Le Sol: Élément Oublié: Terre: La Couche Vivante

Télécharger au format pdf ou txt
Télécharger au format pdf ou txt
Vous êtes sur la page 1sur 24

Le magazine du PNUE pour les jeunes

pour les jeunes · sur les jeunes · par des jeunes

Le sol : élément oublié

Terre : la couche vivante


Enrichir les sols : enrichir les vies
TUNZA
le Magazine du PNUE
pour les Jeunes.
Les numéros de TUNZA
SOMMAIRE
peuvent être consultés
sur le site www.unep.org
Éditorial 3

La santé des sols : d’une importance cruciale 4


Programme des Nations Unies pour
l’environnement (PNUE)
PO Box 30552, Nairobi, Kenya Les mains dans la terre 6
Tél. (254 20) 7621 234
Fax (254 20) 7623 927 Les jeunes en action : la protection des sols 7
Télex 22068 UNEP KE
uneppub@unep.org Défenseur de l’Espagne 10
www.unep.org

ISSN 1727-8902
Terre : la couche vivante 12

Directeur de la publication Satinder Bindra Sol noir, or noir 14


Rédacteur en chef Geoffrey Lean
Collaborateur spécial Wondwosen Asnake Petit guide du compostage 15
Rédacteurs Jeunesse Karen Eng, Emily Keal
Coordination à Nairobi Naomi Poulton
Responsable de l’unité Enfance et Jeunesse
Merveilleux vers de terre 16
du PNUE Theodore Oben
Directeur de la diffusion Manyahleshal Kebede Choix de vie 18
Maquette Edward Cooper, Équateur Enrichir les sols : enrichir les vies 20
Traduction Anne Walgenwitz/Ros Schwartz
Translations Ltd
Production Banson L’éducation par l’action 21
Photo de couverture M. Steinmetz/VISUM/Still
Pictures Sept merveilles du sol 23
Jeunes collaborateurs Meghna Das (Inde) ; Jemima
Griffiths (Portugal) ; Jerry Lee (Malaisie) ; Kennedy
L’esprit d’équipe 24
Mbeva (Kenya) ; Luke Roberts (R-U) ; Victoria
Rogers (Irlande du Nord) ; Michael Stevenson
(Irlande du Nord) ; Shalmali Tiwari (Inde) ; Haneesa
Reste au fait de TUNZA sur ton mobile
Zahidah (Malaisie) ; L’équipe Büyük Kolej/Volvo http://tunza.mobi
Adventure (Turquie).
ou sur Facebook
Autres collaborateurs Jane Bowbrick ; Cambridge
Botanical Garden ; Luc Gnacadja (UNCCD) ; Ottmar
www.facebook.com/TUNZAmagazine
Hartwig (Lumbricus) ; Sidhartha Mallya ; Carlos
Marchena ; V.K. Madhavan (Central Himalayan
Rural Action Group) ; Philip Wilkinson (Wildlife
and Environment Society of South Africa) Rosey
Simonds et David Woollcombe (Peace Child
International).

Imprimé à Malte

Les opinions exprimées dans le présent magazine ne


Le PNUE et Bayer, multinationale allemande, ment pour les jeunes, les conférences
reflètent pas nécessairement celles du PNUE ou des
responsables de la publication, et ne constituent pas une spécialiste de la santé, de l’agrochimie et internationales Tunza du PNUE, la mise en
déclaration officielle. Les termes utilisés et la présentation des matériaux de hautes performances, se place de réseaux de la jeunesse pour
ne sont en aucune façon l’expression de l’opinion du PNUE
sur la situation juridique d’un pays, d’un territoire, d’une sont associés pour sensibiliser les jeunes l’environnement en Afrique, Asie Pacifique,
ville ou de son administration, ni sur la délimitation de ses aux questions environnementales et en- Europe, Amérique latine et Caraïbes,
frontières ou limites. courager les enfants et les adolescents à se Amérique du Nord et Asie de l’Ouest, le
prononcer sur les problèmes mondiaux de programme des Délégués Bayer pour la
Le PNUE encourage l’environnement. jeunesse et l’environnement, et un concours
les pratiques écophiles,
international de photographie en Europe de
dans le monde entier et au sein de
ses propres activités. Ce magazine est Signé en 2004, ce partenariat s’est renouvelé l’Est intitulé « Ecology in Focus » (Objectif
imprimé avec des encres végétales, sur en 2007 et 2010, et il se poursuivra jusqu’en Écologie).
du papier issu de forêts gérées de manière 2013. Il sert de cadre aux nombreux projets Cette longue collaboration entre le PNUE
durable et avec blanchiment sans chlore. communs mis en œuvre par le PNUE et Bayer, et Bayer s’est transformée en un partenariat
Notre politique de distribution vise à limiter notamment : le magazine TUNZA, le concours public-privé, qui sert de modèle aux deux
l’empreinte écologique du PNUE.
international de peinture sur l’environne- organisations.

2 TUNZA Vol 9 No 2
ÉDITORIAL
La T
oute notre vie durant, nous vivons à moins de 25 centi-
mètres de l’extinction. C’est en effet l’épaisseur moyenne

terre de la mince couche arable qui nous sépare du sol stérile de


notre planète et dont nous sommes totalement dépendants. Et
pourtant, nous n’en prenons absolument pas soin.

Le savais-tu ? Chaque centimètre de cette couche arable peut prendre des


siècles à se constituer, mais si nous la négligeons – comme c’est
souvent le cas –, elle peut disparaître en quelques années à
• En moyenne, un échantillon de sol est composé de 45 % de peine. Chaque année à travers le monde, plus de 24 milliards
minéraux, 25 % d’eau, 25 % d’air et 5 % de matière organique ; de tonnes de cette précieuse couche arable sont emportés par
la proportion de matière organique peut atteindre 10 % dans les pluies et les vents. Les grands responsables sont l’agriculture
un sol fertile bien entretenu. intensive, le surpâturage et l’abattage des arbres et des forêts.
Selon les Nations Unies, un quart environ des terres agricoles du
• La part minérale du sol est composée de particules de roche. monde sont déjà dégradées, et chaque année l’agriculture perd
encore 12 millions d’hectares de terres – soit la superficie d’un
• De nombreux sols ont été transportés sur de longues dis- pays comme le Bénin.
tances par l’avancée des glaciers, les flux de l’eau et le vent.
Ils se sont déposés très loin de leur roche « mère ». La désertification menace désormais les moyens d’existence
de plus d’un milliard d’habitants d’une centaine de pays. Les
• La plupart des nutriments minéraux des forêts ombrophiles plus touchées sont les terres arides, sur lesquelles des pièces
d’Amérique centrale et du Sud sont originaires du Sahara, désertiques apparaissent brutalement comme une plaie ouverte
grâce à la poussière de sol qui franchit l’Atlantique. sur la surface de la Terre. Et ce n’est pas une coïncidence si 80 %
environ des conflits récents se sont déclarés dans des régions
• C’est la taille des particules minérales qui détermine la arides où l’avancée des déserts oblige des populations à rivaliser
texture du sol, qui peut aller de l’argile très fine au sable très pour cultiver les dernières terres fertiles.
grossier. On utilise l’argile fine pour faire de la porcelaine.
Pourtant, c’est une crise dont on parle peu. Il y a près de 20 ans,
• Les sols volcaniques sont parmi les plus fertiles de la lors du Sommet de la Terre de Rio en 1992, les gouvernements
planète. du monde avaient signé un traité visant à lutter contre la
désertification, mais ils n’ont pas fait grand-chose dans ce
• Un sol en bonne santé limite les risques d’inondation et filtre domaine. Cet automne, le sommet spécial d’un jour que
les polluants de l’eau. l’Assemblée générale des Nations Unies a décidé de consacrer
au problème sera la meilleure occasion qui nous ait été donnée
• Les sols rouges et jaunes contiennent du fer et peu de matière en 20 ans de braquer à nouveau les projecteurs du monde sur
organique. cette question. Il faut absolument que la protection des sols
arables gagne du terrain – littéralement !
• Les sols brun foncé à noir sont riches en carbone organique et
bien adaptés à l’agriculture.

• Les sols bleus ou violets sont des sols détrempés.

• Les sols de la forêt ombrophile contiennent peu de matière


organique parce que la chaleur et l’humidité décomposent
trop rapidement celle-ci pour qu’elle puisse pénétrer sous
la surface du sol. C’est ce qui explique que ce type de sol se
dégrade si rapidement après le déboisement.

• L’humus est une matière organique stabilisée : si les


conditions ne changent pas, il ne se décompose pas
davantage. Une teneur élevée en humus améliore la structure
du sol, en favorisant l’aération et la rétention de l’humidité.

• Les bactéries et les champignons secrètent des substances


collantes qui aident à lier le sol.

• La classification des sols est extrêmement complexe : les


scientifiques ont identifié plus de 10 000 types de sols en
Europe et plus de 20 000 aux USA.

Le sol - élément oublié 3


La santé des sols :
d’une importance cruciale

www.flickr.com/photos/tpeek
Design Pics/Still Pictures

L
a Convention des Nations Unies sur la lutte contre la désertification,
établie en 1994, est le seul accord international qui associe l’envi-
ronnement, le développement et la bonne santé des sols. TUNZA a
rencontré LUC GNACADJA, secrétaire exécutif de la Convention, pour parler
PNUE/Topham

d’un problème qui nous concerne tous.

La Convention sur la lutte contre la et la moitié du bétail du monde. Chaque


désertification ne concerne pas seule- année, la désertification nous fait perdre
ment les terres arides, n’est-ce pas ? 12 millions d’hectares. Cela représente
Pouvez-vous nous dire combien de per- la taille de mon pays, le Bénin. Les terres que les changements climatiques feront
sonnes et quelle proportion des terres perdues chaque année pourraient produire chuter les rendements agricoles de 15 % à
du monde sont actuellement touchées 20 millions de tonnes de céréales. Il est 50 % dans la plupart des pays d’ici 2050.
par la dégradation des terres ? donc très important pour l’avenir de toute Je précise que la santé des sols peut
C’est tout à fait vrai, et la Convention ne la communauté mondiale que les sols jouer un rôle important dans l’atténuation
concerne pas non plus les déserts ! Elle des terres arides soient en bonne santé. des changements climatiques. Le séquestre
met cependant l’accent sur les terres En d’autres termes, la dégradation des du carbone dans le sol a un double
arides, qui couvrent 41 % de la Terre et terres touche directement 1,5 milliard de objectif. D’abord, il permet d’atténuer
où vivent plus de 2 milliards de personnes personnes dont les moyens d’existence considérablement le réchauffement mon-
– soit un tiers de la population mondiale. dépendent de zones dégradées, mais dial en ôtant le dioxyde de carbone
Tous les habitants du monde sont tribu- indirectement, elle concerne chacun atmosphérique et en le séquestrant dans
taires des terres arides parce qu’elles d’entre nous. le sol (mais uniquement si celui-ci est en
produisent 44 % des denrées alimentaires bonne santé !) Ensuite, l’augmentation
Pensez-vous que les changements clima- du carbone dans le sol est très utile à la
J. Sawalha/PNUE/Topham

tiques soient le principal moteur de la production alimentaire.


désertification ?
Ils sont certainement un des principaux La cinquième évaluation du PNUE sur
moteurs, mais l’inverse est également vrai : l’Avenir de l’environnement mondial
la désertification est un des principaux (GEO) suggère que la croissance démo-
moteurs des changements climatiques. graphique est un facteur majeur de
On sait que les changements climatiques changement environnemental. Peut-on
provoquent des événements extrêmes lier ce facteur à la désertification ?
comme les sécheresses prolongées et La croissance démographique est un enjeu
imprévisibles. La surface de terres souffrant majeur. On estime que d’ici 2050, notre
d’une grave sécheresse a plus que doublé planète comptera 9 milliards d’habitants,
depuis les années 1970. Compte tenu et que pour les nourrir tous, la production
des pratiques agricoles et des variétés de alimentaire devra augmenter de 70 % au
cultures actuelles, les prévisions indiquent cours des 40 prochaines années. C’est

4 TUNZA Vol 9 No 2
une lourde tâche. Si nous considérons
qu’à travers le monde 1,9 milliard
d’hectares de terres se sont dégradées
depuis 1950, le défi est encore plus
grand. Et cela cache un autre enjeu
majeur : le risque de surexploitation. Si la
population augmente dans un monde qui
a faim, il est probable que les humains
surexploiteront et dégraderont de plus
en plus les terres arables. En plus, nous
perdrions la capacité du sol à piéger le
carbone, ce qui aurait un impact néga-
tif sur l’atténuation des changements
climatiques. Les humains peuvent être
les moteurs du problème mais ils peuvent
aussi être la solution. Et la solution est
réalisable : la dégradation des terres peut
être inversée.

