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Sï2.R LA HAUTE-VOLTA
TRAVAUX ET DOCUMENTS DE L’O.R.S.T.0.M. No 77
Henri BARRAL
Géographe O.R.S.T.O.M.
O.R.S.T.O.M.
PARIS
1977
Cette étude a été effectuée dans le cadre du projet de recherches interdisciplinaires
A.C.C. de la D.G.R.S.T. :
LUTTE CONTRE L’ARIDITE DANS L’OUDALAN (Haute-Volta)
Participent à ces travaux, réalisés en collaboration étroite avec le Ministère du Plan
de la République de Haute-Volta :
- Office de la Recherche ScientiIlque et Technique Outre-Mer (ORSTOM).
- Groupement d’Etudes et de Recherches pour le Développement de 1’Agronomie
Tropicale (GERDAT).
- Institut d’Elevage et de Médecine Vétérinaire des Pays Tropicaux (I.E.M.V.T.).
- Centre Technique Forestier Tropical (C.T.F.T.).
- Université Paris VII - Laboratoire de Géographie physique (U.E.R. de Géographie
et Sciences de la Société).
- Centre National de la Recherche Scientifique (C.N.R.S.).
- Centre d’Etudes Phytosociologiques et Ecologiques - Louis EMBERGER de
Montpellier (C.E.P.E.).
«La loi du 11 mars 1957 n’autorisant, aux termes des alinéas 2 et 3 de l’article 41,
d’une part, que les « copies ou reproductions strictement réservées à l’usage privé du
copiste et non destinées à une utilisation collective» et, d’autre part, que les analyses
et les courtes citations dans uu but d’exemple et d’illustration, « toute représentation
ou reproduction intégrale, ou partielle, faite sans le consentement de l’auteur ou de ses
ayants droit ou ayants cause est illicite» (alinéa ler de l’article 40).
« Cette représentation ou reproduction, par quelque procédé que ce soit, constituerait
donc une contrefaçon sanctionnée par les articles 425 et suivants du Code Pénal.»
0 O.R.S.T.O.M. 1977
ISBN : 2-7999-0467-S
Aux ITABOTEN DE BANGAO,
AUX ALKASSEYBATEN DE TIN AÏDJAR
ET AUX IWARAWARAGEN DE TIN ~HASSAN
ET FADAR FADAR, JE DÉDIE CETTE ÉTUDE.
H. BARRAL.
IntraPducticbra
5
Kel Tamachek CCTouareg » 3 000
Iklan ou CCBella» 31000
NOMADE~
Peul Gaobé 12 000
Djelgobé 3 000
Total 64 500
6
sèche, et coupés par les lits sablonneux du Goudebo, du Felléol et du Gorouol
séparent Dori de Saouga, premier village songhai’. Au-delà c’est Gorom
Gorom, simple hameau il y a une quarantaine d’années, aujourd’hui
village de 3 000 habitants, chef-lieu de la sous-préfecture de l’Oudalan, et
.dont le nom évoque celui d’un quartier de Gao. Au-delà encore vers le nord,
et passés les terrains de cultures sur sables éoliens jonchés de chaumes
de mil, commencent les amples ondulations des anciens ergs quaternaires,
entre les mares de Sokoundou et de Bangao par exemple, qui déterminent
un paysage de prairie tôt jaunissante, laissant appara£tre par place le
sable rouge ferruginisé, grands espaces silencieux animés seulement de
loin en loin par un troupeau de zébus au pâturage, le plus souvent non
gardés, ou par l’envol lourd d’une outarde. . . .
Plus au nord encore, avant le dernier système dunaire qu.i longe la
vallée du Béli, ce sont les surfaces à lithosols, à l’apparence de « regs»
cernés par la végétation sombre et basse de la brousse-tigrée, ou les flats
argileux et dénudés, dont la blancheur blafarde sous un ciel souvent voilé
par la brume sèche évoquent des sebkha sahariennes, et qui annoncent
le Gou.rma pré-désertique, celui qui s’étend au nord du 16e parallèle, entre
la mare de Doro et le poste de Ouinarden par exemple, au Mali.
Dans ces paysages à la topographie confuse, où les pistes des bêtes et
des gens semblent divaguer à I’inJini, il est souvent di&icile de se situer
avec précision, et la circulation de nuit à bord d’un véhicule est à peu près
impossible en dehors des rares pistes tracées, assuré que l’on est alors de
s’égarer.
En tout cela 1’0udalan diffère fortement de la région de Dori aux gros
villages peu1 et rimai’bé durablement implantés à proximité de leurs champs
entourés de haies vives d’euphorbes et portant un parc à Faidherbia albida
et à palmiers deum (Hyphaena thebaïca). Là, la dune est domestiquée,
familière, et le terme peu1 qui la désigne, Seno, revêt une signification
agraire, alors que dans 1’0udalan ce même terme, ou son équivalent tama-
chek idjief, appartiennent au vocabulaire topographique des nomades.
Diflérent du Liptako, 1’0udalan l’est aussi du Gourma septentrional
par ses grandes mqres enchassées au cœur de ses systèmes dunaires : mares
COursi, de Yomboli ou de Darkoy pour ne citer que les plus importantes,
que l’on découvre brusqu.ement en saison sèche du sommet d’une dune et où
le vert tendre de la végétation aquatique contraste avec la teinte ocre ou fauve
des étendues de sables qui les environnent.
A 100 km plus au nord dans le Gourma, seule l’immense mare de Gossi
présente au cœur de la saison sèche cet aspect verdoyant de prairie humide.
Enjin, et ce n’est pas là la moindre des différences, l’oudalan est, par
opposition a,u Gourma septentrional, une terre à mil.
N’étaient les quelques terrains de cultures des Bella #In Tillit, de Tin
Téhégrin et $In Daki à une cinquantaine de kilomètres au nord CEela
frontière Haute-Voita - Mali, on pourrait considérer que celle-ci, sous
350 mm de pluviométrie annuelle moyenne marque aussi la limite nord
des cultures sous pluies dans le centre de la Boucle du Niger : cultures de
nomades aux rendements d’une extrême irrégularité, rarement supérieurs
à 1 quintal à l’hectare, cultures à caractère de « coup de poker» - on sème,
7
on sarcle à la hâte, et l’on s’en va, pour venir voir à la jin de l’hivernage si
« ça a poussés - mais cultures qui marquent quand même le paysage de
leurs longues clôtures de bianchages épineux courant sur le sable nu en
saison sèche+ et qui valent parfois aux Kel Tamachek de I’Oudalan, de la
part de ceux du Gourma, plus mobiles, le surnom mi-ironique, mi-envieu.x
de Kel-Enelli (l), « ceux du mil».
POU~ ses grandes mares pérennes et pour son mil, 1’0udalan est d07tc
apparu aux populations du nord de la Boucle du Niger et en particulier
aux nomades Kel Tamachek, lorsqu’ils l’ont« découvert» à la$n du XVIIIe
siède, comme une sorte de Terre Promise, pour laquelle ils ont combattu
et à laquelle ils restent attachés malgré la sécheresse cle ces dernières années,
la dégradation des parcours sous iYe$et au surpâturage et l’épuisement des
terres arables, dans l’espoir de jours meilleursi .
(1) Dans 1’Oudalan même, ce surnom s’applique exclusivement aux Imghad Oudalan
des CO&~S Oudalan-Liptako.
8
1
Le milieu physique
LE CLIMAT
9
- UNE SAISON SÈCHE ET FRAICHE de novembre à mars (appelée
tagrest en tamachek et dabboudé en fulfuldé), avec des minima nocturnes
parfois inférieurs à 6 OC et des maxima diurnes de l’ordre de 30 OC, une
amplitude diurne moyenne de l’ordre de 20,5 OC en février et une humi-
dité relative pouvant s’abaisser à 20% sous l’effet de l’alizé continental.
En outre, pendant cette période le phénomène de la brume sèche atténue
considérablement l’insolation.
- UNE SAISON SECHE CHAUDE de mars à juin (izuellin en tama-
chek, I(yédou en fulfuldé) caractérisée par une moyenne des maxima
supérieure à 41 OC en mai, des températures de 44 à 46 OC étant fréquem-
ment observées (maximum absolu de Dori, hors des limites de l’oudalan,
sous le 14e parallèle : 48 OC). Pendant cette période, l’humidité relative
est légèrement plus elevée (30% à midi en mai à DoFi), et le réchauffement
nocturne entraîne une nette diminution de l’amplitude diurne (1405),
cependant que l’alizé continental est relayé par l’harmattan.
- UNE SAISON HUMIDE de juin a octobre (a#%asa en tamachek,
doungou en fulfulde), caractérisée par une montée de l’hygrométrie pré-
cédant de plusieurs semaines les premières précipitations (humidité rela-
tive moyenne de Dori 52% en juin, 66% en juillet, 75% en août, 71% en
septembre), s’accompagnant d’une baisse sensible des températures maxi-
males qui sont alors de l’ordre de 35 OC.
La date moyenne de début de la saison des pluies est le 15 juin à
Gorom Gorom, mais les premières pluies ont un caractère extrêmement
localisé et s’accompagnent de violents « vents de sable» (appelés Tama&Zt
en tamachek) qui peuvent réduire la visibilité à quelques mètres, provo-
qués par de puissantes ascendances thermiques (G coup de haboob» (1) des
météorologistes).
Les averses sont d’intensité moyenne (maximum journalier observé
à Markoye 89 mm en août 1958) et 1e mois d’août reçoit en moyenne le
tiers des précipitations.
La date moyenne de fin de saison des pluies est le 10 septembre à
Gorom Gorom.
- UNE SAIBON RELATIVEMENT CHAUDE ET ENCORE HUMIDE de la mi-
septembre à la mi-novembre (appelée rarat en tamachek et dyamdé
en fulfuldé), marquée par une montée de la température, avec une
moyenne des maxima de l’ordre de 38 OC et une humidité relative encore
notable (35% à midi en octobre à Dori).
Le régime pluviométrique de I’Oudalan l’apparente à la région de
Tahoua par exemple, au Sahel nigérien, (moyenne pluviométrique de
Tahoua 396 mm) et à celle d’&oun el Atrouss dans le sud-est de la
10
Mauritanie (moyenne d”Aïoun 363 mm) pour prendre des points de
références suffisamment éloignés.
Ce fait mérite d’être souligné car c’est son caractère d’aridité qui
confère à cette région sa forte personnalité; géographique à l’intérieur
des frontières de la Haute-Volta, état de la zone « soudanienne>> par
excellence.
CRITÈRES D’APPARTENANCE
A LA ZONE SAHÉLIENNE
11
vertisols et sols gravillonnaires), à solonetz à structure columnaire, (sols
halomorphes à engorgement en période humide et dessication en période
à pluviosité déficitaire) ou à sols hydromorphes (notamment sur schistes
argileux sédimentaires (1)).
RELIEF - HYDROGRAPHIE
12
Les roches cristallines sont repr&entées par les granites post-tecto-
niques qui apparaissent en massifs bien individualisés dans la région
de Markoye à l’est, de Kolel au centre, et surtout de Déou à l’ouest,
où ils revêtent l’aspect caractéristique de chaos avec desquamation
et érosion en boule, ainsi que par des massifs gabbroïques (piton de
Tin Aïdjar 498 m et montagne de Kole1448 m) et enfin par des collines
quartzitiques appartenant aux formations du birrimien supérieur, à
l’est du méridien de Markoye.
Le passage à la zone sédimentaire infra-cambrienne est marqué dans
la topographie par des grés de base et des conglomérats quartzitiques
qui afleurent de façon discontinue au contact des formations cristal-
lines en une succession de reliefs allongés de 20 à 30 m de commandement
et d’orientation générale N-E - S-W, de 14050 à 14040 de latitude
(hauteurs de Tin Barkawan et In Taberbéré au nord de la mare de
Bangao, de Fiti au nord de la mare de Ganadaouri, etc.).
Cette zone sédimentaire est caractérisée en outre par la présence de
dolomies à stromatolithes, qui connaissent leur maximum d’extension
dans le nord-ouest de 1’Oudalan avec une épaisseur reconnue d’au moins
150 m, et par des schistes argileux redressés déterminant une série de
reliefs sur la rive nord du Béli (de l’aval vers l’amont : Illélétan, Tin
Tahatin, et a la frontière avec le Mali, montagne d’in Adjamba, 408 m).
Cependant la structure est fréquemment masquée par des cuirasses
et surtout par les formations éoliennes quaternaires.
« L’armature du relief est principalement constituée par des cuirasses
découvertes ou voilées d’une couche détritique, organisées en plans
inclinés rayonnant autour des collines rocheuses birrimiennes, mais non
moins largement répandues dans les régions granitiques ou sédimen-
taires (l)>>, cuirasses anciennes qui coiffent les plus hauts sommets cuiras-
sés (cuirasse bauxitique et cuirasse ferrugineuse pisolithique) et 2 cui-
rasses ferrugineuses conglomératiques (cuirasse supérieure et cuirasse
inférieure).
Mais l’aspect géomorphologique le plus remarquable de 1’Oudalan
réside dans l’extension des formations éoliennes récentes qui recouvrent
au total près de 30% de sa surface, et près de 50% de celle-ci au nord du
14040 de latitude.
Elles se présentent sous la forme de grands alignements dunaires étirés
d’est en ouest, dont la largeur peut varier de 1 à 2 km pour les simples
cordons dunaires tel celui de Bidi-Ménégou à une dizaine de kilomètres
dans le cas d’anciens champs de dunes complexes, par exemple entre les
mares de Sokoundou et de Bangao, à 40 km au nord de la localité de
Gorom Gorom. Les dénivellations maximales sont de l’ordre de 20 à
30 m avec un versant abrupt tourné vers le nord et une pente insensible
vers le sud.
13
Ces systèmes dunaires ont été mis en place au cours de deux épisodes
sahariens distincts, dont l’un remonterait à 22 000 ans BP, et l’autre
de 7 000 à 5 000 BP, séparés par une période humide lacustre.
Au premier épisode correspond l’erg ancien caractérisé par le manque
de vigueur de son modelé, aux ondulations à peine marquées et revê-
tant même fréquemment l’aspect de plaines de sable, particulièrement
dans le sud de I’Oudalan (environs de Gorom Gorom), lorsque l’érosion
hydrique a effacé le mode16 éolien. L’épaisseur de la couche de sable n’y
dépasse généralement pas 2 à 3 m.
Au deuxième épisode correspond l’erg récent au modelé beaucoup
plus accentué, présentant souvent des marques de remaniement actuel
(champs de dunes vives d’oursi), et dont l’épaisseur de sable est de
l’ordre de 7 à 10 m.
Les systèmes les plus importants ont généralement une topographie
confuse, ondulations de grande amplitude d’où émergent çà et là des
buttes sableuses arrondies (appelées Kcxygourouten ou Ticharen en
tamachek), et ils apparaissent en même temps criblé de petites cuvettes
fermées, d’origine hydrique, tandis que des dépressions allongées séparent
les différents cordons dunaires composant ces systèmes, l’ensemble pre-
nant parfois sur les photographies aériennes, où les bas-fonds sont souh-
gnés par une vegétation arbustive plus dense, l’aspect caractéristique
de la dune réticulée.
Enfin ces systèmes dunaires sont souvent percés de vallées consé-
quentes sub-actuelles, véritables cluses dans les sables, dont les exemples
les plus remarquables sont celles de Ganadaouri au nord-est de la mare
d’Oumi, et de Gandéfabou à l’ouest de cette dernière. Elles sont dési-
gnées par le terme d’adiora en langue tamachek.
Erg ancien et erg récent sont généralement imbriqués, le second s’étant
vraisemblablement formé à partir de matériaux in situ aux dépens du
premier au cours de la deuxième phase aride, par la reprise de transports
éoliens.
Il convient de souligner dè-J maintenant le rôle capital joué par ces
formations éoliennes dans le peuplement de 1’Oudalan et dans l’écologie
humaine et animale.
Les formations de l’erg ancien qui contiennent de 8 à 15% d’éléments
fins, argiles et limons, et ont un bon pouvoir de rétention hydrique,
représentent les seuls sols cultivables de 1’Oudalan et seraient exploités
à 70% environ.
Quant aux formations de l’erg récent qui ne contiennent que 4 à
6% d’éléments fins et où l’eau s’inhltre trop profondément pour pouvoir
être utilisée par le mil, elles sont en principe incultivables, mais consti-
tuent en revanche les réserves fourragères de saison seche à proximité des
points d’eau permanents. En effet et c’est là le point essentiel, les grands
cordons dunaires ont joué le rôle de barrages naturels favorisant l’appa-
rition de l’endoréïsme et par conséquent tous les points d’eau permanents
leur sont associés.
14
Quelques-uns de ces points d’eau présentent l’aspect de grandes
mares pérennes, nous entendons par là de mares susceptibles de conserver
une certaine quantité d’eau de surface résiduelle jusqu’à la fin de la
saison sèche (mare d’oursi, mare de Darkoye et, dans les années de
pluviométrie élevée, mare de Yomboli), mais dans la plupart des cas,
il s’agit de points d’eau permanents dans des mares temporaires. Celles-ci
tarissent en effet, mais après la disparition de l’eau de surface subsiste une
nappe alluviale, exploitée à partir de puits creusés dans le ht de la mare,
assurant l’alimentation en eau de la population et du bétail jusqu’à la fin
de la saison sèche (mares de Dibissi, Tin Aïdjar, Ganadaouri, Bangao,
Sokoundou, Beldiabé, N’Goungam, etc.).
Le remplissage des mares à la saison des pluies provoque l’éboulement
de ces puits (couramment appelés «puisards>> (1) en zone sahélienne),
qui doivent donc être recreusés tous les ans.
En règle générale les mares pérennes ou subpérennes sont alignées
sur la lisière méridionale des cordons dunaires, le sens général de l’écou-
lement dans 1’Oudalan étant SW-NE, c’est-à-dire qu’elles jalonnent en
fait les revers de dunes dont, nous l’avons vu, le front est toujours dirigé
vers le nord. Cependant, deux autres types de points d’eau pérennes,
toujours associés aux formations dunaires se rencontrent parfois : d’une
part des nappes alluviales au cœur des systèmes dunaires, jalonnant les
percées conséquentes comme celles que nous avons mentionnées, lorsque
celles-ci voient passer un écoulement annuel (puisards de Gandéfabou
kel Eaueb et de Gandéfabou-Djelgobé, par exemple, ou, plus à l’ouest, de
Gountouré Niénié), d’autre part des nappes de front de dune.
La présence de celles-ci s’explique par le fait que la nappe alhwiale
de revers de dune filtre parfois à travers l’épaisseur du cordon dunaire
pour ahleurer à la base du front de dune.
Le cordon dunaire se trouve alors jalonné par deux séries de points
d’eau, puisards de fond de mare à son revers et puisards captant la
nappe aftleurant à son front.
C’est le cas, par exemple, du cordon dunaire situé au sud-ouest de
Gorom Gorom, où les infiltrations de la mare qui s’étend en hivernage
de Ménégou à Tas§amakat au revers de la dune, déterminent la présence
d’une source pérenne à la base de l’abrupt, - particulièrement accusé -
de celle-ci, vers le nord, au pied du village de Bidi.
Les mares liées au phénomène d’endoréïsme représentent donc les
« points forts» du système hydrographique de l’oudalan, au point que
sous la plume des premiers administrateurs français du Cercle de Dori,
auquel 1’Oudalan a été rattaché administrativement jusqu’en 1965,
revient fréquemment l’expression de « région lacustre du Nord-Dori».
(1) Pour les distinguer des puits permanents, généralement beaucoup plus profonds
et fréquemment cimentés par l’administration.
15
Le niveau de base théorique de cette région est cependant la vallée
de l’dgachar ou Béli (1) à l’extrême nord, d’orientation générale nord-
ouest - sud-est.
Celle-ci dont la pente est insignifiante (238 m à Tin Akof, 234 m au
gué de Kabia à la frontière du Niger à 40 km en aval) présente tous les
signes de dégradation, caractéristiques de l’écoulement en milieu sahé-
lien : lit tronçonné par des seuils provoqués par l’alluvionnement, écou-
lement discontinu et intermittent en saison des pluies, chapelet de mares
temporaires ou pérennes.
Ce sont de l’aval vers l’amont : les mares de Kabia (pérenne), de
Oueldi, Tadambast, In Tangoumt et Ouassakoré (temporaires), de Tin
Akof (pérenne), de Tin Ghassan, Kacham, Korfooueyouey, Fadar Fadar et
Eraf n’Aman - dont le nom en Tamachek signifie « la tête de l’eau» -
(temporaires).
11 faut noter par ailleurs que la partie active du bassin versant du
Béli se compose essentiellement de ses émissaires nord, dont l’amont se
trouve en territoire malien : marigot de Menzourou se jetant à l’aval de
la mare de Tin Akof, In Ouboka (In Hobakar de la carte IGN à 1/200 000
feuille In Tillit) appelé aussi Diribangou, émissaire de la mare de Kacham,
et In Seloumane alimentant les mares de Fadar Fadar et d’Eraf n’Aman.
Ces 2 mares ont en effet un régime particulier, leur aval géographique
étant en réalité leur amont hydrologique : en raison de l’insignifiance de
la pente actuelle, la crue de 1’In Seloumane «remonte» la vallée du
Béli de Korfoouey-ouey à Fadar Fadar et Eraf n’Aman, et l’écoulement
ne s’inverse ensuite en direction de l’aval géographique qu’après que
ces 3 mares aient fait leur plein et pendant la courte période où les seuils
qui les séparent sont submergés, situation qui ne se retrouve pas néces-
sairement toutes les années.
