Partie 1 Chapitre 1
Partie 1 Chapitre 1
Partie 1 Chapitre 1
Dans le processus de modernisation du droit marocain des affaires, la loi n°104-12 sur la
liberté des prix et de la concurrence a constitué un moment essentiel puisqu'il s'agissait de
protéger la concurrence afin de stimuler l'efficience économique, améliorer le bien-être des
consommateurs, assurer la transparence et la loyauté dans les relations commerciales. Il
s'était également agi de s'inscrire dans le cadre de la dynamique de convergence
réglementaire avec l'acquis communautaire, induite par l'accord d'association liant le Maroc
à l'Union européenne. Une dynamique renforcée par le statut avancé qui accorde au
rapprochement des législations une place prioritaire, Dans le cadre du droit moderne au
Maroc la loi n°06-99 DU JUIN 2000 innove en introduisant le droit de la concurrence dans le
système juridique du pays.
Elle initie une nouvelle discipline juridique, ou tout au moins elle en déclenche le processus
de naissance. Elle promet un enrichissement certain de la réflexion doctrinale sur les
divisions et les branches du droit positif car elle ne permet pas a priori de classer le droit de
la concurrence ou de le définir par rapport à son objet ou à sa place dans le contexte de
l'environnement juridique où il est appelé à se situer.
Le droit de la concurrence se divise ainsi, en deux branches, d'un côté on trouve les
pratiques anticoncurrentielles (Paragraphe 1) qui visent surtout (interdiction entente, ou
abus de position dominante) et d'un autre les pratiques restrictives de la concurrence
(paragraphe 2) (encadrement des relations commerciales). Les pratiques restrictives de la
concurrence sont assez spéciales puisqu'elles sont sanctionnées indépendamment de
l'atteinte au marché.
Les articles 6 à 9 de la loi 104-12 visent successivement les ententes au sens large d'une part
et les abus de position dominante et les exploitations abusives de situation de dépendance
économique d'autre part, si on préfère une formation plus brève et compréhensive on doit
constater qu'il s'agit des pratiques collectives et des actions individuelles
L'entente, au sens large visé par le texte se traduit par tout accord entre les entreprises dont
l'objet ou le but est d'empêcher ou de fausser le jeu de la concurrence sur le marché, le
texte énumère 4 exemples de situations caractéristiques des atteintes visées au jeu de la
concurrence :
La création d'obstacle à la formation des prix par le libre jeu du marché en favorisant
artificiellement leur hausse ou leur baisse.
L'exploitation abusive d'une position dominante sur le marché intérieur ou une partie
substantielle de celui-ci d'une part, et d'une situation de dépendance économique dans
1
L’article 6 de la loi N° 104-12 relative à la liberté des prix et de la concurrence
laquelle se trouve un client ou un fournisseur ne disposant d'aucune alternative d'autre part,
constituent deux situations distinctes par leur consistance intrinsèque mais que la loi réunit
au sein d'une formule unique. En effet cette présentation légale s'explique parce qu'elle
comporte des éléments communs à coté de leurs composantes spécifiques respectives.
Eléments communs
L'article 7 de la loi dispose que prohibé, lorsqu'elle a pour objet ou peut avoir pour effet
d'empêcher de restreindre ou de fausser les jeux de la concurrence l'exploitation abusive par
une entreprise ou un groupe d'entreprise en position dominante en marché intérieur ou une
partie substantielle d'une partie; d'une situation de dépendance économique dans laquelle
se trouve un client ou un fournisseur ne disposant d'aucune autre alternative
Les dispositions reproduisent les mêmes conditions de fond exigées pour la prohibition des
ententes (empêcher, restreindre et fausser...). Elles précisent implicitement que
l'exploitation abusive de la position dominante ou la situation de dépendance économique
reste un comportement normal et licite dans le cadre de la concurrence.
En effet seul «l'abus » on est interdit quand son objet ou son effet << se répercute >>>
négativement sur le jeu de la concurrence, à cet égard le caractère rationnel de la loi ne fait
pas de doute, il est surement légitime qu'une entreprise s'efforce dans le cadre de la libre
concurrence, de tirer profit de sa domination, de sa maitrise de marché ou du secteur. Mais
si une telle attitude correspond à un abus elle devienne étrangère de la concurrence2; Elle
tend plutôt à l'éliminer; en conséquence elle tombe dans le domaine de la prohibition.