J. Salam/Still Pictures
Les pratiques agricoles modernes
et intensives sont-elles un facteur encore choisir la durabilité en faisant de Les jeunes qui se passionnent pour la
aggravant ? Et quel est le rapport avec l’agriculture et de la foresterie durables nature et l’environnement peuvent être
les niveaux de consommation du monde des pierres angulaires de l’économie en première ligne de la lutte collective
riche ? verte. D’ailleurs, deux-tiers des terres contre la désertification. J’ai rencontré de
Actuellement, l’utilisation de plus en plus dégradées pourraient être réhabilitées. Il nombreux jeunes qui ont pris le temps de
intensive des sols provoque une dégra- est possible d’éviter la dégradation des s’informer sur la désertification et sur la
dation significative des terres. Chaque terres, de reconquérir les terres dégradées manière dont ils peuvent aider les régions
année, 24 milliards de tonnes de sol fer- et d’atténuer la sécheresse en utilisant arides grâce au commerce équitable, à
tile disparaissent, principalement à cause des techniques durables d’exploitation la plantation d’arbres et aux économies
de l’érosion. des terres et de l’eau. Pour y parvenir, d’énergie. Mais il serait bon que les écoles
La quasi totalité des habitants des pays il faut que les décideurs, les autorités, parlent davantage de la désertification et
riches sont tributaires des terres arides les cultivateurs, les scientifiques et les du développement durable pour aider les
pour leur alimentation. Le blé, le seigle, populations travaillent ensemble. jeunes à mieux comprendre les enjeux et
l’avoine, l’orge et les olives que nous L’investissement dans la gestion du- à soutenir la recherche de solutions.
consommons, ou les vêtements en coton rable des terres représente une préoc- Pensez à ceci : la sécheresse peut
que nous portons trouvent leur origine cupation locale, un intérêt national et frapper n’importe quel pays, développé
dans les terres arides. Mais la dégradation une obligation mondiale. Il faut donc ou en développement. Mais dans les pays
des terres menace non seulement la en faire une priorité : au niveau local développés, la sécheresse ne tue pas. Ce
consommation du monde riche, mais pour augmenter les revenus, améliorer qui se passe actuellement en Somalie et
aussi la sécurité alimentaire mondiale. la sécurité alimentaire et contribuer à la dans d’autres pays d’Afrique de l’Est ne se
De plus, si les terres se dégradent encore réduction de la pauvreté ; et aux niveaux produirait probablement pas en Australie.
davantage et deviennent improductives, national et mondial, pour lutter contre la J’invite les jeunes à se demander pourquoi
les populations rurales seront obligées faim et la malnutrition, réduire la pauvreté, une sécheresse est synonyme de famine
d’abandonner leurs terres et d’émigrer protéger le climat mondial, les ressources dans une région et pas dans une autre. Et
pour gagner leur vie ailleurs. naturelles et les services de l’écosystème, qu’ils s’interrogent aussi sur le coût total
Tous ces facteurs témoignent de et dans bien des cas, pour préserver aussi des mesures à prendre maintenant par
l’importance de la gestion durable des le patrimoine culturel. rapport à celui de l’inaction pour notre
terres. L’agriculture est nécessaire pour Il serait utile de documenter et évaluer avenir commun.
nourrir une population mondiale toujours les réussites obtenues dans ce domaine,
plus nombreuse, mais elle peut adopter et de calculer leur impact sur les services
M. Hamblin/OSF/SpecialistStock

des pratiques durables qui ne dégradent de l’écosystème. Quand on partage avec


plus les terres arables. La gestion durable d’autres une méthode utile, on les aide
des terres permet d’améliorer les moyens à prendre des mesures similaires pour
d’existence locaux, de réduire la faim, atteindre leur propre but ou développer
de restaurer des écosystèmes naturels leurs pratiques. De plus, il faudrait vraiment
et d’atténuer les effets des changements clarifier l’impact de différentes méthodes
climatiques. de gestion durable des terres, et les adapter
et les optimiser en fonction des conditions.
Avez-vous foi en l’avenir ? Quelles sont Il faut continuer à sensibiliser les gens aux
selon vous les principales mesures à causes, au contexte et aux impacts d’une
prendre ? mauvaise utilisation des ressources.
Notre génération peut conduire l’huma-
nité sur la voie du développement durable Enfin, comment les jeunes en particulier
ou sur celle de l’autodestruction. La peuvent-ils participer au quotidien à la
bonne nouvelle, c’est que nous pouvons lutte contre la désertification ?

Le sol - élément oublié 5


C
haque année, lors de la conférence des délégués
Bayer pour la jeunesse et l’environnement organisée
à Leverkusen (Allemagne), les jeunes apprécient tout
particulièrement la visite d’un laboratoire et d’une classe mobiles
alimentés par un toit photovoltaïque. Installé dans un bus de
7,5 tonnes, le labo est surnommé Lumbricus (Ver de terre). Il
témoigne de la passion d’Ottmar Hartwig pour la nature et la
sensibilisation à l’environnement, et notamment pour les terres
arables. L’équipe de TUNZA a pensé que ce numéro consacré au
sol ne serait pas complet sans un entretien avec Ottmar. Nous
lui avons demandé de nous parler de ses travaux et de nous dire
pourquoi il est urgent d’aborder le problème des terres arables.

Bayer
Comment se fait-il que je passe ma vie dans un écobus ? Peut-
être que c’est lié au jardinage que je faisais avec mon père
dans les années 1960 ou aux émissions sur la nature qu’on
voyait à l’époque… Jacques Cousteau, Bernhard Grzimek, David
Attenborough… Et c’est mon amour de la nature qui m’a incité à
étudier la biologie et la géographie à l’université de Cologne.
Mais je pense que rien ne sert d’étudier sans se salir les
mains. Comme je dis toujours : « Pour apprendre à nager, il faut se
jeter à l’eau. Pour comprendre l’écologie, il faut aller à la rencontre
de la nature – au moins une fois ! » Lorsque j’étais prof, je me suis
rendu compte que les jeunes étaient en train de perdre le contact
direct avec la nature – et pas seulement en ce qui concerne la
croissance des plantes ou la métamorphose des insectes, mais
Lumbricus

même le mauvais temps ! Donc, beaucoup de nos élèves n’ont


jamais eu l’occasion de chercher des invertébrés dans le sol d’une
forêt escarpée ou de creuser une rive boueuse pour découvrir
différentes couches de terre sous les mauvaises herbes.

Les mains Ce qui me ramène à la question du sol. L’importance locale


et mondiale des sols naturels est un de mes thèmes favoris et,

dans la terre
si l’on en croit l’Union internationale des sciences du sol, c’est un
sujet trop souvent ignoré en classe. Pourtant, à l’instar de l’eau,
le sol est fondamental pour la vie de la planète. Il a un impact sur
l’agriculture, le boisement, la production, le stockage et le filtrage
de l’eau, et la biodiversité. Dans des circonstances naturelles, il
faut dix ans pour produire 1 millimètre de sol, et une minute pour
le détruire : la couche arable est en train de disparaître à un rythme
effrayant, et je crains qu’à l’échelle mondiale, la perte de la couche
arable débouche sur de grands problèmes sociopolitiques.
Mais quand les jeunes visitent le Lumbricus, le sol n’est pas
toujours leur sujet préféré. Pour eux, ce n’est que de la terre !
Nous leur montrons que le sol est en réalité un écosystème riche
en processus importants et en petits assistants. Les méthodes
employées pour intéresser les enfants varient en fonction de leur
âge et de leurs centres d’intérêt. Avec les petits, nous observons
au microscope les habitants du sol. Avec les plus grands, nous
Lumbricus

creusons le sol pour obtenir une « saucisse de terre » qui leur


permet d’observer les différentes strates. Quant aux adultes, ils
peuvent par exemple analyser le pH d’un échantillon de sol pour en
déterminer l’acidité. À la fin, chaque équipe présente ses résultats
et les documente numériquement pour pouvoir les réutiliser en
classe par la suite.
Pour les enfants, ces leçons ne sont qu’un bref aperçu de la
science du sol, mais c’est une matière qui vaut la peine d’être
enseignée. Dans notre humble écobus – qui porte le nom des vers
qui travaillent dans l’ombre pour la santé de la planète –, nous
avons touché plus de 70 000 jeunes, et nous avons l’intention de
continuer. Notre impact est certain : nous avons remarqué que les
documents produits suite aux sorties en Lumbricus restent parfois
Lumbricus

affichés plusieurs années dans les couloirs des écoles. Mais le plus
encourageant, c’est lorsque nos anciens élèves devenus adultes
reviennent en tant que jeunes enseignants accompagnés de leurs
élèves et qu’ils les sensibilisent à la nature en creusant la terre.

6 TUNZA Vol 9 No 2
Les jeunes en action : la protection des sols
Q uel que soit l’endroit où tu vis, tu peux faire beaucoup pour améliorer le sol. Cherche des idées dans notre guide du compost
(voir page 15) et choisis les méthodes qui te conviennent. Et dans l’intervalle, inspire-toi de ces projets d’amélioration des
sols et de durabilité mis en œuvre par de jeunes écologistes dans le cadre de l’Aventure Volvo et du Programme des Jeunes Envoyés
Environnementaux de Bayer, en association avec le PNUE.

Haneesa Zahidah, Malaisie, Jeune Envoyée Bayer 2010

E n tant que président de l’équipe verte


de mon université, je cherchais une
idée durable, réalisable par des gens
de sa contenance, et on y ajoute des
légumes hachés et des déchets de fruits.
On couvre d’un linge et on mélange
ordinaires. C’est à ce moment-là que j’ai quotidiennement, en ajoutant d’autres
entendu parler du compostage Takakura, déchets végétaux jusqu’à ce que le
une méthode bien structurée et pourtant conteneur soit plein. Le compost est alors
simple qui me semblait parfaite pour mis dans un sac dans lequel il repose
les ménages malaisiens, dans la mesure pendant deux semaines.
où elle est rapide et bien adaptée aux Cette méthode Takakura est parti-
tropiques. Inventée par le scientifique culièrement intéressante pour les pays
japonais Koji Takakura, cette méthode de qui produisent du riz, dans la mesure

Haneesa Zahidah
compostage prend au maximum 26 jours où l’écorce et le son servent uniquement
pour produire du terreau, soit le tiers du d’aliments pour les poules ou sont sim-
temps habituel. plement jetés. En 2010, j’ai lancé le
On commence par fabriquer des solu- compost Takakura dans mon université :
tions de fermentation avec du sucre et du j’ai recueilli les déchets organiques de la
sel. La solution sucrée contient de l’eau, cafeteria et mis en place un petit site de
du sucre roux et du soja fermenté (appelé compostage à la faculté d’architecture. En
tempeh en Malaisie) ; la solution fermen- deux mois, nous avons produit environ
tée salée comporte de l’eau, des restes 50 kilos de compost, qui a servi au jardin
de légumes et/ou des pelures de fruit, et paysager du campus. J’ai lancé un projet
du sel. On laisse les solutions fermenter de formation dans une école d’un État
cinq jours durant. voisin ; elle compte utiliser le compost
Lorsque les solutions sont prêtes, on dans son jardin des sciences.
les mélange à des écorces de riz et à du J’ai l’intention de continuer à pro-
son, et on les laisse pendant cinq jours mouvoir le compost en tant que système
dans une boîte en carton, jusqu’à ce de gestion des déchets dans d’autres
qu’une couche de moisissure blanche se écoles et institutions, en distribuant des
Haneesa Zahidah

forme. Le mélange est prêt à accueillir échantillons de compost : quand ils


les déchets. Un petit seau en plastique peuvent voir, toucher et sentir le terreau,
ou en osier tapissé de carton est rempli les gens réalisent à quel point le com-
du mélange jusqu’à 60 % environ postage peut être précieux.

