substance très toxique est absorbé par simple contact avec la peau. La
SOTIBA1 déverse la moitié du phénol comptabilisé et la coloration rougeâtre de l'eau
perceptible depuis des mois sur une étendue de 2 km n'empêche pas les baigneurs de
goûter aux "délices" de l'eau en ces périodes de canicule.
Les substances azotées et phosphorées ont sur la flore marine un effet comparable à celui
de l'engrais sur un champ; on remarque une croissance accrue et une prolifération
d'algues et de planctons. Ce phénomène de fertilisation et de surcroissance (appelé
Eutrophisation) est de plus en plus observé dans la baie de Hann.

1 Société de Tissage, d'Impression et de Blanchiment en Afrique.

239
Ressources Côtières et Littorales du Sénégal

Planche 1 Port Autonome de Dakar: Hydrocarbures et graisse

Planche 2 Port Autonome de Dakar: Tas de soufre des ICS

240
Rejets Chimiques en Mer et Conséquences Environnementales
Ressources Côtières et Littorales du Sénégal
Rejets Chimiques en Mer et Conséquences Environnementales

Le mercure, méthylé par les bactéries (eaux usées) donne naissance à l'ion méthylmer-
cure HgMe+ très toxique et accumulé dans les planctons, principale nourriture des
poissons. Par la chaîne du poisson, l'homme récupère un dérivé du mercure plus nocif
que le métal rejeté en mer puisque très pénétrant vis-à-vis de la membrane cellulaire et
entraînant des pertes de mémoire.
Le plomb s'accumule au niveau de la végétation marine de même que le cadmium. La
chaîne du poisson devient de plus en plus dangereuse;la consommation accrue d'oxygène
diminue les chances de vie sous l'eau et contribue, avec la saturation de l'eau de mer en
CO2 par l'intermédiaire de la photosynthèse, au réchauffement de la planète.
Que faire? Autant il semble facile, avec un peu de bonne volonté et la coopération des
intéressés d'améliorer la situation en ce qui concerne le PAD et les sociétés industrielles,
autant la question des ménages et de la population semble difficile à résoudre.
Théoriquement, il est tout à fait possible d'envisager la création d'un ou de plusieurs
points nodaux de traitement chimique (précipitation des phosphates) et mécaniques
(filtration et séparation du précipité) des eaux usées avant le rejet à la mer; cela suppose
l'existence d'une grande canalisation de collecte ceinturant la zone. Des aménagements
supplémentaires et progressifs pourraient permettre la récupération des métaux lourds
toxiques.
Par ailleurs, on devrait mettre l'accent sur la sensibilisation et l'éducation des populations.
C'est ainsi qu'on pourrait conduire les jeunes à se sentir collectivement responsables du
littoral en les initiant à la connaissance de la nature grâce, par exemple, à des jeux et à
des manuels écrits dans un langage simple. Il serait également possible, tant à l'école
élémentaire que dans les lycées, de responsabiliser les enseignants qui, chacun dans sa
spécialité, pourraient attirer l'attention des élèves sur la problématique de l'environne
ment littoral. Enfin, cet effort d'interdisciplinarité devrait être de mise dans le domaine
de la recherche.

243
LE REJET DES EAUX USEES A DAKAR: ANALYSES
CHIMIQUES ET BACTERIOLOGIQUES,
PROBLEMES D'EPURATION

SeydouNIANG
Département de Biologie Animale, IFAN Cheikh Anta Diop, Dakar, Sénégal

Résumé

Environ 35 000 m3 d'eaux usées urbaines de Dakar sont rejetés, chaque jour, en mer sans
traitement. Ces eaux sont, pour l'essentiel, évacuées au niveau de la Baie de Hann par
l'intermédiaire du canal VI et au niveau de la Baie de Soumbédioune par le canal de la
Gueule-Tapée et le canal Hann-Fann.
De plus, toutes les usines situées sur la Zone Franche Industrielle déversent leurs eaux
usées en mer. Par un apport important de facteurs limitant à l'état naturel (Phosphore,
Potassium...), cette pollution est à l'origine des phénomènes d'eutrophisation (proliféra
tion d'algues Ulves sp.) observés dans la baie de Hann, rendant difficilement accessible
la plage aux pêcheurs et aux baigneurs.
Des phénomènes de contamination par les bactéries et les métaux ont été observés sur la
faune et la flore marine à divers endroits du littoral. Nous avons noté au cours d'une étude
sur la caractérisation des eaux usées urbaines de Dakar, au niveau de la station de relèvement
de l'Université, les charges suivantes pour un débit moyen journalier de 4 500 m3:
-4 354 Kg/j de matière en suspension;
-6 172 Kg/jdeDCO;
-3 492 Kg/j de DBO5;
-232 Kg/j d'Azote Organique;
-205 Kg/j de Phosphore.
La collecte, le traitement et la récupération de ces eaux sont pourtant souhaitables pour
l'amélioration de l'hygiène publique et la conservation des ressources naturelles. A cet
effet, la technique d'épuration des eaux usées par Mosaïque Hiérarchisée d'Ecosystèmes
Artificiels qui s'adresse à des collectivités de faible densité (quartiers périphériques)
pourrait constituer une perspective d'avenir.

DISCHARGE OF THE WASTE WATERS IN DAKAR: CHEMICAL


AND BACTERIOLOGICAL ANALYSES, PROBLEMS OF
PURIFICATION

Abstract

About 35 000 m3 of the urban waste water of Dakar is discharged daily into the sea
without being treated. This water is evacuated mainly to the Bay of Hann via Canal VI
and to the Bay of Soumbedioune via the Gueule-Tapée and Hann-Fann canals.

245
Ressources Côtières et Littorales du Sénégal

Moreover, all the factories located in the industrial estate discharge their waste water into
the sea. Due to high levels of nutrients such as phosphorous, potassium..., this effluent
has caused eutrophication (proliferation of Vlves sp. algae) in the Bay of Hann, and has
made access to the beach for swimmers and fishermen difficult.
Phenomena of contamination by bacteria and metals have been observed on the marine
fauna and flora in different parts ofthe littoral zone. While surveying the characterization
of the urban waste waters of Dakar, at the level of the University bearing station, the
following loads for an average daily discharge of 4 500 m3 were noted:
-4 354 k/d of suspended matter;
-6 172k/dofCOD;
-3 492k/dofBOD5;
-232 k/d of organic nitrogen;
-205 k/d of phosphorous.
Collection treatment and reprocessing of this water is nevertheless desirable for the
improvement of public health and the conservation of natural resources. To that end, a
future perspective could be the technique of purification of waste water by "Mosaïque
Hiérachisée d'Ecosystèmes Artificiels" (Hierarchical Mosaic of Artificial Ecosystems)
which concerns low density collectivities (peripheral districts).

1. INTRODUCTION
Le rejet sans traitement des eaux usées urbaines est généralisé dans les pays du Tiers-
Monde ainsi que dans de nombreuses villes et zones rurales des pays industrialisés. Ces
eaux qui ne subissent aucun traitement d'épuration même sommaire, sont non seulement
totalement inutilisables, mais entraînent également par leur seule présence des risques
épidémiques pour les populations et une dégradation de plus en plus importante du milieu
naturel.
D'une part, sur plus de 50 000 m3 d'eaux usées produites chaque jour seulement près de
9 000 m3 sont traitées avant rejet à la mer (Cambérène), le reste étant soit pour une grande
part directement rejeté à la mer, soit réutilisé telle quelle pour le maraîchage (Pikine,
Ouakam). Notons que sur ce volume rejeté, 15 000 m3 proviennent des industries
(Direction de l'Environnement, 1992).
D'autre part, pour le reste de la population pratiquant un assainissement individuel, il arrive
souvent que les vidanges ne soient pas effectuées de façon régulière, ou alors que les fosses
étanches ne le soient pas du tout. Il s'ensuit comme le montre une étude de COLLINS et
SALEM (1989) sur les nappes de Pikine, une très forte contamination des aquifères en
nitrate. Dans certains puits on a trouvé des concentrations allant jusqu'à 500 mg/l, alors
que les normes admises sont de 20 mg /l, la valeur guide tournant autour de 50 mg/l.
A Dakar, la plupart de ces eaux sont évacuées au niveau de la baie de Hann par
l'intermédiaire du canal VI, au niveau de Soumbédioune par le canal de la Gueule-Tapée
et le canal Hann-Fann, et au niveau des Niayes de Pikine par le biais d'une station de
lagunage qui ne fonctionne plus.
Nous avons noté par exemple, dans une étude sur la caractérisation des eaux usées
domestiques de Dakar financée par le CRDI, des charges pour les effluents évacués à

246
Le Rejet des Eaux Usées à Dakar

Pikine, de 369 kg de matières en suspension par jour, de 1459 mg (VI de DCO, et de


20 x 107 coliformes fécaux pour 100 ml d'échantillon. Autour de ce point de déverse
ment, une activité intense de maraîchage s'est développée. Malheureusement une bonne
partie de la population pense que le fait d'arroser les légumes avec cette eau riche en
engrais naturel constitue plutôt un avantage (NIANG, 1992).
Une étude faite également sur les poissons pélagiques et démersaux des baies de Hann
et Soumbédioune (Dakar), a montré des taux de contamination en bactéries pathogènes
supérieurs aux normes admises (NIANG, 1992).
Etant donné la croissance foudroyante des périphéries urbaines des pays du Tiers-Monde,
les systèmes classiques d'assainissement ne répondent plus aux besoins. En effet la
solution qui consiste à réaliser de vastes réseaux d'égouts aboutissant à des installations
de relevage et des stations d'épuration de type classique, intéressantes pour des commu
nautés de forte densité tributaires d'une consommation d'énergie importante et d'un
entretien régulier, ne semble pas être réaliste. En plus, cela coûte très cher à la commu
nauté en matière d'investissement (réseaux de grands diamètres, installations de haute
technologie) et au niveau du fonctionnement.
Ces conditions sont devenues difficiles à obtenir dans la situation économique actuelle
des pays en développement. Pourtant la collecte, le traitement et la récupération de ces
eaux sont souhaitables dans le souci de l'amélioration de l'hygiène publique et de la
conservation des ressources en eau.
Devant ce dilemme, la technique de l'épuration des eaux usées domestiques par Mosaï
que Hiérarchisée d'Ecosystèmes Artificiels semble apporter une autre alternative.

2. CARACTERISATION DES EAUX USEES DOMESTIQUES DE


DAKAR: CAS DE PIKINE, UNIVERSITE ET CAMBERENE

2.1. Caractéristiques du réseau des eaux usées


Le réseau d'eaux usées de Dakar est conçu pour déverser toutes les eaux usées de la ville
et du port vers l'Océan Atlantique, sur la façade Ouest de la Presqu'île du Cap-Vert. C'est
là que se jettent le collecteur principal du Plateau, les collecteurs de la Médina, le
collecteur Hann-Fann et les systèmes autonomes de la plupart des établissements publics,
le long de la corniche.
La longueur des canalisations d'eaux usées est estimée à environ 490 km à Dakar et
12,5 km à Pikine.

2.1.1. Le collecteur principal du Plateau


Il dessert la quasi totalité du Plateau moderne et dense. Il est constitué par un ovoïde 180 x 100
sur tout son parcours. Il est séparatif sur une certaine distance puis unitaire après.

2.1.2. Les collecteurs de la Médina


Ils rassemblent les collecteurs suivants:
- le collecteur unitaire de Rebeuss-Médina, en ovoïde 120 x 80, et qui draine les
quartiers de Rebeuss et Médina-Abattoirs en rive gauche et une partie du quartier
Médina-Gueule-Tapée en rive droite;

247
Ressources Côtières et Littorales du Sénégal

- les deux collecteurs de Fass-Gueule-Tapée en ovoïde 130 x 75, drainent les eaux
usées de Médina Nord-Ouest, Fass, Gueule-Tapée et Lycée Delafosse, Fann-Hock
et une partie de l'Université.

2.1.3. Le collecteur unitaire de Hann-Fann


Il est en ovoïde 150 et draine les zones suivantes:
- au Nord les quartiers de la S1CAP (Liberté, Dieuppeul, Baobab, Amitié), Camp
Pénal, Camp Leclerc, Gendarmerie, Mermoz, Fann, Point E, Grand-Dakar et Oua-
gou-Niayes;
- au Sud les HLM, Colobane, Bopp, Fass, une partie de la zone industrielle et de
Hann-village.
Il faut signaler que tous les effluents collectés par le collecteur Hann-Fann ne sont pas
rejetés en baie de Hann; une partie étant détournée vers la station d'épuration de
Cambérène.

2.2. Caractérisation chimique et bactériologique des eaux usées


Les eaux usées domestiques contiennent des matières minérales et organiques dans les
trois phases solide, liquide et gazeuse, et dans tous les états de dispersion depuis le débris
grossier jusqu'aux molécules dissoutes ou ionisées en passant par les dispersions gros
sières, fines et colloïdales. Enfin les eaux usées véhiculent de nombreux micro
organismes pathogènes ou saprophytes ainsi que des virus.
L'appréciation globale courante de la qualité d'une eau usée s'appuie sur les tests
ci-après:
- poids et volume de matières en suspension en séparant les matières décantables
aisément des autres;
- poids des matières en solution;
- répartition des matières organiques et minérales;
- demande biochimique en oxygène ( DBO5);
- demande chimique en oxygène (DCO);
- toxicité.
Le tableau 1 donne les valeurs obtenues au cours des campagnes d'analyses à Pikine,
Université et Cambérène.
Ainsi à la station de Pikine pour des débits moyens horaires variant entre 23,38 mVh et
15,59 mVh, les résultats obtenus sont les suivants:
- MES (Matières en suspension): variations entre 395 mg/l et 1 010 mg/l;
- MD (Matières décantables): variations entre 14,62 ml/l et 8,95 ml/l;
- DCO (Demande chimique en oxygène): variations entre 1 28 1 mg O2/l et 1 76 1 mg
O2/l;
- DBO5 (Demande biochimique en oxygène): variations entre 732 mg O2/l et
810mgO2/l;
- NH/ (Azote ammoniacal): variations entre 42,25 mg N/l et 85,7 mg N/l;
- NKe (Azote Kieldahl): variations entre 170,23 mg N/l et 108 mg N/L;
- PO4 (Phosphate orthophosphorique): variations entre 36 mg P/l et 86 mg P/l;
- CF (Coliformes fécaux): variations entre 1 8,44x 1 07 pour 1 00 ml et 1 5,34x 1 07 pour
100 ml;

248
Le Rejet des Eaux Usées à Dakar

- CT (Coliformes totaux): variations entre 26,24 107 pour 100 ml et 21,73 107
pour 100 ml;
- DCO/DBO5: variations entre 2,33 et 1,59.
Pour la station de l'Université, les campagnes d'analyses ont donné les résultats
suivants pour des débits variant entre 200 et 400 mVh:
- MES (Matières en suspension): variations entre 570 mg/l et 1850 mg/1;
- MD (Matières décantables) variations entre 20,4 ml et 1 8 ml/l;
- DCO (Demande chimique en oxygène): variations entre 1 811 mg O2/l et
977 mg O2/l;
- DBO5 (Demande biochimique en oxygène): variations entre 900 mg O2/l et
626 mg O2/l;
- NH4+ (Azote ammoniacal): variations entre 64,57 mg N/l et 37,95 mg N/l;
- NKe (Azote Kieldahl): variations entre 106,49 mg/l et 91,43 mg N/l;
- PO4 (Phosphate orthophosphorique): variations entre 59,21 mg P/l et 36,10 mg P/l;
- CF (Coliformes fécaux): variations entre 12,96x107 pour 100 ml et 9,9x1 07
pour 100 ml;
- CT (Coliformes totaux): variations entre 16,7x107 et 14,8x107 pour 100 ml;
- DCO/DBO5: variations entre 2,07 et 1,56.
A la station de Cambérène, nous avons obtenu les résultats suivants:
- MES (Matières en suspension): variations entre 640 mg/l et 4490 mg/l;
- MD (Matières décantables): variations entre 23,56 ml/l et 16,78 ml/l;
- DCO (Demande chimique en oxygène) variations entre 2 098 mg O2/l et
1 130mgO2/l;
- DBO5 (Demande biochimique en oxygène): variations entre 820 et 729 mg O2/l;
- NH4+ (Azote ammoniacal): variations entre 68,5 mg N/l et 46,44 mg N/l;
- NKe (Azote Kieldahl): variation entre 13 1 ,24 et 97,06 mg N/l;
- PO4 (Phosphate orthophosphorique): variations entre 57,33 mg P/l et 37,3 mg P/l;
- CF (Coliformes fécaux): variations entre 26,03 et 14, 13x107 pour 100 ml;
- CT (Coliformes totaux): variations entre 29 et 18,7x107 pour 100 ml;
- DCO/DBO5: variation entre 2,6 et 1 ,4.

Tableau 1 Caractérisation chimique et bactériologique des eaux usées


Station/ MES MD DCO DB05 NH4+ NKe PO4 CF CT DCO/
param. mg/1 ml/l mg mg mg mg mg 100 ml 100 ml DB05
O2/I O2/I N/l N/l P/l
Pikine 395 15 1 281 732 42 170 36 18x107 26x1 07 2,3
1 010 9 1 761 810 86 108 86 15x107 21x107 1,6
Université 570 20 1 811 900 64 106 59 13x107 17x107 2,07
1 850 18 977 626 38 91 36 10x107 15x107 1,6
Cambérène 640 23 2 098 820 68 131 57 26x1 07 29x1 07 2,6
4 490 17 1 130 729 46 97 37 14x107 19x107 1,4

249
Ressources Côtières et Littorales du Sénégal

Cela équivaut, pour le collecteur Hann-Fann, à un rejet d'environ 4 500 tonnes/jour de


matières en suspension déversées directement en mer sans traitement d' épuration (hormis
l'effet d'un dégrillage).
Sachant que les matières en suspension constituent un véritable frein à la pénétration des
rayons solaires, on peut imaginer les dégâts au niveau de la flore aquatique.
Cependant, cet apport de MES s'accompagne d'un apport massifen matière nutritive, ce
qui attire les poissons et fait le bonheur des pêcheurs qui concentrent leurs efforts dans
ces zones. Et alors la mer nous renvoie en concentré par le truchement de la chaîne
alimentaire ce qu'on y a rejeté... . C'est ce qu'on verra en détail dans les paragraphes
suivants.

3. IMPACT DES REJETS SUR LE MILIEU MARIN


Dans le cadre d'une étude sur la pollution des baies de Dakar faite en juillet 1990 par l'EPEEC
(Equipe Pluridisciplinaire pour l'Etude des Ecosystèmes Côtiers) sur financement du BRGM,
nous avons eu à mesurer la concentration de certains polluants dans l'eau de mer et sur la faune
ichtyologique.
Les baies ont été couvertes par des radiales dans la zone comprise entre Thiaroye et l'Anse de
Fann avec des stations aux profondeurs suivantes (figure 1):
I Thiaroye: -2, -4, -6, - 1 0 m
n Sotiba: -2, -4, -6, -8 m
III Marinas: -2, -4, -6, - 1 0 m
IV Pointe de Bel-Air -5, - 1 0, - 1 5 m
V Anse de Bel-Air -5, -7, - 1 0, - 1 5 m
VI Entrée Portuaire: -5, -10, -15 m
VII Pointe de Dakar: -5, -12, -15 m
VnI Anse Bernard: -5, -10, -15 m
IX Baie de Madeleines: -2, -6, - 1 0 m
X Baie de Soumbédioune: -2, -3, -5 m
XI Baie de Fann: -2, -6, - 1 2 m
soient 1 1 radiales et 37 stations.

3.1 . Analyse bactériologique des eaux


Les eaux qui ont fait l'objet d'une analyse bactériologique ont été prélevées à l'aide de
bouteilles préalablement stérilisées et maintenues dans une glacière. Dès la remise au
laboratoire, 100 ml des prélèvements sont filtrés sur membrane et mis en milieu de
culture. L'analyse effectuée est une simple détermination de contamination, sans dilution
pour permettre un comptage précis des populations bactériennes.
Le tableau 2 montre que tous les échantillons sont contaminés, avec des coliformes
constants et des staphylocoques absents seulement à la première station de la radiale de
Thiaroye (I).
Les entérocoques sont les plus nombreux en face de Sotiba (II), dans la radiale de
Soumbédioune (X) et dans la baie des Madeleines (IX).

250
Le Rejet des Eaux Usées à Dakar
Ressources Côtières et Littorales du Sénégal

Tableau 2 Contamination bactériologique des eaux

Radiales Germes E. coli Conformes Entéro- Sulfito- Staphil-


totaux totaux coques réduction ocoques
100ml/37°C lOOmlM^C 100ml/37°C 100 ml/37°C 20 ml/37°C 37"C

11.1 (-2 m) >10 000 présences 10 >100 > 100 0 >100


Il 2 (-4 m) >10 000 présence s 10 >100 >100 0 > 100
II.3 (-6 m) >10 000 présences 10 > 100 > 100 0 > 100
II.4 (-8 m) 800 0 >100 0 0 >100
IX.1 (-2 m) >10 000 présences 10 >100 > 100 0 > 100
IX.2(-6m) >10 000 présences 10 > 100 > 100 0 > 100
IX.3 (-10 m) 2 800 présences 10 > 100 > 100 0 > 100
IX. 1 (-2 m) >10 000 présences 10 > 100 > 100 présence >0 > 100
IX.2 (-3 m) 9 000 présences 10 >100 > 100 présence s0 > 100
IX.3 (-5 m) 1 100 présences 10 >100 7 0 > 100

Les germes sulfito-réducteurs sont trouvés seulement en deux points dans la baie de
Soumbédioune. Ces germes étant localisés essentiellement dans les sols, leur présence
est due probablement à la remise en suspension des particules du fond par la circulation
des nombreuses pirogues de pêcheurs.

3.2. Analyse de l'ichtyofaune


Les échantillons de poissons ont été collectés à partir de sennes de plage (Thiaroye,
Sotiba, Marinas, Soumbédioune), de filets dormants (Anse Bernard, Bel-Air) et de lignes
(Bel-Air).
Les poissons servant à la recherche bactériologique ont été distingués en espèces
pélagiques (PP), vivant en pleine eau et en espèces démersales (PD) ou semi benthiques
vivant près du fond.
En ce qui concerne la recherche de métaux, les poissons ont été séparés selon leur régime
alimentaire, en planctonophage (PPK), carnivore (PC) et omnivores (PO).
Tous les poissons destinés à la recherche des métaux ont été conservés au congélateur
jusqu'au moment de la minéralisation. Le dosage a été fait au spectrophotomètre à
absorption atomique à l'ENSUT (UCAD). Les échantillons destinés à l'analyse bacté
riologique ont été introduits après récolte, dans des sacs en plastique et convoyés dans
une glacière jusqu'au laboratoire où les branchies et la peau ont été prélevées et mises
en culture immédiatement.

252
Le Rejet des Eaux Usées à Dakar

Tableau 3 Contamination bactériologique de la faune

Radiales Echan Micro- Coli- Staphy- Anaérobie Salmo- Conclusion


tillons organism formes locoques/ sulfito- nelles/
aérobies/ fécaux/ réduction/
gr gr gr gr 25 gr

1 PD 1,6x103 100 <50 < 5 Absence Acceptable

PP 1,5x103 <5 <50 <5 Absence Satisfaisant

II PD 5x1 04 185 500 5 Absence Non satisfaisant

PP 2x1 04 75 50 > S. lisible Absence Non satisfaisant

III PD 3x1 04 75 500 20 Absence Non satisfaisant

PP 1,4x103 5 250 15 Absence Acceptable

V PD 2x1 04 <5 50 >S. lisible Absence Pas de


contamination

PP 3x1 04 <5 100 >S.lsiible Absence Pas de


contamination

VIII PD 4,3x1 03 150 <50 >S. lisible Absence Non satisfaisant

PP 1,7x103 175 100 >S. lisible Absence Non satisfaisant

IX PD 3,2x1 03 <5 350 < 5 Absence Satisfaisant

PP 2,7x1 03 <5 200 >S. lisible Absence Satisfaisant

X PD 2,1x103 115 <50 < 5 Absence Non satisfaisant

PP 1,4x105 7 100 <50 <S. lisible Absence Non satisfaisant

XI PD 5,9x1 03 145 <50 5 Absence Non satisfaisant

PP 3,5x1 02 <5 <50 <5 Absence Non satisfaisant

N 5x1 04 10 100 2 Absence

253
Ressources Côtières et Littorales du Sénégal

3.2.1. Analyse bactériologique


Dans l'ensemble, les espèces démersales, vivant ou se nourrissant sur le fond, sont plus
contaminées que les espèces pélagiques, vivant en pleine eau; avec une exception: le lot
de pélagique de Soumbédioune, constitué de Trachinotus ovatus (khane en wolof),
Selene dorsalis (fanta mbaye en wolof) et de Pomadasysjubelini (sompatt en wolof) qui
contiennent jusqu'à 7 100 coliformes fécaux par gramme.
Les échantillons non satisfaisants aux normes sont les suivants:
- Sotiba, les deux échantillons,
- Marinas, l'échantillon démersal,
- Anse Bernard, les deux échantillons,
- Soumbédioune, les deux échantillons,
- Fann, l'échantillon démersal.

3.2.2. Analyse des métaux


L'extrême mobilité des poissons en fait des indicateurs peu fiables pour apprécier le
niveau de pollution des baies. Malgré tout, il s'avère d'après les résultats des analyses
qui figurent dans le tableau précédent, que d'une manière générale et quelque soit leur
régime alimentaire, les poissons pêchés à Thiaroye, à l'anse Bernard, aux Madeleines, à
Soumbédioune et à Fann sont contaminés en cuivre, mercure, plomb, chrome et cad
mium, éléments hautement nocifs pour l'organisme humain.

Tableau 4 Contamination de la faune par les métaux

Radiales Echantillon Espèces Cu Hg Pb Cr Cd


mg/100gr ng/100gr mg/100gr mg/100gr mg/100gr
la PC E. alleteratus - 10,48
la PO Liza sp. - 7
Ib PC Sphiraena sp. - 1,17
Ib PO E. 19,44 -
melanopterus
Ib PPK S. aurita - 1,07
Villa PPK S. aurita 19,60 -
IXa PC Sphiraena sp. 24,52 -
Ib PC Sphiraena sp. 1,48 -
Xc PC Trachinatus sp. 1,26 -
Xlb PPK Sarpa salpa - 5,90
Xlc PC Trachinotus sp. - 4,60
Xlc PPK Sarpa salpa - 4,06

254
Le Rejet des Eaux Usées à Dakar

Rappelons que les résultats présentés ici sont issus d'une étude ponctuelle qu'il serait
urgent de poursuivre d'une manière régulière et approfondie pour un bilan plus complet.

4. L'EPURATION DES EAUX USEES DE DAKAR

4.1. Caractéristiques des stations d'épuration


L'agglomération de Dakar dispose de cinq stations d'épuration des eaux usées:
- Cambérène (type boues activées);
- Pikine Niayes (type lagunage à microphyte);
- Mbao (type boues activées);
- Patte d'Oie 1 (type lit bactérien);
- Patte d'Oie 2 (type boues activées).
Dans le cadre institutionnel, la Direction de l'Hydraulique Urbaine et de l'Assainisse
ment (D.H.U.A) est chargée des études, du contrôle et de la réalisation des réseaux et
ouvrages de captage, d'adduction et de distribution des eaux potables, de l'assainisse
ment ainsi que du traitement des eaux usées en milieu urbain, semi-urbain et rural. Elle
est chargée également du contrôle de toutes les sociétés d'intervention relevant de sa
compétence.
En ce qui concerne l'assainissement, la SONEES (Société Nationale d'Exploitation des
Eaux du Sénégal) n'est encore qu'un prestataire de services.
De toutes ces stations, seule celle de Cambérène est actuellement fonctionnelle, les autres
étant hors d'usage soit par défaut d'entretien, soit par défaut de fabrication, soit tout
simplement par surcharge.

4.2. La station d'épuration de Cambérène


C'est la plus récente, la plus importante et la seule en état de fonctionnement correct.
Son coût à l'investissement est d'environ 2,5 milliards de F CFA.
Elle est prévue pour répondre aux besoins d'une population de 100 000 équivalents-
habitants en première phase, avec possibilité d'extension à 200 000 équivalents-habitants
à terme.
C'est une station de type boues activées, réalisée par la société DEGREMONT; les
installations actuelles ont été dimensionnées sur la base des charges entrantes ci-après:
débit journalier 9 600mVj
débit de pointe 700 mVj
DBO5 6 000 kg/j
MES 9 000 kg/j
Les caractéristiques prévues des eaux traitées sont les suivantes:
DBO5 20 mg/l
MES 30 mg/l
Cette station d'épuration a été mise en service en janvier 1989 avec un débit réduit
(3 600 mVj) faute de branchements suffisants.

255
Ressources Côtières et Littorales du Sénégal

Dans l'ensemble, beaucoup d'efforts ont été consentis en faveur de l'assainissement, tant
sur le plan des actions que de la législation. Cependant la multiplication des intervenants
sur le même terrain, créant obligatoirement un conflit de compétence est à notre avis à
l'origine des échecs observés. A l'avenir, il serait plus efficace de confier la législation
à un organisme étatique unique. La réalisation des ouvrages, leur mise en service et leur
entretien serait confié à un organisme tel que la SONEES.
Enfin un organisme de contrôle, cette fois étatique, pourrait être créé pour superviser le tout.

5. L'EPURATION PAR MOSAÏQUE HIERARCHISEE


D'ECOSYSTEMES ARTIFICIELS
Il faut reconnaître que toutes les techniques d'épuration dites classiques sont fort
coûteuses à la conception et à l'entretien; elles nécessitent en outre une main d'oeuvre
qualifiée. Elles restent néanmoins les plus efficaces pour les zones à forte densité de
population.
Une autre alternative à ces techniques en zone de faible densité est l'épuration par les
macrophytes. Ainsi, depuis 1953 et probablement bien avant, des expériences sont
tentées sur la capacité épuratrice des macrophytes. En effet, certaines plantes aquatiques
ou semi-aquatiques peuvent jouer un rôle important dans le traitement des eaux usées.

5.1. Le rôle des plantes dans l'épuration des eaux usées

5.1.1. Rôle physique


Par leur seule présence, les plantes provoquent des modifications physiques du milieu.
Ainsi le développement éventuel d'un réseau de racines et rhizomes entraîne un encom
brement du milieu aquatique et, par conséquent, une augmentation de ses capacités de
filtration, ce qui est fort appréciable dans le processus d'élimination des matières en
suspension.
Les parties immergées augmentent l'importance des surfaces submergées disponibles
pour la fixation du périphyton, d'où un accroissement de l'épuration par ces micro-
organismes.
Le développement d'une nappe foliaire importante au-dessus de l'eau, entraîne une
diminution considérable de l'énergie lumineuse disponible pour le phytoplancton, ce qui
évite le développement d'une seconde pollution. Les hélophytes peuvent égalementjouer
un rôle important dans l'oxygénation du milieu.

5.1.2. Rôle physiologique


Certaines plantes sont capables d'absorber et de stocker dans leurs organes des matières
non organiques tels le cuivre, le cobalt, le zinc, le nickel etc. (K. SEIDEL,1966).
Certaines espèces de joncs ou Schoenoplectus également sont capables d'absorber le
phénol et ses dérivés (chlorophénol et penta chlorophénol) (K. SEIDEL, 1966).
Une culture d'hélophytes, installée sur un substrat inerte et alimentée exclusivement par
des eaux usées intervient directement et indirectement dans l 'épuration par la physiologie
de sa nutrition au niveau de l'azote et du phosphore.

256
Le Rejet des Eaux Usées à Dakar

Enfin, concernant l'épuration bactériologique, il a été démontré qu'au niveau des racines
de Mentha aquatica, Accorus calamas, Juncus effunis et Phragmites communis, il y a
des sécrétions qui éliminent complètement ou partiellement les bactéries pathogènes dans
l'eau polluée.

5.2. L'épuration par Mosaïque Hiérarchisée d'Ecosystèmes


Artificiels

5.2.1. Définition et principe


Dans la nature, le système se définit comme la série des écosystèmes liés à l'eau; ils se
succèdent selon un gradient de hauteur de la nappe aquatique par rapport au niveau du sol.
Du centre du plan d'eau jusqu'à la terre ferme, le système comporte successivement:
- l'écosystème de l'eau libre, sans végétation supérieure;
- les prairies flottantes à hydrophytes libres (Pistia, Eichornia..);
- les prairies à feuilles fixées et feuilles nageantes (Nvmpheacees);
- les prairies immergées à hydrophytes nageantes ou fixés;
- les ceintures de végétations semi-aquatiques ou communautés hélophytiques de
bordure;
- les prairies humides, marais et marécages à végétation herbacée;
- les forêts humides à végétation ligneuse.
Si l'on compare toutes les techniques d'épuration extensives avec les différents écosys
tèmes de la Mosaïque, il devient évident que chacun de ces procédés artificiels utilise
typiquement l'une ou l'autre de ces communautés naturelles.
La technologie de la Mosaïque Hiérarchisée d'Ecosystèmes Artificiels est un procédé
conçu à partir de l'aménagement d'un ensemble d'écosystèmes aquatiques artificiels en
fonction des caractéristiques et des avantages spécifiques de chacun d'entre eux de
manière à optimiser le rendement épuratoire global du système.
La recherche relative à cette technologie impose la comparaison de l'efficacité épuratrice
d'écosystèmes artificiels différents placés dans des conditions de fonctionnement iden
tiques.

5.2.2. Protocole expérimental


Le protocole décrit ci-dessous représente celui de la station expérimentale de Viville en
Belgique.
La station comporte cinq cascades de quatre bassins disposés en séries; chacune de ces
cascades permet la reconstitution miniature d'un système naturel d'épuration (lagunage,
marais artificiel ou système combiné) alimenté par les eaux usées de la ville d'Arlon.
Les bassins expérimentaux de chaque cascade comportent plusieurs aménagements
particuliers:
- Le climat souterrain typique des marais naturels de la région est reproduit grâce à
une isolation extérieure.

257
Ressources Côtières et Littorales du Sénégal

- Le support des plantations dans chaque bac est constitué de plusieurs couches de
quartz calibré.
- Dans chaque bassin, les eaux peuvent circuler en translation, c'est à dire à la surface
du sol ou en percolation, à travers le quartz, ou encore en mélange des deux types
de circulation.
- Chaque bac comporte une série de tube de sondage pour la surveillance des eaux
interstitielles et du sol en profondeur et deux tubes d'essai destinés aux prélèvements
bactériologiques.
L'eau usée utilisée pour toutes les expériences est prélevée automatiquement, à inter
valles réguliers, dans le collecteur d'égout de la ville d'Arlon. Elle alimente les cinq
cascades expérimentales sous le contrôle d'une cabine de distribution entièrement
automatique.

5.2.3. Résultats et discussions


A titre d'exemple, nous présentons ici un schéma de fonctionnement de la station
expérimentale de Viville, concernant le rôle de Typha latifolia L dans l'épuration des
eaux usées par le système de la Mosaïque Hiérarchisée d'Ecosystèmes Artificiels. Le
protocole expérimental est représenté sur la figure 2.

11 21 w 31 41 51
Tiges PVC
Typha Lagune Epilobium + ombrage Iris

I 12 I I | 22 I I { 32 1 || espvc42| rf 52
▼ Typha Lagune Epilobium J'S^ | | Iris

Hlf
13 âi HE ,. 33 33i[f Tiges PVC43
Typha Lagune 'Epilobium
+ ombrage
J_l I I I

_44
i 14||"t 27] || 54] [f'Tiges PVC
Typha 1 1 Lagune
' - - 1 1 \pilobium 1 ' - ombrage
jj, H, p j

Figure 2 Protocole de l'expérience. 1 à 5: cascades; I à IV: niveaux

258
Le Rejet des Eaux Usées à Dakar
Ressources Côtières et Littorales du Sénégal

5.2.3.1. Elimination des matières en suspension


L'analyse des courbes de la figure 3 montre une efficacité de la plantation à Typha
latifolia toujours supérieure à celle du système pourvu des tiges P.V.C. et à celle pourvu
d'écrans. Ce dernier est lui-même supérieur au lagunage.
La signification de ces écarts doit être recherchée parmi les différences de caractéristiques
entre ces cascades.
La partie immergée des tiges de Typha en Cl développe un important réseau racinaire
aquatique; ce maillage dense joue le rôle de filtre horizontal, ce qui n'est pas le cas en C4.
D'autre part les tiges immergés en P.V.C. et les écrans favorisent la rétention des matières
en suspension par encombrement de la nappe aquatique et par effet d'ombrage qui inhibe
le développement du phytoplancton.
Les courbes concernant la charge organique totale montrent une évolution similaire et la
même interprétation peut être donnée.
5.2.3.2. Elimination de l'azote total et du phosphore total
La figure 4 représente les rétentions absolues en azote total dans les trois cascades. La
plantation à Typha est presque toujours plus efficace que le lagunage tandis que celui-ci
n'est sensiblement supérieur à la cascade 4 qu'en période de végétation.
Concernant le phosphore, les courbes montrent que Typha présente vis-à-vis du phos
phore total un comportement comparable à celui qu'il manifeste pour l'azote total.
En conclusion, on signalera que les produits issus du traitement (la biomasse végétale)
peuvent être utilisée dans l'alimentation du bétail, dans la construction et dans la
production de compost.

REFERENCES BIBLIOGRAPHIQUES
ANONYME (1987). Décennie Internationale de l'eau potable et de l'assainissement.
Données nationales. OMS Publicat. n° 92, Genève.
ANONYME (1990). Rapport d'étude sur l'état biologique des baies de Dakar. Projet
d'étude de réhabilitation, de protection et d'aménagement des baies de Dakar.
SEN/87/021. EPEEC/Projet COMARAF (UNESCO-PNUD), 48 p.
ANONYME (1992). Les problèmes de la pollution industrielle dans la baie de Hann.
Direction de l'environnement, Semaine. 1FAN, 9 p.
COLLIN, J.J., SALEM, G. (1989). Pollution des eaux souterraines par les nitrates
dans les banlieues non assainies des pays en développement, le cas de Pikine
(Sénégal). Symp. Intern. sur des solutions intégrées pour des problèmes de
pollution de l'eau SISSIPA - Lisbonne.
NIANG, S. (1992). Projet d'épuration des eaux usées domestiques dans la zone
urbaine de Dakar: Bilan et Perspectives, Rapport CRDI, 98 p.
SEIDEL, K. (1976). Macrophytes and water purification in biological control of water
pollution. Ed. by J. TOURBIER and R. W. PIERSON, 109-121.

260
CONTAMINATION DU PEUPLEMENT
BENTHIQUE ET POLLUTION DES BAIES DE
DAKAR

Amadou Abdoulaye SECK


Musée de la Mer, IFAN, Université Cheikh Anta Diop, Dakar, Sénégal

Résumé

Une ville est un écosystème ouvert qui entretient des échanges permanents (flux d'éner
gie et de matières) avec son environnement immédiat. Elle consomme des ressources
diverses et de l'énergie, et produit des déchets.
La ville de Dakar et sa zone industrielle, baie de Hann notamment, déversent sur le littoral
de la matière organique et des produits chimiques à effets polluants.
Il existe un réseau de stations d'épuration, géré par la SONEES, qui est insuffisant. Des
stations de relèvement déversent aussi directement leurs charges polluantes en mer sans
traitement préalable.
La situation des baies de Dakar a fait l'objet d'une étude biologique en équipe pluridis
ciplinaire (EPEEC, Equipe pluridisciplinaire d'Etudes des Ecosystèmes Côtiers).
La communication présentée, s'appuie sur l'analyse de la biomasse phytoplanctoni-
que, du peuplement macrobenthique, de la teneur en métaux lourds dans les algues et la
faune superficielle, de la contamination bactériologique de l'eau et des organismes
animaux. Malgré certains phénomènes d'eutrophisation et des signes de perturbation du
peuplement benthique, nous sommes arrivé à la conclusion que la situation n'est pas
irréversible.

CONTAMINATION OF THE BENTHIC POPULATION AND


POLLUTION OF BAYS IN DAKAR

Abstract

A town is an open ecosystem maintaining permanent exchanges (energy flows and


materials) with its immediate surroundings. It consumes miscellaneous resources and
energy, and produces refuse.
The city of Dakar and its industrial estate, notably the Bay of Hann, discharge organic
matter and chemicals with pollutant effects into the littoral zone.
There is a network of effluent treatment works managed by SONEES. Some of these
purification works discharge their pollutant loads directly into the sea. These are without
treatment.
The condition of the bays of Dakar has been the subject of a multi-disciplinary team
biological study (EPEEC).

261
Ressources Côtières et Littorales du Sénégal

This presentation is based on the analysis of the phytoplanktonic biomass, the macro-
benthic population, the heavy metal content of algae and of the surface fauna, the
bacteriological contamination of the water and animal organisms. Despite some eutro-
phication phenomena and signs of disturbance of the benthic population, it was conclu-
ded that the situation is not irreversible.

1. INTRODUCTION
Une ville est un écosystème ouvert qui entretient des échanges permanents (flux d'éner
gie et de matières) avec son environnement immédiat. Elle consomme des ressources,
de l'énergie et produit des déchets.
Avec ses deux millions d'habitants, la communauté urbaine de Dakar connaît un
développement de son tissu urbain et industriel rapide et anarchique. Ce développement
a pour conséquences des rejets toujours plus importants de matières organiques, fécales
et de substances chimiques.
La plupart de ces rejets sont déversés en mer sans pré-traitement. En effet, les rares
stations d'épuration des eaux usées, gérées par la SONEES sont le plus souvent non-
fonctionnelles ou sous-dimensionnées.
L'existence de phénomènes d'eutrophisation dans certaines baies (baie de Hann) peut
être considérée par certains comme l'indice d'une pollution. Ce travail tente d'établir à
partir d'une série de mesures sur le peuplement benthique, le degré de pollution réelle
ou supposée des baies de Dakar.

2. L'ANALYSE DE LA COMPOSITION DU PEUPLEMENT


BENTHIQUE DES BAIES DE DAKAR

2.1. La biomasse phytoplanctonique


De la digue de Dakar à Thiaroye, la biomasse phytoplanctonique est importante, avoisinant
2 ug /l dans les stations les plus proches du rivage, avec des pointes de 22,98 ug/l à l'entrée
du port et 19,73 ug/1 à Marinas. Ces valeurs pourraient reflèter la différence d'eutrophisation
d'une part et des situations hydrodynamiques particulières d'autre part.

2.2. Contamination bactériologique des eaux


Les coliformes fécaux sont présents dans tous les échantillons de même que les staphy
locoques; à l'exception de la première station de la radiale de Thiaroye où ces derniers
sont absents.
Les entérocoques apparaissent nettement à Sotiba', Soumbédioune et dans la baie des
Madeleines; des germes sulfito-réducteurs ont été trouvés dans la baie de Soumbédioune.

1 Société de Tissage, d'Impression et de Blanchiment en Afrique; le sigle de cette usine textile a


donné le nom du secteur adjacent sur la baie de Hann.

262
Contamination du Peuplement Benthique et Pollution

2.3. Contamination bactériologique des animaux


Les patelles (kër) sont contaminés par des coliformes fécaux atteignant 1 300/gr aux
Madeleines et 630/gr à Soumbédioune; ce qui est au-dessus des normes admises. Les
germes sulfito-réducteurs et les staphylocoques sont également présents. Les valeurs de
ces derniers dépassent cependant rarement 50 germes/gr.
Les pitar (Jbouth) sont largement infestés par les coliformes fécaux avec un taux maximal
en face de Marinas. Les moules (Mvtilusperna) de Yoffle sont aussi. Parmi les poissons,
les espèces démersales sont les plus contaminées .

2.4. Contamination par les métaux lourds


La présence de métaux lourds a été observée dans les échantillons d'algues, de poissons
et de crustacés.
A l'anse Bernard, on trouve du cuivre, du plomb, du zinc et du chrome. Le chrome et le
plomb sont particulièrement concentrés dans les algues.
Le zinc et le chrome sont présents à la pointe de Dakar.
Les végétaux ainsi que les patelles de Ngor et de Yoff contiennent du plomb et du zinc
tandis que ceux de Soumbédioune et Fann concentrent plus particulièrement du zinc.
Le cadmium est présent dans les barracudas et les sardinelles de Thiaroye.

2.5. Le benthos
Les variétés spécifiques les plus élevées du peuplement benthique se situent à Sotiba, à
Marinas et à l'anse Bernard. Ces zones se sont avérées les plus riches en faune benthique,
alors que les zones de Yoff, Ngor, Fann et Soumbédioune sont nettement appauvries.
Des facteurs écologiques d'une part et des facteurs biocénotiques d'autre part, structurent
le milieu en petites individualités.
Une structure biocénotique, reflètant un appauvrissement de la diversité, une proliféra
tion d'espèces tolérantes et d'autres perturbations dans la structure du peuplement en
rapport avec des modifications des conditions du milieu, devrait permettre d'illustrer de
façon plus pertinente l'état de pollution des baies de Dakar qui n'est pas apparu dans
l'analyse précédente.
Le benthos des baies de Dakar analysé ici se réduit à une taxocènose2 composée des
mollusques gastéropodes et lamellibranches et des polychètes prélevés au cours des
travaux de terrain.
Le choix porté sur les mollusques et les polychètes s'explique par le fait qu'ils représen
tent de bons traceurs biologiques de l'évolution du milieu dans le temps.
Nos analyses porteront sur plusieurs paramètres des communautés qui ont été échantil
lonnées:

2 L'ensemble des membres d'un taxon supraspécifique qui forment une communauté
spécifique naturelle, ou comme c'est le cas dans cette étude, qui représentent un segment
taxinomique d'une communauté ou association.

263
Ressources Côtières et Littorales du Sénégal

- La structure est une description de l'arrangement des éléments constitutifs d'une


communauté (individus) en catégories distinctes (espèces ou groupements d'es
pèces).
- L'organisation est une évaluation des relations fonctionnelles entre ces catégories.
Selon ces définitions, la diversité et la dominance sont des mesures de la structure; les
flux d'énergie et les relations trophiques sont des mesures de l'organisation. Il est
prévisible que les variations de la quantité de matière organique disponible dans le milieu
représentent un paramètre influant dans la répartition de la communauté benthique.
Les paramètres "nombre de présence", abondance et fréquence vont nous servir d'élé
ments de comparaison entre les différents relevés et les divers peuplements des zones
écologiques. Il convient aussi de rappeler le constat fait ailleurs qu'une perturbation d'un
milieu donné est souvent accompagnée d'une recrudescence du groupe des polychètes
et aboutit progressivement à une inversion du rapport polychètes/mollusques. Nous
accorderons donc une attention particulière à ce rapport. La prolifération relativement
élevée du groupe des polychètes dans les relevés traduit une perturbation générale des
baies de Dakar. L'analyse de la diversité et de l'abondance des espèces prélevées
donneront aussi des indications précieuses.
Le rapport entre le "nombre de présence" de chaque espèce et son abondance globale
est utilisé comme facteurs d'équilibre ou de déséquilibre du milieu.
Le traitement et l'analyse des données sont réalisés grâce au logiciel Twinspan. Ce
logiciel réalise une classification par dichotomies successives aboutissant à un regrou
pement des relevés par affinité et à une série d'ordinations.
La première d'entre elles, qui est grossière se base sur les distances réciproques entre les
relevés ou les espèces.
Dans la deuxième interviennent des espèces différentielles identifiées.
La troisième, dite indicatrice fournit des précisions sur les classements de base définis
précédemment.
Nous avons opté pour une attitude prudente en ce qui concerne les méthodes actuelles
en bionomie intercotidale, comme le préconise d'ailleurs H. Fisher - Piette (1946), en
préférant le terme de groupement plutôt que celui de biocénose pour désigner les
ensembles biotiques ainsi définis.
D'autre part, nous définirons le groupement au sens de R. Sourie (1954), comme un
ensemble d'éléments variables et auquel est seulement assurée une composition
moyenne, dans une aire assez vaste et quelque fois même éclatée, et où les conditions
stationnelles ne restent pas absolument uniformes. Le groupement ainsi considéré,
représente l'ensemble des individus liés à un milieu écologiquement "défini" (biotope,
station).
Ces stations (ou zones écologiques) se distinguent toutefois par:
- la radiale au niveau spatial;
- la bathymétrie;
- la proximité plus ou moins grande d'un ou de plusieurs émissaires de produits
potentiellement polluants.
Il est à noter que la bathymétrie a une influence sur la variation du taux de substances
polluantes supposé en baisse du littoral vers le large par le fait de la dilution.

"64
Contamination du Peuplement Benthique et Pollution

La plupart de nos groupes étant de formes fixées ou peu mobiles, on peut désigner
l'ensemble des êtres-vivants d'une station (ou d'un groupe de stations) précise par le
terme de peuplement3.
Lorsque ce peuplement est affecté à une zone définie, il est assimilé à un faciès
faunistique.

3. ANALYSE DES RESULTATS


L'analyse des données à partir du logiciel Twinspan permet de faire la ségrégation entre
les relevés de la façade Sud et ceux des façades Ouest et Nord, séparées par la pointe du
Cap-Manuel. Il s'agit du secteur I, qui s'étend de la pointe du Cap-Manuel à Yoff, et le
secteur II qui s'étend de l'autre côté de la pointe jusqu'à Thiaroye.
Le premier groupement de relevés correspondant au secteur I rassemble les relevés des
façades Ouest et Nord de la Presqu'île du Cap-Vert. Ce sont les baies des Madeleines,
de Soumbédioune et de Fann d'une part, celles de Ngor et de Yoff d'autre part.
Les espèces les plus représentatives de ces groupements sont les suivantes: Pitar tumens,
Marginella amygdala, Potamilla casamancensis et, dans une moindre mesure, Pitaria
floridella, Amage adspersa, Cylichna grimaldi, Marginella deliciosa, Tellina sp., et
Donax rugosus.
Le deuxième groupement de relevés correspondant au secteur II regroupe les relevés de
la façade Sud, exception faite de quelques relevés relatifs à la baie de Soumbédioune; ce
sont les relevés relatifs à l'anse Bernard, la pointe de Dakar, l'anse de Bel-Air, la pointe
de Bel-Air et la baie de Hann. Les espèces différentielles de la façade Sud sont:
Marginella sp., Psammobia sp., Nuculana bicuspidata, Cultellus tenius, Turitella ligar,
Natica paucipunctata, Natica canariensis, Chiton sp., Venerupis dura, Pecten varius,
Nuculana tuberculata, Modiolus sp., Naticafulminea, Natica adansoni et Petaloproctus
terricola.
Les espèces caractéristiques sont: Clvmene sp., Ensis goreensis, Oltva flammulata,
Glvcera tesselata, etÂloides sulcata et dans une moindre mesure, Nephtis sp. et Lysippe
vanelli.
Dans les secteurs I et II on peut distinguer respectivement deux et sept groupements
spécifiques que l'on peut assimiler à des faciès bio-écologiques.
Dans le secteur I
- Le faciès 1 regroupe les relevés extrêmement pauvres de la baie de Soumbédioune.
Le substrat est un sable fin vaseux vers le rivage, tassé et induré à l'entrée de la baie.
Ce faciès compte 24 espèces dont 13 mollusques et 11 polychètes. Parmi les
polychètes on peut noter les familles des Ampharetidae (détritivores, S. SV), des
Sigalionidae, des Maldanidae, des Cirratulidae et des Sabellaridae. Ce groupement
est dominé par les Ampharetidae et les Maldanidae.

3 Le peuplement n'aura pas la signification de sociabilité qui lui est souvent attribué en
phytosociologie mais s'en rapproche. Une base sociologique lui est conférée par la logique du
traitement appliqué.

265
Ressources Côtières et Littorales du Sénégal

- Le faciès 2 correspond grossièrement à la façade Ouest de la Presqu'île du Cap-Vert.


11 recouvre les baies des Madeleines, de Soumbédioune, de Fann et de Ngor. Les
relevés correspondants comptent 8 espèces dont 3 polychètes. La pauvreté du
nombre d'individus est davantage liée à des perturbations physiques du milieu.
Le substrat est un sable très fin enclavé ou disposé sur le plateau rocheux de
Fann, surmonté d'une couche de boue à Madeleines et de débris divers à Ngor
et dans une moindre mesure à Soumbédioune.
Cette zone est probablement soumise à une hydrodynamique très intense; on
observe par exemple un déplacement très important de sédiments dans la baie
des Madeleines.
Les polychètes présents sont des Sabellidae, des Phylodocidae et des
Ophelidae.
Dans le secteur II
- Le faciès 3 s'étend de l'anse Bernard à Marinas (exclus) et de -6 m à -20 mètres de
profondeur. La zone située en face de la pointe de Dakar en est cependant exclue
alors que des zones de moindre profondeur (-6 m) en face de Marinas et de Sotiba
appartiennent également à ce faciès.
On peut considérer qu'il s'agit là d'un faciès bien défini. Le substrat est un
sable fin, coquillier, induré et quelquefois disposé sur fond rocheux ou enclavé
entre des blocs de rochers. Il renferme 7 espèces dont 6 polychètes et 1
mollusque gastéropode (un Nassidae); soit une quasi-exclusivité de
polychètes. Ces polychètes sont des Glyceridae ( S. SV), des Lumbrinereidae,
des Spionidae, des Orbiniidae (S. SV) et des Ampharetidae (S. SV).
La présence remarquable des Spionidae de même que le rapport mollusque/
polychète traduisent une perturbation moyenne de ce milieu (nature de ce
faciès très riche en matière organique). Le seul mollusque gastéropode
représenté est d'ailleurs un nécrophage.
Presque toutes ces espèces vivent sur un substrat sableux ou sablo-vaseux, ce
qui corrobore la qualité riche en matière organique de cette zone.
- Le faciès 4 recouvre l'espace du groupement 3 auquel il faut ajouter au Nord-Est la
zone de Thiaroye et au Sud-Est la pointe de Dakar.
Il borde ainsi la pointe de Bel-Air sur la côte et de là, s'étend vers le large
jusqu'à Thiaroye. Il se retrouve aussi dans la baie des Madeleines et serait
caractéristique de la baie de Hann.
Le substrat de ce faciès est un sable fin vaseux, quelquefois induré, coquillier
(fin à grossier), recouvert d'une couche de vase ou d'algues flottantes. Du
point de vue spécifique, le faciès 4 comporte, comme le faciès 3, 7 espèces
dont 4 mollusques et 3 polychètes.
Les polychètes sont des Sabellidae, des Onuphidae et des Eunicidae. Ces deux
dernières familles regroupent des espèces carnivores à large répartition
écologique, donc peu exigeantes en ce qui concerne les facteurs du milieu.
Les mollusques lamellibranches retrouvés ici sont Diplodonta diaphana et
Crassatella paetelli. Ils affectionnent particulièrement le substrat sableux,
alors que les nombreux Calyptrea chinensis traduisent la présence en matière
organique de ce fond parsemé de blocs rocheux.
Contamination du Peuplement Benthique et Pollution

- Le faciès 5 est spécialement caractéristique de la zone côtière de Marinas. Il recouvre


la zone de faible profondeur (jusqu'à -4 mètres) de la baie de Hann en face de
Marinas.
Le substrat est un sable par endroit vaseux avec une couche d'algues (ulves),
parfois interrompue par un herbier à phanérogames. Ce faciès reflète
l'homogénéité de la population benthique de la station 2 de Marinas tout le
long de l'année, le benthos de la station 2 de Sotiba se rapprochant
exceptionnellement de ce faciès faunistique. On y retrouve 2 mollusques:
Psammobia faeroensis, Persicula persicula et 2 polychètes: Phyllodoce
maculata et Onuphis eremita.
- Le faciès 6 est spécialement caractéristique de la zone de la baie de Hann en face de
Sotiba où il apparait également aux faibles profondeurs (-4 mètres). On le rencontre
occasionnellement au droit de Marinas et de Soumbédioune et il traduit l'homogé
néité de la population benthique de la station côtière de la Sotiba (-2 à -4 m).
Le substrat y est représenté par un sable fin, vaseux et recouvert d'algues. Ce
faciès est représenté par 5 espèces dont 1 mollusque gastéropode (une
marginelle) et 4 polychètes, soit un rapport de 1/4.
Un polychète spécifique lui est rattaché: un Nereidae dont la présence est
exceptionnelle dans l'ensemble des relevés. Les autres espèces sont Eunice vittata
(la seconde espèce par l'abondance dans les relevés), Sthenelais boa et Lanice
conchilega.
Ce faciès semble être caractérisé par une diversité spécifique faible mais une
représentation très importante des espèces qui se sont adaptées aux conditions
particulières du biotope; ceci traduit probablement l'établissement d'un
groupe fonctionnel lié à une importante quantité de matière organique dans le
milieu.
- Le faciès 7 se retrouve au mois de juillet dans des stations éloignées du point de vue
spatial. Ce sont les stations peu profondes de la Sotiba (-4 m), de l'anse de Bel-air
(-5 m) et la station de Soumbédioune (-3 m). Le substrat est sablo-vaseux et
coquillier. Il comporte d'une part 1 1 espèces dont 6 mollusques, soit un rapport de
6/5, et d'autre part 34 espèces dont 28 mollusques et 6 polychètes. Ce sont là des
zones qui montrent une remarquable richesse spécifique en mollusques.

4. CONCLUSION
A l'issue de cette analyse, nous avons distingué deux secteurs sur le littoral de la
Presqu'île du Cap-Vert.
Le premier secteur couvre toute la façade occidentale et septentrionale; il correspond au
secteur le plus pauvre en matière organique et en biomasse phytoplanctonique.
Le deuxième secteur couvre la façade méridionale et peut être subdivisé en deux
sous-secteurs représentés par les groupements spécifiques 3 et 4. Le premier sous-secteur
a une population faunistique homogène (groupement 3); le deuxième sous-secteur est
représenté par le groupement faunistique 4.

267
Ressources Côtières et Littorales du Sénégal

L'analyse du benthos a permis d'établir des niveaux de contamination liés au rejet de


déchets divers dans les baies de Dakar. La situation ne semble cependant pas catastro
phique, exception faite de la baie de Soumbédioune.

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268
ENVIRONNEMENT COTIER ET SANTE: LE CAS
DES VILLES DE DAKAR ET MBOUR

Médecin-Commandant Cheikh FALL


Service d'Hygiène National, Direction de la Santé et de l'Action Sociale, Sénégal

Résumé

Les environnements côtiers permettent aux populations riveraines de s'alimenter et de


mener certaines activités socio-économiques et de loisirs (pêche, récolte de sel, élimina
tion des déchets, baignade...). Ils sont en ce sens hautement attractifs et ont connu au
niveau des grandes villes, une explosion démographique doublée d'un développement
incontrôlé du tissu industriel et urbain.
La conséquence de ce développement anarchique de la mégalopole de Dakar est une
pollution non maîtrisée, qui se manifeste par des rejets divers: eaux usées, ordures
ménagères, déchets industriels. La plupart de ces rejets sont déversés en mer sans
pré-traitement. Certaines substances chimiques (métaux lourds, hydrocarbures) font
peser des menaces sur la santé des populations soit directement (intoxication, dermatoses)
soit indirectement (destruction du phytoplancton, dégradation de la salubrité de la plage).
Des études bactériologiques ont mis en évidence dans les baies et les plages de Dakar,
une pollution fécale entraînant une augmentation de la prévalence des maladies diarrhéi-
ques au sein des populations.
A Mbour, les activités de transformation des produits halieutiques entraînent une
insalubrité notoire de la plage et une pollution atmosphérique dans toute la ville.
L'étude montre une augmentation de la prévalence des maladies diarrhéiques et respira
toires.

COASTAL ENVIRONMENT AND HEALTH: THE CASE OF THE


CITIES OF DAKAR AND MBOUR

Abstract

Coastal environments enable the riparian populations to feed themselves and to practise
some socio-economic and spare time activities (fishing, salt collection, waste disposal,
swimming...). This makes them highly attractive and in big cities they have experienced
a population explosion accompanied by an uncontrolled development of the industrial
and urban network.
The consequence of this anarchical development of the Dakar megalopolis is an uncon
trolled pollution which is illustrated by miscellaneous discharges: waste waters, house-
hold refuse, industrial wastes. Most of these are discharged into the sea without being
previously treated. Some chemical substances (heavy metals, hydrocarbons) are a threat

269
Ressources Côtières et Littorales du Sénégal

to the health of populations, either directly (intoxication, dermatoses), or indirectly


(destruction of the phytoplankton, degradation of the salubrity of the beaches).
Bacteriological surveys, in the bays and beaches of Dakar, pointed to a fecal pollution
which makes diarrheal diseases more prevalent among populations.
In Mbour, the processing of fisheries products results in a well known insalubrity of the
beaches and atmospheric pollution throughout the city.
The study reveals an increase in the prevalence of diarrheal and respiratory diseases.

1. INTRODUCTION
Le Sénégal présente une façade maritime de 700 km. Près de 40 à 50% de la population
du pays vivent dans les villes et villages côtiers en raison des énormes potentialités que
présentent ces zones littorales. Il s'est créé ainsi un système complexe d'interrelations
équilibrées entre les hommes et la mer.
Le développement important des activités humaines a fini malheureusement par rompre
cet équilibre symbiotique en provoquant des agressions constantes de l'homme sur la
mer. Ainsi, la pollution de la mer est devenue alarmante, en raison surtout de ses
répercussions sur la santé.
Les problèmes de santé liés à l'environnement au niveau des populations des côtes, sont
connus de longue date (exemple Minamata en 1956 au Japon...). Au Sénégal, ces
problèmes revêtent de nombreux aspects.