Il y a donc une tendance marquée au tronçonnement définitif du
Béli dont les mares amont ne semblent plus devoir jouer en période de
sécheresse que le rôle de mares terminales de 1’In Seloumane.
Quant aux affluents sud du Béli situés dans I’Oudalan, la plupart
d’entre eux ne sont plus fonctionnels, leurs rares écoulements étant le
plus souvent absorbés par le sable.
(1) Agaehar étant le terme tamachek, variante locale du terme Erazer que l’on
retrouve dans 1’AÏ.r. et oui désiene un chanelet de mares. tandis crue Béli est l’annellation
perd, pluriel de « V?end&» & désigne ufne grande mare plus o; moins péren& *
Bien crue la dknomination Aaachar soit-la plus usitée localement E;tant donnée la
prééminence de la langue tamacbek surtout dan; le nord de l’oudalan, nous adopterons
pour la commodité de l’exposé la dénomination Béli qui est consacrée par les cartes IGN,
la toponymie ayant été: manifestement établie surtout avec l’aide d’informateurs
« poulophonesn. C’est ainsi que le point d’eau dénommé en peul Gountouré Niénié sur
les cartes, est appelé en tamachek ccIn Guitane», Oursi dans cette même langue se
nomme ccKobroun, Ganadaouri ccTin Hatan», Boulikessi « In Tagatenn, Férililio
« Amaoualu, etc.
Cependant pour d’autres points d’eau c’est la toponymie tamachek qui a été adoptée,
ainsi Bangao, Tin Edia (en réalité Tin Aïdjar) dont le nom peul est ccPéta», Eraf
n’Aman, Fadar Fadar, Kacham, Tin Ghassan, Tin Akof, etc.
16
Ainsi, il nous a été donné d’observer en juillet 1970, en un laps de
temps de 10 jours, 3 écoulements importants et exceptionnellement rap-
prochés de l’adiora de Gandéfabou. L’écoulement s’est prolongé chaque
fois pendant 24 heures la hauteur d’eau atteignant au maximum de la crue
î,5O m sur une largeur de 50 m environ, et le courant étant assez rapide
pour qu’un homme immergé jusqu’a mi-poitrine ne puisse lui résister.
En outre cet adiora décrivant une large courbe dans la traversée de la
dune de Gandéfabou-Kel Ewe], la rive concave, taillée dans un sable
compact avec niveau d’argile sous-jacent, s’écroulait par larges pans, à
grand fracas, sous l’effet du courant. Néanmoins, les deux premières
crues ne réussirent pas à atteindr,e la mare de Féririlio, distante seule-
ment d’une quinzaine de kilomètres vers le nord et seule la troisième
y parvint « à bout de souffle» mais ne la remplit que partiellement.
0~ cet adiora est un ancien émissaire du Béli et son tracé au-delà de
la mare de Féririlio, encore décelable dans la topographie et souligné
par la végétation arbustive, rejoint la mare d’Eraf n’Aman, mais ses
apports ont cessé de lui parvenir depuis sans doute fort longtemps.
LA VÉGÉTATION ET LA FAUNE
18
le bush ou fourré sahélien, difficilement pénétrable et qui prend fréquem-
ment l’aspect de « brousse tigrée», ainsi nommée parce que la végétation
s’y dispose en longues bandes sinueuses séparées par des surfaces dénu-
dées, évocant sur les photographies aériennes le pelage d’un tigre.
Les mimosées en sont généralement absentes et les essences domi-
nantes sont Pterocarpus lucens (alibonès en tamachek), Commiphora
africana, Grezuia bicolor (diédié en tamachek), Boscia senegalensis
(tadhant), qui colonise fréquemment les anciennes termitières, Com-
bretu,m micranthum (ezuan) et Maerua crassiolia (adar). Cette formation
appelée$nta en tamachek et lad& baléré (la brousse noire) en Peul, parti’
culièrement étendue dans la zone sédimentaire du nord de l’oudalan, ne
porte qu’une maigre végétation herbacée (où l’on note toutefois la pré-
sence de Pennisetu.m pedieellatum sous le couvert arbust?f), mais elle joue
un rôle important qui semble avoir été jusqu’ici largement sous-estimé,
comme pâturage arbustif pour les bovins en début d’hivernage et souvent
aussi en saison fraîche, apportant à ces derniers les protéines végétales qui
font défaut dans leur ration alimentaire de saison sèche. C’est surtout
le feuillage de Pterocarpus lucens qui est mis ainsi à contribution.
Les grandes mares pérennes OU sub-pérennes enfin, lorsque leurs
abords n’ont pas été entièrement déboisés, sont caractérisées par une
végétation climatique disposée en galeries ou en couronnes, dont l’essence
la plus remarquable par la taille et par son rôle de signal de présence
d’un point d’eau, aisément repérable à distance, est l’dnogeissus leio-
carpus (aharhara en tamachek), dont l’aspect évoque celui d’un bouleau.
Espèce également commune en zone soudanienne où sa présence n’est
point alors nécessairement liée à celle de l’eau, il nous a cependant été
donné de l’observer dans le Gourma, au Mali, jusqu’à la mare d’dzalem-
zalem, à 80 km au nord-ouest de la mare de Gossi, sous le 16e parallèle
et sous moins de 300 mm de pluviométrie moyenne annuelle. Son adap-
tation à l’aridité paraît donc supérieure à celle du baobab qui lui ne se
rencontre plus à cette latitude.
C’est à proximité des grandes mares sub-pérennes et notamment dans
la vallée du Béli, que l’on rencontre également Saluadora persica (tejak
ou tezak en tamachek) avec une affinité marquée pour les anciennes
termitières, Ziziphus mauritiana (tabakat en tamachek), le jujubier du
Isabel, dont les fruits font l’objet d’une cueillette, Bauhinia reticulata
(tafaralrat), Bauhinia rufescens (tédétni) et, en individus isolés souvent
de grande taille, tamarindus indica (basoso en tamachek), Celtis inte-
grifolia (siya) et Diospyros mespiliformis (takoy).
Les argiles de fonds de mares lorsque la densité d’animaux s’y abreu-
vant en saison sèche n’est pas trop élevée, portent parfois des boisements
denses à Acacia scorpioïdes (aïdjar) aux gousses légèrement pubescentes
utilisées pour le tannage des cuirs, et à Acacia nilotica, d’apparence très
voisine, mais dont les gousses glabres n’ont pas cette propriété. On y
observe aussi assez fréquemment Mitragyna inermis (tagalalt en tama-
chek) en particulier dans les fonds de mares et d’adiora à substrat sableux.
Enfin une végétation aquatique à Echinochloa stagnina, plus connu
sous l’appellation en langue songhaï de bourgou, qui constitue un pâtu-
rage inondé très recherché par le bétail, se maintient pendant une grande
partie de la saison sèche dans la mare d’0ursi et dans quelques mares
du Béli, ces dernières en outre recouvertes par les feuilles de Nymphaea
lotus (tikendi en tamachek) dont les bulbes font l’objet en début de
saison sèche d’une active récolte par les Bella, qui les consomment bouillis
et réduits en pâte.
Pour terminer cette brève analyse du milieu naturel de l’oudalan,
hous donnerons ici quelques indications sur la faune sauvage terrestre
dans un but strictement didactique, son importance économique pouvant
être considérée comme négligeable.
Parmi les ongulés sauvages, le plus commun est la gazelle rufifrons
(eddam en tamachek) localement assez abondante au nord de 14040 de
latitude, parfois forcée à la course par les sloughi (chiens lévriers) que
possèdent en assez grand nombre les Kel Tamachek, et dans ce cas
achevée à coups de lance et égorgée pour être consommée par le proprié-
taire des chiens, quand celui-ci parvient à les rejoindre avant la curée !
La gazelle dorcas est également présente dans la faune de I’Oudalan
mais beaucoup plus rare.
La gazelle dama, ou « biche Robert» (tinhert) à la face ventrale,
aux flancs et au cou d’un blanc pur, de beaucoup plus grande taille que
les 2 espèces précédentes, y est présente mais rare, circonscrite aux grands
systèmes dunaires à l’ouest, nord-ouest et sud-ouest de la mare d’Eraf n’
Aman.
Enfin, il subsisterait un troupeau relique d’hippotragues, à moins
qu’il ne s’agisse de damalisques, au nord de la mare de Tin Akof. Ces
animaux sont désignés par le terme tamachek d’achmoul.
Le phacochère (agangara en tamachekj, dont la chair n’est pas con-
sommée par la population, est assez commun dans la vallée du Béli.
Notons également la présence de l’oryctérope, ou fourmilier d’Afrique,
dont les larges excavations se rencontrent sur certaines dunes.
Parmi les carnassiers, le lion (aoukas en tamachek) se rencontre dans
la vallée du Béli où il gîte surtout dans les fourrés impénétrables des
émissaires de la rive gauche (In Seloumane, In Ouboka, Menzourou,
Sabelembalo). De mœurs essentiellement nocturnes dans ces régions, il
s’attaque assez fréquemment au bétail qu’il surprend la nuit au pâtu-
rage et en particulier aux chameaux.
D’autre part un certain nombre d’accidents de personnes lui sont
imputables presque tous les ans. C’est ainsi qu’un chef de fraction touareg
Kel es Souk de Haute-Volta nommé El Mahmoud a été tué en mars
1972 à la mare de Kacham par un lion qu’il avait blessé d’un coup de
fusil, et qu’une femme Magabouten (Peul de langue tamachek du Mali)
a été dévorée en 1973 .au nord de la mare de Fadar ,Fadar alors qu’elle
cherchait de l’herbe sèche pour confectionner des nattes.
20
La panthère (ouachil en tamachek) mérite d’être citée malgré sa
rareté parce qu’elle est probablement la à la limite de son aire écologique.
Il nous a été donné d’en apercevoir une, fait exceptionnel, et de jour,
au nord de la mare de Tin Ghassan, à la terre salée de Toumaouen.
Le guépard (ardu) partout rare en Haute-Volta existe dans l’Ouda-
lan : nous en avons rencontré un groupe de trois dans la brousse tigrée
au nord de la mare de Gountouré Niénié et un individu isolé à 20 km
environ à l’ouest de la mare d’Eraf n’Aman. Enfin, parmi les félins on
peut citer encore le serval (mayas (1) en tamachek) assez commun et
un chat sauvage, vraissemblablement Felis Zibyca.
Les hyènes sont très abondantes dans la moitié nord de l’oudalan,
petite hyène rayée (2) (Hyaena striata, Tinazal - « la rapide» - en
tamachek) et grande hyène tachetée (3) (Hyaena croeuta, tachourit en
tamachek). Cette dernière, contrairement à une opinion tenace, se nourrit
surtout de proies vivantes et peut commettre localement des dégâts
importants dans les troupeaux de bovins, n’hésitant pas à s’attaquer aux
animaux adultes qu’elle tue en les mordant au ventre. Au cours de la
saison sèche 1972-1973 l’une d’elles a même tué et dévoré un enfant bella
de 5 ou 6 ans qui s’était égaré de nuit dans la brousse tigrée à une dizaine
de kilomètres du forage « Christine », situé à une quinzaine de kilomètres à
l’ouest de la mare d’Eraf n’dman. Les traces relevées au matin près des
restes de la victime ne laissent subsister aucun doute Xquant au fait qu’il
s’agissait d’une grande hyène et non d’un lion.
Enfin on peut citer encore le chacal (ebeg) très commun dans la
brousse tigrée qui s’attaque parfois aux chèvres, le cynhyène ou lycaon
(teres en tamachek), rare, (4) et le renard pâle, Pulpes pullida (acha-
guech) extrêmement commun et dont les terriers minent le sol de cer-
taines dunes.
Tous ces carnassiers sont de mœurs nocturnes, et mis à part le chacal,
ne se rencontrent que très exceptionnellement de jour.
Parmi les ophidiens, les plus communs semblent être la vipère Echis
carinatus (tachilt ,en tamachek, vraisemblablement terme générique ser-
vant à désigner tous les vipéridés), et I’Eryx muelleri, serpent fouisseur
à la coloration orangée et noire, inoffensif, désigné curieusement par
les Kel Tamachek par le prénom féminin de Fadimata.
Notons encore pour les reptiles, la grande tortue terrestre, Testudo
(1) Il semblerait que ce terme mayas ou amayas désigne chez les Kel Tamachek
de l’Aïr, le guépard. Dans I’Oudalan, il est certain qu’il désigne le serval, et que le
guépard se nomme arda.
(2) et (3) Les Kel Tamachek appellent parfois la petite hyène, ou hyène rayée
Tin Ichadan, « celle des ânes», et la grande hyène, ou hyène tachetée, Tin Ewan, cccelle
des bœufs», la première espèce s’attaquant de préférence aux ânes et la seconde aux
bœufs.
(4) Nous ne l’avons jamais rencontré en plus de 7 ans de tournées dans I’Oudalan.
On nous a cependant signalé sa présence dans les brousses-tigrées au nord de Ganadaouri,
vers le lieu-dit In Teus. Chassant en meutes comme les loups, il a, auprès des Kel
Tamachek, une réputation de grande férocité.
21
su.Zca.ta, ou tortue à soc (efalras en tamachek) et le varan terrestre,
Vmanus exanthematicus (abaguen) l’un et l’autre consommés occasion-
nellement par les Bella.
Deux espèces animales enfin méritent une mention particulière, I’au-
truche (ana,hiZ) rare, que l’on rencontre parfois par petits groupes de 3
ou 4 individus dans les grands systèmes dunaires qui bordent la rive sud
de la vallée du Béli, et l’éléphant (~ZOU).
Il existe en effet un assez important troupeau d’éléphants sahéliens
qui séjournent en saison des pluies à la mare de Soum, à l’extrême nord
du Djelgodji et qui en saison sèche rejoignent la mare de Gossi, au Mali,
puis les étendues d’eau de la cuvette lacustre du Niger au sud de Tom-
bouctou, vraisemblablement les lacs Do, Garou, ou Niangay. Cependant
en hivernage certaines hardes pénètrent dans l’oudalan, en particulier
dans la région de Gountouré Niénié.
Toute cette faune est gravement menacée, moins par la chasse, peu
intense jusqu’à ces dernières années, que par l’augmentation de la popu-
lation et du cheptel qui la prive progressivement de ses zones refuges.
Aussi serait-il souhaitable que certaines de celles-ci, en particulier à
l’ouest de la mare d’Eraf n’Aman, soient érigées en réserves de faune sahé-
lienne, l’autruche et la gazelle Dama, notamment, n’existant nulle part
ailleurs en Haute-Volta.
22
II
IIistoire du peuplement
23
nuire à la clarté de l’exposé, de retracer dans ce chapitre les événements
qui ont présidé à leur pénétration dans I’Oudalan et à leur main-mise
politique sur cette région jusqu’à la conquête française.
24
selon une technique inconnue de nos jours dans cette région. Mais ces
vestiges appartiennent encore au domaine de la proto-histoire et la
tradition orale des Kel Tamachek est muette à ce sujet. Nous en avons
découvert une quinzaine (l), au cours d’une prospection systématique,
dans des sites apparemment dépourvus de toute ressource en eau aujour-
d’hui, et il en existe sans doute bien d’avantage.
25
creuser des puits au lieu-dit Gandéfabou-Kel Etvel où ils se trouvent
encore actuellement, il y aurait de cela une soixantaine d’années. Un
peu plus de 2 siècles se seraient donc écoulés depuis leur arrivée dans
l’sribinda et I’Oudalan.
Quant aux Iberzaz et aux Iboghanen, ils auraient fui à leur tour
le Hombori peu après les Kel Ewel, et passant par les mares amont du
Béli (Eraf n’Aman) et Oursi, seraient allés chercher refuge auprès des
Peul du Liptako où ils auraient séjourné quelques années, mais où il
ne semble pas que les Igouadaren soient venus les attaquer. Ils s’en
seraient ensuite retournés vers le nord, dans 1’Oudalan actuel, pour ins-
taller leurs campements autour du point d’eau de Férel à une quinzaine
de kilomètres au sud-ouest de la localité actuelle de Gorom Gorom.
Kel Ewel et Imghad Oudalan témoignent aujourd’hui d’une vieille
familiarité avec le monde peul. La connaissance du fulfuldé est extrême-
ment répandue chez eux et a même influencé leur langage.
L’arrivée de ces tribus vaincues, traquées, à la recherche d’appuis et
d’alliances, ne semble guère avoir inquiété, a l’époque, les populations du
Liptako ni les Peul et les Kouroumba du nord du Djelgodji et de l’Ari-
binda qui semblent les avoir bien accueillies.
(1) Il faudrait écrire Oudalen, mais l’usage s’étant établi d’écrire et de prononcer
Oudalan, nous conserverons cette graphie.
26
La graphie des recensements administratifs probablement influencée
par la prononciation peu1 n’est d’ailleurs pas conforme à la pronon-
ciation tamachek qui est « Alkasbaten>r.
Dès lors, il nous a paru évident que cette dénomination dérivait de
l’arabe « a1 kasban, la place forte, et signifiait vraisemblablement « ceux
de la Kasba» (1).
Nous avons donc entrepris une enquête historique auprès des membres
de cette tribu pour tenter d’élucider leurs origines et ils nous déclarèrent
en etl’et être d’origine« Maure» OU« Arabe>>, précisant que leurs lointains
ancêtres venaient d’une cantrée appelée Tafilalet, mais n’ayant plus à
l’heure actuelle que des notions extrêmement vagues sur sa situation
géographique, si ce n’est qu’elle se trouvait « vers le Aouza>r ou Haoussa,
c’est-à-dire dans le cas présent vers le nord, au-delà de la rive gauche (2)
du Niger !
Venus donc du Maroc oriental, leurs ancêtres auraient fondé une
kasba, place forte, à Bamba, sur la rive gauche du Niger à 200 km à l’est
de Tombouctou, y auraient vécu pendant plusieurs générations au milieu
des Songhaï devenus leurs sujets.
Beaucoup plus tard, les Songhaï de Bamba les auraient fait périr
par la noyade, en faisant chavirer leurs pirogues alors qu’ils essayaient
de fuir la ville en traversant le fleuve, pourchassés par « d’autres Arabes>>
avec lesquels ils étaient en guerre.
Les Songhaï n’auraient épargné que les jeunes enfants et leurs mères,
qui auraient alors tenu ceux-ci dans l’ignorànce du destin tragique de
leurs pères. On peut imaginer aussi que les femmes, confiantes dans la
générosité des vainqueurs ou simplement trop terrorisées pour fuir dans
de telles conditions, n’aient pas embarqué à bord des pirogues et soient
demeurées cachées dans la ville.. .
Quoiqu’il en ait été, quelques années plus tard, devenus des hommes
et des guerriers et ayant adopté la langue des Songhaï parmi lesquels ils
avaient été élevés, les fils des victimes de ce drame auraient à plusieurs
reprises combattu dans les rangs des Songhaï de Bamba pour repousser
les attaques de différentes tribus touareg dirigées contre ceux qui avaient
fait périr leurs pères, jusqu’au jour où parurent les Touareg Oudalan.
Ceux-ci, qui arrivaient alors de la région de Hombori, les trouvant
en face d’eux, leur auraient demandé abruptement : « Pourquoi protégez-
vous les meurtriers ,de vos pères ?» et comme ils demeuraient incrédules
ils auraient ajouté : « Dans ce cas interrogez-donc vos mères>>. Puis les
Touareg Oudalan auraient décidé de surseoir à l’attaque de Bamba
27
jusqu’à ce que les jeunes guerriers, ancêtres des Alkasseybaten actuels,
soient allés s’informer auprès de celles-ci.
Leurs mères auraient tout d’abord nié, par crainte d’une nouvelle et
grave effusion de sang, jusqu’au moment ou l’un des jeunes gens ayant
menacé sa mère de son propre poignard, elle lui eût avoué la vérité.
Ils seraient alors revenus clandestinement trouver les Oudalan qui
campaient aux portes de Bamba et, avec eux, auraient donné l’assaut
à: la ville, massacré la plus grande partie de la population songhaï n’épar-
gnant a leur tour que les femmes et les enfants, cependant que les Ouda-
lan razziaient le bétail pour leur propre compte. Après qu’ils eussent
ainsi accompli leur « vendetta», grâce à l’aide des Touareg oudalan,
ces derniers leur auraient proposé une alliance perpétuelle, scellée par
une libation de lait d’une chèvre noire : les Alkasseybaten, car tel devait
être désormais leur nom, quittaient Bamba à tout jamais en emmenant
en captivité les femmes et les enfants Songhaï que les Oudalan leur aban-
donnaient en toute propriété.
Les Touareg oudalan décidaient alors de s’en retourner dans le
Gourma avec le bétail razzié, 5anqués de leurs nouveaux alliés et de
la troupe de leur captifs.
« C’est à partir de ce moment-là disent les Alkasseybaten, que nous
sommes devenus des Imajaren>>, c’est-a-dire des Touareg guerriers.
Tels sont les faits que rapporte la tradition orale des Uasseybaten
et il nous a paru évident qu’elle se rattachait à l’épopée marocaine sur
les rives du Niger.
Après quelques recherches bibliographiques, nous avons relevé tout
d’abord le passage suivant du Tarikh es Soudan (1) relatif à la fondation
de la kasba de Bamba :
« Cette opération terminée, (2) le pacha -Mohamed ben Zergoun-rentra à Tom-
bouctou... Pendant le trajet, il s’était arrêté pour bâtir la Casbah deBenba dans laquelle
il installa une garnison qu’il plaça sous les ordres du caïd El Mostafa ben Asker.»