L’équipe du Büyük Kolej, Turquie


De l’oxygène à la place des déchets, finaliste de l’Aventure
Volvo 2011

E ntre 1980 et 2005, 40 millions de


tonnes d’ordures ont été déversées
sans être traitées sur les 100 hectares
le soutien de nos parents, de l’école et
d’ingénieurs qui nous ont conseillés
sur la nature du sol et sur les essences
du dépotoir d’Ankara Mamak. Fermé d’arbres à planter, nous avons lancé une
depuis 2005, ce dépotoir menaçait campagne d’information. Nous avons
de polluer les eaux souterraines, et recueilli suffisamment de dons pour
il continue à dégager de mauvaises planter 4 000 jeunes arbres. Ensuite, la
odeurs. Nos études nous ont appris que municipalité nous a aidés en plantant
les déchets peuvent polluer la nappe 15 000 arbres supplémentaires. Notre
souterraine, détruire la structure du sol objectif final est de 400 000 arbres sur
et produire des gaz toxiques. le site, de préférence des cèdres qui sont
Volvo Adventure

Aujourd’hui, 60 % de la zone est bien adaptés au climat. Notre entreprise


équipée pour l’extraction du méthane, permettra de réhabiliter l’habitat pour des
mais rien n’est fait pour le reste. Nous organismes vivants et de créer un parc
avons décidé d’y créer une forêt. Avec dans lequel les enfants pourront jouer.

Le sol - élément oublié 7


Les jeunes en action : la protection des sols
Kennedy Mbeva, Kenya, Jeune Envoyé Bayer 2010

N ous sommes toujours en train de


chercher des solutions modernes
et tournées vers l’avenir. Et si nous
arable de s’éroder. Devant ces rangs
de pierres, nous creuserons des trous
de 30 centimètres dans lesquels l’eau
regardions en arrière ? pénètrera lentement dans le sol. Les
En mai 2010, j’ai lu que des trous seront remplis de fumier de vache,
cultivateurs du Burkina Faso reverdis- de chèvre et de poulet pour attirer les
saient tout simplement leurs terres termites qui le désagrègeront, créant
dégradées en posant des pierres pour ainsi un sol fertile. Nous planterons
capturer l’humidité. C’est un pro- alors dans les trous des arbres indigènes
jet simple, peu coûteux, qui fait par- comme le Prunus africana et des espèces
ticiper toute la communauté. J’ai du genre Aningeria, ainsi que des arbres
décidé de l’introduire à Yatta, une zone fruitiers, de façon à ce que les rangs de
aride de l’est du Kenya, où l’on cultive pierres se transforment progressivement
principalement du maïs et des haricots en rangs d’arbres. Cette forêt aidera
de subsistance. Les terres sont dégradées alors à stabiliser le sol et à retenir encore
suite au déboisement et à de mauvaises davantage d’humidité.
pratiques agricoles qui ont provoqué Nous avons commencé à poser les
M. Edwards/Still Pictures

l’érosion des sols. pierres et les habitants sont très motivés.


Encore en phase pilote, le projet Il s’agit d’un projet empirique à long
consiste à poser le long des contours terme. En fonction des résultats, nous
des champs des rangées de pierres de chercherons d’autres soutiens, à la fois
la taille d’un poing appelées cordons financiers et du gouvernement kenyan.
pierreux. Ces diguettes retiennent les Cela prendra au moins trois ans, mais
eaux de pluie et empêchent la couche l’attente en vaut la peine.

Jerry Lee, Malaisie, Jeune Envoyé Bayer 2010

J e présente une exposition itinérante


interactive sur l’environnement destinée
aux jeunes de Malaisie. Elle leur explique
s’imaginent que les produits dérivés des
boues d’assainissement sont sales et
dangereux. Les études ont montré que
le recyclage des boues d’épuration et des ce n’est pas le cas. Le pire, c’est que les
effluents traités. cultivateurs malaisiens ont tendance à
En Malaisie, nous commençons à utiliser des engrais bien plus dangereux,
manquer de sites d’enfouissement pour comme un mélange de tourbe et de
les boues d’assainissement, mais nous fiente de poulet, qui contient des E. coli,
disposons de la technologie permettant des salmonelles et d’autres bactéries
de traiter les effluents pour qu’ils puissent dangereuses.
être réutilisés en toute sécurité : les Je commence ma présentation en
boues ont un énorme potentiel en tant soulignant l’importance de la protection
qu’engrais pour les cultures alimentaires de l’environnement – si j’annonçais
et non alimentaires, notamment dans les que je vais parler des égouts, personne
plantations d’huile de palme. Elles peuvent ne viendrait. Je présente ensuite les
également être transformées en briques, qui aspects liés à la sécurité biologique et
servent alors de matériau de construction. à la réutilisation des produits issus du
À l’heure actuelle, l’eau n’est pas chère traitement des égouts. J’ai déjà réussi à
en Malaisie. Nous avons donc tendance faire 12 présentations dans mon lycée.
à gaspiller l’eau du robinet, qui provient Mon exposition interactive tient dans
de réservoirs et de nappes souterraines. deux ou trois voitures, et j’ai donc
Quand on utilise des effluents traités – des décidé de prendre la route. J’adore la
eaux usées débarrassées des pathogènes et nature et je ne veux plus voir d’autres
The Green Team

polluants comme les métaux lourds – pour sites de mon pays détruits au profit de
arroser les jardins et les espaces verts, on l’enfouissement. Pourquoi ne pas plutôt
économise les réserves d’eau du robinet. utiliser – et économiser – ce que nous
Le problème, c’est que les gens possédons déjà ?

8 TUNZA Vol 9 No 2
Les jeunes en action : la protection des sols
Shalmali Tiwari, équipe Bataille Verte, Inde
Finaliste de l’Aventure Volvo 2011

E
n Inde, dans les écoles publiques de vers de terre. Nous avons demandé au
situées en zone rurale, les enfants personnel de cantine de jeter les déchets
déjeunent sur place. Ce qu’ils n’ont alimentaires dans les fosses et organisé la
pas mangé est généralement jeté. Dans collecte des déchets d’autres villages par
notre village, les gens avaient coutume de des élèves.
se débarrasser des déchets alimentaires Les turricules des vers de terre sont
et agricoles directement dans les cana- riches en azote et en phosphore. Nous,
lisations devant les immeubles, ce qui nous ne cultivons pas de légumes, mais
bloquait celles-ci, polluant et provoquant nous utilisons une partie des turricules
des maladies. pour enrichir les plates-bandes de l’école,
À l’école, on nous avait parlé de la qui sont aujourd’hui luxuriantes. Nous en
lombriculture, qui permettait de trans- vendons aussi beaucoup aux cultivateurs
T. Claudius/BIOSphoto/Still Pictures

former les déchets organiques en engrais. et aux villageois, et les bénéfices nous
Nous avons contacté le service agricole de permettent d’acheter des choses utiles
la municipalité. Des employés sont venus pour l’école.
nous former et nous ont offert gratuitement Ce projet a permis de nettoyer notre
des vers de terre. Nous avons alors creusé village, et nombreux sont les habitants
trois fosses carrées mesurant chacune un qui pratiquent désormais le lombricom-
mètre cube, que nous avons tapissées de postage chez eux. Et au cours des trois
petits cailloux. Ensuite, nous avons ajouté dernières années, nous avons présenté
un mélange de bouse de vache séchée et cette méthode à 26 écoles.

Victoria Rogers et Michael Stevenson, Irlande du Nord


Pensons mondial, mangeons local, 2e prix de l’Aventure Volvo 2011

N otre projet « Pensons mondial, man-


geons local » du lycée Grosvenor de
Belfast Est incite les gens à faire baisser
avons gagné 500 livres sterling (à peu
près 800 dollars) dans un autre concours
écologique, avec lesquelles nous avons
leur empreinte carbone en cultivant leurs financé l’achat de terre et de semences.
propres légumes. Inspirés par nos profs Nous avons choisi des légumes comme
de biologie, nous avons décidé de créer les carottes, les oignons, les betteraves
un potager qui produit des légumes pour et les épinards, qu’on peut récolter
certaines matières que nous étudions, avant les vacances d’été, et des herbes
comme les sciences et l’économie aromatiques. Les cuisiniers s’amusent à
domestique, et qui fournit à notre cantine tester de nouvelles recettes qui utilisent
des ingrédients de saison. nos produits. Le personnel s’intéresse
Dans le cadre d’une précédente aux herbes aromatiques et à la façon de
initiative de réduction des déchets, nous cultiver certains légumes, et les élèves nous
avions déjà mis en place notre propre demandent comment ils se cuisinent. Le
compost de lombriculture. Le compost jardin favorise l’esprit de communauté
traitait les déchets naturels déposés dans Ensuite, nous avons aidé l’école
de petits seaux verts situés dans la salle primaire toute proche à créer un petit
des profs et dans la classe d’économie carré de jardin. Comme nous voulions
domestique. Il nous permettait de faire que chaque enfant puisse emporter
pousser quelques légumes pour les quelque chose à la maison, nous avons
labos de biologie, et même du pak-choï confectionné des sacs de culture en
géant pour nourrir notre lézard ! Ensuite, tissu recyclé. Nous les avons remplis de
Think Globally, Eat Locally

il s’est produit deux choses. D’abord, terre et de graines d’un légume facile à
notre nouveau bâtiment scolaire était en cultiver, et ajouté un mode d’emploi et
construction à proximité, ce qui a facilité une étiquette d’identification.
notre demande d’espace pour un vrai Jusqu’à maintenant, tout se passe à
potager. Les ouvriers nous ont même aidés merveille et nous espérons aller plus loin
à créer 12 plates-bandes surélevées à en organisant des ateliers pour le quartier
partir de plastique recyclé. Ensuite, nous et d’autres écoles intéressées.

Le sol - élément oublié 9


Défenseur de
l’Espagne
L
’arrière
centre Carlos
Marchena, qui joue
actuellement pour le Villarreal CF et
pour l’Espagne, a pratiquement gagné tous les honneurs que
décerne le football. La coupe du monde FIFA U-20 (1999), une médaille
d’argent aux Jeux Olympiques de l’an 2000 ; la Ligue espagnole (2001-02
et 2003-04), la Copa del Rey (2007-08), la Coupe de l’UEFA (2003-04) et la
Super Coupe de l’UEFA (2004), tous avec le Valencia CF ; et le Championnat
européen de football de l’UEFA (2008) et la Coupe du monde FIFA (2010)
pour l’Espagne. Fin 2010, il a joué son 50e match international consécutif
www.best-football-wallpapers.com

sans être jamais battu – un record. Au début de l’année, il a également


été nommé Ambassadeur pour les zones arides de la Convention des
Nations Unies sur la lutte contre la désertification (UNCCD). TUNZA a
réussi à rencontrer Carlos entre ses engagements internationaux et
son entraînement de préparation à la saison.

TUNZA : Vous avez connu une réussite phénoménale en tant CM : J’ai passé mon enfance et mon adolescence dans les terres
que footballer, et obtenu pratiquement tous les honneurs au arides. Et c’était un cadre merveilleux. Je côtoyais des gens qui
niveau international, en Europe et en Espagne. Vous êtes-vous travaillaient les terres sur lesquelles ils vivaient. Je me souviens
toujours intéressé à l’environnement ? de problèmes liés à la sécheresse et d’années de productivité
CM : Le football est une profession qui exige un engagement total médiocre – nous avons toujours connu des pénuries d’eau,
et qui laisse très peu de temps libre. Mais j’appréciais déjà la surtout en été. Je me souviens d’un gros camion-citerne qui
nature lorsque j’étais enfant, et je me suis toujours intéressé à venait livrer de l’eau à toutes les familles…
ses cycles et au délicat équilibre dont dépend l’environnement. Mais au fil des ans, j’ai appris que les terres arides ne sont
pas forcément problématiques. Elles créent de magnifiques
paysages et un climat très agréable. Mais comme près de la
TUNZA : Vous venez d’Andalousie, dans le sud de l’Espagne, moitié de l’Andalousie est arable, la conservation dépend de sa
et vous avez grandi près du parc national de Coto Doñana. Vos bonne gestion. Grâce à des techniques séculaires de gestion des
premières années expliquent-elles cette affinité avec le monde sols – notamment celles introduites par les Maures, considérées
naturel ? aujourd’hui comme un savoir-faire traditionnel –, nous pouvons
CM : Je viens de Las Cabezas de San Juan, une ville proche de apprécier cette terre et ses merveilleux écosystèmes, et la
Séville. L’Espagne en général, et l’Andalousie en particulier, travailler de manière durable sans la dégrader.
souffrent des effets de la désertification. Une bonne partie de
l’économie de Las Cabezas repose sur le coton et le blé. Le
bien-être des familles andalousiennes comme la mienne est TUNZA : Qu’est-ce qui vous inquiète en ce qui concerne la
donc étroitement lié à l’état du sol. Si les terres se dégradent, désertification ?
l’économie des habitants de ma ville – comme celle de tous les CM : Ma profession m’a permis de voyager dans le monde entier
habitants de terres arides – est en danger. D’ailleurs, depuis et de visiter des endroits formidables dont certains étaient très
quelque temps, le nombre de cultivateurs dans la région est différents de ceux de mon enfance. J’ai été choqué de constater
en baisse. que tant de pays qui souffrent de pauvreté souffrent aussi de
désertification, mais j’ai ensuite appris que ce n’était pas une
coïncidence – la plupart des populations de terres arides vivent
TUNZA : Historiquement l’Andalousie a toujours réussi à dans des pays en développement. J’ai aussi réalisé que nombre
obtenir une forte production agricole grâce à sa gestion de ces pays sont plus mal lotis que l’Espagne. Je ne dis pas
intelligente de l’eau, notamment grâce aux Maures. Est-ce que la désertification n’est pas un grave problème pour nous :
que cela aussi vous a donné une connaissance particulière des 35 % du territoire espagnol est menacé de désertification et ce
problèmes des terres arides ? chiffre atteint même 75 % si on tient compte des caractéristiques

10 TUNZA Vol 9 No 2
www.flickr.com/photos/jasiot
de notre climat. Il existe cependant diverses techniques de
lutte contre la désertification qui permettent aussi de réduire
la pauvreté. Je suis fermement convaincu qu’ensemble nous
pouvons transformer nos inquiétudes en actions ciblées et
inverser le processus de dégradation des sols.