2. CONSEQUENCES SANITAIRES DE LA POLLUTION


DOMESTIQUE
Les populations côtières ont toujours éliminé leurs déchets en les évacuant en mer,
pensant que la salure de l'eau permettait d'éliminer tous les éléments dangereux pour la
santé, en particulier les micro-organismes. C'est pour cette raison que dans les villes
côtières les déchets liquides et solides sont éliminés en mer le plus souvent sans traitement
préalable. Deux exemples intéressants:
- La ville de Dakar où 120 000 m3 d'eaux usées sont rejetés en mer par jour. Ce rejet
se fait au niveau de plusieurs zones du littoral qui sont autant de points de contami
nation des plages par de nombreux virus et bactéries que contiennent ces eaux usées.
Les populations sont ainsi exposées aux maladies microbiennes pendant les bai
gnades, le lavage des ustensiles ou les loisirs. C'est pourquoi d'ailleurs la plupart de
ces plages restent interdites aux baignades.
- La ville de Mbour, située à 80 km au Sud de Dakar, compte 86 237 habitants sur
une superficie de 10 km soit une densité de 8 623 habitants au km . Avec un
taux d'accroissement de 6%, cette population augmente très vite. En effet, Mbour
représente l'un des plus grands sites de mises à terre de poissons du Sénégal et
les activités de la pêche attirent chaque année beaucoup d'immigrants en quête
de travail.

270
Environnement Côtier et Santé à Dakar et à M 'bour

En 1989, le département de Mbour a fourni à lui seul les 40% des 30 000 tonnes mises
à terre par la pêche artisanale du Sénégal. Cette progression rapide de la pêche artisanale
est liée à la mise en place, par l'Etat, d'une politique incitative qui se matérialise par des
mesures de soutien et de modernisation de la logistique de pêche comme la motorisation
des pirogues, l'exonération des facteurs de production (moteurs, carburant, matériels de
pêche) et l'introduction de nouvelles techniques (sennes tournantes). Cette politique de
promotion de la pêche artisanale permet une bonne mise à terre, ce qui doit permettre
aux populations de disposer de protéines en quantité suffisante pour améliorer leur
alimentation.
Cependant, l'essor de la pêche se trouve compromis en aval par la faiblesse des structures
de conservation ou de transformation des produits frais. Cette défaillance a conduit les
populations à développer une véritable "industrie" de transformation artisanale, au
niveau du quartier "Tefesse" essentiellement. Cependant, la zone réservée à ce travail
connaît une insuffisance notoire d'infrastructures: pas d'installations sanitaires, pas
d'eau courante, pas de magasin de stockage des produits finis. Ainsi le travail se fait dans
des conditions d'hygiène déplorable.
La plage est utilisée pour les besoins naturels, le dépôt des ordures mais aussi pour
entreposer le poisson qui attend l'intervention des "transformateurs". Ceux-ci opèrent
avec l'eau de mer. Or, à l'endroit où cette eau est puisée, aboutissent les canalisations
d'eaux usées et les vannes provenant du marché et de certains domiciles qui s'en servent
comme égoûts. On se doute que l'eau de nettoyage ne fait donc que contaminer davantage
le poisson.
Les techniques de transformation artisanales employées (salage, fumage, séchage et
fermentation) accentuent cette dégradation des conditions d'hygiène et de salubrité. C'est
ainsi que:
- les bassins de salage en ciment présentent des anfractuosités, difficiles à nettoyer
correctement, où se nichent les micro-organismes qui contaminent le produit fini;
- le fumage se fait à même le sol, entre les tas d'ordures, par disposition du combustible
sur le poisson.
Il en résulte une fumée épaisse que les populations appellent "encens de Mbour" qui
entraîne, de 1 6 heures et 22 heures, une véritable pollution atmosphérique. Le produit
fini est par la suite exposé sur des claies de séchage qui sont envahis par des nuées de
mouches dont la reproduction se fait à partir des matières en décomposition. Cette
situation de pollution a des répercussions évidentes sur la santé des populations.

2.1. Maladies liées au péril fécal


Les eaux d'égouts contiennent des bactéries pathogènes (choléra, typhoïde) ou des virus
(virus de l'hépatite surtout). Les populations côtières sont exposées au moment de la
baignade ou en consommant des aliments souillés par les mouches qui transportent
mécaniquement certains germes.

271
Ressources Côtières et Littorales du Sénégal

Tableau 1 Statistiques sanitaires des postes de santé (source: CM de M'bour)

Localité Varédo Nguekokh


Affections
Paludisme 3e r
Aff. respiratoires Ve 3e

Maladies diarrhéiques 2e 4e

2.2. Les maladies liées à la pollution atmosphérique


d'origine domestique
La fumée acre qui envahit la ville de Mbour est dyspneissante et irrite les yeux, la gorge
et les narines. Elle contient:
- du CO2 qui, une fois inhalée, entre en compétition avec l'oxygène; or, l'hémoglobine
qui transporte l'oxygène, préfère 200 fois le mono-oxyde de carbone avec qui il forme
de la carboxyhémoglobine. La capacité de transport de l'oxygène est ainsi diminuée, ce
qui entraîne une hypoxie relative. Une exposition progressive a entraîné des cépha
lées, des vertiges, une asthénie, des troubles de la vue et de la mémoire, une
broncho-constriction et une atteinte cardio-vasculaire.
- du CO2 qui donne des céphalées, une irritation oculaire.
- du goudron dont le rôle dans l'apparition du cancer des poumons est certifié.
L'exposition continue des populations de Mbour à cette pollution atmosphérique favorise
l'augmentation des maladies respiratoires. Une étude comparative (tableau 1) du poste
de Varedo dans la Commune et de celui de Nguekhokh dans la Communauté rurale de
Nguekhokh à 21 kilomètres de M'bour le montre bien (tableau 2).
Pour confirmer cette tendance, il faut faire une étude épidémiologique précise.

3. CONSEQUENCES DE LA POLLUTION INDUSTRIELLE


La majeure partie des industries du Sénégal, se trouve concentrée à Dakar. C'est pourquoi
cette ville côtière pose des problèmes sanitaires difficiles, en relation avec la pollution
industrielle.

3.1. Les déterminants des problèmes de santé

3.1.1. Le rejet des eaux usées industrielles


La Presqu'île du Cap-Vert regroupe plus de 80% des industries du Sénégal. Les
établissements industriels sont répartis sur quelques secteurs de la zone portuaire: route
de Rufisque, Sodida, Hann, Mbao et la plupart des industries rejettent leurs effluents
sans traitement dans la baie de Hann, ce qui entraîne une forte pollution industrielle
(tableau 2).

272
Environnement Côtier et Santé à Dakar et à M'bour

Tableau 2 Charge industrielle (source: Stratégie d'assainissement du Grand-Dakar,


1990)
Zone Position DB05 DCO N total P total Hm Cm
1 Port 12 000 25 000 1 400 900 900
2 Canal VI 2 800 6 000 490 150 150
3 Sodida 200 600 50 10 -
4 Abattoir 5 400 9 000 850 180 180
5 Mbao 1 450 3 000 - 300 200
Total 22 000 43 000 2 800 1 540 1 450

Charge industrielle
Les principales industries chargeant le réseau d'assainissement et le milieu marin de
Dakar sont concentrées sur la zone portuaire et la baie de Hann. Selon les renseignements
recueillis par le projet "Baies de Dakar", leurs charges sont approximativement les
suivantes:
Cette pollution industrielle détruit, entre autres, le phytoplancton dont se nourrit la
majeure partie de la faune marine et qui, en outre, produit 70% de l'oxygène nécessaire
aux êtres vivants. Il convient aussi de signaler le rejet d'acide fluoscilicilique (jus fluo)
que les Industries Chimiques du Sénégal (ICS) effectuent sur la plage de Mboro.

3.1.2. La pollution atmosphérique


Elle est bien présente dans la Presqu'île, mais aucune étude n'a encore été faite pour
l'identifier de manière formelle. Il faut noter ici que la direction des vents joue un rôle
primordial.

3.1.3. Le boom démographique


Les villes côtières, on l'a vu à travers les exemples de Mbour et Dakar, sont le siège
d'intenses activités économiques. Cette situation entraîne une surcharge démographique
avec ses corrolaires que sont la gestion des déchets, le ravitaillement en eau et la crise
du logement. Ainsi, la majeure partie des populations urbaines vivent dans des conditions
de promiscuité qui favorisent l'explosion de certaines maladies (tuberculose, maladies
diarrhéiques et maladies sexuellement transmissibles).

3.1.4. Transport et entreposage des matières toxiques


Le transport ou la manipulation des matières toxiques des industries n'est pas toujours
conforme à la règlementation en vigueur. Cet état de fait induit un danger réel pour les
populations et les travailleurs des zones industrielles (cf. à ce sujet le terrible accident de
la SONACOS).

273
Ressources Côtières et Littorales du Sénégal

3.2. Les problèmes de santé

3.2.1. Liés au rejet d'eaux usées industrielles non traitées


Les eaux usées industrielles non traitées rejetées en mer contiennent des métaux
lourds qui, bien que peu abondants, peuvent s'accumuler à certains endroits (baie de
Hann par exemple où les conditions courantologiques ne permettent pas la dispersion
de ces polluants) ou au niveau de la flore et de la faune aquatiques. Il y a ainsi des
risques d'intoxication, comme ceux de Hitaï-Hitaï (cadmium) rapportés dans la
littérature. Même absorbés à de faibles doses par les populations (pendant les
baignades ou par contamination de fruits de mer), les métaux lourds peuvent s'accumu
ler dans les lipides et entraîner à long terme des accidents.

3.2.2. Liés à la pollution atmosphérique


Bien qu'il y ait pas d'étude précise sur la question, on peut en fonction de l'activité de
l'industrie visée avoir une idée des polluants rejetés et partant les risques sur la santé:
maladies respiratoires (asthme, bronchite chronique...).

3.2.3. Liés au stockage et au transport


Ce sont surtout les risques d'accident qui peuvent revêtir une allure de catastrophe
nationale: exemple de l'accident de la SONACOS.
Pour lutter contre les effets défavorables de l'industrialisation sur la santé, il faut une
action concertée des pouvoirs publics, du patronat, des populations et de la presse. Les
professionnels de la santé doivent collaborer avec tous pour préserver un environnement
sain et prévenir ou atténuer les effets nocifs sur la santé.

4. CONCLUSION
Les villes et villages du littoral au Sénégal regroupent la quasi-totalité des moyens du
développement économique et social, (la pêche, l'industrie, le tourisme).
Il parait essentiel, par conséquent, de développer des méthodes de gestion qui, tout en
tirant le maximum de profit de ces ressources, évitent de compromettre la vie des
générations futures. Pour cela, nous faisons les recommandations suivantes:
- équiper de manière appropriée les services chargés de contrôler le degré de pollution,
pour permettre aux structures nationales d'exercer un contrôle efficient sur les
différents polluants déversés en mer et d'appliquer avec rigueur la réglementation;
- systématiser les études d'impact sur la santé de tout produit ou procédé industriel
avant leur introduction dans le pays;
- établir des systèmes de surveillance à long terme des effets des accidents industriels
sur les populations;
- réglementer rigoureusement le stockage et le transport des produits dangereux.

274
L'EPIDEMIE DE BILHARZIOSE INTESTINALE A
RICHARD-TOLL

Dr Idrissa TALLA
District Sanitaire de Richard-Toll, Sénégal

Résumé

La bilharziose intestinale n'a jamais été signalée dans le delta du fleuve Sénégal. Un an
et demi après la mise en fonction du barrage de Diama, le premier cas fut dépisté au
Centre de Santé de Richard-Toll.
Entre 1988 et 1989, sur 3 926 examens de selles, 1 935 furent positifs au S. mansoni.
Une enquête de terrain réalisée sur un échantillon aléatoire de 1 000 sujets de tous âges,
a révélé en 1990 un taux de prévalence de 60%.
L'évolution de l'épidémie d'abord exponentielle au cours des trois premières années a
tendance à se stabiliser alors que quelques formes graves mais non encore compliquées
augmentent.
Des mesures de contrôle sur le plan de la santé publique sont prises et continuent d'être
améliorées.

THE EPIDEMIA OF INTESTINAL BILHARZIOSIS IN


RICHARD-TOLL

Abstract

Intestinal bilharziosis has never been reported in the delta of the River Senegal. The first
case was detected in Richard-Toll Health Center one and a half years after the operating
of the Diama Dam.
Berween 1 988 and 1 989, over 3 926 stools were examined, 1 935 reacted positively to
S. mansoni. In 1990, a fïeld survey carried out on a random sampling of 1 000 subjects,
of all ages, revealed a prevalency rate of 60%.
The evolution ofthe epidemia, at first exponential in the first three years tends to stabilize,
while severe forms, that are not yet complicated, increase.
Controlling measures taken in the field ofpublic health are being continuously improved.

1. INTRODUCTION
Le Nord du Sénégal connaît durant ces dernières années d'importantes modifications sur
le plan agricole et écologique avec la construction des barrages de Diama et Manantali.
Le premier, situé à 27 km en amont de Saint-Louis est un barrage antisel, destiné à arrêter
la remontée de la "langue salée" phénomène longtemps connu dans le delta du fleuve

275
Ressources Côtières et Littorales du Sénégal

Sénégal. Le second, situé à 1 200 km, toujours en amont de Saint-Louis est construit sur
le Bafing, l'un des principaux affluents du Sénégal et constitue un barrage hydroélectrique.
Les changements survenus, avec la réalisation de ces ouvrages n'ont pas manqué d'avoir
des retombées sur le plan sanitaire. C'est ainsi que la bilharziose intestinale à Schistoso-
ma mansoni dont le premier cas dépisté en 1988 à Richard-Toll (TALLA et al., 1990)
constitue aujourd'hui la maladie hydrique la plus répandue dans la Commune.

2. PRESENTATION DE LA ZONE
A 106 km de Saint-Louis, sur la route Matam-Bakel, dans le département de Dagana, la
Commune de Richard-Toll est située sur la rive gauche du fleuve Sénégal. Elle compte
50 000 habitants environ, répartie dans 7 quartiers administratifs et est le siège du plus
grand complexe agro-industriel du pays qu'est la Compagnie Sucrière Sénégalaise
(CSS). Elle abrite en outre, une usine de fabrication de tuyaux et matériels en P.V.C.,
l'Industrial Drip Irrigation System (IDIS), une usine de décorticage de riz, la SAED et
d'autres entreprises et sociétés d'aménagement des terres pour l' agriculture.
Pour ces raisons, Richard-Toll constitue un grand pôle d'intérêt économique où se
rencontrent des personnes venant de toutes les régions du Sénégal, voire même des pays
limitrophes où la bilharziose intestinale sévit à l'état endémique.
Avec un taux d'accroissement moyen annuel de 7,96%, la population se développe
à un rythme très rapide. Ceci a pour conséquence le rapide dépassement des infra
structures sanitaires et d'approvisionnement en eau potable. Sur ce plan, la seule
station de traitement de l'eau destinée à la consommation, gérée par la Société
Nationale d'Exploitation des Eaux du Sénégal (SONEES) ne peut fournir à la
population plus de 700 mVjour, alors que les besoins en eau sont estimés à 27 000 mVj
(TALLA, 1992).
Ceci oblige les populations à se rabattre sur les canaux d'irrigation de la CSS et sur le
fleuve qui sont d'accès facile pour les travaux ménagers, les baignades, la toilette des
animaux et l'approvisionnement en eau destinée à la consommation par des méthodes
variées (siphons à partir des canaux).
Il faut par ailleurs noter que depuis la construction du barrage de Diama, ce réseau
hydrographique dispose en permanence d'eau douce.
Sur le plan de la couverture sanitaire, il y a comme infrastructures d'accès publique, un
centre de santé et depuis cette année ( 1 992) un poste au quartier de Gallo Malick. II existe
également le centre médical de la CSS et le dispensaire de l'Institution de Prévoyance
Maladie de la même entreprise comme structure privée.

3. EMERGENCE ET EVOLUTION DE LA BILHARZIOSE


INTESTINALE A RICHARD-TOLL
La mise en place des barrages a entraîné une modification de l'écosystème et une
colonisation du réseau hydrographique de la ville par des Biomphalaria pferfferi très
probablement à partir du Lac de Guiers via le canal de la Tahouey où WATSON
découvrait la présence de ces mollusques en faible quantité en 1965 déjà.

276
Bilharziose Intestinale à Richard-Toll

En janvier 1988, le premier cas de bilharziose intestinale à Schistosoma mansoni fut


dépisté au Centre de Santé de Richard-Toll . Très rapidement, il y eut une propagation
de l'épidémie comme en témoigne les données recueillies d'abord par une observation
sur les malades, se présentant spontanément en consultation pour diarrhée ou dysenterie
chronique ou douleur abdominale atypique, puis par une enquête sur le terrain réalisée
en août 1990.

3.1. Observations des malades consultés


Ces observations sont présentées dans les tableaux 1 et 2.

Tableau 1 Number of stool examinations, subjects infected with Schistosoma


mansoni and the percentage of stool examination being Infected

Number Number of subjects


Period of stool infected with %
examinations S. mansoni *
May-December 1987 47 0 0
January-March 1988 119 1 0,8
April-June 1988 105 2 1,9
July-September 1988 111 12 10,8
October-December 1988 131 14 10,7
January-March 1989 129 20 15,5
April-June 1989 232 34 14,7
July-September 1989 965 360 37,0
October-December 1989 2 086 1 492 71,5
January-March 1990 2 542 2 007 79,0
April-June 1990 1 563 864 55,3
July-September 1990 1 985 1 209 60,9
October-December 1990 1 458 969 66,5
January-March 1991 1 087 622 57,2
April-June 1991 1 369 635 46,4
July-September 1991 1 184 783 66,1
October-December 1991 1 343 728 54,2
January-March 1992 1 345 853 63,4
April-June 1992 1 347 949 70,4
Total 19149 11 524 60,2

* Results are obtained by direct faecel smear

277
Ressources Côtières et Littorales du Sénégal

Tableau 2 Pourcentage d'hospitalisation des cas graves de bilharziose intestinale au


Centre de Santé, Richard-Toll (Janvier-Mars 1992: 77/187 soit 41,2%)
Nombre Nombre
Période d'hospitalisation total %
pour bilharziose d'hospitalisation
intestinale
1988 13 523 2,5
1989 103 1 169 8,8
1990 188 628 29,9
1991 291 722 40,3
Total 595 3 042 19,6

Motifs d'hospitalisation:
Dysenterie sévère \ +/- déshydratation
Diarrhée sévère / moyenne
Anémie sévère => hospitalisation + transfusion
Coliques persistantes
Syndrome d'HTP
3.1.1. Enquêtes sur le terrain
3.1.1.1. Méthodologie
L'enquête a été effectuée sur un échantillon de 1 000 sujets de tous âges tirés dans
tous les quartiers de la Commune au prorata de leur population selon un sondage
aléatoire à plusieurs degrés.
A chaque sujet, un examen direct de selles et un examen par la méthode qualitative
de Kato (quand c'est possible) furent appliqués. 546 échantillons, soit 55%
étaient des selles liquides et n'ont pas permis l'application du Kato modifié.

3.1.2. Résultats et commentaires


597 sujets ont été trouvés positifs dont 502 à l'examen direct et 95 au Kato modifié. La
méthode quantitative (comptage des œufs) n'a pu être appliquée pour des raisons
techniques (matériel insuffisant, fort pourcentage de selles liquides).
Tous les âges ont été touchés. Il n'y a pas eu de différence statistiquement significative
(chevauchement des intervalles de confiance; voir figure 1).
Ceci explique que la courbe soit en plateau alors que classiquement la prévalence diminue
avec l'âge en donnant une courbe descendante quand l'âge augmente à cause de
l'acquisition d'une certaine immunité protectrice dans les foyers chroniques.
A Richard-Toll, il est très probable qu'à cause de la nouveauté de l'infection, cette
immunité soit encore très faible.
Des études séroépidémiologiques sont en cours pour faire le point sur la situation.
Tous les quartiers sont également touchés de la même manière (chevauchement des
intervalles de confiance en figure 2). Il faut cependant noter que les quartiers Tahouey
(76%), Ndiao (74%) et Thiabakh (6%) semblent se détacher légèrement du lot. Dans

278
Bilharziose Intestinale à Richard-Toll

rh

0-4 5-9 10-14 15-19 20-29 30-39 40-49 50-59 >■ 60g
(n-l<>3) (n-190) (n-13!) (n-83) (n-M9) (n-136) (n-63) (n-30) (n-25)

Figure 1 The percentage of stool samples found S. mansoni + per âge group
( X95% confidence interval)

80 "

70 -

60 -
50 ■

« 40 '

30 "

20 .
10 ■

o- i J 1 1 ' ' 1 I J 1 1 ■ 1 1—J 1 1 I !


NdUo NdUngu» Esotb Khourru OilloMilIck Thlibikh T*w»v

Figure 2 The percentage of stool samples found S. mansoni + per neighbourhood


(X95% confidence interval)

279
Ressources Côtières et Littorales du Sénégal

ces quartiers, moins de 13% seulement des concessions sont pourvus de robinets (TALLA,
1991). Ce qui expliquerait que la charge parasitaire y soit très élevée.

4. MESURES DE CONTROLE
Un plan d'urgence de lutte pour 6 mois a été conçu. Il sera ensuite repris et intégré dans le
Plan de Développement Sanitaire du District de Richard-Toll (PDDS) et suivi d'un Pro
gramme d'Evacuation des excreta et d'Approvisionnement en eau potable. Les activités
menées jusqu'ici sont les suivantes:
- information et sensibilisation des autorités locales et régionales au cours d'une
réunion spéciale du comité de suivi des affaires communales de Richard-Toll en
janvier 1990 dont le "Soleil" et "Wal Fajdri" se sont fait l'écho;
- séances de causeries éducatives sur les modes de transmission et les méthodes de
prévention de la maladie;
- séances spécifiques au Centre de Santé pour les malades qui doivent prendre leur
traitement;
- séances intégrées au niveau des quartiers à des thèmes sur le traitement de l'eau
destinée à la consommation, sur les soins maternels et infantiles et la planification
familiale (SMI/PF), le SIDA, le paludisme, etc.;
- formation des infirmiers et du personnel de laboratoire par des guides élaborées par
l'équipe du Centre de Santé et des cours de formation sur la bilharziose;
- traitement médicamenteux,
- contact avec le Ministère de l'Hydraulique et des équipes du réseau ESPOIR
(European Special Program of Operational and Integrated Research).
Tous les sujets trouvés positifs sont traités par le PRAZIQUANTEL (environ 2 000
habitants par an) fourni gratuitement par la Coopération Sénégal/Communauté Flamande
de Belgique (VVDB) dans un premier temps. Ce médicament est maintenant vendu dans
le cadre de l'Initiative de Bamako à 200 F CFA le comprimé contre 8 000 F CFA la boîte
de quatre en officine privée.
Toutefois, une contrainte majeure est à signaler: il s'agit de la réinfestation quasi-perma
nente à cause de l'absence d'une alternative pour l'approvisionnement en eau potable.

5. CONCLUSIONS
La bilharziose intestinale kSchistosoma mansoni est devenue un problème de santé publique
à Richard-Toll, de par son ampleur, sa gravité et la psychose créée au sein de la population
qui l'a baptisée "maladie du Canal" (Febaru Canal bi). Tous les quartiers et tous les âges
sont touchés presque de la même manière.
Toutes les actions à entreprendre pour compléter ou améliorer celles déjà en cours devront
s'inscrire dans l'optique de la résolution des problèmes de santé publique dans la zone en
général, la construction de postes de santé, l'augmentation et la formation du personnel, la
mobilisation des ressources pour permettre aux autres activités et programmes de santé de
se dérouler, mais surtout la fourniture à la population d'une eau en quantité et qualité
suffisantes.

280
Bilharziose Intestinale à Richard-Toll

REFERENCES BIBLIOGRAPHIQUES
TALLA, I. (1991). Programme de Lutte contre la Bilharziose intestinale à
Schistosoma mansoni de la Commune de Richard-Toll de 1991 à 1995. Mém.
de Planif., Gest. et Adm. des Serv. de Santé, Inst. de Santé et Dévelop. (ISED),
Univ. Ch. A. Diop de Dakar, Sénégal.
TALLA, I. (1992). Analyse des problèmes d'assainissement et proposition d'un
Programme d'Evacuation des excreta et d'Approvisionnement en eau potable
dans la Commune de Richard-Toll. Mém. de Gén. San. et Techn. Appl. aux
probl. de santé et nutrition. CES de Santé Publique, Inst. de Santé et Dévelop.
(ISED), Univ. Ch. A. Diop de Dakar, Sénégal.
TALLA, I., KONGS, A., VERLE, P., BELOT, J., SARR, S. and COLL, A. M. (1990).
Outbreak of intestinal schistosomiasis in the Senegal River Basin. Ann. Soc.
Belge de Méd. Trop. pp. 173-180.
TALLA, I., KONGS, A. and VERLE, P. (1992). Preliminary study of the prevalence
of Human Schistosomiasis in Richard-Toll (The Senegal River Basin). Trans.
ofRoy. Soc. ofTrop. et Med Hyg. 86, 182.

281
EPIDEMIOLOGIE DES PRINCIPALES ENDEMIES
PARASITAIRES DANS LE DELTA DU FLEUVE
SENEGAL

Dr Oumar GAYE, Dr Oumar FAYE, Pr Samba DIALLO,


Dr Oumar NDIR
Département de Parasitologie, Faculté de Médecine, Université Cheikh Anta
Diop, Dakar, Sénégal

Dr Oumar Talla DIAW


Service de Parasitologie, Laboratoire National d'Elevage, Institut Sénégalais de
Recherches Agricoles (ISRA), Sénégal

Résumé

Cinq villages situés dans la zone du delta du fleuve Sénégal ont fait l'objet d'enquêtes
dans le cadre de l'élaboration du plan directeur pour la santé.
Les études ont montré que:
- le paludisme y sévit selon le type hypo et mésoendémique. La transmission de la
maladie s'effectue essentiellement en saison pluvieuse;
- la prévalence de la bilharziose urinaire est faible (0,5-5%). Les hôtes intermédiaires
sont cependant présents. La bilharziose intestinale sévit à Richard-Toll à des taux
élevés (42%);
- les parasitoses intestinales sont dominées par les protozooses.
En définitive, les auteurs notent que les principales endémies parasitaires sont présentes
dans le delta. Les aménagements hydro-agricoles de la zone peuvent sensiblement
modifier le biotope, et induire une recrudescence de ces endémies, nécessitant un
programme de surveillance.

EPIDEMIOLOGY OF THE MAIN PARASITIC ENDEMIC


DISEASES IN THE DELTA OF THE SENEGAL RIVER

Abstract

Five villages located in the area of the delta of the River Senegal have been the subject
of investigations as part of the elaboration of the Master Plan for Health.
The studies revealed that:
- malaria is present in its hypo and mesoendemic forms, and is essentially transmitted
during the rainy season;

283
Ressources Côtières et Littorales du Sénégal

- urinary bilharziosis is not very prevalent (0,5-5%). However, intermediate hosts


are present. Intestinal bilharziosis is rampant in the community of Richard-Toll
(42%);
- intestinal parasitoses are dominated by protozoa.
Finally, the authors note that the main parasitic endemic diseases are found in the
delta. The hydroagricultural installations in the area can modify significantly the
biotope, and generate an outbreak of these endemic diseases, necessitating a moni-
toring programme.

1. INTRODUCTION
Confrontés au problème aigu de la désertification, les pays limitrophes du fleuve Sénégal
ont décidé l'aménagement du bassin par la mise en place notamment des barrages de
Diama et de Manantali.
Ces aménagements risquent cependant de modifier sensiblement l'écosystème et de
favoriser l'extension de certaines parasitoses.
L'étude présente les résultats d'enquêtes réalisées dans le delta. Celles-ci avaient pour
but d'étudier la prévalence des principales parasitoses liées au milieu hydrique et
d'identifier les sites de contamination. Le paludisme, les bilharzioses et les parasitoses
intestinales ont ainsi été étudiés.

2. CADRE D'ETUDE
Les villages situés dans le delta et qui ont été sélectionnés sont: Ndiougne Mberess et
Ross-Béthio, tous riverains du marigot de Lampsar; Diama Yalar, Khor et la commune
de Richard-Toll riverains du fleuve Sénégal. Les critères qui ont conduit au choix des
villages ont été: l'ancienneté de l'implantation, une population supérieure à 300 habi
tants, la présence de périmètres irrigués à partir du fleuve Sénégal et l'accessibilité en
toute saison.

3. PATIENTS ET METHODES
Les populations informées la veille se présentent le lendemain au niveau du poste de
santé avec, à leur tête, le chef de carré.
Tous les sujets qui ont répondu à la convocation subissent l'examen de dépistage. Chaque
sujet subit un examen clinique consistant en la palpitation de la rate et du foie, l'examen
des téguments et des muqueuses; l'interrogatoire essaie de retrouver la notion d'épisodes
hématuriques ou diarrhéiques et leur ancienneté. Puis un prélèvement de sang est effectué
au niveau de la pulpe du doigt pour la confection de goutte épaisse et de frottis sanguin
nécessaires pour la recherche et l'identification des plasmodiums agents du paludisme.
A chaque sujet sont remis également un pot destiné à recueillir ses urines et un sachet en
plastique pour le recueil des selles.

284
Epidémiologie des Endémies Parasitaires dans le Delta

Les lames sont ramenées au laboratoire, colorées et examinées, 10 ml des urines


recueillies sur place sont filtrées à travers une membrane et examinées sur place pour la
mise en évidence des œufs de Schistosoma haematobium agents de la bilharziose urinaire.
Un fragment de selles est déposé sur une lame et examiné en vue de la mise en évidence
des œufs de Schistosoma mansoni et d'autres parasites intestinaux (ascaris, amibes,
anguillules).
Parallèlement à ces enquêtes parasitologiques, des prospections malacologiques sont
effectuées consistant à rechercher, au niveau des sites (canaux d'irrigation, mares,
fleuve), les mollusques hôtes intermédiaires des bilharzioses.
Un questionnaire est également distribué pour se renseigner sur les types d'activités liées
à l'eau et les modes d'approvisionnement en eau.

4. RESULTATS

4.1. Paludisme
Pour l'ensemble des villages du delta 1 327 personnes ont été examinées. L'indice
parasitaire est de 2,6% (% de sujets porteurs de plasmodium). L'indice splénique (% de
sujets porteurs de grosse rate) est de 1. L'espèce plasmodiale la plus fréquemment
rencontrée est Plasmodium falciparum: 96,1%.
Au total le paludisme sévit faiblement dans la zone selon le type hypoendémique.

4.2. Bilharziose urinaire


Les urines de 1 749 sujets ont été examinées. Seules 30 contenaient des œufs de
Schistosoma haematobium soit 1 ,7%. Il est à noter que les sujets positifs étaient surtout
constitués par des immigrants qui ont dû contacter l'infection ailleurs. L'absence de cas
dans les tranches d'âge 2-6 ans témoigne de l'absence de transmission. Les prospections
malacologiques ont cependant permis de récolter des espèces de bulins hôtes intermé
diaires des bilharzioses au Sénégal: Bulinus guernei et Bulinus senegalensis.

4.3. Bilharziose intestinale


Des taux de prévalence élevés ont été notés à Richard- Toll: 17,5%. Presque tous les
quartiers se trouvent atteints et la morbidité est élevée: syndrome dysentérique, anémie
splénomégalie, fibrose portale sont notés. Toutes les tranches d'âge sont atteintes. La
transmission de la maladie y est importante avec des mollusques récoltés en grande
quantité et le plus souvent infestés par des stades larvaires de schistosomes.
A Ross-Béthio le taux de prévalence retrouvé était de 6% contre 2,2% à Khor.

4.4. Autres parasitoses intestinales


Sur 1 348 personnes examinées, 438 étaient porteuses d'un ou de plusieurs parasites
intestinaux soit 32,5%. Les principales espèces rencontrées sont Entamaeba coli, Giar-
dia, Ascaris, Anguillule, Trichocéphale.

285
Ressources Côtières et Littorales du Sénégal
Epidémiologie des Endémies Parasitaires dans le Delta

5. COMMENTAIRES
Dans tous les villages visités du delta, la prévalence du paludisme et de la bilharziose
urinaire est donc faible. La transmission du paludisme qui s'effectue essentiellement en
saison pluvieuse ne semble pas pour le moment être influencée par l'existence des
périmètres irrigués villageois. Malgré cela, il reste cependant la première cause de
morbidité.
Si la prévalence de la bilharziose urinaire est encore faible, le risque d'extension du fait
de l'existence des périmètres irrigués ne peut être écarté.
En effet, des sujets positifs présents même en petit nombre constituent des réservoirs de
parasites d'autant plus que des espèces de mollusques susceptibles de servir d'hôtes
intermédiaires aux parasites sont présentes.
La bilharziose intestinale par contre est présente dans le delta à des taux de prévalence
alarmants (50%). S'il y a quelques années elle n'était pas encore décrite dans le delta,
depuis deux ans TALLA et al. (1990) signalaient les premiers cas qui sont allés en
augmentant de manière exponentielle. Les conditions écologiques actuelles du fait de la
forte humidité créée par les périmètres irrigués sont très favorables au développement
des mollusques hôtes intermédiaires.
Ross-Béthio de même que Khor semblent être progressivement touchés par l'épidémie.
La plupart des sujets infestés avaient séjourné à Richard-Toll. Des mollusques hôtes
intermédiaires de Schistosoma mansoni ont été retrouvés par DIAW et al. (1990), signes
que toutes les conditions sont réunies pour une extension de la maladie.
Concernant les parasitoses intestinales leur prévalence est très élevée. Le spectre est
dominé par les protozoaires (amibes et giardia). La prévalence des parasites intestinaux
à transmission cutanée est encore très faible. Il est à craindre cependant une extension
de ce groupe du fait des conditions écologiques actuelles favorables à leur développe
ment, du fait des nouvelles conditions d'humidité notamment.

6. CONCLUSIONS
Incontestablement les nouvelles conditions créées par les périmètres irrigués villageois
avec la mise en place des barrages ont modifié ou modifieront à court terme le profil des
endémies parasitaires dans la zone du delta.
Paludisme, bilharzioses et parasitoses intestinales risquent d'y sévir à des taux de
prévalence élevés. Aussi est-il important de mettre en place dès à présent un programme
de lutte cohérent et intégré par:
- la mise en place d'un système de dépistage-traitement;
- la lutte contre les vecteurs et hôtes intermédiaires;
- la protection des populations;
- l'installation d'un système d'approvisionnement en eau potable;
- l'éducation pour la santé.

287
Ressources Côtières et Littorales du Sénégal

REFERENCES BIBLIOGRAPHIQUES
DIALLO, S., NDIR, O., SOUARÉ, D., GAYE, O. et DIENG, TH. (1990). Prévalence
des bilharzioses et des autres parasitoses intestinales dans le bassin du fleuve
Sénégal. Doc. ronéo. Serv. de Parasitologie, Fac. de Médecine, Dakar.
DIAW, O.T., VASSILIADES, G. et SARR, Y. (1990). Prolifération des mollusques
après la construction du barrage de Diama au Sénégal. - Bull. Soc. Frse.
Parasit., 8, supplément n° 2, 802.
GANNETT-FLEMING (1978). Evaluation des effets sur l'environnement
d'aménagements prévus dans le bassin du fleuve Sénégal. Rapport spécial,
Santé publique, Doc. OMVS, Dakar.
GAYE, O., DIALLO, S., DIAW, O.T. et FAYE, O. (1991). Bilharziose intestinale
dans la commune de Richard-Toll. Aspects épidémiologiques et
retentissements cliniques. Médecine d'Afrique noire, 38, 11.
SOUARE, D. (1990). Prévalence des bilharzioses et autres parasitoses entériques dans
la vallée du fleuve Sénégal. Thèse Pharmacie, Dakar, 85.
TALLA, L, BELOT, J., VERLE, P., KONGS, A., SARR, S. et COLL, A. M. (1990).
Observations sur un nouveau foyer de schistosomose à S. mansoni dans la
vallée du fleuve. Bull. Soc. frse Parasit, 8, supplément n° 2, 802.

288
EXPLOITATION ET GESTION DES
RESSOURCES

RESOURCE EXPLOITATION AND


MANAGEMENT
EXPLOITATION DES RESSOURCES
HALIEUTIQUES COTIERES DANS LES EAUX
SOUS JURIDICTION SENEGALAISE

Mariama BARRY-GERARD, Moustapha KEBE et Modou THIAM


Centre de Recherches Océanographiques de Dakar-Thiaroye, CRODT/lSRA,
Sénégal

Résumé

Les ressources halieutiques côtières sénégalaises, exploitées par les pêcheries artisanales
et industrielles, se répartissent en deux groupes: les ressources pélagiques (sardinelles,
chinchards, maquereaux) et les ressources démersales comprenant des poissons, des
crustacés et des céphalopodes.
En ce qui concerne les ressources pélagiques, elles sont localement surexploitées sur la
Petite Côte. Pour les ressources démersales, si, globalement elles semblent très fortement
exploitées, il reste que les stocks peuvent être à des niveaux d'exploitation différents.
Le développement des pêcheries dépend donc de l'état des ressources qui leur sont
accessibles, de l'accès effectif à ces ressources et de la rentabilité des unités de pêche.
C'est ainsi que le potentiel disponible sera évalué et que les moyens mis en œuvre pour
accéder à ces ressources et les perspectives de développement de chacune des pêcheries
seront abordées.

EXPLOITATION OF COASTAL FISHING RESOURCES IN THE


WATERS WITHIN SENEGALESE JURISDICTION

Abstract

Coastal fishing resources in Senegal, exploited by small-scale and industrial fisheries,


are divided into two groups: the pelagic resources (sardines, "chinchards", mackerels)
and demersal resources including fishes, crustaceans and cephalopods.
As far as pelagic resources are concerned, they are locally over-exploited in the Petite
Côte. As for the demersal resources, if they seem to be widely exploited globally
speaking, the stocks can be nevertheless at different exploitation levels.
Therefore, the development of fisheries depends on the state of the resources available
to them, on their effective access to those resources and on the profitability ofthe fishing
units.
Thus, the available potential will be assessed, and the means implemented to have access
to these resources as well as the development prospects for each of the fisheries dealt
with.

291
Ressources Côtières et Littorales du Sénégal

1. INTRODUCTION
L'exploitation des richesses halieutiques littorales présente des retombées importantes
sur les plans économique (revenus des pêcheurs, finances publiques, etc.) et social
(emplois à terre et en mer).
Les principales ressources halieutiques exploitées par les flottilles industrielles et artisa
nales le long du littoral sénégalais peuvent être réparties en deux groupes essentiels:
- les ressources démersales côtières (crevettes, soles, dorades, mérous, seiche, poulpe,
etc.);
- les ressources pélagiques côtières (sardinelles, chinchards, maquereaux).
Le développement des pêcheries artisanale et industrielle est cependant étroitement lié
à l'état d'exploitation des ressources potentiellement accessibles et à l'accès effectif à
ces ressources renouvelables; il dépend également de la rentabilité des unités de
pêche mises en œuvre. Ce développement doit dès lors reposer sur des options judi
cieuses de gestion des stocks exploités et d'aménagement afin de garantir la pérennité
de ces ressources et un meilleur équilibre entre les diverses composantes du système
d'exploitation.

2. RESSOURCES EXPLOITEES: TYPOLOGIE, ECOLOGIE ET


REPARTITION
L'écologie et l'éthologie des espèces expliquent les différentes stratégies et tactiques de
pêche développées pour l'exploitation des ressources halieutiques, puisque déterminant
essentiellement l'accès à la ressource.

2.1. Ressources pélagiques et côtières


Les deux groupes d'espèces les plus importants sont les sardinelles (Sardinella aurita et
S. maderensis) et les chinchards (Trachurus trecae, T. trachurusetDecapterus rhonchus). Ces
espèces effectuent des migrations saisonnières Nord-Sud de plus ou moins grande
amplitude dont dépend la disponibilité pour la pêche au Sénégal (figure 2).
Pour la sardinelle ronde (Sardinella aurita), la phase de descente des adultes dans les
eaux sénégalaises, à partir du Sud mauritanien, coïncide avec le début de la saison froide;
la phase de concentration de préponte a lieu en mars-avril au Sud du Sénégal; de mai à
septembre, les individus commencent leur remontée vers le Nord jusqu'à 25°N avec une
phase de ponte (BOELY et al, 1978). Les juvéniles et les jeunes reproducteurs restent
dans les nurseries de la Petite Côte et du Banc d'Arguin pendant une année avant de se
joindre aux adultes.
Les figures 3 et 4 illustrent les variations saisonnières de densités des petits pélagiques
côtiers du fait des migrations Nord-Sud.
Les cycles migratoires des autres espèces présentent à peu près le même schéma
spatio-temporel avec toutefois des amplitudes différentes.

292
7 uoiiD)iojdx^' sap saornossB^ SdnbimdipH sajaijoj
Ressources Côtières et Littorales du Sénégal

Figure 2 Cycle migratoire, périodes de ponte, nurseries et localisation mensuelle


des principales concentrations d'adultes de Sardinella aurita dans la zone
sénégalo-mauritanienne (source: BOELY et al., 1978)

294
L 'Exploitation des Ressources Halieutiques Côtières

2.2. Les ressources démersales côtières


La répartition des différentes espèces démersales en fonction de la nature sédimentolo-
gique du fond et de la profondeur permet de distinguer trois communautés (figure 1)
(LONGHURST, 1 969; DOMAIN, 1 980; CHABANNE, 1 987).

2.2.1 La communauté à Sciaenidae


Elle comprend:
- Des espèces très littorales, vivant au voisinage des embouchures et des cours d'eau,
telles que les carpes blanches ou "sompatt" (Pomadasys jubelini), le "thiekem"
(Galeoides decadactylus), les machoirons (Arius spp.), le capitaine (Pseudotolithus
typus) et les soles langues (Cvnoglossus senegalensis, C. monodi et C. browni). Ces
espèces à faciès d'estuaire sont en général abondantes en saison chaude sur les petits
fonds (moins de 20 mètres) où elles se rassemblent pour la reproduction; leur
caractère généralement eurytherme et euryhalin leur permet de remonter saisonniè-
rement les estuaires ou les cours d'eau.
- Des espèces à faciès mixte assez tolérantes aux conditions hydrologiques littorales
mais plus eurybathes que les précédentes; les deux principales représentantes de cette
communauté, Pseudotolithus senegalensis (capitaine) et Vomer setapinnis (musso-
lini) sont abondantes en saison chaude près de la côte où a lieu la reproduction alors
qu'en saison froide, elles ont une distribution plus profonde (SUN, 1975).

2.2.2. La communauté des espèces de la thermocline


Les principales espèces de cette communauté, la sole langue (Cynoglossus canariensis)
et la crevette blanche (Penaeus notialis) se rencontrent entre la côte et la profondeur de
75 mètres (THIAM, 1978).
Bien qu'il s'agisse d'espèces eurythermes et eurybathes, il semble que des exigences
écologiques très liées à des facteurs édaphiques, notamment la teneur du sédiment en
particules fines ( 75 et 50 respectivement) et en matière organique, sont importantes dans
l'interprétation de leur répartition.
Pour la crevette blanche, il est important de noter que le cycle vital passe par une phase
lagunaire des juvéniles; les juvéniles et les subadultes se retrouvent ainsi dans les
estuaires du Saloum et de la Casamance où ils sont exploités par la pêche artisanale
(CRODT, 1985).

2.2.3. La communauté à Sparidae


Elle comprend trois groupes d'espèces:
- les espèces du faciès de fond meuble (la brotule, le saint-pierre et la seiche) que l'on
rencontre jusqu'à 150-250 m;
- les espèces du faciès de fond dur (le rouget, le "thiof ', les dorades roses Dentexgibbosus,
Dentex canariensis et Sparus spp., la dorade grise Plectorhynchus mediterraneum), qui
sont inféodées aux fonds rocheux continus ou discontinus et à leur voisinage;
- les espèces du faciès mixte (FRANQUEVILLE, 1 983), le pageot (Pagellus bellottii) et
l'émissole (Mustelus mustelus).

295
Ressources Côtières et Littorales du Sénégal
L 'Exploitation des Ressources Halieutiques Côtières
Ressources Côtières et Littorales du Sénégal

3. EXPLOITATION DES RESSOURCES

3.1. Les unités de pêche artisanale

3.1.1. Les lignes


La ligne à main classique ou palangrotte est constituée d'un fil de nylon de diamètre et
de longueur variables. Elle est munie en général de 1 à 5 avançons portant des hameçons.
Le fil est lesté de plomb. En fonction des espèces recherchées on distingue plusieurs
types de lignes: les lignes de fond, la ligne traîne, les lignes à espadon et la turlutte.

3.1.2. Les filets maillants dormants


Les filets maillants dormants sont constitués par l'assemblage de plusieurs nappes dont
la longueur, la chute et la dimension des mailles dépendent des espèces recherchées. Ces
variations, notamment celles du maillage, sont liées aux pêcheurs qui, dans la plupart des
cas confectionnent leurs propres filets. C'est ainsi qu'on peut distinguer les filets
dormants de surface et de fond, les filets dormants dont l'espèce cible est le Cvmbium
sp. ("yète") et les filets dormants à langouste.

3.1.3. Les casiers


Les casiers les plus couramment utilisés ont une armature en fer de forme parallélépipé-
dique d'environ 1,20 m de longueur 0,80 m de hauteur et 0,80 m de largeur; ils
comportent deux ouvertures circulaires, chacune placée sur un côté du piège. Les casiers
sont utilisés pour la pêche de la seiche.
En règle générale, c'est la même pirogue à voile ou motorisée qui est utilisée pour ces
trois engins de pêche, avec un équipage d'un à quatre pêcheurs. Les résultats du dernier
recensement qui ont été publiés par le CRODT (septembre 1989) font état de 3 562
pirogues pratiquant ces types de pêche (CRODT, 1992a).

3.1.4. Les palangres


Les palangres utilisés par les pirogues emportant des cales à glace (ou pirogues glacières)
mesurent en moyenne 500 m et comportent une ligne maîtresse faite de cordage ou de
tresses bitumées, et lestée à chaque extrémité; entre les extrémités, la palangre porte des
avançons munis d'hameçons. La distance entre les avançons ainsi que la taille des
hameçons dépendent des espèces ciblées.
La pirogue motorisée (25 à 40 cv) utilisée fait appel à un équipage de 7 personnes; 325
pirogues glacières ont été recencées en septembre 1989 (CRODT, 1992a).

3.1.5. Les sennes tournantes.


La senne tournante est l'engin de pêche artisanale le plus élaboré et le plus proche des
engins de pêche industrielle. La senne tournante mesure 250 à 300 m pour une chute de
40m(SECK, 1980).
La pêche se pratique avec deux pirogues. La plus petite, 12 à 15 m, porte le filet (250
recensés en septembre 1 989; CRODT, 1 992a). La deuxième pirogue, qui est la plus grande
(18 à 20 m) est appelée porteuse de poisson (190 unités dénombrées en septembre 1989).

298
L 'Exploitation des Ressources Halieutiques Côtières

Tableau 1 Prises (en tonnes) de petits pélagiques côtiers réalisées par les pêcheries
artisanale et industrielle (source: CRODT, 1992a)
Espèces Pêcherie artisanale Pêcherie industrielle
Ethmalose 16 606,7 130,0
Sardinelle ronde 81 553,7 9 537,0
Sardinelle plate 64 783,8 6 676,0
Brochet 887,2 3,2
Mulet 7 708,7 -

Carpe blanche 2 416,7 2 985,6 *


Carangidés 11 236,5 1 836,9 *
Maquereau 1 938,0 246,9
Thonine 5 533,8 -

Thonidés/I stiophoridés 1 997,3 -

Autres pélagiques 6 279,1 96,4


Total pélagiques 200 941,5 21 512,0

* dont 4,070 tonnes correspondant aux prises accessoires des chalutiers de fond

3.1.6. Les filets maillants encerclants


Les filets maillants encerclants sont des nappes de filets flottantes de longueur variant
entre 250 à 450 m pour une chute de 10 à 12 m. Les pêcheurs encerclent le banc de
poissons repéré à la surface de l'eau (Clupéides en général). Les poissons se maillent
dans le filet en tentant d'échapper au resserrement du cercle. Le filet est ensuite halé dans
une pirogue et les poissons sont démaillés individuellement.
En septembre 1989, 57 pirogues pêchant au filet maillant encerclant ont été recensées
(CRODT, 1992a).

3.1.7. Les sennes de plage


Les sennes de plage sont probablement les plus anciens types de filets collectifs,
puisqu'elles peuvent être manœuvrées du bord des plages sans autre source d'énergie
que la puissance musculaire des pêcheurs d'une communauté. La senne de plage
sénégalaise mesure en moyenne 300 à 400 m, mais les plus grandes peuvent atteindre
l km ou même 1,5 km. La chute du filet atteint 10 à 20 m dans la partie centrale
(SECK, 1980).
81 pirogues utilisant la senne de plage ont été recensées en septembre 1989
(CRODT, 1992a).

299
Ressources Côtières et Littorales du Sénégal

Tableau 2 Prises (en tonnes) des espèces démersales réalisées par les pêcheries
artisanale et industrielle sénégalaise et étrangère (source: CRODT, 1992a)

Espèces Pêcherie artisanale Pêcherie industrielle


Machoiron 2 608,6 4 600,0
Plexiglass 548,6 3 341,6
Mérou 3 035,2 663,0
Dorade grise 1 444,4 813,4
Capitaine 1 431,6 4 568,8
Courbine 1 798,6 166,2
Dorade rose 3 507,4 1 629,3
Pageot 3 150,6 3 091,5
Sole langue 1 162,8 2 378,3
Requin 1 339,6 220,3
Raie 2 860,4 93,0
Seiche 1 288,2 7 002,1
Poulpe 6 682,6 10 537,3
Rouget - 1 432,0
Autres démersaux 4 759,6 6 220,0
Total démersaux 35 618,2 46 756,8
Gastéropodes 4 677,8 -
Crevettes 2 098,6 2 785,3
Divers 1 160,4 3 744,5
Total général 43 554,7 53 586,6

3.2. Les unités de pêche industrielle

3.2.1. La flottille chalutière côtière


L'exploitation industrielle des stocks démersaux se fait essentiellement à bord de navires
chalutiers de fond. Les types de gréements prédominants sont le chalut à crevette blanche,
le chalut à poisson et le chalut à céphalopodes. Compte tenu de l'hétérogénéité des
flottilles (tailles, pavillons, puissances motrices, etc.) et de la diversité des stratégies de
pêche, plusieurs variantes de chaluts sont présentes dans la pêcherie.

300
L 'Exploitation des Ressources Halieutiques Côtières

La flottille basée à Dakar est composée essentiellement de chalutiers battant pavillon


sénégalais (122 en 1989 dont 75 congélateurs et 47 glaciers); elle comprend en outre 35
unités étrangères (CEE, Gambie) débarquant partiellement ou intégralement leurs cap
tures dans les usines locales.
L'évolution de cette flottille est marquée par trois faits majeurs:
- l'augmentation du TJB1 moyen, et donc de la taille, à partir de 1986, ce qui traduit
l'entrée dans la pêcherie de gros chalutiers congélateurs;
- l'âge moyen des glaciers a été de 23,4 ans en 1988 contre 21,6 ans pour les
congélateurs;
- l'augmentation progressive des congélateurs au détriment des glaciers dont une
bonne partie est transformée en congélateurs durant ces dernières années.

3.2.2. La flottille sardinière


La flottille sardinière se résume actuellement à 4 sardiniers dakarois de moins de
100 TJB. A ceux-ci s'ajoutent quatre sardiniers neufs de la société SNCD2 entrés en
activité en 1989/1990 et 3 grands navires danois affrêtés par la société African Sea Food.
Les sennes utilisées par la flottille sardinière ont une longueur variant de 400 à 700 m
pour une chute de 40 à 75 m.

3.3. Les captures


Les captures réalisées dans la zone côtière sénégalaise par les unités de pêche artisanale
et industrielle ont atteint en 1989 environ 320 000 tonnes, dont 70% correspond aux
espèces pélagiques. La contribution de la flottille artisanale dépasse 75% de ces captures
totales; elle est de 90% pour les pélagiques et 45% des démersaux côtiers (cf. tableaux
I et 2).
Les sardinelles, l'ethmalose et les carangidés sont les trois groupes d'espèces pélagiques
prédominants.
Les captures démersales (96 850 t) sont dominées par les espèces de la communauté à
sparidae (56%), avec comme groupe dominant les céphalopodes (25 510 t); les espèces
de la communauté à Sciaenidae représentent 33% et celles de la thermocline 1 1%.
II convient de noter que les autres ressources exploitées au Sénégal sont situées au large
(thons, crevettes profondes, merlus, etc.) et ne sont pas prises en compte dans ce
document.

4. POTENTIELS DISPONIBLES ET ETAT D'EXPLOITATION

4.1. Ressources pélagiques côtières


Du point de vue potentiel, on peut considérer 3 zones géographiques au Sénégal: la
Grande Côte, la Petite Côte et la Casamance.

1 Tonnage de Jauge Brut.


2 Société Nationale des Conserveries du Sénégal.

301
Ressources Côtières et Littorales du Sénégal

Tableau 3 Rentabilité des unités de pêche artisanale et des sardiniers (source: Kébé
et al., 1991; Dème, 1988; Dème et al., 1990)
2
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LN 294 080 3 - - - - 258 - -
Saint- Louis FM.D 800 700 3 40 403 1 454 300 49 24 95 77 2 639 500
LN/FMD 600 225 3 3 240 116 650 250 -42 000
Kayar LN (MO) 122 900 5 13 450 484 200 47 25 166 31 1 098 200
Yoff LN 175 387 4 21 908 525 800 46 26 122 27 1 376 015
Ouakam FMD 280 800 4 266
LN 182 900 4 20 975 503 400 41 29 80 16 1 304 920
Soumbé- LN/PN 249 480 3 21620 518 880 42 28 102 17 1 094 575
dioune
LM/PM 262 550 6 26 039 324 940 19 62 196 16 2 177 810
Hann LN 284 130 7 28 822 461 724 5 221 183 3 2 474 620
LM/PM 153 745 7 22 220 303 280 0.5 212 0,3 1 873 580
PN 228 000 3 44 448 1 162 764 140 9 58 35 2 993 680
LM/PM 243140 5 35 220 845 269 48 25 157 31 2 908 010
Mbour-Joal FMD 198 500 7 37 818 1 361 460 79 15 88 35 4 327 160
ST 421 020 20 55 400 402 654 47 16 16 8 19 539 160
FME 370 025 8 34 041 1 665 587 13 90 26 2 3 661 349
Casamance LM 218170 7 22194 402 654 47 26 362 51 2 008 350
Dakar SARD 1 800 000 14 95 468 - - - 54 - -519 000

LN: Unité de pêche à la ligne normale


PN: Unité de pêche à la palangre normale
FMD: Unité de pêche au filet maillant dormant
FMDF: Unité de pêche au filet maillant dérivant de fond ("Yolal")
FME: Unité de pêche au filet maillant encerclant
LM: Unité de pêche à la ligne avec pirogue glacière
PM: Unité de pêche à la palangre avec pirogue glacière
ST: Unité de pêche à senne tournante
SARD: Sardinier

302
L 'Exploitation des Ressources Halieutiques Côtières

La Grande Côte est soumise à de fortes variations saisonnières d'abondance, la densité


de poissons pélagiques en saison froide étant deux fois plus forte qu'en saison chaude.
L'étroitesse de plateau continental et les conditions de mer souvent difficiles font que
cette zone est légèrement sous-exploitée (potentiel disponible en 1990: 20 000 tonnes)
(CRODT, 1992b).
La Petite Côte, zone de reproduction, fait l'objet de l'essentiel de l'exploitation des petits
pélagiques côtiers et les captures y dépassent actuellement le niveau théorique d'exploi
tation optimum. Une réduction de l'effort de pêche est conseillée dans cette zone. Les
prises actuelles y atteignent 130 000 unités.
La Casamance ne fait actuellement l'objet d'aucune exploitation de petits pélagiques
côtiers, ceci étant dû principalement à l'éloignement de Dakar pour la pêche industrielle
et au manque de marché local pour les artisans. Cette zone est donc actuellement sous
exploitée (potentiel disponible en 1990: 40 à 60 000 tonnes).
Les ressources sont exploitées à la fois par les sardiniers dakarois et les artisans pêchant
aux filets maillants ou à la senne tournante.
Les captures sont constituées d'environ 80% de sardinelles. La période 1981-1988 est
marquée par l'effondrement de la pêcherie sardinière dakaroise et par une augmentation
progressive des apports de pêche artisanale.
Les 15 sardiniers qui en 1981 ont débarqué plus de 3 1 000 tonnes ont été réduits à 9 en
1989 pour un débarquement annuel de 17 500 tonnes environ (CRODT, 1992a).

4.2. Ressources démersales côtières


Les ressources démersales côtières, exploitées entre 0 et 150 mètres de profondeur par
les flottilles artisanales et industrielles, comprennent des crustacés (crevette blanche,
langouste, crabe, etc.) des céphalopodes (seiche, poulpe, etc.) et des poissons de fond
(rouget, dorades, soles, etc.).
Le potentiel global annuel de capture est estimé à près de 100 000 tonnes dans les
conditions actuelles d'exploitation.
Plusieurs indicateurs montrent qu'actuellement les poissons démersaux côtiers présents
sur le plateau continental sénégalais sont globalement surexploités (CAVERIVIERE et
THIAM, 1992a et 1992b); les fonds inférieurs à 60 mètres et notamment les fonds à
crevette semblent les plus touchés. Cet état global de surexploitation est probablement à
l'origine d'un accroissement des stocks de céphalopodes (poulpe, seiche) depuis 1986.
Cette situation engendre des stratégies d'adaptation au niveau des pêcheurs tant artisans
qu'industriels:
- l'adoption de la mixité des engins artisanaux;
- l'exploitation de fonds de pêche de plus en plus éloignés du littoral (pirogues
glacières);
- la diversification des captures des chalutiers par une réduction des rejets opérés en
mer;
- l'exacerbation des conflits entre la pêche artisanale et la pêche chalutière du fait
d'une tendance de celle-ci à exploiter frauduleusement les ressources de la frange
littorale.

303
Ressources Côtières et Littorales du Sénégal

Tableau 4 Valeur ajoutée induite et balance en devises par filière de produits


halieutiques (10° F CFA) (source: BRENDEL et al., 1992)

Filière Importations Valeur ajoutée induite Balances en


incluses devises
1 1 315 45 350 39% -1 315

2 627 13 202 11% -627

3 1 332 12 009 10% 12 009

4 6 045 35 049 30% 35 050

5 6 048 11 340 10% 11 192

Total secteur 15 403 116 950 100% 56 309

Filière 1: Pêche artisanale - mareyage - marché local


2. Pêche artisanale - transformation artisanale - marché local
3: Pêche artisanale - mareyage et usines - exportations
4: Pêche chalutière - mareyage et usines - exportations
5: Pêche thonière - conserveries - exportations

5. ANALYSE DE LA RENTABILITE DES UNITES DE PECHE


Le tableau 3 récapitule les caractéristiques financières et économiques des unités de
pêche artisanale et des sardiniers.

5.1. Rentabilité financière


L'analyse des comptes d'exploitation des unités de pêche artisanale fait apparaître une
situation déficitaire pour certains métiers. Seules les pirogues glacières débarquant leurs
prises à Hann (basées à Mbour, Soumbédioune et Hann) ainsi que les unités au filet
maillant dérivant génèrent des recettes brutes assez importantes. La proximité du marché
dakarois favorise les prix rémunérateurs offerts aux pêcheurs dans le centre de Hann.
Cependant, compte tenu des lourdes charges fixes supportées, les recettes générées ne
suffisent pas ou sont à peine suffisantes pour couvrir le risque d' investir dans ces activités
et pour assurer le renouvellement du matériel de pêche: le taux interne de rentabilité est
inférieur à 50%.
Pour la plupart des autres unités de pêche, les gains nets dégagés correspondent à un taux
interne de rentabilité inférieur à 80%. Les meilleures performances financières sont
réalisées par les unités de pêche de Mbour pratiquant la palangre, avec des gains nets
d'environ 960 000 F CFA et un TIR de 140%.

304
L 'Exploitation des Ressources Halieutiques Côtières

Dans certains cas l'équipage est mieux rémunéré que les armateurs. Cependant la
rémunération moyenne mensuelle d'un pêcheur embarqué est relativement faible, no
tamment pour les unités de pêche à la ligne et/ou au filet dormant à Saint-Louis; pour les
autres, elle est comprise entre 13 000 et 41 000 F CFA; le plus important revenu est
observé pour les unités de pêche à la senne tournante.
Les sardiniers dakarois présentent une situation financière déficitaire liée à la lourdeur
des charges d'exploitation contrairement aux unités de pêche artisanale opérant sur les
mêmes sols (sennes tournantes et filets maillants encerclants) (DEME, 1988).