Ceci se passait en 1593.
Puis, relevant un passage d’un article d’Henri LHOTE dans un Bulle-
tin de 1’IFAN (tome XVIII, juillet-octobre 1956) intitulé : « Les Kel
Tademekket dans la région de Tombouctou» faisant référence au Tez-
kiret en Nizian, et nous reportant ensuite à cet ouvrage, nous y trouvons
la mention d’un conflit qui avait éclaté « dans la ville de Benba>r entre
le Caïd marocain El Harir et son cousin Qâder.. .
« Les Touareg Tadmekket s’étaient rangés du côté du Caïd El Ha&... Quant à son
frère Q&der et a la totalité des soldats marocains de Benba, ils avaient avec eux la
totalité des Touareg Oubli-Alen et aussi tous les Touareg du Gourma sans exception...
â er sortit donc de Benba avec ses soldats contre les Touareg Tademekket pour leur
I”,dr
1 combat . . . La bataille s’engagea dans un endroit nommé Aghendel... Les Tad-
28
mekket vainqueurs firent un grand carnage de leurs adversaires, et peu s’en fallut qu’ils
ne les exterminassent jusqu’au dernier...
« Quant aux Touareg Ouldi-Alen ils ne résistèrent pas à l’attaque. Ils tournèrent le
dos, lancèrent leurs chevaux dans le fleuve et s’enfuirent en faisant nager leurs montures
sur les .eaux... Un certain nombre d’entre eux réussit à s’échapper... Bien peu de soldats
de Benba échappèrent à la mort.» (P. 81-93 passim).
11 importe de noter ici que l’appellation « Ouldi-Alen» ou plus exac-
tement « Ouled Dalen» est une corruption arabe de l’ethnonyme Oudalen
et que c’est encore ainsi que les Maures Kounta désignent cette tribu,
la syllabe initiale « Oud» étant entendue par eux « Onld» ou « Ouled»,
qui signifie « les gens» en dialecte Hassaniya, et ce terme se retrouvant
dans la plupart des noms de tribus maures : Ouled Bou Sbaa, Ouled
Bahali, etc.
Ces événements se sont déroulés en 1726, soit 133 ans après la fon-
dation de la Kasba de Bamba.
Ces textes nous paraissent donc largement corroborer la tradition
orale des Alkasseybaten du moins en ce qui concerne la première partie de
celle-ci : fondation d’une Casbah à Bamba par des « Arabes» venus du
Maroc, conflit ayant éclaté dans cette ville entre ces mêmes « Arabes»
et ayant entraîné la quasi extermination d’une partie d’entre eux. En
outre, il est fait mention, dans le Tezkiret-en-Nizian de la part prise par
les Touareg oudalen à ce conflit, or si les Alkasseybaten passent ce fait
sous silence, la réapparition des Oudalan quelques années plus tard et le
rôle décisif qu’ils auraient joué dans la « vengeance» exercée par les
ancêtres des Alkasseybaten sur les habitants de Bamba, ne nous paraît
pas .un événement fortuit, mais bien au contraire directement hé à la
part prise par les Oudalan au conflit initial ayant opposé le Caïd Qâder
au Caïd El Harir. Le fait que ce soient les Oudalan qui aient « appris»
aux ancêtres des Alkasseybaten qu’ils protégeaient les meurtriers de
leurs pères nous paraît significatif a cet égard.
Les Alkasseybaten seraient donc, dans cette hypothèse, les descen-
dants des partisans du Caïd Qâder désignés par l’expression« soldats de
Benba» dans le Tezkiret-eV-Nizian et dont il ,est dit simplement que
«bien peu échappèrent à la mort».
Ils seraient donc bien d’origine marocaine, voire hispano-marocaine,
puisqu’il semble admis par les historiens (et notamment par M. Joseph KI
ZERBO dans son Histoire de l’Afrique Noire (1)) que l’armée marocaine
était composée en majorité de mercenaires «renégats» originaires de
la péninsule ibérique et même de toute la Chrétienté méditerranéenne...
Ce fait nous paraît d’autant plus important que l’on considère en
général que les envahisseurs hispano-marocains se sont peu à peu fondus
dans la population songhaï, où ils prenaient femmes, leurs descendants
(1) Joseph KIZERBO, Histoire de Z’Afiique Noire, Hatier, Paris, 1972, p. 198 :
« Des mercenaires européens.. . vinrent s’engager dans le corps expéditionnaire. Sur
4 000 hommes de troupe au départ, il n’y avait que 1500 Marocains.»
29
constituant ce que l’on appelle aujourd’hui les « Armas » de Tombouctou,
Bamba et Gao, caste particulière de la société songhaï. Or, dans le cas
des Alkasseybaten, il semble bien que nous soyons en présence du seul
groupe de descendants de ces mêmes soldats hispano-marocains qui aient
dfi opter pour la société Kel Tamachek et le genre de vie nomade, et qui
aient ainsi largement préservé leur identité ethnique, fait passé inaperçu
jusqu’ici.. .
Le moins curieux de l’affaire n’est pas que ce soit la Haute-Volta,
État sans frontière commune avec les pays du Maghreb, qui soit aujour-
d’hui la patrie de ces lointains descendant5 des guerriers de Djouder et
du Sultan Moulay Ahmed Ed Déhébi qui traversèrent le Sahara avec
cuirasse5 et mousquets.. .
Cependant il n’est fait nullement mention, dans le Tezkiret-en-Nizian,
de la part qu’auraient prise les Songhaï de Bamba au massacre des
partisans du Caïd Qâder en les faisant périr par la noyade, ni de la ten-
tative de fuite de ces derniers à travers le fleuve. Mais il pouvait ne s’agir
que d’une poignée de survivants, s’efforçant de rejoindre leurs alliés
Oudalan qui avaient réussi à atteindre la rive Gourma « en lançant leurs
chevaux dans le fleuve>>, épisode mineur, somme toute, dans cette affaire,
et passé inaperçu du chroniqueur. Par ailleurs il n’est pas invraisemblable
que dans un tel contexte, une partie des Songhaï de Bamba aient vu
là 1”occasion de se concilier les bonnes grâces du Caïd El Harir vainqueur,
tout en se débarrassant d’« occupants>> avec lesquels il5 ne vivaient sans
doute pas toujours en bonne intelligence.
Nous en somme5 ici réduits aux conjecture5 et le Tezkiret-en-Nizian
est muet sur le sac ultérieur de Bamba par les Touareg oudalan et sur la
vengeance de5 rejetons présumés des partisans du Caïn Qâder.
Quant aux Oudalan, ils seraient, d’aprbs Henri LHOTE « une des plus
anciennes tribus de la Boucle», et de fait, ils déclarent même être à
l’origine de la naissance de Tombouctou dont le nom viendrait en réalité
d’une de leurs captives qui tannait des peaux de chèvres au bord du
Niger pour confectionner les pagnes de cuir, appelées iboukaten en tama-
chek, que portaient autrefois les Tiklatin (femmes « iklan» ou femmes
« bella>r comme l’on dit plus couramment). Cette femme aurait été sur-
nommée Tin-Ibou.katen, « celle aux pagnes de cuir», et ce nom aurait
également désigné l’endroit où elle avait vécu, et par déformation aurait
donné ensuite Tombouctou ou plus exactement Tinbouctou.
Nous versons cette étymologie au dossier de l’histoire de l’antique
métropole de la Boucle du Niger, et notons au passage que des Songhaï
et des Maures étant venus s’installer en ce lieu, les Oudalan prélevaient
sur eux un tribut qu’ils venaient percevoir tous les ans en fin d’hiver-
nage. A cette occasion, les premiers habitants de Tombouctou leur dres-
saient des tentes de tissu bleu, comme celle5 qu’utilisent encore aujour-
d’hui les Maures, et de là viendrait le nom de cette tribu « Kel ehanan
Oudalan>>, « ceux des tente5 bleues>>. Les Touareg n’utilisant pas ce type
de tente5 mais des tentes de cuir teintes en ocre, c’était là par conséquent
une appellation flatteuse puisqu’elle perpétue le souvenir de leur ancienne
suzeraineté sur Tombouctou.
30
La tradition orale des Oudalan nous a paru cependant plus imprécise
que celle des Alkasseybaten pour tout ce qui touche aux événements
immédiatement antérieurs à leur raid sur Bamba, mais ils se souviennent
que leurs ancêtres ont été longtemps en guerre contre les Kel Tademekket
notamment dans la région de Bamba, et qu’après une sévère défaite,
mais dans des circonstances qu’ils semblent incapables de préciser, il5
sont allés se réfugier dans le Hombori à Wami, où ils sont demeurés
quelques années, razziant les Peu1 de la région de Boni.
Or Henri LHOTE, dans l’article que nous avons cité, écrit en se réfé-
rant toujours au Tezkiret-en-Nizian, que les Touareg « Ouldi-Alen>r
pillèrent vers 1730 les Peul de la région de Hombori, et en particulier le
campement du Chef Ma’n-al-al Foulâni. Nous reportant une fois de plus
à cet ouvrage nous relevons en effet à la page 211, la phrase suivante :
«Vers cette époque nous apprîmes que les Touareg Ouldi-Alen avaient attaqué
Ma’n-al-el-Foulâni et causé de grands dommages dans son campement.,)
Ceci se passait donc quatre ans après qu’ils se soient fait étriller à
Bamba.
Nous retrouvons donc là, à nouveau, une concordauce remarquable
entre la tradition orale, celle des Oudalan dans ce cas, et le Tezkiret-
en- Nizian.
Par ailleurs, en ce qui concerne la mise à sac de Bamba et la « ven-
detta>> des ancêtres des Alkasseybaten contre les Songhaï, les Oudalan en
donnent la même version que les Alkasseybaten, mais ni les uns ni les
autres n’ont conservé le souvenir du nom de Qâder.
Il n’est donc pas invraisemblable de supposer qu’ayant retrouvé
quelque assurance après plusieurs années de fructueuses razzias chez les
Perd et mus par un désir de revanche contre la population de Bamba qui
avait prêté main-forte, semble-t-il, à leurs adversaires, les Oudalan aient
fait un retour offensif sur cette ville, et que, s’y trouvant en présence de
quelques jeunes guerriers hispano-marocains fils des partisans de leur
ancien allié Qâder, ils les aient persuadés de faire cause commune avec
eux. Quoiqu’il en soit, les Alkasseybaten, tribu qui compte environ
130 personnes aujourd’hui se distinguent des autres tribus Touareg par
bien des traits qui leur sont propres.
L e p 1us étonnant est qu’ils constituent un groupe endogame sans
pour autant donner l’impression d’une quelconque dégénérescence consé-
cutive à la consanguinité comme on pourrait l’imaginer, tandis qu’ils
ont conservé le plus souvent un type physique très « méditerranéen».
En effet, ils ne peuvent en principe contracter de mariage avec les
autres tribus Touareg parce qu’ils suivent la règle patrilinéaire de filiation
et de dévolution des biens, alors que traditionnellement, dans la société
Kel Tamachek c’est le système matrilinéaire qui est en vigueur. Bien
que celui-ci soit maintenant battu en brèche sous l’influence de l’Islam
et que le système patrilinéaire semble gagner du terrain, les anciens
interdits demeurent. Cependant, après leur fuite de Bamba en compagnie
31
des Oudtilan, ceux-ci leur auraient permis d’épouser leurs mes, mais
ces unions ne se seraient plus renouvelées aux générations suivantes...
Les Alkasseybaten bien que se disant Imajaren n’appartiennent donc
en fait à aucune des classes de la société Kel Tamachek ; ils sont consi-
dérés comme une tribu guerrière et noble mais sans être poux autant
de véritables Imajaren, puisqu’ils sont frappés d’un interdit de mariage
avec ceux-ci.
Enfin, ils usent plus volontiers entre eux de la langue songhaï que
du tamachek, qu’ils parlent cependant, et ne connaissent plus l’arabe,
dont ils disent qu’il fut la langue de leurs ancêtres.
32
ses habitants, cultivateurs sédentaires déclarent en effet descendre des
Songliaï de Bamba jadis amenés de force par les Alkasseybaten et parlent
toujours, en plein pays Peul, la langue songhaï.
Les Alkasseybaten seraient ensuite retournés vers le nord dans « l’ou-
dalan», oh les Oudalan Imajaren qui venaient d’y pénétrer à leur toux
et de s’installer au lieu-dit Beïga à une vingtaine de kilomètres au nord
de Gorom Gorom, réclamaient leur présence auprès d’erm.. .
Les années suivantes virent alors l’arrivée dans 1’0udalan de toutes
les tribus Touareg que l’on y rencontre aujourd’hui et dont nous donnons
la nomenclature par catégories socio-etnique dans le tableau ci-après.
Touareg de I’Oudalan
(Illelan)
Localisation
Classe Tribu actuelle Observations
33
Il serait de peu d’intérêt pour la suite de notre propos d’entrer dans
le détail des circonstances de l’arrivée de ces difl%rentes tribus dans
I’Oudalan et nous n’avons que trop empiété jusqu’ici sur le domaine de
de l’histoire.
D’autre part nous ne disposons pour la plupart d’entre elles que de
données fragmentaires, douteuses ou contradictoires, n’ayant en aucune
façon mené d’enquête historique systématique.
Il convient cependant d’insister sur le fait que la tribu des Oudalan
Imajaren, dont il est impossible d’apprécier quel pouvait être l’effectif
à cette époque lointaine, mais qui ne devait guère représenter plus de
quelques famille s, entraînait dans son sillage une masse considérable
de captifs, ou Man, et aussi de Peul Gaobé qui avaient la charge de ses
troupeaux tout en conservant un statut d’hommes libres. Il en allait
de même pour les Alkasseybaten.
De plus, en même temps que les Oudalan, d’autres Imajaren, les
Idamossen (1) avaient pénétré dans le Gourma et ayant rencontré les
Oudalan et les Alkasseybaten alors qu’ils se trouvaient à Dongo, auraient
noué avec eux - une fois n’est pas coutume ! - des relations de bon
voisinage. Apres que les Oudalan et les Alkasseybaten eussent dû battre
en retraite une fois de plus devant les Kel Tademekket jusqu’à Fombalgo,
les Idamossen, sans toutefois avoir pris part au conflit, les y auraient
accompagnés, et auraient ensuite franchi le Béli en même temps qu’eux,
avec leurs captifs et des Peul Gaobé dont ils utilisaient aussi les services.
Enfin les Oudalan avaient noué des liens d”interdépendance dans le
domaine spirituel et politique avec une tribu maraboutique du Gomma,
les Kel Takarangat, issus, semble-t-il des Chioukhane (2).
Les Kel Takarangat n’allaient pas tarder à emboîter le pas à leurs
protecteurs, suivis de leurs Iklan, d’anciens serfs affranchis et guerriers
appelés Iderfane, et de deux tribus d’Imghad vassales dont l’une est
connue sous la dénomination imprécise d’« Imghad Me1 es Souk>>, ce
qui n’a d’autre signification en tamachek que « vassaux des marabouts»,
et l’autre, numériquement plus importante, celle des Itaboten qui tenait
sous sa coupe un nombre appréciable d’Ik.lan.
Ainsi, peu à peu, dans les dernières années du Xv@ siècle, se mettait
en place le dispositif Kel Tamachek dans l’oudalan.
11 allait être complété, dans le courant du XIX~ siècle par l’arrivée
d’une tribu d’Imghad guerriers les Iwarawaragen, ou Warag-warag (3),
apparentés aux Imededran de Gossi, les seuls, il faut le noter, à ne jamais
devoir reconnaître la suprématie des Oudalan.
C’est qu’en effet s’organisait dans 1’Oudalan une véritable confédé-
ration de tribus à caractère politico-religieux, confédération ayant à sa
tête les Oudalan Imajaren qui détenaient le tobol, tambour de comman-
dement, et qui avaient l’initiative de la guerre.
34
Le tobol des Oudalan rassemblait donc, outre les Kel Zingui, avec
lesquels on peut considérer qu’ils formaient une seule tribu, les Alkas-
seybaten, les Idamossen, les Kel Takarangat qui bien que« Kel es Souk>>
participaient fréquemment aux expéditions guerrières, les Imghad Ouda-
Ian, ci-devant Iberzaz ou Iboghanen, les Itaboten, les Imghad Kel es
Souk et l’infanterie « Bella» : iklan Oudalan, iklan Kel es Souk, iklan
Itaboten, Iderfane, etc.. . Tous dits communément d’ailleurs iklan win tobol
c’est-à-dire « captifs du tambour de guerre>> ou captifs guerriers.
Seuls les Kel Ewel, aux confins de 1’Oudalan et du Bjelgodji demeu-
raient en marge, n’ayant manifestement aucune vocation guerrière et
leur appui n’étant même pas solicité.
Cependant au nord, dans la vallée de l’bgachar, ou Béli, les Iwara-
waragen possédaient leur propre tobol pour battre le rappel de leurs
troupes, composées d’Iklan guerriers, d’affranchis, et de Peul targui&
les Warag-Warag Gaobé. Ils représentaient donc une puissance politico-
militaire autonome mais qui n’entra jamais en conflit ouvert avec celle
des Oudalan.
Enfin, sans doute à la même époque que les Iwarawaragen, au début
du XIXe siècle, mais dans des circonstances que nous ignorons, arrivaient
encore dans l’oudalan deux autres tribus, l’une d’Imghad, les Ilcouba-
raden (l), l’autre de Kel es Souk, les Kel Bara, les uns et les autres entrant
également dans la mouvante des Oudalan Imajaren.
Les années qui précédèrent l’arrivée des Français dans le pays furent
marquées par des incursions des Ioulliminden venus de la région de
Ménaka et alliés aux Logomaten de Téra. Les Oudalan Imajaren durent
payer tribut aux Ioulliminden cependant que les Alkasseybaten s’y
refusaient, ce qui aurait entraîné le massacre par traîtrise d’un certain
nombre de leurs notables par les Ioulliminden avec la complicité au
moins passive des Oudalan imajaren. Il en aurait résulté un froid durable
dans les relations entre Oudalan et Alkasseybaten...
Cependant, les Peul du Liptako commençaient à s’inquiéter, semble-t-
il, de cette poussée des Kel Tamachek à leurs portes : c’est qu’en effet
1’Oudalan cessait désormais d’apparaître comme ce no man’s land, cette
zone-tampon entre d’une part le monde sédentaire peul, et même mossi,
des confins sud de I’Aribinda, et d’autre part le Gourma septentrional
parcouru depuis des temps immémoriaux par les tribus touareg guer-
rières, à la réputation redoutable, les « Safambe>r, c’est-à-dire les « Ima-
jarenjr en fulfuldé.
En 1827 donc, selon L. DELMOND, in ‘( Dori ville Peule “, 1’Émir du.
Liptako Salou Bi Hama, envoyait une armée vers le nord où elle rencon-
trait les Touareg à la mare de Kissi à 20 km au nord-nord-est de la
localité actuelle de Gorom Gorom :
(1) Les Ikoubaraden auraient été à l’origine des imghad des Ioulliminden avant de
passer sous la coupe des Oudalan.
35
« . ..sombre page de l’histoire du Liptako, écrit P. DELMOND,les guerriers perd échappés
au massacre se replièrent précipitamment sur Dori. Le pays du nord qui devait à partir
de ce moment-là prendre l’appellation d’oudalan du nom de la tribu conquérante
tombait définitivement sous la domination touarègue.. . »
Désormais, 1’Émir du Liptako devait payer un tribut annuel aux
Oudalan Imajaren de 2 chevaux et 60 pagnes du Haoussa, cependant
que les villages peul et rimaïbé du Liptako étaient diversement taxés
et en cas de refus, razziés.
L’installation d’un poste militaire français à Dori en 1895, par le
capitaine Destenave quatre ans après la signature, en 1891, d’un traité de
protectorat entre 1’Émir Bokar et le capitaine Monteil, ne devait pas
refroidir l’ardeur guerrière des Oudalan et de leurs alliés, qui« envoyaient
fréquemment vers le sud des groupes qui razziaient les populations
sédentaires Perd et Mossi>> (1).
En 1916 enfin, ayant réalisé sous leur égide l’« union sacrée» de toutes
les tribus du Gourma contre les Français, MOHAMED AHI+~ED, Chef des
Kel Takarangat, les «marabouts>> des Oudalan, et MOHAMADOU AG
OTTAM amenokal des Oudalan, engageaient l’épreuve de force avec les
militaires français.
Les Touareg Oudalan en effet, venaient piller Dani, village peul aux
portes de Dori, ce qui constituait, pour la garnison française de Dori
une provocation évidente, et une colonne commandée par le Capitaine
FOURCADE se lançait à leur poursuite. Après un premier violent accro-
chage au heu-dit Tin Alabak aux environs de la localité actuelle de
Gorom Gorom, les Touareg décidaient de livrer bataille aux Français
à la mare de Yomboli, le 2 juin 1916. Ce devait être un sanglante baroud
d’honneur 9> :
«Les cavaliers Tenguéréguédech, Logomaten, Oudalan et quelques Kel Gossi,
chargèrent le carré avec leur impétuosité habituelle. Les Bella armés de sagaies suivaient
en masse derrière les cavaliers en se couvrant de leurs boucliers... Tandis que les cava-
liers étaient décimés et se dispersaient, les Bella allaient de l’avant. Mais les grosses
pertes qu’ils subirent avant d’avoir pu arriver à portée utile de leur arme de jet les
démoralisèrent. Ils lâchèrent pied et s’enfuirent vers Oursy» (2). .