TUNZA : Pensez-vous que la désertification résulte vraiment


des changements climatiques ou que d’autres facteurs ont eu
une influence majeure ?
CM : Les effets des changements climatiques sur les terres
sèches sont complexes et leurs impacts incertains. La déser-
tification est un phénomène impliquant une pénurie d’eau et
la dégradation des sols. La productivité souffre, elle limite la
capacité des gens à vivre de la terre et aggrave la pauvreté. Ceci
amène la surexploitation des ressources et la migration forcée
d’une partie au moins des habitants. Même s’il est vrai que la
désertification est provoquée par une association de facteurs
naturels (exacerbés par les changements climatiques), elle
résulte aussi de facteurs humains comme les incendies de forêt,
les mauvaises méthodes agricoles, l’exode rural ou l’exploitation
non durable des ressources en eau.
Et le lien entre les changements climatiques et la déser-
tification n’est pas à sens unique. Le sol peut être un puissant
instrument de lutte contre les changements climatiques. Environ
UNCCD

20 % du dioxyde de carbone produit par les humains est capturé


par le sol. Par contre, l’érosion réduit la capacité du sol à piéger
le carbone et elle le libère dans l’atmosphère.

TUNZA : Pensez-vous que la désertification risque de devenir


un grand problème pour votre pays et ses habitants ?
CM : Le développement économique et l’industrialisation
de l’Espagne durant la seconde moitié du 20e siècle se sont
produits si rapidement que l’environnement s’est trouvé
déstabilisé. La lutte contre la désertification exige désormais
que le secteur public prenne des mesures décisives. Pour que
Jörg Bandell

des mesures comme l’alerte précoce et la surveillance soient


efficaces, il faut accorder la priorité à cette question, tant en
ce qui concerne l’ordre du jour mondial qu’au niveau de la
sensibilisation du public, en collaborant étroitement avec ceux
qui utilisent les terres. Beaucoup a déjà été fait, au niveau des
institutions et au niveau scientifique, mais il reste beaucoup
à faire. L’Espagne joue un rôle vital dans l’UNCCD, dont je suis
un ambassadeur.

TUNZA : Que pouvons-nous faire au quotidien ? Avez-vous


un message particulier pour nos lecteurs, pour la jeunesse
mondiale ?
CM : Je crois qu’il faut commencer par réaliser que la
désertification est un grave problème, un signe de gestion non
durable des terres. Ceux qui sont conscients de l’énorme valeur
du sol, qui l’entretiennent et le nourrissent, peuvent promouvoir
des initiatives durables pour le préserver. Ils peuvent aussi
sensibiliser les gens au fait que préserver le sol revient à
préserver leur avenir. Dans ce domaine, la consommation
www.flickr.com/photos/jasiot UNCCD

responsable joue un rôle important. Je voudrais aussi que nos


dirigeants politiques tiennent vraiment compte de l’opinion
collective. D’ailleurs, ce n’est qu’en restant unis et conscients
des causes de la désertification que nous pourrons inverser le
processus.
La désertification a de lourdes conséquences. C’est un
problème mondial qui concerne tous les pays sans exception.
Les jeunes du monde n’ont pas seulement un rôle vital à jouer,
ils sont la clé de l’avenir.

Le sol - élément oublié 11


Terre : la couche vivante
L a majeure partie des terres de la planète est couverte d’une
couche de sol, d’une épaisseur variant de quelques centimètres
Les differentes textures du sol

0
0
10
à plusieurs mètres. Ce sol est constitué de matière inorganique
(minéraux et particules rocheuses), de matière organique (animaux
et plantes en décomposition), d’organismes vivants (dont beaucoup

80

20
sont microscopiques), d’air et d’eau.

Po 0
Le sol se forme au fur et à mesure que s’effrite le substrat Argile

ile

urc
g
60

4
rocheux et que l’air et l’eau s’insèrent entre les particules,

’ar

en
ed

ta
provoquant d’autres changements physiques et chimiques.

ge
tag
Argile

de
Alors, les plantes s’enracinent, ce qui a pour effet de lier le sol et

n
limoneuse

rce
Argile

lim
40

60
d’attirer des animaux et des organismes comme les moisissures et sableuse

u
Terreau

on
Po
Terreau
argileux
les champignons. Elles empêchent aussi l’érosion de surface par Terreau argileux
limoneux
les pluies et les vents. La texture du sol dépend de la taille des argileux sableux

20

80
Terreau
particules qui le composent. On trouve donc par exemple des sols Terreau Terreau
sablonneux, très aérés, qui évacuent rapidement l’eau, des sols Sable sableux limoneux
limoneux, ou encore de très fines argiles, qui évacuent mal l’eau Limon
Sable terreux

10
0

0
et s’engorgent rapidement. Les plantes préfèrent les sols limoneux, 100 80 60 40 20 0
Pourcentage de sable
qui comportent des particules de toutes tailles.
Source : FAO/CUP

Les capacités des sols pour


l’agriculture L a capacité des sols à retenir l’eau et
les nutriments en quantités adaptées à
l’agriculture varie. Selon la FAO, seuls 11 %
Zones cultivées et réserves de terres
dans le monde en développement
Pourcentages des terres du monde
Aucune
des terres du monde ont un sol capable 12
Amérique latine et Caraïbes
Sol trop Afrique sub-saharienne
froid 6 % limitation d’être cultivé sans être amélioré. Les autres
Sol trop 11 % terres sont trop humides, trop sèches, trop 10 Terres cultivées
humide
10 % superficielles, trop froides, inadaptées d’un en 1990
Sol trop point de vue chimique ou tout simple- Terres cultivées
Milliards d’hectares

sec 28 % 8 additionnelles en 2010


ment trop escarpées. Les meilleures terres Terres potentiellement
Sol trop agricoles sont situées dans l’hémisphère 6
cultivables
peu profond nord – en Amérique du Nord, en Europe, Asie du Sud
22 %
en Russie et en Chine. À l’échelle mondiale, Asie de l’Est (Chine non compris)
4
seul un tiers environ de toutes les terres Afrique du Nord
potentiellement cultivables est exploité, et Proche-Orient
2
Problèmes chimiques
mais cette proportion varie d’une région
23 % à l’autre.
0
Source : FAO Source : FAO

Capacités potentielles d’utilisation des


terres du monde

Surtout adaptées aux cultures,


aux pâturages ou à la forêt
Surout adaptées aux cultures
si amendées
Surtout adaptées aux forêts
Surtout adaptées à l’arboriculture
forestière ou aux pâturages permanents
Surtout adaptées aux pâturages,
marginales pour les ceréales
Terres en majeur partie improductives

Source : FAO
12 TUNZA Vol 9 No 2
Dégradation des sols l’épuisement des terres et l’érosion des Principaux types et causes de
sols amènent depuis quelques décennies dégradation des sols

D ans les régions humides et riches


en matière organique – comme les
prairies –, il suffit de 50 ans pour pro-
un regain d’intérêt pour les méthodes
traditionnelles de culture biologique.
Dans de nombreuses régions, les pro-
Dégradation
chimique
Dégradation physique
4%
Érosion par
l’eau
duire quelques centimètres de sol. Dans blèmes provoqués par l’usage intensif des 12 % 56 %
les régions froides ou arides, par contre, engrais chimiques se sont accompagnés
PRINCIPAUX
cela peut prendre des milliers d’années. d’une mauvaise gestion de l’irrigation.
Érosion TYPES
La dégradation, elle, intervient très Les terres irriguées sont beaucoup plus éolienne
rapidement. L’érosion – par le vent ou par productives que celles alimentées par les 28 %
l’eau – est de loin la cause la plus fréquente pluies, et elles produisent plus d’un tiers
de disparition de la couche arable, et elle de nos denrées alimentaires. En Chine, par
se produit le plus souvent lorsqu’il n’existe exemple, plus de 40 % des terres arables Activités Surpâturage
pas de végétation susceptible de main- sont irriguées. Pourtant, si le terrain est agricoles 35 %
27 %
tenir le sol en place. Le déboisement, le mal drainé, l’irrigation peut provoquer une
surpâturage, la culture de coteaux escarpés accumulation du sel dans le sol, ce qui CAUSES
ou les immenses champs sans brise-vents rend alors celui-ci improductif : chaque Activités
SOUS-JACENTES
industrielles
sont autant de facteurs d’érosion. Ceci a de année, plusieurs centaines de milliers 1%
graves conséquences sur le rôle du sol dans d’hectares de terres arables deviennent Surexploitation
la santé des écosystèmes, sur son impact saturées et trop salées pour être cultivées. de la végétation
Déforestation (ex : bois de feu)
dans les cycles de l’eau et de l’azote, et 30 % 7%
sur sa capacité à filtrer les polluants, stocker Préserver les terres déjà cultivées Source : FAO/PNUE
le carbone et abriter la biodiversité. On peut s’imaginer qu’il existe encore de
Aussi riche soit-il, le sol perd rapide- vastes terrains potentiellement exploitables, boisées retiennent les pluies et limitent
ment ses nutriments lorsqu’on l’exploite à mais la plupart des sols qui ne sont pas le ruissellement. On peut également em-
des fins agricoles. Autrefois, on l’amendait actuellement cultivés sont des forêts ou pêcher l’érosion éolienne en plantant des
en y ajoutant des engrais naturels comme des terres humides, qui assurent d’autres brise-vents et des remblais. Aujourd’hui,
le fumier ou les déchets végétaux, qui précieux services de l’écosystème ; des l’objectif n’est plus uniquement de
apportaient des nutriments et entretenaient terres réservées à d’autres utilisations, maintenir la couche arable en place
la structure du terrain. Mais au 20e siècle, y compris la protection de la nature ; ou mais aussi de préserver son équilibre
l’agriculture devenant plus intensive, les encore des sols qui nécessiteraient d’être biochimique. Pour cela, il faut adopter
cultivateurs ont cherché à améliorer leurs très fortement améliorés pour devenir une vision intégrée de la productivité
rendements en privilégiant les engrais productifs. Il est donc vital de préserver agricole et de la diversité biologique. Il faut
minéraux. Lorsqu’ils sont bien dosés et les terres agricoles que nous cultivons comprendre les interactions sol-plantes-
accompagnés d’une bonne maintenance actuellement. Nous disposons de nom- eau et choisir des cultures adaptées au
de la structure du sol, ces engrais con- breux moyens pour y parvenir. type de sol et de climat. Cela implique de
tribuent énormément à la production En labourant non pas verticalement conserver des zones boisées à proximité
alimentaire sans pour autant abîmer la mais en suivant les contours des collines, des terres cultivées, de pratiquer la rotation
couche arable. Par contre, leur utilisa- par exemple, on empêche les fortes des cultures et de limiter la pâture des
tion massive et les problèmes inhérents pluies d’emporter la couche arable. animaux pour que la terre ait le temps
comme la contamination des cours d’eau, De même, bien entretenues, les zones de récupérer.