5.2. Rentabilité économique


Le capital moyen par tête peut s'interpréter comme le coût de création d'un emploi dans
le secteur. On observe une forte dispersion de sa valeur selon les types de pêche pratiqués
(123 000 à 880 000 F CFA). Le montant le plus faible correspondant aux unités pêchant
à la ligne de Kayar, le plus élevé à celles de Saint-Louis pêchant au filet maillant dormant.
L'investissement nécessaire à l'acquisition de grandes pirogues utilisées souvent avec
des cales à glace et des moteurs hors bord plus puissants pour pêcher à la ligne ainsi que
le nombre important de filets par unité (en moyenne 1 80) constituent le principal facteur
explicatif du niveau du capital par tête de ces unités de pêche.
Les performances économiques résident dans la faiblesse de l' investissement initial pour
les unités de pêche artisanale. Pour les sardiniers, ce coût est 3 à 4 fois supérieur à celui
des unités de senne tournante et de filet maillant encerclant.
Les unités de Ouakam pêchant au filet maillant dormant ainsi que celles de Saint-Louis
pratiquant la ligne avec ou sans filet maillant dormant ont d'énormes difficultés à
atteindre le point mort. Au taux de rendement observé, les unités de Ouakam doivent en
théorie effectuer 830 marées dans l'année pour atteindre le seuil de rentabilité, ce qui est
impossible.
L'examen du ratio profit net/kg débarqué par type d'UP permet également de voir que
les unités de pêche au filet maillant dormant opérant à Saint-Louis sont nettement plus
rentables (ratio de l'ordre de 77).
Il apparaît clairement que ce sont les unités pêchant à la palangre normale, à la ligne et/ou
à la palangre avec des cales à glace, au filet maillant dormant qui enregistrent les meilleurs
résultats économiques et financiers.
La valeur ajoutée nette (VAN) dégagée est relativement importante pour la plupart des
unités de pêche artisanale en raison peut être des facilités accordées par l'Etat au
sous-secteur (détaxe sur les moteurs et filets, subvention du carburant). Elle représente
entre 33 et 73% du chiffre d'affaires réalisé par l'unité de .pêche. Le facteur travail est
rémunéré pour l'essentiel par cette création de richesse jusqu'à concurrence de plus de
95% de la VAN.
On peut mesurer l'importance respective des différentes filières de produits halieutiques
en utilisant les critères de valeur ajoutée induite et de contribution à la balance commer
ciale (tableau 4). Le sous-secteur artisanal (toutes filières confondues) représente 60%
de la valeur ajoutée induite (70 millions de F CFA) contre 40% pour l'industriel. La
filière 1 (pêche artisanale - mareyage - marché local) vient en première position avec
39% de la valeur ajoutée induite totale du secteur des pêches.

305
Ressources Côtières et Littorales du Sénégal

6. PERSPECTIVES DE DEVELOPPEMENT ET
RECOMMANDATIONS EN MATIERE DE GESTION

6.1. Pêcheries artisanales


Les perspectives de développement des pêcheries côtières artisanales peuvent être
envisagées dans deux directions (CRODT, 1991):
- le développement des types de pêche déjà existants;
- le développement de nouveaux engins et donc de nouveaux types de pêche.

6.1.1. Types de pêche déjà existants


6.1.1.1. La pêche à la ligne normale
La pêche à la ligne est un des métiers les plus anciennement pratiqués par les pêcheurs
sénégalais lébou et ouolof de Guet Ndar (Saint-Louis). Elle a fait les beaux jours de
Kayar, de Guet Ndar, de Soumbédioune et de Mbour.
La plupart des stocks des espèces visées par cette technique sont aujourd'hui surex
ploités et/ou ont disparu des pêcheries (tassergal, sériole, dorade). Pour les autres,
même si on les trouve encore, les stocks (thiof, chinchard) sont pour la plupart pleine
ment exploités.
La pêche de ces espèces à la ligne normale est moins rentable que les autres types
d'exploitation. Il s'y ajoute que la concurrence de la pêche à la palangre ou à la ligne à
bord de pirogues équipées de cales à glace est très forte car cette technique est plus
rentable, d'autant plus que le thiofn'est plus rencontré près des côtes. La palangre est en
outre moins pénible et pêche des individus plus gros donc plus recherchés. Les pêcheurs
qui utilisent la ligne vont pour la plupart avec les bateaux ramasseurs ou se convertissent
à la turlutte ou à la palangre. Certains embarquent à bord des pirogues à sennes tournantes
s'ils ne font pas du filet dormant. Le recrutement dans ce métier est faible.
La pêche à la ligne normale est une technique en déclin. Cependant, elle connaît un léger
regain avec les nouveaux débouchés du pageot et du pagre. Toutefois, avec l'utilisation
des caisses en polystyrène expansé et de la glace pour la conservation des prises,
l'exploitation de ces espèces s'oriente de plus en plus vers la pêche à la ligne glacière.
6.1.1.2. La pêche à la pirogue glacière à palangre
Comme nous l'avons indiqué plus haut, ce métier est issu de la pêche à la ligne normale
et par suite de la pêche à la ligne utilisant des cales à glace.
C'est dans ce mode d'exploitation que l'on utilise le plus la palangre. Il permet
d'augmenter le rayon d'action des pirogues et leur autonomie. Il rapporte des prises
d'espèces de plus grande taille, notamment des mérous plus prisés sur le marché
sénégalais et recherchés pour l'exportation.
La pêche à la palangre à bord de pirogues glacières peut cependant être améliorée
notamment en rendant les cales à glace plus étanches, en utilisant des compas et des
sondeurs à bord. L'emploi de vire-ligne leur permettrait de prospecter des zones encore
plus profondes et plus lointaines. Avec l'utilisation d'hameçons en fer inoxydable, de
tresses bitumées plus résistantes, d'émerillons et de fil en nylon pour les avançons, les
palangres seraient plus efficaces et dureraient plus longtemps.

306
L 'Exploitation des Ressources Halieutiques Côtières

Il y a également lieu de diversifier le montage des palangres pour capturer d'autres


espèces dont le potentiel disponible et les débouchés méritent qu'on les recherche. On
pensera par exemple aux rascasses, aux requins du genre Centrophorus, à la brotule, aux
espadons voiliers, aux machoirons, etc.
6.1.1.3 La pêche au filet maillant dormant
Très utilisé à Saint-Louis, à Ouakam, à Hann et à Joal, le filet dormant apparaît
aujourd'hui comme l'un des engins les plus employés de la pêche artisanale.
Il ne nécessite ni beaucoup d'efforts, ni beaucoup de carburant car les lieux de pêche sont
situés près de la côte. Il est peu sélectif et des débouchés existent pour toutes les espèces
qu'il capture.
Il reste que des améliorations peuvent être apportées pour le développement du filet
dormant. Dans ce sens, il serait bon que le filet nl 100 et surtout le n 1 110 soient plus
disponibles sur le marché et à des prix peu variables. Il serait indiqué aussi de mettre sur
le marché des filets adaptés à la pêche du yéte, de la raie guitare, de la courbine et des
requins. Les pêcheurs confectionnent eux-mêmes ces filets à partir de morceaux de tablier
de chalut ramassés en mer ou qu'ils achètent et défont pour obtenir la grosseur de fil
nécessaire; le filet est ensuite fait avec le maillage souhaité.
Par ailleurs, l'introduction du vire-filet faciliterait beaucoup le travail des pêcheurs et
augmenterait leur puissance de pêche.
6.1.1.4. La pêche au filet maillant dérivant de fond ou yolal
Cette technique de pêche était exclusivement utilisée dans les bolons du Saloum et de la
Casamance. Elle a ensuite gagné l'embouchure de ces cours d'eau et commence à être
utilisée en mer. Quelques problèmes limitent cependant son développement. Le yolal
entre en concurrence directe avec les engins fixes (casiers et filet dormant) et les conflits
qui en résultent sont nombreux et fréquents, notamment à Joal. Le yolal trouve donc
difficilement sa place dans l'espace maritime côtier. Une réglementation de cet espace
permettrait à cette technique de se développer d'autant plus qu'elle s'avère rentable.
Comme le filet dormant, le yolal devrait être plus disponible sur le marché, ce qui
permettrait en outre de réduire son coût d'achat très élevé.
6.1.1.5. La pêche au casier
La pêche de la seiche à l'aide du casier parallélépipédique rigide utilisé actuellement
comporte des inconvénients liés particulièrement à l'encombrement du piège, son
instabilité, la corrosion marine qui limite sa durée de vie, ses entrées qui blessent les
seiches capturées et les déprécient.
Un casier pliant a été mis au point au CRODT pour pallier ces inconvénients.

6.1.2. Possibilités de développement d'autres engins


6.1.2.1. La ligne de traîne
Les stocks de petits thonidés côtiers (thonine, maquereau bonite, bonite à dos rayé) et de
voilier ne sont pas pleinement exploités au Sénégal. La petite pêcherie de Yoff semble
indiquer que l 'exploitation de ces espèces est rentable. Des possibilités de développement
de la pêche à la traîne sont donc réelles et pourraient être envisagées.

307
Ressources Côtières et Littorales du Sénégal

6.1.2.2. Le filet dormant à langouste


Entre Yoff et Kayar, il existe, en zone côtière, des fonds de pêche à langouste rose. Ces
fonds sont localisés dans la bande ou à la limite des six milles marins réservés à la pêche
artisanale. Il peut être envisagé d'encourager une pêcherie artisanale au filet dormant
pour exploiter cette ressource.
6.1.2.3. Les combinaisons de types de pêche
Avec les problèmes de disponibilités de plus en plus réduites des espèces cibles,
l'uniformité des types de pêche tend à disparaître au profit de la mixité. Celle-ci est
facilitée par la polyvalence des pêcheurs qui peuvent travailler aisément avec le filet
dormant, le casier, la turlutte, la palangre et la palangrotte.
La mixité apparaît aujourd'hui comme une alternative aux pêcheurs pour s'adapter aux
nouvelles conditions de la pêche.

6.2. Pêcheries industrielles

6.2.1. Pêcherie sardinière


L'amélioration de la gestion de la pêcherie de petits pélagiques côtiers devrait passer par:
- une meilleure répartition de l'effort de pêche, notamment dans les zones (Casamance
par exemple) où les potentialités sont encore importantes;
- une amélioration de la distribution et de la conservation du produit;
- une augmentation de la valeur ajoutée des produits traités industriellement.

6.2.2. Pêcherie chalutière


L'évolution des captures débarquées par les chalutiers depuis 1986 est relativement
stable malgré l'augmentation de l'effort de pêche global; les seules fluctuations obser
vées sont dues aux bonnes années de pêche du poulpe (1986, 1989 et 1990).
Une augmentation de la production peut être attendue d'une régulation de l'effort de
pêche global (industriel et artisanal) déployé sur le plateau continental sénégalais, par un
contrôle encore plus accru de la pêche étrangère illégale et par une prise de conscience
des pêcheurs pour un meilleur respect des réglementations des pêches (zones de pêche
interdites, maillages des filets, etc.).
La diminution de l'effort artisanal n'étant pas envisageable pour des raisons évidentes
d'ordre technique, socio-économique et politique, la mesure de régulation des flottilles
ne peut concerner que la pêche au chalut (étrangère ou sénégalaise).
La maîtrise des pêches étrangères illégales ne peut être efficace que dans un cadre sous
régional de surveillance.
En aval de la production, le développement de filières valorisantes au niveau de la
transformation industrielle des produits est également indispensable; ce développement
devra s'accompagner de mesures accrues afin d'imposer aux produits sénégalais d'ex
portation un label de qualité.

308
L 'Exploitation des Ressources Halieutiques Côtières

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309
Ressources Côtières et Littorales du Sénégal

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310
LA PECHE DANS LES ESTUAIRES DU SENEGAL

Papa Samba DIOUF, Tidiane BOUSSO, Hamet Diaw DIADHIOU et


Moustapha KEBE
Centre de Recherches Océanographiques de Dakar-Thiaroye, CRODT/lSRA,
Sénégal

Résumé

Les milieux continentaux sénégalais ont subi deux types d'agression qui ont fortement
affecté le potentiel halieutique exploitable :
- une agression naturelle liée au déficit pluviométrique de ces dernières années,
entraînant une augmentation de la salinité notamment en Casamance et au Sine-
Saloum;
- une agression anthropique consécutive aux aménagements hydro-agricoles (endi-
guements, barrages, cultures irriguées...) qui ont réduit les surfaces inondées,
diminuant de ce fait, les zones de reproduction et de nurserie.
A cela, il faut ajouter de mauvaises pratiques de pêche, des moyens de production souvent
vétustes (surtout dans le bassin du fleuve Sénégal) et une politique d'encadrement
inefficace du fait d'un manque de moyens humains et matériels, et l'absence d'une
législation bien adaptée au contexte environnemental actuel.
D'une production moyenne d'environ 50 000 t vers les années 1972-1978, les captures
de la pêche continentale sénégalaise actuelle sont tombées à environ 30 000 t. Des
mesures énergiques et immédiates s'imposent.

FISHING IN THE SENEGALESE ESTUARIES

Abstract

The Senegalese continental environments suffered two types of encrouchment which


have seriously affected the exploitable fishing products:
- a natural threat related to the rain deficit of the last years, resulting in an increased
salinity, notably in Casamance and Sine-Saloum;
- a man-made problem triggered by hydro-agricultural installations (embankments,
dams, irrigated farming) which reduced the inundated areas, and thus the breeding
grounds.
AIso, there are poor fishing practices; production means are often old fashioned (notably
in the river Senegal basin), an unefficient management policy due to lack of human and
material means, and lack ofa legislation that is well adapted to the present environmental
context.
The catches of continental fishing in Senegal fell from an average production of 50 000
tonnes around the years 1972-1978 to some 30 000 tonnes. Drastric and immediate
measures are required.

311
Ressources Côtières et Littorales du Sénégal

INTRODUCTION
Depuis plus de deux décennies, le Sénégal connaît un déficit pluviométrique persistant
qui a considérablement bouleversé l'écologie et l'exploitation des ressources des eaux
estuariennes.
A cette agression naturelle s'ajoute une deuxième d'ordre anthropique consécutive aux
aménagements hydro-agricoles (endiguements, barrages, cultures irriguées) qui ont
réduit les surfaces inondées diminuant de ce fait les zones de reproduction et de nurserie
(DIOUF et BOUSSO, 1988).
Cette conjonction de faits a provoqué une réduction considérable du potentiel halieuti
que. D'une production moyenne d'environ 50 000 t vers les années 1972, la production
de la pêche estuarienne sénégalaise est tombée à environ 30 000 t (DIOUF et al. , 1 99 1 ).
Or, cette pêche est d'une importance capitale pour les populations riveraines pour deux
raisons:
- elle constitue la principale source de protéines animales (plus de 90% dans certaines
localités, notamment au niveau des îles du Saloum);
- elle est une source non négligeable de revenus.
Il semble donc important d'étudier la pêche estuarienne pour bien comprendre sa
dynamique et promouvoir des actions qui permettront de la revitaliser.
Pour ce faire, nous présenterons brièvement les principales caractéristiques environne
mentales, puis nous aborderons les problèmes liés aux ressources, aux moyens de
production, à l'exploitation et enfin à la gestion.

1. PRINCIPALES CARACTERISTIQUES ENVIRONNEMENTALES


Les estuaires de la Sénégambie (figure 1) appartiennent à deux types de systèmes
fluviaux: les systèmes locaux et les systèmes sous-régionaux.
- Les systèmes locaux comme la Casamance et le Sine-Saloum prennent leur source
et ne coulent presque exclusivement qu'au Sénégal. Les estuaires de ces systèmes
ont été les plus touchés par le déficit pluviométrique. En effet, les apports d'eaux
douces et pluviométriques sont très faibles. En effet, les apports d'eaux douces sont
très limitées et l'évaporation aidant, l'eau de mer se concentre dans ces milieux. On
assiste alors à une augmentation considérable de la salinité. C'est ainsi que des
salinités de l'ordre de 170%o et 100%o ont été respectivement enregistrées en amont
de la Casamance et du Saloum en juillet 1986 (DIOUF et al., 1991).
Cette hypersalinité qui est la caractéristique environnementale principale de
ces systèmes locaux a eu des effets néfastes sur la mangrove, principale source
d'enrichissement trophique de ces écosystèmes (DIOUF, 1987; DIOUF et
DIALLO, 1987).
- Les systèmes sous-régionaux englobent les fIeuves Sénégal et Gambie. L'estuaire
de la Gambie se trouvant presque entièrement hors du territoire sénégalais ne sera
pas traité ici.
Le fleuve Sénégal prend sa source en Guinée dans une zone relativement bien
arrosée. Ce qui fait que le déficit pluviométrique du Sahel, comparativement
à ce qui s'est passé au Sine Saloum et en Casamance, a eu un effet moins
important en ce qui concerne la salinité.

312
La Pèche dans les Estuaires du Sénégal
Ressources Côtières et Littorales du Sénégal

L'estuaire du fleuve Sénégal se distingue des deux autres par la quasi-absence de


mangrove. Ces eaux sont faiblement minéralisées (REIZER, 1974; DIOUF et BOUSSO,
1988; DIOUF et al., 1991).
Cette faible minéralisation est due à la lithologie (roches insolubles), à la faible couver
ture végétale (source importante de matières organiques) et à la réduction considérable
des surfaces inondées suite à l'intensification des aménagements hydro-agricoles.
Deux grands barrages ont été construits sur le fleuve Sénégal. Le barrage anti-sel de
Diama et le barrage de retenue de Manantali.

2. LES RESSOURCES

2.1 . Le fleuve Sénégal


La faune ichtyologique du fleuve Sénégal, riche de plus d'une centaine d'espèces est
constituée de trois peuplements:
- Le peuplement du cours inférieur constitué d'espèces marines et estuariennes
euryhalines. Avec la construction du barrage de Diama, ce peuplement qui pouvait
pénétrer très en amont, ne va pas au-delà de Diama. En période de crue, quand le
barrage est ouvert, cette zone change radicalement de peuplement. On note une
intrusion massive d'espèces d'eau douce.
- Le peuplement du cours moyen se rattache sur le plan biogéographique à la zone
soudanienne. La structure actuelle de ce peuplement est différente de celle d'il y a
25 à 30 ans: des espèces qui étaient très abondantes comme Lates niloticus,
Gvmnarchus niloticus, Heterotis niloticus, Citharus citharus et C. latus sont deve
nues très rares.
- Le peuplement du cours supérieur est constitué d'espèces holigohalines. La compo
sition spécifique de ce peuplement n'a pas beaucoup changé.
Le potentiel halieutique exploitable a été évalué dans les années 1970 à un tonnage
compris entre 20 000 et 28 000 t pour le fleuve Sénégal (REIZER, 1974). Une autre
évaluation faite vingt ans plus tard laisse apparaître une réduction de ce potentiel qui
ne se situerait plus qu'entre 6 500 et 9 000 t, lac de Guiers compris (DIOUF et al.,
1991).
Au terme des aménagements de l'OMVS, le potentiel exploitable du lac de Guiers devrait
augmenter d'environ 700 t et celui de la retenue de Diama de 2 500 t du fait de
l'accroissement des surfaces en eau. Mais malgré ces augmentations locales probables
de potentiel, le bilan global de l'effet des aménagements hydro-agricoles par rapport à
une année normale risque d'être négatif pour le Sénégal. En effet, l'OMVS se propose
d'aménager de grandes superficies qui seront soustraites à l'épandage des crues. Ce qui
entraînera une perte par rapport au potentiel en année de crue normale de 14 000 t
(DENNEVILLE et JAMET, 1982).

314
La Pêche dans les Estuaires du Sénégal

2.2. La Casamance

Poissons
Plus de soixante quinze espèces de poissons regroupées en trente neuf familles consti
tuent le peuplement ichtyologique de l'estuaire de la Casamance (ALBARET, 1984).
Les formes d'origine marine et estuarienne représentent l'essentiel de cette icthyofaune
avec plus de soixante dix espèces. Les Carangidae (7 espèces), les Mugilidae (8), les
Scianidae (5) les Cichlidae et les Pomadasydae (4) sont les principales familles de ce
peuplement. Cette richesse spécifique n'est cependant pas la même sur tout le fleuve
(ALBARET, 1987). Elle diminue de l'aval vers l'amont. La zone de l'embouchure à
Ziguinchor (sous influence marine) est la plus riche et la plus diversifiée. Les formes
marines y dominent. La région de Goudomp est une zone charnière; la richesse spécifique
est de moitié moins importante que dans la première zone. Dans la zone d'étendue d'eau
sursalée permanente, le peuplement est réduit à 5 ou 6 espèces. Au-delà de cette zone,
vers Dianah-Malari, une seule espèce, Sarotherodon melanotheron, subsiste en saison
sèche lorsque la salinité devient trop élevée (supérieure à 70%o). En saison de pluies
lorsque la salinité baisse considérablement, quelques espèces d'origine marine et conti
nentale remontent. Il s'agit de Tilapia guineensis, Elops lacerta, Ethmalosafimbriata,
Hemichromisfasciatus et Clarias senegalensis.
La salinité est le principal facteur limitant de cette distribution spatio-temporelle
(ALBARET, 1987).
La taille moyenne des espèces diminue de l'aval vers l'amont. Nous ne disposons
d'aucune évaluation du potentiel exploitable dans l'estuaire de la Casamance. Toutefois
d'après les statistiques de la Direction de l'Océanographie et des Pêches Maritimes, les
captures en Casamance, depuis une dizaine d'années, seraient assez stables et d'environ
9 000 t/an. D'après des enquêtes du CRODT réalisées en 1985 ce chiffre serait sous-e-
stimé et la production serait supérieure à 14 000 t. On peut raisonnablement fixer le
potentiel exploitable en Casamance entre 9 000 t et 14 000 t.

Crevettes
Les ressources en crevettes de la Casamance varient en fonction de la salinité. Dans les
limites de salinité observées depuis le début de la pêcherie (1960), les captures peuvent
varier entre 700 et 1 600 tonnes. La taille des crevettes pêchées varie dans le même sens
que les captures. Dans ces conditions, si l'on se réfère à la période où les crevettes ont
été pêchées uniquement avec des filets fixes, c'est-à-dire jusqu'en 1984, la valeur de la
production peut varier dans un rapport de 1 à 4.
Les captures maximales sont obtenues pour les conditions de salinité correspondant à
une pluviométrie moyenne sur plusieurs années comprise entre 1 100 et 1 200 mm à
Ziguinchor. Cela correspond à une situation de déficit pluviométrique si l'on se réfère à
la pluviométrie qui a prévalu entre 1920 et la fin des années 1960 (1 500 mm). Le déficit
pluviométrique a donc été dans l'ensemble favorable pour la pêche crevettière dans
l'estuaire. Ce n'est qu'en 1984-1985 que, la sursalure étant devenu trop forte, les captures
ont fortement chuté.

315
Ressources Côtières et Littorales du Sénégal

2.3. Le Sine-Saloum

Poissons
Quatre vingt-cinq espèces de poisson ont été inventoriées dans l'estuaire du Saloum, dont
une nouvelle pour la science. Il s'agit d'un mulet du genre Liza. Comme pour la
Casamance, l' ichtyofaune du Saloum est dominée par les espèces marines et estuariennes
(DIOUF, 1992). Le Bandiala, un des trois bras qui constituent le complexe estuarien du
Saloum, est à peu près deux fois plus riche en espèces que les deux autres. Nous avons
comparé l' ichtyofaune du Saloum à celle de la Casamance et du fleuve Sénégal en
utilisant le coefficient de similitude de SORENSEN (1948) basé sur l'absence et la
présence des espèces et dont la formulation est:
S- 2a
2a + b + c
où:
a = nombre d'espèces présentes dans les deux milieux à comparer
b = nombre d'espèces présentes dans le premier milieu et absentes dans le second
c = nombre d'espèces absentes dans le premier et présentes dans le second.
On obtient un coefficient de similitude de 0,76 entre l' ichtyofaune du Saloum et celle de
la Casamance et de 0,42 entre celle du Saloum et du fleuve Sénégal. Il apparaît que la
faune du Saloum présente une affinité plus grande avec celle de la Casamance qu'avec
celle du fleuve Sénégal. Ce qui se comprend aisément si l'on sait que l'évolution
hydrologique des deux premiers est identique.
En ce qui concerne le potentiel exploitable, nous pensons qu'il doit être de tiers inférieur
à celui de la Casamance, les milieux étant comparables au point de vue productivité,
alors que le Saloum a une superficie qui fait approximativement les deux tiers de la
Casamance.

Crevettes
Alors que la surface en eau du Saloum correspond à peu près aux deux-tiers de celle de
la Casamance, les captures maximales de crevettes sont quatre à cinq fois moins
importantes. Cela est principalement dû en partie à la surface des eaux qui provoque un
départ vers la mer des crevettes de petite taille.
Il est certain cependant qu'étant donné la faible valeur des crevettes, les mareyeurs ne
visitent que les centres les plus accessibles. En octobre 1990, par exemple, seules les
crevettes pêchées dans la zone de Foundiougne étaient mareyées; les pêcheurs de
Missirah, en l'absence de mareyage, ne sortaient donc plus. L'activité de pêche dépen
dant entièrement des possibilités de mareyage, de vastes zones sont ainsi inexploitées.
Dans le Saloum les crevettes sont pêchées avec des filets en forme de poche, les killi,
traînés par deux hommes le long des berges où les crevettes, indépendamment des
conditions environnementales, sont de petite taille. Des crevettes plus grosses pourraient
être capturées avec des filets fixes dans le chenal. Lors d'essais effectués à Foundiougne
en 1972 la taille moyenne des crevettes capturées avec le killi était de 6,7 cm et celle des
crevettes capturées avec le filet fixe de 8 cm; la maille des killi était pourtant plus grosse
que celle des filets fixes (12 mm contre 8 mm de côté). Une solution intermédiaire

316
La Pêche dans les Estuaires du Sénégal

pourrait être l'emploi de filets maillants dérivants tels que ceux utilisés en Casamance et
qui peuvent être utilisés dans la zone située entre le chenal et la berge ou dans le chenal
si le courant est faible. Si, en Casamance, ces filets sont nocifs par rapport aux filets fixes
qui ont fait la preuve de leur efficacité et qui, dans les conditions locales, peuvent être
considérés comme les plus rationnels, dans le Saloum ils seraient un moindre mal par
rapport aux killi. Par ailleurs, lorsque le courant est trop faible, ce qui est peut-être souvent
le cas et explique leur absence au Saloum, les filets fixes ne sont plus performants.
Une valorisation de la production pourrait favoriser le mareyage et permettre d'exploiter
plus complètement les potentialités existantes.

3. MOYENS DE PRODUCTION

3.1. Le parc piroguier


Les pirogues qui opèrent dans les estuaires sont conçues pour être utilisées dans
différentes conditions hydrologiques et de navigation. On peut les classer en trois grandes
catégories:
- La pirogue monoxyle casamançaise dont les plus grandes (5 à 6 m) servent à la pêche
crevettière et aux filets dérivants de surface (félé-félé) et les plus petites (3,5 à 5 m)
à la pêche à l'épervier.
- La pirogue niominka: le fond monoxyle est constitué le plus souvent d'un tronc
d'arbre creusé ou de deux troncs évidés assemblés bout à bout en mortaise, le tout
étant surmonté de bordés. Le schéma de construction est presque toujours le même,
mais avec toutefois des variantes suivant que la pirogue doit naviguer en mer ou sur
le fleuve et qu'elle est destinée à la pêche ou au transport. Les pirogues de transport
ont des bordés qui dépassent d'au moins 1 ,5 m ceux des pirogues de pêche. Les
pirogues niominka sont bien adaptées à la senne tournante et au transport.
- La pirogue saint-louisienne de fleuve opère exclusivement dans le delta du fleuve
Sénégal de Saint-Louis à Diama. Elle est de même conception que la pirogue de mer
mais elle est beaucoup plus large de fond au mètre couple. Avant la sécheresse, ces
pirogues étaient entièrement faites en planches de sapin (matériau importé) avec
membrure en "gonakié" (REIZER, 1974). Actuellement, le "gonakié" se fait rare.
La pirogue légère mesure 6 à 9 mètres. Elle est lourde quand elle a 9 à 12 mètres de
long. Ces pirogues sont presque toutes motorisées.
Le nombre de pirogues en Casamance a varié entre 2 1 60 et 3 339 durant la période allant
de 1977 à 1984, avec un maximum en 1991. La tendance actuelle est à la baisse (DIOUFef al.,
1991).
Au Saloum, le dernier recensement effectué par le CRODT en mars 1990 a permis de
dénombrer 353 pirogues de mer motorisées à 86% et 549 pirogues de fleuve motorisées
à 24%, soit un parc total de 902 pirogues motorisées à 48%.
En ce qui concerne le fleuve Sénégal, le nombre de pirogues monoxyles casamançaises
en service sur le cours moyen était estimé par REIZER en 1974, à 3 500 pirogues dont 160
pour le lac de Guiers. En 1 986, on comptait 223 pirogues pour le lac de Guiers (rapport annuel
DEFCS, 1987). Comparativement aux données de REIZER (1974), le nombre de pirogues
dans le lac a augmenté de près de moitié dix ans après. Pour le reste du fleuve, aucune

317
Ressources Côtières et Littorales du Sénégal

donnée récente n'existe sauf en aval de Diama où l'on compte en moyenne 10 à 15


pirogues saint-louisiennes de fleuve par village (recensement CRODT, 1988).

3.2. Les engins de pêche


La plupart des engins utilisés sont communs aux trois milieux avec toutefois des
adaptations locales.

3.2.1. Les engins collectifs


Deux types de sennes (sennes de rivage et sennes de rivage sans poche) se rencontre dans
ces milieux. Les sennes de rivage sans poche comprennent les sennes de rivage walo-
walo (goubols) qui mesurent jusqu'à 400 à 700 mètres de long, la chute atteignant au
maximum 10 à 15 mètres. L'équipe doit être de 6 à 12 personnes pour les petits filets et
de 12 à 20 personnes pour les filets de 400 à 700 mètres. Ces engins sont utilisés sur le
fleuve Sénégal en aval de Diama et en Casamance dans la partie proche de la mer.
Les sennes de plage niominka présentent deux variantes, le m 'bal law opane et le digual.
Le premier, muni d'un petit filet bisness peut être utilisé en toute saison au Saloum, de
jour comme de nuit quel que soit l'état de la marée. Les lieux de pêche privilégiés sont
les "passes". Le second ressemble au premier mais est plus haut et moins long. Il est
utilisé dans les eaux les plus profondes du fleuve et des grands bolons. Il permet la capture
de grosses espèces.
Les sennes avec poche sont des engins de grande dimension surtout utilisés en Casa
mance. On en trouvait deux à Diama, dans le Bas-Delta du fleuve Sénégal avant les
événements sénégalo-mauritaniens.
En Casamance, la longueur de ces engins peut varier de 300 à 3 000 mètres (CRODT,
1985). La poche, démesurément allongée, a une maille de 25 mm. Le petit filet "bisness"
facilite la mise à terre du poisson. Il peut être aussi utilisé comme vivier lorsque la prise,
trop abondante, est difficile à écouler dans l'immédiat.
Les filets maillants-encerclants sont utilisés pour la pêche des ethmaloses. Ils réalisent
l'essentiel des captures de cette pêche au Saloum. La longueur moyenne du filet est de
300 mètres, sa hauteur est de 6 mètres. Ce filet peut être utilisé de deux manières
différentes à l'intérieur des bolons: comme filet droit dérivant (félé-félé) ou comme filet
encerclant (saïma) lorsque la profondeur est suffisante. Deux pirogues motorisées sont
utilisées avec un équipage de 5 à 8 personnes.

3.2.2. Les engins individuels


Les filets dormants sont des engins passifs. Sur le fleuve Sénégal, ils sont surtout localisés
à Saint-Louis et dans le lac de Guiers. On peut les classer en deux grandes catégories
selon qu'ils pèchent en surface sabel ou au fond rauk. La longueur de ces deux types
d'engins excède rarement 10 à 18 mètres avec une chute de 4 à 5 mètres. L'équipage est
composé de 2 pêcheurs. Au Saloum et en Casamance, le filet maillant-dormant est surtout
utilisé pour pêcher les barracudas, les arlius, les carpes rouges, les capitaines. Les mailles
30, 40, 46, 50, 60 et 80 mm sont utilisées.
Les filets maillants dérivants à poissons sont utilisés en surface (félé-félé) pour pêcher
les mulets et les ethmaloses ou en eau profonde (yolal) pour pêcher des espèces de fond,
les barracudas et les arlius.

318
La Pêche dans les Estuaires du Sénégal

D'autres engins existent dans ces milieux. Ce sont les éperviers, les palangres appâtées
(armandinga) ou non appâtées (dolinke), les barrages et palissades pièges, les nasses, les
filets fixes à crevettes (moudiasses) et les filets actifs à crevettes (killi et chalut).

3.2.3. Estimation du nombre d'engins


En Casamance les filets maillants dérivants ont atteint un nombre record en 1982 avec
4 407 engins. Leur effectif a diminué ces dernières années. On peut estimer en moyenne
sur la base des cinq dernières années que la région compte 7 000 à 8 000 engins.
Dans le cas du Saloum comme pour la Casamance, nous ne disposons de données sur le
nombre d'engins opérationnels qu'à partir de 1979.
Le nombre de filets maillants a diminué entre 1979 et 1983. De 1983 à 1987, le nombre
de filets recensés est multiplié par six. Pour les lignes, le nombre de filets recensés est
multiplié par six. Pour les lignes, le nombre a constamment diminué entre 1979 et 1986.
Sur le fleuve Sénégal les données des recensements de 1987 et 1988 intéressent surtout
la partie allant de l'embouchure à Diama. L'engin le plus représenté est l'épervier. La
zone en comptait une dizaine en 1987 alors qu'en 1988, 18 éperviers sont recensés avec
beaucoup de cas de mixité.

4. EXPLOITATION

4.1. Casamance
Sur l'ensemble de la Casamance, de mars 1984 à février 1985, la prise a été estimée par
le CRODT à 14 250 tonnes de poissons dont 4 707 t de tilapias, 2 917 t d'éthmaloses,
1 891 t d'arlius, 1 331 t de mulets et 1 087 t d'otolithes. Dans cette estimation, la zone
maritime fournit 27% des débarquements et la zone estuarienne 73%.
En ce qui concerne les crevettes, 1 000 à 1 600 t sont débarquées annuellement
(LERESTE, 1986).

4.2. Fleuve Sénégal


L'évaluation précise des prises sur le fleuve Sénégal est difficile (manque de coordination
des services d'encadrement, contraintes liées à l'immensité du bassin et au manque de
moyens, hétérogénéité de l'espace halieutique et des techniques de pêche utilisées).
DIOUF ( 1 99 1 ) estime néanmoins que la production serait inférieure à 1 0 000 tonnes.
La répartition spatiale des prises et la composition des captures ont été profondément
modifiées par rapport aux observations de REIZER en 1 972. La vallée, qui fournissait
presque la moitié des prises, ne contribue plus que pour 23% des captures totales.
Les apports de la Tahouey et du lac de Guiers qui ne constituaient qu'environ 1 1%
des débarquements participent maintenant pour 28% à la production. La part du Haut
Delta a proportionnellement augmenté, passant de 22% à 31%. La contribution
relative du Bas Delta reste constante. Par ailleurs, la répartition des captures par taxon
semble avoir changé. Des espèces comme Heterotis, Gymnarchus, Lates, Ctenopoma,
Polypterus qui étaient capturées en grande quantité sont devenues très rares. Certaines
espèces par contre sont demeurées abondantes: Labeo, Bagrus, Tilapia.

319
Ressources Côtières et Littorales du Sénégal

4.3. Saloum
La production actuelle de la pêche artisanale au Saloum est estimée à 10 000 tonnes
(BOUSSO, 1991). Les captures réalisées au niveau de l'estuaire et des bolons se situent
autour de 8 000 t dont 30% d'ethmaloses, 29% de mulets, 15% de tilapias et 26% de
divers (Pomadasys, Arlus, Polvdactylus, Sphyraena, Caranx, Pseudotolithus sp., etc.).
Il semblerait que les ressources estuariennes soient pleinement exploitées en Casamance
et au Saloum. Par contre au fleuve Sénégal juste avant le conflit sénégalo-mauritanien,
il y avait surexploitation (DIOUF et al., 1 99 1 ).

5. LES SERVICES D'ENCADREMENT


Au Sénégal la pêche dans les estuaires dépend de deux directions:
- la Direction de l'Océanographie et des Pêches Maritimes (DOPM) pour l'estuaire
du Saloum, les parties aval du fleuve Sénégal (de l'embouchure à Diama) et de la
Casamance (de l'embouchure à Adéane approximativement);
- la Direction des Eaux, Forêts, Chasses et Conservation des Sols (DEFCS) par sa
Division Pêche Continentale et Pisciculture (DPCP) pour toute la partie restante.
Si pour la DOPM l'encadrement de la zone sous sa tutelle se fait à peu près convenable
ment, pour la DPCP le manque de moyens humains et matériels la rend presque
inopérationnelle. En 1991, il y avait environ dix techniciens, qui d'ailleurs avaient
d'autres tâches en plus que celles d'encadrer toute la pêche continentale sénégalaise
(DIOUF et al., 1991).

6. DISCUSSION
L'environnement physique actuel des estuaires du Sénégal est globalement défavorable.
En effet, le déficit pluviométrique et son corollaire, l'hyperhalinité des systèmes estua-
riens locaux ont affecté les ressources halieutiques. Toutefois les parties aval de la
Casamance et du Saloum, le Bandiala dans sa totalité et le Diomboss à un degré
moindre renferment toujours une ichtyofaune relativement diversifiée et riche. Ce sont
surtout les ressources des parties amont des systèmes estuariens locaux qui ont souffert
de la péjoration de l'environnement. Ces biefs amont sont devenus très pauvres en
espèces.
En ce qui concerne le fleuve Sénégal, qui comme nous l'avons dit précédemment est du
type estuarien sous-régional, c'est surtout les aménagements hydro-agricoles et les
mauvaises pratiques de pêche qui sont à l'origine de la diminution drastique du potentiel
exploitable.
Ces milieux "agressés" par la nature et par l'homme, sont devenus très fragiles. Ce qui
rend leur aménagement délicat. Il est indispensable d'accompagner toute action de
développement d'une recherche approfondie afin d'éviter des catastrophes écologiques
dont les conséquences sociales et économiques peuvent être très graves.
Il est évident, vu l'état d'exploitation des ressources, que l'accent doit être mis sur la
gestion et donc l'encadrement. Toute action visant à augmenter directement les captures
doit être considérée avec beaucoup de prudence et à la limite devrait être évitée.

320
La Pêche dans les Estuaires du Sénégal

Un des freins majeurs au développement de la pêche estuarienne est l'absence d'une


politique globale cohérente. L'exemple le plus patent de ce manque de cohérence, est la
décision de retirer la DOPM des zones situées en amont de la jonction entre le cours
principal de la Casamance et le Soungrougou alors que, la DPCP n'était pas encore prête
à prendre la relève. Il s'en est suivi un flottement qui d'ailleurs, persiste encore.
Il est urgent que la Division de la Pêche Continentale et de la Pisciculture dispose de
moyens humains, matériels et financiers suffisants pour pouvoir faire face à ses devoirs.
Un renforcement de la collaboration entre organismes s'occupant de la pêche (DOPM,
DPCP et CRODT...) est indispensable.
La pêche maritime risque de connaître dans un avenir proche quelques problèmes. En
effet, la plupart des ressources marines sénégalaises sont pleinement exploitées
(CRODT, 1985). La population augmentant, et les ressources halieutiques marines étant
forcément limitées, l'approvisionnement du marché local risque de poser problème. Il
serait donc bon de gérer au mieux la pêche estuarienne afin qu'elle puisse compléter et
seconder la pêche maritime. Cette bonne gestion est d'autant plus indispensable que
nombre de poissons marins passent une partie de leur vie dans les estuaires qui jouent
un rôle de zone de reproduction, de refuge et de nurserie (DIOUF, 1992).

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DENNEVILLE, M. J. et JAMET, M.J. (1982). Bilan programme du secteur de la
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DIOUF, P.S. (1992). Bio-écologie des poissons de l'estuaire du Sine-Saloum. Rapp.
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321
Ressources Côtières et Littorales du Sénégal

DIOUF, P.S., KÉBÉ, M., LE RESTE, L., BOUSSO, T., DIADHIOU, H.D. et GAYE,
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Volume I : Diagnostic, CRODT/MDRH/FAO, 263 p. Volume II : Propositions
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sociology based on similarity of species content and its application to analysis
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322
LA TRANSFORMATION ARTISANALE DES
PRODUITS HALIEUTIQUES SUR LE LITTORAL
ET SON IMPACT SUR L'ENVIRONNEMENT

Absa GUEYE-NDIAYE
Département de Biologie Animale, Faculté des Sciences et Techniques,
Université Cheikh Anta Diop, Dakar, Sénégal

Résumé

La transformation artisanale des produits halieutiques représente une importante activité


économique au Sénégal.
Secteur jusque là informel, occupé essentiellement par les femmes, il s'organise de plus
en plus par la mise sur pied de Groupements d'Intérêt Economique ; en outre de multiples
projets de recherche et développement s'y intéressent avec comme objectifs majeurs:
l'amélioration des conditions et techniques de transformation et de la qualité des produits,
la limitation des pertes, l'organisation des circuits de commercialisation.
Mais cette activité importante et très utile pour nos pays en développement, ne va pas
sans poser d'énormes problèmes de salubrité, en particulier dans les gros centres de
transformation. En effet, elle génère de nombreux déchets et entraîne d'importantes
pullulations d'insectes. Toutefois, ce volet est très peu pris en compte par les pouvoirs
publics et les différentes institutions non gouvernementales qui interviennent dans ce
domaine.
La localité de Mbour sur la Petite Côte, gros centre de transformation, servira d'illustra
tion.
Nous préconisons également la valorisation des déchets de transformation par la fabri
cation de farines de poissons et d'engrais, et une plus grande prise en compte de ce volet
dans les projets intéressants ce secteur.

SMALL-SCALE PROCESSING OF FISH PRODUCTS ON THE


LITTORAL ZONE AND ITS IMPACT ON THE ENVIRONMENT

Abstract

The small-scale processing of fish products represents an important economic activity


in Senegal.
Until recently as an informal sector, mainly occupied by women, it is becoming more
and more organized through the setting up of economic interest groups. Also, several
research and development projects are interested in the sector with the following main
objectives: to improve the processing conditions and techniques and the quality of
products, to limit the losses, and to organize the commercial channels.

323
Côtières et Littorales de Sénégal

However, this activity which is important and useful to adeveloping country, creates
enormous health problems, in particular in the large processing areas. They generate
considerable waste and vast swarms of insects. Nevertheless, the state and the different
non-governmental institutions that operate in this field pay little attention to this
aspect.
The locality ofMbour on the Petite Côte, a big processing centre, will be used to illustrate
this.
The evaluation of processing waste through the production of fish flours and fertilizers
is recommended, and that more attention should be paid to this aspect in projects
concerning this sector.

INTRODUCTION
Au Sénégal, le poisson constitue 60% de l'apport en protéines animales des populations
(TOURY et al, 1970), mais par suite d'un faible développement de la chaîne de froid,
la consommation en frais, très importante sur la côte (45 kg/personne/an à Dakar), est
faible dans les régions rurales de l'intérieur (7 kg/personne/an, autour de Louga).
Pour contourner ces difficultés et valoriser au mieux les captures, le secteur de la
transformation artisanale s'est bien développé; il absorbe 30 à 50% des débarquements
de la pêche artisanale, qui elle-même constitue les 2/3 du total des mises à terre. En 1985,
1 5 763 tonnes de produits transformés ont été obtenus à partir de 50 à 60 000 tonnes de
frais (DOPM, 1985).
Cette activité de transformation des produits de la pêche est très importante; elle fournit
du travail et des revenus à un grand nombre de personnes: femmes du littoral, chômeurs,
paysans saisonniers; elle participe à la réalisation de l' autosuffisance alimentaire, et
rapporte des devises au pays, par l'exportation vers les autres pays africains, mais aussi
vers l'Asie et l'Europe.
Cependant, elle produit de nombreux déchets au niveau des sites de transformation situés
généralement sur les plages de débarquement, et entraîne souvent des nuisances dans les
localités environnantes. Pour appréhender ce problème, nous prendrons l'exemple du
site de transformation de la plage de Mbour où nous avons eu à travailler de mai à octobre
1991.
Après un recensement des méfaits constatés, nous indiquerons les perspectives de
valorisation des sous-produits de la transformation artisanale et des surplus de la pêche
pour une meilleure préservation de l'environnement sur le littoral.

1. SPECIALITES DE PRODUITS HALIEUTIQUES TRANSFORMES,


TECHNIQUES ET CONDITIONS DE LEUR PRODUCTION

1 .1 . Les différents types de produits


IIs sont inventoriés dans le tableau 1, où sont données aussi quelques indications sur les
techniques de transformation. La spécialité "ailerons de requins séchés", qui est entiè
rement exportée vers l'Asie, ne figure pas sur ce tableau.

324
La Transformation Artisanale des Produits Halieutiques

1 .2. Techniques et conditions de transformation


- La fermentation donne des produits dits "fermentés-séchés" que sont le guedj, le
yète et le touffa, utilisés comme condiments dans les sauces et mets à base de céréales;
pour les mollusques (vète et touffa), ils sont d'abord débarrassés de leur coquille,
cassés mécaniquement avec une barre de fer, avant de subir la fermentation.
- Le saumurage est à la base des produits dits "salés-séchés". A l'état frais, les produits
sont mélangés à du sel, en quantité plus importante que pour les produits fermentés.
Le sel est mélangé ou mis directement sur les poissons sans être dissous dans l'eau.
La teneur du sel est plus forte dans le sali (27%) qui n'étant pas tout à fait du goût
des populations, est surtout exporté vers l'Afrique centrale.
- Le tambadiang par contre, très prisé localement et dans la sous-région, sert de
condiment mais aussi remplace souvent le poisson frais ou la viande dans les zones
rurales ou enclavées. Sa teneur en sel est d'environ 10 à 15%.
- Le braisage et le fumage donnent des produits dits "braisés" ou "fumés". Les
poissons braisés, essentiellement la sardinelle, donnent le kétiakh, spécialité typi
quement sénégalaise. Le braisage se fait sous un lit de paille sèche, de coques
d'arachide ou d'écorce de baobab, dans les zones où ces combustibles sont disponi
bles en quantité suffisante. A Saint-Louis, où ce n'est pas le cas, les sardinelles sont
cuites à la vapeur dans un récipient métallique, avant que la peau ne soit enlevée,
saupoudrées de sel fin et séchées.
Comme le tambadiang, le kétiakh est très apprécié; il est utilisé comme
condiment, en association avec le niébé (légumineuse) comme principale
source de protéines dans certaines spécialités culinaires locales. Par contre, le
métora est une spécialité dont la technique nous est venue de Guinée; il n'est
pas très consommé localement.
- La cuisson dans l'eau ou à la vapeur se trouve à la base d'une technique utilisée pour
les spécialités de pagne, yokhoss et sipakh; mais les huîtres sont parfois braisées
directement au feu. La cuisson permet l'ouverture des deux valves de la coquille,
pour libérer la partie comestible de l'animal.

2. LE SITE DE TRANSFORMATION DE MBOUR


La région de Thiès avec 70% de la production totale est la plus importante au niveau
national; Mbour et Joal, situés sur la Petite Côte constituent ses plus gros centres. En
1 99 1 , le Service Départemental des Pêches a recensé 1 500 artisans transformateurs,
employant chacun en moyenne deux assistants. Environ 150 à 200 d'entre eux sont
regroupés dans l'un des dix Groupements d'Intérêt Economique (G.I.E.) constitués et
bénéficient de l'appui du PAPEC (Projet de développement de la pêche artisanale sur la
Petite Côte) qui leur accorde périodiquement des prêts individuels pour s'équiper et
alimenter leurs fonds de roulement.
Le détail de la production en 1991 est fourni dans le tableau 2. La quantité totale s'élève
à 1 1 444 tonnes de produits finis, pour une valeur de 805 550 000 F CFA. Le site de
transformation est installé sur la plage de Mbour, à côté de la zone de débarquement,
avec ses claies et cuves de fermentation. Environ la moitié de la surface du site, est
réservée à la production de kétiakh.

325
Côtières et Littorales de Sénégal

Tableau 1 Les différentes spécialités de produits halieutiques transformés au


Sénégal. 'Source DOPM

Spécialités Principales Espèces Techniques de Production*


origines utilisées préparation totale en
1985
(en tonnes)

POISSONS

Guedj Saint-Louis, Anus sp., Fermenté-séché: fermentation à l'air 2113


Fass Boye, Dentex libre ou en saumure, 1 nuit avant
Mbour, Joal, Argyrosomus, éviscération, ouverture en 2,
Kayar, Muraena, rinçage et séchage. Pour espèces
Goudomp, Caranx de grande taille, fermentation en
(Casamance) Pseudotolithus, anaérobiose par enfouissement,
Carcharhinus, après ététage pendant 24 à 48 h,
Trichiurus, ensuite écaillage, éviscération et
Balistes, ouverture en 2, suivi de salage et
Tilapia, séchage
Saratherodon
etc. On peut
utiliser toutes
les espèces

Sali Saint-Louis, Grosses Salé-séché: poisson frais fendu, 879


Fass Boye, espèces: salage très important (1 kg de sel/
Mbour, Joal, Sphyma, 1 à 2 kg de poisson) à sec ou en
Cap-Vert, Carchanhinus, saumure 3 à 4 jours puis égouttage
Casamance Raja, et séchage
Rhynochobatus

Tamba- Sine-Saloum Petites Séché-entier: poisson frais mis en 4511


diang et estuaires espèces: Mugil saumure légère quelques heures
sp., Sardinella avant séchage
Ethmalosa,
Tilapia, etc.

Féré-Féré Sine-Saloum Anchoa Séché-entier: étalé directement au 134


guineensis soleil sans saumurage préalable

Kétiakh Mbour et Joal Sardinella Braisé-séché: frais, braisé entier, 6 546


aurita, ensuite épluché et étêté, avant
Sardinella eba, saupoudrage de sel fin, et séchage
Ethmalosa 2 à 3 jours
fimbriata

Métora Mbour, Joal, Grosses Fumé-séché: frais, éviscéré fendu 487


Casamance espèces et ou débité en gros morceaux fumés
(Goudomp) moyennes: à chaud 48 à 72 h dans fours à
Anus, Sphyma, parpaing
Sardinella
Ethmalosa, etc.

326
La Transformation Artisanale des Produits Halieutiques

Spécialités Principales Espèces Techniques de Production*


origines utilisées préparation totale en
1985
(en tonnes)
MOLLUSQUES
Lamellibranches
Pagne Joal, Estuaire des Arca senilis Cuites à la vapeur 30
bras de mer ou à l'eau puis
séparées de leurs
coquilles avant
séchage 2 à 3
jours
Yokhoss Joal, Iles du Crassostrea gasar Cueillies sur 201
Saloum et de la racines écriasses
Casamance des palétuviers,
braisées ou cuites
à l'eau,
débarrassées des
coquilles et
Bêchées
Gastéropodes
Yète Mbour, Joal, Iles Cymbium sp. Fendu en 2 ou 4, 822
du Saloum, après enlèvement
Casamance de la coquille, puis
(Kafountine et fermentation en
estuaires) anaérobiose
souvent par
enfouissement (1
à 2 jours), puis
séchage 3 à 4
jours: lavages
fréquents pour
enlever le mucus
Touffa Estuaires du Murex sp. Séparé de sa 822
Saloum et de la coquille, lavé et
Casamance séché
directement; garde
souvent son
opercule.
Séchage: 3 à 4
jours
CRUSTACES
"Sipakh" Saint-Louis, Penaeus sp. Cuites et séchées
Casamance ou réduites en
poudre

* Les actuelles régions de Ziguinchor et de Kolda étaient naguère regroupées en une


seule région: la Casamance

327
Côtières et Littorales de Sénégal

Mbour est le premier centre de transformation artisanale du Sénégal pour les quantités
produites. Sur ce site, l'activité de transformation a lieu toute l'année, même en hiver
nage, et emploie de nombreux travailleurs saisonniers venant des zones rurales pendant
la saison sèche.

3. LES NUISANCES CONSTATEES ET L'IMPACT DES


ACTIVITES DE TRANSFORMATION SUR L'ENVIRONNEMENT
Production de guedj et de salés-séchés
Les poissons à transformer sont nettoyés à même le sol par les manoeuvres, à côté des
cuves et claies; les écailles, branchies et viscères, qui jonchent le sol, sont ensuite rejetés
à la mer de même que les eaux sales de trempage et de saumurage. Beaucoup de ces
déchets sont ramenés sur la plage (planche 1) quand la marée monte, où ils finissent de
pourrir, causant une pullulation d'insectes, essentiellement des mouches et des der-
mestes, qui constituent une source permanente d'infestation pour les poissons mis à
sécher.
Production de kétiakh (planches 2 et 3)
Les sardinelles à braiser sont étalées à même le sol, puis recouvertes de paille, de coques
d'arachide ou d'écorce de baobab. L'aire de braisage est devenue une plate-forme
surélevée par rapport au niveau normal de la plage, constituée d'un amoncellement de
sable noir et gras.
Pendant la transformation du kétiakh, une fumée âcre enveloppe tout le secteur de la
plage, et l'écran de fumée arrive jusqu'au centre ville (planche 4), surtout pendant les
périodes de fort débarquement de sardinelles.
L'exploitation des mollusques
L'exploitation des mollusques (Cymbium sp. pour \eyète et Murex sp. pour le touffd)
laisse sur la plage des amas importants de débris de coquillages (planche 5), qui sont
autant de zones non fonctionnelles, réduisant la superficie utilisable de la plage qui
devient de plus en plus exiguë.

Tableau 2 Production de transformés sur le site de Mbour en 1991

Spécialités Quantités en tonnes


Kétiakh 7 890

Yètes, Guedj, Touffa 1 552

Tambadiang 1 945

Sali 9,95

Aileron de requins 6,56

328
La Transformation Artisanale des Produits Halieutiques

Planche 1 Déchets de la transformation, jonchant la plage

Planche 2 Aire de braisage des sardinelles pour la fabrication du "kétiakh" (sable


blanc, au premier plan)

329
Côtières et Littorales de Sénégal

Planche 3 Détail de l'aire de braisage avec son sable noir. Au premier plan,
sardinelles fraîches, étalées à même le sol, pour être braisées. Au fond,
tas d'épluchures de poisson, utilisés pour fertiliser les cultures maraîchères

Planche 4 Ecran de fumée, observé dans la ville, à environ 250 mètres de l'aire de
braisage

330
La Transformation Artisanale des Produits Halieutiques

Planche 5 Amoncellement de débris de coquilles de mollusques utilisés pour


fabriquer le "yète" et le "touffa"

A cause de ces nuisances, et du fait que Mbour est un carrefour touristique important,
par les nombreuses infrastructures hôtelières qui l'entourent comme le complexe de
Saly Portudal, le domaine de Nianing, etc., les pouvoirs publics ont décidé à partir
de 1970 de transférer la transformation sur le site de Mballing situé à environ 5 km
de Mbour.
La zone a été aménagée depuis 1977 pour accueillir les artisans transformateurs, mais
jusqu'à présent, pour différentes raisons liées à l'équipement et à l'accessibilité du site,
ceux-ci n'ont pas encore déménagé. A l'heure actuelle, seuls quatre G.I.E. (soit environ
60 personnes), s'y sont installés, mais commencent à éprouver d'énormes difficultés pour
s'approvisionner en matière première et écouler leur production.
Au-delà même du problème de transfert de Mbour à Mballing, c'est de façon globale la
question de l'insalubrité et des nuisances liées à cette activité de transformation artisanale
des produits halieutiques qui est posée. Une réflexion doit lui être consacrée pour trouver
les solutions les plus adéquates.

331
Côtières et Littorales de Sénégal

4. PERSPECTIVES DE VALORISATION DES SOUS-PRODUITS


DE LA TRANSFORMATION ARTISANALE ET DES SURPLUS
DE LA PECHE

4.1. Fabrication d'engrais et d'aliments de bétail


Quelques méthodes sont utilisées, avec succès dans des pays étrangers, asiatiques en
particulier, essentiellement pour la production d'engrais et d'aliments de bétail. La
plupart d'entre elles ont été inventoriées par CLUCAS (1986).

4.1.1. Production d'engrais


Les déchets de poisson et les petites espèces non utilisées peuvent être séchés et broyés
pour faire de l'engrais naturel pour les cultures; mais cette opération attire les insectes et
doit être menée dans des endroits isolés, éloignés des lieux d'habitation.
Notons qu'au Sénégal les épluchures de sardinelles braisées, sont depuis toujours
utilisées comme engrais par les maraîchers.

4.1.2. Aliment de bétail


On peut fabriquer de la farine de poisson ou de l'ensilage à partir des déchets de
transformation et des surplus de capture.
- La farine de poisson sert à l'alimentation des volailles, porcins et poissons. A
l'échelle industrielle, la technique consiste à:
cuire par chauffe, pour coaguler la protéine, dégager l'eau et l'huile;
presser pour séparer les liquides et les solides;
sécher les solides, et les broyer pour obtenir de la poudre ou des granulés.
Cela nécessite un gros investissement et un approvisionnement important et
régulier; de plus, il faut que la teneur en matières grasses soit faible, pour éviter
l'oxydation du produit; c'est une industrie généralement polluante. Par contre,
la farine de poisson peut être fabriquée artisanalement, sans moyens
techniques sophistiqués et à petite échelle, en broyant et écrasant du poisson
séché au soleil; le produit obtenu est en général moins gras que la farine
industrielle; cette méthode est préconisée en Afrique par la FAO (1988), qui
envisage de publier la procédure dans un manuel pratique d'utilisation.
Elle encourage aussi la fabrication de tourteaux de poissons séchés, salés et
hachés en morceaux, et le salage suivi de pressage de surplus de capture en
particulier les sardinelles et petits pélagiques.
Au Sénégal, les miettes de kétiakh sont utilisées pour alimenter les volailles.
- L'ensilage est pratiqué pour supplémenter l'aliment de bétail, en particulier, vo
lailles, porcins et bovins. Cette technique est basée sur le principe suivant: à pH acide,
la flore microbienne du poisson est éliminée ou nettement réduite et les systèmes
enzymatiques qui décomposent la protéine de poisson, peuvent fonctionner plus
efficacement.

332
La Transformation Artisanale des Produits Halieutiques

Le poisson ou les déchets de transformation sont hachés menu, acidifiés puis


stockés jusqu'à ce que les enzymes endogènes entraînent la liquéfaction des
tissus. On obtient alors un liquide alimentaire brun et stable, riche en protéines
qu'on utilise pour supplémenter l'alimentation du bétail (BROWN et
SUMMER, 1985) en le mélangeant à une source d'hydrates de carbone: son,
farine de céréale ou de manioc; le produit obtenu est ensuite séché et peut alors
être conservé dans des sacs.
L'acidification peut être obtenue soit par addition directe d'acide dans les
déchets de poissons hachés (ensilage acide), soit par production in situ de
l'acide nécessaire par fermentation d'hydrates de carbone préalablement
ajoutés, comme la mélasse (ensilage fermenté): ce processus produit aussi du
gaz. On peut ainsi traiter de petites quantités, 10 à 15 kg de déchets.
Signalons aussi une technique originale connue depuis 1969, mais adaptée à
l'échelle villageoise, aux Philippines (OREJANA et al., 1984): la fabrication
de comprimés à très haute teneur en protéine, pour supplémenter l'alimentation
humaine. Dans ce cas, ce sont les surplus de poisson qui sont utilisés et non
les déchets de transformation.

4.2. Utilisation des débris de coquillages de mollusques


Localement, les coquilles de Cymbium sp. et de Murex sp. sont utilisées, pour couvrir le
plancher des maisons, dans la zone du littoral. Les dépôts sont importants et s'accumulent
inutilement sur les sites de transformation alors qu'ils devraient pouvoir trouver une
utilisation à plus grande échelle par l'intermédiaire des Travaux Publics.

CONCLUSION
La transformation artisanale des produits halieutiques est un secteur d'une importance
capitale pour notre pays; il s'organise de plus en plus avec l'aide des pouvoirs publics et
de certaines institutions internationales et non gouvernementales.
Pour sa promotion, les objectifs visés jusqu'ici sont essentiellement l'amélioration des
conditions et techniques de transformation ainsi que celle de la qualité des produits; il
faut aussi limiter les pertes dûes aux insectes et rechercher plus de débouchés pour
l'exportation.
On devra ajouter à cela la valorisation des déchets de production en les transformant en
engrais et aliments du bétail. Cela résoudrait en grande partie les problèmes d'insalubrité
et de nuisances rencontrés, et assurerait une meilleure intégration des activités d'agricul
ture, d'élevage et de pêche sur le littoral. Ainsi, la vocation touristique de cette zone
pourra être mieux respectée car son environnement serait mieux préservé.

REMERCIEMENTS
L'auteur remercie la Fondation Internationale pour la Science (F.I.S.) pour son soutien
financier.

333
Côtières et Littorales de Sénégal

REFERENCES BIBLIOGRAPHIQUES
BROWN, N., SUMMER, J. (1985). Fish Silage: Spoilage of tropical fish and product
development. Proc. of Symp. VIe Session of Indo-Pacific Fishery Commission
Working Party on Fish Technology and Marketing, Melbourne, 23-26 October
1984. FAO-Fisheries Report 317.
CLUCAS, J. (1986). Manutention, conservation et transformation du poisson sous les
tropiques. 2àne Partie. TDRI G- 145, M.C.T.A., Wageningen.