Le souvenir du combat de Yomboli est encore vivant dans la mémoire
des Kel Tamachek de l’oudalan.
Nous en avons entendu le récit chanté par un griot des Iwarawaragen
s’accompagnant de la Takamba, la guitare touareg, qui disait notam-
ment ceci :
L’ « Oudal (3) lorsqu’il se met en colère
son sang ne se refroidit pas jusqu’à ce qu’il ait ôté In vie à quelqu’un,
. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
mais à Yomboli où les cavaliers tombaient
comme si des puits s’étaient ouverts sous les pieds de leurs chevaux
(1) Colonel MANGEOTet Paul MARTY, 1921, « Les Touareg de la Boucle du Niger».
Bulletin du Comité #Etudes historiques et scienti$ques de l’A.O.F.
(2) Colonel MANGE~Z+ et Paul h”LIRTY, op. cit.
(3) Singulier de cc Oudalann.
36
les Imajaren ont appris que la lance et la takouba (1)
sont sans force contre les fusils.
Le rapport (2) du capitaine FOURCADE en date du 10 septembre
1916 mentionne que 9 960 cartouches « modèle 1886 à balles D99 et 1408
cartouches « modèle 187499 furent tirées au combat de Yomboli soit un
total de 10 368 cartouches, ce qui peut donner une idée de l’acharnement
de la bataille...
Après la bataille, on aurait dénombré plus de 200 cadavres de «Blancs»
c’est-à-dire de Touareg. Quant aux Bella dont la détermination était au
moins égale à celle des Touareg, il n’est pas fait mention de leurs pertes,
mais elles ont du s’élever à plusieurs centaines de morts. Au total, il
n’est pas impossible qu’entre 500 et 1000 Kel Tamachek aient trouvé
la mort à Yomboli si l’on considère la quantité de munitions utilisées,
tandis que 6 ou 7 tirailleurs seulement auraient été atteints par les
sagaies.
C’en était fait de la suprématie des Imajaren. Dans les jours suivants,
les chefs des principales tribus faisaient leur soumission aux Français.
Après un tel désastre, MOHAMADOU AG OTTAM était déposé par ses propres
guerriers et c’est son neveu FELLANE AG OGAZ devenu chef à sa place
qui négociait avec le capitaine FOURCADE la reddition des Oudalan.
Ceux-ci se voyaient infliger une amende de guerre « égale au montant
de l’impôt d’une année» et devaient verser en outre des indemnités
diverses «pour déprédations et assassinats commis». Quant à MOHAMADOU
AG OTTAM, laissé tout d’abord en liberté, «il suscita mille di&ultés 6
son successeur et $t même répandre le bruit qu’il reprendrait bientôt sa
place»... (3). Il fut alors arrêté et déporté à Soubré, Côte d’ivoire, par
décision du Gouverneur Général de 1’A.O.F. en date du 10 juin 1917,
et y mourut quelques années plus tard.
37
Quoiqu’il en soit, ce terme n’est pas usité dans la Boucle du Niger,
et ceux que l’on appelle aujourd’hui en français « Touareg», c’est-à-dire
les éléments « Blancsn de la société Kel Tamachek, se nomment eux-
mêmes « Illelan>>.
Les Illelan, sont donc les Imajaren, les Imghad, les Kel es Souk ou
marabouts (appelés Eneslemen dans 1’Aïr et chez les Touareg sahariens),
les Ihayawan, sorte d’Imghad vassalisés par des tribus d’Imghad guerriers
- des Imghad « au 2e degréa en quelque sorte - et enfin les Inadan,
forgerons, artisans du bois et du cuir, et griots.
Quant aux « captifsz ou Iklan, appelés Bella par les Songhaï, ils
représentent en fait la grande majorite du peuplement Kel Tamachek
dans I’Oudalan où la proportion est d’environ 10 pour 1 (28 000 Iklan
pour 2 700 Illelan).
La première difficulté que l’on rencontre lorsque l’on entreprend de
pénétrer le monde des Iklan est celle de la signification même de ce
terme, parfois traduit de façon quelque peu sommaire en français par
« esclaves 99.
La réalité était infiniment plus complexe comme nous allons le voir,
et seuls les captifs razziés depuis moins de trois ans pouvaient être vendus
par celui qui les avait capturés et avaient donc momentanément un
statut d’esclaves comparable à celui des esclaves des colonies de plan-
tations des Amériques par exemple.
Cette règle de trois ans s’appliquait également à l’acquéreur d’un
captif vendu par son premier maître avant l’écoulement de ce délai :
que le captif ainsi acquis pas& trois ans chez son nouveau maître, et
celui-ci ne pouvait plus le vendre.
Théoriquement, dans ce système, un captif pouvait changer plusieurs
fois de mains, mais a la condition de passer chaque fois un temps infé-
rieur à trois ans chez ses différents maîtres successifs.
Razziés le plus souvent par les tribus d’Imajaren et d’Imghad guerriers
chez les Songhaï et plus tard chez les Kouroumba et les Mossi de l’Ari-
binda - mais jamais chez les Peul - les captifs étaient parfois acquis
par des tribus non guerrières comme les Kel Ewel ou les fractions d’Ihaya-
wan et d’Inadan, qui donnaient en contrepartie des têtes de bétail : un
jeune captif ou une jeune captive, indifféremment, était échangé contre
10 génisses de 2 i 3 ans. Mais la plus grande partie d’entre eux n’étaient
pas vendus et demeuraient la propriété de leur premier maître.
Il faut ajouter aussi qu’avant même l’écoulement de ce délai de trois
ans, le captif ne pouvait plus être vendu dès lors qu’il avait contracté
mariage. Ce pouvait être avec une captive de son maître, ce qui supposait
l’accord de celai-ci, mais il pouvait aussi, passant outre a l’opposition
de son maître, épouser la captive d’un autre, dans le campement duquel
il allait alors s’établir et à qui il appartenait désormais, sans que son
maître « légitime» pût prétendre à la moindre compensation.
Par ce biais, et en contractant des mariages successifs, un captif
pouvait donc théoriquement changer de maître à sa guise, aussi les
Illelan s’efforçaient-ils de conserver leurs Iklan en s’abstenant de les
maltraiter et en leur procurant une épouse parmi leurs propres captives.
38
D’autre part, la majorité des Iklan de 1’0udalan avaient, nous l’avons
vu, le statut d”Iklan zuin ettobol,« captifs du tambour de guerre», appelés
encore « Bella indépendants».
C’étaient en fait des tributaires, cultivateurs et guerriers qui accé-
daient le plus souvent d’emblée à ce statut dès qu’ils avaient fondé un
foyer et par le jeu de leur expansion démographique.
11 existe en effet une autre catégorie d’Iklan appelés « Itatrachen99
qui sont les captifs de tentes, recensés autrefois par YAdministration
coloniale sous la rubrique « serviteurs99. Ceux-là vivaient, et quelques-
uns vivent encore, en étroite symbiose avec les Illelan, dans les campe-
ments de ces derniers, se livrant aux besognes domestiques : surveillance
du petit bétail, traite des vaches et des chèvres, pilage du mil, ravitail-
lement en eau, etc.
Nous ignorons dans quelles circonstances ou selon quels critères s’est
opérée à l’origine la sélection entre Itatrachen et Ik2an win ettobol, mais
la disproportion numérique entre Illelan et Iklan a dû être très vite telle
que les Illelan ne pouvaient qu’inciter la majorité de leurs Iklan à mener
une existence autonome, rendue possible dans 1’Oudalan par des con-
ditions climatiques autorisant la culture du mil.
Par ailleurs, les Iklan win ettobol ne devaient pas tarder à se procurer
du bétail, soit en conservant une partie du croît d’animaux qui leur
étaient momentanément prêtés par les Illelan, soit en en acquérant par
échanges d’excédents de mil avec ces derniers.
En effet, contrairement à l’opinion courante, les Iklan pouvaient
être propriétaires de petit bétail et même de bovins, les Illelan ne préle-
vant qu’un tribut annuel ainsi fixé :
39
Ce dernier point mérite d’être souligné car il ne pouvait qu’inciter
les Iklan à se ménager une marge de sécurité suffisante en mettant en
cultures de grandes superficies pour ne pas manquer de mil dans les
mauvaises années, après que les Illelan aient prélevé leur part de la
récolte.
Certains groupes d’Iklan connurent très vite semble-t-il une pros-
périté telle qu’ils se portèrent à leur tour acquéreurs.. . de captifs !
11 y aurait donc dans l’oudalan de nombreux « Iklan d’Ik.lanz, et
chez les Kel Tamachek du sud de I’Oudalan on nommerait parfois
« Belladio» (qui est la forme peul de Bella) un descendant d’Iklan ayant
possédé des captifs et on réservait le terme d’« Akliz au descendant de
ces derniers !
Ce fait illustre bien la complexité sociologique de la société Kel
Tamachek et particulièrement de la classe des Elan.
On trouvera dans le tableau ci-après la liste des tribus ou fractions
Iklan de 1’Oudalan avec leur localisation habituelle en saison sèche et
en début d’hivernage, c’est-à-dire le point d’eau et les terrains de culture.
Pour certaines d’entre elles le rattachement aux tribus Touareg,
dont elles dépendent traditionnellement, est évident, puisqu’elles portent
le même ethnonyme précédé de la mention Elan (Elan Oudalan, Iklan
Itaboten, etc.).
Pour d’autres, au contraire, la mention Iklan a disparu et il s’agit
dans ce cas le plus souvent d’anciens captifs de Touareg du Gourma
septentrional ou même de Touareg sahariens, ayant fui leurs anciens
maîtres dont ils se sont appropriés I’ethnonyme, et devenus pour la
plupart tributaires des Oudalan Imajaren, certains étant arrivés en
même temps qu’eux, d’autres à une époque plus récente.
C’est le cas notamment des « Ichagarnine», en réalité à l’origine
Iklan Ichagarnine (captifs des « Hommes rouges>> (l)), des « Iforas»,
anciens captifs des Touareg Iforas, et même des « Kel Tafedest» qui
portent le nom d’une tribu d’Imajaren du Hoggar et qui étaient devenus
guerriers au point d’effectuer des razzias pour leur propre compte, seul
exemple à notre connaissance d’Iklan s’étant procuré des captifs non
par acquisition mais par la force.
Si nous avons cru devoir insister quelque peu sur l’organisation tradi-
tionnelle de la société Kel Tamachek dans 1’Oudalan c’est qu’elle nous
paraît avoir représenté un cas assez particulier par son libéralisme relatif.
Les Iklan ayant la possibilité de se constituer un cheptel pour leur
propre compte, participant aux opérations militaires aussi bien contre
les sédentaires du Liptako qu’à l’occasion des guerres contre les tribus
Touareg rivales (Irreganaten et Ioulliminden), et ayant même la latitude
d’acquérir des captifs, étaient dans une situation beaucoup plus proche
de la vassalité que de la servitude.
(1) C’est-à-dire cchommes au teint clair». Il s’agit peut-être des Kel Séréré qui
nomadisent entre la mare de Gossi et le Niger, et qui sont des Imghad guerriers.
40
Iklan de 1’0udalan
IELAN OUDALAN Beïga, Gagara, Touro, etc. anciens captifs des Ouda-
Ian Imajaren
Ziguibéri, Beïga- Goaeï, anciens captifs des Ida-
Sokoundou mossen
IELAN ALK.As~I~YBAT~~N environs de Déou-Pétaboulli anciens captifs des Alkas-
seybaten
IHLANKELES SOUK Beldiabé, Bangao, anciens captifs des Kel
Bombourou, Gargassa... Takarangat et autres
tribus Kel es Souk
IKLANIMG~ Pétaboulli, Ménégou,
OUDALAN I Aréhel, Gouiztouzuala,
In Guiddoye, etc.
IKLAN IKOUBARADEN Tin Saman, Tin Zoubaratin,
Dembam, Golgountou
IKLAN ITABOTEN Bangao, Ours& Tin Taradat
IKLANKELEWEL In Tagaten, Aréhel, In Tara
IKL.~NIMGH~~) In Tangoumt
%&LES SOUK
IICLANWARAG-WARAG Tin Akof, Tin Ghassan,
Kacham, Fadar Fadar, Eraf-
n’dman, Gandéfabou,
Tin Hatan
IKLAN IHAYA~AN Bom anciens captifs des Ihaya-
IKOUBARADEN wan Ikonharaden
INADAouRAK In Guiddoye, Assinga anciens captifs des Kel
Zingui
ICRAGARIN* In Tailalé, Ganadaouri anciens captifs des Kel
Séréré.
IDERFAI~E Bangao, Amaoual, Bombou- anciens affranchis des
rou Kel es Souk
IFAROYEN Assinga, Touro anciens tributaires des
Oudalan Imajaren
KELDORO Bangao, Belcliabé anciens tributaires des
Kel es Souk Chioukbane
~FORAS In Taïlalé, Bangao anciens captifs des Toua-
reg Iforas devenus tribu-
taires des Oudalan Ima-
j aren
Sokoundou, Bangao anciens captifs des Iréga-
naten, Imajaren de la
Boucle du Niger, devenus
tributaires des Oudalan
IHLAN IROROLITEN anciens captifs d’Iboroli-
ten, Fractions ccmétisses»
41
Iklan de 1’Oudalan (suite)
En fait, on ne voit pas très bien en quoi leur statut différait de celui
des Imghad ou des Ihayawan qui payaient également la tioussé, les
redevances coutumières, aux Imajaren ou aux Imghad guerriers.
La seule différence, en définitive, résidait dans le fait que les liens
de dépendance des Iklan envers les Illelan étaient «personnalisés»,
c’est-à-dire que chaque AMi était en principe « propriété>> d’un maître,
mais celui-ci ne pouvait pas disposer de sa personne, et ne disposait de
ses biens que dans des limites strictement défuries.
Simplement les Iklan étaient « hérités» par les ayants droit de leur
maître à la mort de celui-ci, certains demeurant d’ailleurs indivis entre
plusieurs Blelan, mais cela n’affectait en rien leur statut personnel et
n’aggravait pas les prestations en nature qu’ils devaient fournir, les
Illelan concernés se partageant celles-ci après que l’un d’eux les avait
perçues.
Dans ces conditions on doit admettre que« l’émancipation des Bella>>,
souvent présentés à tort comme «taillables et corvéables à merci>>,
n’a pas eu dans I’Oudalan le caractère radical voire révolutionnaire qu’on
lui prête parfois, compte tenu de la large autonomie dont ils disposaient
dans un système où ils faisaient davantage figure d’associés que de serfs.
A l’heure actuelle les redevances fixes ont évidemment disparu, mais
les Illelan font souvent appel à l’esprit de solidarité de « leurs>> Man,
qui leur consentent assez généralement des dons en mil, en beurre ou même
en argent.
Les Iklan justifient d’ailleurs ce qui pourrait passer pour une attitude
de soumission en déclarant par exemple à propos de leurs anciens maîtres :
« nous ne pouvons pas les laisser repartir les mains vides, cela nous ferait
42
honte», OU« ce sont nos anciens patrons (sic) nous devons les respecter>>,
« ce sont eux qui nous ont enseigné la religion», « lorsqu’ils viennent
nous voir, nous savons que c’est pour nous bouffer (sic), mais nous voulons
toujours qu’ils nous « considèrent» et cela nous permet de nous gonfler
(sic) auprès des autres racess, etc.. . Ce dernier propos non dénué d’hu-
mour a été recueilli auprès d’un jeune Bella parlant le français et ayant
effectué plusieurs séjours en Côte d’ivoire. Il faisait allusion à des visites
qui lui avaient été rendues par des Touareg de sa tribu a Abidjan, où il
travaillait au port de pêche à décharger des thons entiers et à les entasser
dans une chambre froide, ces visites lui ayant coûté 5 000 Fr CFA et un
boubou, et de conclure : « sans cela je serais un Bella perdu>>, entendons
par là, un Kel Tamachek déraciné.
Etre un Kel Tamachek, est donc pour les Iklan, à la limite, un privilège,
puisque pour pouvoir continuer à se dire tel et le rappeler aux autres,
en certaines circonstances il faut payer.
Il convient par conséquent de ne pas sous-estimer cette conscience
très vive de l’ethnie qui soude les différentes classes de la société Kel
Tamachek et qui revêt un caractère généralement exclusif, y compris
chez les Iklan. Ceux-ci en effet, à l’exception d’une minorité d’urbanisés,
témoignent encore de préjugés tenaces envers les« Inazafen», c’est-à-dire
les individus appartenant aux ethnies noires « sédentaires». Les femmes
Bella, en particulier, les jugent sans indulgence : « ils traitent mal leurs
femmes, ils ne leur achètent pas de beaux vêtements, ni de bijoux, ils
paient la dot de leurs femmes en pintades... !», etc. (allusion dans ce
dernier cas aux offrandes traditionnelles du futur gendre à sa future
belle-mère, notamment chez les Mossi, mais qui ne constituent pas à
proprement parler une « dot 91).
De même une femme Bella donnera parfois le surnom d’Anozof (1)
(masculin singulier d’Inazafen) à son dernier-né dans le but de le « dépré-
cier>> dans le cas où les autres enfants qu’elle a eus avant lui sont tous
morts en bas-âge, ceci afin de détourner de lui la jalousie des génies
malfaisants (alchinen).
E&n, pour en terminer avec cet aspect le plus souvent méconnu de
la psychologie des Iklan, nous devons ajouter qu’il existe chez eux une
hiérarchie confidentielle qui est celle de l’ancienneté dans l’appartenance
à la société Kel Tamachek.
C’est ainsi qu’il est courant d’entendre un Akli mis en confiance,
déclarer que telle famille est plus respectable que telle autre parce que
les ancêtres de la première étaient des Iklan arrivés dans l’oudalan en
même temps que les Touareg, tandis que ceux de la seconde ont été
razziés chez les Mossi ou chez les Kouroumba depuis seulement trois
générations.
45
de« Chef de Canton>> de I’Oudalan, suivant un schéma calqué sur l’orga-
nisation de la chefferie traditionnelle en pays noir sédentaire.
Une suprématie morale et politique, non exempte d’avantages en
nature, continuait ainsi à lui être reconnue, et il se trouvait placé sur
un pied d’égalité avec l’émir de Dori par exemple et les « nabaz du pays
Mossi.
Dans ces conditions l’éloignement, au sens tout d’abord spatial du
terme, dont allaient faire preuve les Iklan envers les Illelan paraît avoir
eu à l’origine des mobiles essentiellement psychologiques.
Ils avaient en effet tiré semble-t-il, et de l’aveu même des Illelan, la
leçon de la bataille de Yomboli : leurs anciens maîtres ne pouvaient plus
rien pour eux, la protection qu’ils leur assuraient en principe jusqu’alors
- l’assurance de ne pas être impunément razziés par d’autres tribus -
était désormais sans objet. Le « commandement>r appartenait à présent
aux« Ikoufaren>r, aux Européens, et malgré les craintes que cette situa-
tion nouvelle ne pouvait manquer d’éveiller, une chose leur paraissait
certaine, c’est qu’ils ne seraient plus jamais razziés par d’autres Kel Tama-
chek.
Dès lors, et sans pour autant refuser ouvertement de s’acquitter de
leurs redevances traditionnelles, ils ne pouvaient que s’ingénier à en rendre
le recouvrement le plus difficile possible, et pour y parvenir, le meilleur
moyen était encore la dispersion.
On vit alors de nombreux groupes d’Iklan abandonner les points
d’eau où continuaient à cantonner les Illelan, ce processus devant aboutir
a la situation actuelle : une mosaïque d’Ildan appartenant aux tribus
les plus diverses autour de chaque point d’eau de l’oudalan.
Ainsi donc, si le schéma original de mise en place de la population
Me1 Tamachek, tel que nous venons de l’esquisser demeure valable dans
ses grandes lignes pour les Illelan, et si les Oudalan imajaren passent
toujours la saison seche à Beïga, les« Kel es Souk>> à Darkoy et à la mare
voisine de Beldiabé, une partie importante des Alkasseybaten dont le
chef et sa famille, à Yomboli, les Idamossen à Ziguibéri, etc. en revanche,
pour ce qui est des Iklan, il ne se vérifie plus que très partiellement.
Certes sur 3 107 Iklan warag warag dénombrés, environ 2 800 se trouvent
sur les mares du Béli, mais sur 2 906 Iklan oudalan, 700 seulement sont
toujours à Beïga auprès des Imajaren, le reste, soit 2 200 personnes est
aujourd’hui dispersé autour d’une quinzaine de points d’eau aux quatre
points cardinaux de l’oudalan.
De même les Iklan alkasseybaten se rencontrent aujourd’hui autour
du village sédentaire de Déou et du point d’eau de Pétaboulli à 45 km à
vol d’oiseau au sud-ouest de la mare de Yomboli.
Cette dispersion s’explique évidemment aussi par d’autres causes
que la perte de prestige des Illelan après leur défaite militaire, la princi-
pale étant la recherche ultérieure de nouveaux terrains de cultures et
la proximité de pâturages convenant aux petits ruminants qui repré-
sentent l’essentiel du cheptel détenu par les Iklan, c’est-à-dire d’étendues
boisées qui font défaut autour des grandes mares pérennes du centre
de l’oudalan.
46
La population Kel Tamachelc de 1”Oudalan : eflectifs actuels
47
Du reste, nous retrouvons des valeurs semblables pour la population
iklan : 16 500 personnes en 1957, 28 200 en 1974.