Noter bien que les éléments retenus par la loi doivent servir d'indicateurs dudit « abus ». On
peut même remarquer que ces situations ou ces comportements peuvent aussi être
appréhendées par la loi dans le cadre des atteintes susceptibles de toucher le jeu normal des
prix sans avoir besoin d'appliquer les notions de position dominante et de dépendance
économique.
Eléments spécifiques :
La notion D’abus :
2
M. Nour- EDDINE TOUJANI : guide des pratiques anticoncurrentielles
Les éléments de la notion « d'exploitation abusive » figurent dans les deux derniers alinéas
de l'article 7 et ont trait à la clarification du contenu de l'abus. Celui-ci peut notamment
consister en refus de vente, en ventes liées ou en conditions de ventes discriminatoires ainsi
que dans la rupture de relations commerciales établies. Au seul motif que le partenariat
refuse de se soumettre à des conditions clés injustifiées. Il peut consister également à
imposer directement ou indirectement un caractère minimal ou prix de revente d'un produit
ou d'un bien au prix d'une prestation de service ou à une marge commerciale.
L'abus peut consister aussi en offres de prix ou pratiques de prix de vente aux
consommateurs abusivement bas par rapport aux couts de « production, de transformation
et de commercialisation... ». Dès lors que ces offres ou pratiques ont pour objet ou peuvent
avoir pour effet d'éliminer d'un marché ou d'empêcher d'accéder à un marché, une
entreprise ou l'un de ses profits..
Noter bien le texte saisit ici une situation apparemment paradoxale ou la pratique se fonde
sur le prétexte de bénéficier aux consommateurs en réduisant les prix aux maximums! Mais
la baise devient anormale au regard de deux critères :
I- La Position dominante
"Difficile à délimiter avec précision', cette notion est conditionnée par « la qualité de
la victime >»; Lorsqu'elle résulte du comportement des fournisseurs à l'encontre des
distributeurs: Son appréciation prend en considération la notoriété de la marque-la
part du marché exploite par le fournisseur.
Il en est de même de l'état inverse de dépendance économique d'un fournisseur avec
le distributeur : l'appréciation de la dépendance tient compte de la part du chiffre
d'affaire réalisé par le dit fournisseur avec le distributeur ou le revendeur, de
l'importance de ce chiffre d'affaire dans la commercialisation des produits, biens et
services concernées des facteurs qui ont forcés le fournisseurs à concentre ses ventes
chez le distributeur concerné, de l'existence et de l'intérêt des solutions alternatives
pour le fournisseur.
Le second volet de cette section appel la mise en exergue des pratiques restrictives de la
concurrence.
L'objet de la loi 104-12 d'une façon générale est de maintenir une concurrence saine à la fois
au niveau horizontal, c'est-à-dire entre distributeurs, et au niveau vertical, entre fournisseurs
et distributeurs. A ce titre sont interdites certaines pratiques dites restrictives :
comme le refus de vente, la revente à perte, la vente avec prime et les ventes liées. Il s'agit
de savoir notamment comment la loi organise et protège leurs intérêts.
Le refus de vente :
4
Yves Chaput ; le droit de la concurrence ; édition que sais je 1998
D'après l'article 61 de la loi 104-12: Il est interdit à tout commerçant, industriel ou artisan
ainsi qu'à tout prestataire de service:
La vente à perte
La revente à perte est le fait de revendre un produit en l'état à un prix inférieur à son prix
d'achat effectif, est interdit aussi d'annoncer la revente d'un produit à un prix inférieur à son
prix d'achat effectif.
Le prix d'achat effectif (PAE) est le prix unitaire mentionné sur la facture, déduction faite des
seules remises commerciales afférentes au produit et portées sur la facture, majoré des
taxes et le cas échéant des frais de transport. Ces derniers ne sont intégrés que s'ils sont
individualisés et imputables au produit concerné, ou s'ils font l'objet d'une facture spécifique
du fournisseur ou d'un transporteur.
En effet, on parle de vente liée à partir du moment où l'on attache un produit quel qu'il soit
à un autre, ou que l'on en force la vente dans une quantité donnée (appelée aussi vente par
lots).