Régions subissant une dégradation


des sols

Forte dégradation

Dégradation modérée

Terres stables

Terres non végétalisées

Source : WRI/PNUE
Le sol - élément oublié 13
M. Steinmetz/VISUM/Still Pictures
Sol noir,
or noir
L
e monde se réchauffe et s’assèche, et les sols
s’appauvrissent au fur et à mesure qu’augmente VENEZUELA
la population. Et s’il était possible d’améliorer la

IE
Llanos de Mojo,

MB
Boa Vista Bolivie
productivité des sols pour nourrir davantage de gens, piéger

LO
Terra preta au
Macapá

CO
le carbone et protéger l’atmosphère de nouvelles émissions

Source : www.gerhardbechtold.com
Ne Brésil
gro e
Am Amazon Belém
de gaz à effet de serre ? La solution se trouve peut-être dans azo Manaus
ne São Luis

Tocantins
le biocharbon, trésor caché, enfoui depuis des millénaires
dans l’ancienne terra preta ou terre noire de l’Amazone. Teresina
Natal
BRÉSIL

Xingu

uaia
La découverte d’or noir Porto Velho

s
Tocantin
Rio Branco

Arag

isco
Pendant des centaines d’années, les explorateurs ont sillonné

c
la forêt amazonienne dans l’espoir de découvrir l’El Dorado,

Fran
PÉROU Salvador
le légendaire royaume d’or d’une civilisation antique. Seul un BOLIVIE

S ão
Brasilia
explorateur espagnol, Francisco de Orellana, traverse le fleuve
Amazone en 1540. Il raconte alors qu’il a vu des établissements
humains complexes et très densément peuplés le long des rives
du fleuve, et des terres aussi fertiles que celles de l’Espagne. Mais que lorsque la terra preta fut découverte que les scientifiques
les explorateurs suivants ne trouvent aucun signe de ces sociétés. commencèrent à comprendre que le biocharbon possédait tant
Cela n’a rien d’étonnant car l’existence d’une telle civilisation à d’avantages étonnants et potentiellement intéressants.
cet endroit défie toute logique : les sols amazoniens sont connus Tout d’abord, le biocharbon aide à retenir dans le sol les
pour être trop pauvres pour supporter l’agriculture intensive nutriments essentiels aux plantes comme l’azote, le phosphore,
indispensable à des peuplements importants. le calcium et le soufre, réduisant ainsi considérablement la
Et pourtant, en août 2002, un groupe d’archéologues à la nécessité d’utiliser des engrais. Ensuite, il absorbe et retient
recherche de l’El Dorado trouve des traces de civilisation dans l’eau, qu’il libère lentement dans le sol. Il sert d’habitat aux
la savane de Llanos de Mojo en Bolivie. La zone est émaillée de microbes qui vivent dans le sol et aident les plantes à pousser.
denses îlots boisés, et dans ces étranges îlots se trouvent des Et comme les microbes vivent et meurent dans la matière, cela
buttes. Certaines atteignent 18 mètres de haut, et elles renferment renforce la teneur en carbone – ce qui permet au biocharbon
quantité d’accessoires domestiques, d’os et de grandes urnes, qui de se régénérer. Le biocharbon augmente aussi le pH du sol, le
semblent indiquer que ces forêts ont été habitées. Ils découvrent rendant moins acide et plus alcalin. Les nutriments sont plus
ensuite des champs qui ont été surélevés pour protéger les accessibles, et cela protège également les plantes de la toxicité
cultures des inondations annuelles tout en profitant de la présence de l’aluminium – qui, alors qu’il est naturellement présent dans
de l’eau pour pratiquer une irrigation naturelle. Ces champs les sols argileux en particulier, freine la croissance des plantes et
sont suffisamment vastes pour couvrir les besoins de milliers limite la production agricole. Dans certains cas, les scientifiques
d’habitants en coton et teintures, et en denrées comme le maïs. ont obtenu des augmentations de rendement de l’ordre de 800 %
C’est un signe certain de civilisation. lorsque les sols sont amendés avec du biocharbon et d’autres
Mais comment tant de personnes ont-elles réussi à s’installer matières organiques.
dans un endroit si peu fertile ? La réponse vient en creusant :
partout où la végétation est luxuriante, elle pousse dans une terre Puits de carbone
noire, mélangée à un matériau organique partiellement calciné Et comme si cela ne suffisait pas, le biocharbon piège aussi
que l’on appelle biocharbon. Les anciennes populations avaient le carbone ! Alors que la méthode du brûlis calcine la matière
sans doute découvert le biocharbon par hasard, en laissant des organique en libérant tout le carbone dans l’air, la pyrolyse, elle,
déchets naturels se consumer parmi d’autres déchets. Bien emprisonne le carbone dans le biocharbon dans lequel il reste
qu’abandonnée pendant des milliers d’années, la terre ici est inerte pendant des millénaires. Mélangé au sol, le biocharbon aide
restée fertile et humide, et elle permet à une végétation luxuriante celui-ci à retenir les émissions de méthane et de protoxyde d’azote
de pousser au cœur d’une forêt vierge infertile. au lieu de les laisser s’échapper dans l’atmosphère.
Ce phénomène pourrait permettre de boucler la boucle du
Qu’est-ce que le biocharbon, et quelle est son utilité ? carbone. Si nous fabriquions du biocharbon à partir de sous-
Le biocharbon se forme en chauffant la biomasse comme le bois, produits industriels – y compris ceux issus de la foresterie, de
les déjections animales, les feuilles, les os ou toute autre matière l’agriculture et de l’élevage, par exemple –, nous recyclerions des
organique à une température peu élevée (environ 500°C), dans un matériaux habituellement destinés à être enfouis (et à produire
lieu faiblement oxygéné, de manière à ce qu’elle brûle mais ne se du méthane), ou incinérés (ce qui nécessite du carburant et libère
consume pas – un processus appelé pyrolyse. Le charbon de bois des gaz). À plus petite échelle, les scientifiques ont calculé que si
est l’exemple le plus connu de biocharbon. les cultivateurs qui pratiquent l’agriculture sur brûlis remplaçaient
On sait depuis longtemps que les cendres peuvent améliorer le cette méthode par un feu couvant sous une couche de paille et
sol : de nombreux cultivateurs traditionnels utilisent l’agriculture de terre, les émissions humaines globales de carbone pourraient
sur brûlis pour préparer leurs champs avant le tallage, par baisser de 12 %.
exemple. Et les Japonais se servent depuis fort longtemps La chaleur produite en créant le biocharbon peut servir
de charbon de bois pour amender leurs sols. Mais ce n’est d’énergie, les produits de départ jouant alors un rôle double.

14 TUNZA Vol 9 No 2
Biocharbon
Tourbe

Christoph Steiner/www.biochar.org E. Parker/OSF/SpecialistStock Christoph Steiner/www.biochar.org

Les familles les plus modestes pourraient elles aussi créer du déchets agricoles et autres déchets organiques, leur transport vers
biocharbon en remplaçant les fourneaux traditionnels (qui libèrent les usines de traitement d’abord et vers les champs ensuite peut
souvent des polluants nocifs à l’intérieur des logements) par se révéler coûteux et énergivore. Il faut aussi trouver des moyens
des fourneaux à pyrolyse, qui produiraient de la chaleur pour la de répartir le biocharbon dans la terre. On continue d’ailleurs à
cuisson tout en transformant les résidus agricoles en biocharbon recueillir des données sur ses effets dans les champs, et il reste
utilisable au jardin. beaucoup à faire avant la mise en œuvre à l’échelle industrielle.
Il faudra notamment continuer à étudier les interactions entre
Où est le piège ? le biocharbon, l’état et la biodiversité du sol, et les cultures ; les
Avec tous ces avantages, on peut comprendre que lorsque impacts de différents produits de départ et procédés de production
l’information a commencé à circuler sur le biocharbon, on a du biocharbon ; et les méthodes et taux de distribution.
parlé de solution miracle susceptible de sauver le monde des Mais si nous trouvons moyen de stocker le carbone dans le
émissions de carbone. Mais comme pour toute solution, il sol pendant des siècles tout en fertilisant des terres pauvres, de
reste de nombreuses questions en suspens. Tout d’abord, d’où réduire la nécessité d’utiliser des engrais polluants, de conser-
viendrait toute la biomasse nécessaire pour créer suffisamment ver l’eau et d’empêcher la désertification, cette très ancienne
de biocharbon pour fertiliser les champs et piéger des quantités technique sera peut-être une bonne partie de la solution aux
importantes de carbone ? Même si nous ne manquons pas de problèmes du 21e siècle !

Petit guide du compostage


1 2 3
F
aire du compost, c’est recycler les déchets végétaux pour
obtenir un mélange riche en nutriments qui peut servir à
fertiliser et améliorer les sols de manière naturelle. Le
compost remplace les engrais chimiques. Il permet donc de
réaliser des économies et d’avoir un jardin totalement bio. Le
compost améliore la structure du sol de manière naturelle, et il
encourage la prolifération des microbes, vers de terre et autre
faune souterraine utile.
Gui Dan/www.flickr.com/people/42526397@N00

Le compostage empêche aussi la libération de gaz à effet de


serre dans l’atmosphère : lorsque des matières biodégradables
sont jetées en site d’enfouissement au lieu d’être compostées,
elles prennent de la place et, en se décomposant, produisent du
méthane qui est un puissant gaz à effet de serre.
Par ailleurs, en utilisant ton propre compost au lieu d’acheter
un terreau commercial à base de tourbe, tu participes à la
protection des tourbières – des habitats rares, qui sont incapables
de se régénérer au rythme auquel on les exploite actuellement. En
plus, l’exploitation des tourbières libère du dioxyde de carbone
dans l’atmosphère.
Suite page suivante
Le sol - élément oublié 15
C
élèbre pour son ouvrage sur L’Origine des espèces, le
nom de Charles Darwin est plus souvent associé à ses
travaux sur les animaux marins, les tortues géantes ou
Merveilleux vers
de terre
les becs des pinsons. Pourtant, en 1881, son dernier ouvrage
rassemblait les conclusions de 40 années de recherches sur
un des organismes qu’il étudia et apprécia le plus : le ver
de terre. Dans La Formation de la terre végétale par l’action
des vers avec des observations sur leurs habitudes, publié
peu de temps avant sa mort, la fascination de Darwin pour
les vers de terre nous donne le premier ouvrage scientifique
reconnaissant l’extrême importance de ces petits habitants
du sol.

Les vers de terre (dont il existe environ 6 000 espèces à travers


le monde dont le très courant Lumbricus terrestris), constituent
un aliment très riche pour de nombreux oiseaux et autres
animaux, et un composant crucial des réseaux alimentaires.
Autre rôle essentiel de ces étonnants annélides, l’aération : ils
mélangent le sol et retravaillent les sédiments, dans le cadre
d’un processus appelé « bioturbation » qui modifie la nature
physique et chimique de la terre. Les déplacements des vers
et les galeries qu’ils creusent barattent les sédiments, les
rendant – de même que leur contenu nutritif – plus accessibles
aux racines des plantes et aux autres créatures du sol, tout en
facilitant la lente pénétration de l’eau.

Les vers de terre augmentent également la fertilité du sol.