Là encore en appliquant un taux d’accroissement annuel supposé
constant de 250joo pour la période 1957-1974 l’on aboutit à un effectif
théorique de 25 200 personnes en 1974, et l’on a donc un « excédent»
de 3 100 personnes soit 11,7% qui a toutes les chances d’annuler le
taux de dissimulation antérieur à 1972.
Pour sommaire que soit cette analyse nous sommes portés cependant
à conclure au dynamisme démographique des populations Kel Tamachek
de I’Oudalan, et à un taux d’accroissement à peu près identique chez les
Illelan et chez les Iklan, contrairement à ce qui est généralement observé
dans les autres régions de peuplement Me1 Tamachek.
Aussi, la constatation à laquelle aboutit 5. GALLAIS (1975) (1) après
analyse des recensements administratifs de la population Kel Tamachek
du Gourma malien :
CCNotre conclusion est que l’évolution démographique du groupe tamacheq du
Gourma a subi d’abord une phase de croissance... ensuite une phase de tassement
aboutissant récemment B une totale stagnation»,
ne nous paraît-elle pas s’appliquer, du moins en ce qui concerne sa
deuxième proposition, à la population Kel Tamachek de I’Oudalan.
Cette différence fondamentale pourrait du reste s’expliquer par un
genre de vie plus sédentaire chez les Kel Tamachek de l’oudalan, allant
de pair avec une meilleure situation nutritionnelle, du moins avant 1972,
dans une région où l’alimentation est à base de mil, et qui, même dans
les années de pénurie était correctement approvisionnée à partir du
centre et du sud de la Haute-Volta, en même temps que l’encadrement
médical y était certainement plus efficace que dans le Gourma.
Les Peul de 1’Oudalan sont dans leur quasi-totalité des Peul « no-
mades», par opposition aux Peul «villageois» du Liptako.
Ils appartiennent à deux groupes différents par leurs origines et
l’ancienneté de leur venue dans cette région, et qui se distinguent aisé-
ment d’emblée par leur technologie ainsi que par le vêtement et la
parure des femmes : les Gaobé et les Djelgobé.
Chacun de ces groupes présente une structure tribale, mais infiniment
moins hiérarchisée que chez les Kel Tamachek, et entre autres particu-
larités celle de ne pas user de noms patronymiques (2) à la différence des
Peu1 villageois sédentaires.
48
Les circonstances ne nous ont pas amené à entreprendre auprès des
Peu1 d’investigations à caractère historique comme nous nous y sommes
essayé parfois auprès des Kel Tamachek, d’autant moins que dans le
cas du groupe le plus important numériquement, à savoir les Gaobé, leur
venue dans 1’Oudalan est directement liée à celle des Kel Tamachek,
comme nous l’avons déjà brièvement signalé.
49
de cotonnade bleu-ciel ou noire comme les femmes songhaï de Gao au
lieu du pagne des femmes peul, cérémonies d’exorcisme de sujets consi-
dérés comme se trouvant temporairement sous l’emprise de « diables»,
ce dernier trait étant particulièrement étranger à la pdakr . . .
Les Peu1 Gaobé sont donc arrivés dans 1’Oudalan avec les Kel Tama-
chek et remplissaient les fonctions de bergers auprès des Illelan.
C’est ainsi par exemple que le nom de la tribu des Ada& dériverait
de Ada, un ancien chef des Oudalan imajaren. Les Adabé, avec les
Aguilanabé et les Willabé étaient leurs bergers, cependant que les Tchiéou-
dibé, les Sourtatibé et les Magaboubé auraient été les bergers des Alkas-
seybaten, les Dogabé ceux‘ des Kel Takarangat, les Rarabé ceux des
Kel es Souk Kel Bara (le nom du lieu-dit Bara, sur le Niger, indiquant
leur origine géographique commune), etc.
Mais à l’heure actuelle, il ne subsiste à peu près rien des anciennes
relations entre Kel Tamachek et Gaobé, si ce n’est une certaine familiarité
et l’usage de régler pacifiquement les querelles entre Peul Gaobé et
Iklan, le recours à la violence faisant l’objet d’un interdit de part et
d’autre, du moins sur le plan théorique.. .
Notons en& que trois tribus Gaobé de 1’Oudalan parlent la langue
tamachek : les Warag Warag Gaobé anciens bergers des Imghad Warag
Warag (ou Warawaragen), les Imoudaken qui sont d’origine Foulan-
kryiabé, et les Kel- Tangabaguerz.
Quant aux autres tribus, la plupart d’entre elles parlent aujourd’hui le
fulfuldé, bien que la tradition rapporte qu’elles parlaient toutes à l’ori-
gine le songhaï.
Seules trois d’entre elles ont conservé l’usage de cette langue : les
Dogabé déjà cités, les Bambabé arrivés à une époque plus récente de la
région de Bamba et devenus les protégés des Alkasseybaten et les Illodi-
babé originaires de la région de Hombori.
Le peuplement Peul Gaobé à l’exception des Gaobé Warag-Warag,
qui se rencontrent surtout dans la vallée du Béli mais appartiennent
en fait à la société Kel Tamachek, est essentiellement localisé aujour-
d’hui à la moitié sud de l’oudalan, c’est-à-dire aux régions de pluvio-
métrie supérieure à 400 mm, et plus particulièrement à son quart sud-
ouest.
En effet, sur un effectif total de 12 000 personnes, près de 5 000
passent la saison sèche autour des points d’eau du sud-ouest de l’Ouda-
lan, tels que :
- Boz&lcessi 2 200 personnes (tribus Adabé et Aguilanabé).
- Gountouwala 860 personnes (tribus Silloubé et Tchiéoudibé).
- Débérélink 525 personnes (en majorité Sourtatibé).
- A2ialcou.m 660 personnes (tribu Magaboubé).
- Bossey-Dogabé 500 personnes (tribu Dogabé).
tandis que la mare de Yomboli et ses environs (Bangonadji) constitue le
lieu de rassemblement de saison sèche des Bambabé (700 personnes).
A ces points d’eau sont généralement associés des villages sédentaires
peuplés de Rimaïbé, anciens serfs cultivateurs des Peul Gaobé, razziés
ou plus vraisemblablement acquis par ces derniers auprès des Touareg.
50
f Dans l’ensemble les Peu1 Gaobé paraissent ressentir plus fortement que
les Kel Tamachek et surtout que les Peu1 Djelgobé l’attrait d’un genre
de vie plus sédentaire, axé sur une économie plus agricole que pastorale,
et certaines de leurs fractions se sont établies dans le Liptako où elles
se sont parfois sédentarisées, comme par exemple à Soffokel, village
situé à une cinquantaine de kilomètres à l’est de Dori.
51
moins accusé que chez les Kel Tamachek, entre deux catégories socio-
ethniques, les Foulbé Djelgobé proprement dits et les Foulbé KeZZi, ancien5
tributaires et bergers des précédents.
Le vocable « KeIli>> désigne en fulfuldé l’arbuste appelé Grewia bico-
Zor, dont le bois dur sert à confectionner les bâtons des bergers. Foulbé
Kehi signifie donc en somme « les Peu1 au bâton», et selon les Foulbé
Djelgobé« nobles>> ils ne seraient pas d’ascendance Peul mais Kouroumba
ou Songhaï. Outre leur5 fonctions de bergers, ils auraient été astreints
jadis à un certain nombre de servitudes comme d’aller recueillir du miel
en brousse pour les Foulbé Djelgobé.
? Il est très difficile de distinguer de prime abord aujourd’hui les
For&é Kelli des Foulbé Djelgobé nomades proprement dits, ces derniers
mettant volontiers l’accent cependant sur leur pigmentation plus claire,
bien qu’il paraisse probable qu’il n’existe aucun interdit de mariage
entre ces deux groupes.
La société Peul Djelgobé nomade présente par ailleurs une structure
tribale, mais dont le degré de cohésion paraît moindre que chez les Peul
Gaobé et surtout que chez les Kel Tamachek.
Parmi les Foulbé Djelgobé proprement dits on peut citer les Sadhbé,
les Tarabé Boubou, les Maroubé, les Tarabé Alfa, les Bingabé, les Tarabé
Sambourou, etc. et parmi les Foulbé Kelli les Tarabé Sabou, les Rendi-
bélibé, les Bakanankobé, bs Bibbé Labbé («les gens de lances>>), les
Bibbé Lamlam («les gens du sel>>), etc.
Les Perd Djelgobé, à la différence des Gaobé, se rencontrent en saison
sèche autour des points d’eau du nord de l’oudalan, en particulier Goun-
touré Niénié, Gandéfabou-Djelgobé, Gargassa, Ganadaouri, Bangao, Bel-
diabé et Ngoungam au nord-est de Markoye.
Grands éleveurs et cultivateurs dilettantes ils « représentent le pro-
totype du pasteur Peul» et font« pendant dans les pâturages du Gourma
aux Bororo de la rive gauche du fleuve» (1).
52
III
L’écologie pastorale
LE NO.MADIS.ME SAHÉLIEN
(1) H. BARRAL, «Les populations d’éleveurs et les problèmes pastoraux dans le nord-
est de la Haute-Volta>>, in Cah. ORSTOM, Sci. Hum., 1967.
53
épuisées. Le recours à l’alimentation lactée étant alors obligatoire, la
population se trouve contrainte d’accompagner le bétail sur ses lieux de
transhumance : elle est donc « nomade>>.
Nous nous en tiendrons donc à cette définition du nomadisme, à
fondement essentiellement pastoral : une transhumance du bétail s’accom-
pagnant du déplacement de tout ou partie du groupe.
L’amplitude des déplacements, leur durée et le degré d’importance de
l’agriculture dans l’économie du groupe considéré, apparaissent fina-
lement comme des phénomènes contingents : celui-ci devra « nomadiser>>
aussi longtemps qu’il retirera un complément indispensable de ressources
aZim.entaires sous forme de lait frais ou caillé, d’un élevage caractérisé par
une transhumance de saison des pluies, c’est-à-dire de période de soudure.
Certains « nomades» cependant témoignent d’une quasi sédentarité
pendant des périodes pouvant s’étendre sur plusieurs décennies, n’effec-
tuant plus que de minuscules déplacements autour d’une mare et se
contentant d’éloigner leurs animaux à quelques kilomètres de leurs champs
en hivernage, pour retrouver brusquement, par exemple à la suite d’une
ou plusieurs années de sécheresse, une mobilité que l’on aurait pu croire
définitivement perdue.
C’est ainsi que les Kel Ewel qui, depuis une trentaine d’années, ne
s’éloignaient guère en hivernage de plus de 10 km de leurs terrains de
culture de Gandéfabou-Kel Ewel, ont, à la fin de l’hivernage 1968, en
raison de l’absence de pâturages dans les environs de ce point d’eau,
nomadisé jusqu’à 1’In Selouman, affluent de la mare de Fadar Fadar,
au-delà du Béli. Après une nouvelle période de relative sédentarité ils
ont dû en 1972 se replier en saison sèche vers le nord du pays Mossi,
comme la plus grande partie de la population de l’oudalan, mais en 1973
et 1974 ils ont a nouveau nomadisé en hivernage vers les mares amont
du Béli, bien que la pluviométrie à Gandéfabou-Kel Ewel ait été appa-
remment satisfaisante.
Sédentarité n’est donc pas synonyme de sédentarisation : celle-ci
n’est vraiment acquise que lorsqu’à la tente des Kel Tamachek, ou à
la hutte de nattes des Peu1 Gaobé et Djelgobé se substitue la maison
de « banco». Nous n’en connaissons guère que deux exemples dans
l’oudalan, l’un et l’autre, du reste, antérieurs à l’arrivée des Français :
le village de Gagara à une dizaine de kilomètres au nord-est de Gorom
Gorom, peuplé d’rrawellen, Iklan affranchis dont les femmes sont tradi-
tionnellement potières, et celui de Ménégou, également à une dizaine de
kilomètres au sud-ouest de Gorom Gorom où sont sédentarisés des Peu1
Gaobé Modibabé.
La sédentarisation ainsi comprise, dont l’abandon d’un type d’habi-
tation mobile constitue le signe le plus évident, n’implique pas néces-
sairement l’abandon d’une économie à dominante pastorale, mais le
renoncement à un systeme pastoral fondé sur la transhumance de saison
des pluies, à laquelle doit se substituer alors une transhumance de saison
sèche de type « soudanien».
Celle-ci, qui peut même revêtir une amplitude plus considérable que
la transhumance « sahélienne» de saison des pluies, ne s’observe que
54
dans le sud de l’oudalan, alors qu’elle est de règle dans le Liptako.
Fondée sur l’exploitation en saison sèche de régions plus méridionales
oiz le problème de l’abreuvement ne constitue plus un facteur limitant,
la transhumance de type « soudanien» est marquée par le retour du
bétail sur les points d’eau de départ et les terrains de czcltures pendant la
saison des pluies, selon un rythme inverse, par conséquent, de celui de
la transhumance sahélienne.
.Cette transhumance de saison sèche permet donc la sédentarisation
puisque le bétail revient précisement au moment oh le besoin de lait
se fait sentir, c’est-à-dire en période de soudure.
Le groupe n’a donc plzzs à se déplacer avec le bétail pour szzrvivre,
aussi cette transhumance ne met-elle en mouvement que l’effectif de
bergers indispensable à la surveillance des animaux, à raison d’un homme
pour 100 têtes en moyenne.
Ainsi, le principal critère de discrimination entre le domaine sahélien
et les domaines soudano-sahélien et soudanien, nous paraît résider, en
matière d’écologie pastorale, dans l’opposition entre un système fondé
dans le premier cas sur un éloignement du bétail des points d’eau perma-
nents et des terrains de culture en période de soudure alimentaire, entraî-
nant le déplacement corrélatif de la population, et dans le second cas
sur un retour du bétail vers les pôles de peuplement à la même période,
évitant ainsi à la population la nécessité de se déplacer pour bénéficier
d’une alimentation lactée.
CARACTÈRES GÉNÉRAUX
DU S YST&k?‘E PASTORAL SAHÉLIEN
55
Eléments Types de Formations Utilisation
de la morphologie points d’eau végétales pastorale
56
Population Cheptel
Fin de la préparation des champs : Retour sur les terrains de cultures des
incinération des chaumes de mil de vaches ayant mis bas dans la brousse-
5 l’année précédente. Semis, puis pre- tigrée afin d’assurer une alimentation
5 mier sarclage a Piler (1). lactée à la population accaparée par
k les travaux agricoles.
La population demeure sur les par- Les troupeaux demeurent sur le5 par-
cours à Panicum Zaetum. Si celui-ci est cours à Panicum Zaetum.
abondant, les Iklan le récoltent éga- L’abreuvement se fait aux mare5 tem-
lement pour leur propre consomma- poraires abondantes à cette époque.
tion. -
Les Kel Tamachek utilisent pendant C’est également la saison des cures
cette période la tente de cuir (ehaket). salées qne certains groupes (Peu1
De petits déplacements sont effectués, Djelgobé) font encore au Mali (Amni-
les campements étant déplacés à inter- ganda) mais qne les Kel Tamachek
valles variables, tous les 8 ou 10 jours, font pour la plupart dans I’Oudalan :
sur des distances variant de quelques terres salées de Karey, In Taïlalen,
centaines de mètres à quelques kilo- In Fagagan, etc. Ces terres salées se
mètres en fonction du degré d’épuise- trouvent le plus souvent à proximité
ment du pâturage. immédiate des parcours à Panicum
laetum.
(1) Mot d’origine ouolof désignant l’instrument aratoire en forme de soc à l’extrémité
arrondie fixé à un long manche métallique, qne l’on rencontre dans toute la zone sahé-
lienne d’Afrique Occidentale.
57
Popzdation Cheptel
Retour de la population qui avait Retour des troupeaux sur les forma-
accompagné les troupeaux dans leur tions dunaires : à partir de ce moment,
transhumance de saison fraîche, sur seul le pâturage graminéen sec va être
les terrains de culture ou à proximité consommé.
de ceux-ci. L’abreuvement est quotidien.
Ce sont maintenant les lourdes huttes
inamovibles appelées ekarbane qui sont
utilisées par les Kel Tamachek.
Ii3
p1
La situation va demeurer sans chan-
gement jusqu’au mois de juin suivant.
Les troupeaux vont continuer à pâ-
turer les parcours dunaires de manière
centrifuge à partir du point d’eau, en
sorte qu’à compter du mois d’avril le
plus souvent, la distance du point d’eau
au pâturage est telle que l’abreuvement
quotidien devient impossible : les ani-
maux ne boivent plus qu’un jour sur
deux, cause essentielle de dépérisse-
ment et de misère physiologique.
Population et cheptel
5%
avait fait apparaître une population totale de 2 700 personnes environ
(2 696).
Total 2 696 »
(1) Huttes de paihe de fin de saison sêche et de début d’hivernage sur les terrains de
cultures.
59
Peuplement Kel Tamachek
60
Ayant procédé par ailleurs et simultanément à l’évaluation du cheptel
bovin de cette zone dans le cadre d’une étude sur convention dont le but
était d’évaluer les possibilités d’implantation et d’approvisionnement en
bétail, d’un ranch d’embouche de 50 000 ha, nous avions dénombré au
total 12 780 têtes ainsi réparties :
Total 12 780
61
Catégories Effectif Cheptel Moyenne
socio-ethniques bovin par
personne
(1) Un excédent de 120 têtes apparaît dans ce tableau par rapport aux effectifs
dénombrés par point d’eau sans que nous ayons pu retrouver l’erreur. Celle-ci, qu’il
s’agisse d’une erreur par défaut dans un cas ou par excès dans l’autre, peut de toute
façon être tenue pour négligeable.
62
La récolte de ces bulbes joue un rôle important dans l’économie de
ces populations, et ils ne constituent pas seulement un aliment d’appoint
en période de disette comme on pourrait le penser. En effet, même
lorsque la récolte de mil a été relativement abondante, les Iklan con-
somment le tikendi., afin d’entamer leurs réserves de grain le plus tard
possible et de ne pas se trouver démunis en début d’hivernage, c’est-à-
dire pendant la période des travaux agricoles où ils doivent fournir un
effort physique important qui requiert une alimentation plus riche.
A la même époque, arrivent du sud, des Peu1 Djelgobé de Gandéfabou,
du nord ceux d’in Daki, Tin Téhégrin, In Tillit au Mali, et des Foulbé
Kelli de Gountouré Niénié qui ont passé l’hivernage à la mare de Gossi
sur la piste Hombori-Gao.
Tous ceux-ci ne s’intéressent guère à la récolte du tikendi. Ceux qui
viennent du Mali sont le plus souvent de jeunes ménages, ou même des
bergers célibataires qui, dans ce cas, n’ont pas de huttes, et dorment à
côté des enclos à veaux. Ces gens ont essentiellement la charge d’énormes
troupeaux qui envahissent les pâturages dunaires à l’ouest d’Eraf
n’Aman et de part et d’autre de la piste d’Eraf n’Aman à Tin Tabakat.
Ces animaux sont la propriété de chefs de familles d’âge mûr qui noma-
disent peu et qui ayant rejoint dès la fin de l’hivernage leurs terrains de
cultures et leurs greniers à mil, font effectuer à leurs bœufs une trans-
humance de début de saison sèche, tandis qu’eux-mêmes ne se déplacent
plus jusqu’à I’hivernage suivant.
C’est ainsi par exemple, qu’un groupe de 500 boeufs originaires de
Tin Téhégrin n’était accompagné, en mars 1969, que par trois bergers.
Un cas particulièrement intéressant, est celui des Peu1 Djelgobé de
Gandéfabou, tels les Sadabé, dont un certain nombre de familles séjour-
nent en début de saison sèche à Eraf n’Aman.
Les Sadabé sont arrivés à Gandéfabou il y a cinquante ans environ.
Pendant les vingt premières années qui ont suivi leur installation, le
pâturage y était, selon eux, suffisamment abondant pour que leurs bœufs
n’aient pas à effectuer de transhumance lointaine, mais ensuite il devint
nécessaire de les envoyer en début de saison sèche, vers le Béli. Cette
transhumance de début de saison sèche s’était révélée extrêmement béné-
fique pour le bétail en raison de l’abondance des pâturages au-delà du
Béli et dans ce qui était alors le Soudan, mais elle était limitée dans I’es-
pace par l’autonomie des boeufs qui n’excède guère 20 km autour des
points d’eau, et plus encore par l’assèchement de la mare d’Eraf n’Aman.
Les bergers Peul Djelgobé en vinrent donc, tout naturellement à se rap-
procher des points d’eau pérennes d’in Tillit, Tin Téhégrin et In Daki
aujourd’hni au Mali, et à y creuser des puisards. Ainsi, ce qui était à
l’origine une simple transhumance, est devenu à l’heure actuelle, une
véritable scission de la fraction en plusieurs groupes : celui qui passe
la saison sèche à Gandéfabou, et ceux qui passent la saison sèche autour
des points d’eau du Mali.
Ce principe de dissociation aurait commencé de se manifester il y a
vingt ans environ.
63
Le groupement Djelgobé de Gandéfabou a donc essaimé mais la
cohésion demeure entre les différents groupes qui établissent réguliè-
rement des contacts en début de saison sèche à Eraf n’Aman : à cette
occasion les chefs de familles de Gandéfabou, qui sont toujours proprié-
taires de bon nombre des animaux séjournant au Mali, y retrouvent une
partie de leurs bêtes.
La mare d’Eraf n’Aman joue donc pour eux, pendant trois mois
environ, le rôle de point de rencontre et d’échanges.
Les Peul Djelgobé abandonnent la mare d’Eraf n’Aman généralement
vers le mois de mars, avant qu’elle ne soit asséchée, dès que l’eau leur
paraît préjudiciable a la santé du bétail par sa teneur en boue et en
matières organiques.