Dans le cas de la vente par lot, ceci est en général assez aisé à comprendre.
Les ventes et prestations liées : l'entreprise ne doit pas contraindre son client à acheter une
quantité de produits supérieure à ce qu'il souhaite. Le client doit impérativement avoir la
possibilité d'acheter chaque article à l'unité. Toute forme de vente forcée est donc
formellement interdite.
Dans la revente à prix imposé, le fournisseur fixe dans le contrat de vente le prix minimum
auquel l'acheteur revendra les produits. En pratique, c'est le moyen pour un fabricant de
contrôler les prix au détail de ses propres produits. Le fabricant vise alors un double objectif:
s'assurer une marge de profit et donner à ses produits l'image d'un produit de luxe. Cette
pratique commerciale est interdite par l'article 60 en ces termes « Est interdit le fait par
toute personne d'imposer, directement ou indirectement, un caractère minimal au prix de
revente d'un produit ou d'un bien, au prix d'une prestation de service ou à une marge
commerciale.
L'interdiction est générale puisqu'elle vise toute personne (c'est-à-dire physique ou morale,
commerçante ou non) susceptible de se livrer à une telle pratique, et porte sur le prix d'un
produit, d'un bien, d'une prestation de service, ou sur une marge commerciale.
L'article 61-1 dispose qu' « Il est interdit à tout producteur, importateur, grossiste ou
prestataire de services:
De pratiquer, à l'égard d'un partenaire économique ou d'obtenir de lui des prix, des délais de
paiement, des conditions de vente ou des modalités de vente ou d'achat discriminatoires et
non justifiés par des contreparties réelles en créant de ce fait, pour ce partenaire, un
désavantage ou un avantage dans la concurrence ».
Exception est faite pour les denrées susvisées importées ou destinées à l'exportation ou à
l'industrie.»
Cette interdiction concerne deux pratiques restrictives particulières au commerce de
certains produits alimentaires non importés et destinés à la consommation interne, à
l'exclusion des produits destinés à l'exportation ou à l'industrie. Il s'agit de ravitaillement et
de vente en dehors des marchés publics organisés à l'intérieur du domaine public et soumis
à la police administrative des autorités locales. Cette interdiction s'inscrit dans une logique
de l'organisation de la distribution assurant la centralisation de l'approvisionnement et les
conditions matérielles de salubrité, d'hygiène et de la qualité des produits détenus ou mis en
vente.
1. L'existence des marchés et des halles publiques ce qui implique que dans les villes
et les zones rurales ou ces marchés et halles font défaut les professionnels du
commerce en question retrouve leur liberté.
2. Les produits vendus ou détenus doivent être des fruits, des légumes et des
poissons, ce qui implique que les autres produits alimentaires non mentionnés par le
texte ne sont pas concernés par l'interdiction.
B : Du stockage clandestin
L'étude des pratiques liées à la concurrence rappelle l'exigence du contrôle, a fortiori, qui
porte sur les prix et les concentrations.
En principe, les prix des biens, produits et services sont librement fixés. Cela relève du
principe de la liberté des prix et s'oppose à la réglementation des prix.
A titre de rappel on a dit que la loi 104-12 a pour objet de définir les dispositions régissant la
liberté des prix et d'organiser la libre concurrence.
5
Dahir nº 1-11-89 du 16 ramadan 1432 (17 aout 2011) portant promulgation de la loi n°18-09 formant statut
des chambres d'artisanat; Bulletin officiel nº 5984 du 8 kaada 1432 (6octobre 2011), p. 2156.
Ces principes de la liberté des prix et de la libre concurrence sont consacrés notamment par
l'article 2 de la loi 104-12 qui dispose que les prix des biens, produits et services sont
déterminés par le jeu de la libre concurrence6. Autrement dit, la formation des prix est
réglée par le libre jeu de l'offre et de la demande.
Néanmoins, il est à noter que le principe de la liberté des prix n'est pas absolu. Ce principe,
tel qu'il est consacré par la loi 104-12, souffre-lui même certaines exceptions.
D'abord, la règle de la liberté de la libre concurrence ne s'applique pas lorsque la liste des
biens, produits et services est fixée par voie réglementaire après la consultation du conseil
de concurrence7.