DIOUF, N. (1987). Les techniques artisanales de traitement et conservation du


poisson au Sénégal, au Ghana, Bénin et Cameroun. FAO/COPACE/TECH
87-84.
D.O.P.M. Statistiques de la pêche artisanale et rapports annuels. Dir, de l'Océanogr.
et des Pêches Marit., Dakar.
DURAND, M.H. (1981). Aspects socio-économiques de la transformation artisanale
du poisson de mer au Sénégal. Doc. CRODT, 103.
FAO (1988). Rapport de la consultation d'experts FAO sur la technologie du poisson
en Afrique. 25-28 avril 1988, Abidjan. Fisheries Report 400.
OREJANA, F. M., ESPEJO-HERMES, J., BIGUERAS, C.M. and GAMBOA III, J.B.
(1984). The manufacture of Fish Protein Contentrate (FPC) (type B). Product
formulation using appropriate technology. Spoilage of Tropical fish and
Product development. FAO Fisheries. Report 317 suppl.
TOURY, J., WANE, A., GIORGI, R. et GROS, J. (1970). Le poisson dans la ration
alimentaire au Sénégal: Aspects quantitatifs et qualitatifs. Modes de
conservation. Bull, de la Commis, pour la Nutrition en Afrique. ORANA.

334
VALORISATION DES ACTIVITES AQUICOLES
EN FILIERE DE DEVELOPPEMENT A LA BASE

Amadou Abdoulaye SECK


Musée de la Mer, IFAN, Université Cheikh Anta Diop, Dakar, Sénégal

Résumé

Les estuaires et zones à mangrove sont connus pour être des milieux fragiles mais qui
jouent un rôle important dans le développement des nations du fait de leur forte
productivité.
La forêt de mangrove occupe environ 1 8 000 ha au Sénégal, dans les estuaires du Saloum
et de la Casamance.
Aujourd'hui, malgré de nombreux travaux sur la mangrove, il n'existe pas de plan
d'aménagement de ce milieu. Les ressources malacologiques de la mangrove sont
insuffisamment connues du point de vue quantitatif; elles sont pour l'essentiel exploitées
traditionnellement et donc peu valorisées. Ces activités concernent l'exploitation de
l'huître, de l'arche, du Cymbium et du murex.
On note des changements dans l'exploitation de ces mollusques, en partie liés à l'assou
plissement des contraintes naturelles. Cependant, les questions essentielles demeurent :
- Que faut-il faire pour rationaliser ces exploitations?
- Comment faire pour valoriser ces produits au bénéfice des populations concernées?
Des propositions d'aménagement ont été élaborées. Il faudrait les rendre applicables,
procéder à l'analyse critique des projets initiés depuis les indépendances , ces projets
n'ayant pas donné les résultats escomptés.
Enfin, pour une meilleure connaissance des estuaires, plus particulièrement celui du
Saloum, et de leurs ressources, il convient d'intégrer l'impact possible de la remontée
du niveau marin.

ENHANCEMENT OF AQUICULTURAL ACTIVITIES AS A


FUNDAMENTAL CAUSE OF DEVELOPMENT

Abstract

Estuaries and mangrove areas are known as fragile environments, yet they play an
important part in the national economic development owing to their high productivity.
Mangrove forests cover about 18 000 ha in Senegal, in the Saloum and Casamance
estuaries.
Today, despite numerous studies on mangroves, there are no development plans for these
areas. The malacologic resources in the mangrove are not sufficiently well understood,
quantitatively speaking; they are mostly exploited on a small-scale basis and therefore

335
Ressources Côtières et Littorales du Sénégal

not adequately evaluated. These activities are the exploitation of oysters, clams, Cym-
bium and Murex.
There are changes in the exploitation ofthese molluscs, related partly to the reduction in
naturel constraints. However, the basic issues still exist:
- What can be done to rationalize this exploitation?
- How can these products be evaluated to the benefit of the populations concemed?
Development proposals have been elaborated and it is necessary to make them become
operative, and to proceed to a critical analysis ofthe projects as since their inception they
have not produced the results anticipated.
Lastly, in order to gain a better knowledge of estuaries, more particularly the Saloum's,
and their resources, it is advisable to take into account the possible impact of sea level
rise.

1. INTRODUCTION
Les estuaires et zones de mangrove sont connus pour être des milieux fragiles jouant un
rôle important dans le développement des nations du fait de leur forte productivité. La
mangrove occupe 1 8 000 ha au Sud du territoire du Sénégal, au niveau des estuaires du
Saloum et de la Casamance, et s'étend vers le Sud jusqu'en Angola.
Dès 1979, un atelier organisé par l'UNESCO avait préconisé une stratégie d'étude et de
mise en valeur des zones côtières d'Afrique. C'est ainsi que de nombreuses structures
de recherche et des directions de services étatiques ont largement contribué à une
meilleure connaissance de l'écosystème de la mangrove dans des disciplines extrême
ment variées.
Malgré cette multitude de travaux sur la mangrove, il n'existe pas encore de plan
d'aménagement global de ce milieu au Sénégal. Les ressources de la mangrove sont
encore insuffisamment connues du point de vue quantitatif; elles sont encore exploitées
traditionnellement, peu valorisées et il n'existe pas une véritable politique de dévelop
pement de cette filière. Ces ressources semblent donc avoir été oubliées par les pro
grammes de recherche et de développement du pays, alors qu'elles sont convoitées
ailleurs (notamment par les pays d'Asie et du Pacifique où elles permettent d'entretenir
une multitude d'entreprises).
Que faut-il faire pour rationaliser ces espaces, valoriser ces produits au bénéfice des
populations concernées et impulser un regain à l'économie rurale sénégalaise sur la base
de l'exploitation de ces ressources? Nous demeurons convaincus que le développement
de l'aquaculture se présente aujourd'hui comme la solution optimale pour un dévelop
pement endogène de ces zones estuariennes. Aussi invitons-nous à réfléchir ensemble
autour des questions suivantes:
- Pourquoi l'exploitation des ressources malacologiques de la mangrove?
- Pourquoi en rationaliser l'exploitation?
- Pourquoi l'aquaculture comme technique d'exploitation?
- Quelles sont les conditions nécessaires à la réussite d'une politique de développe
ment de cette filière?

336
Valorisation des Activités Aquicoles

2. POURQUOI L'EXPLOITATION DES RESSOURCES


MALACOLOGIQUES DE LA MANGROVE COMME FILIERE DE
DEVELOPPEMENT?
Les ressources en huîtres Crassostrea gasar et en arches Anadara senilis disponibles
en quantités plus ou moins importantes dans les estuaires du Saloum et de la
Casamance entrent pour une part importante dans les activités socio-économiques des
villageois.

2.1. L'intérêt commercial au bénéfice de la femme rurale


L'intérêt commercial de ces ressources est évident. L'huître et l'arche sont commercia
lisées sous forme fraîche ou séchée notamment, dans les marchés urbains. Les coquilles
sont aussi vendues depuis quelques années, car elles servent de matériau pour la
fabrication de béton, de ballast et de chaux. A l'état sec, qui est la forme commercialisée
la plus répandue, le kilogramme d'arches coûte entre 250 et 400 F CFA, celui d'huîtres
de 600 à 1 000 F CFA sur les lieux de production, et 1 000 F CFA à Dakar pour l'arche
contre 1 300 à 1 500 F CFA pour l'huître.
Le produit de la vente est entièrement la propriété de la femme-exploitante comme en a
décidé la coutume, sans acquittement d'aucune taxe et sans partage obligatoire avec le
mari. Ce revenu monétaire sert à couvrir les besoins des femmes et de leurs familles en
biens de consommation et autres (achat de riz, habillement, produits ménagers, médica
ments, frais de scolarité et de fournitures, scolarité des enfants, transport et même
cotisation pour des cérémonies ou des associations féminines).
Du fait de la facilité de leur conservation et de leur stockage, les mollusques séchés
représentent en outre une forme de thésaurisation et d'épargne en nature, accessible aux
femmes désireuses de valoriser leur temps libre lorsque le besoin en numéraire est
ressenti.
Les gisements de mollusques sont d'ailleurs pratiquement les seuls terrains assignés aux
femmes par la tradition et l' usage, alors qu'il leur est par ailleurs impossible d' avoir accès
à la propriété de lopins de terre et de champs dans leurs villages.

2.2. L'intérêt nutritionnel


L'intérêt nutritionnel de l'arche et des mollusques en général est certain. Mais cet intérêt
est mieux souligné dans le cadre d'une analyse du système alimentaire global. Celle-ci
permet en effet de tenir compte des autres composants du régime alimentaire, de leur
accessibilité et de leur saisonnalité.
Les mollusques en général, contiennent des hydrates de carbone (glucides) qui font défaut
dans les autres nourritures animales, tant terrestres qu'aquatiques (CHERNOKIAN,
1 989). Ils sont aussi riches en minéraux (surtout Ca, D, Fe, Na, K) et présentent des traces
de vitamines (surtout Niacine) et d'oligo-éléments. L'arche contient notamment 33,4%
de glucides, 35,4% de protéines et 23,6 mg de Calcium pour 100 mg d'aliment (SECK,
1986).

337
Ressources Côtières et Littorales du Sénégal

Si on compare ainsi l'arche à quelques aliments communs tels que le poisson et la viande,
on constate qu'elle est 1,4 fois plus riche en protéines que le poisson. De par sa forte
teneur en protéines, parfaitement assimilées par le métabolisme humain et du fait de la
présence des hydrates de carbone, l'arche représente un élément essentiel d'équilibre
pour les populations côtières des îles du Saloum, soumises à différentes carences
alimentaires essentiellement céréalière et végétarienne.
Les mollusques sont continuellement représentés dans le régime alimentaire annuel;
ils constituent une nourriture stable et une source de protéines quasiment à la portée
de tous.

3. LA NECESSITE DE RATIONALISER CETTE EXPLOITATION


Les techniques traditionnelles mises en œuvre, essentiellement par les femmes, pour
l'exploitation des mollusques sont généralement rudimentaires et préjudiciables aux
stocks.
Il s'y ajoute que la production a été jusqu'ici étroitement dépendante du rendement de
chaque exploitante et conditionnée par des facteurs naturels et socio-économiques.
Parmi, les facteurs naturels contingents, on trouve les limitations liées aux cycles annuels
des marées, qui fait que le moment le plus favorable à la collecte se situe durant les marées
de mortes eaux (période dénommée mbissa en sérère). Durant cette période, la collecte
se fait sur 1 5 à 20 jours par mois, uniquement à marée basse, de jour et une marée basse
sur deux, et lorsque l'étale de basse mer a lieu tôt en milieu de matinée ou de journée.
Cet horaire permet de préparer dans la même journée les mollusques collectés et de
s'occuper des autres tâches domestiques; la collecte dure en moyenne 3 à 4 heures par
sortie.
Du fait de la pression démographique et des aléas climatiques (sécheresse) de ces
dernières années, l'exploitation de ces mollusques s'est accentuée, en vue de compenser
la baisse des revenus ruraux.
A côté d'une exploitation traditionnelle, individuelle et familiale, des groupements
associatifs développent une exploitation intensive. Un certain nombre de groupements
féminins de type coopératif se sont constitués notamment dans les grosses bourgades du
Saloum, pour exploiter les différentes ressources de la mangrove et plus particulièrement
certains mollusques bien commercialisés dans les centres urbains (huîtres, arches, yète,
touffa).
L'intensification de l'exploitation par la mise sur pied de ces coopératives, a déjà une
influence directe sur les stocks. Des gisements proches des villages de Dionewar et
Niodior ont disparu du fait de la surexploitation. Les femmes sont obligées de s'aventurer
de plus en plus loin dans les bolons à la recherche de nouveaux bancs. Les femmes de
Niodior exploitaient en 1989 un banc d'arches situé à 1 h 30 mn en pirogue à moteur
dans le bolon de Falia, avec des risques accrus de naufrage, des coûts en carburant
et en matelot plus élevés et des conflits inter-villageois sur le partage des zones de
pêche.

338
Valorisation des Activités Aquicoles

La diminution progressive de la taille des individus exploités pourrait être un indice de


surexploitation (ROSSO et PETIT-MAIRE, 1978; DESCAMPS, 1989). Enfin, la récolte
des huîtres peut entraîner une perte en juvéniles non utilisées, l'érosion et le recul de la
berge, le déséquilibre, la chute et même la mort de l'arbre.
Malgré l'apparition de divers indices de la surexploitation des ressources malacologi-
ques, l'impact réel n'a pas encore été évalué. Les statistiques des secteurs de pêche des
zones concernées sont sujettes à réserve, étant donné que de nombreux produits ne sont
pas déclarés (SECK, 1986). Ces statistiques ne permettent donc pas de se faire une idée
exacte de l'impact de la prédation humaine. Enfin, aux facteu rs humains se surimposent
des conditions écologiques changeantes peu connues (élévation du niveau marin, modi
fications des courants marins et fluviaux, modification de la salinité des eaux) qui influent
sur les stocks.
Ainsi que nous venons de le montrer, les ressources malacologiques de la mangrove,
renouvelables mais soumises à la double pression du milieu naturel et d'une présence
anthropique croissante, sont exposées à la surexploitation. Il convient, pour pallier à
celle-ci, de se préoccuper des pratiques d'aménagement.

4. LA PRATIQUE DE L'AQUACULTURE DANS UN PLAN


D'AMENAGEMENT DES RESSOURCES MALACOLOQIQUES
L'aquaculture devrait constituer une véritable filière de développement au Sénégal et en
Afrique de l'Ouest en vue de l'amélioration de la qualité de vie des communautés locales
et des femmes en particulier.
Les paramètres écologiques de l'estuaire du Saloum, les stocks naturels en présence et
le savoir-faire des populations semblent désigner l'aquaculture comme une réponse
pertinente aux problèmes posés précédemment. Il s'agit d'une technique relativement
simple, accessible à des populations rurales ayant un impact plutôt positif sur l'environ
nement et ne nécessitant qu'un faible investissement.
C'est également une activité rémunératrice, qui valorise le travail de milliers de femmes
et d'hommes, en renforçant leur rôle économique et social dans la production et la
commercialisation des produits.
Enfin, elle leur permet d'éviter l'exode rural vers le milieu stressant des villes, en maintenant
une activité lucrative qui leur permet de sauvegarder leur dignité au sein de leur village.
La mise en œuvre de technologies simples d'aquaculture, utilisant les ressources locales
et une main d'œuvre importante contribuera, d'une part à la valorisation du produit, donc
du travail des villageois, d'autre part à la préservation des stocks et à l'équilibre de
1 ' écosystème-mangrove .

5. CONCLUSION
Les ressources malacologiques ont été jusque là traitées en parent pauvre par les
politiques de développement du Sénégal, or elles jouent un rôle important dans les
activités socio-économiques des populations riveraines de la mangrove.

339
Ressources Côtières et Littorales du Sénégal

Un certain nombre de changements se produisent actuellement dans la filière de l'exploitation


des mollusques de la mangrove notamment au Saloum. Par ailleurs, ces changements
sont susceptibles d'éliminer certaines contraintes naturelles limitant l'intensité de l'exploi
tation. Ils ne sont malheureusement pas soutenus par un changement des structures et des
techniques de l'exploitation, seul en mesure de permettre une préservation des stocks et
la valorisation du produit comme du travail des femmes. L'application des techniques
aquacoles nous semble convenir parfaitement dans ce cas de figure.

5.1. Quelles sont les conditions nécessaires à la réussite d'une


politique de développement de cette filière?

5.1.1. La poursuite des recherches


Plusieurs projets d'aquaculture (ostréiculture, pisciculture et crevetticulture) ont vu le
jour au Sénégal depuis l'indépendance, notamment à Joal (région de Thiès), au Saloum
et en Basse-Casamance, mais n'ont pas donné à ce jour les résultats escomptés, du fait
de carences notamment au plan des données de base, de l'encadrement scientifique, de
la non intégration des facteurs socio-économiques, de l'absence d'un réseau de commer
cialisation et d'une réglementation commerciale.
Un aménagement rationnel des ressources suppose une bonne connaissance de leur
ordre de grandeur, de leur répartition, des variations du recrutement annuel ainsi que
des facteurs socio-économiques conditionnant leur exploitation. Pour cela, nous nous
proposons, dans un projet en cours de formulation, d'intégrer les différents aspects
sociaux, historiques, économiques, bio-écologiques, techniques concernant l'exploi
tation des mollusques de la mangrove, notamment des arches et des huîtres.

5.1.2. Définition d'une politique de développement endogène dans


la zone tampon de la réserve située dans la mangrove
La Réserve de la Biosphère du Sine-Saloum pourrait servir de champ d'expérimentation
de cette politique de développement. L'estuaire du Saloum, recouverte par la mangrove,
occupe la majeure partie de cette réserve. Des études complémentaires y seront certai
nement menées en vue de sa structuration du point de vue floristique et faunistique, pour
localiser la zone susceptible d'être érigée en noyau qui bénéficiera d'une protection
intégrale; il sera aussi souhaitable que soit conceptualisé et modélisé un véritable projet de
développement endogène pour une exploitation optimale des ressources de la zone tampon.

5.1.3. D'autres perspectives de recherche


Cependant, il convient d'ajouter que les ressources des estuaires ne sont pas encore bien
connues du point de vue quantitatifet dynamique. Il faudrait notamment étudier l'impact
que pourrait avoir la remontée du niveau de la mer sur ces ressources.
Enfin, l'existence localisée d'huîtres géantes (DEMARCQ et DEMARCQ, 1990), plate
forme de sable noir et graisseux, surélevée par rapport au niveau de la plage , dans un
contexte général de réduction progressive de la taille des huîtres, pose problème. Il
faudrait notamment savoir si ce phénomène de gigantisme est lié à la remontée du niveau
de la mer et dans quelle mesure il peut être exploité afin d'améliorer les techniques
d'élevage de l'huître locale.

340
Valorisation des Activités Aquicoles

6. LA STRATEGIE PROPOSEE POUR UNE REUSSITE DE


CETTE FILIERE DE DEVELOPPEMENT - ETAPES DU
PROJET DE DÉVELOPPEMENT PAR L'AQUACULTURE
Une démarche prudente impose que cette politique soit menée en plusieurs étapes.
La première étape, en deux phases, concernerait le recueil des données scientifiques:
- l'étude du milieu humain;
- l'étude du milieu naturel.
Des enquêtes de consommation et de santé pourraient parallèlement être menées par des
spécialistes en nutrition et en médecine pour évaluer l'importance des mollusques dans
l'alimentation des populations et le rôle de la consommation des mollusques sur leurs
conditions d'hygiène et de santé. Une étude de marché pourrait également être réalisée
ainsi qu'une étude du produit.
Les résultats de ces différentes études devraient déterminer les conditions et les modalités
par lesquelles pourrait être entreprise et développée éventuellement l'aquaculture dans
la région.
La seconde étape sera consacrée à l'organisation d'un séminaire national de présentation
des résultats, regroupant des scientifiques, des représentants des populations locales, des
experts nationaux et étrangers dans le domaine.
La troisième étape sera la réalisation d'un projet pilote pour l'expérimentation et la
vulgarisation des techniques proposées tandis que la phase suivante consistera en
l'organisation d'ateliers de vulgarisation dans les villages par la démonstration.
La cinquième phase serait également consacrée à l'organisation d'un deuxième séminaire
national sur le développement de l'aquaculture comme filière de développement pour le
Sénégal et les pays de la sous-région.
Enfin, la dernière phase consacrera l'extension du rôle du projet pilote aux autres filières
aquacoles pour le soutien à la mise en place et l'encadrement scientifique des divers
projets.

REFERENCES BIBLIOGRAPHIQUES
DEMARCQ, G., DEMARCQ, H. (1990). Découverte d'un biostrome récent à
Crassostrea (Bivalves) dans une mangrove du Sénégal. C.R. Acad. Sci. Paris
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DESCAMPS, C. (1989) La collecte des arches (Anadara senilis L.) dans le
Bas-Saloum (Sénégal). Une approche ethnoarchéologique des amas
coquilliers. Travaux du LAPMO-Aix en Provence: 1 3 1 - 1 49.
SECK, A.A. (1986). L'exploitation des mollusques dans le cadre d'un aménagement
de la mangrove sénégalaise : le cas des huîtres et des arches. Mém. DEA Sc. de
l'Env. Univ. Dakar. 123p.

341
L'AQUACULTURE EN MILIEU CONTINENTAL
AU SENEGAL

Tidiane BOUSSO, Hamet Diaw DIADHIOU, Papa Samba DIOUF et


Louis LE RESTE
Centre de Recherches Océanographiques de Dakar-Thiaroye, CRODT/lSRA,
Sénégal

Résumé

La crevetticulture, l'ostréiculture et la pisciculture sont les trois types d'activité d'aqua


culture au Sénégal.
L'ostréiculture est pratiquée à Sokone au Sine-Saloum de 1 965 à nos jours, et à Joal sur
la Petite Côte depuis les années 40. Aujourd'hui, cette activité connaît des difficultés. Il
n'y a plus assez de naissains d'huîtres au niveau des gisements naturels situés aux
alentours immédiats des sites d'élevage.
Une expérience de crevetticulture, de type semi-intensif, est menée depuis 1983 en
Basse-Casamance. Sept espèces, dont deux locales, ont été testées. Les meilleurs résul
tats ont été obtenus avec l'espèce importée Penaeus monodon: ils sont encore très
insuffisants et la crevetticulture commerciale ne peut être envisagée en Casamance pour
le moment.
La pisciculture est peu développée. Après avoir suscité de réels espoirs à ses débuts, la
pisciculture dans le fleuve Sénégal connaît actuellement de grandes difficultés dues à de
nombreuses contraintes d'ordre environnemental, technique, administratif et socio-éco
nomique. La pisciculture traditionnelle qui existe en Casamance depuis très longtemps
est en déclin.

AQUACULTURE IN THE CONTINENTAL ENVIRONMENT IN


SENEGAL

Abstract

Shrimp, oyster, and fish farming are the three types of aquaculture in Senegal.
Oyster farming has been practised in Sokone, Sine-Saloum, from 1965 to the present
day, and in Joal, on the Petite Côte, since the forties. Today this activity is experiencing
certain diffïculties. There is no more oyster spawn in the naturel fields in the immediate
vicinity of the farming sites.
Semi-intensive shrimp farming has been experimentally carried out in Basse-
Casamance since 1983. Seven species, among which two are local, have been tried. The
best results were obtained with the imported species Penaeus monodon; but they are still
not good enough to consider for commercial shrimp farming in Casamance at present.

343
Ressources Côtières et Littorales du Sénegal

Fish farming is little developped. After raising great hopes at first, fish farming in the
River Senegal now has great diffïculties due to several environmental, technical, admi
nistrative and socio-economic constraints. Traditionnal fish farming which has been
practised in Casamance for a long time, is now in decline.

INTRODUCTION
Il est de plus en plus question d'aquaculture au Sénégal. Le Sénégal est en effet un grand
pays consommateur de poisson, avec une population qui ne cesse d'augmenter. Jusqu'en
1 985, les captures des principales espèces côtières ont augmenté régulièrement. Actuel
lement, la plupart des stocks sont pleinement exploités et certains sont même menacés
de surexploitation (CRODT, 1985).
Depuis plus de deux décennies, des expériences sont menées en aquaculture au Fleuve,
au Sine-Saloum et en Casamance. Il était donc nécessaire de faire le point sur les résultats
acquis.
Un autre objectif, celui là à moyen terme, est de fournir les orientations qui permettront
de mieux préciser les objectifs de recherche.
La plupart des données qui ont permis de faire l'étude proviennent de services d'enca
drement. Les seuls travaux de recherche disponibles sont ceux du CRODT et intéressent
l'aquaculture en Casamance. Dès lors, l'analyse et la comparaison des résultats n'ont pas
été aisées.
Le plan suivi s'articule autour de trois axes: l'ostréiculture, la crevetticulture et la
pisciculture.

1. OSTREICULTURE

1.1. Casamance
Les premiers essais d'aménagement de parcs ostréicoles ont débuté à la fin des années
1940. Des cadres de l'administration et des entrepreneurs privés en étaient les initiateurs
(CORMIER-SALEM, 1992).

1.1.1. Kassel: 1955


Les premiers parcs ostréicoles de la Casamance ont été crées à Kassel dans le département
de Bignona en février 1955 par le service de l'Elevage (Rapport annuel, 1955: 332-333).
Les méthodes de culture au niveau de ces parcs sont basées sur le détroquage d'huîtres
de dimension propre à une commercialisation immédiate, soit 7 cm de diamètre. Les
huîtres sont ensuite mises en élevage dans des casiers de dégorgement avant d'être
vendues.
Les parcs de Kassel ont remporté un grand succès auprès des riverains. Ils ont permis la
commercialisation de 3 000 douzaines d'huîtres en 1955. Le contrôle de salubrité des
huîtres était assuré par le Service de l'Elevage. Après l'indépendance, le Service des
Pêches ne continue pas l'expérience.

344
L 'Aquaculture en Milieu Continental au Sénégal

1.1.2. Djivent, Ka brousse et Karabane: 1963


L'initiative de grossissement des huîtres dans ces trois localités en 1963 revient à la
Direction de l'Océanographie et des Pêches Maritimes (DOPM). Les méthodes de culture
utilisées sont identiques à celles qui existaient à Kassel en 1 955. Les huîtres sont écoulées
par l'usine PROPECSEN à Ziguinchor. Après quelques années de fonctionnement, la
clientèle fera défaut après que la société MAUREL et PROM ait commencé à importer
des huîtres de France.
Un entrepreneur privé, Monsieur LAHENNE reprendra les parcs ostréicoles de Ka-
brousse mais il échouera du fait de la concurrence des huîtres de Joal, les seules garanties
par le Service de Pêches.

1.1.3. Les parcs ostréicoles traditionnels ou Bunoken


Les bunoken sont des parcs ostréicoles aménagés sur des bassins piscicoles et des rizières
salées (CORMIER-SALEM, 1991). Ces parcs réalisés par les populations sont encore
ou à nouveau actifs à Diogué et à Kabrousse.
Des bâtons de Kad ou de rônier plantés à proximité immédiate des bolons sont utilisés
comme supports de fixation pour le naissain d'huîtres. Chaque bâton est la propriété de
la femme qui l'a planté, appropriation matérialisée par un bout de tissu. Les huîtres sur
les bâtons sont récoltées à partir de l'année suivante, la récolte pouvant s'étendre sur 3 ans.
L'Institut des Sciences de l'Environnement de l'Université Cheikh Anta Diop aun projet
pour augmenter les rendements de ces parcs.

1.1.4. Le projet d'ostréiculture en Basse-Casamance: 1988-1991


En 1988, un projet franco-canadien de culture des huîtres de palétuvier (Crassostrea
gasar) allait voir le jour avec comme objectif de permettre aux femmes cueilleuses
d'huîtres d'augmenter leurs revenus et de préserver la mangrove des effets néfastes de
la cueillette. Les villages de Djivent, Ourong et Karabane sont visés par le projet du fait
de leur expérience passée dans le domaine de l'élevage des huîtres mais aussi par
l' implication importante des femmes dans l'exploitation des huîtres. En fait deux villages
seulement (Karabane et Djivent) ont pris part au projet. Un malentendu entre les membres
du Groupement d'Intérêt Economique (G.I.E.) de Ourong et les responsables du projet
sur la nature des moyens logistiques à mettre à leur disposition n'a pas permis la
participation de ce village au projet.
Les méthodes de culture étaient basées sur le détroquage des huîtres d'une certaine taille
(huîtres de plus de 2 cm de diamètre) et leur mise en parcs dans des pochons sur tables
ostréicoles en fer à béton. En outre, des recherches étaient menées sur le captage du
naissain (GILLES, 1991; DIADHIOU, sous presse).
Au niveau du grossissement, il y a eu également des problèmes (chambrage, salissures,
croissance) qui n'ont pas permis d'atteindre les objectifs du projet (FLASH, 1991). A la
fin de la première année du projet, en juillet 1991, les bailleurs de fonds (le Fonds de
contrepartie sénégalo-canadien et l'ORSTOM) n'ont pas renouvelé leur financement. Le
matériel d'élevage a été cédé aux GIE à leur demande, ceci pour poursuivre le travail
déjà entamé.

345
Ressources Côtières et Littorales du Sénégal

1.2. Sine-Saloum

1.2.1. Historique
Avant 1965, il était difficile de parler d'ostréiculture au Sine-Saloum. L'activité princi
pale était une cueillette des huîtres sauvages. Ce n'est qu'après 1965 que le Service des
Pêches Maritimes a entrepris des actions de vulgarisation au niveau des producteurs
(BOUSSO, 1991).
Les premiers essais d'élevage ont commencé en 1968, d'abord par l'installation de parcs
d'expérimentation à Sokone (figure 1) Puis, des parcs d'élevage sont créés à Bambougar
ainsi qu'un bassin de stabulation pour le prédégorgement des huîtres avant leur expédi
tion aux Almadies à Dakar. Ces opérations devaient être financées par l'administration
locale par le biais de la taxe rurale.
En 1 968, la coopérative de Sokone est affiliée à celle de Joal plus expérimentée et mieux
équipée. Mais à partir de 1 97 1 , rien ne va plus avec la coopérative de Joal et la production
de Sokone, qui atteignait 7 200 douzaines pour une valeur commerciale de 620 119 F CFA
en 1967, a commencé à baisser pour atteindre 300 douzaines en 1980.
Il a fallu attendre 1983, avec l'arrivée d'un corps volontaire japonais et la création plus
tard du centre de pêche artisanale de Missirah, pour que l'ostréiculture soit relancée.

1.2.2. Techniques d'élevage et résultats


1.2.2.1. Captages de naissains
Jusqu'en 1965, la récolte de l'huître se pratiquait sur les collecteurs naturels que sont les
rhizophores de palétuviers et la vente se faisait sur commande aux consommateurs.
Les premiers captages de naissains sont effectués par le Service des Pêches Maritimes
en 1 968. Les captages étaient faits sur tuiles chaulées et guirlandes de coquilles d'huîtres
collectées dans le marigot de Bambougar.
L'expérience japonaise a commencé en 1983 par une étude sommaire du milieu afin de
déterminer la saison de ponte des huîtres et les lieux de captage des naissains; pour cela,
une étude sommaire des paramètres physico-chimiques et biologiques est effectuée:
- suivi de la température de l'eau de mer et de la salinité;
- étude du zooplancton, des variations journalières et mensuelles du poids individuel
des huîtres.
Le protocole de captage avait prévu la confection d'une table de captage en bois de
palétuvier sur laquelle sont posées les guirlandes de coquilles d'huîtres (60 à 100
coquilles par rangée). La table avait 10 à 15 mètres de longueur, 1,5 m de largeur et les
guirlandes y étaient posées horizontalement du fait de la faible profondeur. Les lieux de
captage étaient déterminés périodiquement grâce à l'échantillonnage fait à l'aide d'un
filet à plancton tiré à partir d'une pirogue.
Le captage de naissains avec des guirlandes de coquilles d'huîtres fut tenté mais sans
succès. En effet, les données récoltées sur la biologie de l'espèce et les conditions
environnementales n'ont pas permis de déterminer des lieux de captage et des périodes
de captage favorables.

346
L 'Aquaculture en Milieu Continental au Sénégal
Ressources Côtières et Littorales du Sénégal

1.2.2.2. Elevage sur sol


Les premiers essais sont faits à Sokone et à Bambougar par la DOPM. Les parcs
d'expérimentation devaient recevoir pour engraissement ces naissains sur tuiles chaulées
et guirlandes de coquilles d'huîtres. Après une première phase de croissance, l'huître
était détachée de son support et élevée à même le sol.
Un deuxième essai devait être fait par les assistants techniques japonais. Les villages
ciblés (Bambougar, Sandicoli, Médina Sangako et Soukouta) sont organisés en groupe
ment autour de Sokone.
Toutes ces tentatives d'élevage sur sol ont échoué. Des taux de mortalité élevés sont
enregistrés. Les huîtres exposées à la chaleur à marée basse meurent en grande quantité
à cause du niveau de l'élevage trop haut. D'autre part, la prédation par les touffa (Murex,
Thaïs) et l'envasement des sols, qui provoque l'enfouissement et la mort des huîtres par
étouffement et chambrage, ont été des facteurs défavorables.
1.2.2.3. Elevage en cages grillagées
Il s'agissait d'élever de jeunes huîtres dans des caisses en bois, à fond en grillage
plastique. L'expérience fut tentée au niveau des quatre villages. Les résultats enregistrés
ne furent guère encourageants (taux de mortalité trop élevé et taux de croissance faible).
Les sites d'élevage choisis à proximité des villages n'offraient pas les conditions idéales
de température et de salinité qui atteignaient des valeurs élevées en saison sèche
(allongement exagéré du temps d'exondation sur des fonds surélevés).
L'élevage en caisse à fond grillagé est techniquement possible mais serait coûteux et peu
rentable à l'analyse des résultats faite par SATO (1987). En outre les fonds qui conve
naient le mieux à ce type d'élevage étaient très éloignés des villages. Le choix de ces
sites aurait alourdi le coût de production.
1.2.2.4. Résultats de production
De 1946 à 1955, la production moyenne contrôlée d'huîtres de cueillette est estimée
à 1 6 000 douzaines par an. La production de 1 949/50 correspond à un niveau record avec
21 400 douzaines d'huîtres vendues à Dakar.
En 1967, la campagne ostréicole de Sokone débuta le 1er décembre pour se terminer le
3 avril de l'année suivante. En 1967/68, la production d'huîtres de culture était de
7 200 douzaines pour une valeur de 620 119 F CFA. En 1969 Sokone a produit
7 030 douzaines, et, à partir de 1971, la production a commencé à baisser pour atteindre
300 douzaines en 1980.
1984/85 fut l'année des premiers tests réalisés par l'assistance technique nipponne.
1 351 douzaines d'huîtres sont commercialisées pour une valeur de 312 700 F CFA.
Depuis, la production n'a cessé d'augmenter jusqu'en 1989/90 avec 27 943 douzaines
entraînant des recettes de 4 774 782 F CFA. Le revenu moyen individuel d'un ostréicul
teur, calculé sur la base d'une campagne de sept mois, était de 92 195 F CFA à la fin de
la campagne 1987/88.

1.3. Conclusion
Nos prospections ont surtout intéressé les estuaires de Casamance et du Saloum, mais
l'état des gisements naturels du Nord du Sénégal est préoccupant (LEUNG TACK,
1991).

348
L Aquaculture en Milieu Continental au Sénégal

Les sites de la Somone, de Fasna, de Joal-Fadiouth sont épuisés. La mangrove y est très
dégradée. Il n'y a plus d'huîtres exploitables; les exploitants s'orientent alors vers les
stocks d'huîtres du Saloum où la mangrove, sous l'effet conjugué de la sécheresse et de
la pression humaine, n'existe plus en amont et aux environs immédiats des villages et
campements (BOUSSO, 1991).
En Casamance la mangrove est aujourd'hui dégradée du fait essentiellement des mau
vaises conditions du milieu. Les seuls parcs ostréicoles qui existent actuellement sont les
"bunoken". Les parcs aménagés grâce à des financements extérieurs et laissés entre les
mains des populations sont à l'état d'abandon. Les anciens GIE du "Projet Ostréiculture
en Basse-Casamance" n'ont pas poursuivi le travail au-delà du projet, comme ils
l'avaient promis lorsqu'ils ont demandé le matériel utilisé dans l'ancien projet. Les
résultats mitigés du projet sont sans doute la principale raison de cet abandon.
C'est dans un tel contexte que le Centre de Recherches Océanographiques de Dakar-
Thiaroye (CRODT) s'est penché sur les problèmes liés au captage des naissains d'huîtres,
phase-clé de la maîtrise de la culture des huîtres.
Pour le Saloum, un certain nombre de constats peuvent être faits:
- Jusqu'en 1964, les modes d'exploitation traditionnelle de l'huître étaient bien
adaptés aux conditions locales. Quelques améliorations seulement auraient suffi
pour lever les difficultés auxquelles étaient confrontés les ostréiculteurs (difficultés
de commercialisation notamment).
- Le captage des naissains et les techniques de grossissement ne sont pas maîtrisés.
Malheureusement, les détails de ces résultats partiels ne sont pas connus.
- Concernant les projets qui se sont succédés, il n'a jamais été fait cas, dans aucun
d'eux, de la situation de référence. L'analyse détaillée de la situation de référence
aurait permis de bénéficier des acquis, d'éviter les erreurs passées, de mieux définir
les objectifs. Toutes ces insuffisances ont conduit les promoteurs à un excès
d'optimisme et à une sous-estimation des difficultés techniques, organisationnelles,
commerciales et financières qui ont entraîné des échecs successifs.
- L'analyse objective des résultats est rendue aussi difficile par l'absence des fiches
techniques. Seuls les rapports administratifs conçus par les responsables du projet
ou les agents de la Direction de l'Océanographie des Pêches Maritimes (DOPM)
sont disponibles; dans ces rapports, les données techniques, environnementales et
bio-écologiques étaient difficiles à appréhender.

2. CREVETTICULTURE
Un projet de crevetticulture semi-intensive a été initié en 1983 au lieu dit Katakalouss,
en Basse-Casamance (figure 2).
Le site d'implantation du projet ne devait pas être trop éloigné de la mer pour que les
variations de salinité ne soient pas trop fortes; il devait néanmoins être représentatif
d'assez vastes étendues pour que l'expérience acquise sur le site puisse être extrapolée
lors du passage à la crevetticulture à grande échelle. Le site devait être assez facile d'accès
et présenter en outre des qualités pédologique spécifique (compacité notamment). Le site
de Katakalouss, qui fut retenu, semblait réunir tous les avantages. Il apparut par la suite
que la salinité pouvait varier entre 25 et 45%o.

349
Ressources Côtières et Littorales du Sénégal

2.1. Historique du projet


Les techniques de grossissement étant déjà assez bien maîtrisées à travers le monde, le
projet, dont France-Aquaculture avait la responsabilité, consistait à faire la démonstra
tion, en deux ans, que des crevettes pouvaient être produites à un prix compétitif, les
postlarves étant importées. Des tests devaient permettre de sélectionner les espèces les
mieux adaptées aux conditions locales de température et de salinité.
Il était prévu ensuite un développement de la crevetticulture à grande échelle associant
production industrielle et production artisanale. Le projet était financé par le FAC (Fonds
d'Aide et de Coopération, France) pour un montant de 135 millions de francs CFA. Les
infrastructures comprenaient deux bassins de 400 m2 pour le prégrossissement, six
bassins de 2 000 m2 pour le grossissement, une station de pompage et un laboratoire.
Quatre espèces furent testées à partir de postlarves importées: Penaeus vanamei, P. indicus,
P. monodon, P. japonicus. Les espèces locales P. notialis et P. kerathurus furent
également testées à partir de postlarves et de juvéniles prélevés dans l'estuaire.
Les résultats ne furent pas aussi bons que prévus et la durée du projet fut prolongée.
Jusqu'à juin 1987 il fut financé grâce à de nouveaux crédits FAC (3 12 millions F CFA).
Depuis lors, il est financé avec des crédits CEPIA (87 millions F CFA). Soit au total,

350
L 'Aquaculture en Milieu Continental au Sénégal

534 millions F CFA. Le projet a donc bénéficié d'un budget confortable et on peut
considérer qu'il n'y a pas eu de contraintes d'ordre financier.
Au début de la deuxième phase, de nouvelles installations ont été réalisées:
- une écloserie prévue pour produire 1 à 2 millions de postlarves par mois avec salle
de maturation, salle d'élevage larvaire, salle d'algues et d'artémias;
- quatre bassins de grossissement d'un hectare;
- un forage d'eau douce permettant de contrôler la salinité durant les premières phases
du développement.
Ultérieurement, furent construits quatre bassins en béton de 10 m3 dits de prégrossisse
ment permettant d'assurer la transition entre le milieu contrôlé de l'écloserie et les
conditions naturelles prévalant dans les bassins de grossissement.
Le projet dispose en outre de véhicules, d'un groupe électrogène, de soufflantes et
d'équipements de laboratoire.
France-Aquaculture a géré le projet jusqu'à juin 1987 et formé du personnel sénégalais.
Actuellement, la direction est assurée par deux docteurs vétérinaires sénégalais et le personnel
comprend en outre sept ouvriers. Depuis le début de 1990 le projet est géré conjointement
par la DOPM, pour les aspects techniques, et par le CRODT, pour les aspects financiers,
administratifs et scientifiques.

2.2. Protocole d'élevage


Nous décrirons le protocole en vigueur pour Penaeus monodon, espèce reconnue la plus
intéressante.
Les géniteurs, mâles et femelles, ces derniers épédonculés, sont placés dans deux bassins de
maturation de 10 à 12 m3. La salinité varie entre 20 et 35%o (figure 3).

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Figure 3 Variations de la température et de la salinité dans les bassins d'élevage


des crevettes

351
Ressources Côtières et Littorales du Sénégal

La température varie entre 23 et 3 1 °C (figure 3). La nourriture est à base d'aliments frais,
essentiellement des coquillages et accessoirement de granulés (SENTENAC, fabriqués à
Dakar, glucal).
Les élevages larvaires sont réalisés dans des cuves cylindriques de 2 m3. L'eau est filtrée sur
des mailles de 5 microns. La salinité a varié entre 22 et 35%o. La température a varié entre
27,5 et 3 1,5°C avec une amplitude maximale de 2,5°C pour un même élevage. Le premier
jour, l'eau est traitée avec de TESTA. Par la suite un traitement préventif à base de Treflan
et de Furazolidone est effectué. L'alimentation est à base d'algues unicellulaires éventuelle
ment associées à un microgranulé (PRECAL ND) pour les stades zoés et à base d'artémias
et de microgranulés (PRECAL ND et ACAL ND) pour les stades mysis et postlarves.
Les prégrossissements sont réalisés dans quatre bassins en béton de 1 0 m3 protégés par
de la tôle ondulée. L'aération est assurée par un bullage à courant convectif. L'enceinte
d'élevage est lavée à l'eau de javel puis rincée. Après la mise en eau et avant l'ensemen
cement les bassins sont traités au Treflan et à la Furazolidone. Le traitement est poursuivi
durant toute la durée du prégrossissement. La salinité a varié entre 22 et 35%o, et la
température entre 1 8 et 30°C. L'alimentation est à base d'artémias durant les premiers jours
et d'ACAL durant toute le durée du prégrossissement.
La récolte et le transfert dans les bassins de grossissement se font au stade PL 20 (postlarves
âgées de 20 jours).
Le grossissement est réalisé dans les bassins de 2 000 ou 10 000 m2 selon l'abondance des
postlarves. Avant tout ensemencement le bassin doit être soigneusement préparé. Lorsque le
terrain est bien sec, il est labouré sur environ 10 cm de profondeur. De la chaux est ensuite
répandue sur tout le terrain. Après la mise en eau le milieu est fertilisé par apport d'engrais
(NPK). Un supplément d'aliment est fourni (autrefois granulés importés AQUALIN, actuel
lement de fabrication locale, SENTENAC).
L'eau du bassin doit être soigneusement filtrée à l'arrivée pour éviter au maximum l'intro
duction d'alevins. On effectue également des traitements curatifs à l'aide de roténone mais
ce traitement n'a aucun effet sur les Tilapia.

2.3. Résultats

2.3.1. Elevage
Deux espèces seulement ont fait l'objet de nombreux tests aux différentes phases de l'élevage:
Peneaus monodon et P. indicus. Cette dernière espèce n'atteint cependant pas, en élevage,
une taille suffisante pour être commercialisée sur le marché mondial. Nous ne mentionnerons
donc que les résultats obtenus pour P. monodon.
En 1 989 l'écloserie a produit 576 000 postlarves PL 2. Ce résultat, le meilleur obtenu par le
projet, correspond à des réussites inégales. Des pontes ont été obtenues lors des six tests
réalisés mais la plupart du temps les oeufs n'étaient pas fécondés. 97% des nauplii (Ier stade
larvaire) ont été produits par un seul test. Les mauvais résultats de certains tests, d'après
LE BITOUX (1988), pourraient être dus à:
- l'âge (<1 an) des femelles utilisées dans certains tests;
- l'inadéquation de l'alimentation;
- la teneur élevée de l'eau (surtout lorsqu'on a recours à l'eau de forage) en ammoniac et
nitrite.

352
L Aquaculture en Milieu Continental au Sénégal

Un autre inconvénient est que les premières pontes, peut-être parce que la température
était trop basse auparavant, ne sont obtenues qu'en août ce qui ne permet pas de profiter
au maximum des conditions favorables au grossissement en saison humide.
Le taux de survie dans les élevages larvaires a atteint 28% en 1 989, ce qui est faible. Cela
est dû en partie à ce que les nauplii étaient souvent faibles dès l'éclosion, les soies étant
nécrosées. C'est là, probablement une conséquence des fortes concentrations en ammo
niac et nitrite. Une rupture de stock en produits antifongiques a également été ressentie
dans certains élevages. Lorsque les nauplii sont en bon état les produits fongiques
disponibles, le taux de survie se situe entre 40 et 50%, ce qui reflète mieux le degré de
maîtrise de l'élevage larvaire.
1 93 000 postlarves prêtes à être ensemencées dans le bassin de grossissement ont été
produites en 1989, ce qui correspond à un taux de survie de 33,5% lors de la phase de
prégrossissement. Ce résultat est assez mauvais et tient au fait que plusieurs élevages ont
connu des problèmes pathologiques graves suite à une rupture de stock de Treflan. Dans
la moitié des élevages le taux de survie s'est situé entre 60 et 90%, ce qui reflète mieux
le degré de maîtrise de cette phase de développement.
Il est difficile de tirer des conclusions de certains tests de grossissement, par exemple
lorsque la charge des bassins en postlarves est insuffisante. Nous considérons seulement
deux résultats qui nous paraissent représentatifs de ce qui peut être obtenu sur le site de
Katakalouss, respectivement en période salée (élevage 1 ) et en période dessalée (éle
vage 2).
Le rendement obtenu en saison dessalée est à peu près conforme à ce qui est rapporté
pour d'autres élevages dans des conditions analogues et relativement favorables. Le taux
de survie est également bon. Le poids moyen des crevettes récoltées, en revanche, est
insuffisant; il faudrait atteindre 25 g.

Elevage 1 Elevage 2
Surface du bassin (m2) 10 000 2 000
Dates d'élevage 1/12/88-17/4/89 6/7/89-6/1/90
Salinité (S%o) 34-35 18-38
Température (°C) 22-26 22-32
Densité (n/m2) 6,4 13,5
Récolte (tonnes) 0,403 0,309
Rendement/ha (tonnes) 0,403 1,545
Poids moy. à la récolte (g) 12,5 15,25
Survie (%) 49,9 76,6
Taux de conversion de 4,4 4,6
l'aliment

353
Ressources Côtières et Littorales du Sénégal

Pour que la croissance de P. monodon soit correcte, la salinité doit être comprise entre
1 8 et 30%o. Les résultats médiocres en saison sèche sont donc probablement imputables
aux salinités trop élevées.
Les responsables actuels du projet ainsi que le rapport d'expertise de LE BITOUX ( 1 988)
mettent en cause le choix de Katakalouss et préconisent des sites plus proches de la mer.
Notons cependant que, même à Elinkine, la salinité atteint 40%o en milieu naturel. En
bassin, où l'eau est renouvelée tous les jours, et avec une évaporation qui peut atteindre
10 mm par jour, la salinité ne serait donc pas beaucoup plus faible à Elinkine qu'à
Katakalouss.
Une autre espèce, P. Vannamei, serait susceptible de fournir de meilleurs rendements en
saison sèche mais la reproduction de cette espèce n'est pas maîtrisée par le projet.

2.3.2. Aspects économiques


Dans une ferme d'aquaculture, deux postes budgétaires sont particulièrement lourds: la
construction des bassins et l'aliment.
A Katakalouss, les coûts de terrassements, pour les 4 ha de bassins de grossissement, se
sont élevés à 34 millions francs CFA, soit 8,5 millions CFA/ha. Or, au niveau interna
tional, le coût d'un ha de bassin, selon les sites, dans des régions comparables au Sénégal,
varie entre 7 000 et 15 000 $ (pour 1 $ à 300 F CFA, entre environ 2 et 4,5 millions
F CFA).
11 est certain qu'en Casamance les coûts seraient sensiblement moindres dans le cas d'une
ferme de 300 ha par exemple et si on augmentait la surface des bassins (diminution de
la longueur des digues). Néanmoins, étant donné la nécessité de construire les bassins à
proximité de l'embouchure, la crevetticulture en Casamance ne pourra être pratiquée
qu'à une échelle relativement modeste. De ce fait l'aménagement de bassins dans les
zones de tannes constituera pour les entreprises une activité marginale où elles seront
peu expérimentées et les coûts resteront probablement élevés.
Dans un premier temps le projet avait utilisé des granulés importés mais, du fait de la
lenteur des procédures de dédouanement et des mauvaises conditions de stockage, leur
qualité était amoindrie. Pour disposer de granulés frais et, si possible, moins chers,
le projet s'est adressé à des fabricants locaux de produits alimentaires pour l'élevage.
Le granulé fourni par la société SENTENAC, tout en étant assez cher (340 F CFA/kg
contre 1 $/kg pour le granulé importé), se désagrège très rapidement dans l'eau si
bien que le taux de conversion (poids d'aliment pour obtenir 1 kg de crevettes), qui
ne devrait pas dépasser 2, est égal ici à 4,5. Il faudrait donc revenir à des granulés
importés.

2.3.3. Perspectives
Pour que l'exploitation soit rentable, il faudrait (LE BITOUX, 1988), en supposant que
les coûts de construction des bassins et de l'alimentation soient maîtrisés, que la
production soit de 3 tonnes/ha/an (en deux récoltes) de crevettes de 25-30 g. On en est
actuellement à 2 t/ha de crevettes de 1 2- 1 5 g. Il n'est donc pas possible, au vu des résultats
du projet, d'envisager dans un avenir proche, la possibilité d'une aquaculture semi-
intensive en Casamance.

354
L 'Aquaculture en Milieu Continental au Sénégal

La situation est d'autant plus difficile que la concurrence sur le marché international est
devenue plus sévère. En 1 989, de nombreux élevages du Sud-Est asiatique, notamment
à Taïwan où ils étaient pourtant performants, ont fait faillite. L'espèce P. monodon, de
couleur sombre et de ce fait moins appréciée par le consommateur, a été particulièrement
touchée par cette crise.
Il faut donc être conscient que la faisabilité de la crevetticulture semi- intensive en
Casamance reste encore à démontrer et que cela nécessitera plusieurs années de re
cherches et des efforts financiers importants.

3. PISCICULTURE
La pisciculture a été menée au Sénégal, essentiellement dans deux zones:
- Le bassin du fleuve Sénégal avec les projets de l'USAID, du Catholic Relief Services
et Matam III (figure 4).
- Le bassin de la Casamance où se pratique une pisciculture traditionnelle depuis fort
longtemps. Nous ne traiterons que de la pisciculture dans le bassin du fleuve Sénégal.

3.1. Historique

3.1.1. Projets de pisciculture de l'USAID et du Catholic Relief


Services
3.1.1.1. La pisciculture intensive en étang
L'évolution de la pisciculture intensive en étang dans le bassin du fleuve Sénégal peut
être subdivisée en trois phases:
Phase 1(1979-1981)
Elle démarre réellement avec la signature de l'accord de financement du projet "Impact
accéléré de pisciculture intensive" entre l'USAID et le Gouvernement sénégalais en août 1979.
La première phase dite pilote avait comme principaux participants l'USAID, la Direction
des Eaux et Forêts, le Corps de la Paix et les coopératives villageoises.
En 1980, fut construite la station de Richard-Toll (figure 4) ainsi que des étangs dans les
villages de Gaya, Ndiarème, Nianga, Guédé chantier, Gamadji et Mboumba (figure 4).
En mars 1981, une évaluation, faite avant qu'aucun étang ne réalise sa première récolte,
concluait que le projet était en bonne voie et que les chances de succès étaient grandes.
Phase 11(1982-1984)
A l'issue de la première phase, une prolongation de deux ans a été accordée par l'USAID
grâce au fonds du projet "Périmètres irrigués" de Bakel.
Pendant cette période deux nouvelles stations piscicoles furent construites: Bakel (1982-
1 983) et Nianga ( 1 983- 1 984). Quarante étangs de démonstration supplémentaires ont été
creusés. La plupart d'entre eux durent être abandonnés à cause de leurs résultats
décevants.
La station de Bakel a connu de sérieuses difficultés liées à des problèmes d'infiltration
et de gestion. A la suite d'une très mauvaise récolte en 1984, la station de Bakel fut
abandonnée.

355
Ressources Côtières et Littorales du Sénégal

Phase III (1985-1988)


La station de Nianga commença à fonctionner à partir de fin 1984-début 1985. Elle a
permis de ravitailler en alevins les étangs et les cages des environs pendant la phase III,
quoique de manière insuffisante.
En 1985, une seconde évaluation a été réalisée révélant que les résultats obtenus étaient bien
en deçà des prévisions.
En mars 1985, l'USAID a arrêté de financer le projet piscicole, cette période a coïncidé avec
d'énormes problèmes sociaux et de gestion. La relève en ce qui concerne le financement fut
alors assurée par le Catholic Relief Services (CRS).
Sur la base d'une nouvelle évaluation (FREUDENBERGER, 1988), le CRS décida égale
ment d'arrêter de financer le projet. La conclusion de l'expertise était la suivante: "le projet
de pisciculture est largement passé à côté de son objectifprimaire qui consistait à donner une
preuve concrète de sa faisabilité sous forme d'étangs de démonstration réussis et à montrer
cette preuve aux différents agriculteurs en créant un programme efficace de démonstration.
Ce projet n'a atteint ni ses objectifs d'aider les paysans locaux à accroître la quantité et la
disponibilité de protéines dans leur régime alimentaire, ni ceux d'augmenter leurs revenues
individuels".
3.1.1.2. La pisciculture en cage
A cause de la difficulté de faire face aux coûts de l'eau et de l'aménagement des bassins, des
tentatives d'élevage en cage ont été menées. Les premières cages furent installées à Bakel et
à Waoundé en 1984. Les résultats enregistrés ne furent guère encourageants.
3.1.1.3. La pisciculture extensive
Un essai de pisciculture extensive a été réalisé dans le marigot de Guia, près de la station
piscicole de Nianga. La récolte fut très mauvaise.
3.1.1.4. La rizipisciculture
Des tentatives de rizipisciculture ont été menées par les volontaires du Corps de la Paix, à
Ndiarème (Dagana). Ce projet a été financé par l'USAID et a reçu l'appui de divers
organismes publics et privés.
Malheureusement, après deux saisons d'expérimentation (1982-1983), l'USAID a arrêté le
financement malgré des résultats encourageants.

3.1.2. Le projet Matam III


Dans le cadre du projet d'aménagement hydro-agricole du département de Matam, phase III,
un volet pisciculture a été créé. Ce volet Matam III a effectivement démarré en septembre
1 986. Il a été financé par la Caisse Centrale de Coopération Economique avec pour maîtres
d'œuvre la SAED et les Volontaires français du Progrès. La Direction des Eaux et Forêts
(DEFCS) en a assuré l'exécution et l'encadrement administratif.
Dans le cadre de ce projet, quatre fermes piscicoles ont été réalisées. Il est apparu, lors de
l'évaluation d'octobre 1990 (PARREL, 1990), que les résultats étaient décevants.
Selon PARREL (1990), l'échec actuel de ce projet n'est en rien celui de la pisciculture
d'autant que celle-ci se développe avec succès au Niger dans des conditions physiques et
climatiques totalement similaires et que les techniques de production d'O. niloticus sont
maintenant bien maîtrisées pour ce type d'élevage.

356
L 'Aquaculture en Milieu Continental au Sénégal

Cet échec est donc plus celui d'une opération et l'accepter - après celui du projet "Peace
Corps" - revient à condamner pour de longues années le developpement de la pisciculture à
Matam.
Aussi PARREL ( 1 990), afin de donner une autre chance au développement de la pisciculture
dans la région, a proposé une prolongation du volet piscicole de Matam III jusqu'au 3 1/12/92,
moyennant des réorientations et des modifications assorties de conditions, prolongation qui
fut d'ailleurs accordée.

3.2. Techniques d'élevage et résultats

3.2.1. Pisciculture intensive en étang


Phase I
La station de Richard-Toll qui fut construite en 1 980 était composée de deux étangs de 25 ares
et quatre de 5 ares.
La station était alimentée en eau à partir d'un canal d'irrigation du périmètre de canne à sucre
de la Compagnie Sucrière Sénégalaise, lui-même approvisionné par pompage dans la
Tahouey.
Les étangs furent empoissonnés avec environ 4 000 alevins d'Oreochromis niloticus de 5 g
provenant de Côte d'Ivoire (LAZARD, 1981):
étang de 25 ares 1 700 alevins;
étang de 5 ares 1 50 alevins.
Les étangs étaient fertilisés et les poissons nourris selon le programme suivant (LAZARD,
1981):
- un chargement d'une camionnette de fumier de bovins et de caprins (gratuit, sauf le
ramassage et le transport) était déversé chaque semaine par grand bassin (25 ares), alors
que pour chaque petit bassin, c'était un demi chargement;
- 3,5 kg de son de riz (6 francs le kg) sont distribués trois fois par jour dans chaque grand
bassin alors que dans chaque petit bassin une ration de 1 kg était distribuée trois fois par
jour;
- pour ce qui est de l'engrais minéral NPK les doses étaient les suivantes:
6,5 kg/mois/grand étang
1 kg/mois/petit étang
- coût: 1 000 F CFA/sac de 50 kg en 1 98 1 .
En ce qui concerne les étangs construits en 1 980 dans les villages, leur superficie variait entre
30 et 50 ares. Ils furent empoissonnés en octobre-novembre au taux de 1,25 à 1,7 alevin par
mètre carré. Les alevins de Richard-Toll qui ont été utilisés avaient un poids variant entre 1 1
et 12 grammes.
Au point de vue résultat, la station de Richard-Toll a produit une moyenne annuelle de 80 000
alevins d'O. niloticus (souche Bonaké).
Les meilleures productions pour les étangs villageois ont été enregistrés sur un étang de Gaya
(3,5 t/ha/an)en 1980. En 1982 le premier était abandonné et le second ne produisait plus que
quelques centaines de kg/ha/an) (LAZARD, 1985). Dans beaucoup de bassins, les récoltes
n'ont pas été pesées ou les données ne sont pas disponibles (Guédé, certains bassins de
Ndiarème, Mboumba, etc.). Des rendements de 0,64 t/ha ont été enregistrés à Gamadji.

357
Ressources Côtières et Littorales du Sénégal
L 'Aquaculture en Milieu Continental au Sénégal

Phase II
La station de Bakel comprenait trois étangs: deux de 35 ares et un de 75 ares. Elle était
approvisionnée en eau par pompage à partir du fleuve. Très peu d'information est
disponible sur les techniques d'élevage.
Cette station n'a produit que 1 5 000 alevins en 1983 pour l'empoissonnement des étangs
de Arroundou, Kougani, Yafera et Wallaldé. Cette station a connu de sérieuses difficultés
liées à des problèmes d'infiltration et de gestion (incompréhension entre membres de la
coopérative et le Corps de la Paix). A la suite d'une très mauvaise récolte en 1984, la
station fut abandonnée.
Pendant cette seconde phase, la qualité des alevins produits au niveau de Richard-Toll
était médiocre en raison de densités de stockage trop élevées. Paradoxalement, on
assistait à une augmentation spectaculaire du nombre des étangs de démonstration dans
les villages alors que les récoltes demeuraient mauvaises.
Un étang de la station de Richard-Toll de 20 ares a produit en six mois 263 kg de poissons
marchands (2,6 t/ha/an) et 609 kg d'alevins de 15 g. Ces résultats, inférieurs à ce à quoi
on peut raisonnablement s'attendre dans de telles structures de production, ont été
obtenus avec une alimentation à base d'un mélange de 90% de son de riz et 10% de farine
de poisson (Qn = 1 ,8).
Phase III
A la station de Richard-Toll, les géniteurs étaient stockés dans tous les étangs à raison
de 1,5 individu/m2. La mise en charge a été portée à 1,5 poisson/m2 pour réduire la
production d'alevins car beaucoup des étangs villageois qui devaient les utiliser étaient
abandonnés.
Il n'existe pas de statistiques sur la production d'alevins durant cette phase (ANONYME,
1986).
La station de Nianga fut empoissonnée fin 1984 et début 1985 avec des O. niloticus dont
une partie venait de Richard-Toll et une autre du lac de Guiers, des canaux des périmètres
situés aux environs de Podor et de l'étang de Guidékhar.
Au cours de la première année d'exploitation de la station, près de 20 000 alevins ont été
produits.
L'un des étangs d'alevinage a été empoissonné durant la première campagne avec des
Tilapia galilea. Aucune donnée n'est disponible sur le résultat de cet élevage.
Cette station a permis de ravitailler en alevins les étangs et les cages des environs pendant
la phase III, quoique de manière insuffisante.
A Nianga, comme d'ailleurs dans les étangs de démonstration des villages, l'alimentation
comprenait 80% de son de riz et 20% de farine de poisson. D'autres mélanges ou types
d'aliments ont été essayés (sang d'animaux d'abattage, tourteaux d'arachide, etc.) mais
jusque-là les résultats n'ont pas été concluants.
Les expérimentations menées à Nianga ont permis de conclure qu'un taux d'alevins de
2/m2 était nettement plus avantageux sur le plan production que 1/m2. En effet les
rendements obtenus avec le premier taux étaient 1 ,66 fois plus élevés que ceux obtenus
avec le second (2 427 t/ha contre 1 462 t/ha).
Sur le plan financier, le taux de 2/m2 est 1 ,4 fois moins rentable à cause des charges
supplémentaires de nourriture et d'engrais (FREUDENBERGER, 1988).