Les Iklan Warag Warag, qui ont leurs champs a Eraf n’Aman, par
contre, persistent à boire et à faire boire à leurs animaux une eau cor-
rompue. Ils sont même contraints de creuser sur les rives de la mare, de
petits bassins de décantation appelés tersé qu’ils emplissent d’eau le soir
et dans lesquels ils jettent des fragments de termitières qui auraient la
propriété de précipiter les impuretés à la manière de l’alun. Ils réussissent
ainsi a se procurer le matin, quelques litres d’une eau un peu moins
putride que celle de la mare, pour leurs besoins domestiques.
La raison de cette obstination à demeurer dans un lieu devenu aussi
inhospitalier, est la suivante : ces gens ont là leurs greniers à mil, auxquels,
nous l’avons vu, ils évitent de toucher se nourrissant de tikendi - et ils
doivent s’en aller les derniers pour être assurés que leurs greniers ne seront
point pillés. Cette dure nécessité a naturellement des conséquences déplo-
rables sur leur état sanitaire, particulièrement sur celui des enfants.
Fin avril, néanmoins, la mare d’Eraf n’Aman et ses alentours, sont
complètement désertés et le resteront jusqu’au début de l’hivernage,
c’est-a-dire jusqu’au retour des Iklan Warag Warag sur leurs terrains
de cultures pour y effectuer leurs semis.
On constate alors que le pâturage $ l’ouest d’Eraf n’Aman et de la
piste Eraf n’Aman - Tin Takabat n’a généralement pas été utilisé
jusqu’à la limite extrême du rayon d’action des bœufs à partir du point
d’eau. En effet, d’Eraf n’Aman à la limite ouest du secteur pâturé, la
distance n’excède pas 15 km : la raison en est que l’abondance habituelle
des pâturages autour de la mare en début de saison sèche n’entraîne pas
pour les animaux l’obligation de s’en éloigner beaucoup, et surtout que
son assèchement dès le mois d’avril ne leur laisse pas le temps d’utiliser
les pâturages les plus lointains.
Notons enfin que les Iklan ont parfois recours en fin de saison sèche
à ce que nous appellerons le système du campement-relais : quelques
ménages vont en effet monter leurs tentes loin du point d’eau et à proxi-
mité des pâturages en emmenant les jeunes veaux et leurs mères. Ceci
permet aux vaches de n’aller boire que tous les deux jours tout en conti-
nuant à allaiter leurs veaux quotidiennement, et donc d’utiliser ces
pâturages lointains. En revanche, si le campement où sont tenus les veaux
demeurait établi auprès du point d’eau, les vaches ne pourraient s’en
éloigner suffisamment pour trouver leur nourriture et revenir allaiter
64
leurs veaux dans la même journée. Elles seraient donc condamnées à
dépérir ou à laisser dépérir leurs veaux.
Dans les campements-relais, le ravitaillement en eau se fait au moyen
des ânes chargés d’outres, et les veaux sont abreuvés dans des auges de
bois. Ce système, par conséquent, ne peut être que le fait de gens possé-
dant peu d’animaux : il serait en effet impossible d’abreuver de cette
manière un grand nombre de veaux, et le lait maternel ne suffit pas à
combattre les effets de la déshydratation en cette période de chaleur
intense.
L’assèchement de la mare d’Eraf n’Aman à la fin avril entraîne
inéluctablement le repli de la population et du bétail sur les points d’eau
pérennes situés au sud, ou au nord dans le cas des nomades maliens de
Tin Téhégrin et d’in Tillit.
C’est ainsi qu’en avril 1970, les 3 500 bovins dénombrés à Eraf
n’Aman rejoignaient les points d’eau suivants :
Gountouré Niéniê 220 têtes
~II!! (IVIali) 370 »
1 100 »
Gandéfabou Djelgobé 810 »
In Daki (Mali) 500 »
TiL Téhégrin (Mali) 500 »
Ces points d’eau sont des mares (In Tillit, Tin Téhégrin, Oursi) ou des
percées conséquentes par où l’eau s’écoule en hivernage à travers les
formations éoliennes et qui recèlent des nappes alluviales exploitées au
moyen de puisards dont la profondeur excède rarement 4 m (Gountouré
I Niénié, Gandéfabou, In Daki).
Les plus importants de ces points d’eau dans la zone considérée sont
ceux de Gandefabou-Djelgobé et de Gandéfabou-Kel Ewel distants
seulement de 4 km le long du même marigot, et celui de Gountouré
Niénié situé à environ 15 km à l’ouest de Gandéfabou-Kel Ewel, sur le
même cordon dunaire.
Nous avons vu que les deux premiers totalisaient environ 5 800 têtes
de bétail en 1969-1970, auxquelles venaient s’ajouter environ 800 têtes
supplémentaires après l’assèchement de la mare d’Eraf n’Aman, tandis
que le troisième permettait l’abreuvement de 2 800 bovins environ,
effectif porté à 3 000 avec le retour des bœufs d’Eraf n’bman.
Les parcours exploitables à partir de ces points d’eau représentent
au total environ 27 000 ha, soit les 213 de la superficie totale des parcours
de cette zone, le dernier tiers représentant les parcours exploités à partir
d’Eraf n’Aman.
Mais à la fin de la saison sèche, seuls les pâturages de dunes sont
utilisables par le bétail et la distance qui les sépare du point d’eau
s’allonge dramatiquement au fil des jours, au fur et à mesure qu’ils sont
consommés, tandis que l’on entre dans la période des maximums ther-
miques qui dépassent couramment 42 OC en avril, ajoutant les méfaits
de la déshydratation à ceux de la marche imposée aux animaux. En outre,
65
les parcours sur sable dunaire sont particuliérement sensibles au piéti-
nement et sont, de ce fait, d’autant plus rapidement dégradés qu’ils
sont plus proches du point d’eau.
C’est ainsi qu’à partir du mois d’avril, les animaux s’abreuvant à
Gandéfabou-Djelgobé par exemple, doivent traverser une bande de
brousse-tigrée de POkm de large, qui ne présente plus le moindre pâturage
à cette époque de l’année, pour atteindre les pâturages dunaires aux
lieux-dits Séno Danadio (ccla dune blanche» en fulfuldé) et Séno Mango
(~1la grande dune>>), à la limite extrême de leurs possibilités, c’est-à-dire
à plus de 20 km du point d’eau, ce qui ne leur permet de boire qu’un jour
sur deux.
La situation de saison sèche autour du point d’eau de Gandéfabou-
Kel Ewel et des quelques puisards annexes de Saba-Kolangal, n’est
guère différente.
Cependant les animaux s’abreuvant à Gandéfabou-Kel Ewel, n’at-
teignent pas en règle générale Séno-Danadio. Se dirigeant vers le nord-
ouest en direction de Sirengon, ils rencontrent, à une dizaine de kilo-
mètres, la dune de Séno-Yarendi, sur laquelle ils se répandent tout
d’abord, et qui semble présenter à ce niveau d’assez bons pâturages.
Plus avant dans la saison, ils atteignent Sirengou, et enfin, Seno-Mango,
leur limite extrême.
Gountouré Niénié, en&, que les Kel Tamachek appellent In Guitane,
est le dernier point d’eau important de cette zone avec une centaine de
puisards auxquels s’abreuvent environ 2 800 bovins.
Les Foulbé Kelli, fraction Tarabe-Sabou, de Gountouré Niénié ont
également, nous l’avons vu, une partie de leurs animaux à Eraf n’Aman
en début de saison sèche. Mais pour eux les mares du Béli ne revêtent pas ’
la même importance que pour les Foûlbé Djelgobé de Gandéfabou :
c’est qu’en effet, ils peuvent faire boire leurs animaux à cette époque de
l’année B la mare de Soum, aux confins du Djelgodji, et à ses annexes les
mares de Sébangou, Loukodi et Gountouré-I&i. Ils trouvent là des
pâturages abondants mais dont la durée d’utilisation est moindre que
ceux d’Eraf n’Aman, la mare de Soum et ses annexes s’assèchant géné-
ralement dès la fin février.
Quant aux Ihayawan Imededran et les autres Kel Tamachek de
Gountour6 Niénié, ils passent également le début de In saison sèche
dans les parages de la mare de Soum et rejoignent Gountouré Niénié à
la même époque que les Foulbé Kelli. L’exploitation intensive des
pâturages de saison sèche à Gonntouré Niénié commence donc un mois
plus tôt qu’à Gandéfabou, en raison de l’assèchement de la mare de
Soum, plus précoce que celui de la mare d’Eraf n’Aman.
Les boeufs de Gountouré Niénié pâturent d’abord la dune de Séno
Yarendi au nord-ouest de la mare de Loukodi. Ces pâturages commencent
malheureusement à être détruits par les Foulbé Kelli eux-mêmes, qui
depuis huit ans, ont mis en culture des portions de cette dune, en parti-
culier au nord des mares de Loukodiet de Sébangou. De plus sa partie est est
pâturée par les boeufs de Gandéfabou-Kel Ewel, c’est pourquoi ceux de
Gountouré Niénié sont obligés de pousser très tôt jusqu’à Séno Mango.
66
Ils évitent d’ailleurs le cœur de ce système dunaire à la topographie
relativement accidentée et le contournent par l’ouest-nord-ouest.
Nombreux sont à cette époque de l’année les animaux qui meurent
épuisés par ces aller-retours impitoyables de Gountouré Niénié à Séno
Mango : la traversée de la dépression de Loukodi au sol d’argile craquelée
de fentes de retrait, et de la dune de Séno-Yarendi au sable meuble, les
éprouve particulièfement.
67
Simplement, l’abreuvement à la mare de Sirengou déchargeait les pro-
priétaires des boeufs de la corvée de puisage à Gandéfabou-Kel Ewel et
leur laissait le loisir d’effectuer leurs semis.
C’est ce qui explique que les Kel Ewel aient envoyé à Sirengou la
totalité de leurs boeufs, tandis que les Perd, moins préoccupés d’agri-
culture, ont continué pour la plupart à abreuver les leurs aux puisards
de Gandéfabou-Kel Ewel.
En même temps les quelques familles Kel Ewel et Peul Djelgobé
ayant leurs terrains de cultures à Sirengou allaient s’y installer afin d’y
procéder aux semis. Quinze jours plus tard cependant, la mare étant
pratiquement asséchée, le repli sur Gandéfabou-Kel Ewel était général ;
quant aux semis, ils étaient évidemment perdus.
Vers le 10 juillet, il plut à nouveau vers Sirengou, mais cette fois,
seules les familles y ayant leurs champs y retournèrent pour procéder à
de nouveaux semis, car entre-temps, il avait plu abondamment au lieu-dit
Dambogadji, à 25 km au sud de Gandéfabou-Kel Ewel : la mare de
Dambogadji s’était remplie et comme il existe aux alentours une zone de
brousse tigrée fournissant un abondant pâturage aérien, tous les animaux
des Kel Ewel s’y étaient rendus en transhumance.
A la même époque, il avait plu également au nord du Béli, dans I’In
Séloumane, où les Iklan Warag Warag et les Peul Djergobé de Gandé-
fabou-Kel Ewel et de Gandéfabou-Djelgobé envoyaient aussitôt leurs
animaux.
Ainsi, à la veille des semailles à Gandéfabou, il ne restait presque plus
de bétail et tous les pâturages dunaires de saison sèche étaient désertés :
la transhumance de début d’hivernage était en cours.
Il en était de même a Gountouré Niénié oiz les Foulbé Kelli emme-
naient leurs animaux au nord de la dépression de Loukodi, qui prolonge
à l’est la mare de Soum, dans une zone de brousse tigrée particulièrement
dense, et l’on ne dénombrait plus alors que quelques dizaines d’animaux
autour des puisards de Gountouré Niénié. La transhumance de début
d’hivernage est donc déterknée par l’apparition du pâturage aérien frais
qui se produit plusieurs semaines avant celle de la nouvelle herbe et par la
formation de mares précoces qui permettent l’utilisation de ce pâturage et
suppriment la corvée de puisage.
En raison du caractère extrêmement localisé et imprévisible de ces
premières pluies, cette transhumance vers les brousses tigrées est très
irrégulière en distance, en direction et en durée, et le verbe tamachek qui
s’y rapporte est aworogworog, qui signifie s’agiter, courir dans tous les
sens (d’où dérive d’ailleurs le nom de la tribu des Iwarawaragen : ceux
qui ne restent pas en place).
C’est à cette époque et à l’occasion de ces transhumances de début
d’hivernage que se produisent assez régulièrement des drames de la soif.
Ainsi, en juin 1971, quelques Iklan Warag Warag ayant observé depuis
la mare de Tin Akof ce qui leur avait paru être une forte tornade au-delà
du Béli, vers le lieu-dit Tin Déréouel à une quarantaine de kilomètres
au nord, en territoire malien, s’y sont transportés avec une centaine de
bœufs et une dizaine d’ânes, chaque âne étant monté par une femme et
68
portant les tentes, les ustensiles de ménage et seulement assez d’eau pour
effectuer le trajet aller.
Arrivés sur les lieux, ils se rendirent compte que la pluie n’était pas
tombée & cet endroit, ou bien qu’elle n’était pas tombée en quantité
suffisante pour que l’eau soit demeurée à la surface du sol. Au cours de la
marche de retour vers Tin Akof, par une température qui devait être de
l’ordre de 44 OC à l’ombre, 6 d’entre eux, 1 homme, 3 femmes et 2 enfants,
moururent de soif, étant demeurés plus de vingt-quatre heures sans boire.
A la saison chaude, les effets de la déshydratation sont en effet
beaucoup plus rapides qu’on ne l’imagine généralement, et il existe à ce
sujet un proverbe en tamachek affirmant qu’à cette saison (izuellin),
« celui qui a bu sa dernière goutte d’eau au lever du soleil ne verra pas
le soleil se coucher>>.
Cependant, avec le véritable début de la saison des pluies, c’est-à-dire
lorsque celles-ci se succèdent à un rythme suffisant pour permettre la
croissance du mil (en 1970 vers la mi-juillet à Gandéfabou) les travaux:
agricoles deviennent la principale contrainte. Le classique problème de
la soudure se pose alors avec une acuité accrue car le sarclage à l’iler (1)
est une opération longue et pénible qui, pour être menée à bien requiert
une nourriture riche qui fait malheureusement défaut à cette époque de
l’année. Le lait peut cependant dans une large mesure pallier la disette
de grain, aussi, dès que la nouvelle herbe est apparue sur les dunes de
Gandéfabou et de Gountouré Niénié, les Kel Tamachek et les Peul
Djelgobé font revenir à la hâte tout ou partie de leurs animaux, particu-
lièrement les vaches laitières, c’est-à-dire celles qui ont mis bas au cours
des semaines précédentes, et leurs veaux.
Les Peul Djelgobé de Gandéfabou ramènent souvent à cette occasion
des vaches suitées qui ont passé la saison sèche au Mali. Elles sont en
effet en meilleure condition et ont un meilleur rendement en lait que celles
qui ont passé la saison sèche en Haute-Volta, et ce sont celles-ci qui vont
prendre la place des premières au Mali. L’échange a lieu précisément au
cours de la transhumance de début de saison de pluies vers In Séloumane
et autres pâturages du Mali, où les bergers de Gandéfadou rencontrent
ceux d’in Daki, d’in Tillit, etc.
Cependant, dès que les pousses de petit mil atteignent une dizaine
de centimètres de haut, les campements sont déplacés hors des terrains
de cultures. Tous les Peul Djelgobé, de Gandéfabou-Kel Ewel par exemple,
se transportent entre la petite mare de Tin Akh oh s’abreuvent désormais
leurs animaux, à 3 km à peine à l’est des puisards de Gandéfabou-Kel
Ewel, et les deux collines qui sont situées à environ 1 km au nord de
celle-ci. De même les Kel Ewel qui ont leurs champs au sud de la dune de
Gandéfabou-Kel Ewel, abandonnent leurs ekarbane et dressent leurs
tentes à quelques centaines de mètres au sud de la clôture d’épineux qui
protège l’espace cultivé contre les incursions toujours possibles des
boeufs.
69
L’abandon des champs, dans cette région est précoce : dans le centre
de I’Oudalan, par contre, notamment vers la mare de Bangao, les campe-
ments restent établis sur les champs jusqu’à ce que le mil atteigne une
trentaine de centimètres de hauteur.
A cette saison les puisards sont généralement comblés : les adiora (1)
de Gandéfabou et de Gountouré Niénié coulent par intermittence et
conservent dans leur lit de nombreuses petites mares où s’abreuvent les
animaux, outre les mares temporaires de Tin Akh, Saba Kolangal, etc.
Quant aux Iklan Warag Warag d’Eraf n’Aman ils quittent la mare
d’Oumi pour regagner leurs terrains de cultures sans attendre que la
mare d’Eraf n’bman soit remplie par les crues de I’In Séloumane, ce qui
ne se produit généralement qu’assez tard dans le courant de l’hivernage.
Des averses locales parviennent en effet à créer un point d’eau temporaire
à l’extrémité sud de celle-ci, en un point où affleurent d’ailleurs des
dolomies. Néanmoins les semis à Eraf n’Aman sont généralement tardifs,
car les premières pluies qui les auraient rendus possibles ne suffisent pas
toujours à faire apparaître ce point d’eau, faute duquel il n’existe aucune
possibilité d’abreuvement à cette époque.
La saison des travaux agricoles donc, qui va de la mi-juillet à la
mi-août, voit le retour d’une partie importante du bétail autour des
terrains de cultures et c’est à nouveau le pâturage des formations
dumaires qui est mis à contribution.
Cette pratique est extrêmement préjudiciable à ce type de pâturage
qui est piétiné et brouté avant que les graminées qui le composent ne
soient arrivées à maturité. Le pctentiel fourrager de la saison sèche se
trouve de la sorte hypothéqué, et ainsi s’amorce autour des points d’eau
pérennes et des terrains de culture qui leur sont associés un véritable
processus de désertification.
Dès que la population se trouve libérée de ses tâches agricoles, le plus
souvent dans la deuxième quinzaine d’août, mais parfois, si les pluies
ont été tardives, seulement début septembre, a lieu la véritable nomadi-
sation d’hivernage.
Le pâturage le plus recherché est alors le fonio sauvage (Panicum
Zaetum), qui pousse en abondance sur les formations hydromorphes et
dans les bas-fonds inondables, notamment au-delà du Béli et en territoire
malien, vers Tin Lorloro, Tin Akaymout, Ikirikao et dans la vallée de
l’in Séloumane, a une trentaine de kilomètres au nord de la mare d’Eraf
n’Aman.
Le for.60 sauvage est en outre récolté et consommé par les Iklan dont
le cheptel n’est pas suffisamment important pour leur permettre de se
nourrir exclusivement de lait pendant tout l’hivernage à l’instar des
Peu1 Djelgobé.
Les Iklan Warag Warag d”Eraf n’dman et les Ihayawan Warag Warag
de Gandéfabou-Djelgobé nomadisent en totalité vers les lieux que nous
venons de citer, en territoire malien, dans le bassin de 1’In Séloumane.
70
Chez les Peul Djelgobé de Gandéfabou-Djelgobé et de Gandéfabou-
Kel Ewel, les chefs de familles, d’âge mûr, ne nomadisent pas. Ils
demeurent jusqu’à la récolte à l’orée des champs avec un petit nombre
de vaches laitières, tandis que tout le reste de la population, c’est-à-
dire les jeunes ménages et les célibataires, s’en vont rejoindre ceux des
leurs qui ne sont pas revenus de la nomadisation de pré-hivernage entre
Eraf n’dman et In Daki au Mali. Ils emmènent avec eux la plus grande
partie des animaux que l’on avait fait revenir à Gandéfabou au début
de la saison des cultures.
Quant aux I<el Ewel dont nous avons déjà souligné les habitudes
sédentaires qu’ils semblent avoir répudiées récemment, en 1970 la plupart
d’entre eux n’avaient pas nomadisé.
Après être sorti de leurs champs et avoir dressé leurs tentes à quelques
kilomètres au sud de ceux-ci, ils attendaient la récolte en faisant paître
leurs animaux dans la brousse-tigrée, notamment au sud de la petite mare
de Saba Kolangal, ne se souciant pas de se mettre en quête des pâturages
à Padcum laetum.
Les Foulbé Kelli et les Ihayawan Imededran de Gountouré Niénié
enfin, nomadisent en hivernage au nord de la mare de Soum, puis
rejoignent la mare d’Ebang Imalen (1) au Mali, dans la région de Hom-
bori, et de là font faire la cure salée à leurs animaux à Amniganda.
Un des aspects de la nomadisation d’hivernage en effet est la recherche
de terres salées où les animaux doivent effectuer à cette époque une ou
plusieurs cures, dont la durée n’excède généralement pas cinq jours. La
plus réputée, la plus importante de toutes, celle qui voit tous les ans en
hivernage d’énormes rassemblements d’animaux. est la terre salée d’Amni;
danga, au Mali, à 50 km environ au nord de la mare de Soum et à l’est de
Hombori.
Les Foulbé Kelli de Gountouré Niénié ne rejoindront leur point d’eau
de départ qu’au cours de la deuxième moitié de la saison sèche.