Ensuite, les prix peuvent être réglementés en raison des zones géographiques où la
concurrence par les prix est limitée par le monopole de droit ou par le soutien accordé à
certains secteurs ou produits ou par les difficultés permanentes d'approvisionnement ou
finalement par des dispositions législatives ou réglementaires8.
De plus, l'administration peut prendre certaines mesures temporaires qui restreignent cette
liberté de fixer les prix de produits en vue de maitriser les multiples excès qu'elle peut
engendrer.
Et bien sur ces mesures temporaires contre les hausses et les baisses excessives de prix qui
sont prises par l'administration après consultation du conseil de concurrence doivent être
motivées par des circonstances exceptionnelles ou par une calamité publique ou une
situation anormale du marché. Ces mesures ne peuvent excéder 6 mois prorogeable une
seule fois9.
Le prix d'un bien, produit ou service déterminé peut être aussi fixé librement par un accord
entre l'administration et les organisations intéressées. Cependant, en cas de violation de
l'accord conclu, l'administration fixe le prix du bien par voie réglementaire10. Cela étant,
reste à éclaircir le contrôle des concentrations.
6
1er al de l’article 2 de la loi 104-12 Relative à la liberté des prix et de la concurrence
7
2eme al de l’article 2 de la loi 104-12
8
Article 3 De la loi 104-12
9
Article 4 de la loi 104-12
10
Article 5 DE la loi 104-12
Paragraphe : le contrôle des concentrations
entreprises; en cas d'une personne qui détient déjà le contrôle d'une entreprise et qui
acquiert le contrôle de l'ensemble ou d'une partie d'une autre entreprise ou d'autres
entreprises; en cas d'une ou plusieurs entreprises qui acquièrent le contrôle de l'ensemble
ou d'une partie d'une autre entreprise ou d'autres entreprises.
En effet, l'entreprise créée va détenir le contrôle sur une ou plusieurs autres entreprises. Et
ce contrôle confère la possibilité d'exercer une influence déterminante sur l'activité d'une
entreprise.
Mais à vrai dire, l'entreprise qui souhaite exercer une opération de concentration doit
d'abord la notifier au conseil de concurrence avant la réalisation de cette opération de
concentration".
Il est à noter que l'entreprise dans ce cas doit respecter certaines conditions à savoir le
chiffre d'affaires. Le chiffre d'affaires que ce soit réaliser au Maroc ou au niveau mondial doit
être supérieur au montant fixé par voie réglementaire.
Alors, c'est l'accord du conseil de concurrence qui autorise la réalisation effective d'une
opération de concentration.
Le contrôle dégage deux autres aspects de la loi 104-12 à savoir l'aspect répressif et
institutionnel.
La revue d’un contrat par un conseil juridique spécialisé fait souvent défaut pour des
contrats de distribution, de vente de produits ou de services, et de partenariat.
Les entreprises, ne perçoivent pas toujours les risques de leurs accords commerciaux et
souvent, la nécessité d’aller vite dans la négociation contractuelle l’emporte sur la
conscience du risque d’infraction. Or une bonne information des entreprises sur le cadre
autorisé des négociations, permettrait d’être plus pertinent pour les parties. De façon non
limitative, certains points d’attention méritent d’être rappelés. De façon indiscutable, les
accords entre les concurrents sur les prix pratiqués ou les composantes du prix de vente, les
conditions de ventes, les rabais, les augmentations des prix sont de nature à faire obstacle à
la libre formation des prix et donc à la libre concurrence.
Il s’agit de la même infraction si le fournisseur fait pression sur ses distributeurs en les
incitant fortement à appliquer les prix de revente qu’il recommande. Cette pression peut
s’exprimer par une surveillance accrue de ses distributeurs, sur la remontée des certaines
informations et de politique incitative/ de sanction à l’égard des distributeurs qui ne
suivraient pas la politique de prix recommandés.
La question également de la vente à perte est également souvent posée par les entreprises.
Selon l’article 8 de la loi 104-12 relative à la liberté des prix et de la concurrence,
l’interdiction de pratiquer des prix abusivement bas s’entend sur les prix de revente aux
consommateurs. Toutefois, en considération de la position de l’entreprise, notamment une
position dominante sur le marché, la question de la vente à perte des produits /services sur
un marché intermédiaire de professionnels est légitime et se doit d’être appréciée avec plus
de précision par un praticien du droit .