Ils emportent dans leurs tunnels la matière organique morte,
comme les feuilles, la digèrent et excrètent des turricules très très concentrés en minéraux et produits chimiques libérés par
concentrés en nutriments. Ces turricules sont jusqu’à 40 % la digestion des matières végétales et animales. Dans de bonnes
plus riches en humus et cinq fois plus riches en azote que les conditions, un seul ver de terre est capable de produire environ
10 premiers centimètres de couche arable. Ils sont également 4,5 kilos de turricules par an. Comme on peut trouver jusqu’à

Suite de la page précédente rouleaux de papier toilette, par exemple. Le compost facile
Comme ils contiennent beaucoup de Le plus simple, c’est de mélanger et
Est-ce que tout le monde peut faire carbone, leur décomposition est lente. Il jeter tes déchets naturels soit en tas soit
son compost ? faut donc faciliter celle-ci en déchirant ou dans un composteur, et de l’alimenter
Si tu as des déchets végétaux et si tu en hachant menu les déchets bruns. quotidiennement. Lorsque le composteur
disposes d’un minimum de place, tu peux • Ensuite, il y a la « matière verte », c’est- est plein ou que la place commence à
faire un compost. Parmi les nombreuses à-dire les épluchures de fruits et légumes, le manquer, laisse reposer ton compost. Les
méthodes, il en existe sûrement une gazon, les feuilles, les mauvaises herbes, les bactéries naturellement présentes dans tes
adaptée à ta situation. Et même si tu ne fleurs fanées, etc. Ces déchets-là sont pleins déchets auront déjà entamé le processus de
récoltes que quelques seaux de terreau, tu d’azote et ils accélèrent le pourrissement de décomposition. En général, il faut environ
pourras toujours t’en servir pour cultiver des l’ensemble du compost. un an pour obtenir du terreau à partir de
légumes, des herbes aromatiques ou des • Par contre, tu ne mettras pas dans ton cette méthode hyper simple. Au final, tu
fleurs dans ta cour, sur ton balcon ou dans compost les restes de plats cuisinés, de trouveras dans les premières couches du
une jardinière. produits laitiers ou de viande, parce qu’ils composteur un terreau brun et friable, que
attirent les ravageurs. Et le compost ne tu pourras utiliser pour jardiner. Si certaines
Comment ça marche ? peut pas non plus absorber les emballages matières ne sont pas décomposées, mélange
Le compostage, c’est simplement la décom- incapables de se décomposer, comme les le tout et, en fonction des besoins, humidifie
position de matière organique avec l’aide plastiques, par exemple. le compost ou ajoute un peu de matière
de microbes, de vers, de champignons et sèche, et laisse à nouveau reposer.
d’insectes, qui transforment celle-ci en un Il existe de nombreux type de composteurs.
terreau riche en nutriments. Pour faire un Tu peux te contenter d’entasser les déchets Le compost à chaud
composteur, il suffit d’entasser toutes sortes et de les couvrir d’une bâche, d’un carton Si tu as un peu de temps à consacrer à cette
de déchets naturels. Voici quelques principes ou d’une épaisseur de journaux pour activité, tu peux choisir le compostage à
de base pour t’aider à commencer. empêcher l’excès d’humidité, ou utiliser un chaud, qui donne des résultats plus rapides.
On distingue deux types de matière conteneur en grillage, une poubelle avec En plus de tes déchets, les bactéries ont
organique biodégradable : couvercle ou tout simplement un trou dans besoin d’air et d’eau. Tu veilleras donc à
• Il y a d’abord ce que l’on qualifie de le sol. Le plus important, c’est que la base ce que ton compost soit toujours humide
« matière brune ». Ce sont les déchets d’éla- du composteur soit ouverte, directement en et aéré : en ajoutant à volonté de l’eau,
gage des arbustes et haies, la paille, les contact avec la terre, de façon à ce que la des tontes d’herbe ou des épluchures
journaux et les petits cartons comme les faune du sol ait accès à tes déchets. de légumes, ou des déchets de bois si le

16 TUNZA Vol 9 No 2
et d’encourager par leurs pratiques la multiplication et la survie
des vers.

C’est Darwin le premier qui émit la théorie que les vers de


terre jouaient des rôles aussi précieux. En mettant en place
Humus (matière
organique) des expériences sur une vingtaine ou une trentaine d’années,
en mesurant soigneusement les mouvements naturels et
Terre l’enfoncement des pierres et objets stationnaires dans le sol, il fut
végétale, riche aussi le premier à réaliser que les vers sont au cœur de la majorité
en matière organique et des réaménagements de terrain. Il a découvert des objets romains
en organismes vivants vieux de 2 000 ans complètement enfouis sous des turricules, et a
prouvé qu’à certains endroits les vers étaient capables d’enterrer
Sous-
sol, des objets au rythme de 22 centimètres par décennie.
pauvre en
matière De ces créatures, Darwin dira : « On peut douter qu’il y ait beaucoup
organique, d’autres animaux ayant joué un rôle aussi important dans l’histoire
riche en
du monde. » C’est également ce que pensent certains scien-
minéraux
tifiques contemporains, comme James Lovelock, à l’origine de
l’hypothèse Gaia, qui suggère que le travail requis pour préserver
la santé de toute vie sur Terre « est fait en grande majorité par les
autochtones du sol, les micro-organismes, les champignons, les
vers, les moisissures visqueuses et les arbres. »
Substratum
rocheux
Partie essentielle du système, les vers de terre sont cruciaux
pour la vie et la santé des sols de notre planète. Ainsi, ils sont
cruciaux pour la vie et la santé des écosystèmes terrestres de
D. Kurmaic notre planète. Un rôle qui, comme Darwin fut le premier à s’en
rendre compte, mérite sans aucun doute notre gratitude et
432 vers par mètre carré de sol, cela représente 432 millions de notre respect.
vers par hectare ! On comprend donc l’extrême importance de
leur contribution à la santé biologique et à la teneur chimique Article de Luke Roberts, spécialiste en biologie moléculaire et
de nos sols. Les agriculteurs feraient bien de ne pas l’oublier cellulaire à Imperial College, Londres.

compost est trop humide. Tu n’hésiteras pas que l’on appelle « turricules ». D’ailleurs, déposes des déchets. Il suffit de vider les
à remuer souvent. Si tu mets un couvercle ces turricules sont si riches qu’il faut les turricules du bas et de replacer le comparti-
sur le composteur ou une bâche en mélanger à de la terre normale avant de s’en ment vide sur le dessus, et ainsi de suite. Les
plastique sur ton tas de déchets, le compost servir comme terreau. vers produisent aussi du liquide – du lixiviat
conservera une température suffisamment Tu peux très facilement fabriquer toi- de vers – qui est un excellent engrais mais
élevée pour encourager les bactéries, qui même un lombricomposteur avec une boîte qu’il faut diluer avant utilisation.
mangent les sucres et l’azote des déchets en plastique large et peu profonde : fais Tu peux donner quelques aliments
naturels frais, produisant ainsi de la quelques trous au fond pour améliorer la cuits à tes vers, mais pas d’agrumes, de sel,
chaleur. Plus tu remues le tas de déchets, circulation de l’air, tapisse la boîte de pa- d’ail ou d’oignons. Le poisson, les produits
plus les microbes aérobies travaillent, et pier déchiqueté ou de feuilles, humidifie, laitiers, le gazon et tout ce qui est trop gras
plus rapide sera le résultat. Et comme les et ajoute un peu de terre et de feuilles pour ou indigeste sont également proscrits.
champignons, les vers et les insectes sont donner aux vers un matériau granuleux et
attirés par ton compost, ils participent aussi des bactéries. Le paillis de feuilles
à sa décomposition. Lorsque le compost Renseigne-toi dans une jardinerie pour C’est encore la méthode la plus simple : à
commence à refroidir – généralement au savoir quels sont les meilleurs vers pour la l’automne, si tu ramasses des feuilles mortes
bout de deux à trois semaines –, il s’est région. On conseille souvent les petits vers et que tu as un peu de place dans ton
transformé en excellent terreau. rouges (Eisenia foetida). Il te faut environ jardin, tu peux fabriquer très facilement un
Quelle que soit la méthode choisie, tu 1 000 vers pour commencer. bon compost de feuilles. Il suffit de remplir
obtiendras un terreau brun foncé, friable, Tu es maintenant prêt à nourrir tes vers une poubelle ou de faire un tas de feuilles
qui sent bon la terre. Il est conseillé de le avec des déchets alimentaires et à récupérer mortes et d’arroser avec de l’eau. Ensuite, tu
laisser reposer deux mois avant de l’utiliser. le compost – c’est-à-dire les turricules – au attends que les champignons décomposent
fur et à mesure que les vers les produisent. les feuilles. En un an environ, les feuilles se
La lombriculture Les petits lombricomposteurs se placent sans transforment en paillis sombre et friable que
Si tes déchets sont surtout des restes problème à l’intérieur des maisons. tu peux étendre sur le sol pour conserver
alimentaires – pelures de légumes, On trouve aussi des lombricomposteurs l’humidité et empêcher la prolifération des
coquilles d’œufs, petits bouts de viande, superposables plus sophistiqués : les mauvaises herbes, ou encore ajouter à du
etc., la lombriculture est une possibilité vers placés dans le compartiment du bas terreau de rempotage.
intéressante. Les vers mangent la nourriture mangent les déchets et laissent derrière
et la transforment, avec la terre qu’ils eux le compost. Ils passent aux plateaux TUNZA remercie le Jardin botanique de
absorbent, en compost riche en minéraux supérieurs au fur et à mesure que tu y l’Université de Cambridge.

Le sol - élément oublié 17


CHOIX
La terre, c’est cadeau !
Jemima et John Griffiths ont choisi d’abandonner leur vie trépidante de citadins, à Bristol, au Royaume-
Uni, pour aller vivre écologiquement dans un coin reculé du centre du Portugal, au pied des monts
Estrela. Vivre entourés de poules et de cochons, puiser l’eau à la source et produire de l’électricité à partir
de panneaux solaires : l’apprentissage n’a pas toujours été facile. Ici Jemima raconte qu’elle est de plus en plus
attachée au sol qui les fait vivre.

L’
année dernière, j’ai commencé à faire un potager. J’étais Qu’il s’agisse de feuilles ou d’animaux, petits et grands, tout
une fille de la ville, avec des envies d’autosuffisance, revient toujours à la terre. Je sais maintenant que ce processus
mais sans grande expérience et sans la moindre idée de recyclage de la matière construit un sol qui nourrit ce qui
de ce qui m’attendait. Je me suis rapidement rendu compte pousse en lui. Et bien entendu, ce qui pousse en lui nous
que mes chères plantes semblaient tout particulièrement nourrit. Quand tu es dehors, je te conseille de passer quelques
apprécier le sol noir et friable, à l’odeur riche et complexe. instants à regarder sous tes pieds et à apprécier ce qui se
Vous trouvez peut-être bizarre que je parle de la complexité passe là dessous.
de la terre, mais tout en bêchant, je me suis dit : le sol, c’est
pour nous qui aimons la terre (plantes et animaux) l’ultime J’ai tendance à penser que l’agriculture moderne se fait une
destin et l’ultime source de vie ! Vous trouvez ça un peu fou ? fausse idée du sol. Il semble qu’elle ait envie de l’aseptiser,
Je vais vous expliquer. de le débarrasser de toute vie – sans doute pour partir de
zéro pour cultiver nos plantes. Le problème, c’est qu’il est
La complexité du sol me sidère : dans un mètre carré de très difficile de remplacer tous les nutriments qu’apporte
bonne terre arable, il y a probablement des milliers d’espèces une dynamique vie souterraine. Même si les engrais artificiels
et des milliards de minuscules organismes jouant une myriade assurent d’excellentes récoltes à court terme, le sol a besoin
de rôles différents. Des bactéries aux insectes, la terre sous d’un régime varié. Sinon, il perd progressivement de sa
nos pieds bourdonne d’activité. Ces petites créatures sont qualité. J’ai l’impression qu’il faudrait participer à ce complexe
occupées à festoyer sur tout ce qui touche le sol et meurt. écosystème au lieu de lutter contre lui.

J’ai appris à gâter le plus possible ces adorables organismes.


Photos: J. Griffiths

Compost, fumier de nos cochons et cendre du fourneau


contribuent à enrichir la matière noire et friable dans laquelle
s’enracinent mes haricots et mes tomates. Il est plus fastidieux
d’ôter les mauvaises herbes que de les asperger de poisons,
mais il existe d’autres solutions. Les organismes du sol aiment
être recouverts de quelque chose, et lorsqu’il est nu, le sol
subit une érosion rapide. C’est pour cette raison que je couvre
mon jardin d’une épaisse couche de feuilles ramassées en
automne. En empêchant l’exposition au soleil des graines
indésirables qui se sont aventurées sur mon sol, ce paillage
empêche la germination des mauvaises herbes. Les feuilles
et autres cadeaux que je fais à ma terre finissent par être
ensevelis par les vers de terre pour contribuer au festin. En
travaillant avec la nature et non plus contre elle, je trouve
que mes plantes sont plus belles que jamais.

18 TUNZA Vol 9 No 2
DE VIE
Une expérience très enrichissante
Les jardins ouvriers – de petits terrains d’environ 250 mètres
carrés – sont apparus dans les villes européennes au début de l’ère
industrielle. Ils appartiennent généralement à la municipalité,
qui les loue bon marché à des citadins désireux de cultiver leurs
propres fruits, fleurs et légumes, et d’élever quelques poules
pour les œufs et la viande. Tu penses peut-être qu’il s’agit d’un
concept dépassé dans notre monde industrialisé, mais c’est loin
d’être le cas. Emily Keal, stagiaire TUNZA, et Lee Reid passent
tous deux du temps dans le jardin ouvrier de la famille Reid – et
ils en récoltent les fruits de leur travail.