Après la cure salée à Amniganda, la plupart d’entre eux reviennent
à Soum où ils passeront la fin de la saison des pluies et la première moitié
de la saison sèche, tandis que d’autres vont se rendre d’Amniganda à la
mare de Gossi, au cœur du Gourma, dans les parages de laquelle le fonio
sauvage abonde, De là ils rejoindront à la fin de l’hivernage la mare
d’Eraf n’dman en passant par In Daki, et y demeureront jusqu’à son
quasi-assèchement pour ne revenir à Gountouré Niénié qu’à la fin de la
saison sèche, ayant accompli un périple de plus de 300 km. Ces Foulbé
Kelli de Gountouré Niénié apparaissent ainsi comme les plus grands
nomades de tous les groupes de pasteurs de l’oudalan.
Notons enfin que les Peul Djelgobé de Gandéfabou envoient éga-
lement leurs animaux à la terre salée d’Amniganda au cœur de l’hiver-
nage à partir des pâturages situés au sud-est d’in Daki où ils se trouvent
à ce moment, l’aller et le retour s’effectuant selon le même itinéraire.
71
Pesanteurs sociologiques et contraintes du milieu
72
de saison sèche vers la mare d’Oumi, à une quarantaine de kilomètres
au sud-est d’Eraf n’Aman, s’éloignant de leurs champs au moment oit il
convient de s’en rapprocher et se trouvant ainsi dans l’impossibilité de
mettre à profit les premières pluies qui pourraient assurer le succès de
leurs semis ; aussi connaissent-ils une disette chronique de mil.
Si l’on oppose par ailleurs l’ampleur des transhumances des Peul
Djelgobé et des Foulbé Kelli, au caractère souvent étriqué de celles des
Kel Tamachek, il est évident que l’on se trouve en présence de deux
sociétés dont les options radicalement différentes à l’origine ont induit des
différences de comportements dont ne sauraient rendre compte, dans le
cas présent, les contraintes du milieu qui pèsent de façon identique sur
tous.
La société Peul Djelgobé paraît n’avoir jamais eu dans le passé
d’autre moteur que la recherche de conditions d’élevage optimales, et la
grave crise que connaît l’élevage sahélien depuis une ou deux décennies,
semble d’ailleurs avoir eu pour effet de la remobihser, après une période
de stabilité relative. C’est ce que relève .très justement J. GALLAIS,
quand il écrit :
On peut suivre à l’époque contemporaine la migration étonnante de ces
pasteurs qui, de l’ouest de la Haute-Volta, poussent à notre connaissance
leur pointe orientale sur la rive gauche du Niger à l’est d’Ayorou.
Migration vers l’est, mais aussi vers le sud-est où certains groupes
auraient atteint la frontière Haute-Volta - Dahomey, en quête de
nouveaux espaces pastoraux, a l’intérieur desquels les Peul Djelgobé
s’efforcent de ne négliger aucune ressource : le périple des Foulbé Kelli
de Gountouré Niénié atteignant en hivernage la mare de Gossi après la
cure salée à Amniganda, puis passant la première moitié de la saison
sèche à Eraf n’Aman pour ne rejoindre Gountouré Niénié qu’à la fin de
la saison sèche en fournit l’illustration.
En regard de cela, les Kel Tamachek des classes Illelan, même quand
ils n’étaient pas guerriers, comme les Kel Ewel, prélevaient, nous l’avons
vu, un tribut annuel en bétail sur leurs Iklan mais confiaient le plus
souvent leurs animaux aux Peul Gaobé, attachant apparemment plus
de prestige à l’acte d’allégeance que représentait le paiement de ce tribut
et à la domination politique qu’il impliquait, qu’a‘ la possession de l’ani-
mal pour lui-même. Quant aux Iklan formés à pareille école (nous avons
également noté leur tendance à se procurer jadis eux aussi des captifs
par acquisitions) rien ne les prédisposait à prendre très à cœur leur condi-
tion de pasteurs. Aujourd’hui encore on ne décèle nulle passion pour le
bétail chez les Kel Tamachek et ils montrent une tendance à se satisfaire
de pâturages souvent médiocres. Il est remarquable en particulier que
les bœufs ne soient généralement pas gardés en saison sèche et s’en aillent
au pâturage sans berger, leurs propriétaires les attendant simplement
aux puits pour les faire boire. Plaisantant leur propre laxisme dans ce
domaine, les Kel Tamachek déclarent que même les Imghad réputés
pourtant meilleurs éleveurs que les autres éléments de la société Kel
Tamachek, ne se décident - momentanément - à garder leurs animaux
qu’en cas de carnage commis par les fauves : Amghid wor idine har
73
ichimikche : « Z’Amghid (1) ne surveille pas (les animaux) à moins d’une. . .
ripaille», le substantif ichimikche, qui dérive du verbe ikche, manger,
signifiant le fait d’être mangés, dévorés en grand nombre, sous-entendu
ici par les fauves.
Mais par-del& les différences de comportements et d’attitudes devant
le fait pastoral, le problème qui se pose est celui de l’adéquation globale
du système que nous venons d’analyser, au potentiel fourrager des
parcours ainsi exploités.
L’interprétation agrostologique
74
de 2,7 ha par UBT pendant cette période. La charge effective était
de 1 UBT pour 2,42 ha, et pour la ramener à 1 UBT pour 2,7 ha, l’effectif
bovin aurait dû n’être que de 10 000 têtes, équivalent à 7 300 UBT.
La surcharge des parcours était donc dans ce cas moins forte, l’excédent
de bovins n’étant que de 1 300 têtes soit 13%.
Ces calculs ont évidemment un caractère assez théorique et ne tiennent
pas compte par ailleurs de la présence de petits ruminants (chèvres et
moutons) qui n’ont pu être dénombrés, mais dont on admet qu’en zone
sahélienne les effectifs majorent d’un tiers environ le nombre d’UBT cal-
culées à partir de l’effectif de bovins. Ce ne seraient donc plus 9 271 et
8 249 UBT qui seraient successivement entretenues sur les parcours de
cette zone, mais en réalité 12 300 et 10 970 UBT, la surcharge se trouvant
ainsi considérablement aggravée.
Toutefois, il faut noter que les chèvres utilisent de façon sélective le
pâturage aérien, tandis que les moutons consomment de préférence les
graminées, et qu’il n’est par conséquent pas possible de rapporter les
UBT petits ruminants aux deux principaux types de parcours de cette
zone, dans l’ignorance du pourcentage relatif de caprins et d’ovins, les
uns et les autres les mettant à contribution dans des proportions inégales.
E&n, nous n’envisageons ici que l’utilisation de l’espace pastoral
de saison sèche, faute de données sur la charge potentielle des parcours
d’hivernage.
Dans l’ensemble cependant, la surcharge demeure modérée en regard
d’autres secteurs de l’oudalan, et le respect de la complémentarité des
différents types de parcours, généralement observé, a permis, au prix
d’une mobilité pastorale importante, d’éviter un appauvrissement trop
marqué des pâturages.
Cette partie de 1’Oudalan est notamment la seule où l’on rencontre
encore Andropogon guyanus, graminée très recherchée par le bétail et
Blepharis linariifolia, une acanthacée, dont les graines oléagineuses
apportent un appoint de lipides au lest alimentaire que constitue pour
le bétail le pâturage graminéen de saison sèche.
11 s’agit donc là d’une zone de relatif équilibre, où les conditions
devrieant se trouver encore améliorées grâce à la création, projetée, d’une
station de pompage au forage« Christine», à une quinzaine de kilomètres
au sud-ouest de la mare d’Eraf n’Aman, à la condition expresse que son
fonctionnement n’excède pas une durée de deux mois et demi par an,
approximativement de la mi-avril au début de juillet.
Nous avions recommandé en effet, dans le cadre d’une étude sur
convention (1) avec la Direction de 1’Elevage de Haute-Volta, en 1970,
l’abandon de la formule « ranch sahélien d’embouche» de 50 000 ha, qui
avait été initialement envisagée et qui aurait eu pour effet de priver la
population et le cheptel de cette zone d’environ 30 000 ha de parcours
75
de saison sèche, les pâturages inexploités en raison, de l’éloignement
excessif des points d’eau ne représentant qu’une superficie de 20 000 ha.
En contrepartie, nous avions préconisé la création d’une réserve pas-
torale de 50 000 ha, dite réserve pastorale de Tin Arkachen (du nom d’une
mare temporaire d’hivernage située à proximité du forage « Christine>>)
qui, moyennant un certain nombre de contraintes (interdiction de toute
activité autre que pastorale, limitation autoritaire de la charge des
pâturages et perception d’une redevance d’abreuvement), devrait
permettre aux éleveurs une meilleure utilisation du potentiel fourrager.
L’abreuvement au forage « Christine» dont le débit - fait unique dans
toute la Boucle du Niger - atteint 100 mz/heure, permettrait en effet,
après l’assèchement de la mare d’Eraf n’Aman, l’exploitation des
20 000 ha de pâturages dunaires jusqu’ici inutilisés à l’ouest de la mare
de Tin Arkachen, et aussi l’abreuvement quotidien de la totalité du
cheptel pendant toute la durée de la saison sèche. Mais il est évident que
1e pompage devrait être arrêté dès les premières pluies, pour ne pas
« casser» le rythme des transhumances, l’expérience ayant prouvé,
notamment au Niger, que le fonctionnement d’une station de pompage
pendant toute l’année, entraine rapidement comme conséquence la
destruction complète des pâturages périphériques, les éleveurs étant
incités par les facilités d’abreuvement qu’ils y trouvent, à y maintenir
leurs animaux indéfiniment.
76
IV
Une étude générale (1) des transhumances que nous y avons menée
en 1972-1973, également pour le compte de la Direction de I’Elevage de
Haute-Volta, nous a permis de mettre en évidence des déséquilibres
internes, qui, nous allons le voir, apparaissent comme les conséquences
de cloisonnements entre groupes d’éleveurs utilisateurs de points d’eau
différents, phénomène dont nous avons essaye de rendre compte de façon
synthétique par le concept de zones « d’endodromie>r pastorale.
77
Nous en donnerons ici la dé6nition dans les mêmes termes que nous
avons employés dans une publication anterieure (1) : espace exploité
selon un cycle annuel à partir d’un nombre variable de points d’eau
pérennes, par différents groupes d’éleveurs, sédentaires ou nomades,
utilisateurs habituels de ces points d’eau en saison sèche et ayant adopté
empiriquement les mêmes aires et le même calendrier de transhumances.
Chaque zone d’endodromie pastorale comporte les cinq éléments
suivants :
- un certain nombre de points d’eau pérennes utilisés en saison sèche
par un cheptel donné,
- des parcours de saison sèche utilisés à partir de ces points d’eau,
- des terrains de cultures de nomades ou des terroirs villageois de
sédentaires éleveurs transhumants, gknéralement associés à ces mêmes
points d’eau,
- des points d’eau temporaires de saison des pluies,
- les parcours de saison des pluies qui leur sont associés et qui sont
exploités par le cheptel en provenance des points d’eau pérennes
considérés.
Les zones d’endodromie pastorale - terme que nous avons forgé
a partir des racines grecques « endo>> et « dromos» course, parcours,
pris au sens de déplacements - apparaissent donc comme des espaces
pastoraux bien individualisés et juxtaposés, à l’intérieur desquels s’ef-
fectuent, selon un cycle annuel, les déplacements d’un nombre a peu près
constant de troupeaux et de la population qui les accompagne.
Pour concrétiser notre propos, nous allons prendre à nouveau comme
région de référence le nord-ouest de l’oudalan.
78
du Béli, envoient également leurs animaux en transhumance d’hivernage
et nomadisent dans 1’In Séloumane.
A l’est de Gandéfabou Djelgobé enfin, se trouve un autre point d’eau
erenne
i?* nommé Gargassa, d’importance moindre et peuplé surtout de
Perd Djelgobé qui pratiquent également la transhumance d’hivernage
vers 1’In Séloumane.
Nous considérerons par conséquent que la plus grande partie du nord-
ouest de 1’0udalan constitue une zone d’endodromie pastorale caractérisée
à la fois par des transhumances d’hivernage dans le bassin de Z’In Selou-
mane et par l’utilisation, pendant la plus grande partie de la saison sèche,
des mares amont du Béli (mares d’Eraf n’Aman et de Fadar Fadar), cette
zone d’endodromie comportant également un certain nombre de points
d’eau pérennes (Gandéfabou, Gargassa, rive nord de la mare d’Oumi,
en Haute-Volta, et In Daki au Mali).
Elle recouvre la quasi totalité de la zone sur laquelle portait, dans le
chapitre précédent, l’analyse du fonctionnement du système pastoral,
mais elle la déborde sensiblement vers l’est et le sud, tandis qu’à l’extrême
ouest le point d’eau de Gountouré Niénié n’en fait pas vraiment partie,
si l’on considère que les transhumances d’hivernage à partir de celui-ci
sont essentiellement dirigées vers la mare de Soum et la région de
Hombori, et non vers 1’In Seloumane, et que seulement quelques centaines
de têtes de bétail appartenant à ce point d’eau’s’abreuvent à la mare
d’Eraf n’Aman à leur retour de Gossi.
Ainsi définie, cette zone a une superficie totale de 303 000 ha et un
cheptel bovin qui pouvait être évalué, avant 1972, à 43 500 têtes, soit
en moyenne 7 ha par tête.
Converti en UBT, cet effectif bovin correspondait à 31755 UBT
auxquelles venaient s’ajouter théoriquement 10 480 UBT de petits
ruminants. La charge moyenne y était donc d’environ 1 UBT pour
7,17 ha, parcours d’hivernage compris.
On peut donc admettre que cette zone d’endodromie, de 303 000 ha,
que nous avons dénommé « Haut Béli-Gandéfabou-Déou» en fonction
du principal élément d.e son système hydrographique, de ses deux prin-
cipaux points d’eau pérennes, et du principal marché qui s’y trouve
inclus, présentait bien dans son ensemble un caractère de relatif équilibre,
comme l’analyse de l’utilisation des 40 000 ha de parcours de saison
sèche exploités à partir d’Eraf n’dman et de Gandéfabou, permettait de
le supposer.
Il semble même que l’on se situait approximativement ici dans la
norme théorique selon laquelle, en zone sahélienne, une situation
d’équilibre dans le domaine pastoral, commanderait de disposer d’autant
d’hectares de parcours pour l’entretien de 1 UBT/an que l’on compte de
mois de saison sèche.
Pour 7,17 ha disponibles par UBT et par an, on peut considérer en
effet que la période d’intense sécheresse atmosphérique dure environ
sept mois, du ler novembre au ler juin.
Par ailleurs la population nomade de cette zone, recensée en Haute-
Volta, est d’environ 6 800 personnes, qui possédaient 31 500 bovins sur
79
les 43 500 bovins dénombrés, 12 000 d’entre eux appartenant aux
nomades des arrondissements d?In Daki et d’in Tillit au Mali, qui les
abreuvaient en saison sèche à Eraf n’dman, mais surtout à Fadar Fadar.
Le taux de bovins y était donc de 4,6 par personne, pour les seuls
nomades ressortissants voltaïques, ce qui représentait à peu près le seuil
théorique d’une économie purement pastorale, mais les bêtes étaient fort
inégalement réparties, comme nous l’avons vu entre les Peul Djelgobé
et les différentes classes de la société Kel Tamachek.
A partir des critères que nous venons d’exposer, nous avons distingué
au total huit zones d’endodromie pastorale dans l’oudalan, dont l’une
déborde d’ailleurs sur l’ouest du Liptako, et nous allons à présent carac-
tériser brièvement les sept zones suivantes comme nous venons de le
faire pour la zone Haut Béli-Gandéfabou-Déou.
80
sèche autour des mares de Kacham et de Tin Akof par exemple, où l’on
dénombrait environ 5 000 têtes pendant les mois de février et mars,
avant 1972.
C’est qu’en effet, la vallée du Béli est ici encaissée dans des collines
schisteuses au maigre potentiel fourrager, et ce sont les grandes mares
sub-pérennes de Bakal et Tin Foz Foz au Mali, déjà mentionnées, dans
une région à la topographie dunaire très marquée, qui jouent ce rôle de
relais de début de saison sèche, normalement dévolu aux mares du Béli
dans les zones Haut Béli-Gandéfabou-Déou et Béli-Darkoy. La mare de
Kabia, normalement pérenne, est surtout utilisée pour l’abreuvement
pendant la période de pré-hivernage par les animaux en transhumance
dans la brousse-tigrée sur la rive nord, et par les Elan Kel Tafedest qui
ont là leurs terrains de cultures.
Les zones Béli-Darkoy et mare de Kabia-Markoye, telles que nous les
avons délimitées en y incluant les parcours de saison des pluies situés au
Mali, ont une superficie respective de 238 000 ha et de 174 000 ha.
On dénombrait avant 1972 environ 30 000 bovins pour 9 900 habitants
dans la première et 16 000 bovins pour 5 000 habitants dans la seconde.
La population de ces deux zones est en quasi totalité Kel Tamachek :
Imghad et Iklan Warag Warag dans la moyenne vallée du Béli et notam-
ment à la mare de Tin Akof, Imghad et Iklan Itaboten à la mare de
Bangao, ainsi que de nombreuses fractions Iklan d’origines très diverses :
Kel Doro, Ibichilam, Iforas, Iderfane, Iklan Kel es Souk, etc., « Kel es
Souk?>, anciens maîtres des précédents, aux mares de Darkoy et de
Beldiabé, Kel Tafedest et Iklan Kel Tafedest à la mare de Kabia et entre
Kabia et Markoye, Imghad et Iklan Ikoubaraden à Tin Saman au nord-
ouest de Markoye et enfin Imajaren Idamossen à Ziguibéri, au nord-
ouest de Markoye. A cela viennent s’ajouter néanmoins trois assez
importants groupements de Peul Djelgobé, un à la mare de Bangao, et
un autre à la mare de Beldiabé dans la zone « Béli-Darkoy», le troisième
au point d’eau de Ngoungam dans la zone « Kabia-Markoye».
La charge des parcours était avant 1972, respectivement de 8,l ha
par UBT/an pour la première, et de 11,2 ha par UBT/an pour la seconde,
petits ruminants compris.
Il y avait donc là encore apparemment une situation d’équilibre,
et pour la zone mare de Kabia-Markoye, on aurait été tenté de parler de
sous-exploitation, mais compte tenu de son médiocre potentiel fourrager,
on peut admettre que le bilan y était équivalent à celui de la zone Béli-
Darkoy, où la charge était plus forte mais les pâturages meilleurs. Par
contre le rapport chepteljpopulation y était nettement moins favorable
que dans la zone Haut Béli-Gandéfabou-Déou : 3 bovins par habitant
dans la zone Béli-Darkoy et 3,2 dans la zone mare de Kabia-Markoye.
8I
étriquées, assorties d’un micro-nomadisme - dont le seul exemple que
nous ayons rencontré jusqu’ici était celui des Kel Ewel - entraînant une
saturation des parcours qui aboutit à des phénomènes de dégradation
spectaculaires.
Dans ces trois zones, dont les superficies respectives sont de 111 000 ha,
61500 ha et 56 800 ha et dont le cheptel bovin était de 28 900, 17 600
et 17 800 têtes avant 1972, la charge des parcours s’élevait à 1 UBT/an
pour 3,5 ha environ, petits ruminants compris.
D’autre part, la population qui est approximativement de 7 200 per-
sonnes pour la zone amont de la mare d’Oumi, 11500 personnes pour la
zone Oursi-Bidi-Gorom Gorom, et 6 500 personnes pour la zone des mares
centrales de I’Oudalan diffère de celle des trois zones du nord par la
présence d’un assez important peuplement sédentaire, surtout dans la
zone Ou&-Bidi-Gorom Gorom où il représente près de 50% de l’effectif
total, et dans celle des mares centrales de l’oudalan ou il représente près
de 30%. Les sédentaires, Songhaï et Rimaïbé, ne possédant que peu de
bétail, le rapport cheptel bovin/population n’était que de 1,5 bovin par
personne dans la zone Oursi-Bidi-Gorom Gorom et de 2,7 dans la zone
des mares centrales. Par contre, dans la zone amont de la mare d’oursi,
où la proportion de sédentaires n’est que de 15%, ce rapport était de
4 bovins par personne. Il était donc même supérieur à celui observé dans
les zones Béli-Darkoy et Kabia-Markoye, ceci en raison de l’importance
du peuplement Peul Gaobé.
Les Peul Gaobé (Adabé et Aguilanabé de Boulikessi, Barabé de
Bélédiam, Silloubé et Tchiéoudibé de Gountouwala), chez qui nous
avions évalué à 5 bovins par personne en moyenne le rapport cheptel
bovin/population représentent, avec 3 500 personnes environ, 49% du
peuplement de cette zone, regroupé en saison sèche autour des points
d’eau de sa partie sud.
Les Kel Tamachek, Touareg Alkasseybaten de Tin Aïdjar, Iklan
Kel es Souk et Iderfane de Bombourou, Warag Warag Gaobé de Dibissi,
ne représentent ici que 36% de la population, soit environ 2 600 per-
sonnes, tandis que la population sédentaire est d’environ 1 100 personnes
(15%).
La zone amont de la mare d”Oursi est caractérisée par une topographie
accidentée et inclut la totalité du bassin/versant de cette mare, dont les
émissaires, au lit souvent encaissé, portent une végétation arbustive
parfois assez dense à Anogeissus leiocarpus tandis qu’en saison des pluies
y pousse le Panicunz Zaetum. A la saison seche, le bétail est entretenu sur
les parcours dunaires autour des mares de Tin Aïdjar et Dibissi au nord,
et sur les surfaces sableuses en limite des terrains de cultures, autour des
points d’eau de Boulikessi, In Tagaten (ou Kitagou), Bélédiam et Goun-
touwala au sud. Le village sédentaire de Sikiré, enfin, au sud-ouest de
Boulikessi, qui appartient à la sous-préfecture de Djibo, arrondissement
d”Aribinda, peut être considéré comme inclus dans cette zone.