359
Ressources Côtières et Littorales du Sénégal

Par ailleurs, il a été montré que les petits étangs de 2,75 ares ( 1 ,462 tonnes/ha) étaient
plus productifs que les grands de 33 ares (0,850 tonnes/ha).

3.2.2. La pisciculture extensive et la pisciculture en cage


Le 2 octobre 1986, le marigot de Guia fut empoissonné avec 2 000 alevins d'O. niloticus.
Les poissons ont été exclusivement nourris avec du son de riz. La récolte effectuée
vers la fin du mois de juin 1987 fut de 895 poissons soit 24,6 kg et découragea les
paysans.
En ce qui concerne la pisciculture en cage, les premiers essais furent réalisés avec des
tubes en PVC et du grillage recouvert d'une couche plastique anti-rouille. En raison de
la force du courant ces cages n'ont pas tenu plus d'un mois. Des recherches pour trouver
une solution de rechange furent entreprises et de nouveaux essais furent menés en juin
de l'année 1985 aboutissant à la mise au point de nouvelles cages (filets de pêche en
nylon et barres de fer).
L'alimentation des poissons était essentiellement composée d'un mélange de 80% de
son de riz et de 20% de farine de poisson. Les résultats enregistrés ne furent guère
encourageants.

3.2.3. La rizipisciculture
L'espèce de poisson utilisée était O. niloticus et la variété de riz employée le KN- 1 H-350
originaire d'Indonésie. Cette variété résiste bien à la fraîcheur et donne souvent de bons
rendements. Selon CHOPAK (1983) et BLOOM (1986) tous les objectifs techniques ont
été atteints. Il est apparu que la rizipisciculture était plus rentable que la pisciculture et
la riziculture faites séparément (CHOPAK, 1983).

3.3. Diagnostic et perspectives


Après un peu plus de dix ans de tentatives de pisciculture dans le bassin du fleuve Sénégal,
les cas de réussite sont extrêmement rares voire inexistants. Il faut donc admettre que la
pisciculture a échoué dans cette région.
Cet échec est dû à plusieurs causes, d'ordre environnemental, technique, administratif et
socio-économique (DIOUF, 1991) qu'il convient d'analyser.
Sur le plan environnemental, l'extrême irrégularité du régime hydrologique du bassin du
fleuve Sénégal a longtemps été une contrainte majeure. Toutefois, avec l'entrée en
service des barrages de Diama et de Manantali, ce problème va (sans doute) être résolu.
En revanche, en ce qui concerne les inconvénients liés à la forte évaporation, à la faiblesse
de la pente en travers des terrains, au faible degré de minéralisation des eaux et à
l'importance de la turbidité, les chances de trouver une solution économiquement
rentable sont faibles.
Le choix des sites n'a pas toujours été adéquat, notamment pour les cas de Bakel et de
certains bassins piscicoles de Matam III. Une rapide étude géologique et hydrologique
des terrains et un examen sommaire de l'environnement socio-économique auraient
permis d'éviter des erreurs qui ont grandement contribué à l'échec de la pisciculture dans
le bassin du fleuve Sénégal.
Les défauts de construction des bassins ont également porté préjudice à la pisciculture.
La solution à ce problème passe par une meilleure formation des agents et le recours à

360
L 'Aquaculture en Milieu Continental au Sénégal

des consultants de haut niveau. Le choix des consultants nécessite une attention toute
particulière. Certains se fixent des normes élevées et fournissent un excellent travail,
mais il existe également des cabinets et des indépendants dont la compétence et même
l'honnêteté sont douteuses.
Deux problèmes situés à des niveaux très différents mais qui conditionnent en grande
partie la réussite de la pisciculture sont le manque de suivi systématique des paramètres
physico-chimiques et l'absence de recueil des données économiques et financières
d'élevage des poissons (DIOUF et ALBARET, 1 99 1 ). Il est évident que dans de pareilles
conditions, les chances de réussite de la pisciculture sont très limitées.
Sur le plan administratif, la pisciculture a souffert de son mode de gestion. Il est temps
qu'une décentralisation technique et financière de la gestion des projets de pisciculture
ait lieu. Les fonds doivent être affectés aux directeurs de projet. Cette décentralisation
devra s'accompagner d'un rythme plus élevé des évaluations techniques, administratives
et financières. De la part des directeurs de projets, une plus grande rigueur dans la gestion
est indispensable.
Toutes ces contraintes qui pèsent sur la pisciculture font qu'il se pose la question de
savoir s'il faut arrêter toute tentative piscicole ou non.
Dans le bassin du fleuve Sénégal, la production de la pêche continentale a fortement
baissé et n'arrive plus à satisfaire les besoins en protéines des populations locales
(DIOUF et al., 1991). Une solution à ce problème serait d'améliorer les circuits de
distribution du poisson de mer en renforçant les infrastructures routières et de conserva
tion des produits halieutiques. Toutefois, à moyen terme, cette solution risque de ne pas
être adéquate. En effet, la population sénégalaise ne cesse de croître, alors que les
ressources qui sont actuellement bien exploitées, ne peuvent supporter une augmentation
considérable sans risque d'effondrement des stocks (CRODT, 1985). Il est donc à prévoir
que d'ici quelques années, la pêche maritime pourra difficilement satisfaire la demande.
Les prix du poison de mer risquent d'augmenter, ce qui rendrait plus compétitif le poisson
de pisciculture dans les marchés de la vallée du fleuve Sénégal.
Le prix de la viande qui pourrait remplacer le poisson est relativement élevé et hors de
portée de la bourse de la plupart des ruraux.
Il apparaît donc qu'une nouvelle conjoncture moins défavorable à la pisciculture est en
train de se mettre en place, d'autant plus que le fonctionnement des barrages permettra
de disposer d'assez d'eau et ceci de manière plus régulière.
Il serait donc judicieux de se préparer en conséquence, en mettant en place des structures
d'expérimentation et de recherche qui pourront mettre au point des méthodes piscicoles
adaptées au milieu. Cette phase, qui risque de durer cinq à dix ans, conditionne la réussite
future de la pisciculture.
Cette démarche permettra d'éviter une erreur fondamentale qui a été commise dès le
début de la pisciculture dans le bassin du fleuve Sénégal, à savoir donner la primauté à
la production sur la recherche. Cette attitude était dictée par la certitude des responsables
de la pisciculture que les techniques mises au point dans d'autres pays pouvaient être
transférées telles quelles au Sénégal. A l'expérience, il s'est avéré que la dimension locale
de la pisciculture est très importante: pour chaque milieu une adaptation des techniques
est nécessaire.

361
Ressources Côtières et Littorales du Sénégal

Le choix du type de pisciculture à mener dans le bassin du fleuve Sénégal sera également
déterminant pour l'avenir. La pisciculture d' autoconsommation a peu de chances de
réussir. En effet, par rapport à la technicité que requièrent les activités piscicoles, elle
n'est pas assez attrayante économiquement (LAZARD et al., 1990); d'où un rapide
désintéressement des paysans.
En ce qui concerne la pisciculture industrielle, l'expérience montre que la plupart des
opérations de ce type ont échoué, les prix de revient restant largement supérieurs aux
prix du marché (LAZARD et al., 1990).
Le type de pisciculture qui présente sans doute le plus de chances de réussite est la
pisciculture artisanale de "petite" production marchande intégrée aux systèmes de
production agricole existants. Cette dernière a l'avantage de fournir aux paysans des
revenus supplémentaires et de ne pas demander des investissements très lourds.

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363
PARASITOSES DE CREVETTES SENEGALAISES:
EXEMPLE D'UNE MICROSPORIDIOSE DE
PENAEUS NOTIALIS (PEREZ-FARFANTE, 1967)

France-Lyse CLOTILDE-BA
Département de Biologie Animale, Faculté des Sciences et Techniques,
Université Cheikh Anta Diop, Dakar, Sénégal

Résumé

Penaeus notialis, crevette de mer, fait l'objet d'une exploitation intensive sur les côtes
sénégalaises, à des fins commerciales (locale et à l'exportation). Toutefois, elle se trouve
être parasitée par une microsporidie (protozoaire).
Cette pathologie macroscopiquement dégradante rend les crevettes atteintes invendables.
Dans cette communication, nous envisageons de voir l'impact de la microsporidiose sur
un échantillon de crevettes pêchées à Mbour en juin et juillet 1 992. Pour cela, nous nous
sommes appuyés sur les données biométriques de ces crustacés marins.

PARASITOSIS OF SENEGALESE SHRIMPS:


EXAMPLE OF THE MICROSPORIDIOSIS OF
PANAEUS NOTIALIS (Perez-Farfante, 1967)

Abstract

Penaeus notialis, a sea shrimp, is intensively exploited on the Senegalese coasts and sold
locally and exported. However, the microsporidie (Protozoan) lives as a parasite on the
shrimp. As a result, this macroscopically degrading pathology makes the shrimps unmar-
ketable. In this presentation a study was made of the impact of microsporidiosis on a
sample of shrimps caught in Mbour in June and July 1992. For this purpose, we relied
on the biometrical data of these sea crustaceans.

INTRODUCTION
La crevette, Penaeus notialis, qui est la plus représentée dans les eaux sénégalaises, se
trouve être parasitée par une microsporidie (Protozoaire) du genre Thelohania sp.
Cette parasitose étant macroscopiquement dégradante, elle rend les crevettes atteintes
invendables. De même, dans un projet de crevetticulture à Ziguinchor (Casamance,
Sénégal) cette microsporidiose rend impossible l'élevage de la crevette locale.
Vu l'importance économique de P. notialis au Sénégal et le développement de
l'aquaculture dans la sous-région, la connaissance d'agents pathogènes tels que
Thelohania sp. est essentielle, aussi bien en terme d'étude biologique qu'en terme

365
Ressources Côtières et Littorales du Sénégal

d'impact sur les crevettes dans la nature. De tels parasites sont en effet des facteurs
limitants du développement aquacole; ils fragilisent les ressources halieutiques.

MATERIELS ET METHODES
Les crevettes qui sont pêchées à Joal sont acheminées à Dakar pour la commerciali
sation. C'est à ce niveau que nous les avons récupérées, en quatre échantillonnages,
pour limiter le risque de tri, échelonnés du 30 juin 1992 au 20 juillet 1992. Dans tous
les échantillons, et pour chaque animal, le sexe est déterminé, et la longueur cépha-
lothoracique (Lc), correspondant à la longueur séparant la base du rostre de la limite
postérieure du céphalothorax, est mesurée au pied à coulisse.
Après l'examen macroscopique des crevettes, un contrôle microscopique est égale
ment effectué sur chaque crevette parasitée afin de confirmer la présence du parasite.

RESULTATS

1. Symptomatologie de la parasitose
A l'observation macroscopique, les crevettes parasitées présentent dorsalement une
coloration blanc opaque qui s'étend du céphalothorax aux segments abdominaux
(planche 1). Dans la majorité des cas, ces crevettes prennent une teinte plus sombre
que les crevettes non infectées (planche 2). Dans le cas de fortes infestations,
l'opacité s'étend à tous les appendices, ainsi qu'aux antennules et uropodes sous
forme de cordons blanchâtres (planche 1 ).
Du point de vue histopathologique, tous les organes sont atteints: gonades, cœur,
intestin, hépatopancréas, muscles, chaîne nerveuse et branchies.
L'étude microscopique des organes, révèle la présence dans les tissus d'un très grand
nombre de vacuoles en forme de rosaces, renfermant chacune 8 spores (planche 3).
Les spores libérées par rupture de la membrane vacuolaire sont pyriformes et ont une
taille de l'ordre de 5 um de long sur 3 um de large (planche 4).

2. Impact de la microsporidiose sur la population étudiée

2.1. Structure démographique de la population (tableau 1)

2.2. Prévalence de l'infection (tableau 2)


Pour effectuer ce dénombrement, nous avons considéré toutes les crevettes qui
présentaient une opacité sur la face dorsale, après avoir contrôlé en microscopie
photonique la présence de la microsporidie.

2.3. Impact de la microsporidiose sur le sex-ratio (tableau 3)


Sur la population que nous avons étudiée, composée de 738 individus, nous avons
observé que 24 femelles et 13 mâles étaient parasités. La prévalence de l'infection
sur les populations est de 5%.

366
Parasitoses de Crevettes Sénégalaises

Tableau 1

Echantillons Nombre X d
1 212 19,3 2,9
2 160 19 2.7
3 226 17,9 2,8
4 140 24,2 2,9

x: moyenne de la longueur céphalothoracique (Le)


5: variance
Les limites de la Le pour le
1er échantillon: 12 mm - 26 mm
2e échantillon: 13 mm -26 mm
3e échantillon: 11 mm - 25 mm
4e échantillon: 19 mm -33 mm

Tableau 2
Echantillons Nombre total Nombre d'infectées %
1 212 12 5,6
2 160 12 7,5
3 226 10 4,4
4 140 3 2,1

Tableau 3
Echantillons Nombre total Mâles FsmsIlGS
1 212 5 7
2 160 4 8
3 226 2 8
4 140 2 1

Tableau 4
Cumul Mâles Femelles
Taille Nb Sains Malades Nb Sains Malades
(mm) total total
11-13 6 5 1 17 17 0
13-15 29 29 0 37 37 0
15-17 44 41 3 61 57 4
17-19 87 83 4 86 79 7
19-21 68 66 2 81 79 2
21-23 23 21 2 103 97 6
23-25 1 1 0 52 49 3
25-27 0 0 0 25 23 2
27-29 1 0 1 15 15 0
29-31 0 0 0 6 6 0
31-33 0 0 0 2 2 20

367
Ressources Côtières et Littorales du Sénégal
Parasitoses de Crevettes Sénégalaises
Ressources Côtières et Littorales du Sénégal

2.4. Répartition de la population en fonction de la taille et du sexe


Les données présentées ici correspondent au cumul des quatre échantillons (Tableau 4).

DISCUSSIONS
La parasitose qui affecte la crevette commerciale P. notialis (Perez-Farfante, 1967), au
Sénégal est due à une Microsporidie du genre Thelohania sp. L'affection se traduit par
l'apparition d'une coloration blanc opaque à la face dorsale de l'animal. De telles
crevettes sont désignées sous le nom de "cotton" ou "milkshrimp" (LIGHTNER, 1984).
Cette opacité serait dûe à l'invasion massive des tissus hôtes par la microsporidie et à
l'accumulation des spores dans les organes atteints (ENRIQUEZ et al., 1980).
La formation des spores regroupées au nombre de 8, dans une vacuole en forme de rosace
est caractéristique du genre Thelohania.
L'étude histopatologique a révélé la présence de l'agent pathogène dans divers organes
(muscles, cœur, glande digestive, gonades intestins). De tels sites sont rapportés pour des
Thelohania dans d'autres espèces de crevettes (OVERSTREET, 1973; FEIGENBAUM,
1975; OWENS and GLAZEBROOK, 1988). Mais c'est la taille des spores (5 u de long
x 3 u de large) qui dans l'état actuel de nos travaux, permettrait de rapprocher la
microsporidie observée chez P. notialis de Thelohania duorara (IVERIEN et MAN-
NING, 1959).
Concernant l'impact de la microsporidiose sur la population étudiée, nous avons observé
un taux d'infestation de 5%. Ce taux, bien que minimum, est dans la fourchette des taux
habituellement observés dans la nature (1 à 10%, COUCH, 1 983). Dans cette population
il semblerait qu'il y ait deux fois plus de femelles infectées que de mâles infectés.
Nous constatons d'autre part que dans la population, il y a une relative homogénéité tant
chez les mâles que chez les femelles, entre les courbes de crevettes infectées par rapport
aux crevettes saines. De plus, toutes les classes de taille sont représentées dans l'effectif
parasité, ce qui indiquerait l'absence d'une taille critique à partir de laquelle la micro-
scoporidiose se manifesterait de façon sélective. Enfin, le profil de ces histogrammes, en
rapport avec les tableaux 1 et 2, montre que la variation du taux d'infection se fait dans
le cas présent en fonction des échantillons et non pas en fonction de la structure
démographique de la population, ou du pourcentage d'infectés par échantillon.

CONCLUSIONS
Une telle étude montre l'impact que peut avoir une Microsporidiose sur une petite
population commerciale au Sénégal. Cette affection ne doit pas être ignorée et devrait
être observée à une plus grande échelle afin de déterminer son mode de transmission, car
elle constitue un réel obstacle pour l'aquaculture locale, comme c'est le cas à Katakalous.

REMERCIEMENTS
Nous remercions Monsieur Louis LE RESTE du CRODT (Dakar) pour les conseils
prodigués lors de la réalisation de ce travail. Nos remerciements s'adressent également
à Monsieur MBAYE, agent de la DPOM à Dakar, pour l'aide technique apportée.

370
Parasitoses de Crevettes Sénégalaises

11-13 13-15 15-17 17-19 19-21 21-23 23-25 25-27 27-29 29-31 31-33
Taille (mm)
Figure 1 Répartition de la population en fonction de la taille. Population mâle -
Cumul des échantillons

11-13 13-15 15-17 17-19 19-21 21-23 23-25 25-27 27-29 29-31 31-33

Taille (mm)

Figure 2 Répartition de la population en fonction de la taille. Population femelle -


Cumul des échantillons

371
Ressources Côtières et Littorales du Sénégal

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372
GESTION DES RESSOURCES HALIEUTIQUES
DANS LES ESTUAIRES DU SENEGAL

Louis LE RESTE
Centre de Recherches Océanographiques de Dakar-Thiaroye, CRODT/lSRA,
Sénégal

Résumé

La gestion des ressources a pour objectif de maximiser la production ou la valeur de la


production sans mettre en danger la ressource. Elle doit permettre également une
exploitation la plus harmonieuse possible des ressources par les différentes catégories de
pêcheurs.
Cette gestion passe par la protection des jeunes individus dont la valeur commerciale est
faible ou nulle et par un contrôle empirique de l'effort de pêche sur les adultes. Elle
nécessite des statistiques de pêche de bonne qualité, ce qui n'est généralement pas le cas
aujourd'hui, et des connaissances sur la biologie et l'écologie des principales espèces
pêchées, actuellement en cours d'acquisition.
Un bon exemple des difficultés inhérentes à la gestion des ressources est révélé par
l'évolution de la pêche crevettière en Casamance.

MANAGEMENT OF FISHING RESOURCES IN THE


SENEGALESE ESTUARIES

Abstract

The objective of resource management is to maximize production, or the value of


production, without jeopardizing the resource. It must also permit the most harmonious
exploitation possible of resources by the different categories of fishermen.
This management includes the protection of young fish whose commercial value is low
or nil, and an empirical control of the fishing of adult fish. It requires reliable statistics
on fishing, which are nowadays not generally prevalent, and knowledge of the biology
and ecology of the main species caught, which is presently being acquired.
The evolution of shrimp fishing in Casamance illustrates very well the difficulties
inherent to resource management.

INTRODUCTION
Les objectifs de gestion, au niveau des ressources, sont de deux ordres: assurer les
captures - ou la valeur de ces captures - les plus élevées possibles, sans mettre en danger
les ressources et assurer l'exploitation la plus harmonieuse possible de ces ressources par
les différentes catégories de pêcheurs.

373
Ressources Côtières et Littorales du Sénégal

Deux organismes sont responsables de cette gestion: la Direction de l'Océanographie et


des Pêches Maritimes (DOPM) et la Direction des Eaux et Forêts, des Chasses et de la
Conservation des Sols (DEFCCS).
La DOPM est en charge du delta du fleuve Sénégal, jusqu'au barrage de Diama, de
l'ensemble du complexe estuarien du Sine-Saloum et de la zone aval de la Casamance,
de l'embouchure jusqu'à Adéane. La DEFCCS est en charge de la zone située en
amont d'Adéane, en Casamance.
Le Centre de Recherches Océanographiques de Dakar-Thiaroye (CRODT) est responsa
ble des études scientifiques et doit faire des recommandations pour une bonne gestion
des pêcheries en général et des ressources halieutiques en particulier.

1. STATISTIQUES DE PECHE
Les statistiques de pêche peuvent permettre de suivre, indirectement, l'évolution des res
sources. Il faut connaître, notamment, les tonnages pêchés pour les différentes espèces,
la taille des individus pêchés, les efforts de pêche appliqués sur les principales espèces.
Les statistiques de la DOPM sont cependant davantage destinées à connaître l 'importance
économique de la pêche qu'à permettre la gestion des ressources. Elles sont très souvent
collectées lors de la transformation du poisson ou du mareyage. Dans ces conditions, il
est difficile de ventiler les captures par espèces et de mesurer les individus. Les efforts
de pêche, par ailleurs, sont mal connus. En fin de compte, de telles statistiques sont
difficilement utilisables pour la gestion des ressources.
De bonnes statistiques devraient être établies à l'arrivée des pêcheurs, au moment du
débarquement, en procédant par échantillonnages. Une telle procédure serait plus
contraignante que celle utilisée actuellement. L'expérience a cependant montré que de
bons résultats peuvent être obtenus si les agents sont motivés financièrement.
La DEFCCS a commencé depuis peu de temps la collecte des statistiques et il semble
qu'un effort soit fait pour les établir au moment du débarquement.

2. ETUDES SCIENTIFIQUES
Des recherches ont été réalisées en Casamance et sont en cours dans le Sine-Saloum. Un
programme d'étude sur le fleuve Sénégal a dû être interrompu précocement à cause du
différend sénégalo-mauritanien. Il est à souhaiter qu'il puisse être ré-activé.
Les recherches concernant les ressources halieutiques sont de trois ordres:
- description et dynamique de l'environnement aquatique;
- biologie et écologie des principales espèces pêchées;
- mise au point de systèmes de collecte de statistiques performants.
Ces recherches ont conduit, en Casamance, à faire des recommandations sur la gestion
des ressources crevettières; certaines ont été prises en considération, d'autres pas.
Le CRODT a également initié, toujours en Casamance, un début de collaboration avec
la DOPM et la DEFCCS pour l'amélioration des statistiques de pêche.

374
Gestion des Ressources Halieutiques des Estuaires

Notons que beaucoup d'espèces vivent à la fois dans les estuaires et en mer, ou comme
dans le fleuve Sénégal, dans les estuaires et les zones fluviales. Les études doivent alors
porter sur l'ensemble du cycle vital et la gestion doit concerner l'ensemble du stock.

3. REGLEMENTATION

3.1. Maximalisation des captures


La règlementation est empirique et tend, d'une part à protéger les jeunes individus,
d'autre part à limiter les performances de certains engins de pêche.
La protection des jeunes individus est assurée de différentes manières:
- fixation d'une taille ou d'un poids minimal de commercialisation: 15 cm pour les
ethmaloses par exemple, 6 cm pour les huîtres, 5 g pour les crevettes;
- fixation d'une taille minimale pour les mailles de filets, par exemple, 40 cm étirée
pour les sennes de plage, 24 mm pour les filets à crevettes;
- interdiction des engins traînants, et donc des killis, filets en forme de poche
traînés par deux hommes, qui permettent de pêcher les jeunes crevettes le long des
berges;
- interdiction de pêcher les crevettes avant juin-juillet dans le Sine-Saloum;
- interdiction de pêcher les crevettes en aval de Ziguinchor et en amont de Goudomp
en Casamance.
Pour limiter la pression de pêche sur l'ensemble des populations de poissons ou de
crevettes, certains filets ne doivent pas dépasser une certaine taille: 150 m pour les
sennes de plage, 30 m pour les filets maillants à mulets et ceux à crevettes. D'autre
part, le nombre de pêcheurs peut être contrôlé par la délivrance d'une carte profes
sionnelle.
En fait, les infractions sont fréquentes. Sur le fleuve Sénégal, les sennes de plage peuvent
atteindre 700 à 800 m avec des mailles de 10 à 12 mm; en Casamance, l'une d'elles atteint
3000 m. Les filets maillants mesurent communément une centaine de mètres. La pêche
des crevettes est largement pratiquée en aval de Ziguinchor, en Casamance. Selon les
cas, ces infractions sont tolérées ou assez mollement réprimées.

3.2. Cohabitation entre différents types de pêche


Il est connu que l'utilisation simultanée d'engins passifs et d'engins traînants est une
source permanente de conflits. L'interdiction de ces derniers dans les estuaires est donc
de nature à limiter les conflits.
Cependant, même entre engins passifs, la cohabitation est parfois difficile. Ainsi, en
Casamance, les filets fixes à crevettes sont maintenus de part et d'autre de pirogues
solidement ancrées. Or, les ancres déchirent les filets à poissons. C'est en partie pour
réserver de vastes étendues aux pêcheurs de poissons que la pêche des crevettes est
interdite en aval de Ziguinchor. Or on a vu cependant que cette interdiction n'était pas
respectée.

375
Ressources Côtières et Littorales du Sénégal

La cohabitation entre différents types d'engins peut être difficile pour des raisons autres
que physiques. En casamance, deux types d'engins sont utilisés pour la pêche des
crevettes. D'une part les filets maillants ou fêlé félé qui peuvent opérer dans les zones
peu profondes où, à côté de crevettes assez grosses, vivent de nombreux individus de
petite taille. D'autre part les filets fixes qui ne peuvent être mouillés que dans les zones
les plus profondes où le courant est assez fort et qui capturent les plus grandes crevettes
en migration vers la mer. Il est donc évident que lesféléfélé hypothèquent les captures
des filets fixes, ce qui génère des conflits.

4. UN EXEMPLE DE GESTION DIFFICILE: LA PECHE


CREVETTIERE EN CASAMANCE
Jusqu'en 1984, les crevettes étaient pêchées uniquement à l'aide de filets fixes. De ce
fait, seules les plus grosses crevettes, en migration vers la mer, étaient capturées. Ce type
de pêche était rationnel car il permettait vraisemblablement de maximiser les captures et
plus encore la valeur de la production puisque le prix de kilogramme augmente avec la
taille. Par ailleurs, la pêche n'était autorisée qu'entre Ziguinchor et Goudomp, ce qui
présentait un double avantage: d'une part protéger les jeunes crevettes, la taille étant en
effet généralement petite en amont de Goudomp pour des raisons de salinité et en aval
de Ziguinchor parce que le courant est trop fort; d'autre part, réserver de vastes espaces
aux pêcheurs de poissons. L'interdiction de pêcher en aval était assez bien respectée car
les captures en amont étaient importantes et de bonne qualité. Tout semblait donc aller
pour le mieux. Nous avions cependant montré (LE RESTE, 1981, 1983) que les
ressources crevettières pouvaient varier assez fortement en fonction de la salinité et donc
de la pluviométrie. Aussi écrivions-nous en 1983: "Les conséquences de la prépondé
rance des variations du stock liées à l'environnement dans l'actuelle phase d'exploitation
sont importantes. Alors que la DOPM espérait, grâce à une règlementation judicieuse,
maintenir la production à un niveau voisin de 1 500 tonnes, elle devrait varier entre les
limites de 800 et 1 600 tonnes. Il serait donc raisonnable d'organiser la pêcherie en se
basant sur une production moyenne de 1 200 tonnes". Effectivement, du fait de la
sursalure, les captures tombaient à 745 tonnes en 1984 et 844 tonnes en 1985.
Les pêcheurs, trop nombreux pour les ressources existantes, réagirent de trois manières.
Certains allèrent pêcher en Gambie et en Guinée-Bissau. D'autres utilisèrent les filets
maillants sur les hauts-fonds; les crevettes pêchées étaient plus petites mais les rende
ments étaient nettement supérieurs à ceux des filets fixes. Enfin, beaucoup de pêcheurs
au filet fixe se déplacèrent vers l'aval où les rendements étaient un peu plus élevés qu'en
amont.
Le Ministère du Développement Rural demanda, en 1986, l'appréciation du CRODT sur
les filets maillants. Après enquête, nous soulignions dans notre rapport (LE RESTE,
1987): "On peut donc affirmer que le filet fixe, pêchant au niveau du chenal une
population sur le point de migrer vers la mer, est l'engin de pêche idéal. Tout autre engin,
et notamment le félé félé - filet maillant - pêchant sur les hauts-fonds entraînera une
dépréciation des résultats de la pêcherie, sinon en terme de tonnage capturé, du moins
en terme de valeur". L'utilisation des filets maillants fut néanmoins légalisée en 1988.

376
Gestion des Ressources Halieutiques des Estuaires

L'interdiction de pêcher en aval fut en revanche maintenue mais ne fut pas respectée,
peut-être en partie parce que les filets maillants hypothèquent les captures des filets fixes
en amont.
Depuis 1985, la situation haline de l'estuaire s'est améliorée et les captures sont à
nouveau élevées, aux environs de 1 600 tonnes. Les résultats actuels ne peuvent
cependant pas être comparés à ceux d'avant 1984, car ils incluent le tonnage, inconnu,
pêché en aval. Or, les crevettes de l'aval, si elles n'étaient pas capturées, ne remonteraient
pas en amont mais migreraient en mer où elles seraient exploitées par la pêcherie
industrielle.
D'autre part, les crevettes pêchées sont assez petites. Il est donc probable que la valeur
de la production actuelle est inférieure à ce que permettrait une meilleure gestion de la
ressource.
Ce qui est plus grave, c'est qu'une dynamique s'est créée où les pêcheurs tentent de
compenser la diminution de la qualité par une augmentation des rendements, ce qui se
traduit par un effort sur les jeunes.

CONCLUSION
On n'a pas pour le moment enregistré de diminution des captures imputables à une
mauvaise gestion des ressources. On a vu cependant qu'en Casamance un risque sérieux
existe en ce qui concerne les crevettes.
C'est peut-être parce qu'il n'y a pas eu d"'accidents" dans la production qu'on note un
certain désintérêt pour la gestion des ressources, désintérêt qui se manifeste de différentes
manières:
- Statistiques de pêche de qualité insuffisante. Il est indispensable de faire de sérieux
efforts dans ce domaine car il est difficile de prendre la température d'un patient avec
un thermomètre défectueux.
- Très grande tolérance vis-à-vis des infractions à la règlementation. Peut-être vau
drait-il mieux qu'elle soit moins contraignante sur certains points et mieux
appliquée.
- Priorité accordée aux contraintes sociales sur celles liées à la gestion des ressources
comme l'a montré l'autorisation desfêléfêlé en Casamance.
Il est vrai que la gestion des pêcheries est complexe et que la gestion des ressources n'en
constitue qu'un aspect. Il serait cependant dangereux de postuler que les contraintes sont
négligeables à ce niveau. Et l'exemple de la Casamance montre que des problèmes au
niveau des ressources se répercutent immédiatement au plan social.

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Ressources Côtières et Littorales du Sénégal

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378
CONFLITS LIES AU SECTEUR DES PECHES
SENEGALAISES

Moustapha KEBE et Louis LE RESTE


Centre de Recherches Océanographiques de Dakar-Thiaroye, CRODT/lSRA,
Sénégal

Résumé

Les pêcheries sénégalaises sont très complexes et présentent quatre caractéristiques


principales; elles sont séquentielles, multispécifiques, multi-engins et "multiflottilles".
Les flottilles artisanales et industrielles (sénégalaise et étrangère) exploitent les mêmes
stocks. Elles développent des stratégies de pêche qui varient à court et à moyen terme en
fonction de facteurs biologiques, sociaux et économiques (disponibilité de la ressource,
innovations technologiques, coûts de production, structures des marchés intérieurs et
extérieurs, etc.).
Selon les textes régissant la pêche au Sénégal, il ne devrait théoriquement pas exister
d'interférence entre pêche artisanale et pêche industrielle. Or, on assiste à une exacerba-
tion de conflits multiformes entre ces deux sous-secteurs ainsi qu'au sein de la pêche
artisanale pour l'exploitation des ressources halieutiques situées dans la Zone Economi
que Exclusive sénégalaise.
Les auteurs établissent une typologie des conflits liés aux interactions entre les différentes
pêcheries et la politique d'aide au secteur des pêches au Sénégal. Parallèlement, des
solutions et alternatives à la résolution des conflits sont proposées.

CONFLICTS RELATED TO THE FISHING SECTOR IN SENEGAL

Abstract

Senegalese fisheries are of a very complex nature and have four main characteristics:
sequential, multi-specific, using multiple fishing tackle and fleets.
Both small-scale and industrial fleets (Senegalese and foreign) exploit the same stocks.
They elaborate fishing strategies which vary in the short and medium term with respect
to biological, social and economic factors (availability of the resource, technological
innovations, production costs, structure of domestic and foreign markets, etc.).
According to the fishing laws in Senegal, theoretically there should be no interference
between small-scale and industrial fishing. Yet there is an increase in the multiform
conflicts between the two sub-sectors as well as within small-scale fishing for the
exploitation of the fishing resources located in "The Senegalese Exclusive Economic
Area".

379
Ressources Côtières et Littorales du Sénégal

The authors establish a typology of the conflicts related to the interactions between the
different fisheries and the policy of assistance to the fishing sector in Senegal. At the
same rime, they propose solutions and alternatives to solve the conflicts.

INTRODUCTION
Les pêcheries sénégalaises sont très complexes et présentent quatre principales caracté
ristiques. Elles sont séquentielles, multispécifiques, multi-engins et "multi-flottilles".
Des classes d'âge d'une soixantaine d'espèces de caractéristiques biologiques et de
capturabilité différentes sont exploitées par des flottilles artisanales et industrielles
(sénégalaise et étrangère).
Les stratégies de pêche développées par ces différentes flottilles varient à court et à
moyen terme en fonction de facteurs biologiques, sociaux et économiques (disponibilité
de la ressource, innovations technologiques, coût de production, structure des marchés
intérieurs et extérieurs, etc.).
D'après les textes régissant la pêche au Sénégal, il ne devrait théoriquement pas exister
d'interférence entre pêche artisanale et pêche industrielle. Or on assiste à une exacerba-
tion de conflits multiformes entre ces deux sous-secteurs pour l'exploitation des res
sources halieutiques dans la ZEE sénégalaise.
Les conflits dans les pêcheries artisanales sont également fréquents. Ils opposent en règle
générale les pêcheurs utilisant des engins fixes à ceux travaillant avec des engins mobiles
sur les mêmes zones de pêche.
La logique qui sous-tend les discours dominants sur le développement de la pêche relégue
au second plan la pêche artisanale par rapport à la pêche industrielle. La première est
considérée comme "dépassée", créatrice d'emplois et approvisionnant les marchés
locaux, donc réduite à ses seuls effets sociaux, la seconde comme "supérieure", contri
buant à l'équilibre de la balance commerciale avec les devises tirées de l'exportation.
Ces mythes sont, dans une certaine mesure, source de conflits entre pêche industrielle et
pêche artisanale au niveau de la planification du secteur de la pêche (stratégies de
développement).
Nous tenterons d'établir une typologie des conflits opposant pêcheurs artisans et indus
triels. Les conflits internes à la pêche artisanale seront analysés au travers de la pêche
crevettière casamançaise. Compte tenu de la volonté des autorités sénégalaises pour la
mise en place d'une politique de gestion rationnelle des ressources halieutiques, des
solutions et alternatives à la résolution des conflits seront proposées pour un développe
ment harmonieux et complémentaire des deux sous-secteurs.

1. INTERACTIONS ENTRE LES PECHERIES ARTISANALES ET


INDUSTRIELLES

1 .1 . Typologie des conflits

1.1.1. Violation de la réglementation


Au Sénégal, la pêche maritime est régie par des dispositions réglementaires et législatives
contenues dans le Code de la pêche maritime et ses décrets d'application.

380
Conflits Liés au Secteur des Pêches

Le plateau continental et le littoral peuvent être divisés en trois grandes régions de pêche
où opèrent bateaux industriels et pirogues traditionnelles (figure 1): la Grande Côte, la
Petite Côte et le Sud (Casamance et Sine-Saloum).
Les conflits survenant entre pêcheurs artisans et industriels se situent généralement au
niveau de la violation de la réglementation en vigueur par les bateaux industriels. Cette
violation peut revêtir différentes formes.
- Des bateaux avec licence de pêche mais opérant dans des secteurs de pêche interdits.
L'empiétement est à l'origine des interactions spatiales entre pêcheries artisanale et
industrielle. Les bateaux de pêche autorisés à pêcher dans les eaux sénégalaises
reçoivent une licence de pêche. Cette licence de pêche concède au bateau titulaire le
droit de pêcher dans une zone bien définie. C'est ainsi que les sardiniers sont
autorisés à pêcher à l'intérieur des 3 milles marins. Les chalutiers basés à Dakar
(pêche fraîche) ne peuvent pêcher dans les zones situées au-delà des 6 milles marins
tandis que les chalutiers non basés au Sénégal (chalutiers congélateurs) sont autorisés
à pêcher au-delà des 12 milles nautiques.
La pêche artisanale piroguière ou moderne (cordiers) n'est pas concernée par
la réglementation en vigueur au Sénégal. La zone des 6 milles nautiques est
exclusivement réservée aux pirogues. D'ailleurs, les pêcheurs artisans pensent
que la réservation de cette zone doit tenir compte des caractéristiques du
plateau continental. En effet sur la Grande Côte les isobathes sont près des
côtes alors que le plateau continental est plus large sur la Petite Côte et en
Casamance.
- Des bateaux détenteurs d'engins non réglementaires. La réglementation des engins
de pêche se situe à trois niveaux:
l'interdiction d'embarquer des engins autres que ceux spécifiés par la licence
de pêche (cas des chalutiers et crevettiers espagnols);
l'interdiction de certains modes de protection des chaluts;
la fixation d'un maillage minimum pour les chaluts.
- Des bateaux sans licence en flagrant délit de pêche. Ce type de fraude doit être
vraisemblablement plus fréquent de nuit que de jour. Les bateaux susceptibles de
pratiquer cette forme de violation sont surtout des étrangers autorisés à pêcher
légalement dans les pays limitrophes (Gambie, Guinée Bissau, Mauritanie) ou
exploitant des ressources distribuées très au large des côtes (thoniers, chalutiers de
pêche profonde).

1.1.2. Exploitation commune des mêmes stocks


Au Sénégal, on peut distinguer cinq grands types de stocks halieutiques: pélagiques
côtiers (sardinelles, chinchards, maquereaux, petits thoniers côtiers, isophoridés), démer-
saux côtiers (poissons de fond, crustacés, mollusques), pélagiques hauturiers, démersaux
profonds et estuariens. Chacun d'eux correspond à une unité soit géographique, soit
biologique bien nette et est souvent liée à un système d'exploitation particulier possédant
ses propres contraintes d'ordre biologique, social et économique.
Sur certains de ces stocks on assiste à des interférences entre pêcheries artisanale et
industrielle engendrant des conflits entre les pêcheurs. Les stocks pélagiques côtiers sont
exploités aussi bien par les pirogues pêchant à la senne tournante, au filet maillant

381
Ressources Côtières et Littorales du Sénégal

Figure 1 Les grandes zones de pêche du plateau continental sénégalais (d'après la


carte marine n° 5847)

382
Conflits Liés au Secteur des Pêches

encerclant, à la senne de plage, à la ligne que par les sardiniers. Les stocks démersaux
côtiers sont exploités par les pirogues pêchant au filet encerclant, à la ligne, au casier et
par les chalutiers (basés ou non à Dakar).
L'exploitation de ces stocks pose le problème de la réglementation d'une part des zones
de pêche et d'autre part des maillages utilisés par les chalutiers. Ces derniers travaillant
avec un maillage trop petit dans les zones de reproduction et de nurserie, rejettent 40 à
60% de leurs prises, d'où un appauvrissement des stocks. Outre le fait qu'il engendre de
fréquents conflits entre artisans et industriels, ce problème est extrêmement grave pour
la conservation des ressources, notamment si on veut augmenter l'effort de pêche.
Si la saison de pêche est permanente sur la Petite Côte, par contre sur la Grande Côte, à
la campagne de Kayar succède celle de Saint-Louis. L'alternance des régions climatiques
explique la variété et l'abondance de poissons dans les eaux sénégalaises ainsi que les
phénomènes migratoires des populations de pêcheurs artisans. Une analyse de l'impor
tance relative de la flottille artisanale par rapport aux flottilles industrielles opérant dans
chaque zone nous donnera une idée de l'ampleur des conflits.
1.1.2.1. Zone 1 ou Grande Côte
Cette zone, située entre Dakar et la frontière sénégalo-mauritanienne, est fréquentée par
certains crevettiers sénégalais et français. Des poissonniers de ces nationalités y sont
également en activité. 70% des chalutiers en activité opèrent théoriquement dans le
secteur situé au-delà des 6 milles marins. A l'intérieur de ce secteur, 1 8% de bateaux sont
concentrés au sud de Dakar, les autres opérant au nord, hors de la zone 1 . En 1989, 24%
de l'effort de pêche des chalutiers de fond a été effectuée dans la zone considérée.
La pêche artisanale est très concentrée sur la Grande Côte avec deux centres de
débarquement importants, Kayar et Saint-Louis. Du fait des migrations de poissons et
de la difficulté du passage de la barre à certaines périodes, la pêche y est saisonnière; les
pêcheurs professionnels qui suivent cette migration des poissons se déplacent toute
l'année sur le littoral sénégalais. 1 018 pirogues en activité ont été recensées en avril
1989 contre 1 001 en septembre, d'où les nombreux conflits entre pêcheurs artisans et
industriels pendant la saison de pêche dans la zone.
Depuis quelques années, les pêcheurs artisans se plaignent du franchissement de la zone
des 6 milles par les chalutiers en infraction, fréquemment repérés en train de pêcher sur
des fonds de 1 8 m, ce qui correspond à une distance très proche de la côte; la conséquence
porte sur la destruction d'engins fixes (filets dormants) de pirogues à l'ancre. Ce
phénomène se traduit par une sérieuse baisse de la productivité des pirogues qui voient
baisser rapidement les ressources qui leur sont accessibles et se trouvent contraintes
d'aller chercher le poisson de plus en plus loin sur des fonds de pêche plus rentables. Il
s'ensuit une hausse de la consommation de carburant qui n'est pas nécessairement
répercutée sur le prix de vente du poisson.
Dans d'autres points de débarquement de la zone, notamment à Fass Boye, la faible
population locale et l'isolement géographique encouragent, semble-t-il, les infractions
qui deviennent de plus en plus fréquentes occasionnant souvent de graves accidents.
Beaucoup de chalutiers viennent régulièrement pêcher près de la côte, tous feux éteints
et détruisent tout sur leur passage.

383
Ressources Côtières et Littorales du Sénégal

1.1.2.2. Zone 2 ou Petite Côte


Les particularités de cette zone située entre Dakar et la frontière nord gambienne sont
essentiellement:
- la diversité des pavillons (sénégalais, CEE);
- la grande mobilité des bateaux en liaison avec la courte durée des marées et leur
nombre;
- l'existence de plusieurs modes de pêche (chalutage classique de fond, chalutage en
boeuf, chalutage semi-pélagique...).
A cela s'ajoute une flottille piroguière très active pouvant aller très loin des côtes. La
pêche artisanale est plus diversifiée dans cette zone, Mbour, Joal et Hann constituant les
centres de débarquement les plus importants. La pêche se pratique toute l'année et les
migrations sont moins nombreuses et de courte durée.
Dans cette zone on note des conflits entre pêches artisanale et industrielle d'une part et
entre pêches artisanale et semi-industrielle (sardiniers) d'autre part. En effet, en avril
1989, 204 pirogues pêchant à la senne tournante et 1 30 au filet maillant encerclant étaient
en activité dans la zone contre 163 et 55 respectivement en septembre. Ainsi, pendant la
saison chaude, la présence de sardinelles dans la zone de Dakar est susceptible d'occa
sionner une interférence entre les pêcheries qui évoluent entre les bandes 15 et 50 m.
Cette exploitation de sardinelles se fait aux dépens des jeunes reproducteurs. Une des
conséquences de cette interaction entre d'une part pirogues de senne tournante et de filet
maillant encerclant, et d'autre part sardiniers, est la baisse importante des prises de
sardinelles rondes qui suggère l'idée d'une surpêche. Il est cependant possible que cette
baisse provienne de modifications hydrologiques.
L'importance relative de la flottille piroguière traduit l'ampleur des conflits avec les
chalutiers dans cette zone. Près de 7 1% du parc (2 594 embarcations) en avril 1 989 contre
75% en septembre (3 125 pirogues) y étaient en activité; 82% des chalutiers qui opèrent
théoriquement au-delà des 6 milles sont concentrés au Sud de Dakar contre 60% des
chalutiers étrangers non basés à Dakar (CEE) et quelques chalutiers français et sénéga
lais opérant théoriquement au-delà des 12 milles. En 1989, 42% de l'effort de pêche
des chalutiers de pêche profonde ont été effectués dans cette zone. Ces bateaux, qui
viennent pêcher près de la côte, détruisent et emportent souvent le matériel de pêche des
piroguiers.
1.1.2.3. Zone 3 ou Casamance
La zone comprise entre la frontière gambienne et la frontière Sud du Sénégal est
fréquentée par des poissonniers et crevettiers sénégalais, français, italiens, grecs et
espagnols. Pendant la morte saison de pêche à la crevette, de juillet à septembre, certains
crevettiers opérant dans la zone l se déploient vers le stock de crevettes situé au Sud. Du
fait de la proximité de la Gambie et de la Guinée Bissau, sont fréquentes, dans ce secteur,
les violations par les bateaux étrangers. Les conflits entre pêches artisanale et industrielle
y semblent moins importants en raison du nombre réduit de pirogues opérant dans cette
zone (entre 3 et 6% du parc piroguier selon les saisons) et de la faible interférence des
différentes pêcheries. En 1 989, 45% de l'effort de pêche des chalutiers de pêche profonde
ont été effectués dans cette zone.

384
Conflits Liés au Secteur des Pêches

1.1.3. Recrutement de pêcheurs par des bateaux


Depuis quelques temps, on a noté le recrutement souvent clandestin de pêcheurs artisans
par des bateaux-usines coréens et espagnols soit comme guides pour leur indiquer les
lieux de pêche favorables soit en les embarquant avec leurs moyens de production pour
la pêche au large des côtes sénégalaises ou dans les eaux relevant de lajuridiction d'autres
pays pour lesquels les bateaux possèdent une licence de pêche. Dans ce dernier cas, les
pêcheurs artisans travaillent pour le compte du bateau et le produit est traité à bord pour
une éventuelle exportation. Très souvent les délais sont très longs pour le règlement des
"salaires" aux piroguiers puisqu'il ne se fait qu'après la vente du produit pêché de retour
dans le pays d'origine. C'est là une source de conflit qui, non seulement porte préjudice
aux pêcheurs, mais aussi réduit considérablement l'activité des pirogues et donc les
débarquements de la pêche artisanale, d'où un manque à gagner pour les pêcheurs
embarqués et pour la population locale privée en partie de poisson. On peut s'inter
roger sur le caractère licite ou non du recrutement de pêcheurs artisans avec tous leurs
moyens de production à bord des bateaux industriels, la loi n'étant pas explicite en
la matière.

1.1.4. Planification du secteur des pêches


Jusqu'à une époque récente, les institutions financières ne participaient pas de façon
significative et directe au financement de la pêche artisanale. La pêche artisanale se
finance en marge du secteur financier structuré ou privé: le pêcheur artisan a recours en
premier lieu à ses propres ressources et au crédit informel pour l'acquisition de pirogues
et l'équipement annexe.
La pêche artisanale bénéficie d'une aide financière de l'Etat puisée en partie dans la
Caisse d'encouragement à la pêche et à ses industries annexes (CEPLA) dont les fonds
proviennent des cotisations des armements industriels, des conserveurs, des fabricants
d'emballages, des entreprises et mareyeurs d'exportation, des redevances sur les droits
de pêche et amendes.
Enfin l'Etat accorde une subvention d'exploitation aux armements (carburant consommé
par les pirogues et gas-oil mer) qui se décompose en une détaxe (manque à gagner) et
une intervention de la Caisse de Péréquation et de Stabilisation des prix. Les moteurs et
filets sont acquis à un prix hors taxe. On évalue à plus d'un milliard de francs CFA, le
montant des subventions, transferts et détaxes octroyés à la pêche artisanale. Quand
on sait que, sur demande de certains usiniers, la pêche artisanale approvisionne les
industries de la place (BAKHAYOKHO et KEBE, 1989) on peut se demander qui
profite de toutes ces sommes, si ce n'est pas les industries et les consommateurs
étrangers.
La pêche industrielle a bénéficié d'un financement structuré privé et public. Les princi
pales sources de fonds étaient la Banque Nationale de Développement du Sénégal
(BNDS), les banques privées et surtout la Société financière pour le développement de
l'industrie et du tourisme (SOFISEDIT) avec le Crédit Maritime.
L'analyse du financement du secteur de la pêche montre que les pêcheurs artisans
travaillent avec plus de 70% de fonds propres contre 4 à 5% pour la pêche industrielle
qui a longtemps bénéficié du soutien de l'Etat, des banques et organismes financiers.
Cette inégalité constatée dans la répartition du financement à l'intérieur du secteur de la

385
Ressources Côtières et Littorales du Sénégal

pêche avantage le sous-secteur industriel par rapport à l'artisanat et met en évidence les
conflits entre les deux sous-secteurs. L'examen de la logique qui sous-tend les discours
sur le développement de la pêche permettra de mieux appréhender les sources et
conséquences de tels conflits.
La pêche artisanale est considérée par les "développeurs" comme une forme de produc
tion "dépassée" qu'il s'agit de faire évoluer vers de formes "supérieures", d'abord
semi-industrielles (cordiers) puis industrielles dans un second temps. On compte alors
sur les effets d'entraînement de la pêche industrielle pour contribuer à l'accumulation du
capital et sur les devises tirées de l'exportation des produits de la pêche industrielle pour
équilibrer la balance commerciale. On ne perçoit la pêche artisanale que comme créateur
d'emplois et fournisseur du marché intérieur: la pêche artisanale est ainsi réduite à ses
effets sociaux. De là à confondre l'entrée de devises et la création de richesse nationale,
il n'y a qu'un pas. La pêche artisanale est ainsi reléguée au second rang et constitue le
"parent pauvre" de la planification des pêches. Par contre, la pêche industrielle consi
dérée comme économiquement plus efficiente bénéficie ainsi des subventions à l'expor
tation, de crédits et d'avantages substantiels.
Les travaux de recherches socio-économiques menées au CRODT ont montré qu'avec
la pêche artisanale sénégalaise il est possible de concilier rentabilité de capital, faiblesse
de l'investissement, forte utilisation de main-d'œuvre et taux élevé de valeur ajoutée. La
pêche artisanale est, au regard de la pêche industrielle, la plus efficiente économiquement
et socialement et répond davantage aux intérêts de la collectivité nationale (WEBER et
FONTANA, 1983).

1.2. Politique de gestion des ressources halieutiques


Elle repose sur un certain nombre de mesures de protection, de contrôle et de surveillance.
En effet, un vaste programme intitulé "Protection et Surveillance des Pêches au Sénégal"
(PSPS) a débuté en 1983 avec l'aide du Gouvernement canadien. La maîtrise d'œuvre
est assurée par la DOPM qui est assistée par le CRODT pour le volet scientifique et par
le Ministère des Forces armées (Marine Nationale et Armée de l'air) pour le volet
répressif. Le Canada a fourni à cet effet des équipements et un avion équipé (principale
ment pour la prise de photos aériennes). L'objectif visé par ce système de surveillance
est d'identifier et de poursuivre les navires pirates étrangers, donc à court terme
d'interdire les prélèvements sauvages et incontrôlés des stocks. En associant les obser
vateurs embarquant à bord de bateaux travaillant sous licence, ce système permet de
contrôler les lieux et la durée de pêche de ces navires. Il doit également parvenir à faire
respecter les zones de pêche attribuées aux différentes flottilles opérant dans les eaux
sénégalaises.
Pour atténuer de manière significative les conflits entre pêcheurs artisans et industriels,
la Direction du PSPS a préconisé des mesures d'ordre préventif:
- La surveillance accrue des zones de pêche névralgiques aussi bien par les vedettes
de patrouille, par l'avion que par les inspecteurs de pêche embarqués à bord des
bateaux. De cette façon, il leur est possible de surveiller l'activité des autres navires
évoluant dans les mêmes zones de pêche qu'eux-mêmes.

386
Conflits Liés au Secteur des Pêches

- La sensibilisation des pêcheurs pour une utilisation de bouées lumineuses (et non de
drapeaux invisibles la nuit).
- La création de brigades villageoises de surveillance à encadrer par des agents
assermentés des pêches maritimes. A noter que cette mesure ne pourra produire
d'effets positifs que si le PSPS prend en charge, comme le souhaitent les pêcheurs
eux-mêmes, les moyens de fonctionnement de ces brigades villageoises (achat de
pirogues et de moteurs, carburant).
- La déclaration préalable auprès des services locaux de l'océanographie et des pêches
maritimes de tous les engins de pêche acquis par les pêcheurs. Cette mesure liée vise
à permettre d'apprécier, de manière plus exacte, les pertes déclarées par les pêcheurs
artisans qui ont tendance à surestimer le montant des dégâts matériels.

2. CONFLITS DANS LES PECHES ARTISANALES: CAS DE LA


PECHE CREVETTIERE EN CASAMANCE
Les conflits opposant les pêcheurs artisans opérant sur le littoral ont été identifiés pour
la plupart (Joal et Kayar) et analysés par la recherche (BAKHAYOKHO et al., 1986;
BAKHAYOKHO, 1990; CRODT, 1985). Il en est de même des conflits existant entre
pêcheurs et les autres agents économiques impliqués dans la filière pêche artisanale,
notamment les mareyeurs (CHABOUD et KEBE, 1989; KEBE, 1985).
La pêche crevettière en Casamance a toujours été conflictuelle. La nature des conflits a
cependant changé au fil des années. Jusqu'au début des années 1980, les litiges oppo
saient généralement les pêcheurs aux usiniers de Ziguinchor. Ces derniers, qui fournis
saient le matériel aux pêcheurs et avaient le monopole de la commercialisation, étaient
en position de force pour imposer leurs prix. Avec l'aide du gouvernement et de certaines
ONG, les pêcheurs organisés en GIE, se sont libérés de la tutelle des usiniers. Ces derniers
ont par ailleurs perdu leur monopole et se sont trouvés en concurrence avec les établis
sements de Dakar. Les pêcheurs ont pu alors obtenir des prix plus équitables et les litiges
entre eux et les usiniers ont perdu de leur acuité.
Depuis quelques années, les conflits tendent à opposer certaines catégories de pêcheurs:
les pêcheurs de poisson aux pêcheurs de crevette; les pêcheurs de crevettes qui utilisent
les filets fixes à ceux qui utilisent les filets maillants oufélé-félè. Ces conflits aboutissent
parfois à des actions violentes.

2.1. Nature des conflits actuels

2.1.1. Opposition entre pêcheurs de poissons et pêcheurs de


crevettes
D'une manière générale, les pêcheurs de crevettes ne sont pas gênés par les pêcheurs de
poissons. L'inverse n'est malheureusement pas vrai. Deux engins sont autorisés pour
pêcher les crevettes: les filets fixes et les filets maillants ou félé-félé. Les premiers sont
maintenus de part et d'autre de pirogues qui sont immobilisées dans le chenal à l'aide de
grosses ancres; la pêche a lieu uniquement la nuit à marée descendante mais les ancres
restent à demeure et déchirent les filets des pêcheurs de poissons.

387
Ressources Côtières et Littorales du Sénégal

2.1.2. Opposition entre pêcheurs de crevettes


Quelques mots sur le cycle de migration des crevettes sont nécessaires pour comprendre
les conflits entre pêcheurs. Les crevettes se reproduisent en mer. Les larves, après environ
trois semaines de vie planctonique, pénètrent dans les estuaires, notamment celui de la
Casamance. Les crevettes vont alors grandir près des berges, dans les zones peu
profondes. Puis elles tendent à gagner le chenal avant d'être entraînées vers la mer où
elles continueront leur croissance et se reproduiront.
Les filets fixes, nous l'avons dit, pèchent dans le chenal les crevettes en migration vers
la mer. Les filets maillants sont utilisés sur les hauts fonds et pèchent des crevettes plus
jeunes. Plus les filets maillants capturent de jeunes crevettes, moins les filets fixes ont
de chances de capturer des crevettes âgées en migration. D'où l'hostilité des pêcheurs
aux filets fixes contre les filets maillants.

2.2. Réglementation et situation réelle


Les limites de la zone où la pêche des crevettes est autorisée ont été modifiées à
différentes reprises. Depuis 1 98 1, cette zone s'étend de Ziguinchor jusqu'à un kilomètre
en amont de Goudomp et sur le Soungrougrou jusqu'aux villages de Babate et Diao
inclus. Cette réglementation a été à peu près respectée jusqu'en 1984. Mais, cette année
là, la sursalure est devenue telle en amont de Ziguinchor que les ressources en crevettes
ont beaucoup diminué dans la zone où la pêche est autorisée et un grand nombre de
pêcheurs ont migré en aval. Les années suivantes, bien que la salinité ait diminué en
amont, la pêche en aval est restée très importante en dépit des saisies opérées par la
Direction de l'Océanographie et des Pêches Maritimes (DOPM).
Depuis l'origine de la pêcherie, en 1960, jusqu'en 1984, la quasi totalité des crevettes
était capturée à l'aide de filets fixes en forme de poche. Ce n'est qu'à partir de 1985 que
les félé-félé se sont multipliés. Un arrêté de 1988 limite leur longueur à 30 m mais cette
clause n'est pas respectée. Il semble que les conflits actuels soient dus au fait que la
réglementation n'est pas suivie d'effet: les groupes qui se sentent lésés tendent alors à
se faire justice eux-mêmes.
L'administration des pêches évoque un manque de moyens pour faire respecter le
règlement. Il semble plutôt qu'elle hésite à appliquer la réglementation avec rigueur de
crainte que d'autres problèmes n'apparaissent.

2.2.1. Niveau des captures de crevettes


La suppression de la pêche en aval de Ziguinchor constituerait probablement une perte
nette. En effet, si les crevettes pêchées par les filets fixes dans la zone de Pointe
Saint-Georges restaient libres, elles migreraient probablement, pour la plupart vers la
mer et seraient donc perdues pour la pêche artisanale. Elles pourraient cependant être
pêchées par les chalutiers.
En revanche, les crevettes qui ne seraient pas pêchées par lesfélé-félé, devenus moins
performants, pourraient l'être plus tard par les filets fixes. Elles seraient moins
nombreuses, du fait de la mortalité naturelle, mais plus grosses, ceci pouvant compenser
cela.

388
Conflits Liés au Secteur des Pêches

Il est à noter que les captures, qui s'étaient maintenues aux alentours de 1 600 tonnes
entre 1986 et 1990 sont tombées à 1 280 tonnes en 1991. Il n'est pas impossible que cette
diminution corresponde à une surexploitation du stock du fait d'un effort de pêche trop
important sur les juvéniles; par ailleurs, les crevettes, pêchées à une plus grande taille
auraient une valeur marchande plus importante.
Lors d'une réunion consacrée à la pêche crevettière en Casamance, en septembre 1991,
il était apparu vraisemblable que les meilleurs résultats seraient obtenus en autorisant la
pêche en aval de Ziguinchor pendant quelques mois de l'année et en supprimant la pêche
aufélé-félé en amont.
Une estimation du meilleur modèle de gestion nécessiterait une action de recherche. Il
faudrait notamment connaître ce qui est péché, en quantité et en qualité, par les filets
fixes en aval de Ziguinchor et par les deux types de filets en amont.

2.2.2. Nombre de pêcheurs de crevettes


Une application rigoureuse du règlement actuel aboutirait probablement à une diminu
tion du nombre d'emplois dans la pêche crevettière.