L
es désherbants chimiques et les pesticides font partie
des armes utilisées par la majorité des cultivateurs et des
propriétaires de terrains pour lutter contre les maladies
et les ravageurs. Mais la solution au problème peut elle-
même se transformer en problème, et nombreux sont ceux
qui considèrent que c’est aujourd’hui le cas en matière de
production alimentaire. Pourtant, les nombreux jardins ouvriers
traditionnels qui existent encore partout en Grande-Bretagne
offrent une alternative de choix. Quand on voit le potager de la
Mellowcat

famille Reid, il y a matière à réflexion – et à dégustation ! Tout y


pousse naturellement, des pommes de terre aux melons.
Lucy Curtis >
Norton, petite ville du nord-est de l’Angleterre, abrite 160 jardins
ouvriers où les gens élèvent quelques poules et font pousser leurs mondial. Les légumes qui poussent dans
fruits et légumes. Créés dans les années 1930, ces jardins sont un le potager de Steve et de son épouse Jane
mélange de tradition et d’innovation, et en période d’austérité, n’effectuent qu’un trajet de quelques
ils permettent aux familles d’équilibrer leur budget en cultivant minutes de la terre à la cuisine familiale.
leurs propres denrées alimentaires. L’idée est aussi de manger
plus sainement, dans le respect de l’environnement, et d’éviter le À cause des pressions climatiques, environ-
suremballage des fruits et légumes des supermarchés. nementales et budgétaires, les jardins
ouvriers se révèlent de plus en plus
Le potager des Reid accomplit un cercle vertueux : feuilles, populaires.
sachets de thé et même coquilles d’œuf : le compost absorbe www.flickr.com/photos/9228131@N07 >
tous les déchets biodégradables. Chaque année, les Reid
permutent les diverses cultures pour éviter ravageurs et Si l’expérience te tente, 567
456
maladies et conserver le meilleur équilibre possible de 46
voici les cinq principes 59
n/
nutriments dans le sol. Toute la matière compostée finit par de base des Reid
lto
_a

être réintroduite dans la terre afin d’enrichir naturellement pour faire ton
ham

celle-ci pour la récolte suivante. Comme le dit Steve Reid : « Le potager !


m/photos/gra

potager, c’est beaucoup d’effort et de temps, mais c’est aussi


une expérience très enrichissante : tout ce qui y pousse, nous le Préparer le
mangeons. » Non seulement leurs produits bio sont meilleurs sol : bêcher et
kr.co

pour la faune, la flore et l’environnement, mais ils sont aussi incorporer du


beaucoup plus sains pour la famille !
.flic

fumier dans le sol.


w

Désherber :
ww
e/

Avec les inquiétudes que posent actuellement les changements débarrasser le sol des hi
t
W
climatiques, toute réduction du chemin parcouru par nos pro- mauvaises herbes. G.

duits alimentaires réduira notre impact sur l’environnement. Composter : processus


02
8@N

On estime que les ingrédients qui entrent dans la composition naturel de désintégration des
826

du repas de Noël d’une famille moyenne en Angleterre déchets végétaux.


1

parcourent environ 77 000 km, soit deux fois le tour de la


27

Planter : placer les semences dans


/5

Terre ! Ces « kilomètres alimentaires » contribuent tous à notre le sol et arroser. ot


os
/ph
empreinte carbone. Ainsi, même en ne cultivant que quelques Repiquer : transférer les semis de la ww.flickr.c
om
légumes, on participe à la lutte contre le réchauffement serre au jardin.

Le sol - élément oublié 19


Enrichir les sols :
enrichir les vies

La couche arable étant facilement emportée par les pluies, la santé des sols est une question
particulièrement importante dans les régions montagneuses. Sur les terres communes, le défi
consiste à protéger les sols de façon à ce que les forêts et l’ensemble de la végétation puissent

African Renaissance
se régénérer. Sur les terres privées, l’enjeu est de conserver le sol et de retenir l’humidité pour
une agriculture durable. TUNZA a demandé à V.K. Madhavan de nous parler de ce qu’il fait pour
promouvoir le développement durable dans le nord de l’Inde.

M
on association, le Chirag (Groupe d’action rural du plan pratique, nous aidons les villages à creuser des fossés de
centre de l’Himalaya) travaille dans quelque 200 vil- niveau en boue, et nous y plantons de l’herbe pour les animaux.
lages de l’Uttarakhand, un État du nord de l’Inde. Nous Cela motive immédiatement les gens : en trois mois, ils peuvent
conseillons une approche intégrée du développement, mettant récolter du foin. Au bout d’un an, les communautés observent
l’accent sur des questions comme la santé, l’éducation, la une régénération naturelle, liée à l’amélioration du sol et du
foresterie sociale, le sol, la conservation de l’eau, et surtout, degré d’humidité, qui permet aux arbres, arbustes et autres
l’agriculture durable. C’est un vaste programme, mais il n’existe espèces forestières de pousser.
pas de formule magique : nous voulons donner aux gens de Dans cette région, le compostage agricole se fait tra-
multiples opportunités d’améliorer leur vie. ditionnellement en rassemblant la litière de feuilles utilisée
Sur les terres communes, les forêts représentent une par le bétail – détrempée par les déjections animales –, et en
ressource essentielle pour les populations. Elles y trouvent du la laissant reposer en tas avant de l’épandre dans les champs.
combustible, du fourrage pour leurs animaux et des feuilles Ce compost est riche, mais cela ne suffit malheureusement
mortes, qui servent de litière et de compost. Mais avec le temps, pas. Alors, pour améliorer la décomposition, nous incitons les
les forêts se sont dégradées : elles sont surexploitées et les cultivateurs à protéger le compost de la pluie et à le retourner
populations ne se sentent plus concernées par leur état. Sur le régulièrement pour l’aérer. Deux conseils qui sont plus faciles à
mettre en pratique lorsque le compost a été mis en fosse plutôt
que laissé en tas au niveau du sol.
Nous encourageons également les cultivateurs à introduire
dans le compost des micro-organismes efficaces – une
association de levures bénéfiques, de champignons et de
bactéries. Il suffit de diluer cet activateur de compost, disponible
en bouteilles d’un litre, et de le verser sur la dernière couche de
matière organique ajoutée au tas de compost. Au fil du temps,
l’activateur facilite suffisamment la décomposition du compost
pour qu’on puisse y ajouter des vers, qui enrichissent encore
davantage le sol. Nous espérons que les micro-organismes
vont également se multiplier dans les champs, et qu’ils feront
Michael Scalet/www.flickr.com/people/vran

pencher la balance en faveur de microbes utiles au sol.


Le panch gavya est une troisième méthode d’amélioration
du sol, qui vient traditionnellement d’une autre région de l’Inde.
Elle fait appel à cinq éléments dérivés de la vache. Dans un
pot, on mélange du lait, du beurre clarifié, du yaourt, de la
bouse et de l’urine de vache. On couvre d’un linge et on attend
quelques jours. Lorsque la mixture commence à fermenter, on
la dilue avec de l’eau et on l’utilise comme traitement pour les
semences, comme engrais à vaporiser ou comme activateur de
compost.
Toutes ces méthodes naturelles ont permis d’améliorer les
rendements et la qualité des cultures – comme en témoigne le
fait que 400 cultivateurs les ont déjà adoptées !

20 TUNZA Vol 9 No 2
L’éducation
par l’action
Tout commence en 2006, époque à laquelle Philip Wilkinson travaille pour le département de l’Éducation en
Afrique du Sud. Il introduit alors un cursus environnement dans ce pays essentiellement rural. Au cours de
ses longs déplacements d’une école à l’autre, il a l’idée, avec un collègue, de créer des centres d’écologie
où les villages pourraient se renseigner sur les technologies de durabilité de manière très pragmatique.
Les écoles, en tant que lieux d’apprentissage et centres de regroupement, sont l’endroit idéal.

Photos : African Renaissance

E
n Afrique du Sud, les écoles durables ; et prouver à la municipalité Là où c’était nécessaire, nous avons
rurales n’ont pas toujours accès que l’Afrique du Sud rurale est capable fait appel à des spécialistes – comme
à des services municipaux d’utiliser les technologies durables. Tout pour mettre en place les équipements
fiables en matière d’eau, d’électricité l’argent économisé serait réinvesti dans d’énergie solaire et éolienne, de biogaz
ou d’assainissement. Elles reçoivent l’éducation. et de traitement des eaux. En revanche,
simplement une somme annuelle du Nous avons dressé une liste idéale au quotidien, tout est construit et tout
département de l’Éducation – qui sou- de choses dont nous aimerions disposer fonctionne dans le cadre des activités
vent suffit à peine à couvrir les frais –, pour concrétiser notre idée : de l’énergie pédagogiques : les enfants apprennent
et les aliments de base permettant aux éolienne et solaire, des systèmes de sur le tas. Ils cultivent des légumes,
enfants de déjeuner sur place. Notre compostage et une serre, des digesteurs s’occupent du lombricompostage, uti-
idée, et ensuite le projet, avait trois de biogaz, etc. Aujourd’hui, grâce au lisent des cuisinières solaires et parti-
objectifs : rendre l’école aussi autonome soutien de personnes, d’organisations cipent au fonctionnement des digesteurs
que possible ; éduquer les enfants non gouvernementales et du département de biogaz, des chauffe-eau et du système
et la communauté aux technologies de l’Education, tout cela existe à Three d’irrigation.
Crowns Junior School, une école située Fort de son succès, le projet s’est
à l’est du Cap, qui accueille environ étendu à trois écoles supplémentaires.
150 élèves. Récemment, notre municipalité a dé-
cidé de consacrer près d’un demi-
million de dollars au déploiement des
technologies durables dans l’ensemble
de la communauté. Cela n’aurait pas été
possible sans la participation des élèves
Chauffe-eau solaires : Nos chauffe- de Three Crowns.
eau solaires sont fabriqués à partir de Voici quelques-unes des techno-
tubes en PVC bon marché et largement logies, plus ou moins complexes, que
disponibles – ceux qu’on utilise norma- nous utilisons à Three Crowns.
lement pour irriguer. Des bouteilles de
Irrigation goutte à goutte : Les tuyaux
plastique de deux litres recyclées, placées
sont réalisés à partir de pneus de voiture
autour des tuyaux, ajoutent une couche
recyclés. Ils permettent à l’eau d’impré-
d’isolant et augmentent l’efficacité de
gner directement le sol, minimisant ainsi
chauffe. Après le déjeuner, les élèves se
les pertes liées à l’évaporation.
servent de l’eau chaude ainsi obtenue
pour laver leur assiette. Et nous sommes
en train de construire un autre chauffe- Biogaz : Deux biodigesteurs traitent les
eau qui alimentera la cuisine. déchets renvoyés par les chasses d’eau
des toilettes et sont alimentés trois fois
Les eaux usées : Les eaux usées des par semaine avec du fumier de bovins et
digesteurs transitent par un système de des déchets organiques de cuisine pour
traitement biologique qui ôte l’excès produire du gaz. Le gaz sert à cuisiner les
de nutriments qui risquerait d’avoir un repas des enfants, en parallèle avec deux
impact sur la qualité des eaux de surface cuisinières solaires. Serre : L’école a construit une serre
et souterraines. L’algue qui pousse dans le avec des bouteilles en plastique de
système sert à alimenter le biodigesteur Lombricompostage : Nos vers se 2 litres. Cela a permis de recycler des
ou bien elle est séchée et utilisée comme chargent de transformer rapidement la déchets en plastique – ici, il n’y a pas de
engrais bio. Nous avons également l’inten- matière organique en lombricompost et collecte d’ordures. L’école fait pousser
tion de nous servir de cette eau riche en en lixiviat de vers. Pour irriguer et fertiliser, les jeunes plants, boutures, arbustes
nutriments pour alimenter un système on utilise 1 part de lixiviat pour 10 parts et arbres dont elle a besoin ici, et elle
hydroponique qui permettra de cultiver d’eau. Le lixiviat sert aussi à éloigner les vend les éventuels surplus aux écoles
des plantes et d’élever des poissons. insectes. environnantes.

Le sol - élément oublié 21


Les acacias
7 merveilles
du sol

Dans les régions arides, la sécheresse, le surpâturage, l’agriculture intensive,


l’exploitation minière et le déboisement peuvent transformer en désert des terres
autrefois fertiles. On peut restaurer le sol en y plantant des arbres, surtout ceux qui fixent
l’azote en le prenant dans l’atmosphère et en le mettant à disposition d’autres plantes. Ces
arbres sont généralement dotés de profondes racines, qui retiennent l’humidité du sol et
en améliorent la structure en fournissant une litière feuillue. L’acacia présente l’avantage
de pousser rapidement et de supporter des conditions difficiles. À Hawaï, l’Acacia koa
reboise des terres surexploitées par les éleveurs ; en Inde, l’Acacia nilotica réhabilite les
sols salins dégradés ; en Australie, l’Acacia saligna est en train de reverdir d’anciennes
carrières de sable. En plantant des acacias sur des terres agricoles vulnérables, le projet
Acacia 2004 de la FAO a déjà profité à 44 communautés de six nations africaines. Les
arbres permettent de rendre sa fertilité au sol, ils fournissent du bois de feu et du fourrage
et abritent les cultures. Ils produisent même de la gomme arabique qui est recueillie et
vendue à l’industrie agroalimentaire.
Mark A. Wilson

Les actinomycètes
Une cuillérée de sol peut contenir un milliard de bactéries. Nous les considérons souvent
comme des « microbes », mais ces organismes à cellule unique sont cruciaux pour le sol
et pour la santé humaine. Toutes les bactéries ne font pas le même travail. Un groupe
important, les actinomycètes, est utile de multiples façons. Les « décomposeurs »
fractionnent les matériaux durs, comme l’écorce, et c’est à eux que l’on doit la bonne
odeur de terre fraîchement remuée. L’actinomycète Frankia sp., qui fixe l’azote, travaille
avec ses plantes hôtes pour accumuler l’azote atmosphérique que les plantes ne sont
pas capables d’utiliser dans sa forme gazeuse. Cette symbiose permet aux plantes de
s’épanouir tout en produisant un sol riche en azote dans lequel d’autres plantes peuvent
pousser. Et c’est aussi un actinomycète qui nous a donné la streptomycine, le tout premier
antibiotique contre la tuberculose. La bactérie avait été isolée par le docteur Albert Shatz
en 1943. Nous continuons à utiliser ces bactéries pour produire des antibiotiques comme
l’érythromycine et la tétracycline, ce qui prouve bien qu’il n’est pas toujours judicieux de
lutter contre les microbes à grand renfort de désinfectant !
Graham Colm/en.wikipedia/CC

Les nématodes
Il est probable qu’il existe au moins un million d’espèces de nématodes vivant partout,
de la surface du sol aux racines des plantes. Ces vers microscopiques dévorent
tout : champignons, bactéries, insectes, larves et plantes. Ils vivent soit de manière
indépendante soit en parasites d’insectes, de plantes et d’animaux. Ils sont capables
de consommer chaque jour six fois et demie leur propre poids. À l’instar des vers de
terre, ils recyclent la matière organique en sol fertile et favorisent la distribution des
nutriments. Qu’ils se nourrissent de bactéries ou de champignons, les nématodes
libèrent de vastes quantités d’azote dans le sol. Ils ne sont cependant pas tous les
bienvenus : ceux qui provoquent la trichinose du porc peuvent aussi nous rendre
malades, et ceux qui se nourrissent de plantes peuvent ravager les cultures. Mais
certains nématodes insectivores sont appréciés en tant que pesticides naturels, et
de petits insectes et certains champignons s’en nourrissent. L’Arthrobotrys anchonia,
par exemple, forme un anneau constrictif de cellules qui piège tout nématode qui
le traverse ! George L. Barron

22 TUNZA Vol 9 No 2
Le bousier
L’humble bousier se nourrit presque exclusivement d’excréments. Son rôle est
crucial pour conserver au sol sa fertilité et faire baisser les niveaux d’hémioxyde
d’azote, qui est un gaz à effet de serre. Il existe environ 10 000 espèces de bousiers,
aux quatre coins du monde – sauf en Antarctique – dont la longueur varie de 2 mm à
17 cm. On en distingue trois types : les « rouleurs », qui font des pelotes d’excréments,
parfois 50 fois plus grosses qu’eux, qu’ils roulent dans des terriers ; les « creuseurs »
qui creusent sous la bouse ; et les « résidents » qui y vivent et s’y reproduisent. Ce
faisant, ils fertilisent et améliorent le sol : les rouleurs et les creuseurs vont chercher la
bouse qu’ils enterrent ensuite jusqu’à 60 cm de profondeur, distribuant les nutriments,
aérant le sol et facilitant la pénétration de l’eau. Cette activité piège aussi le carbone et
réduit l’hémioxyde d’azote – gaz à effet de serre 300 fois plus puissant que le dioxyde de
carbone – émis par le fumier. La Nouvelle-Zélande a l’intention d’importer et de libérer
dans la nature 11 espèces de bousiers étrangers, pour traiter les déchets liés à l’élevage
Rafael Brix/GNU-FDL et réduire les gaz à effet de serre.

L’ourson d’eau
Minuscule et incroyablement résistant, l’ourson d’eau vit souvent dans le film d’eau des sols.
Mais il peut survivre partout, dans les sédiments de l’océan, sous la glace de l’Antarctique,
dans les mousses, dans les sources géothermales brûlantes et même dans l’espace.
Également connu sous le nom de tardigrade et de « porcelet des mousses », l’ourson d’eau
ressemble vraiment à un ours, mais il a huit pattes et sa taille est comparable à celle d’un
point de ponctuation. Son corps segmenté possède un cerveau, des organes sexuels et un
système digestif (bien que certains soient carnivores, il se nourrit principalement de plantes
ou de bactéries). Il est la proie des nématodes, des amibes et d’autres tardigrades. Les
scientifiques s’intéressent à la capacité de l’ourson d’eau à entrer dans un état d’immobilité
métabolique – appelé cryptobiose – lorsqu’il est confronté à des facteurs de stress comme
le manque d’eau ou d’oxygène, des températures très basses ou des radiations. Cette
immobilité, qui peut durer 120 ans, pourrait nous donner de précieuses indications sur la
manière de préserver tissus, cellules et vaccins sans réfrigération. http://tardigrade.acnatsci.org

L’amibe sociale
Ni plante ni animal ni champignon, l’amibe sociale ou Dictyostelium discoideum est une
amibe à cellule unique microscopique qui vit normalement de façon indépendante dans
le sol, se nourrissant de végétation en décomposition, de champignons et de bactéries, et
qui aide à maintenir l’équilibre de la microflore. Ce qui est fascinant, c’est sa capacité à se
transformer d’un organisme unicellulaire en corps multicellulaire : lorsque la nourriture
vient à manquer ou que la température tombe trop bas, les cellules se rassemblent pour
former une unique forme floue, rappelant une limace, souvent de couleur vive. Cette
forme floue se rapproche de la chaleur et de la lumière, emportant parfois au passage des
bactéries qu’elle déplace vers un endroit mieux adapté. Quand elle est prête à se reproduire,
elle se transforme en structure dotée d’une tige semblable à une plante, qui élève une tête
de spores suffisamment haute pour disséminer les spores pour qu’ils germent. La capacité
de l’amibe sociale à vivre à la fois en tant qu’organisme individuel ou commun intéresse les
Bruno/Columbus/Wikimedia CC biologistes cellulaires qui étudient le développement des organes et des tissus.

Les mycorhizes
Une seule poignée de terre peut abriter des milliers d’espèces de champignons, dont il
existe au moins un million. On sait que les champignons décomposent la matière organique
et qu’ils apportent des nutriments à d’autres organismes. Parmi les plus importants,
on compte les mycorhizes, qui vivent en symbiose avec plus de 90 % des plantes, qu’ils
entourent et dont ils pénètrent les racines. Les champignons absorbent les sucres des
plantes tout en étendant leurs filaments plus profondément dans le sol que ne peuvent
atteindre les racines des plantes, absorbant l’eau et les nutriments qu’ils mettent à
disposition de la plante. Nous consommons certains de leurs pseudo-champignons,
comme les chanterelles, les truffes ou les cèpes. Les scientifiques savent maintenant que
les mycorhizes ont joué un rôle clé il y a plus de 470 millions d’années, au début de l’ère
paléozoïque, en permettant aux premières plantes terrestres de verdir la Terre. Ce faisant,
ils ont fait pencher l’équilibre atmosphérique de la planète en faveur d’un air oxygéné dont
dépend aujourd’hui toute la vie sur Terre. Strobilomyces/GNU-FDL

Le sol - élément oublié 23


L’ESPRIT D’ÉQUIPE
Photos : www.royalchallengers.com

En Inde, le cricket est plus qu’un jeu, il peut inciter les gens à agir ensemble. Les Royal Challengers de Bangalore,
équipe de l’IPL (Première ligue indienne), l’ont bien compris. Ils ont lancé Go Green, un projet écologique qui
concerne leurs fans et l’ensemble du public. Lorsque TUNZA a rencontré Sidhartha Mallya, propriétaire des RCB,
nous lui avons demandé ce que représentait cette campagne.

«L es changements climatiques et le réchauffement mondial sont les problèmes les plus critiques pour
l’humanité. Les Royal Challengers sont convaincus que nous devons tous agir maintenant – pas seulement
au niveau des gouvernements et des entreprises, mais également au niveau personnel. Les petits gestes et
changements individuels de mode de vie qui sont à la portée de tous s’additionneront pour faire une différence
considérable.
Les RCB sont passés au vert en 2010. Dans le cadre de Go Green, ils ont pris un certain nombre d’initiatives :
covoiturage des fans se rendant aux matches, tri et traitement des déchets dans les stades (recyclage et compost),
collaboration avec la société de transports en commun de Bangalore pour obtenir des bus supplémentaires, et
calculateur de l’empreinte carbone sur le site RCB (http://www.royalchallengers.com/go-green). Ces initiatives ont
déjà permis de réduire les émissions de carbone, mais les RCB sont décidés à devenir la première équipe de cricket
au monde à atteindre la neutralité carbone.
Nous n’allons pas atteindre notre neutralité carbone en achetant des crédits carbone qui semblent “éliminer” les
émissions. Nous avons lancé une initiative axée sur nos supporters qui est unique en son genre : chaque fan opère
quelques petits changements écolos au quotidien pour réduire ses émissions de dioxide de carbone. L’équipe verte
des RCB ne se compose pas seulement des 11 joueurs sur le terrain, elle est forte de plus de 100 000 supporters,
et chacun apporte sa contribution personnelle. Il s’agit donc d’une campagne écolo démocratique des supporters,
pour les supporters et par les supporters, et dont ils sont les véritables héros.
Notre campagne écolo, qui est pilotée par NextGen, société-conseil en énergie et environnement, a deux
objectifs fondamentaux : sensibiliser le public et inciter les gens à modifier leur comportement. Dans les écoles, les
lycées et les quartiers, par exemple, nous avons lancé un programme de plantation de petits arbres qui n’a rien d’un
reboisement massif. Nous avons préféré donner des jeunes arbres à des élèves, professeurs et autres particuliers
pour qu’ils les plantent et s’en occupent. Jusqu’ici, cela a déjà permis de planter 10 000 arbres dans tout l’État de
Karnataka. L’idée n’est pas uniquement de boiser la région et d’influer sur la réduction des émissions, mais aussi
de changer les mentalités.
De même, nous ne nous contentons pas de promouvoir l’utilisation d’ampoules basse consommation, nous faisons
en sorte qu’elles soient disponibles à un tarif inférieur de 35 % au prix habituel. Nous demandons aussi à tous les
supporters des RCB de prendre le bus, le 4 de chaque mois, lors des « Bus Days » (Journées bus). Ils témoignent
ainsi de leur engagement envers des transports publics durables. Quant à notre programme de chauffe-eau solaires,
il souligne la nécessité d’utiliser l’énergie renouvelable. Le programme organise, dans le cadre des réseaux sociaux,
des concours sur le thème de l’énergie renouvelable, et il encourage les supporters des RCB à utiliser des chauffe-eau
solaires. Ils sont déjà 338 qui se sont engagés à effectuer ce type de réductions d’émissions.
Personnellement, j’ai intégré au sein des entreprises de ma famille nombre des principes verts appris avec les
RCB. Nos sociétés font très attention à gérer et à atténuer les impacts qu’elles peuvent avoir sur l’environnement :
conservation de l’eau grâce au recyclage des effluents et au traitement de l’eau ; utilisation de la biomasse et de la
balle de riz dans les chaudières ; et gestion des déchets allant jusqu’à une absence totale de déchets dans certaines
usines. Je suis convaincu que pour parvenir à un véritable succès, la croissance économique devra être responsable
et durable au plan environnemental.
En tant que citoyens du monde, il appartient à chacun d’entre nous de faire les petits gestes qui protégeront
notre planète. Participe à nos initiatives vertes. Comme nous le disons toujours : RCB joue le jeu de l’écologie…
Et toi ? »

24 TUNZA
A Vol 9 No 2

Vous aimerez peut-être aussi