CONCLUSION
Les interactions entre les pêcheries artisanale et industrielle se traduisent par l'exploita
tion commune d'un même stock et par l'incursion (passage ou pêche) des unités de pêche
industrielle (chalutiers) dans la zone côtière réservée à la pêche artisanale avec comme
conséquences:
- Des abordages et des destructions importantes de pirogues et engins de pêche: le
coût de ces pertes pour la pêche artisanale est estimé à 100 millions de F CFA par
an. A la suite de ces accidents, le non respect par les pêcheurs artisans de l'utilisation
du matériel de sécurité est constamment relevé (gilet de sauvetage, matériel de
signalisation, etc.).
- Un appauvrissement général des stocks, les chalutiers travaillent avec un maillage
trop petit dans les zones de reproduction et de nurserie. Les filets utilisés raclent le
fond, capturant simultanément un ensemble d'espèces et la sélection de taille qui se
fait au niveau de la poche terminale est fonction uniquement de la dimension du
maillage. Les chalutiers rejettent ainsi 40 à 60% de leurs prises (suivant le type de
pêche). Ces rejets concernent des espèces non encore commercialisables ou n'ayant
pas encore atteint leur taille commerciale.
Ce problème est extrêmement grave pour la conservation des ressources, notamment si
on veut augmenter l'effort de pêche sur le plateau continental. Dans une telle situation,
il faudrait renforcer les moyens financiers et humains pour l'application des lois exi
stantes tant pour la réglementation des maillages que pour la protection des zones de
pêche artisanale contre les incursions de navires industriels.
Lorsqu'une incursion des unités industrielles dans la zone côtière réservée à la pêche
artisanale se traduit par une destruction des engins de pêche, la responsabilité est difficile
à établir. Généralement ce sont les pêcheurs eux-mêmes qui, une fois les dégâts constatés,
procèdent à l'identification du navire en l'absence des agents assermentés des pêches
maritimes. Ces derniers refusent souvent de participer aux brigades locales de surveillance

389
Ressources Côtières et Littorales du Sénégal

constituées par les pêcheurs artisans. Or, la preuve de destruction n'est établie que s'il y
a constat de l'agent local assermenté des pêches maritimes. On assiste ainsi à des
contestations ou à des refus de dédommagement de la part des armements industriels
présumés coupables. Les bateaux incriminés reviennent régulièrement pêcher dans les
zones interdites, malgré les amendes qui leur sont infligées dans la mesure où le montant
des redevances est de loin inférieur aux gains tirés de la violation des zones de pêche.
Pour être réellement efficace, le système de protection et de surveillance des pêches doit
être dissuasif et crédible. La dissuasion serait atteinte par exemple si un commandant de
pêche était convaincu qu'il serait immanquablement arraisonné ou identifié en pêchant
dans une zone interdite et que les peines encourues l'emporteraient très nettement sur les
gains espérés (FONTANA, 1983).
Il y a quelques années, un inspecteur des pêches de Ziguinchor à qui on posait la question
de l'utilité d'une réglementation qui n'est pas respectée avait répondu que la situation
serait pire s'il n'y avait pas de réglementation du tout. Si l'on en juge par le nombre de
pirogues crevettières au voisinage de la Pointe Saint-Georges, l'effet dissuasifsemblerait
cependant assez voisin de zéro.
La situation actuelle en Casamance n'est pas sans dangers: diminution de l'autorité de
l'Administration, risques d'actions de représailles, risques de surexploitation. Il serait
préférable de tenter de déterminer les conséquences respectives de la suppression de la
pêche des crevettes avec les filets fixes en aval de Ziguinchor et avec les félé-félé en
amont, sur les captures de crevettes et de poissons, études que le CRODT n'a pu mener
jusqu'à présent, faute de moyens. Il conviendrait bien entendu de tenir compte des aspects
sociaux. L'Administration serait alors mieux armée pour dégager, après concertation
avec la population, une réglementation conforme aux choix politiques et aux intérêts,
non seulement à court terme mais également à moyen terme, du plus grand nombre. Cette
réglementation devrait être alors appliquée avec sévérité.
Les destructions d'engins de pêche (filets fixes) surviennent généralement la nuit au
moment où l'activité des pirogues est réduite voire inexistante. Les armements industriels
profitent ainsi du repos des pêcheurs pour s'approcher du rivage tous feux éteints.
Compte tenu des nombreux cas de contestation ou de refus de dédommagement de la
part des armateurs présumés coupables, on peut penser qu'il s'avère nécessaire de
transmettre tous les dossiers au niveau de la justice en évitant autant que possible les
règlements à l'amiable. Dans ces conditions les fautifs seront punis sans aucune com
plaisance conformément aux lois et règlements en vigueur au Sénégal. La question qui
se pose est de savoir si on dispose d'un arsenal et des moyens judiciaires adéquats dans
ce domaine.
Dans le cadre de la politique d'aménagement et de gestion des ressources halieutiques,
il serait intéressant d'orienter la pêche industrielle vers l'exploitation des stocks situés
plus au sud, au niveau de la Casamance. L'exploitation industrielle du stock disponible
de petits pélagiques au large de la Casamance pourrait justifier une implantation d'un
port secondaire en Basse Casamance pour éviter la concentration des bateaux industriels
dans la zone de Dakar; toutefois, une telle réalisation demandera une étude socio-
économique préalable.

390
Conflits Liés au Secteur des Pêches

En raison du caractère migratoire de nombreuses espèces dans les eaux sénégalaises et


du fait que le Sénégal partage avec les pays voisins les mêmes stocks, il convient
d'évaluer et d'aménager ensemble les ressources halieutiques. L'exploitation de ces
ressources doit être envisagée sous un angle régional.
Il est nécessaire de rappeler que la politique d'aménagement et de planification des
pêcheries doit tenir compte non seulement des intérêts biologiques mais aussi économi
ques et sociaux souvent contradictoires qui sont enjeu. Dans cette optique, cette politique
doit s'appuyer sur des recherches de base: évaluation des ressources et de leur capacité
de renouvellement, des coûts et revenus aux différents niveaux du système avec une
analyse précise des interrelations entre ces niveaux.

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392
ESPACE TOURISTIQUE LITTORAL

TOURIST BEACHES
L'AMENAGEMENT DES ZONES TOURISTIQUES
DE LA PETITE COTE ET DE LA
BASSE-CASAMANCE: IMPACTS SPATIAUX ET
SOCIO-ECONOMIQUES D'UNE OCCUPATION
LITTORALE LINEAIRE

Binta SENE DIOUF


Laboratoire de Géographie, IFAN, Université Cheikh Anta Diop, Dakar, Sénégal

Résumé

Pour répondre aux exigences du tourisme international qui correspond à la fois à des
déplacements massifs de touristes, et à une consécration indiscutable du trophisme
littoral, le Sénégal s'est engagé à réaliser des aménagements de grande envergure sur
le littoral. Le choix porte plus particulièrement sur la Petite Côte et la Basse-
Casamance.
Cette polarisation croissante du littoral se manifeste par des concentrations de type
multiple : équipements hôteliers occupant le front de côte, infrastructures de base. Elle
induit aussi des activités diverses produisant ainsi des espaces où l'activité touristique
devient la branche maîtresse du développement local.
En réalité, ces espaces se façonnent au détriment de l'espace traditionnellement destiné
aux activités rurales. Cette situation tend à renforcer les disparités qui ont toujours existé
entre les régions littorales et celles de l'intérieur.

THE DEVELOPMENT OF TOURIST AREAS OF THE PETITE


COTE AND LOWER CASAMANCE: SPATIAL AND
SOCIO-ECONOMIC IMPACTS OF A LINEAR OCCUPATION OF
THE LITTORAL AREA
Senegal has committed itself to the development of large tourist areas in order to meet
the requirements for international tourism, implying a large influx oftourists and in turn
causing the littoral zone to be severely threatened. This tourist development is confined
to the Petite Côte and Lower Casamance.
The increasing polarization of the littoral zone is manifested by both hotel and basic
infrastructures dominating the seafront. This also generates diverse activities, thus
creating areas in which touristic activity becomes the main source of local development.
In actual fact, these areas are formed to the detriment of the area traditionally assigned
to rural activities. This situation tends to strengthen the disparities that have always
existed berween the littoral and inland areas.

395
Ressources Côtières et Littorales du Sénégal

INTRODUCTION - POSITION DU PROBLEME


Dans les pays du Tiers-Monde, le tourisme est présenté comme une panacée, une manne
susceptible de résoudre les problèmes que pose le sous-développement, par une entrée
massive de devises.
Le type de tourisme proposé, répondant aux exigences des touristes, est le tourisme
balnéaire axé sur la plage et le soleil. C'est ainsi que la plupart des pays disposant d'une
ouverture sur la mer se lancent dans une politique d'aménagement de grande envergure
de leur littoral.
L'aménagement littoral dans nos pays pose le problème d'une dualité dans les objectifs
des fonctions qui s'y déroulent: d'une part satisfaire les besoins de loisirs d'une
population en vacances et d'autre part assurer les activités de survie des populations locales.
L'espace traditionnel subit une modification brutale: il est modelé suivant les schémas
commerciaux et psycho-sociologiques des pays émetteurs. Ce qui nous amène à constater
avec CAZES (1983) que pour ce nouvel espace "il se pose avec acuité le problème de
son intégration, de sa compatibilité avec le milieu sur lequel se fait la projection" et que,
par conséquent, les structures et les équilibres traditionnels ne peuvent qu'en être
modifiés sinon compromis.
Ainsi, cette étude va s'articuler autour de trois points principaux:
- les caractéristiques d'un espace littoral touristique;
- la littoralisation linéaire de l'implantation touristique des différents types d'aména
gements;
- l'impact de ces aménagements sur les activités traditionnelles locales.

1. UN ESPACE LITTORAL TOURISTIQUE

1.1. Les limites


Cet espace touristique va de Bargny sur la Petite Côte à Kabrousse en Basse-Casamance;
c'est une bande côtière très mince d'environ 200 km de long sur 5 à 7 km de large.
Elle est interrompue dans sa partie centrale par la République de Gambie. Elle fait partie
de trois régions administratives: la région de Thiès (le département de Mbour) la région
de Fatick (une partie des Iles du Saloum, le département de Fatick) et la région de
Ziguinchor (les départements de Bignona et d'Oussouye).
Pour délimiter la Petite Côte touristique, toutes les études se réfèrent aux limites
proposées par le bureau Louis-Berger Inc. et retenues par la suite dans le décret 76840
du 24 juillet 1976: la zone touristique va de 2 km au Sud de Bargny (Minan) jusqu'à la
Pointe de Sangomar en englobant une partie des îles du Saloum, soit une longueur
d'environ 1 10 km sur une profondeur de 5 à 7 km (figure 1).
Elle englobe tous les sites à implantations touristiques en place et tous ceux qui font
l'objet de projets à court, moyen et long terme. Dans le cadre du plan d'aménagement
de la Petite Côte, cette bande côtière est divisée en futures unités d'aménagements
touristiques (UAT): celles de Toubab Dialao, Popenguine, Somone, Ngaparou, Saly,
Nianing et les Iles du Saloum; en ce moment c'est l'UAT de Saly qui est en phase de
réalisation (figure 2).

396
L Aménagement des Zones Touristiques
Ressources Côtières et Littorales du Sénégal

En Basse-Casamance, le littoral est la zone la plus densément occupée; il est aussi celui
qui portera l'essentiel des projets d'aménagement touristique de la région. Pour harmo
niser notre zone d'étude, nous avons adopté le même principe que sur la Petite Côte
c'est-à-dire "à partir d'une ligne parallèle à la côte passant à 5 km des limites du domaine
public maritime". Remarquons toutefois que cette limite (à 5 km du rivage) n'est qu'un
découpage commode puis qu'en fait l'aménagement touristique concerne l'ensemble de
la Basse-Casamance.
Selon le décret n° 84 - 1 367/MUH/DUA du 20 novembre 1 984 "le projet d'aménagement
touristique de la région de Ziguinchor couvre l'ensemble de cette région soit une
superficie totale de 7 339 km2". Cela représente toute la région administrative de
Ziguinchor, donc toute la Basse-Casamance.
Le schéma régional d'aménagement s'articule autour des zones suivantes:
- La zone littorale du Cap Skirring qui représente une bande de plage de 7 500 m et
qui comprend les anses de Boukote, l'anse dite de l'Aérodrome et l'anse du Cap
Skirring; ces sites sont tous inclus dans les limites du titre foncier no. 853 de
Basse-Casamance. Il est prévu dans le rapport final, d'étendre ce même titre foncier
ou d'en créer un nouveau de manière à inclure au Nord de cette zone d'aménagement
du Cap Skirring une portion du littoral sur une longueur d'environ 2 500 m; c'est la
région faisant transition entre la région du Cap Skirring et celle du littoral de
Diembéring, région entre les villages de Boukote et Bouyouye.
- La zone littorale de Kafountine, un littoral assez rectiligne qui se développe sur
8 000 m; dans la partie Nord de ce littoral, il est proposé, après 1989, la construction
d'une réserve foncière du domaine privé de l'Etat (incluant le Domaine Public
Maritime) dans une bande de 100 m à partir des plus hautes eaux, destinée à recevoir
le développement du tourisme (figure 2).

1.2. Les raisons du choix


Le choix se justifie d'une part par un milieu physique ayant des atouts déterminants pour
le tourisme balnéaire (paysages spécifiques aux littoraux, des plages, des plans d'eau
accessibles, un climat de confort) et d'autre part par l'existence d'espaces vides favori
sant les installations touristiques de grande envergure.

1.2.1. Les paysages


Le littoral de la Petite Côte à la Basse-Casamance est original par rapport à la Grande
Côte qui va de la Presqu'île du Cap-Vert à l'embouchure du fleuve Sénégal. Tandis que
cette dernière est dans sa totalité basse, sablonneuse et rectiligne, cette partie Sud-Ouest
du littoral sénégalais présente un tracé rectiligne entrecoupé de plages de sable fin, de
falaises et des estuaires des fleuves Saloum et Casamance.
1.2.1.1. Sur la Petite Côte
Le littoral se présente sous une double configuration: une partie Nord plus accidentée et
une partie Sud plus basse. De Minam à Guéréo, c'est une succession de falaises rouges
(cuirasses ferrugineuses) et de falaises blanches (phosphates de chaux du substrat du
plateau de Thiès) avec des altitudes de 50 à 90 m, qui surplombent de larges plages de
sable fin, favorables à des installations touristiques; à partir de la Nougouna, c'est une

398
L 'Aménagement des Zones Touristiques

Figure 2 Petite Côte: Unités d'aménagement touristique existantes et en projet


(source: Louis Berger International, 1975)

399
Ressources Côtières et Littorales du Sénégal

succession de "plages rouges" sur 5 km de long avec un estran compris entre 100 et
150m(DEMOULIN, 1967).
En certains endroits, comme le Cap de Naze (74 m) où les falaises sont élevées avec des
pentes fortes, il existe peu ou pas de plages, mais la vue reste belle. De la Somone à
Nianing, c'est la zone des belles plages réparties entre les anses de différentes échelles
souvent abritées des vents: baie de Ngaparou, de Saly Tape, grande baie entre Saly
Portudal et Saly Niakhniakhal, anse de la Pointe Sarène. Cette zone est aussi ponctuée
par de nombreux marigots: marigots de Mballing, de Warang et de Ponto.
En dehors des forêts de Bandia et de Nianing la végétation est une savane où domine le
baobab. C'est le secteur qui connaît le développement touristique le plus dense et qui va
porter les plus importants projets d'implantation touristique. De Nianing à Palmarin, il
s'agit de cordons littoraux récents (TECASEN, 1981) très minces avec de nombreuses
zones inondables; ce qui est très peu propice aux implantations touristiques.
L'ensemble Joal-Fadiouth est inséré dans un cordon littoral assez mince et long. De
l'autre côté du cordon littoral, c'est l'association de marigots, de mangroves et de terres
inondables. Enfm il est bâti sur des sols d'alluvions sablo-coquilliers (amas coquilliers).
La Petite Côte se termine par la flèche de Sangomar, cordon littoral récent formé de sable
de plage marin, située sur la bordure maritime du Delta du Saloum (2 000 km2). Les îles,
dans cet ensemble très hydromorphe, sont formées à partir de tannes nus ou herbus,
d'amas artificiels coquilliers, de vasières à mangroves. Elles sont accessibles par des
chenaux de marée qui se présentent sous forme de larges bolons bordés par la mangrove;
ces bolons sont des voies naturelles de pénétration assez pittoresques.
1.2.1.2 En Basse-Casamance
Le littoral casamançais est formé de deux ensembles, celui de la Presqu'île aux Oiseaux,
zone basse et sableuse, et de celui de l'estuaire du fleuve, zone qui dispose de vasières à
mangroves visitées par les chenaux de marées (bolons), de cordons sableux, de tannes et
de lambeaux de plateaux gréseux (TECASEN, 1979).
Les zones propices aux installations touristiques sont les suivantes:
- La région du Cap Skirring constituée de plusieurs anses séparées par des caps
rocheux (anse de Boukote, anse de l'Aérodrome, anse du Cap Skirring) avec un
littoral rectiligne, large et important (7 500 m).
- La région de Kafountine-Abéné a aussi un littoral assez rectiligne, important
(8 000 m), bordé d'un bourrelet dunaire avec une large plage. Ce sont ces régions
qui portent le plus d'implantations touristiques. Les zones du littoral peu aptes à
l'aménagement touristique sont soit constituées de cordons littoraux très étroits et
inondables (la Presqu'île aux Oiseaux, entre Kafountine et l'embouchure du fleuve)
soit fortement exposées aux vents dominants (Bouyouye et Pointe Nikine) soit de
zones inondables et marécageuses, de la frontière gambienne à Abéné et entre
Kabrousse et la frontière de la Guinée-Bissau.
Mais ces zones accessibles par les bolons bordés d'une épaisse mangrove sont propices
aux excursions. En dehors de la mangrove, la végétation sur les plateaux ou sur les
cordons littoraux est constituée de palmeraies, de formations arbustives ou de forêt claire.
Certaines de ces forêts, comme celle de Santiaba Mandjack, constituent des lieux
privilégiés d'excursion ou de chasse.

400
L Aménagement des Zones Touristiques

1.2.2. Les plans d'eau


Ils permettent la pratique de sports nautiques (voiles, wind-surfing), de pêche sportive,
de baignades en sécurité.
1.2.2.1. Sur la Petite Côte
Comparativement à la côte Nord, la côte Sud est beaucoup plus accueillante; à 5 km en
mer ce ne sont que des fonds de moins de 20 m. Une faible dérive littorale de direction
Sud-Nord longe la côte. La barre est généralement moins violente et les rouleaux très
courts. Les plans d'eau sont nombreux le long de la côte: les marigots de la Nougouna
et de la Somone sans oublier les baies qui abritent de larges plages au Sud de Mbour.
1.2.2.2. En Basse-Casamance
La zone littorale se caractérise par des fonds marins ayant moins de 5 m de profondeur
sur une largeur de 2 à 4 m à partir du rivage et par des plans d'eau se trouvant dans les
parties abritées par les caps (les anses du Cap Skirring).
Le fleuve offre de magnifiques plans d'eau; il y existe d'innombrables marigots dessinant
un "véritable système artériel"; les plus importants sont les marigots de Diembéring, de
Baïla, de Diouloulou, de Kamobeul, d'Essoukoudiack. Ces bolons offrent de nombreuses
possibilités de pêche sportive, de promenades vers les îles qu'ils ont découpées (îles de
Karabane, de la Goélette, Presqu'île aux Oiseaux).
En dehors des promenades possibles, le fleuve est peu propice aux baignades: l'eau de
l'estuaire est en permanence salée. La salinité est supérieure à celle de la mer; le courant
y est aussi très fort: au large de la Pointe de Diogué la vitesse du courant montant est de
0,5 à 1,5 noeuds, celles du courant sortant de 0,7 à 2,7 nœuds.
Par ailleurs, l'ensemble de la côte est longé par des eaux aux températures agréables car
relativement chaudes: de décembre à mai, période coïncidant avec la grande saison
touristique sur la Petite Côte et la Basse-Casamance, les températures sont respective
ment de 17°C à 20°C et de 22°C. Il existe un autre avantage de la côte sénégalaise: les
baigneurs ne sont pas limités par les fortes amplitudes de marées car celles-ci sont de
type semi-diurne avec un faible marnage qui est de l'ordre de 1 m.

1.2.3. Un climat côtier


L'influence marine donne à cette zone l'allure et la réputation de lieux favorisés. Ce
climat apparaît agréable, doux, produisant du confort. En effet, il détient les principales
caractéristiques favorables à un tourisme de type balnéaire: un ensoleillement permanent,
une pluviométrie peu fréquente concentrée sur 3 à 4 mois, des températures peu élevées
de l'ordre de 22°C à 25°C.

1.2.4. Une occupation humaine peu dense


La faiblesse de l'urbanisation tout le long du littoral a aussi favorisé l'échelonnement
des réceptifs en bordure de mer. Bien que la Petite Côte appartienne au pays sérère où
les densités rurales font partie des plus élevées du Sénégal (Pélissier, 1966), en dehors
des agglomérations de Mbour et de Joal-Fadiouth, les villages situés sur le littoral sont
de petite taille (peu de villages dépassent 2000 habitants). De surcroît, ils sont peu distants
les uns des autres.

401
Ressources Côtières et Littorales du Sénégal

En dehors de la concentration des villages de Yenne-Tode, Nditakh, Niangal et Toubab-


Dialao qui sont distants de moins de 2 km, toutes les autres localités sont séparées les
unes des autres de plus de 6 km: 7 km entre Toubab Dialao et Ndèyane, Popenguine et
Guéréo, Guéréo et Somone; 5 km entre Ngaparou et Saly; 8 km entre Mbour et Nianing:
les réceptifs allant du bungalow de week-end aux villages de vacances se sont installés
sur ces espaces vides.
Au Sud, le littoral casamançais est aussi peu peuplé. C'est la partie de la BasseCasamance
où les densités de populations sont les plus faibles, 0,5 hab/km2 (figure 3). De Abéné à
Kabrousse, où l'on trouve les aménagements touristiques actuels et en projet, les villages
sont faiblement peuplés. Ce sont ces atouts qui expliquent la naissance d'une véritable
zone littorale touristique.

2. LITTORALISATION LINEAIRE DE L'IMPLANTATION


TOURISTIQUE
Que ce soit sur la Petite Côte ou en Basse-Casamance l'implantation littorale est assez
nette; elle se caractérise par différents types d'aménagement, chacun répondant à un style
de tourisme déterminé.

2.1 . Les types d'aménagement touristique

2.1.1. Sur la Petite Côte


Il y est pratiqué trois types de tourismes: le tourisme balnéaire, le tourisme de week-end
et le tourisme rural intégré.
2.1.1.1. Le tourisme balnéaire
Les aménagements les plus spectaculaires concernent ce type de tourisme. Ils occupent
de grande superficie avec des capacités d'hébergement pouvant dépasser plus de 100 lits.
Les réceptifs sont des hôtels et des villages de vacances de grand standing recevant des
touristes internationaux. Ces réceptifs sont gérés par des multinationales, chacune véhiculant
son label. La durée moyenne de séjour y est de 4 à 5 jours: la formule consacrée est le soleil,
la plage et la détente. Ce qui explique que les villages de vacances concentrent en leur sein
tous les équipements sportifs et commerciaux dont le touriste a besoin.
Il existe des villages de vacances autonomes, comme le Club Aldiana et le Domaine de
Nianing, tous deux situés à proximité du village de Nianing. Les autres villages de
vacances de la Petite Côte sont intégrés dans une station appelée la "Station Soleil de Saly".
La station de Saly: une occupation littorale de grande envergure.
Les limites de la station ont été juridiquement définies: le 6 avril 1977, il a été attribué à
la société SAPCO un terrain de 600 ha sis à Saly Portudal; ce terrain dépendant du
domaine national, le décret n° 77-340 du 26 avril 1977 en a prescrit l'immatriculation
au nom de l'Etat.
D'après le bureau d'Etudes Louis-Berger, l'équilibre fonctionnel de la station de Saly
est délimité par un contenu de 6 000 lits. Ainsi, chaque U.A.T. est divisée en lots de
2,5 ha par module hôtelier. Celui-ci présente un élément fondamental dans l'organi
sation de l'espace. En effet, le module, soit 250 lits par lot, représente le plus petit
élément; son addition pourrait répondre aux besoins des promoteurs qui peuvent être

402
L 'Aménagement des Zones Touristiques

Figure 3 Plan d'aménagement de la Basse-Casamance


(source: Louis Berger International, 1978)

403
Ressources Côtières et Littorales du Sénégal

de 500, 750, 1 000 lits. Ces lots privatifs sont disposés en éventail autour d'un noyau (le
centre d'animation) pour une plus grande accessibilité de tous, touristes comme non-
touristes, aux lieux d'animation, aux places et chemins publics. Le souci d'une telle
structuration appelle à une intégration, une articulation entre différents éléments de la
station, contrairement à la situation des villages de vacances autonomes qui fonctionnent
en vase clos. La première tranche en cours de réalisation est Saly Sud. Les lots 1 A, 2, 5,
7, 10 sont déjà construits; la promotion des autres lots se poursuit. L'espace ainsi
déterminé est sous administration privée.
En effet, selon les clauses du décret attribuant Saly à la SAPCO, il est dit qu'aucune
action collective ne pourra être réalisée sans l'agrément formel du responsable de la
société qui pourra exiger dans tous les cas d'être le maître d'oeuvre délégué de l'action
envisagée. Les paysans sont expropriés: ils ne possèdent plus de champ de culture, de
même une partie, du village a été rasée et les habitants installés ailleurs.
C'est aussi un espace aménagé; la station a fait l'objet d'importants aménagements en
infrastructures de base:
- Le bitumage de 10 km de route (route de Saly à la Nationale RN1, des routes
desservant l'intérieur de la station), l'amélioration des pistes Ngaparou - Gandigal.
- L'alimentation en eau est assurée par deux forages de 250 m de profondeur situés à
Mbour, plus un château d'eau à Saly dont le débit est de 2 000 m3 par jour. A ce
système sont branchées des bornes fixes d'arrosage pour les plantations, les bouches
d'incendie et les bornes fontaines villageoises.
- Des équipements collectifs sont mis à la disposition de l'ensemble des touristes de
la station: théâtre de verdure, restaurant, night-clubs, terrains de tennis, boutiques et
un important programme paysager de 1 50 000 arbres.
En ce moment, seule l'U.A.T. de Saly Sud porte des réceptifs. Ces derniers sont au
nombre de sept:
- l'hôtel Palm Beach, 540 lits, 4 étoiles;
- Saly Hôtel, 200 lits, 4 étoiles;
- le village de vacances, le Savana Koumba, 256 lits, 4 étoiles;
- le village de vacances Savana Saly, 200 lits, 4 étoiles;
- l'hôtel Novotel Saly 200 lits, 4 étoiles;
- les Filao 216 lits, 3 étoiles;
- le Royam 120 lits, 4 étoiles.
Les réceptifs ont généralement un accès direct à la mer et ils sont tous dotés des
équipements traditionnels de loisirs et de sports (bars, piscine, terrains de jeux, restaurant
etc.); leur façade extérieure s'ouvrant sur des équipements collectifs, le réceptifne donne
plus l'impression d'être isolé par rapport à ses voisins.
2.1.1.2 Le tourisme de week-end
Le tourisme de week-end est particulièrement développé dans la zone comprise entre
Sienndou et Saly et plus précisément entre les villages suivants: Sienndou et Toubab-Dialao
en passant par Yenne, la Somone et Ngaparou, enfin entre Ngaparou et Saly.
Les réceptifs sont constitués de cabanons ou de bungalows qui s'échelonnent tout au long
de la plage; en effet, ils tournent le dos au village et ont un accès direct sur la mer.

404
L 'Aménagement des Zones Touristiques

Ces bungalows de fortune sont devenus petit à petit de somptueuses villas. La clientèle
vient en majorité de Dakar; elle était à l'origine constituée de Français, de Libano-syriens
et d'Africains diplomates, mais, à ceux-ci s'ajoutent aujourd'hui, bon nombre de hauts
fonctionnaires et d'hommes d'affaires sénégalais.
Ces bungalows établis sur des terrains situés sur le domaine maritime sont susceptibles
d'être récupérés à tout moment par l'Etat comme en atteste le déguerpissement massif
de bungalows de week-end pour la construction de la Station de Saly.
2.1.1.3 Le tourisme rural intégré
Le tourisme rural intégré ou tourisme de découverte se déroule dans des campements
situés au sein du village. Ce type de tourisme a vu le jour en Basse-Casamance où l'on
peut dénombrer une dizaine de campements villageois. La Petite Côte ne possède qu'un
seul campement, celui de Palmarin situé en bordure de la plage. Le style d'aménagement
est original, puisqu'il est construit à l'image du village. Le tourisme rural intégré a comme
objectif de valoriser l'architecture traditionnelle et d'impliquer les populations rurales à
la gestion des activités du tourisme.
La capacité d'hébergement est de l'ordre de 40 lits. La clientèle est en majorité constituée
de touristes internationaux. Le tourisme de découverte est l'affaire des jeunes mais aussi
de tous ceux qui veulent avoir un contact direct avec la culture locale.

2.1.2. En Basse-Casamance
Ici l'aménagement littoral concerne la seule zone du Cap Skirring. Comme sur la Petite
Côte, les réceptifs longent la côte en formant une occupation en chapelet.
2.1.2.1. Occupation en chapelet: cas de la zone touristique du Cap Skirring
L'implantation du Club Méditerranée au Cap Skirring sera l'élément moteur du déve
loppement touristique dans cette zone. De 1976 à 1979, c'est la création successive de
réceptifs de type et de style différents.
Aujourd'hui, de Kabrousse à Diembéring, sur environ 15 km, la jonction des limites
d'influence de ces réceptifs a créé une véritable zone touristique, un espace conditionné
pendant environ 6 à 8 mois par l'activité touristique. L'aménagement touristique de cette
zone présente un aspect hétérogène quant à la situation et au style des réceptifs. Au Sud,
de Kabrousse au Cap Skirring sur une distance d'environ 4 km, s'égrènent en chapelet
le long du littoral quatre villages de vacances: Socitour II, la Paillote, le Club Méditer
ranée et Savana.
Cet échelonnement des villages de vacances entraîne une véritable privatisation du
littoral du Cap Kabrousse au Cap Skirring: les réceptifs ayant la même disposition que
le village de vacances du Club Méditerranée forment une bande continue bordée d'un
côté par la plage et de l'autre par la route du Cap Skirring. Vers le Nord du Cap Skirring
à Diembéring, c'est la zone des campements touristiques: trois campements à Diembé
ring, un à Boukote; contrairement aux villages de vacances, ils ne donnent pas directe
ment sur la plage, mais sont établis à l'intérieur du village: ils se situent souvent à une
centaine de mètres de la plage.
Dans ce cas d'aménagement touristique, il n'y a pas de privatisation de la plage. Mais
avec le plan d'aménagement de la Basse-Casamance, du Cap Skirring à Boukote, il est
prévu l'implantation d'environ huit villages de vacances qui s'échelonneront le long du

405
Ressources Côtières et Littorales du Sénégal

littoral; leur disposition sera plus dense que celle que nous avons, entre les villages de
Cap Skirring et de Kabrousse (figure 3). Toute la plage sera soustraite aux non-touristes
par une bande ininterrompue.
Cette concentration des réceptifs le long de la côte entraîne d'une part un sur-équipement
du littoral en infrastructures de base comme l'électricité, l'eau, les routes goudronnées
et d'autre part, sa modernisation voire son urbanisation (importance de la population,
concentration des équipements collectifs divers...) par rapport à l'intérieur du pays.
2.1.2.2. Sur-équipement du littoral: déséquilibre avec l'intérieur
Sur la Petite Côte, toutes les routes nouvellement goudronnées branchées sur la Nationale
1 se dirigent vers la côte, de même que les zones électrifiées se situant dans la zone
comprise entre la route Diamniadio-Fadiouth et la Côte.
En Basse-Casamance, les infrastructures routières ont la même orientation: elles se
dirigent toutes vèrs la côte atlantique. En effet, dans le Ve Plan, sur un financement global
de 4,390 milliards de F CFA, 4,090 Mds ont été utilisés à la construction de trois ponts
sur la route touristique Ziguinchor-Oussouye-Cap Skirring de 73 km pendant que
l'intérieur de la Basse-Casamance reste sous équipé.
L'implantation de l'activité touristique sur le littoral renforce le déséquilibre qui a
toujours existé entre ce dernier et l'intérieur du pays. En effet, au cours de la pénétration
européenne et en particulier celle de la France, le littoral sénégalais a toujours été une
zone stratégique: lieu d'approvisionnement des navires européens en eau et en vivres,
lieu d'échanges de produits manufacturés (tissus, quincaillerie, alcools) et des produits
de l'intérieur (ambre, ivoire, cuir, or, cire, esclaves), lieu de ravitaillement de l'intérieur
du pays en poissons séchés, coquillages, sel et lieu d'immigration temporaire ou
permanente des paysans de l'intérieur, parfois confrontés aux aléas climatiques.
Du XV au XIXe siècle, toutes les enclaves situées sur le littoral (Saly-Portudal, Joal,
Palmarin, Karabane) et celles qui se trouvent en dehors de notre zone d'étude (St Louis,
Dakar, Rufisque) ont eu à jouer un rôle militaire et commercial.
Au XIXe siècle, sous la colonisation française, les produits de l'intérieur, d'abord la
gomme venant du fleuve, ensuite l'arachide du bassin arachidier vont entraîner la
prospérité de l'économie littorale: les premières infrastructures de base (ports, routes,
voies ferrées) se situent sur le littoral ou bien y convergent. Ce déséquilibre est specta
culaire sur la Petite Côte. De par sa situation, le littoral a une économie plus diversifiée
que celle de son hinterland; les paysans du littoral tirent leurs ressources à la fois des
cultures et de la pêche, tandis que ceux de l'intérieur ne comptent que sur des cultures
souvent soumises aux aléas climatiques. Le développement du tourisme va creuser cet
écart qui a toujours existé entre l'intérieur et le littoral.
En effet, la frange destinée au tourisme est sur-équipée. Ces équipements, bien que créés
pour satisfaire les besoins des touristes, peuvent être utilisés pour le développement
d'autres activités économiques. Le dénuement de l'intérieur en matière d'infrastructures
de base et la persistance de la sécheresse poussent les populations vers le littoral. La
présence de l'activité touristique va ainsi accentuer l'exode rural.

406
L 'Aménagement des Zones Touristiques

Nous retrouverons la même situation qu'à l'époque du commerce atlantique où le littoral


de la Petite Côte constituait un pôle d'attraction pour son hinterland. Ce rapprochement
historique permet par ailleurs de noter que le développement du littoral continue d'être
lié à des facteurs exogènes.

3. L'IMPACT DU TOURISME SUR LES ACTIVITES LOCALES


Cette nouvelle fonction ajoutée aux activités traditionnelles du littoral, qui sont
essentiellement la pêche et l'agriculture, a introduit dans la vie des populations de
profonds bouleversements qui se traduisent à la fois en termes de conflits et de complé
mentarités.

3.1. Les conflits


Ils se manifestent par une monopolisation de l'espace et une déviation de la main
d'oeuvre rurale au profit du tourisme.

3.2. Monopolisation de l'espace


Sur la Petite Côte comme en Basse-Casamance, l'implantation des réceptifs, villages de
vacances ou hôtels de luxe, a exigé des expropriations. A Saly, sur la Petite Côte, 25 ha
de terre portant des cultures de mil et d'arachide ont été retirées en 1977 à des paysans
(CER Nguékokh). Ainsi, les paysans de cette local ité ne sont plus propriétaires des terres,
celles-ci étant destinées exclusivement à l'activité touristique. Les deux villages de
Saly-Poste et de Saly-Tape ne disposent plus de champs, de terrains de pâturage, ces
espaces ayant été engloutis par le projet. La pêche et ses dérivés (fumage, séchage du
poisson) sont exclus des plages occupées par les réceptifs. De même on assiste à un
transfert de compétence et de pouvoir: en effet pour leur culture, les paysans sont obligés
d'emprunter momentanément leurs propres terres à la SAPCO en attendant leur utilisa
tion prochaine à des fins touristiques. De ce fait, il y a un rétrécissement de l'espace rural
en faveur de l'espace touristique.
Au Cap Skirring, l'implantation du tourisme a aussi eu des répercussions néfastes sur
l'agriculture. Les terres occupées par les villages de vacances (Club Méditerranée,
Socitour) sont d'anciennes rizières ou palmeraies productives; leur occupation par le
tourisme constitue un grand dommage pour le paysan diola, quand on sait la place que
le riz et le vin de palme occupent dans sa vie. Un autre objet de conflits est la fuite de la
main-d'oeuvre rurale vers le secteur du tourisme, ce qui constitue un frein pour le
développement de l'agriculture. Du fait de faibles revenus engendrés par les cultures ces
dernières années, l'emploi salarié offert par le tourisme est perçu comme une promotion
par le paysan:
- A Saly, à la suite de l'expropriation des terres de cultures et des effets de la
sécheresse, beaucoup de paysans se sont reconvertis en petits employés dans les
hôtels, en manœuvres dans les chantiers de la SAPCO: 22 habitants de Saly figurent
parmi les employés de la SAPCO pour gardiennage, nettoyage, magasinage etc.
- A Fadiouth, quelques 200 jeunes du villages font le métier de guide ou de piroguier,
ce qui les éloigne de plus en plus des travaux des champs ou de la pêche.

407
Ressources Côtières et Littorales du Sénégal

- En Basse-Casamance, on peut constater que les cultures vivrières ont vu leur volume
baisser considérablement ces dernières années, à cause probablement de la séche
resse mais aussi du manque de main-d'œuvre. Les jeunes paysans considèrent les
employés du Club Méditerranée comme des privilégiés. Ces derniers, en plus du fait
qu'ils sont salariés, ont aussi la possibilité d'aller chaque année en Europe, ceci
entraînant l'augmentation de leur pouvoir d'achat et par conséquent celle de leur
niveau de vie. Avec ces changements, ils constituent un point de mire pour les jeunes
ruraux qui, de plus en plus, dédaignent les travaux de rizières, leur rêve étant de
travailler à l'hôtel et à n'importe quelle condition.
Ainsi, nous constatons que l'appât du gain facile fait que le jeune paysan se détourne des
activités traditionnelles. Démuni de formation, le tourisme ne lui réserve généralement
qu'une situation souvent très précaire: petit employé d'hôtel, guide, piroguier, vendeur
à la sauvette.

3.3. Le tourisme, un stimulant pour les activités traditionnelles


L'objectif des pouvoirs publics est d'intégrer l'activité touristique à l'économie locale,
c'est-à-dire que le tourisme, en faisant largement appel au secteur agricole, impulse son
développement. Dans notre zone d'étude, nous allons privilégier l'étude des relations du
tourisme avec pêche - tourisme - maraîchage, secteurs de l'agriculture étant les plus
étroitement liés à l'activité touristique.

3.3.1. La pêche et le tourisme sur la Petite Côte


La Petite Côte a toujours été une région traditionnellement tournée vers la pêche. En
raison des conditions naturelles favorables offertes (phénomène de upwelling) le milieu
marin possède une grande abondance planctonique et une remarquable fertilité; les eaux
restent riches toute l'année. Ces conditions favorables font que la Petite Côte occupe la
première place dans la pêche artisanale et la transformation du poisson séché fumé au
Sénégal; elle offre le tiers de la production maritime totale du pays et plus des 2/3 de la
mise à terre de la région de Thiès. En dehors du poisson, les autres produits de la pêche
sont les crustacés: la langouste et la crevette constituent un monopole de la Petite Côte
sur le plan régional. Par contre, les autres activités comme l'agriculture, l'élevage et
même le maraîchage sont très faiblement pratiquées en raison de la sécheresse (dégra
dation des sols, manque d'eau). Ainsi, la principale source de revenus des paysans
provient des produits de la pêche dont le chiffre d'affaires dans le département de Mbour
s'élève en 1989 à environ 14 milliards de F CFA.
Aujourd'hui, la Petite Côte se trouve spécialisée dans deux activités: la pêche et le
tourisme. Mais l'incidence favorable que le tourisme pourrait jouer pour la pêche est en
définitive assez faible. En effet, le tourisme n'est pas un secteur stratégique pour la pêche,
loin de là, celle-ci ayant des débouchés traditionnellement établis comme les villes de
Dakar, Diourbel, Kaolack, Thiès et les autres pays africains.
L'arrivée du tourisme n'a pas pour autant changé le système de commercialisation en
faveur du pêcheur local, mais il a contribué à renforcer la puissance d'une catégorie de
commerçants, les mareyeurs. La majeure partie du ravitaillement en produits de la pêche
est commercialisée par ces derniers: pour la plupart des hôtels de la Petite Côte, les
fournisseurs en poissons et crustacés sont des mareyeurs; les grands réceptifs s'approvi

408
L 'Aménagement des Zones Touristiques

sionnent occasionnellement chez le pêcheur local, par contre ils s'adressent fréquemment
aux mareyeurs, ces derniers leur permettant un ravitaillement avec quantité demandée et
livraison assurée. Ce qui est hors des possibilités du pêcheur local qui est dépourvu de
moyens d'équipement et de surcroît n'appartient à aucune organisation de type coopératif.
De timides tentatives pour organiser les pêcheurs sont menées. Elles ont abouti à la
naissance du CAPAS qui n'a pas encore l'adhésion de tous les pêcheurs. Ses objectifs
sont l'équipement des pirogues et la commercialisation des produits tirés de la pêche. La
commercialisation s'effectue en quatre étapes: l'exportation, le marché local, la transforma
tion et le mareyage. Le CAPAS ne ravitaille donc pas directement les hôteliers; jusqu'ici
aucun lien n'existe entre eux. Les liens entre pêcheurs locaux et hôteliers, s'ils existent,
sont tout à fait individuels. Ce sont les pêcheurs ou les femmes du village qui se présentent
chaque matin devant l'hôtel avec leurs produits qui seront acceptés selon les besoins de
l'hôtelier. Ce système fait qu'aucune garantie de vente n'est assurée aux pêcheurs. Dans ce
cas d'échanges, tout le profit revient à l'hôtelier puisqu'il peut se ravitailler en produits
frais sur place, donc sans coût de déplacement. De surcroît, la loi de l'offre et de la
demande est en sa faveur: le pêcheur ne disposant d'aucun moyen de conservation tend
à se débarrasser le plus vite possible de sa marchandise.
Ainsi, sur la Petite Côte où la pêche constitue une des sources de revenus les plus
importantes pour le paysan, il est regrettable de constater qu'aucune politique d'organi
sation et de restructuration de la commercialisation, conforme à la demande touristique,
n'est menée en direction des pêcheurs locaux. Le développement du tourisme va plutôt
profiter à des individus souvent extérieurs au lieu d'implantation touristique qui habitent
soit Mbour soit Dakar.

3.3.2. L'influence du tourisme dans le développement de la pêche et


du maraîchage en Basse-Casamance
Contrairement à la Petite Côte, le tourisme en Basse-Casamance a été l'une des causes
qui ont amené le paysan diola à considérer la pêche et le maraîchage comme des sources
de revenus.
La Basse-Casamance possède des conditions naturelles favorables au développement de
la pêche. Deux milieux aquatiques propices à la pêche s'offrent à la région:
- des eaux calmes et peu profondes, des bolons et des marigots où la pêche aux petites
espèces et aux crustacés peut s'effectuer à pied ou à l'aide des frêles esquifs;
- des eaux de l'océan; elles sont riches en poissons de grande taille (capitaines,
barracudas, requins etc.).
Comme sur la Petite Côte, la Basse-Casamance est aussi grande productrice de crustacés:
la production en 1989 pour la crevette est de 1 680 t; pour la langouste 27,3 t, pour
les crabes 1 3 t; deux sociétés traitant la crevette industrielle sont installées à Ziguinchor.
Malgré ces riches potentialités, le paysan diola s'est toujours borné à considérer la pêche
comme une activité très secondaire, sa principale préoccupation étant la riziculture. En
effet, les pêcheurs professionnels de la Basse-Casamance sont des Sérère de la Petite
Côte, des Lébou et des Saint-Louisiens établis à Abéné, Kafountine, Diembéring et au
Cap Skirring. Depuis ces dernières années, l'implantation touristique dans la zone du
Cap Skirring, la réalisation de bons réseaux de communication et les profits réalisés par
les pêcheurs venant du Nord, sont des facteurs qui ont contribué à accroître l'intérêt des

409
Ressources Côtières et Littorales du Sénégal

paysans diola pour la pêche. Mais ces derniers vont se heurter à des obstacles comme le
manque de capitaux et le manque de formation technique.
Ces obstacles ont été levés grâce à la création d'associations de type coopératif (groupe
ment des pêcheurs) et au recours à des bailleurs de fonds plus ou moins désintéressés
(organisations confessionnelles ou internationales, pouvoirs publics). A ce titre, deux
projets ont été mis sur pied. Le projet CARITAS créé en 1981 avait formé 25 groupes
de 7 à 8 personnes chacun et le projet GOPEC (groupement opérationnel d'étude et de
concertation), un organisme public sénégalais qui a vu le jour en 1976 et qui est devenu
opérationnel en juillet 1978; sur 90 pêcheurs diola en stage de formation auprès des
saisonniers guet-ndariens, 70 sont installés en permanence à Kafountine et les 20 autres
passent 6 mois par an au Cap Skirring, de novembre à décembre, période correspondant
à la saison touristique.
Sur le plan de l'équipement, la Basse-Casamance est encore plus démunie que la
Petite Côte. Le département ne dispose ni d'industrie de transformation, ni d'entrepôts
frigorifiques. Par contre, il faut noter la quasi inexistence du phénomène mareyeur: les
hôtels du Cap se ravitaillent, en grande partie, directement auprès des pêcheurs installés
dans la région. L'achat s'effectue à Boudiediette (ancien bac) soit sur la plage même à
proximité des établissements hôteliers. Pour assurer la régularité de leur appro
visionnement, certains hôteliers ont essayé de s'attacher à un certain nombre de
pêcheurs en leur fournissant des filets, ou même des denrées alimentaires (sucre, lait,
café etc.).
Evidemment, sur le plan de l'intégration du pêcheur à l'activité touristique, la situation
qui se présente est meilleure que celle qui prévaut sur la Petite Côte mais, avec ce système,
les relations commerciales entre pêcheur et hôtelier demeurent individuelles, le pêcheur
reste subordonné à l'hôtelier.
En dépit de cela, il faut avouer que c'est avec le développement du tourisme dans la zone
du Cap Skirring que la pêche a pu connaître son ampleur actuelle. Aujourd'hui, l'intérêt
des pêcheurs se trouve dans la création d'une coopérative équipée en entrepôt frigorifique
et en moyens de transport pour la collecte et la distribution de la production. Une autre
activité, jusqu'alors inconnue du paysan diola et qui s'est développée avec le tourisme
est le maraîchage: de Diembéring à Oussouye, le PIDAC (projet intérimaire de dévelop
pement agricole de la Casamance), fondé en 1979 et financé par l'USAID, encadre des
jardins maraîchers cultivés par les femmes mariées de cette zone.
Les arrondissements les plus touristiques du département d' Oussouye, ceux de Ka-
brousse et de Loudia, portent une dizaine de blocs de culture, chaque village ayant son
bloc de 2 ha environ. Avant l'installation des hôtels, le maraîchage pratiqué par les
femmes se limitait à la production de condiments pour les recettes à base de ris, mais
aujourd'hui toutes les variétés de légumes cultivées dans les blocs rentre dans l'alimentation.
Le maraîchage s'effectue pendant la saison sèche de novembre à mai, période où les femmes
ne sont pas occupées dans les rizières et où le tourisme bat son plein. La commercialisation
est plus réglementée que pour les produits de la pêche. Chaque année, avant l'ouverture
de la saison touristique, une réunion entre hôteliers, encadreurs du PIDAC, autorités
administratives se tient pour définir les prix de la saison et le calendrier de vente. Celui-ci
détermine le tour de vente de chaque bloc. Les produits de la vente représentent des
sommes variant de plusieurs milliers à plus d'un million de F CFA par saison.

410
L 'Aménagement des Zones Touristiques

4. CONCLUSION
La politique touristique sénégalaise est résolument orientée vers le tourisme balnéaire:
tous les plans d'aménagement prévoient l'établissement de plusieurs milliers de lits sur
le littoral; dans une déclaration récente (J.A.E., 1992), le Ministre du tourisme annonce
des projets de grande envergure sur la Grande Côte à Cayar et sur la côte Casamançaise
à Kafountine.
Ce type d'option, comme l'a souligné CAZES (1983) "pour les cas de beaucoup de pays
du Tiers Monde, est doublement contestable au plan des disparités régionales internes
d'abord, au plan de la compétition internationale ensuite". Certes la zone littorale profite
des infrastructures de base et des équipments destinés au tourisme, mais son arrière-pays
reste en retrait du développement touristique parce que dépourvu des moyens pour
répondre à ce type de tourisme. De même, le produit touristique est plus ou moins fragile
dans la mesure où l'attraction dominante est le littoral, alors qu'il existe d'autres
destinations balnéaires plus accessibles. Pourtant, une orientation vers l'exploitation des
potentialités de l'intérieur (autres types de paysages, la culture locale) peut participer
valablement à la diversification du produit touristique et par là même constituer l'oppor
tunité d'impliquer plus directement les populations locales à la gestion de l'activité
touristique.

REFERENCES BIBLIOGRAPHIQUES
CAZES, G. (1983). Le tourisme international en Thaïlande et en Tunisie: les impacts
et le risque d'un développement mal maîtrisé. Trav. de l'Inst. de Géogr. de
Reims. n° 53-54, 153 p.
DEMOULIN, D. (1967). Etude de la morphologie littorale de la Petite Côte, de
Bargny au marigot de la Nougouna (Sénégal). DES de Géogr., Dakar, 122 p.
JEUNE AFRIQUE ECONOMIE ( 1992). Spécial Tourisme Sénégal n° 151.
PELISSIER, P. (1966). Les paysans du Sénégal: les civilisations agraires du Cayor à
la Casamance. St Yrieux, Imp. Fabrègue, 939 p.
SENE-DIOUF, B. (1987). Le tourisme international: étude géographique de son
impact sur la Petite Côte et en Basse-Casamance (Sénégal). Thèse de 3e cycle,
Univ. de Dakar, 318 p.
TECASEN, EQUIPE (1979). Télédétection de quelques géosystèmes littoraux
sénégalais. Rapport n° 1, ENSJF/Dép. Géogr. Dakar, 81 p.
TECASEN, EQUIPE (1981). Télédétection et cartographie thématique: Nord-Sénégal
et Basse-Gambie - Rapport n° 1, ENSJF/Dép. Géogr. Dakar, 83 p.

411
PROBLEMATIQUE DE LA MISE EN VALEUR DES
RESSOURCES ET POTENTIALITES
TOURISTIQUES DU LITTORAL SENEGALAIS

Ismaïla GOUDIABY
Direction des Investissements et de la Promotion Touristique, Ministère du
Tourisme et de l'Environnement, Sénégal

Résumé

En s'intéressant au tourisme sénégalais, on ne peut manquer de faire les constats suivants:


- prédominance de deux formes de tourisme: le tourisme d'affaires et le tourisme de
loisirs;
- toutes deux sont localisées à l'Ouest d'un axe Saint-Louis - Ziguinchor;
- et ne valorisent pas au maximum les ressources et potentialités du littoral.
Ce triple constat pose toute la problématique du développement touristique au Sénégal que
nous aborderons du point de vue de son aménagement. Cela implique que nous nous
intéressions au cadre légal qui sous-tend cet aménagement et à l'exécution des programmes
définis. Nous dresserons un aperçu de la recherche et de la mobilisation des financements
nécessaires à la mise en place des équipements et infrastructures de base, ainsi que des
mesures prises pour attirer les investisseurs et financer le développement touristique.
L'analyse débouchera sur la définition de ce qui pourrait constituer les axes d'une
stratégie de mise en valeur optimale des potentialités touristiques du littoral sénégalais.

THE ISSUE OF THE DEVELOPMENT OF COASTAL AND


LITTORAL RESOURCES IN SENEGAL

Abstract

When studying Senegalese tourism, certain facts have to be taken into account:
- prevailance if two forms of tourism: business tourism and leisure tourism;
- both areas are located west of the Saint-Louis - Ziguinchor axis;
- they do not maximize the evaluation ofthe resources and potentialities ofthe littoral
area.
This threefold statement raises the whole issue of tourist development in Senegal. This
implies interest in the legal framework that supports this planning and in the execution
of defined programmes. In this paper the research and mobilization of funds necessary
in setting up the basic equipment and infrastructure, as well as the measures taken to
attract investors and finance tourist development, are analyzed.
The analysis will lead to the definition of what could constitute the axis of a strategy of
optimal development of the tourist potentialities of the Senegalese littoral area.

413
Ressources Côtières et Littorales du Sénégal

INTRODUCTION
Le tourisme au Sénégal reste dominé par deux composantes majeures: le tourisme
d'affaires et le tourisme de loisirs.
Ces deux formes de tourisme se sont développées à Dakar, sur la Petite Côte et en
Basse-Casamance, constituant ainsi trois pôles aux potentialités indéniables, mais
auxquelles on ne saurait attribuer l'exclusivité de la vocation touristique du littoral
sénégalais.
La Grande Côte, qui s'étend de Dakar à Saint-Louis, est restée en marge du développe
ment touristique. Handicapée par une mer trop houleuse, elle présente cependant des
atouts qui pourraient servir de points d'appui à un tourisme florissant, basé non pas sur
la baignade, mais sur des loisirs tout aussi prisés sur le marché international, tels le surf,
l'équitation, etc.
La surprenante marginalisation de cette partie du littoral sénégalais apparaît plus nette
ment encore à son extrême Nord qui a pourtant l'avantage de regrouper des sites aussi
intéressants que la Langue de Barbarie, le Parc national des Oiseaux du Djoudj et la ville
de Saint-Louis.
Tout cela dénote une exploitation non optimale des potentialités touristiques du littoral,
phénomène observable même dans les régions jugées prioritaires et dotées à ce titre d'un
plan d'aménagement touristique.
En effet, aussi bien en Basse-Casamance que sur la Petite Côte, l'exécution des pro
grammes d'aménagement a connu un retard d'une ampleur telle qu'on pourrait en arriver
à se poser un certain nombre de questions: comment expliquer qu'autant de ressources
et de potentialités ne soient pas valorisées au maximum par le tourisme? Comment le
tourisme est-il jusqu'à présent conçu, mis en œuvre et géré le long du littoral? Quelles
sont les principales contraintes qui se posent à son développement?
La réflexion portera sur le développement du tourisme, essentiellement dans les perspec
tives de l'aménagement touristique. L'accent sera mis sur l'étude du cadre légal qui
sous-tend l'aménagement, par le bilan de l'exécution des programmes et sur l'implication
des mesures prises pour attirer les investisseurs, sans oublier les efforts de financement
du développement touristique.

1. LE CADRE LEGAL DE MISE EN VALEUR


Nous aborderons dans ce chapitre le statut foncier et les plans d'aménagement qui ont
été ou sont en train d'être élaborés pour mieux assurer la valorisation des zones à vocation
touristique.
Ces plans partent d'une évaluation des ressources et potentialités touristiques exploita
bles et fixent un programme de mise en valeur, sur la base de l'analyse des marchés
touristiques potentiels. Approuvés et rendus exécutoires par décret, ils constituent des
outils juridiques aux mains des pouvoirs publics, permettant de prévenir les spéculations
foncières et l'occupation anarchique des zones à vocation touristique.

4I4
Problématique de la Mise en Valeur des Ressources Touristiques

1.1. Le statut foncier


L'activité touristique étant grande consommatrice d'espace, ses conséquences éven
tuelles sur l'occupation de l'espace nous amènent à consacrer un premier point au statut
foncier. Nous nous en tiendrons toutefois à des considérations générales, en l'absence
d'étude sur le statut des terres du littoral.
Rappelons que conformément au régime foncier du Sénégal, on distingue sur l'ensemble
du pays les catégories de terres suivantes:
- les terres du domaine public;
- les terres du domaine privé de l'Etat qui regroupent avec la catégorie précédente 3%
du territoire national;
- les terres immatriculées au nom des personnes privées (2%);
- les terres non-immatriculées relevant du domaine national (95%).
Les terres immatriculées au nom des personnes privées, situées en grande partie dans les
centres urbains, sont rarement concernées par le développement du tourisme littoral.
Les implantations touristiques se font en général sur les terrains du domaine privé de
l'Etat (TF 853 BC au Cap-Skirring, zone d'intervention directe à Saly) et sur ceux du
domaine national (à Kafountine par exemple), toutes incluant une bande maritime
relevant du domaine public.
Dans un cas comme dans l'autre, les terrains sont la propriété de l'Etat, et les Sociétés
hôtelières, loin d'en être propriétaires, n'ont sur les terrains qu'elles occupent qu'une
concession d'usage.

1.2. Le Plan National d'Aménagement Touristique


Le Plan National d'Aménagement Touristique (PNAT) en cours d'élaboration n'a pour
l'instant aucune valeur juridique, mais il convient de l'évoquer.
En effet s'il est vrai que le tourisme au Sénégal s'identifie quasiment au tourisme de
loisirs et au tourisme balnéaire, il reste que la réflexion à mener sur la gestion des ressources
côtières et littorales n'aura d'utilité que si elle permet de définir des stratégies visant à
assurer la diffusion d'une partie des profits tirés du tourisme vers les régions de l'intérieur.
Une des vocations de ce plan est précisément d'élargir, en s'appuyant sur les spécificités
et les attraits des différentes régions, la base géographique du tourisme sénégalais. Il
devra en ce sens établir entre les sites identifiés et aménagés ou devant l'être à travers le
pays, des liens qui garantissent la diffusion des flux et partant des revenus touristiques.
Outre la mise en place d'infrastructures et équipements adéquats, l'exécution du PNAT
trouvera sa réussite dans la création et la promotion de circuits touristiques réellement
intégrés, reliant plusieurs sites à travers les régions du pays.
L'élaboration du PNAT confiée à la SONED en est à sa deuxième et dernière phase; ce
programme devra conduire à l'élaboration de Plans d'Occupation des Sols (POS) et de
cahiers des charges techniques.
En fait, le rapport de la phase II a déjà été déposé, mais il avait été jugé nécessaire d'en
revoir et corriger les conclusions, avec l'appui d'un bureau d'études étranger, jouissant
dans le domaine du tourisme d'une notoriété établie.

415
Ressources Côtières et Littorales du Sénégal

A ce jour, le Ministère du Tourisme et de l'Environnement s'attèle, en collaboration avec


le Ministère de l'Economie, des Finances et du Plan (Direction de la Planification) à
relancer l'étude du PNAT.

1.3. Le Plan d'Aménagement Touristique de la Petite Côte


Ce plan réalisé en 1975 par le cabinet Louis Berger International met en évidence six
zones d'aménagement touristique et leur potentialité d'accueil:
Toubab-Dialao 5 000 lits
Popenguine 4 000 lits
Ngaparou 4 000 lits
Saly-Portudal 6 000 lits
Nianing 6 000 lits
Joal 5 000 lits
Compte tenu des coûts élevés des infrastructures de base et des équipements collectifs
nécessaires, il a été convenu, en plus du parachèvement de Nianing, que les investisse
ments soient d'abord concentrés à Saly. Ensuite, viendront dans un long terme Somone-
Ngaparou, Popenguine, Toubab-Dialao et Joal.
L'aménagement de Saly-Portudal a été confié à la Société d'Aménagement de la Petite
Côte (SAPCO). Créée en 1974, la Société a réalisé les infrastructures et superstructures
communes (VRD, village artisanal, amphithéâtre, restaurant etc.) sur financement décisif
de la Banque Mondiale, tandis que les promoteurs privés étaient invités à réaliser des
unités hôteliers sur les lots aménagés.
L'unité d'aménagement touristique de Saly-Sud, la seule aménagée pour l'instant par la
SAPCO, abrite huit réceptifs totalisant environ 1 900 lits sur dix unités hôtelières prévues
(soit 2 500 lits).
Il convient de signaler que pour préserver le site de la Somone des occupations
irrégulières (cabanons, chalets) l'étude du Plan d'Occupation des Sols (P.O.S.) de ce
secteur a été confiée à la SONED qui a achevé ses travaux et les a transmis, pour
approbation, au Ministère du Tourisme et de l'Environnement.

1.4. Le Plan d'Aménagement Touristique de la Basse-Casamance


Réalisé en 1976 par le bureau d'études Tourism Planning Research, le Plan d'Aména
gement Touristique de la Basse-Casamance prévoyait la mise en place à l'horizon 1989
de 41 000 lits pour l'ensemble de la Basse-Casamance, dont 2 820 sur le littoral.
Le Schéma Régional d'Aménagement Touristique de la Basse-Casamance s'articule
autour des points suivants:
- les zones de séjour touristique (Cap-Skirring, Kafountine et Ziguinchor);
- le développement du tourisme d'excursion comprenant les circuits des villages et
les circuits nautiques.
Mais c'est sur le Cap-Skirring que se sont portés pour l'essentiel les efforts d'aménage
ment pour des raisons de qualité des sites des implantations existants, Kafountine devant
ultérieurement prendre le relais.
Le Plan d'Occupation des Sols de la zone du Cap-Skirring a identifié quinze lots dont
seulement huit sont à ce jour aménagés (1 340 lits). La poursuite du programme

416
Problématique de la Mise en Valeur des Ressources Touristiques

d'aménagement rencontre des difficultés liées notamment à l'inexistence de certaines


infrastructures et équipements et aux problèmes d'alimentation en eau potable.

1.5. Le Plan de Développement Touristique dans la région de


Saint-Louis
Le Plan de Développement Touristique de la région de Saint-Louis a identifié trois zones
à vocation touristique:
- le littoral de Saint-Louis (la Langue de Barbarie);
- la zone du delta et celle du Bas-Sénégal (Richard-Toll, Dagana);
- et quelques localités fluviales en tant que points d'appui pour le tourisme de
circuit.
Il prévoyait qu'à la fin du Ve Plan de Développement Economique et Social (1981),
la région de Saint-Louis aurait une capacité d'accueil de 1 040 lits dont 720 pour le séjour
balnéaire. Ces chiffres sont loin d'être atteints aujourd'hui puisqu'entre 1972 et 1992 le
potentiel-lits de la région n'est passé que de 1 35 à environ 548 lits dont 228 pour la ville
de Saint-Louis.
En réalité, depuis que le Plan de Développement Touristique de la région de Saint-Louis
a été élaboré en 1972 par SAICOH-SAUDIE, aucune action n'a été entreprise pour
favoriser l'implantation dans cette région d'unités hôtelières, la priorité ayant été
accordée à la Petite Côte et à la Basse-Casamance.

1.6. Le Plan d'Aménagement de la Corniche-Ouest à Dakar


S'étendant de l'ex-camp Lat-Dior au village de Ngor, la Corniche-Ouest de Dakar a
fait l'objet d'un plan d'aménagement, élaboré par le Ministère de l'Urbanisme. Ce
plan se justifie par le souci de concilier les besoins d'habitat et les opportunités de
développement touristique, tout en préservant les autres activités de loisirs (accès des
plages).

2. L'EXECUTION DES PROGRAMMES

2.1 . Infrastructures de base et équipements collectifs


La mise en place des infrastructures de base et des équipements collectifs est nécessaire
à l'aménagement. Par infrastructures de base, on entend:
- le réseau de voierie,
- l'alimentation en eau potable,
- l'alimentation en électricité,
- les télécommunications,
- l'aménagement paysager,
- le réseau d'assainissement, etc.
Les équipements collectifs quant à eux comprennent:
- les installations commerciales,
- les installations sportives et récréatives,
- l'administration (poste, police, services de premiers secours, etc.).

417
Ressources Côtières et Littorales du Sénégal

La réalisation de ces infrastructures et équipements est fondamentale pour la promotion


des investissements. A la charge des pouvoirs publics, c'est une œuvre qui engage
plusieurs ministères, chacun s'acquittant de la tâche relevant de sa compétence.

2.1.1. La Petite Côte


L'équipement de Saly-Sud a été achevé pour un coût de 3 400 millions de F CFA et huit
hôtels ont été construits sur les dix prévus.
Une enquête de motivation réalisée sur les marchés émetteurs a toutefois fait ressortir la
nécessité d'adjoindre au produit déjà existant quelques équipements (salle polyvalente,
marines, aéroclub).
Le coût de ces installations supplémentaires a été estimé (en décembre 1989) à
3 950 millions de F CFA incluant la réalisation d'une unité de compostage des
ordures, la clôture de la station par une haie vive ainsi que la réfection et l'entretien de
la voierie.

2.1.2. La Basse-Casamance
Le Plan d'Aménagement Touristique de la Basse-Casamance recommandait la mise en
place des infrastructures de base nécessaires pour la réalisation du programme d'aména
gement touristique.
Mais, en l'absence d'une Société chargée, à l'image de la SAPCO, de veiller à la mise
en œuvre du programme d'infrastructures, les délais de réalisation ont été rarement
respectés par les départements ministériels concernés.
Il s'avère aujourd'hui nécessaire de faire le point sur la réalisation des infrastructures de
base, notamment au Cap-Skirring et dans la zone de Kafountine.

2.2. L'incitation à l'investissement


A la différence de la plupart des destinations qui lui sont concurrentes, il n'existe pas
encore au Sénégal un code des investissements spécifiques au tourisme.
L'examen des codes adoptés ailleurs a permis de se rendre compte que notre politique
d'incitation à l'investissement touristique n'est pas de nature à attirer les investisseurs
étrangers autant qu'on l'aurait souhaité.
A l'issue du Conseil Interministériel sur le Développement du tourisme tenu le 27 avril
1989, la Directive avait été donnée de s'atteler à l'élaboration d'un code spécifique au
secteur touristique qui soit suffisamment attractif. Rien de concret n'a encore été réalisé.

2.3. Le financement du développement touristique


Pour contribuer au financement du secteur touristique (en plus de l'industrie et de la
pêche), l'Etat sénégalais créé en 1974 la société Financière Sénégalaise pour le Déve
loppement Industriel et Touristique (SOFISEDIT).
Les financements alloués au tourisme par cet organisme public avaient la forme de crédit
à long terme pour une durée maximale de dix-sept ans dont deux d'exemption, et un taux
d'intérêt basé sur le taux officiel d'escompte majoré des commissions bancaires corre
spondantes.

418
Problématique de la Mise en Valeur des Ressources Touristiques

Ce faisant, le taux appliqué par la SOFISEDIT était de 14-15%, donc pratiquement


analogue aux taux appliqués par les banques commerciales locales pour des crédits à
court terme.
Par ailleurs, les financements de la SOFISEDIT, assurés en fonction des plans de
couverture présentés par les promoteurs, ne pouvaient en aucun cas dépasser 50% de la
valeur du projet.
Il convient de préciser que la SOFISEDIT ne possédait pas de ressources en fonds
propres, ni de dotation directe importante de l'Etat ; son rôle était d'affecter de façon
discriminatoire les ressources mises à sa disposition par les organismes internationaux
de développement. De là, découlait le problème principal de l'insuffisance des fonds
disponibles pour l'ensemble des initiatives (tourisme, pêche, industrie).
Cet état de fait plaçait bon nombre de promoteurs nationaux dans l'obligation de geler
ou d'abandonner leur projet.
Aujourd'hui avec la liquidation de la SOFISEDIT, le rythme d'implantation des unités
hôtelières et touristiques, déjà assez faible à l'époque, s'est ralenti davantage, le recours
aux banques commerciales locales n'étant pas envisageables en raison de leurs conditions
de financement incompatibles avec les caractéristiques d'entreprise à rentabilité différée
comme celle du secteur hôtelier.
Cette situation préjudiciable au développement du secteur, confirme la nécessité et
l'urgence qu'il y a à mettre en place un crédit hôtelier.
Le plan de financement de ce crédit hôtelier prévoit:
- un crédit à long terme représentant 50% du coût de l'investissement et à la charge
du crédit;
- une participation de la banque-agent de 18% permettant de porter les fonds propres
à 40% après apport du promoteur de 22%;
- le bouclage du financement s'effectuera par des crédits à moyen terme à hauteur de
1 0% auprès des banques locales.
Quant aux conditions de financement, elles devront être les suivantes:
taux d'intérêt: 6% maximum
durée: 10 à 15 ans
différé: 2 à 3 ans
Depuis son institution le 23 juillet 1986 (décret n° 86-898), le crédit hôtelier attend d'être
financé pour un montant d'environ vingt quatre (24) milliards de F CFA (12 milliards
dans un premier temps). Le dossier technique a déjà été préparé et soumis aux bailleurs
de fonds.

3. STRATEGIE DE MISE EN VALEUR DES RESSOURCES ET


POTENTIALITES TOURISTIQUES DU LITTORAL

3.1. Généralités
Au Sénégal comme partout ailleurs, deux exigences majeures se posent au développe
ment du tourisme, à savoir:

419
Ressources Côtières et Littorales du Sénégal

- à long terme, exploiter à fond les ressources et potentialités des régions, sans détruire
ou diminuer leurs attraits, tout en créant et maintenant une image distinctive, dans
un marché de plus en plus concurrentiel;
- à court terme, assurer la croissance du potentiel hébergement, des services et
équipements d'accompagnement, tout en garantissant le profit maximum des fonds
investis.
Ces deux exigences constituent un premier problème dont toute stratégie de développe
ment touristique qui se veut conséquente doit tenir compte.
Nous pensons que le développement du tourisme au Sénégal, en particulier dans les zones
littorales, doit être sous-tendu par deux notions - clés: volonté et organisation.
Au nom d'une réelle volonté politique, le tourisme classé industrie lourde, en raison de
I ' importance des investissements qu'il nécessite, doit être doté de moyens suffisants pour
son développement; lequel développement ne sera durable que dans un cadre bien
organisé et garantissant l'équilibre des milieux aménagés.
Les axes que nous nous proposons de dégager comme devant permettre d'optimiser
l'exploitation des potentialités touristiques de notre littoral n'ont rien de révolution
naires. Répondant à une certaine logique, ils reprennent en les ordonnant des idées
connues, mais dont la réalisation tarde toujours à la grande misère du tourisme sénégalais.
II s'agit:
- du raffermissement du cadre de développement touristique;
- de la création d'une Société Nationale d'Aménagement Touristique;
- de la création d'une structure de financement répondant aux caractéristiques de
l'industrie touristique (crédit hôtelier);
- de l'adoption de mesures adéquates d'incitation à l'investissement touristique;
- du contrôle de la politique nationale d'aménagement touristique.

3.2. Eléments de stratégie

3.2.1. Raffermissement du cadre de développement touristique


L'option pour un développement planifié du secteur doit être confortée à travers les
actions suivantes:
- finalisation du Plan National d'Aménagement Touristique (PNAT);
- élaboration d'un plan d'aménagement pour tous les espaces ayant un intérêt touris
tique certain: Kaolack-Fatick, Lac Rose, Grande Côte, Corniche Est, etc.

3.2.2. Création d'une Société Nationale d'Aménagement Touristique


Cette Société dotée de moyens suffisants, sera chargée d'exécuter les recommandations
du PNAT. Elle aura un rôle fondamental à jouer notamment en ce qui concerne:
- la réalisation des infrastructures de base et des équipements collectifs;
- l'affectation des terrains à vocation touristique qui sera d'autant plus aisée que la
société recevra de l'Etat ses propres réserves foncières.
L'idée fondamentale à travers ces deux points est de garantir l'efficacité des actions à
entreprendre, grâce à un centre de décision unique.

420
Problématique de la Mise en Valeur des Ressources Touristiques

3.2.3. Crédit hôtelier


Les efforts entrepris en vue de sa mise en place doivent être poursuivis.

3.2.4. Adoption de mesures adéquates d'incitation à


l'investissement touristique
L'adoption d'un code des investissements spécifiques au tourisme suffisamment incitatif
reste une condition essentielle pour la relance des investissements dans ce secteur.

3.2.5. Contrôle de la Politique Nationale d'Aménagement Touristique


Les services techniques compétents devront suivre et contrôler les différentes phases de
réalisation des projets privés. A cet effet, la qualité de leur personnel devra être améliorée
par le biais de la formation et des voyages d'études. Ils devront également être dotés de
moyens logistiques.

421
LES RAPPORTS ENTRE TOURISME ET ESPACE
LITTORAL: EXEMPLE DE LA PETITE COTE
(SENEGAL)

Amadou DIOP
Département de Géographie, Faculté des Lettres et Sciences Humaines,
Université Cheikh Anta Diop, Dakar, Sénégal

Résumé

La Petite Côte reste aujourd'hui un dispositif important dans le réseau touristique du


Sénégal. L'aménagement de cet espace s'appuie sur le schéma directeur élaboré à partir
de 1972 par le bureau d'études Henri-Chomette. Sur la base de cette étude, la Société
d'Aménagement de la Petite Côte (SAPCO), chargée de la mise en valeur des sites
prioritaires de cette zone littorale, a vu le jour en 1975.
L'espace littoral de la Petite Côte organisé autour de deux grands centres urbains, Mbour
et Joal-Fadiouth, compte plus de 1 50 000 habitants. Il est devenu un espace convoité
mais fragile. Aussi la gestion des convoitises et des pressions multiples et contradictoires
demeure-t-elle plus que nécessaire.
L'auteur de cet article fait d'abord une mise au point sur le tourisme de la Petite Côte; il
analyse ensuite l'irruption du phénomène sur ledit espace et fait apparaître enfin les
modifications résultant de cette intrusion à la fois sur les activités humaines et les
paysages.

THE RELATIONSHIP BETWEEN TOURISM AND LITTORAL


AREAS: THE EXAMPLE OF THE PETITE COTE (SENEGAL)
The Petite Côte forms an important part of the Senegalese tourist network. The develop-
ment of the area is based on the plan elaborated as from 1972 by the Henri-Chomette
Consulting Firm. In 1975 the Societé d'Aménagement de la Petite Côte (SAPCO) was
set up with the responsibility of developing the priority sites of this littoral area.
The littoral area of the Petite Côte is organized around two large urban centres, Mbour
and Joal-Fadiouth with more than 1 50 000 inhabitants. It has become a desirable, but
very vulnerable area due to the many pressures it faces thus necessitating a strict
management plan.
The author of the present paper firstly clarifies the tourism situation in the Petite Côte.
He then analyzes the sudden development of tourism in the littoral area and the changes
it has brought about on human activities and the landscape.

423
Ressources Côtières et Littorales du Sénégal

INTRODUCTION
Les possibilités de mise en valeur touristique du littoral de la Petite Côte sénégalaise ont
suscité un vif intérêt depuis 1972, date à laquelle fut confiée, au bureau d'études
Henri-Chomette, l'élaboration du schéma directeur touristique fixant les conditions
d'aménagement de cet espace littoral. Dans la ligne des recommandations, la Société
d'Aménagement de la Petite Côte (SAPCO), créée en 1975 et chargée de mettre en valeur
les sites prioritaires de la Petite Côte, a réalisé de toute pièce la station touristique de Saly
Portudal.
Sur les 700 km de côtes sénégalaises, le littoral de la Petite Côte en totalise 80 km et
s'étend du Sud de la région du Cap-Vert à celle de Joal-Fadiouth. Il s'agit, par définition,
d'une zone ultrasensible née du contact des deux écosystèmes: "les espaces terrestres et
marins fortement influencés les uns par la proximité des autres".
Cet espace littoral s'organise autour de deux centres urbains, Mbour et Joal-Fadiouth, et
d'un semis de villages qui s'échelonnent du Nord au Sud; plus de 150 000 habitants sont
concernés. Les premiers utilisateurs sont les pêcheurs-agriculteurs. Plus que l'agriculture
qui a un caractère de subsistance, la pêche artisanale constitue la principale activité
économique sur ce littoral et fait vivre des milliers de familles. A l'échelle du pays, la
Petite Côte assure chaque année plus de 40% des mises à terre.
Voilà que ce littoral est devenu aussi, depuis quelques années, l'espace de loisir le plus
convoité et exerce un attrait considérable sur des milliers de touristes étrangers à la
recherche de plage, de mer et de soleil. L'activité touristique exige beaucoup d'espace
et ses intérêts ne sont pas toujours conciliables avec ceux des autres formes d'occupation
de l'espace.
Cette bande littorale fait de plus en plus l'objet de convoitises, de pressions multiples et
contradictoires. Par ailleurs l'écosystème littoral se caractérise par une extrême fragilité.
Les contraintes sont ici rigoureuses et tout sur-aménagement peut produire des ruptures
irréversibles. L'aménagement et un zonage spatial rigoureux des activités sur le littoral,
sont donc une nécessité pour mieux protéger cet environnement rare et fragile. Au risque
de disparaître, le tourisme doit être respectueux de cet écosystème qui lui a donné
naissance.
L'objet de cette contribution est de tenter une mise au point, en étudiant l'irruption du
phénomène touristique sur la Petite Côte et les rapports dialectiques entre le tourisme et
l'espace littoral.

1. TYPOLOGIE DES IMPLANTATIONS TOURISTIQUES


Les qualités paysagères du littoral de la Petite Côte sont remarquables et constituent un
puissant attrait pour le développement touristique: disponibilité en plage, micro-climat
et pratiques balnéaires favorables. La diversité de ses paysages font du littoral un espace
prisé. L'étude des sites permet d'individualiser trois types de côtes qui correspondent,
en général, à trois types d'organisation de l'espace touristique : un tourisme de proximité
sur la côte à falaise, un tourisme de club-vacances et station sur la côte sableuse et un
tourisme de passage sur la vasière de Joal-Fadiouth (figure 1).

424
Les Rapports entre Tourisme et Espace Littoral
Ressources Côtières et Littorales du Sénégal

2. LOCALISATION DU TOURISME DE PROXIMITE


La côte sableuse de Toubab Dialao à Guéréo
La figure 2 présente l'aspect général de la partie septentrionale du littoral. Il s'agit d'une
zone de collines (20 à 80 m d'altitude) recouverte d'une épaisse cuirasse rouge et qui
correspond à la partie occidentale du massif de Ndiass. Celui-ci s'étend de la partie
Nord-Est et Nord-Ouest de la Petite Côte jusqu'à Popenguine. Il est entrecoupé par de
petites vallées dans lesquelles se sont installés les villages de pêcheurs-agriculteurs. Le
versant terminal de ce massifest constitué de falaises côtières qui abritent une succession
de criques rocheuses et offrent ainsi une belle vue de la mer. La beauté du site a
spontanément attiré les touristes dont les premiers furent des militaires français, pendant
la période coloniale. Le flot touristique grossit à partir des années 1970, animé par des
coopérants français, des commerçants libanais puis des fonctionnaires sénégalais rési
dant à Dakar.
L'étude des photographies aériennes verticales est significative de l'organisation de ce
type de tourisme. L'occupation touristique du littoral répond ici à deux thèmes majeurs:
- La fonction touristique s'est exprimée d'abord sur la plage de "Kisito" qui s'étend
au Nord et qui est limitée au Sud par un promontoire rocheux. Il s'agit ici d'une
implantation linéaire anarchique; le principe majeur qui guide l'occupation de l'espace
est la ligne de rivage. Tous les cabanons s'alignent sans coupure en front de mer.
- Au Sud du promontoire rocheux s'étend la plage de "Thioupam" dominée par une
belle falaise d'environ 70 m d'altitude. L'occupation de l'espace répond à des
installations ponctuelles, dispersées, accrochées au site de falaise qui offre une belle
vue de la mer.
Les formes d'occupation de ce type de tourisme, de constructions légères et
mobiles, ne sont pas déprédatrices et s'intègrent bien dans le paysage littoral.
Cependant la multiplication des formes d'hébergement permanentes en dur,
villas, sur la dune bordière, peut être menaçante pour l'équilibre de cet espace.

3. LOCALISATION DU TOURISME AMENAGE


La côte sableuse de Guéréo à Joal
De Guéréo à Joal la côte est basse, sableuse, bordée d'anses très ouvertes au niveau des
villages de Ngaparou et de Saly-Portudal. La plage est ici l'un des fondements du
tourisme balnéaire; constituée de sable fin d'une qualité remarquable, elle se déploie sur
plus de 40 km sur une profondeur dépassant fréquemment 100 m.
La topographie marine et les conditions hydrologiques présentent d'autres avantages
touristiques. La largeur de la plate-forme marine (60 miles environ) qui prolonge la plage
constitue à la fois un attrait pour la pratique balnéaire et un cadre favorable à la faune
marine. La température de l'eau varie entre 20 et 25°C; l'ensoleillement moyen est de 260
heures/an et la température moyenne mensuelle s'élève à 25°C.
C'est sur la dune littorale très peu élevée (moins de 8 m) que sont installés les quelques
villages traditionnels de pêcheurs et les villes de Mbour et Joal tournées aussi vers
l'économie de la pêche artisanale. Des kilomètres de plage restent inoccupés. Les
manifestations touristiques se limitaient à quelques implantations spontanées de caba
nons, moins nombreuses que sur la côte rocheuse.

426
Les Rapports entre Tourisme et Espace Littoral
Ressources Côtières et Littorales du Sénégal

Vers les années 1 970, le souci de diversifier l'économie nationale, basée sur la monoculture
de l'arachide, a poussé le gouvernement à orienter ses efforts vers le développement du
tourisme sur cette partie de la côte. Cette orientation s 'est appuyée sur des stimulations fiscales
(code d'aide à l'investissement) qui ont permis à des promoteurs privés d'édifier des
établissements touristiques. Ainsi ont été créés les villages-vacances de Nianing, du Centre
touristique de Mbour, du Club Aldiana et la Station touristique de la Petite Côte pilotée par
laSAPCO.
La localisation de ce tourisme lié organiquement aux motivations des vacanciers est fondé
sur des critères balnéaires dont une large ouverture à la mer et une importante disponibilité
en plage. Deux modes d'implantation sont repérables ici; le premier correspond à une
implantation ponctuelle et localisée des établissements hôteliers et le second relève d'un
aménagement volontaire et intégré constitué de plusieurs unités hôtelières qui s'organisent
autour d'un noyau fonctionnel de commerces et de services.

4. AMENAGEMENT DE TYPE PONCTUEL

4.1 . Le club vacances de Nianing, un point d'ancrage rural


Le club vacances de Nianing (figure 3 a) situé à 9 km au Sud de Mbour est implanté dans
la zone rurale du village de Nianing. Il s'organise de part et d'autre de la route départementale
Mbour-Joal sur une superficie de 140 hectares.
Sa structure interne distingue deux parties: un espace d'hébergement et un espace
distractif aménagé sur un site de plage qui polarise toute l'activité touristique. Pour
un potentiel d'accueil d'environ 250 lits, ce club vacances totalise annuellement entre
45 000 et 50 000 nuitées. La prestation de cet établissement est celle d'un hôtel de
trois étoiles. Divers équipements distractifs et de commerce sont proposés à la
clientèle: équitation, sports nautiques, piscine, tennis, night-club, cafés, restauration,
excursions.
Ce village de vacances se présente sous la forme d'un véritable "kyste" touristique dont
les rapports avec le milieu d'accueil reposent sur un antagonisme très marqué. Les
activités de celui-ci s'intègrent mal à l'espace littoral et cette situation résulte de la
conception même de l'espace touristique et du système économique local basé sur
l'agriculture d'arachide et de mil, ne correspondant pas à la nature de la demande
hôtelière. L'inexistence d'équipements de commerce et de service dans cet espace
villageois, exclut toutes possibilités de relations commerciales avec l'établissement
touristique et explique son "court-circuitage" par d'autres centres équipés.

4.2. Le centre touristique de Mbour: un point d'ancrage urbain


Le centre touristique de Mbour (figure 3b) est localisé au bord de la mer. Pour un
potentiel d'accueil de 200 lits, ce club de vacances totalise un peu moins de 40 000
nuitées par an. Les prestations de service de cet établissement touristique sont celles
d'un hôtel de 2 étoiles et se situent au-dessous du club-vacances de Nianing. Les
distractions proposées sont peu diversifiées: location de vélo, planche à voile, ping-pong
et tennis.

428
Les Rapports entre Tourisme et Espace Littoral

OCEAN ATLANTIQUE

Figure 3a Implantation du domaine de Nianing: un point d'ancrage rural


(source photographie aérienne de Mbour)
1 plage 4 emprise villageoise
2 dune littorale 5 espace agricole
3 club-vacance

Figure 3b Implantation du centre touristique de Mbour: un point d'ancrage urbain


(source: photographie aérienne de Mbour)
1 plage 5 marché
2 club-vacances 6 habitat à faible densité
3 zone de pêche 7 habitat à forte densité
4 centre administratif et commercial

429
Ressources Côtières et Littorales du Sénégal

Les liens entre ce club vacances et l'espace d'accueil sont assez étroits. Les équipements
urbains de la ville de Mbour même, s'ils demeurent modestes, satisfont la demande
hôtelière. Dans le domaine de l'alimentation par exemple, la plupart des achats se font
sur place; tous les produits de pêche (poissons, crevettes et langoustes) et les boissons
sont fournis par le marché de Mbour et les commerces libanais.
Sur le plan spatial, la cohabitation est conflictuelle entre le tourisme et la pêche, la
proximité du centre de pêche et de ses activités de transformation est jugée incompatible
avec le développement du tourisme. Des mesures visant au déplacement du centre de
pêche ont été prises mais ne sont pas pour le moment effectives devant le refus des
pêcheurs de quitter la zone.

5. AMENAGEMENT DU TOURISME DE STATION


La création de la station touristique de Saly Portudal constitue un acte de géographie
volontaire qui procède du souci du gouvernement sénégalais de faire du tourisme un
facteur d'appoint de l'économie nationale. Après de longues études de faisabilité, la
décision fut prise de confier à la SAPCO le soin d'aménager le site de Saly (figure 4).
Un contexte politique favorable, une maîtrise foncière qui est un préalable nécessaire à
l'aménagement de l'espace, l'exécution des infrastructures avant la construction des
établissements hôteliers, constituent les moyens de base qui ont présidé à cette opération
d'aménagement.
Les conceptions spatiales et urbanistiques de la nouvelle station, sous-tendues par les
aspirations des touristes qui répondent essentiellement aux thèmes balnéaires, s'appuient
sur deux principes:
- les unités hôtelières doivent être localisées à proximité du rivage pour permettre
l'accès rapide à la plage et à la mer; les motivations balnéaires étant ici essentielles;
- éviter l'urbanisation continue de la façade maritime et la grande proximité des
localités villageoises avec les établissements hôteliers; ce qui pourrait détruire le
cachet "sauvage" et isolé du site tant recherché par les touristes.
Les infrastructures élémentaires nécessaires au développement touristique ont dû être
créées de toutes pièces par la SAPCO sur financement de la Banque Mondiale: 10 km
de routes bitumées, 12 km de lignes électriques, 10 km de conduites d'adduction d'eau
potable, un château d'eau, 5 km de conduites d'eaux usées et une station d'épuration.
Une zone d'espace vert a été entièrement reconstituée.
L'aménagement aboutira à l'organisation, sur un terrain de 358 000 m2, d'un espace
vacances spécialisé constitué de modules maillés par un système de réseaux tertiaires et
quaternaires prêts à accueillir des installations hôtelières et para-hôtelières. L'espace
touristique est ici appréhendé dans son entier: il est fonctionnellement branché autour
d'un "germe de vie", un noyau central sur lequel sont mises en place des actions de
promotion et d'animation; espace où se côtoient le confort et le naturel (équipements
ludiques, hébergement de luxe, pelouse, espaces boisés, plage, mer).
C'est sur le plan des rapports entre ce tourisme et l'espace d'accueil que l'on peut émettre
quelques réserves.

130
Les Rapports entre Tourisme et Espace Littoral
Ressources Côtières et Littorales du Sénégal

6. LOCALISATION DU TOURISME DE PASSAGE


La vasière de Joal-Fadiouth à la Pointe de Sangomar (figure 5)
Cette côte largement échancrée par les bras de mer correspond à un marais. Elle constitue
une aire colmatée par des dépôts de vases et découpée par un réseau de chenaux en de
multiples îles. Les vasières basses constamment submergées par la mer forment une
plate-forme de schorre colonisée par la mangrove. La richesse de ce milieu vaseux, riche
en matières organiques et minérales, explique son peuplement par une faune d'une grande
variété: les palétuviers offrent un support résistant aux huîtres qui s'y développent
naturellement en grandes quantités; les crustacés, crevettes et langoustes, y pullulent
aussi. Sa richesse faunistique en oiseaux, flamants roses, pélicans, aigrettes, mammifères,
lamantins, dauphins, justifie, au Sud du Sine-Saloum, la création d'une réserve zoologi
que qui attire beaucoup de visiteurs. Les anciennes vasières assez élevées ne sont plus
atteintes par la mer; elles constituent de vastes étendues de terres (les tannes) recouvertes
d'une fine couche de sel, impropres à toutes cultures.
C'est sur l'étroite bande de terre entre la mer et la zone de marais que s'est constituée la
ville de Joal dont les références historiques en font un site privilégié; Joal fut un centre
portuaire de troc qui se pratiquait sur la base de poudre d'or, de défenses d'éléphants et
de cire. Il est fréquenté depuis le 15ème siècle par les navigateurs portugais.
Cependant l'originalité du site, objet d'un circuit touristique très fréquenté, réside dans
la constitution et l'occupation de l'île de Fadiouth; l'île sur laquelle s'est édifiée le village
de Fadiouth a été entièrement construite à la suite d'accumulation de coquillages qui
témoigne des siècles de consommation et d'occupation humaine. Elle est habitée par une
population de pêcheurs qui pratiquent subsidiairement la culture de mil sur le continent
pendant la saison des pluies. A l'écart de l'île principale, est située une autre île de
coquillages (10 m d'altitude) qui tient lieu de cimetière.
Ce micro-relief ainsi constitué par les amoncellements de coquillages offre un cadre
pittoresque bien apprécié des touristes. 11 s'agit d'un paysage naturel et spatio-culturel
regardé, parcouru et qui intéresse au premier plan l'activité touristique.

7. LES IMPACTS DES IMPLANTATIONS TOURISTIQUES SUR


L'ENVIRONNEMENT LITTORAL
Les impacts de l'intrusion du tourisme sur les espaces littoraux sont multiples. Ils sont
d'ordre socio-économique et spatial. Les perturbations socio-économiques sont dans
l'ensemble bien étudiées. Dans les lignes ci-dessous, il sera question des impacts spatiaux
sur le littoral. Aussi, nous attacherons-nous à détailler l'étude des impacts spatiaux sur
le littoral.

7.1. Le tourisme consommateur d'espace


L'impact le plus visible du tourisme littoral est la consommation d'espace. L'implanta
tion d'infrastructures hôtelières conduit à une consommation considérable d'espace
(figures 6a et b). Cette situation installe une logique de conflits. Ainsi, sur la Petite Côte,
la mise en place du complexe touristique de Saly a consacré la "spoliation" des terres
agricoles villageoises. Par ailleurs, en jetant son dévolu sur l'espace littoral, le principal

432
Les Rapports entre Tourisme et Espace Littoral

Figure 5 La zone de vasière: Joal-Fadiouth (source: Couverture aérienne de la


Petite Côte, 1978)

problème que pose le tourisme aux yeux des autochtones est celui de l'accès à leur lieu
de travail. Les installations hôtelières qui ont élu domicile sur le littoral ont ainsi privatisé
la plage, le lieu d'embarquement et de débarquement des pêcheurs et le support des
activités de transformation.
Cette consommation de l'espace littoral varie selon les formes d'occupation touristique.
Le tourisme de type 1 a des incidences moindres, qui ne remettent pas en cause les
activités traditionnelles.

7.2. Le tourisme facteur de "revalorisation/dégradation" du milieu


Ce couple de mots révalorisation/dégradation est emprunté à CAZES (1975). Il illustre
les rapports dialectiques entre le tourisme et l'espace littoral. Dans un premier temps, la
diversité et la beauté des paysages littoraux en font un espace touristique de premier
ordre; l'objectifdu tourisme étant de rapprocher le plus possible le vacancier des éléments
de la nature et de lui offrir un espace de dépaysement. Ainsi une politique de préservation
du milieu littoral est nécessaire pour en assurer Tara-activité. L'évolution spatiale et
temporelle du processus de valorisaton du paysage littoral par le fait balnéaire est bien
notée dans le travail de M. BA (1986) dont la problématique porte sur le paysage et le
tourisme. C'est ainsi que:

433
Ressources Côtières et Littorales du Sénégal

Figure 6a Organisation traditionnelle de l'espace

légende 1: otage. 2: marigot vmuk. I: village. *: plate. Y espaces-verts, a: noyau central de la


etetion. 7: établissements touristiques. 8 perfclng: 9: tennis. 30: routes, il: terres réservées a la
SAPCO et prêtées temporairement au* agriculteurs

Figure 6b Nouvelle forme d'organisation spatiale: implantation de la station


touristique de Saly Portudal (source: Superposition de la couverture
aérienne de la zone de Saly, 1978, et d'une planche photographique de la
station touristique, 1984)

434
Les Rapports entre Tourisme et Espace Littoral

- Pour le domaine de Nianing des opérations de reboisement, d'enrichissement de la


végétation (neems,filaos et Eucalyptus) ont joué un rôle important pour le dévelop
pement touristique.
- Pour le club Aldiana, le groupe Allemand Neckermann, en guise de compensation
pour les Eaux et Forêts, a entrepris une vaste opération de reboisement du site en
filaos. Ce qui donne au site un cachet "sauvage" légitimant le fait balnéaire.
- Enfin, l'édification de la station touristique de Saly Portudal a été précédée de la
construction d'une véritable oasis de verdure. Plus de 150 000 arbres plantés pour
que "les arbres et le soleil se donnent rendez-vous dans les chambres".
Le tourisme de week-end participe aussi à la revalorisation et à la protection du paysage
littoral. Il ressort d'une étude réalisée sur la Petite Côte que la plupart des personnes
interrogées pensent que l'impact de ce type de tourisme sur l'environnement est très
positif (NIANG, 1992). Les principaux employés du tourisme de week-end sont des
jardiniers qui entretiennent dans chaque cabanon un coin d'espaces verts.
On peut noter enfin que le développement d'un tourisme de passage et de découverte est
rendu possible grâce à la promotion d'un milieu naturel original.
Le deuxième terme de notre couple de mots est antagonique au premier. L'attrait
touristique, résultat de la valorisation et de la préservation d'un site littoral peut exposer
celui-ci à la dégradation du fait de la multiplication des hébergements, des équipements
et de la massification des touristes sur cet espace fragile. Au Sénégal, le littoral enregistre
plus de 90 % des séjours de vacances. Cette concentration est plus accentuée sur la Petite
Côte où le piétinement des dunes littorales, le prélèvement inconsidéré de sable pour la
construction d'hôtels et de villas créent de nombreuses ruptures d'équilibre. L'agres
sion touristique et les risques qu'elle fait peser sur cet écosystème est plus visible
dans les types d'aménagement lourds comme celui de la station de Saly. Elle est
beaucoup plus tempérée dans le cas du tourisme de week-end ou du tourisme de
passage.

CONCLUSION
Le tourisme doit être respectueux du milieu naturel qui l'a crée au risque de disparaître.
L'aménagement fonctionnel du littoral devra s'accomplir en fonction d'une politique de
préservation active, qui consistera à maintenir des espaces boisés, à classer, à réserver
des espaces et à faire respecter l'inaliénabilité du DPM1. Il faut arriver à faire coexister
des activités dont la logique spatiale est souvent conflictuelle. Appliquer un bon zonage
spatial pour bien délimiter les aires d'activités et imposer des règles propres à préserver
cet écosystème fragile. Le tourisme bien pensé peut jouer un rôle positif dans cette
politique de préservation.

1 Domaine Public Maritime.

435
Ressources Côtières et Littorales du Sénégal

REFERENCES BIBLIOGRAPHIQUES
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Côte. Mém. de maîtr., Département de Géographie, Univ. Ch. A. Diop, Dakar,
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BAILLY, P. (1981). Citadins aux champs: quelques malentendus du tourisme vert. La
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436
CONSERVATION ET GESTION DU
LITTORAL

LITTORAL CONSERVATION AND


MANAGEMENT
LA PECHE A L'EXPLOSIF A DAKAR

El Aly HAIDAR
Océanium, Club de Plongée, Dakar, Sénégal

Georges GREPIN
Département Zones Humides et Littorales, UICN, Sénégal

Résumé

La pêche à l'explosif a pris des proportions inquiétantes dans les baies de Dakar. Aussi,
les auteurs du présent article notent-ils une très forte réduction de l'ichtyofaune des bancs
rocheux de Yoff et des Almadies.
Ils indiquent, par ailleurs, les zones soumises actuellement à ce "braconnage" de façon
intense et s'intéressent également, dans cet article, aux types d'explosifs utilisés, aux
effets sur la faune et insistent enfin, sur les menaces qui pèsent sur les pêcheries
artisanales traditionnelles de la région de Dakar.

FISHING WITH EXPLOSIVES IN DAKAR

Abstract

Explosive fishing has increased at an alarming rate in Dakar's bays. In addition, the
authors ofthe present paper point out the servere reduction ofthe ichtyofauna in the reefs
of Yoff and Almadies.
Furthermore, they indicate the areas which are today intensely poached. They are also
interested in the types ofexplosives used, their effects on the fauna, and finally emphasize
the threats to traditional small-scale fishing in the Dakar region.

1. HISTORIQUE
La pratique de la pêche à l'explosif semble avoir pris naissance il y a une trentaine
d'années lors de l'exploitation des carrières de basalte de Ouakam en bord de mer. Le
savoir-faire nécessaire à la manipulation d'explosif brisant (dynamite) puis à la fabrica
tion artisanale d'explosif à base de chlorate (vendu comme désherbant) s'est ensuite
transmis à certains pêcheurs de la Pointe des Almadies approvisionnés en explosif par
les petits carriers guinéens.
Depuis quelques années, on assiste à une recrudescence de ce type de pêche; les plongeurs
sous-marins de l'Océanium de Dakar ont noté une très forte réduction de l'ichtyofaune.
Les bancs rocheux des Almadies et de Yoff étant fortement dépeuplés, la pêche à
l'explosif s'est déplacée autour du Parc National des Madeleines, à la Pointe du
Cap-Manuel, autour de l'île de Gorée et au banc de la Résolue face à Mbao.

439
Ressources Côtières et Littorales du Sénégal

2. OU ET COMMENT SE PRATIQUE CETTE PECHE?


Les "dynamitages" ont lieu au niveau des bancs rocheux littoraux sur des fonds ne
dépassant pas 35 mètres en général. Initialement, les poissons étaient récupérés en
surface; actuellement les "pêcheurs" utilisent des scaphandres autonomes pour recueillir
en profondeur les poissons présentant un intérêt commercial.
Ce type de pêche a lieu lorsque les eaux se réchauffent en juillet, ce qui permet de rester
plus longtemps en plongée.

3. L'EXPLOSIF UTILISE
La difficulté relative de se procurer de la dynamite a entraîné l'apparition d'un artisanat
de préparation des charges explosives à partir de Chlorate et d'un composé carboné (du
gasoil est rajouté à la charge juste avant l'explosion). L'allumage a lieu par cordon fusant
de type "Bickford" avec détonateur. L'utilisation d'engin de forte puissance est attestée
par le fait suivant: des plongeurs de l'Océanium de Dakar, en plongée sur le banc de la
Séminole, ont été choqués par une explosion; celle-ci a été localisée à environ 5 km du
lieu de plongée, au niveau de l'île de Gorée et le site a été filmé en plongée, alors que les
dynamiteurs prenaient la fuite.
Il est donc possible que ce type d'explosion très puissante mette enjeu un matériel plus
complexe.

4. EFFETS SUR LA FAUNE


Une série de documents vidéo réalisés juste après les explosions montre d'importantes
quantités de poissons morts ou agonisants sur le fond. Les lésions internes très impor
tantes sont facilement visibles en pressant le ventre du poisson; la chair est néanmoins
consommable. Dans certains cas, les organismes marins fixés aux rochers sont arrachés
ou éclatés. Certains de ces dégats semblent dûs à l'explosion, d'autres ont sans doute été
effectués volontairement avant l'explosion: les patelles et oursins écrasés attirant les
bancs de poisson près du lieu de pêche.
Des sites de pêche à l'explosif observés à quelques jours d'intervalle montrent des
poissons en cours de décomposition et consommés par divers invertébrés marins mais
aussi des poissons entiers tués par l'explosion la plus récente. Une étude des dégâts causés
aux pontes et aux juvéniles serait nécessaire.
Quoi qu'il en soit, l'expérience de ce type de pêche dans de nombreux pays permet
d'affirmer qu'il mène rapidement à une "désertification" des fonds rocheux et àun risque
certain de récession de la pêche artisanale littorale.

5. QUELLES SONT LES ESPECES RECHERCHEES?


Les espèces les plus recherchées sont des espèces littorales fréquentes des hauts fonds
rocheux. Leur prise par les moyens classiques est possible mais l'explosif permet des
captures plus importantes.

440
La Pêche à l 'Explosifà Dakar
Ressources Côtières et Littorales du Sénégal

Le Sar marbré ou Ringue en wolof (Sparidae) vit en bancs compacts. L'appatage du banc
suivi de "dynamitage" permet des prises très importantes (certains pêcheurs du Cap
Manuel nous ont cité une prise de 1 200 kg en 1990).
D'autres espèces sont également exploitées: le Sar commun (Ngaté Bu Gor), le Sar à tête
noire (Ngaté bu Djiguèri), la Saupe (Rasaw) (Sparidae) et le Bar tacheté improprement
appelé truite de mer, Silinké (Serranidae); ces espèces sont, semble-t-il, recherchées pour
l'exportation. Cette demande représente cependant une part minime des exportations
sénégalaises de poissons côtiers. Seuls un ou deux exportateurs seraient à l'heure actuelle
demandeurs de ces espèces.

6. QUEL RISQUE POUR L'AVENIR?


Les mises à terre réservées à l'exportation des chalutiers côtiers étaient en 1 987 d'environ
55 000 tonnes au Sénégal. Une enquête menée à cette époque a montré un taux de rejet
d'environ 65%. Des indications plus récentes font état de taux probables de rejet encore
plus importants; dans ces conditions, il est à craindre une raréfaction de cette ressource
dans les années à venir.
Les écosystèmes littoraux rocheux peu profonds sont considérés comme des zones de
nurserie pour de nombreuses espèces. Leur exploitation anarchique peut conduire, à bref
délai, à une désertification des fonds, phénomène déjà sensible localement. De plus, les
pertes en alevins et œufs risquent d'avoir un effet négatif important sur les espèces
exploitées par la pêche artisanale traditionnelle et par les chalutiers côtiers.

7. QUE FAIRE?
Jusqu'à présent, les "dynamiteurs" jouissent d'une grande impunité et la pratique
s'étend. Il est donc nécessaire de sensibiliser les diverses autorités concernées à la
nécessité de travailler ensemble pour trouver une solution à ce problème.

8. DU POINT DE VUE LEGAL


La loi portant code de la pêche maritime est explicite, dissuasive et devrait être appliquée.
Concernant la récupération des poissons à l'aide d'un scaphandre autonome, il y aurait
lieu de contrôler les quatre lieux de gonflage des bouteilles à Dakar.
Le contrôle de la filière "explosif doit être effectif. Une éventuelle brigade de surveil
lance aurait fort à faire, vue l'étendue des sites à contrôler; elle doit disposer d'une coque
très rapide et solide apte à un abordage "musclé" avec de lourdes pirogues: les zodiac
sont donc à exclure. Seule une coque insubmersible semiplanante, longue, type Yamaha
équipée de 2 puissants moteurs hors bord est utilisable. Sa vitesse lui permettant de
rattraper la plupart des pirogues de pêche.
Enfin, les circuits d'exportation de poisson pêché à l'explosif doivent être démantelés
avec en particulier un contrôle strict des exportations de Sar marbré et de Saupe.

442
GESTION DES PRODUITS HALIEUTIQUES ET DU
LITTORAL

Michel NDOUR
Département Armement, Usine de Djifère, Sénégal

1. ORGANISATION DES STRUCTURES DES PECHEURS


Les GIE (Groupement d'Intérêt Economique) remplacent les Coopératives; c'est la
Nouvelle Politique de l'Etat pour la pêche artisanale (NPP).
Les pêcheurs formés en groupements bénéficient des avantages de cette NPP par
l'intermédiaire des organismes intervenant dans la pêche: Equipes d'encadrement,
CAMT, Service des pêches, PAPEC, PAMEZ, autres ONG, etc. Cette NPP fonctionne
bien pour les GIE car ils sont équipés dans des conditions très favorables; c'est un grand
pas pour promouvoir le développement de cette activité vitale.

2. METHODES DE PECHE
Il convient de noter que les méthodes de pêche les plus employées sont:
- Les Filets maillants;
- La Senne tournante (avec ses difficultés de gestion);
- La Senne de plage;
- Les Casiers à seiches;
- La Ligne à hameçons;
- La Palangre;
- Le Filet filtrant à crevettes.

3. LES MISES A TERRE


La pêche artisanale fournit, selon la DOPM (Direction de l'Océanographie et des Pêches
Maritimes), 60% des mises à terre par rapport à la pêche industrielle. Mais si les
statistiques étaient réellement tenues, nous estimons ces apports à 80%. Les agents de la
DPOM n'enregistrent qu'une partie de la production et ce qui est consommé n'est pas
compris. Les productions non enregistrées peuvent fausser les études sur la destruction
des ressources maritimes. Alors, chercheurs faites attention à certaines données (M. Papa
Samba DIOUF, cas du secteur de la pêche au Sine Saloum, M. Louis LE RESTE de
même)!

4. IMPORTANCE DE LA PECHE ARTISANALE


- L'approvisionnement en poisson de toute la population;
- La fourniture aux usines et aux pays de la sous-région;
- La meilleure qualité de poisson frais aux marchés d'Europe (poisson du jour);
- La garantie de revenus à plus de 10% des habitants du pays (pêcheurs, mareyeurs,
transformatrices, journaliers, manœuvres, etc.).

443
Ressources Côtières et Littorales du Sénégal

Mais cette activité a beaucoup de problèmes et des goulots d'étranglement, c'est pourquoi
nous lançons un appel pressant aux autorités, aux chercheurs, aux politiciens et aux ONG
pour contribuer à la surveillance, à l'organisation du travail et à la protection de
l'environnement.
Au sujet du traitement Mme Absa GUEYE-NDIAYE a fait des observations très
intéressantes. Je dois dire en complément que le traitement est archaïque et manque
d'hygiène. Le poisson frais est souvent entreposé sans glace dans les vieux frigos. Les
poissons invendus, les déchets, plus certaines ordures et eaux usées des usines se
retrouvent en général sur les débarcadères malpropres ou les plages. Le poisson est
souvent salé, séché et fumé par terre au contact des insectes et des eaux usées.

Solutions
- Surveillance des plages, absorption des déchets et invendus (usine de farine) par de
petites unités mobiles, etc.
- Contre la destruction des espèces menacées, étude de l'aquaculture.
- L'Etat a établi un bon programme d'équipement (pirogues, moteurs, filets) mais il
n'existe pas une organisation dans l'écoulement. Le maître du terrain, c'est le
mareyeur qui achète ce qu'il veut et au prix qui lui convient.

5. RECOMMANDATIONS
- Les chercheurs doivent de temps en temps entrer en contact avec les pêcheurs par le
canal des agents de la pêche, des présidents de GIE et des chefs de village pour
expliquer et informer sur la gravité de certaines situations: la surexploitation et la
diminution des stocks (cas des crevettes de Casamance), la destruction de la faune
marine, l'érosion côtière (la coupure du Lagoba), la pollution des plages par les
déchets. Ils peuvent être entendus car les agents de la pêche ne sont pas toujours là,
à cause de leurs tâches spécifiques de surveillance: poissons, carburant, filets, etc.
- Collaboration avec nos structures de développement pour l'acquisition de certaines
informations et la réalisation de projets en aquaculture ou pour la fabrication de
farines de poisson destinées à absorber les déchets de plage.

444
NOTE DE CONTRIBUTION AU PROFIT DE
L'ATELIER SUR "LA GESTION DES
RESSOURCES COTIERES ET LITTORALES DU
SENEGAL" DU 27 AU 29 JUILLET 1992 A GOREE

ATELE-SENEGAL
B.P. 20249 - Thiaroye sur Mer, Dakar, Sénégal

1. INTRODUCTION
Au nom du mouvement "ATELE-SENEGAL" et du Groupement d'Intérêt Economique
"DEEGO", de Thiaroye sur Mer, nous vous remercions sincèrement d'avoir bien voulu
nous inviter à cet important atelier dont le thème porte sur la "Gestion des Ressources
côtières et littorales du Sénégal". Aussi, nous vous exprimons toute notre joie à
collaborer efficacement avec des organismes, comme les vôtres, qui ont à cœur l'amé
lioration de nos conditions de vie.

2. PRESENTATION

2.1. ATELE-SENEGAL
Nous représentons de jeunes sénégalais librement décidés à mettre sur pied une union
nationale de volontaires du développement dont la dénomination est la suivante: Asso
ciation pour le Travail, l'Education, les Loisirs et les Echanges, en abrégé "ATELE-
SENEGAL". Ce mouvement qui a démarré ses activités depuis le mois d'août 1990, se
veut apolitique et a pour objet social:
- de prêter une assistance soutenue aux pêcheurs et mareyeurs qui désirent mettre sur
pied de micro-projets de développement;
- d'initier et d'intéresser au mieux les jeunes de notre terroir à la pratique des activités
communautaires pour améliorer notre mieux-être;
- de sensibiliser et de faire participer les communautés de base à la lutte:
contre le sous-emploi;
contre l'insalubrité des plages et des places publiques;
contre toute autre forme de pollution;
contre l'avancée de la mer;
contre l'avancée du désert.
- de créer de saines activités récréatives pouvant occuper utilement les jeunes durant
leurs heures perdues;
- avec méthode, un étanche réseau de communication au niveau national et interna
tional avec des organismes sérieux d'ici et d'ailleurs.

2.2. GIE des mareyeurs et pêcheurs de Thiaroye sur Mer


Ce regroupement de 26 pêcheurs est plus communément appelé "GIE DEEGO" et a
choisi comme secteur d'activité la pêche artisanale et la commercialisation des produits

445
Ressources Côtières et Littorales du Sénégal

de mer. Malgré son jeune âge (un an et demi environ) le GIE précité a déjà fait la preuve
de sa compétence et de sa crédibilité auprès de la C.N.C.A. 1 qui lui a financé quatre petits
projets, déjà porteurs d'excellents résultats.

3. QUELQUES PROBLEMES AU VILLAGE SIEGE DE THIAROYE


SUR MER
- Avancée de la mer (suite à l'extraction et à la vente illicite du sable);
- Sous-emploi des jeunes et insalubrité de la plage qui sert finalement de dépotoir pour
les ordures ménagères;
- Manque de financement des micro-projets de développement ayant pourtant fait
l'objet d'études minutieuses;
- Inexistence totale d'appareils frigorifiques pouvant aider à la bonne conservation du
poisson;
- Inexistence de quai de débarquement et de moyens pour protéger les pirogues contre
les tempêtes qui surviennent souvent durant la saison des pluies;
- Inexistence de bois pour faire des pirogues;
- Manque de collaboration avec des ONG sérieuses pouvant soutenir les initiatives
des communautés de base.

4. RECOMMANDATIONS GENERALES
Pour enrayer définitivement les phénomènes de la dégradation de notre environnement
et pour mieux rentabiliser les ressources côtières et littorales du Sénégal, nous pensons
à notre humble avis qu'il faut:
- Implanter une digue de rochers sur les plages à protéger.
- Reboiser le littoral exposé à l'avancée de la mer, avec des cocotiers et des filaos.
- Aider les associations de volontaires et les groupements d'intérêt économique avec
l'assistance des pouvoirs publics (nationaux et municipaux), en leur facilitant les
diverses démarches à entreprendre et en mettant à leur disposition le minimum de
moyens nécessaires à leur meilleur fonctionnement.
- Implanter des buvettes et des structures d'accueil pour la promotion du tourisme
intégré qui pourra:
générer un nombre considérable d'emplois en faveur des jeunes villageois,
procurer des moyens substantiels pouvant permettre une meilleure protection
de notre environnement;
faciliter d'intéressantes activités d'échanges au profit des collectivités de base.
- Elaborer au niveau de l'Etat une charte de l'environnement dans l'optique de mieux
sensibiliser les populations concernées et d'impliquer simultanément les divers
acteurs du développement national.
- Développer des efforts notoires pour la formation et l'assistance des jeunes volon
taires.

1 Caisse Nationale de Crédit Agricole.

446
UTILITE DES SYSTEMES D'INFORMATION
GEOGRAPHIQUE (SIG) DANS LA GESTION DES
RESSOURCES NATURELLES

Amadou Moctar DIEYE, Aboubacar CAMARA, Hubert GEORGE


Centre de Suivi Ecologique pour la Gestion des Ressources Naturelles, Dakar,
Sénégal

Résumé

L'exposé traite de l'application des Systèmes d'Informations Géographiques (SIG) dans


la gestion des ressources naturelles. Les SIG sont des outils qui servent à la constitution
de bases de données, à leur mise àjour, à l'extraction et à la présentation des informations
selon des critères de localisation ou d'attribut. Ils sont également performants dans
diverses opérations nécessaires à l'analyse et à la planification telles que l'intégration
des données quantitatives, l'évaluation des ressources, l'analyse et la mesure des chan
gements, etc.
Le Centre de Suivi Ecologique pour la Gestion des Ressources Naturelles (CSE) s'est
doté d'un SIG opérationnel et dispose d'une banque de données biophysiques et socio-
économiques alimentée par des activités de télédétection et de vols systématiques de
reconnaissance validées et/ou complétées par des enquêtes et des relevés directs sur le
terrain.

USE OF GEOGRAPHIC INFORMATION SYSTEMS (GIS) IN THE


MANAGEMENT OF NATURAL RESOURCES

Abstract

This paper deals with the Geographic Information System (GIS) and the management of
natural resources. GIS are instruments used to constitute data bases, update them, extract
and present information following criteria of location or attribute. They are also
performing in various operations necessary for analysis and planning, such as the
incorporation of quantitative data, resource evaluation, analysis and measurement of
changes, etc.
The Centre de Suivi Ecologique (Ecological Monitoring Center) for the management of
natural resources acquired an operational GIS and has a data bank on biophysics and
socio-economy fed by activities of remote sensing and systematic reconnaissance flights
corroborated and/or completed by on the field investigations and direct surveys.

447
Ressources Côtières et Littorales du Sénégal

1. DEFINITION
On désigne par ce terme un système d'ordinateur capable de mémoriser, de traiter et de
restituer des données. Le matériel et le logiciel sont conçus spécialement pour manipuler et
analyser des données spatiales géographiquement référencées pour la résolution de pro
blèmes complexes de planification et d'aménagement. Il se compose essentiellement d'une
machine (l'ordinateur), d'un logiciel (le programme), de données et d'utilisateurs (figure 1).

2. LA MANIPULATION DE L'OUTIL SIG


La fonction essentielle d'un SIG est de faciliter la décision dans la recherche, l'aménagement
et la planification des activités. La manipulation d'un SIG peut se diviser en quatre étapes
allant de l'observation à la collecte de données jusqu'à l'analyse et la prise de décision
(figure 2).

2.1 . L'entrée des données


L'entrée des données consiste à saisir les différents éléments qui caractérisent l'objet à étudier.
Ces données peuvent se présenter sous forme de tableaux, de statistiques, de cartes et images
satellitaires. Selon leur nature, la saisie se fera au clavier avec une table à numériser, avec un
scanner ou, après traitement numérique. Il faut noter que la plupart des SIG ont la capacité
de rendre compatible, donc superposable des données qui au départ étaient de projections,
d'échelles ou de formats différents.

2.2. La gestion des données


La gestion des données est la manipulation d'un large éventail de données cartographiques
ou numériques. Les opérations de gestion veillent au stockage, à la sauvegarde, à la mise à
jour et à la restitution des données sous une forme appropriée. Cela requiert généralement
différentes opérations:
- additionner, supprimer, modifier des points, des surfaces, des lignes;
- changer d'échelle, de projection;
- joindre des cartes adjacentes pour en assurer la continuité;
- isoler une zone d'intérêt;
- améliorer les informations et les représentations pour l'interprétation;
- calculer des surfaces ou des distances.

2.3. L'analyse
L'analyse consiste à traduire les données en des informations qui doivent guider la compré
hension du phénomène étudié et par conséquent faciliter la prise de décision. Toute la
puissance d'un SIG repose sur la capacité à mener les différentes opérations nécessaires à
l'analyse: croisement et combinaison de différents facteurs par intersection, intégration,
superposition, inclusion, exclusion, etc. On doit pouvoir répondre à des questions telles que:
- quels sont les objets qui répondent aux critères al
- où se trouve tel objet? A quelle distance?
- combien d'objets dans un rayon de n km?
- quelle surface, quel périmètre, quelle densité?

448
Utilité des SIG et Gestion des Ressources Naturelles

MACHINE

UTILISATEUR

LOGICIEL

DONNEES

Figure 1 Définition d'un Système d'Information Géographique (SIG)

ENTREE RESULTATS
DES C ANALYSE^) ET
DONNEES SORTIE

Tableaux Tableaux
Images Images
Cartes Cartes

GESTION
DES
DONNEES

Figure 2 Etapes de la manipulation d'un SIG

449
CHARGE
EiAi DELA

CAPACIl
DE CDE
APACIl
THEORIQUE CHARGE
CHARGE lll

paet
(CSE)
dScééma
lSIG
à
des
gestion
d'un
gesr tsioacruioacnlesées
DISPONIBILTE
j
|—
FOUR AGEl COR IGE DON E S lEVAGE ENQUElS lRRAIN

FORAGES
DES
AUTOUR
COR ECTIONS
DE
DISPONIBILTE
FOUR AGEl SUlSTI MATION

U,
FORAGES
DISTANCE PARCOURS
DE

3
Figure
Utilité des SIG et Gestion des Ressources Naturelles

PHENOMENE
point d'impact
nature de la fuite
caractéristiques

Sens et vitesse de
propagation

CARACTERISTIQUES
ENVIRON.
PREVALENTS
vitesse du vent
hauteur d'ondes
direction du courant

RESSOURCES
POUVANT
ETRE AFFECTEES
espèce
localisation
importance

Figure 4 Proposition d'un SIG pour une intervention dans le cas d'une pollution
marine

45I
Ressources Côtières et Littorales du Sénégal

Les résultats peuvent permettre de:


- comprendre l'interaction entre différents paramètres environnementaux d'une
zone tels que la topographie, les sols, les précipitations, le climat;
- mesurer les changements dans l'espace en fonction du temps;
- élaborer des projections et des situations possibles ou probables dans un développe
ment futur à partir de tendances.

2.4 La sortie et l'affichage


La sortie et l'affichage comprennent toutes les opérations qui produisent des sorties graphiques,
tels que les cartes, les tableaux, les graphes sur un écran d'ordinateur ou une imprimante. Les
résultats de l'analyse doivent se présenter sous une forme claire et facilement compréhensible.
Cependant dans la manipulation d'un SIG il ne faut pas perdre de vue que le matériel et
le logiciel utilisés ne sont que des outils, des moyens d'aide à la décision et non des
solutions miracles. Les ressources humaines restent le noyau du processus dans la mesure
où l'utilisateur-analyste détient la connaissance thématique. Il faut aussi veiller sur la
qualité et l'exactitude des données en entrée.

3. EXEMPLES D'APPLICATIONS
Le Centre de Suivi Ecologique a mis en place un Système d'Information Géographique
essentiellement destiné à l'analyse spatiale et à la gestion des ressources naturelles. La
première étude qui est présentée (exemple 1) est relative à la gestion des ressources
agricoles et pastorales, domaine d'action du CSE. Cependant pour la gestion des
ressources côtières et littorales, la démarche reste identique à savoir la prise en compte
de manière successive de plusieurs couches d'information (exemples 2 et 3).
Exemple 1: Le principal objectif
Le principal objectif de cette étude intitulée: "Essai de planification et de gestion des
ressources naturelles à l'aide d'un SIG, cas du département de Linguère au Sénégal",
était de tester les SIG comme outil de gestion et de planification des ressources naturelles.
En utilisant cette technologie nous avions voulu répondre aux questions suivantes:
- quelles opportunités existent pour le développement agricole et pastorale dans une
unité administrative donnée, en considérant les ressources disponibles?
- quelles quantités de terre et d'eau sont disponibles pour certaines cultures et par
rapport aux besoins de la population humaine et animale?
Une partie de cette étude devait servir à la mise au point d'un modèle de l'état de charge
animale pouvant servir à l'analyse des tendances et au redéploiement du cheptel des zones
en déficit vers les zones de surplus.
La démarche s'établit ainsi (figure 3):
- estimer la biomasse disponible à partir des images satellitaires (NOAA):
carte d'indice de végétation NDVI;
- régression NDVI/BIOMASSE;
- appliquer un facteur de correction de surestimation:
qualité fourragère;
inaccessibilité;
autres;

452
Utilité des SIG et Gestion des Ressources Naturelles

- localiser les forages:


distance maximale de parcours fixée à 1 5 km autour des forages;
- déterminer la charge théorique en unité de bétail tropical (UBT):
consommation moyenne d'une UBT fixée à 6,25 kg/jour;
pour une durée de 270 jours correspondant à la saison sèche;
- établir la charge réelle:
données des enquêtes sur l'élevage, des vols systématiques de reconnaissance;
- calculer l'état de la charge animale:
charge théorique/charge réelle.
Exemple 2: Présélection de sites favorables à l'aquaculture
Un site donné est-il favorable à l'aménagement aquacole? Existe-t-il un potentiel
aménageable et où se trouve-t-il?
C'est à de telles questions que les SIG peuvent apporter des réponses, la recherche et le
choix d'un site requérant la prise en compte de divers facteurs naturels et humains.
Au Costa Rica un projet bénéficiant d'une aide de la FAO a permis de tester les
applications d'un SIG et de la télédétection pour préparer un plan de développement de
l'aquaculture dans le golfe de Nicoya. Les données spatiales concernaient:
- la qualité de l'eau;
- la salinité;
- l'utilisation des terres;
- les infrastructures (routes, transports par voie d'eau, villages, sources d'énergie);
- la fréquence de la mangrove;
- la proximité d'eau salée et d'eau douce;
- la densité de post-larves de crevettes.
Grâce à un SIG, il a été possible d'identifier les zones les plus favorables à la mise en
place d'un élevage extensifde crevette dans les marais salants pendant la saison des pluies
sur la base de la salinité, de la complexité du découpage de la côte, des systèmes de
transport et de la disponibilité de la main-d'œuvre et des techniciens.
Les zones les plus appropriées à l'élevage semi-intensif des crevettes ont été mises en
évidence. Elles sont situées dans des étangs à l'extérieur des zones de mangroves. Ceci
permet de protéger la valeur écologique et biologique de ces écosystèmes fragiles.
Le projet a montré que l'application du SIG à la télédétection permet d'identifier
rapidement les emplacements marginaux ou tout à fait impropres à l'aquaculture, et de
concentrer les ressources humaines et financières sur les zones les plus appropriées.
Exemple 3: Cas de pollution marine
Ne disposant pas de données en la matière nous suggérons un plan d'actions qui pourrait
être envisagé à l'aide d'un SIG pour planifier les interventions et canaliser l'écoulement.
Pour cela il faut (figure 4):
- par rapport au point d'impact déterminer les cotes susceptibles d'être atteintes;
- prendre en compte la vitesse du vent, la hauteur d'ondes, la direction du courant;
- recenser les organismes marins pouvant être affectés;
- évaluer la fréquentation des oiseaux, des poissons;
- planifier les interventions, canaliser l'écoulement et la dispersion.

453
Ressources Côtières et Littorales du Sénégal

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454
PLANIFICATION ET DEVELOPPEMENT
DURABLE EN ZONE COTIERE DE
GUINEE-BISSAU

Claudio Carrera MARETTI


UICN - Bolama - Bijagos, Guinée-Bissau

Renato J.R. de SALES


UICN, Guinée-Bissau

Résumé

Le présent article pose les termes d'une stratégie de conservation conduite en Guinée-
Bissau. Le projet réalisé en collaboration avec l'UICN a débuté en 1989.
Il a permis d'aboutir à la création d'un Comité National de l'Environnement. Des actions
sectorielles ont été par ailleurs dégagées. Il s'agit des problèmes de conservation de la
région de Bolama-Bijagos, des mangroves de Rio Cacheu et des îles d'Orango et de la
création du Parc National des Forêts de Cantanhês.
L'appui à la pêche traditionnelle et la jonction avec les populations par le renforcement
de la communication restent une des priorités du projet.

PLANNING AND SUSTAINABLE DEVELOPMENT OF THE


COASTAL AREA OF GUTNEA BISSAU

Abstract

This article lays out the terms of a conservation strategy carried out in Guinea-Bissau in
collaboration with IUCN and initiated in 1989.
It has allowed the creation of a national environment committee and furthermore for
sectoral actions to be undertaken. These actions consist of tackling the conservation
problems in the Bolama-Bijagos area, mangroves in Rio Cacheu and on the Orango
islands, as well as the creation of a National Park from the Cantanhês forests.
Support to traditional fishing and contact with the populations by strengthening commu
nication remain one of the project's priorities.

1. INTRODUCTION
Le Gouvernement de Guinée-Bissau a sollicité l'UICN en 1989 dans le cadre d'une aide
à la définition d'une stratégie nationale de conservation. La première phase (1989-1991)
a eu comme élément "moteur" le projet de Planification Côtière. Le partenaire initial
principal a été la Direction Générale des Services Forestiers et de Chasse (DGFC) avec
la collaboration de l'Institut National des Etudes et Recherches (INEP).

455
Ressources Côtières et Littorales du Sénégal

Pour la deuxième phase ( 1 99 1 - 1 994), il y a plusieurs partenaires, plusieurs actions et projets,


dont l'INEP et les ONG nationales.
Le document présenté aujourd'hui tente d'expliciter les actions entreprises dans le cadre du
développement durable de la zone côtière de Guinée-Bissau.

2. POURQUOI LA PLANIFICATION COTIERE EN GUINEE-BISSAU?


D'un point de vue général, les côtes représentent des espaces densément peuplés. Les
ressources y sont intensément exploitées et génèrent des activités importantes.
La zone côtière de la Guinée-Bissau abrite 65% de la population totale. Elle joue un rôle
déterminant non seulement dans l'agriculture nationale, mais aussi, au niveau régional, dans
l'exploitation des ressources halieutiques.
Dans la phase actuelle de son développement la Guinée-Bissau s'oriente vers une intensifi
cation de cette exploitation. Cet effort est soutenu par des organismes internationaux (Banque
Mondiale, FMI), mais n'associe pas la variable environnementale au développement durable.
Les équilibres sociaux et environnementaux exigent notamment d' intégrer à cet effort le souci
de conservation des ressources, le contrôle des stocks et la participation populaire.
La planification côtière vise à identifier les moyens d'appui au développement durable, défini
comme un développement soucieux du renouvellemnt des ressources d'une part, et de la
promotion des populations locales d'autre part.

3. CARACTERISTIQUES DE LA COTE DE GUINEE-BISSAU


(figure 1)

3.1 . La zone côtière et ses caractéristiques physico-biologiques


Les limites de la zone côtière ne sont pas clairement définies; ce travail vise entre autres à en
préciser les contours. Pour l'heure, les limites considérées sont définies par différents
paysages sous l'influence du domaine maritime et du domaine terrestre adjacent. Ces
paysages comprennent des terrains salés pouvant s'étendre jusqu'à 100 km environ à
l'intérieur des terres, la mangrove et des interfluves.Le continent se prolonge vers la mer par
des îles, des bancs sableux et une plate-forme continentale.Cette dernière, peu profonde,
atteint environ 20 m à 12 milles de la limite des îles.
Cette limite maritime de la zone des 12 milles nautiques est définie comme la limite de zone
de pêche semi-industrielle tandis que celle des 6 milles nautiques constitue la zone exclusive
pour la pêche artisanale.

3.1.1. Zone maritime


La plate-forme continentale au Sud de la Guinée Bissau est la plus étendue de toute la côte
occidentale d'Afrique (150 km). Elle est peu profonde, peut-être inférieure à 5 m, avec une
large zone de transition entre la mer et le continent.
Les courants du Sud (courant du golfe de Guinée) rencontrent le courant froid du Nord d'où
une thermocline qui oscille saisonnièrement et permet l'arrivée de nutriments en hiver. Par
ailleurs, des "upwellings" au large fournissent une quantité importante de phytoplanc-

456
Planification et Développement Durable en Guinée-Bissau
Ressources Côtières et Littorales du Sénégal

ton. Au niveau saisonnier ces changements (Nord-Sud) sont les plus importants. Par
contre, au niveau quotidien, les marées conditionnent les masses d'eau et leur évolution.

3.1.2. Rias et plateaux


Il n'existe pratiquement pas de cours d'eau douce. Les caractères du réseau hydrogra
phique côtier sont influencés par la pluviosité seulement pendant l'hivernage. Les rias
sont nombreuses et différenciées. Quelques vallées fluvio-estuariennes présentent d'im
portantes plaines de sédimentation pré-actuelle, normalement colonisées par la mangrove
et des savanes herbacées, parfois transformées par la riziculture. Celle-ci se pratique au
Nord et au Sud de la zone côtière. Au Nord, les rizières sont dégradées depuis longtemps,
à cause de la salinité tandis qu'au Sud, elles se maintiennent et connaissent même
localement une relative expansion.
Les plateaux ferrugineux étaientjadis recouverts de forêts, sèches au Nord, sub-humides
au Sud. Les hommes et les feux de brousse ont modifié ces paysages aujourd'hui
caractérisés par la prédominance de palmeraies, de jachères anciennes et de forêts
dégradées.

3.2 Caractéristiques socio-économiques


La Guinée-Bissau a une économie basée sur l'exploitation des ressources naturelles et
sur l'agriculture.

3.2.1. Agriculture
C'est l'activité la plus importante qui mobilise 75% de la population active. C'est une
agriculture de subsistance produisant riz et céréales. Elle est déficitaire depuis quelques
décennies. Les deux systèmes les plus importants sont: la riziculture inondée sur sol de
mangrove et la riziculture pluviale sur brûlis. Depuis une décennie, il y a une expansion
des cultures commerciales, surtout le cajou (anacardier) qui est actuellement le principal
produit d'exportation.

3.2.2. Pêche
La Guinée-Bissau a beaucoup de difficultés dans l'exploitation de sa plus grande richesse
naturelle, les ressources halieutiques. Les activités nationales de pêche, tant artisanales,
commerciales qu'industrielles sont minimes par rapport au potentiel et à la demande.
Paradoxalement, il y a une sur-pêche de plusieurs espèces car il n'y a ni contrôle, ni
études fiables sur les quantités à exploiter.
La pêche industrielle est réalisée par le biais de concession de licences. Elle représente
la plus importante entrée de devises (plus de la moitié du PNB et du budget général de
l'Etat). Mais, elle est trop concentrée aujourd'hui sur la pêche des crevettes.
La pêche artisanale commerciale connaît aussi des problèmes, malgré un accroissement
important au cours de ces dernières années. La plus grande productivité (incluant les
pêches prédatrices) vient des pêcheurs étrangers (surtout sénégalais).
La pêche de subsistance se développe également ces dernières années à cause des besoins
alimentaires. La cueillette des mollusques et crustacés, est devenue la plus importante
source journalière de protéines animales dans les villages côtiers.

458
Planification et Développement Durable en Guinée-Bissau

3.2.3. Exploitation forestière


Le secteur forestier joue un rôle socio-économique et environnemental significatif. Une
politique active d'exportation de bois brut à laquelle s'ajoutent une exploitation crois
sante de bois de chauffe et des pratiques de culture sur brûlis, expliquent un défrichement
annuel élevé, de l'ordre de 50 000 ha.
Cette situation est grave si l'on considère que la politique de reboisement ne fonctionne
pas.

3.2.4. Potentialités touristiques


Le pays a de grandes potentialités touristiques, mais il n'y a pas de politique cohérente.
Par conséquent, les décisions sont ponctuelles; on assiste à la dégradation des structures
déjà mises en place; il n'y a pas d'évaluation des impacts socio-environnementaux et il
y a risque de compromettre définitivement l'image du pays.

4. LE PAYS ET SON ADMINISTRATION


La Guinée-Bissau est un petit pays (35 000 km2) avec un peu plus d'un million
d'habitants. Le pays a passé plus d'une décennie dans une guerre de libération. Il fait
partie des pays les moins développés avec un revenu annuel per capita de 180 SUS.
L'administration est trop centralisée, sans intégration entre les différents ministères. Les
objectifs initiaux de développement n'ont pas été atteints, ce qui a facilité l'intervention
des organismes financiers internationaux depuis 1983. Le pays est en pleine mutation
politique et économique. Le Programme d'Ajustement Structurel a certes favorisé les
exportations mais a eu des effets pervers:
- l'exploitation prédatrice des ressources halieutiques et forestières;
- l'expansion anarchique des espaces agraires;
- le recul des cultures vivrières;
- l'augmentation du pouvoir économique d'une petite élite et une grande émigration
rurale.
Même l'équilibre du bilan commercial, qui était l'objectif principal de ce programme,
n'a pas été atteint à cause de l'importation de riz et des produits de luxe.

4.1. L'administration environnementale


Le Service Forestier et de Chasse a été le point de départ d'une administration de plus
en plus soucieuse de l'environnement, mais il a par ailleurs joué un rôle répressif au
niveau de la population, rôle qu'il n'a pas eu avec les exploitants forestiers industriels.
Le Ministère des Pêches a été créé par la suite, mais il n'a ni capacité de contrôle ni de
recherche pour une exploitation durable. Actuellement, il n'existe pas d'aires protégées
ni de politique de conservation et d'utilisation durable par exemple pour un milieu aussi
sensible que la mangrove.
Quelques lignes de changements se dessinent au niveau institutionnel : création récente du
Conseil National de l'Environnement - CNE - et de plusieurs ONG dans le but de concevoir
une stratégie nationale de conservation et de développement.

459
Ressources Côtières et Littorales du Sénégal

5. ETAPES DU TRAVAIL
Schématiquement, les étapes du travail sont les suivantes:
- Les travaux de terrain: enquêtes et interviews avec les institutions locales, villageoises,
familiales, diverses catégories socio-professionnelles et les promoteurs; observations des
milieux et de leur exploitation; puis actualisation de la carte d'occupation des sols en
s'appuyant sur une classification de données satellitaires; et, enfin, étude de la dynamique
côtière.
- Analyses, superposition et synthèses des informations collectées pour définir les unités
environnementales (U.A.S.) et les unités familiales d'exploitation (T.U.F.E.S.). Ce
travail s'appuie sur des moyens matériels peu coûteux et des méthodes simples à la
mesure des conditions locales.
Ces analyses lato sensu ont été groupées selon trois lignes directrices interreliées: dévelop
pement terrestre, aquatique et conservation:
- mise en place d'un processus de discussion de ces travaux grâce à des séminaires, des
réunions et aux média;
- formulation durant presqu'une année des politiques et programmes d'action des institu
tions;
- définition de la 2ème phase du projet.

6. QUELQUES CONCLUSIONS SUR LA PLANIFICATION COTIERE


OE GUINEE-BISSAU
Les communautés locales n'ont pas été associées à la prise de décision alors qu'elles sont
principalement concernées par la planification côtière. Ainsi, les T.U.F.E.S. telles que
définies, représentent bien des structures viables pour les actions de développement puis
qu'elles intégrent les connaissances traditionnelles dans l'aménagement du milieu ainsi que
les unités sociales de base.
Des propositions et recommandations ont été faites au niveau général, structurel, régional et
local.
Au niveau du développement terrestre, de grandes zones ont été reconnues en fonction des
limites régionales et de celles des grands projets agricoles. Ces zones sont subdivisées en
T.U.F.E.S. Dans ces T.U.F.E.S., des portions de forêts et des aires de refuge ont été aménagées
afin de sauvegarder la biodiversité des espèces animales et végétales.
Au niveau du développement des aires aquatiques, il a été proposé de réserver des zones
exclusives aux pêches de subsistance, artisanale et semi-artisanale. Il a été proposé, d'une part,
d'interdire certaines zones à la pêche et d'autre part, de définir un calendrier pour la pêche de
certaines ressources. La création de 4 parcs nationaux, d'une réserve de la biosphère, de forêts
classées et d'aires protégées a été également proposée.
L'effort de planification du développement durable de la zone côtière n'est pas une priorité
gouvernementale. Il est donc nécessaire de travailler avec plusieurs intervenants et de renforcer
les organisations et les capacités locales. Il était important de faire le travail au niveau national,
surtout pour une meilleure implication de la société, pour l'identification des régions et pour les
choix les plus importants. Il était également nécessaire de travailler dans les régions les plus
spécifiques pour avoir des possibilités de participation populaire et des résultats concrets.

460
Planification et Développement Durable en Guinée-Bissau

7. QUELQUES RESULTATS DE LA PLANIFICATION COTIERE DE


GUINEE-BISSAU
Les résultats obtenus ont joué un rôle catalyseur dans l'actualisation de la question environ
nementale. On présente ci-après quelques-uns de ces résultats:
- débats sur des thèmes importants: planification, participation de sociétés "tradition
nelles" locales; besoin de travaux transdisciplinaires et interinstitutionnels; implication
des populations dans la mise en place des espaces protégées;
- création du CNE (Comité National Environnemental);
- consolidation de la liaison entre développement et conservation avec l'exemple du plan
de développement durable de la région Bolama-Bijagos:
négociation pour la mise en place d'un parc national (des lles d'Orango);
recherches sur les potentiels halieutiques et leur réglementation dans la perspective
de son exploitation durable;
vulgarisation et formation aux évaluations d'impacts environnementaux;
renforcement des capacités locales de planification (gouvernementales et non
gouvernementales);
renforcement des communications entre les populations des îles elles-mêmes et
entre les populations, les institutions et projets;
élaboration des mécanismes de participation des populations locales,
possibilité de la création d'une réserve de la biosphère.
Les autres résultats négociés avec les bailleurs de fonds sont:
- mise en place d'un projet d'appui à la pêche artisanale durable, avec priorité pour les
populations locales;
- consolidation du concept de participation des populations locales à la conception et à la
gestion des actions de conservation:
négociation pour la mise en place des parcs nationaux des mangroves de Rio
Cacheu et des Iles d'Orango;
possibilité de la négociation pour la mise en place par les ONG nationales du Parc
National des Forêts de Cantanhês;
- création du Bureau National de Planification Côtière (UICN/MDRA-DGFC), avec une
priorité d'action réservée aux mangroves;
- création d'une cellule d'Etudes Environnementales à l'INEP, avec comme première
action la coordination pour la mise en place du plan de développement durable de la
région Bolama-Bijagos et éventuelle réserve de la Biosphère;
- création d'ONG nationales ayant des préoccupations environnementales;
- inscription d'un site à la Convention de Ramsar.
L'ensemble de ces résultats ne sont pas nécessairement applicables à d'autres pays, mais
peuvent constituer des bases de recommandations d'ordre général et servir de référence
pour un éventuel programme de planification côtière.

REMERCIEMENTS
Nous remercions Monsieur P. Campredon, Biologiste, Représentant-Résident de l'UICN en
Guinée-Bissau, R Miranda, Ingénieur zoo-technique et Directeurdu projet Planification Côtière
- MDRA -DGFC/UICN; A. Rachid Said, Ingénieur agronome, Coordonnateur de la Cellule

461
Ressources Côtières et Littorales du Sénégal

d'Etudes Environnementales-INEP et Co-Coordonnateur du projet Intégration des don


nées et appui à la coordination pour le développement durable de la région Bolama-Bija-
gos-PIDAC-DSBB-INEP/UICN; G. Dacosta, Vétérinaire et technicien de la
planification côtière; A.C.S. Diegues, Consultant UICN-GB et Coordonnates du pro
gramme de recherche et conservation des zones humides du Brésil-USP/Fondation.
FORD/UICN et Mademoiselle M. Trudel pour son appui à la traduction.

REFERENCES BIBLIOGRAPHIQUES
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documenta divulgativo. Bissau, UICN/MDRA-DGFC, 38 p.

462
PARCS ET RESERVES NATURELS DU LITTORAL
SENEGALAIS: RESSOURCES ET PROBLEMES

DIRECTION DES PARCS NATIONAUX


Ministère du Tourisme et de l'Environnement, Sénégal

Résumé

Les zones humides accueillent une faune terrestre aviaire et aquatique, sédentaire ou
migratrice, dont la survie est fortement liée à la présence de l'eau et des ressources
alimentaires qu'elles renferment.
Au Sénégal existe un réseau de zones humides protégées qui couvrent une superficie de
20 000 ha d'îles, de marais, de lagunes et de mangroves, et de 50 000 ha de milieu marin.
Ce réseau comprend les Parcs des oiseaux de Djoudj, du Saloum, de la Langue de
Barbarie, des Iles de la Madeleine, de Basse-Casamance, les réserves de Guembeul, de
Popenguine et le Réseau Kalissaye-Kassel.
L'équilibre des parcs littoraux et côtiers du Sénégal est actuellement menacé par des
facteurs naturels et anthropiques.
Il convient donc de mettre en place des plans d'aménagement régionaux du littoral, basés
sur la connaissance, la conservation et la gestion de ces milieux.

NATURAL PARKS AND RESERVES OF THE SENEGALESE


LITTORAL ZONE: RESOURCES AND PROBLEMS

Abstract

Wetlands support terrestrial and aquatic fowl, both sedentary and migratory. Their
survival is closely linked to the presence of the water and the food resources contained
therein.
In Senegal, there is a network of protected wetlands covering a surface area of 20 000 ha
comprised of islands, marshes, lagoons, and mangroves, and 50 000 ha of marine areas.
This network includes the bird Parks of Djoudj, Saloum, the Langue de Barbarie, the
Madeleine Isles, Lower Casamance, the reserves of Guembeul, Popenguine, and the
Kalissaye-Kassel Network.
The equilibrium of the littoral and coastal parks in Senegal is presently threatened by
natural and anthropogenic factors.
The elaboration of regional development plans for the littoral zone based on the
knowledge, conservation and management of these areas is therefore advisable.

463
Ressources Côtières et Littorales du Sénégal

INTRODUCTION
Depuis plusieurs années, la conservation de l'Environnement, en particulier celle des
ressources littorales, est l'objet de l'intérêt de l'ensemble des Nations; en outre, la
concertation internationale dans ce domaine est importante. Cependant, en raison des
grandes difficultés économiques que rencontrent notamment les pays en développement,
cette conservation ne peut être considérée comme un domaine spécifique en dehors des
priorités économiques de l'heure. L'acquis scientifique de ces dernières années a permis
une réflexion de synthèse globale au niveau de l'intégration de la conservation des
ressources naturelles dans l'approche du développement.
Le thème de cet atelier vient à un moment où les ressources littorales sont dans une phase
de dégradation rapide. L'importance de ces zones humides en tant que réservoir de
biodiversité a amené la Direction des Parcs Nationaux à créér un réseau d'aires protégées
pour préserver des échantillons irremplaçables. Ces zones accueillent avant tout une
faune sédentaire riche et diversifiée (grands mammifères, reptiles, poissons, etc.) dont la
survie est fortement liée à la présence de l'eau; elles abritent également chaque année,
grâce aux ressources alimentaires qu'elles offrent, toute une avifaune migratrice qui fuit
les rigueurs de l'hiver européen.

1. INTERET ET PRESENTATION DES AIRES PROTEGEES


LITTORALES

1.1. Intérêt
Les espaces littoraux figurent parmi les milieux les plus productifs du monde. Selon les
estimations de l'Alliance Mondiale pour la Nature (UICN) "les Ressources des zones
côtières de l'Afrique de l'Ouest comptent parmi les plus importantes du continent. Elles
permettent l'existence de pêcheurs au large et près des côtes dont le rendement annuel
est évalué à plus de 100 millions de dollars tandis que les produits directement prélevés
(bois, charbon de bois, tannins, etc.) sont essentiels pour la plupart des communautés
côtières". Ces zones humides assurent à l'homme de nombreux avantages économiques
à travers le monde: la production halieutique, le maintien des aquifères pour l'agriculture,
le stockage de l'eau et la maîtrise des crues, la stabilisation des côtes, la production de
bois d'œuvre, l'élimination des déchets et l'épuration des eaux, sans oublier les
loisirs.
Les zones humides sont des habitats d'importance cruciale pour les oiseaux, de même
que pour d'innombrables mammifères, reptiles, amphibiens, poissons et invertébrés,
souvent menacés d'extinction. Ces richesses dépendent du bon fonctionnement des
processus écologiques à l'œuvre dans les zones humides. Or celles-ci sont parmi les
biotopes les plus menacés, principalement par le drainage, la mise en valeur des terres,
la pollution et la surexploitation des espèces. Ces pressions montrent, s'il en était
besoin, la pertinence du choix du Sénégal de classer certains de ces biotopes en aires
protégées.

464
Parcs et Réserves Naturels du Littoral

1.2. Présentation
Le Sénégal dispose d'un réseau de réserves dans les zones humides proches du littoral.
Il représente une superficie de 20 000 ha d'îles, de marais, de lagunes et de mangrove et
50 000 ha de milieu marin.

1.2.1. Le Parc National du Djoudj


Situé dans la région de Saint-Louis, il couvre une superficie de 16 000 ha. Ce parc attire
plus de trois millions d'oiseaux migrateurs auxquels s'ajoutent plusieurs milliers d'oi
seaux afro-tropicaux.
Le Djoudj a été inscrit en 1 98 1 par l'UNESCO sur la liste des sites du Patrimoine Mondial
et se trouve en outre désigné par la Convention de Ramsar comme zone humide
d' importance internationale. Son existence se trouve donc garantie à la fois par le Sénégal
et la Communauté internationale.
Aujourd'hui cet écosystème fluvio-deltaïque est complètement modifié par la construc
tion des barrages de Diama et de Manantali qui ont rendu le système fluvial presque
totalement artificiel.

1.2.2. Le Parc National de la Langue de Barbarie


Il est situé à 25 km en aval de Saint-Louis et couvre une aire de 2 000 ha. Ce parc
comprend une partie du cordon dunaire littoral de l'embouchure du fleuve Sénégal. Il
intègre également quelques lagunes saumâtres et une mangrove relique sur la rive gauche
du fleuve.
Ce Parc joue un grand rôle dans la protection de milliers d'oiseaux nicheurs principale
ment des Laridés. Enfin il constitue le lieu de frai des poissons et des crevettes
actuellement menacés par les eaux polluées provenant de la ville de Saint-Louis.

1.2.3. La Réserve de Faune de Gueumbeul


Elle se situe à 12 km au Sud de Saint-Louis et couvre une superficie de 720 ha. Cette
zone humide complémentaire du Djoudj est un vaste chott entouré de végétation
sahélienne qui grâce à la mise en défens, a connu une régénération spectaculaire. La
réserve est un centre expérimental d'élevage de faune sahélienne (gazelles dama et
dorcas, tortues terrestres). Gueumbeul comprend aussi un important plan d'eau qui
accueille des colonies reproductrices de Sternes naines et beaucoup d'autres espèces
surtout d'avocettes, d'échasses blanches, de chevaliers combattants, de barges à queue
noire, de bécasseaux variables, etc. Cette aire est inscrite sur la liste des zones humides
d'importance internationale par la Convention de Ramsar.

1.2.4. Le Parc National du Saloum


Il est situé à un peu plus de 100 km au Sud de Dakar, entre 13°35'-13°55'N et
16'27'-16°48'W et couvre une superficie de 76 000 ha. Ce parc est essentiellement
composé d'une savane arborée, celle de Fathala qui est la plus septentrionale du pays et
d'îlots circonscrits par d'innombrables lacis de "bolons".

465
Ressources Côtières et Littorales du Sénégal

La mangrove est un des peuplements les plus importants de l'Afrique Occidentale, mais
elle est menacée par l'extension des activités anthropiques. La monotonie du paysage est
interrompue par des tannes. De par leur nature saumâtre et leur localisation, les bolons
abritent des frayères importantes pour de nombreuses espèces.
Cette zone humide reçoit d'importantes colonies nicheuses d'Ardéides, de Laridés et
d'autres espèces migratrices paléarctiques. Le cordon dunaire est très recherché par les
limicoles qui l'utilisent comme axe migratoire principal. On y rencontre également des
balbuzards fluviatiles (Pandion haliaetus) et plusieurs espèces afro-tropicales telles que:
jabiru du Sénégal, héron goliath, vautour palmiste, aigle pêcheur; les mammifères
comme la hyène tachetée, le phacochère, le Cobe redunca; des cétacés comme les
dauphins commun et du Cameroun; les reptiles comme le python de Séba (Pvthon sebaé),
les tortues et le crocodile du nil (Crocodilus niloticus).
La flore est composée de 3 strates:
- strate herbacée constituée de graminées comme Andropogon gayanus et Cenchrus
biflorus. Les principales espèces de ligneux sont: Acacia seyal et Euphorbia balsa-
mifera;
- strate arborée représentée à Fathala avec Cordvla pinnata, Danielia oliveri, Ptero-
carpus erinaceus, Bombax costatum, Khaya senegalensis, etc;
- ensemble "amphibie" ou domaine estuarien caractérisé par trois formations végé
tales:
formation à mangrove localisée essentiellement dans la vasière;
prairie à halophytes localisée sur les sols salés et dénudés;
formation des cordons sableux avec Cocos nucifera et Borassus aethiopium.
Le Parc du Saloum est érigé en Réserve Mondiale de la Biosphère par l'UNESCO et
désigné zone humide d'importance internationale par la Convention de Ramsar en 1984.

1.2.5. Le Parc National de Basse-Casamance


Il est situé au Sud-Ouest de Ziguinchor et couvre une aire de 5 000 ha. Ce parc a un intérêt
biologique majeur puisqu'à côté des vastes mangroves et des savanes, on y trouve des
blocs résiduels de forêt guinéenne les plus septentrionaux de toute l'Afrique. Le régime
des cours d'eau est soumis à l'influence des marées.
Les migrateurs paléarctiques sont fréquents mais les espèces afro-tropicales sédentaires
ou non, à affinité forestière, sont bien représentées notamment le Calao à casque jaune,
le Touraco vert, l'Aigle couronné, la Tourterelle tambourine, le Héron tigré (Tigriorinis
leucocephalus), etc.
La faune comprend des espèces périforestières comme le serval, le mandinie, plusieurs
espèces de mangoustes et autres genettes, la loutre à joues blanches (Aonyx capensis), la
hyène tachetée, le potamochère, le buffle de forêt, le guib harnaché, le Céphalophe de
Maxwel, les primates comme la mone de Campbell, le Colobe bai et les reptiles comme
le python de Séba, le mamba vert et le mamba noir.
Trois types de formations végétales s'y côtoient: la forêt subguinéenne, la savane arborée
et la mangrove. On note cependant la présence d'une forêt dégradée ou de brousse
secondaire dans la partie Sud-Est.
Le Parc abrite par ailleurs une très riche population d'invertébrés.

466
Parcs et Réserves Naturels du Littoral

1.2.6. La Réserve ornithologique de Kalissaye/Kassel


Kalissaye couvre une superficie de 16 ha. Cette zone humide est composée de grands
îlots sablonneux séparés de la côte. Plus au Nord et plus au Sud, il y a d'autres grandes
îles: île de la Goélette, îlot de Kafountine. La topographie de cette région subit de
fréquentes modifications. Des lagunes et des langues sablonneuses longent la côte, à
l'arrière de laquelle on note un lacis compliqué de bolons et de mangrove. Les colonies
d'Ardéidés s'observent dans ce milieu.
Le site de Kassel est un exemple unique au Sénégal et peu commun dans le monde: sur
un même support, quinze espèces différentes nichent ensemble avec tout ce que cela
implique comme stratégies de cohabitation ou comme stratification des niches écologi
ques.

1.2.7. La Réserve spéciale de Popenguine


Elle couvre une aire de 1 009 ha et est localisée entre 14°30'-14°36'N et 17°04'-17°09' W.
La réserve s'étend au Sud sur une distance de 1 700 m le long du rivage et se caractérise par
la juxtaposition de trois paysages: une forêt dégradée, un massif et la mer.
Le site est remarquablement bien placé sur l'axe principal de migration Nord-Sud de
l'avifaune paléarctique. Le profil particulier de la falaise du Cap de Naze, située à 74 m
au-dessus du niveau de la mer, attire au cours de leur migration, certaines espèces
aviennes inféodées au milieu rupestre. La présence régulière dans les falaises et dans les
zones limitrophes de Monticola solitaria (merle bleu) et de Monticola saxatalis (merle
de roche), qui sont des espèces paléarctiques rupicoles, est remarquable. On note
également la présence d'une petite faune relique: guib harnaché, céphalophe, singe et
pintade.

1.2.8. Le Parc National des Iles de la Madeleine


Situé à 4 km à l'Ouest de Dakar, ce parc s'étend sur 450 ha dont 15 couvrant le grand
îlot. Il s'agit d'un milieu insulaire sahélien influencé saisonnièrement par le courant froid
des Canaries.
Les parties marines entourant l'archipel, constituées de fonds rocheux, sont colonisées
par des algues et une faune halieutique diverse, caractéristique de ce biotope.
Le Parc abrite une faune insulaire représentée surtout par des oiseaux comme le
Balbuzard pêcheur, le Fou de bassan, le Corbeau pie, la Tourterelle maillée, le Héron
cendré, la Gifette... Deux espèces nichent sur l'île; le Phaéton éthéré (Phaëton aetherus
mesonauta) et le grand Cormoran (Phalacrocorax carba).
Deux espèces de mammifères sont présentes sur les îles: il s'agit du chiroptère de la
fam ille des Pteropidae (Roussetus aegyptiacus) et le rongeur (Mastomys eurythroleucus).
On y note en outre le passage des cétacés comme le Dauphin commun (Delphinus
delphis); les crustacés sont également richement représentés.
La flore se caractérise par des ligneux qui ont développé une stratégie adaptative pour
se maintenir dans des conditions particulières et qui se manifeste par le nanisme des
individus. Hormis les graminées pérennes et annuelles, les espèces dominantes sont
Adansonia digitata, Euphorbia balsamifera, Cordia senegalensis, Zizyphus mauritania,
Cadabafarinosa, Boscia senegalensis, Jatropha curcas.

467
Ressources Côtières et Littorales du Sénégal

2. LES MENACES
Les Parcs et Réserves du littoral sénégalais sont vitaux pour la préservation des oiseaux
et particulièrement des migrateurs paléarctiques. Pour certains anatidés et limicoles, ils
constituent un site majeur d'hivernage. Il s'agit aussi d'un relais de migration essentiel
juste au Sud du Sahara.
Actuellement des menaces réelles pèsent sur la biodiversité des Parcs littoraux et côtiers.
En effet, une dégradation surtout dûe à des facteurs naturels (sécheresse, érosion,
salinisation...) et anthropiques (exploitation incontrôlée des ressources, aménagements
inadaptés...) commence à remettre en question la pérennité de ces zones humides. Les
raisons de cette dégradation sont:
- l'augmentation des surfaces cultivées et des pâturages;
- la sous-estimation des zones humides dûe à la méconnaissance de leur rôle complexe
dans les équilibres et échanges fondamentaux terre-eau, continent-mer;
- la colonisation de la côte par les établissements humains et l'industrie touristique.
A cela, il faut ajouter le manque de planification et de rationalisation dans l'utilisation
des ressources. On assiste à un véritable gaspillage de la biodiversité des zones littorales
à travers une destruction massive des ligneux (coupe anarchique des palétuviers et
exploitation non rationnelle des produits halieutiques). En effet, les prélèvements sont
opérés sans connaissance préalable des stocks.
Notons également les aménagements effectués sur le fleuve Sénégal qui ont perturbé
l'équilibre des biotopes (phénomène de prolifération des salades d'eau au Djoudj et
augmentation du gradient de salinité à Gueumbeul et à la Langue de Barbarie). Les
potentialités touristiques qu'offrent les zones humides peuvent constituer à court terme
une menace réelle si au préalable un plan d'aménagement intégré du littoral n'est pas
élaboré. Enfin, il faut signaler au niveau des menaces un problème institutionnel évident
lié à un manque de coordination entre les différentes structures concernées.

3. QUELLES STRATEGIES POUR LA CONSERVATION ET LA


GESTION DES RESSOURCES DU LITTORAL?
Rappelons que l'ensemble du réseau d'aires protégées littorales couvre une superficie de
20 000 ha d'îles, de marais, de lagunes et de mangrove en plus de 50 000 ha de milieu marin.
Les autorités sénégalaises ont eu la clairvoyance d'établir à temps opportun ces sanctuaires
pour préserver des ressources soumises ailleurs à une exploitation irrationnelle.
Ainsi un des objectifs majeurs de l'établissement des sites protégés obéissait au souci
fondamental de conserver les espèces animales et végétales dans leur habitat originel.
L'ampleur et le rythme de dégradation de la structure et de la texture de la biosphère ont
rendu nécessaire la conservation des zones littorales et côtières.
Cependant, face à une exploitation de plus en plus poussée dans les zones littorales non
protégées, à une démographie de plus en plus forte, il fallait s'adapter et développer une
autre stratégie réconciliant conservation et utilisation des ressources naturelles. Déjà en
juin 1 982, le Président de la République donnait son accord de principe pour la réalisation
d'un projet visant à préparer une stratégie nationale de conservation (SNC) visant à
concilier l'effort de développement et le souci de protéger le patrimoine du Sénégal.

468
Parcs et Réserves Naturels du Littoral

Une telle politique nécessite une démarche prudente surtout si le champ d'action se situe
sur le littoral. Il est indispensable de dégager un diagnostic préalable destiné à éclairer
des choix en procédant à l'identification de l'ensemble du potentiel naturel, d'étudier
tous les paramètres socio-économiques (et écologiques) en vue d'une affectation judi
cieuse des ressources naturelles dans la perspective d'un programme de développement
régional intégré.
La conservation et l'utilisation durable des ressources naturelles du littoral nécessitent
aujourd'hui un programme d'aménagement global tenant compte de toutes les compo
santes (parcs, réserves, forêts classées, pêche, tourisme, zones d'essartage, parcours
pastoraux, etc.).
Les Parcs de grande taille (Djoudj et Saloum) doivent être dotés d'une politique pour
leur périphérie de façon à favoriser une meilleure symbiose entre ces aires protégées et
l'économie des communautés rurales voisines. Dans le Nord, la remise en eau de la
cuvette de Ndiaël et sa gestion coordonnée avec celle du Djoudj est indispensable sous
peine de perdre ce parc par enherbement. Il faut constituer une autorité de gestion des
zones humides du Nord pour une meilleure harmonisation de la gestion des eaux. Les
petites réserves proches des villes comme Popenguine devront confirmer leur vocation
expérimentale, esthétique et pédagogique.
Cependant sur la base des acquis de la conservation, il convient de bâtir une nouvelle
approche de gestion des ressources naturelles qui suscitera la participation active et
volontaire des Communautés Rurales.

CONCLUSIONS ET PERSPECTIVES
Cet exposé montre à la fois les limites et les possibilités de la conservation et de la gestion
des milieux littoraux et côtiers face aux défis socio-économiques du Sénégal.
Cette situation fait ressortir également l'absence d'une politique cohérente en matière
d'aménagement et de gestion des milieux. Cependant au moment où la communauté
internationale prend conscience que l'environnement est partout soumis à des pressions
de plus en plus fortes, il va falloir imaginer des voies nouvelles pour en minimiser les
effets afin de renverser les tendances les plus défavorables.
Parmi ces voies, et à la lumière des multiples rencontres et séminaires, les plus signifi
catives paraissent être:
- la recherche de nouveaux types de développement fondés sur une coopération
régionale plus intense et sur une solidarité internationale plus vigoureuse en faveur
d'une utilisation durable des ressources naturelles respectueuses des modes de vie
locaux;
- la prise en compte plus systématique de l'environnement dans les schémas des
projets de développement et des évaluations économiques nationales notamment au
niveau des zones côtières et littorales;
- la promotion par l'éducation et l'information en vue d'une meilleure perception des
interactions entre l'environnement et le développement, afin d'assurer l'émergence
de comportements nouveaux tant chez les responsables nationaux ou locaux, publics
ou privés que parmi les populations concernées.

469
Ressources Côtières et Littorales du Sénégal

La Direction des Parcs Nationaux, dans son programme de conservation et de gestion


des zones humides a élaboré un certain nombre de projets soumis à un financement:
1. Parmi les études entreprises ou projetées sur certaines espèces animales
presque endémiques des zones humides côtières du Sénégal, on peut citer:
l'étude sur les tortues;
le projet "Sternes" mené conjointement par la Direction des Parcs Nationaux
et la Ligue Française pour la Protection des Oiseaux;
l'étude d'impact des rejets de la mer sur les colonies reproductrices des Parcs
de Barbarie, Saloum et la Réserve de Kalissaye.
2. Les thèmes de recherches suivants sont également envisagés:
la richesse et les relations entre avifaune - mangrove - pêcheries aux Parcs du
Saloum, de Basse-Casamance et la Réserve de Kalissaye;
le recensement et l'évaluation des potentialités biologiques des zones humides
côtières situées hors du réseau des Parcs et Réserves (nombre, localisation,
valeur biologique, menaces, statut).

470
RECOMMANDATIONS, MOTIONS ET
CEREMONIE OFFICIELLE DE CLOTURE
Recommendations, Motions et Cérémonie de Clôture

RECOMMANDATIONS

Les 27, 28, 29 juillet 1992, s'est tenu à la Maison d'Education Manama BA à l'île de
Gorée, un atelier portant sur le thème: "Gestion des Ressources Côtières et Littorales
du Sénégal".
L'atelier:
- souligne l'importance vitale du littoral pour l'économie actuelle et future du Sénégal;
- s'inquiète de la multiplicité des agressions de plus en plus fortes et répétées subies
par cet espace;
- déplore le manque de coordination entre les actions et les programmes des nombreux
intervenants.
Face à ces constats, l'atelier propose la prise en compte de recommandations globales
qui auront pour effet d'impulser des politiques sectorielles.

lère Recommandation

Le renforcement des capacités de recherche de la communauté scientifique; la lutte contre


toutes les formes de dégradation accélérée (pollution, urbanisation anarchique, consom
mation des ressources fragilisées); la prise en compte des aspirations exprimées par les
populations et les groupements et par l'institution d'un cadre formel de concertation pour
le suivi des décisions et actions.

2 me Recommandation

Les communications, les questions, les débats ont montré qu'il s'agissait de lever un
certain nombre de contraintes et d'aboutir à une convergence dans un consensus.
Les préalables à ce consensus portent sur:
1 . La nécessité de s'entendre sur la notion d'espace littoral. Il est suggéré une analyse
des différentes approches spécialisées et thématiques, une approche des enjeux
que cela implique en terme de politiques et de stratégies de gestion.
2. Une meilleure compréhension des dynamiques sociales et économiques qui ont
conduit à la situation actuelle au Sénégal.
3. L'amélioration de la connaissance de la perception du littoral par ses utilisateurs,
du secteur formel et informel, avec l'analyse des enjeux et des tendances, des
pressions ou menaces sur les ressources.
4. L'amélioration de la communication entre chercheurs et institutions de recherche
dans le but d'un accès équitable aux données, d'un accès plus facile à l'information
et dans le souci de la valorisation des travaux scientifiques. La mise en place, dans
un avenir proche, d'un Observatoire du littoral regroupant la communauté des
utilisateurs est à envisager activement.

473
Ressources Côtières et Littorales du Sénégal

5. L'identification d'une prospective sur la gestion des ressources littorales. Les


acteurs, leurs motivations, les mécanismes de prise de décision sont identifiables.
Les contraintes internes au pays sont connues, ainsi que celles venant de l'extérieur.
Ces éléments permettent d'établir des scénarios sur les futurs possibles.

3ème Recommandation

Suivi de l'atelier sur la "Gestion des Ressources Côtières et Littorales du Sénégal".


1. Le Comité d'organisation s'engage pour le 15 novembre 1992 à la publication des
communications dans un document qui sera un numéro spécial de la revue "Notes
de Biogéographie".
2. Le Comité d'organisation propose que le thème sur l'aménagement de l'espace
littoral puisse être traité ultérieurement de manière plus approfondie.Ce thème a
regroupé les séances relatives à: Etudes et Aménagements, Pollutions,
Urbanisation, Santé, Exploitation et Gestion des ressources, Espace touristique
Littoral, Gestion et Conservation des ressources.
3. Un atelier spécifique se tiendra les 21 et 22 décembre 1992 au CRODT. Il
regroupera 40 participants, 20 scientifiques, 20 techniciens des secteurs formels
et informels. Les séances seront multilingues. Le produit de cet atelier sera une
série de recommandations à partir de bases scientifiques et techniques sur des
stratégies de gestion et de conservation des ressources littorales telles que: étude
d'impact sur les aménagements et les agressions; réponses aux problèmes
immédiats d'érosion côtière; valorisation des études déjà réalisées; actions à
l'échelle sous-régionale; plan d'aménagement du littoral.
4. Le Comité d'organisation propose de s'élargir à des personnes ressources
ayant une compétence scientifique et technique et administrative dans le but de
faciliter la mise en place de cet atelier et la valorisation des présentes
recommandations.

MOTION DE REMERCIEMENTS

L'Atelier remercie:
- l'UICN pour son appui financier, technique et scientifique. L'Atelier saisit cette
opportunité pour proposer à l'UICN de soutenir la tenue du prochain atelier.
- Monsieur l'Ambassadeur, Chef du Protocole de la Présidence de la République,
- Monsieur le Maire de Gorée,
- Madame le Proviseur de la Maison de l'Education Mariama BA,
- Monsieur le Directeur de l'Université des Mutants,
- Toutes les administrations et structures de recherche, en particulier l' ISRA et l'IFAN
Cheikh Anta Diop, les associations, les étudiants et le personnel d'appui qui ont
rendu possible la tenue de l'Atelier, l'ont soutenu activement et ont permis son
succès.
Gorée, le 29 juillet 1992

474
Recommendations, Motions et Cérémonie de Clôture

MOTION DE FELICITATIONS

Les participants à l'Atelier sur la "Gestion des Ressources Côtières et Littorales du


Sénégal" qui s'est tenu à Gorée du 27 au 29 juillet 1992;
Conscients des problèmes évoqués pendant cette session tiennent à présenter leurs vives
félicitations aux organisateurs pour avoir réussi à regrouper chercheurs, techniciens et
hommes de terrain autour de ce thème d'actualité;
Et d'avoir aussi permis à toutes ces personnes intervenant dans le même domaine de
confronter et d'échanger leur point de vue et de poser les jalons d'une future coordination
des actions;
Les encouragent à porter au niveau des décideurs la synthèse des recommandations et à
assurer leur suivi.
Gorée, le 29 juillet 1992

DISCOURS DE CLOTURE DE MONSIEUR AMAR


B. NIANG, DIRECTEUR DE CABINET DE
MONSIEUR LE MINISTRE DE LA
MODERNISATION DE L'ETAT ET DE LA
TECHNOLOGIE

- Monsieur le Maire de Gorée,


- Monsieur le Représentant du Directeur de l'IFAN,
- Monsieur le Directeur du CRODT, Représentant le Directeur-Général de l'ISRA,
- Madame le Proviseur de la Maison d'Education Manama BA,
- Monsieur le Délégué Régional de l'UICN pour l'Afrique de l'Ouest,
- Mesdames, Messieurs les Représentants d'organisations internationales,
- Mesdames, Messieurs les Chercheurs,
- Chers Invités,
C'est pour moi un grand plaisir de présider aujourd'hui au nom du ministre de la
Modernisation de l'Etat et de la Technologie empêché, la cérémonie de clôture de
1' "Atelier sur la Gestion des Ressources Côtières et Littorales du Sénégal", Atelier qui
est le fruit d'une coopération scientifique intense entre l'Institut Fondamental d'Afrique
Noire (IFAN) et l'Institut Sénégalais de Recherches Agricoles (ISRA).
Ceci est d'autant plus heureux que votre Atelier, qui s'est tenu au lendemain de la
Conférence Mondiale sur l'Environnement et le Développement organisée à Rio de
Janeiro en juin dernier et à laquelle le Sénégal a pris une part active, porte sur des
questions d'actualité et des sujets qui préoccupent le Gouvernement.
En effet, les milieux littoraux dont la diversité et l'importance dépassent l'extension
spatiale, constituent une membrane d'échanges entre plusieurs milieux complémentaires.
A partir de ces milieux se tissent une foule de réseaux complexes, de flux parmi lesquels
on pourrait citer, entre autres, les courants de distribution de la pêche, les flux touristiques
et les activités liées à l'industrialisation.

475
Ressources Côtières et Littorales du Sénégal

Mesdames, Messieurs,
Notre conviction est que les interrogations auxquelles vous avez tenté de répondre, trois
jours durant, sont fondamentales à plus d'un titre:
- tout d'abord, parce que la recherche doit suivre, sinon accompagner l'évolution des
choix et options politiques;
- ensuite, en ce qu'elles placent votre action au centre de la dialectique recherche
fondamentale et recherche/développement.
Ainsi les thèmes que vous avez étudiés qui portent notamment sur la problématique du
littoral, les recherches en sciences géomatiques, les études et aménagements du littoral,
les problèmes de pollution, d'urbanisation et de santé, l'exploitation et la gestion des
ressources côtières sont aussi importants pour la conduite des politiques en matière de
gestion des ressources côtières et littorales dans notre sous-région.
Certes, le Gouvernement a adopté des objectifs et stratégies tendant à améliorer la gestion
des ressources de nos côtes et littoraux, mais les conditions de la réalisation de ces
objectifs et de la réussite de la mise en œuvre de ces stratégies reposent, pour une large
part, sur une meilleure maîtrise des facteurs dynamiques et des problèmes d'aménage
ment. Il est donc réjouissant, aujourd'hui, que la communauté scientifique constituée des
équipes pluridisciplinaires ici présentes, ait décidé de réfléchir, d'exercer son expérience
à la solution des problèmes liés à la connaissance et à la gestion de l'environnement.
Vous pouvez donc être assurés que le Gouvernement portera une attention toute particu
lière aux recommandations que vous avez bien voulu formuler à l'issue de cet Atelier.
Avant de terminer, et au nom du ministre de la Modernisation de l'Etat et de la
Technologie, je voudrais saluer encore une fois l'heureuse initiative de l'équipe IFAN-
ISRA et remercier tout ce qui par leur apport scientifique et technique ont permis la tenue
de ces assises.
Nos remerciements vont également aux organismes d'aide et de coopération, en particu
lier l'Union Mondiale pour la Nature (UICN) pour son appui financier déterminant dans
la tenue de cet Atelier.
Avec l'espoir voire la conviction que, au lendemain de la Conférence de Rio, le défi de
savoir comment gagner le combat de l'environnement sera relevé, je déclare clos, au nom
du ministre de la Modernisation de l'Etat et de la Technologie, l'Atelier IFAN-UICN-
ISRA, sur la Gestion des Ressources Côtières et Littorales du Sénégal.
Je vous remercie de votre attention.

476
LISTE DES PARTICIPANTS
Liste des Participants

Atelier sur la Gestion des Ressources Côtières et


Littorales du Sénégal, Gorée, les 27-28-29 juillet 1992

Prénoms et nom Adresse/service Téléphone

Haïdar EL ALI Océanium 22 24 41


(Club plongée)
Alioune BA Faculté des Lettres, 24 63 70 p. 233
Départ, de Géogr.,
UCAD
France-Lyse Clotilde Faculté des Sciences, 25 74 05
BA UCAD, Départ, de
Biologie Animale
Mariline BA Faculté des Sciences, 25 04 43
UCAD, Départ, de
Géologie
Alioune BADIANE Faculté des Lettres,
UCAD, Départ, de
Géographie
Michel BEN ARROUS Sud Hebdo, B.P. 4130, 22 42 05
Dakar
Marie-Louise BENGA Soleil, B.P. 92, 32 46 92,25 40 56
Dakar-Hann
Mamadou BERTHE Commune de Dakar, 21 61 86
DAU
Tahirou BODIAN DOPM/MDCM, Dakar 21 27 75
Philippe BONCOUR Mission Française de 23 91 81
Coop., Rue El HA
Ndoye, Dakar
Patrick BOULAND UICN, B.P. 3215, Dakar 32 85 21
Tidiane BOUSSO CRODT, B.P. 2241 34 05 34, 34 05 36
Abdoulaye CAMARA IFAN, B.P. 206, Dakar 25 00 90
Aboubacar CAMARA Centre de Suivi 25 80 66
Ecologique, B.P. 154,
Dakar
Gorgui CISS Département de 25 26 25
Géographie, Faculté des
Lettres, UCAD
Awa Eveline CISSE Délégation aux Affaires 21 32 60
Scientifiques et
Techniques, 23 rue
Calmette, Dakar

479
Ressources Côtières et Littorales du Sénégal

Prénoms et nom Adresse/service Téléphone

Kandioura COULIBALY B.P. 1412, Bamako, Mali


Babacar DIA Projet CTL-Nord, 6715 54
B.P. 434, Louga
Omar DIA Direction des Parcs 24 42 21
Nationaux, B.P. 5135,
Dakar
Ibrahima DIAGNE Ministère de l'Economie 23 96 99
des Finances et du Plan,
Dakar
Maty DIAGNE IFAN, B.P. 206, 25 00 90
Dakar RP
Yacine DIAGNE Dépt. de Géographie,
UCAD
Bara DIAKHATE DPE/SONEES 32 52 47
El Hadj Abdou DIALLO ATELE, Thiaroye/mer 34 48 65
Sory DIALLO Direction Météo METM, 20 08 51
B.P. 8257, Dakar Yoff
Ndèye DIAMANKA CRODT/ISRA, B.P. 34 05 34, 34 05 36
2241, Dakar
Angélique DIATTA Maison Mariama 21 60 21
BA - Gorée, Dakar
Youssouf DIATTA DAST, 23 rue Calmette, 21 32 60
Dakar
Alioune DIAW PSPS, B.P. 289, Dakar 21 35 87
Amadou Tahirou DIAW IFAN - Labo. de 25 00 90
Géographie, B.P. 206,
Dakar RP, UCAD
Bassirou DIAW CRODT, B.P. 2241, 34 05 34, 34 05 36
Dakar
Amadou DIEYE Centre de Suivi 25 80 66
Ecologique, B.P. 154,
Dakar
Pierre Marie DIOH Etudiant de géographie
Faculté des Lettres,
UCAD
Mamadou DIONE SONEES-Asst. 35 10 68
Abdoulaye DIOP Direction des Parcs 25 05 40
Nationaux, B.P. 5135,
Dakar
Alassane DIOP Départ. 25 00 90
Audio-visuel-IFAN

480
Liste des Participants

Prénoms et nom Adresse/service Téléphone

Amadou DIOP Départ, de Géogr. 24 63 70


Faculté des Lettres,
UCAD
Beukeu DIOP Takou Leeguey, Mbour
El H. Salif DIOP Labo. de Géogr. Faculté 23 50 82
des Lettres, UCAD,
COMARAF, BP 5346,
Dakar Fann
Jean-Meïssa DIOP Wal Fadjri, B.P. 576, 24 23 40, 24 23 43
villa 8542,
Sacré Cœur III
Mame Coumba DIOP USAID - Bureau de 23 33 07
l'Agricult, Place de
l'Indépendance
Mame Ndèye DIOP Laboratoire de 25 00 90
Géographie, IFAN -
Ch. A. Diop
Nouhoum DIOP Service des Phares et 32 58 71
Balises, B.P. 3195, Port
Autonome de Dakar
Bachir DIOUF Dépt. Géologie, Faculté 25 04 43 p. 402
des Sciences et
Techniques, UCAD
Binta SENE DIOUF Labo.de Géographie, 25 00 90 p. 424
IFAN, B.P. 206, Dakar
RP, UCAD
Henri DIOUF Marine Marchande 21 27 61
Jean DIOUF Labo. de Géographie, 25 00 90 p. 41 1
IFAN, B.P. 206,
Dakar RP
Papa Samba DIOUF CRODT/ISRA, 34 05 34, 34 05 36
B.P. 2241 , Dakar
Philippe DIOUF DAT, BP 4017, Dakar 22 24 66
Commandant Cheikh Serv. d'Hyg. Nat., 25 61 39
FALL Ministère de la Santé et
de l'Action Sociale
Ousmane FALL BPS/Dir. Agriculture, 32 12 59
B.P. 6225, Dakar-Hann
Rokhaya D. FALL BPS/Dir. Agriculture, 32 12 59
B.P. 6225, Dakar-Hann
Amadou FAYE Labo. de Géographie, 25 00 90 p. 411
IFAN, B.P. 206,
Dakar RP, UCAD

481
Ressources Côtières et Littorales du Sénégal

Prénoms et nom Adresse/service Téléphone

François FAYE USAID/Bureau de 23 33 07


l'Agriculture et des
Ressources Naturelles
Mame Amar FAYE Direction des Travaux 23 83 30
Publics
Dr Oumar FAYE Département 25 34 54
Parasitologie, Faculté de
Médecine, UCAD
Jean-Yves GAC ORSTOM Centre de 32 34 80
Dakar-Hann
Cheikh Bécaye GAYE Départ, de Géologie, 21 07 51
Faculté des Sciences et
Techniques, UCAD
Itaf DEME GNINGUE CRODT/ISRA, 34 05 34, 34 05 36
B.P. 2241, Dakar
Ismaïla GOUDIABY Ministère du Tourisme et 21 11 26
de l'Environnement,
B.P. 4049, Dakar
Georges GREPIN UICN, BP 3215, Dakar 32 85 21
Aby GUEYE Takou Leeguey, Mbour
Ibrahima GUEYE DEGOO Ass. de 34 30 84
pêcheurs, Thiaroye/mer
Mame Balla GUEYE Direction Eaux & Forêts, 61 11 70
Saint-Louis
Mbaye GUEYE Direction Eaux & Forêts, 61 11 70
Saint-Louis
Ndiaga GUEYE DOPM/MDCM 21 27 75
Ndèye Fatou Diop Faculté des Lettres, 20 2313
GUEYE Départ, de Géographie,
UCAD
Prosper Guy HOUETO DAST, 23 rue Calmette, 22 99 70
Dakar
Ahmadou Fadel KANE Faculté des Lettres, 24 63 70
Départ, de Géographie,
UCAD
Ndèye Kiné KANE Maison Manama BA, 21 60 21
Gorée, Dakar
Moustapha KEBE CRODT, B.P. 2241, 34 05 34, 34 05 36
Dakar
Bruno de LAVENNE AUPELF, 24 29 27
Bureau Afrique Liberté,
B.P. 10017, Dakar

482
Liste des Participants

Prénoms et nom Adresse/service Téléphone

Joëlle LAVIGNASSE Océanium 22 24 41


(club plongée), Dakar
Louis LE RESTE ORSTOM/CRODT, 34 05 34, 34 05 36
B P. 2241, Dakar
Claudio C. MARETTI UICN Bolama-Bijagos 20 12 30, 82 11 40
Apart. 39 1031 codex
Bissau (GB)
(Guinée-Bissau)
Adama MBODJ Soleil, B P. 92, Dakar 32 46 92
Ibrahima MBOW Dir. Env., Ministère 21 11 26
Tourisme
Marie-Amy MBOW IFAN, Musée Historique, 25 00 90
B.P. 206, Dakar RP,
UCAD
Absa GUEYE NDIAYE Départ, de Biologie 25 74 05,3211 65
Animale, Faculté des
Sciences, UCAD
Assane NDIAYE Direction des Travaux 32 11 82, 32 11 81
Géographiques et
Cartographiques,
B.P. 740, Dakar
Charlotte NDIAYE Maison Mariama BA, 21 60 21
Gorée, Dakar
Elimane DIOP NDIAYE DIPT/Ministère du 22 92 26
Tourisme et de
l'Environnement,
B.P. 4019, Dakar
Fatou NDIAYE DAST, 23 rue Calmette, 21 32 60, 22 99 70
Dakar
Honoré Georges Ministère Education 21 09 27
NDIAYE Nationale, Dakar
Ibrahima NDIAYE ATELE-SENEGAL,
B.P. 20 249,
Thiaroye/mer
Khader NDIAYE Maison Mariama 21 60 21
BA-, Gorée, Dakar
Mansour NDIAYE CESTI, Univ. Ch. A. Diop 24 68 75
Mathiour NDIAYE Action Humaine pour le 25 73 62
Développement Intégré
au Sénégal (ONG)
Mor Lissa NDIAYE D. PAT/bpp du Ministère 21 05 34 p. 1146
du Tourisme

483
Ressources Côtières et Littorales du Sénégal

Prénoms et nom Adresse/service Téléphone

Omar NDIAYE Port Autonome de Dakar 23 45 45


Direction Technique
Papa NDIAYE Lab. Biologie Marine, 25 00 90
IFAN, B.P. 206,
Dakar RP, UCAD
Pape NDIAYE Projet CTL-Sud, 51 17 85
B.P. 434, Thiès
Paul NDIAYE Départ, de Géogr., 24 63 70
Faculté des Lettres,
UCAD
Soulèye NDIAYE Direction Parcs 25 05 40
Nationaux, B.P. 5135,
Dakar-Hann
Michel NDOUR Usine de Djifère Arrd. de 22 52 93
Fimela - Fatick
Fatoumata BA NIANG SONEES - Labo/DPE 24 78 09
Isabelle NIANG Départ, de Géologie, 24 05 43
Faculté des Sciences,
UCAD
Seydou NIANG Départ, de Biologie 25 00 90 p. 412
Animale, IFAN, B.P.
206, Dakar RP
Berit NIELSEN PNUD, B.P. 154, Dakar 23 32 44
Dieudonné PANDARE Départ, de Biologie 23 02 02
Animale, Fac. Sciences
et Tech., UCAD
Mamadou Ibra SALL Départ. Audio-visuel, 25 00 90
IFAN, B.P. 206,
Dakar RP
Capitaine Mohamed Marine Nationale, 23 71 40 p. 5274
SANE B.P. 349, Dakar
El Hadj SARR Annexe GT3, Studio 19
Gueule Tapée - Départ.
Géographie
Oumar SARR Faculté des Sciences, 25 47 50
UCAD, Département de
Chimie
Amadou Abdoulaye IFAN Ch. A. Diop, B.P. 21 21 87
SECK 206 Dakar RP, UCAD
Massamba SECK Nouvelle Sotiba, 34 43 07 à 10
B.P. 2080, km 9,5 Route
de Rufisque, Dakar

484
Liste des Participants

Prénoms et nom Adresse/service Téléphone

Michel SECK BST - Liberté 3, Dakar 25 63 39


Amdy SENE Ministère du Tourisme et 21 11 26
de l'Environnement,
B P. 4049, Dakar
Maguette DIOP SEYDI Maison Mariama BA - 21 60 21
Gorée, Dakar
Eric SOMERHAUSEN 2bis El. A. Assane 23 46 71
NDOYE (FAO)
Arona SOUMARE Départ. Géographie,
Dakar
Cheikh Sadibou SOW DMN/METM, Dakar Yoff 20 08 74
Ibrahima Bocar SOW SENELEC/HANN, 32 88 40
B.P. 93, Dakar
Ndiaye Cheikh SYLLA Dir. Env. Min. du 21 11 26
Tourisme
Alexis SWEETLOVE Commune de Dakar 21 61 86
DAU
Dr Idrissa TALLA Médecin Chef du District 63 31 01
Sanitaire de Richard-Toll
Abdoul Aziz TANDIA Départ, de Géologie, 24 05 43 p. 331
Faculté des Sciences et
Techniques, Univ.
Ch. A. Diop, Dakar
Mame Demba THIAM Départ, de Géographie, 21 60 08
Faculté des Lettres,
UCAD
Modou THIAM CRODT/ISRA, 34 05 34
B.P. 2241 , Dakar
Mamadou THIOUB Service Phares et 23 45 45
Balises, B.P. 3195, Port
Autonome de Dakar
Diafara TOURE CRODT/ISRA, 34 05 34
B.P. 2241, Dakar
Seydou Nourou TOURE Cité Biagui #82, Yoff 21 57 48
Monique TRUDEL UICN, B.P. 3215, Dakar 32 85 21
Annick TURNER UICN.B.P. 3215, Dakar 32 85 21
Yaya ZAKARIA IFAN (Musée de la mer), 21 21 87
Dakar

485
Programme Zones Humides de l'UlCN

Titres actuellem

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or before the date last stamped be1ow
1. Managing the We
Basin
Proceedings of the W
R.C.V. Jeffery, H.N.

2. Conservation and f
Wetland Resource
Proceedings of the Ti
France

E. Maltby, P.J. Duge

3. Conservation and
Proceedings of a Wor
Greece

P.A. Gerakis

4. Wetlands Conservi
Proceedings of a Conk

T. Matiza and H.N. C

5. Wetlands of Kenya
Proceedings of a Seminar on Wetlands of Kenya
S.A. Crafter, S.G. Njuguna and G.W. Howard

6. The IUCN Review of the Southern Okavango Integrated


Water Development Project

T. Scudder, R.E. Manley, R.W. Coley, R.K. Davis, J. Green,


G.W. Howard, S.W. Lawry, D. Martz, P.P. Rogers,
A.R.D. Taylor, S.D. Turner, G.F. White and E.P. Wright
7. Mangroves of Vietnam
Phan Nguyen Hong and Hoang Thi San ni s

8. Ecology and Management of Mangroves


Sanit Aksornkoae

9. Freshwater Wetlands in Bangladesh: Issues and


Approaches for Management
Ainun Nishat, Zakir Hussain, Monoj Roy, Ansarul Karim and
Abdul Malek Choudhury

10. Wetlands of Tanzania


Proceedings of a Seminar on Wetlands of Tanzania

G.L. Kamukala and S.A. Crafter

11. Hydrology and Sustainable Development in a Sahelian


Floodplain
G.E. Hollis, W.M. Adams and M. Aminu-Kano

12. An Inventory of Coastal Wetlands of Côte d'Ivoire


M. Nicole, M. Egnankou Wadja and M. Schmidt

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internationale du Ministère néerlandais des Affaires étrangères

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Union mondiale pour 11 naturt

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