La distinction entre les transhumances de pré-hivernage, vers les
parcours à végétation arbustive dense, et les transhumances de l’hiver-
nage proprement dit, prend ici un caractère purement formel car ce sont
82
les mêmes parcours qui sont mis à contribution pendant toute la période
humide.
AUX premières pluies en effet, les animaux s’éloignent des terrains
de cultures accompagnés de leurs bergers à des distances excédant
rarement 10 à 15 km, de la périphérie vers le centre de la zone, et à la
fin août, après l’achèvement des travaux agricoles qui comportent ici
deux sarclages contre un seuI dans Ie nord de I’Oudalan, les éléments
jeunes de la population nomadisent pour rejoindre les troupeaux. Si le
Panicum laetum a poussé en abondance dans le ht des émissaires de la
mare d’oursi, il sera évidemment consommé en priorité, mais il n’occupe
ici que des surfaces extrêmement réduites et la consommation du
pâturage aérien se poursuit pendant toute cette période.
Les animaux demeurent éloignés des champs jusqu’à la récolte.
Aussitôt après celle-ci, à la fin octobre, ils sont ramenés sur les ter-
rains de cultures pour consommer les tiges et les feuilles de mil encore
fraîches, ce qui leur assure un appoint de nourriture pendant quelques
semaines, et ils n’effectueront plus de déplacements pendant toute la
saison sèche.
Le schéma est en gros identique dans les zones Oursi-Bidi-Gorom
Gorom et mares centrales de 1’0udalan : transhumance et petite nomadi-
sation de saison humide de la périphérie vers le centre, c’est-à-dire des
cordons dunaires du nord et du sud où se rencontrent les points d’eau
permanents et les terrains de cultures, vers les étendues plus ou moins
boisées qui les séparent.
Toutefois ici, la topographie très plate et l’absence de thalwegs
encaissés comme de zones hydromorphes, ont pour conséquence
l’inexistence du pâturage d’hivernage à Panicum laetum, et le bétail doit
s’y satisfaire d ‘un maigre pâturage à Eragrostis tremula, Pennisetum
pedicellatum, Aristida funiculata, etc., tandis que la strate arbustive très
ouverte, à Acacia radcliana et Acacia seyal ne fournit de pâturage aérien
qu’aux caprins.
Les parcours de la zone Oursi-Bidi-Gorom Gorom sont exploités
essentiellement par le bétail de diverses fractions Iklan des environs de
Gorom Gorom (Inadaourak de Touro, Ifaroyen d’Assinga, Kel Idjief et
Kel Tahount d’in Guiddoy) représentant 4 000 personnes environ et par
celui des Peul Gaobé (Dogabé de Bossey, Magaboubé d’Aliakoum et
Willabé d’Assinga) au nombre de 2 000 environ, la population sédentaire
s’élevant à 5 500 personnes.
Quant à la zone des mares centrales de l’oudalan, elle est essentiel-
lement le domaine des Touareg Oudalan dont le point d’eau de saison
sèche est la mare de Kissi, des Iklan Oudalan et d’autres fractions iklan
comme les Kel Tamisgueït, enfin des Kel es Souk Kel Bara et de leurs
iklan, soit environ 4 500 Kel Tamachek, tandis que les Perd Gaobé, au
nombre d’un millier, y sont surtout représentés par les Bambabé de la
mare de Yomboli. On compte en& également un millier de sédentaires,
Songhti du groupe dit Mahébé, et des Rimaïbé.
La grande mare d’oursi, où l’on dénombrait avant les lourdes pertes
de 1972 environ 10 000 bovins en saison sèche, apparaît donc comme la
83
charnière entre les zones Ours&Bidi-Gorom Gorom au sud et Haut Béh-
Gandéfabou-Déou au nord, jouant le rôle pour cette dernière, de point
d’eau de repli de fin de saison sèche pour les Iklan Warag Warag d’Eraf
n’Aman et de Fadar Fadar.
Par contre, il est remarquable qu’elle n’est que peu mise à contri-
bution par les éleveurs de la zone « amont mare d’Oursi».
Outre la présence permanente de l’eau, tirée de puisards à faible
profondeur à partir de la saison chaude, la mare d’Oumi, mais aussi les
mares de Yomboli, Kissi et Kounsi, assurent pendant une partie de la
saison séche un pâturage vert, comportant notamment le bourgou
(Echinochloa stagnina). Cependant l’existence de ces mares, par la facilité
d’abreuvement qu’elles procurent, est largement responsable de la sur-
charge des parcours de ces trois zones du centre de l’oudalan, et dont les
effets, aggravés par la sécheresse de ces dernières années, se traduisent
par la désertification de vastes étendues. On peut notamment observer,
sur la rive nord de la mare d’Oumi, un spectaculaire champ de dunes
vives qui semble en cours d’extension.
Cette zone qui comptait environ 24 000 bovins pour une superficie
de 132 500 ha app araissait dans une situation moins critique que les
trois précédentes avec une charge de 1 UBT/an pour 5,6 ha.
La population, d’environ 10 000 personnes, est composée à 50% de
sédentaires songhaï groupés en assez gros villages comme Takabangou,
Dembam, Tin Agadel, Douman, Koiréziéna.
La population nomade est en majorité Kel Tamachek : Iklan Oudalan
à Gaïgou, Irawellen Idamossen et Iklan Ikoubaraden à Golgountou,
Iklan Ikoubaraden encore à Bom à la frontière du Niger, Iklan Kel Emy
et Iklan Kel es Souk à Gozéï, Kel Tafedest à Tin Zoubaratin, Kel Arabo à
Tin Taradat, etc. Enfin on a noté la présence de quelques familles Touareg
Kel es Souk de la tribu des Illoukaïnaten à Gozéï.
Au total la population Kel Tamachek de cette zone représente environ
4 000 personnes.
Enfin, on y dénombre un millier de Peul Gaobé : Silloubé à Gaïgou
et à Ekéou, Gaobé Idamossen à Pétékolé, Imoudaken, parlant le
tamachek, à Tassiri, etc.
Le rapport cheptel bovin/population est ici de 2,4 bceufs par personne,
la faiblesse de ce taux étant fonction de l’importance de la population
sédentaire.
Le principal axe de drainage de cette zone est le Gorouol en aval du
village de Koiréziéna.
Les transhumances sont ici du même type que celles des trois zones
du centre de I’Oudalan, en ce sens qu’elles se font à partir des points d’eau
périphériques et des terrains de cultures de Bom, Gozeï, Golgountou,
Ekéou, etc., vers les bas-fonds inondables de la vallée du Gorouol avec
retour en début de saison sèche sur les terrains de cultures. Ici encore,
transhumances et nomadisation ont un caractère extrêmement étriqué,
et seule une partie de la population accompagne les animaux dans leur
transhumance d’hivernage, chez les Kel Tamachek comme chez les Peul
Gaobé, bien que l’habitat de type nomade demeure la règle.
85
composite, en ce sens que si l’on y observe toujours la traditionnelle
transhumance de saison des pluies comme dans le reste de l’oudalan, on
y voit apparaître aussi une transhumance de saison sèche qui est le propre
des populations sédentaires du Liptako et du sud du Djelgodji.
La transhumance de saison des pluies n’a heu qu’après le deuxieme
sarclage du mil, vers la mi-août. Jusqu’à cette époque, la totalité du
cheptel demeure à proximité des terrains de cultures, continuant à
pâturer les parcours de formations sableuses ou des zones maigrement
boisées en pied de dune.
Cette transhumance, assortie de la nomadisation de la plus grande
partie de la population Kel Tamachek et Gaobé, est dirigée vers les
plaines argileuses comprises entre les cordons dunaires nord et sud.
Le déplacement y est donc de l’ordre de la dizaine de kilomètres à
peine ; néanmoins pendant cette période le pâturage dunaire, mis à
contribution pendant la première partie de la saison des pluies, est laissé
en repos et peut se reconstituer partiellement.
Le retour sur les points d’eau permanents et les terrains de cultures
a heu dès l’enlèvement de la récolte, au mois d’octobre.
L’importance des superficies cultivées, que l’on peut évaluer ici à
10% environ de la superficie totale, soit L5 000 ha, assure au bétail
environ un mois de consommation de tiges et feuilles de mil fraîches, soit
0,3 ha par tête ce qui, rapporté à l’année, équivaudrait à un pâturage
d’une charge potentielle de 3,6 ha par tête.
Cependant, d ès 1e mois de novembre, cet appoint fourrager étant
épuisé, le bétail transhume vers la mare de Boukouma, à l’extrémité
ouest de la zone, dont les parcours de bas-fonds humides sont exploités
également par les troupeaux des sédentaires de la région d’Aribinda et de
Yalanga dans le sud-est du Djelgodji.
Cette transhumance qui se prolonge jusqu’à la saison chaude est
assortie de la nomadisation d’une partie des éléments jeunes de la popu-
lation Kel Tamachek et Gaobé. L’assèchement de la mare de Boukouma
vers le mois de mars marque le retour sur les terrains de cultures et les
points d’eau pérennes de I’Oudalan.
Ce système apparaît donc comme un habile compromis dicté par les
impératifs contradictoires d’une agriculture à laquelle la pluviométrie
assure généralement ici une bonne productivité, et d’un important
élevage d’appoint.
La transhumance de saison fraîche permet en effet de limiter la dégra-
dation des parcours sur sables éoliens qui devront être exploités pendant
la saison chaude et la première moitié de l’hivernage, les surfaces argi-
leuses du type Kolangal qui existent par ailleurs, ne portant aucun
pâturage exploitable en saison sèche, et l’absence de formations de type
bush à feuillage appétible, interdisant toute transhumance de pré-
hivernage dans cette zone.
86
RELATI VIT-l? DU CONCEPT D’ENDODROMIE
87
différente ; mais ces transhumances vers les terres salées, en raison de
leur brièveté (de 5 à 10 jours) n’ont qu’une influence négligeable sur la
charge des parcours des zones voisines ainsi mis momentanément à
contribution. Du reste, la plupart des zones d’endodromie comprennent
une ou plusieurs terres salées : terres salées d’in Tatialen et de Karey
pour la zone Béli-Darkoye, d’in Fagagan pour la zone Kabia-Markoye,
de Bidi, p oint de contact des zones amont mare d’Oumi, Oursi-Bidi-
Gorom Gorom et Boukouma-dune de Bidi-Félléol.
E&n, nous avons souvent inclus dans ces zones d’endodromie
pastorale des groupes d’éleveurs « marginaux» qui n’observent pas la
règle commune. C’était le cas par exemple, des Kel Etvel dans la zone
du Haut Béli-Gandéfabou-Déou, qui ne nomadisaient pas en hivernage
vers le Béli. Toutefois exploitant le même espace pastoral de saison sèche
et à partir des mêmes points d’eau que les groupes nomadisant vers le
Béli, il n’était pas possible de les laisser en dehors des limites de cette
zone.
De même, dans la zone Béli-Darkoye, une partie des Peul Djelgobé
et des Iklan Itaboten de la mare de Bangao nomadisent en hivernage
vers le sud-est, sur une surface argileuse à fonio sauvage, alors que les
déplacements de la majorité de la population sont dirigés vers le nord :
plaine d’in Ta’ilalen et bassin de 1’In Ouboka.
Enfin, si les limites des différentes zones d’endodromie paraissent
relativement stables, du moins selon des informations remontant à
quelques décennies, ce fait n’implique nullement qu’elles aient toujours
été utilisées par les mêmes groupes.
Les Alkasseybaten par exemple ne se sont installés que depuis une
quarantaine d’années autour du point d’eau de Tin Aïdjar. Auparavant
ils passaient la saison sèche au nord de la mare de Yomboli, en un lieu
dit Bangaonadji (1) dans la zone de Béli-Darkoye, et nomadisaient en
hivernage vers les plaines à fonio sauvage du nord.
Pendant les premières années de leur installation à Tin Aïdjar, ils
ont essayé de conserver leur ancienne transhumance vers le nord de la
zone Béli-Darkoye, mais ils y ont ensuite renoncé pour «faire comme
leurs voisins>>, c’est-&-dire les Gaobé Warag Warag de Dibissi et les
Iklan Me1 es Souk de Bombourou, et ils se sont accoutumés eux aussi a
faire transhumer leurs animaux vers l’amont de la mare d’Oumi. Il
semble donc que chacune de ces zones possède en quelque sorte sa logique
interne, à laquelle finissent par se plier les nouveaux arrivants :
- proximité des parcours d’hivernage et des parcours de saison sèche :
pourquoi aller chercher ailleurs ce que l’on a « sous la main>> ? même si
les parcours d’hivernage sont ici médiocres en comparaison de ceux que
l’on exploitait auparavant, on se convaincra aisément du contraire...,
- nécessité d’adopter le même rythme que les premiers arrivés, en
(1) Déformation peul d’Ebang ouan oudji, <cla mare au beurre» en tamachek, ainsi
nommée parce que les vaches y donnent ou y donnaient beaucoup de lait, a moins que
ce n’ait été au contraire par dérision !
88
raison notamment des contraintes agricoles : si l’on nomadise plus tôt,
on risque de voir ses champs laissés sans surveillance, endommagés par .
‘1es animaux d’autrui, si l’on s’attarde au contraire, on se verra accusé
ensuite des dégâts qui auront pu être commis, même s’ils sont le fait
d’animaux de passage par exemple.
89
V
La sécheresse en 19724973
et ses conséquences
91
Les premiers à partir dès le mois de décembre, forent les Peul Gaobé
et Djelgobé. Plus fortement motivés que les Kel Tamachek par la crainte
des lourdes pertes de bétail et moins dépaysés en milieu « soudanais»
parce qu’assurés d’y rencontrer d’autres Peul, différents d’eux mais
parlant la même langue, ils allaient donc abandonner aux Kel Tamachek
et à leurs troupeaux les misérables ressources de l’oudalan.
Les Kel Tamachek se déclarerent tout d’abord satisfaits du départ
des Peul et particulièrement de celui des Djelgobé. La concurrence pour
le pâturage se trouvant en effet considérablement réduite, la plupart
d’entre eux allaient s’obstiner à demeurer dans I’Oudalan avec leur bétail
jusqu’au mois de mars environ.
Cette attente supplémentaire allait se révéler lourde de conséquences.
On doit noter ici une fois de plus le particularisme des nomades
Kel Tamachek et leur répugnance à quitter le milieu sahélien. Certes, les
migrations d e t ravail vers la Côte d’ivoire, et autrefois le Ghana, sont un
phénomène ancien et généralisé à l’ensemble de la population masculine
iklan, et on peut même voir des Illelan se rendre de temps à autre à
Ouagadougou ou à Abidjan pour y percevoir quelques dons en argent ou
en nature comme nous l’avons déjà indiqué, mais une chose est de partir
à l’aventure par groupes d’hommes et une autre de se transporter avec
sa famille et tous ses biens dans un contexte géographique et humain
étranger par le climat, la végétation et par la langue et le genre de vie
de la population : un proverbe tamachek ne dit-il pas :Le sud ne conviemt
ni aux Illelan ni aux shameaux, et nous avons entendu des Iklan qui
étaient demeurés cantonnés sur la frange nord du pays Mossi, dans une
région où la phwiométrie n’atteint pas 700 mm, déclarer : l’ait et la
terre de ce pays ne nous conviennent pas, la peau de nos femmes y devient
terne, appréciation subjective peut-être, mais témoignant d’une «baisse
de moraln exceptionnelle chez une population dont le moins qu’on puisse
dire est qu’elle ne glisse pas facilement dans le pessimisme et la mélan-
colie. Par ailleurs la malnutrition plus que 1’ « air» et la « terre» pouvait
en effet donner quelque fondement à cette remarque.
Cependant, dans les années de disette, l’exode alimentaire d’une
partie de la population iklan de 1’Oudalan vers le Liptako ou l’Aribinda,
qui bénéficient plus régulièrement de récoltes abondantes, constitue une
pratique courante. De petits groupes familiaux vont alors s’établir en
saison sèche, souvent sous de simples abris de tiges de mil, sur les champs
des Peul villageois ou des Rimafbé, n’emmenant généralement avec eux
que des chèvres tandis que les bœul% demeurent dans I’Oudalan.
Ces Iklan se procurent du mil par vente ou troc de chèvres, ou en
monnayant leurs services qui consistent le plus souvent à ravitailler les
villages en bois de chauffe. En outre ils consomment le lait de leurs
chèvres. Cette pratique se nomme « raccourcir l’année», c’est-à-dire
raccourcir la période où l’on se trouvera réduit à ses propres ressources
en mil.
Mais si le Liptako et l’A.ribinda apparaissent comme des régions
étrangères, mais à bien des égards proches et familières, il en va tout
autrement au-delà, au sud des localités de Dori et d’Aribinda.
92
Or, en 1972, le Liptako et 1’Aribinda n’offraient pas davantage de
ressources que 1’0udalan et force était de pousser plus loin. De plus, cette
fois, le cheptel bovin participait à l’exode.
Celui-ci devait se stabiliser, dans l’ensemble, par 13030 de latitude
environ, selon une ligne approximativement est-ouest, jalonnée par la
mare de Higa à 90 km à vol d’oiseau à l’est-sud-est de Dori et à la fron-
tière du Niger, le point d’eau de Dyoungodyo, à 60 km au sud-est de
Dori sur la piste de Dori à Sebba, la retenue de Yalogo à 40 km au sud-
ouest de Dori sur la route de Ouagadougou et la mare de Bouroum à
environ 30 km à l’ouest-nord-ouest de celle-ci, tandis que des Iklan venus
de la région de Hombori par le Djelgodji atteignaient la mare de Bour-
zanga à 60 km au sud de Djibo, et à la même latitude que les points d’eau
précédents.
Les distances parcourues par les éleveurs de 1’Oudalan suivant des
axes régulièrement nord-sud atteignent donc au maximum 150 km pour
les Iklan Warag Warag par exemple, dont le point d’eau de départ, la
vallée du Béli, était le plus septentrional, et 100 km environ pour ceux
du centre de 1’Oudalan.
Une rapide tournée, en avril 1973, sur ces différents points d’eau nous
permettait de constater en effet qu’à de rares exceptions près, c’était
toujours le plus court trajet vers les pays de la zone soudanienne qui avait
été adopté. Les éleveurs de la moitié ouest de I’Oudalan se retrouvaient
ainsi, toutes ethnies confondues, rassemblés autour de la mare de Bou-
roum (l), ou des points d’eau de Gore1 et Djika à une cinquantaine de
kilomètres plus au nord : c’était le cas en particulier des Iklan Warag
Warag, des Peul Djelgobé de Gandéfabou, des Gaobé de Boulikessi, etc.
Ceux du centre de l’oudalan, les Iklan Itaboten et les Peul Djelgobé
de Bangao par exemple, s’étaient rendus massivement à la mare de
Yalogo, et en plus grand nombre encore, dans la région de Sampelga,
à 40 km au sud-est de Dori, certains d’entre eux atteignant les puisards
de Dyoungodyo à une vingtaine de kilomètres au-delà.
Enfin, la mare de Higa, à l’extrême est, était à la même époque le
lieu de rassemblement de Gaobé et d’Iklan de l’est de I’Oudalan, en parti-
culier des Iklan Ikoubaraden, en même temps que de nomades du cercle
de Téra au Niger.
PATURAGES NORD-SOUDANIENS
ET MORTALITÉ BOVINE
93
régions très méridionales, comme celle de Fada N’Gourma et même la
frontière Haute-Volta - Dahomey. 11 y a eu là en réalité, confusion entre
cette transhumance exceptionnelle de 1972-1973 et le lent et déjà ancien
mouvement de glissement vers le sud de certains groupements peul, que
nous avons déjà souligné chez les Djelgobé mais qui, le plus souvent
étalé sur deux générations, n’est pas directement hé au phénomène de la
sécheresse. Ces zones d’accueil avaient pour caractéristique commune,
outre un déficit pluviométrique moins accusé que dans I’Oudalan mais
néanmoins sévère, de disposer de pâturages en majeure partie inexploi-
tables en fin de saison sèche, même en année de pluviométrie« normalew
En effet, la strate herbacée y est composée, essentiellement de gra-
minées ligneuses comme Andropogon pseudapricus et Loudetia togoensis,
qui ne sont consommées par le bétail de cette zone que sous forme de
pâturage vert, en hivernage, c’est-à-dire au retour de la transhumance
qui se pratique ici en saison sèche et vers les bas-fonds humides de régions
plus méridionales (sud de la région du Yagha, vallées de la Faga et de la
Sirba, ou même au-delà de celle-ci, la vallée du GouIbi, dans la préfecture
de Fada N’Gourma, sous 800 mm de pluviométrie moyenne annuelle).
Dans ces conditions, l’arrivée massive en saison sèche de dizaines de
milliers de bovins du Sahel prenait figure de contre sens écologique.
Il se trouvait pourtant dans cette zone un certain nombre de bas-fonds
humides exploitables en saison sèche ; exutoire de la mare de Higa,
marigot de Sampelga, émissaire de la retenue de Yalogo, etc., et leurs
divers affluents, mais ils ne pouvaient suffire à l’entretien d’un cheptel
aussi important.
Les Peul Gaobé et Djelgobé de 1’0udalan arrivés en ces lieux dès la
saison fraîche emmenèrent donc leurs animaux pâturer en priorité ces
zones de bas-fonds.
Les boeufs, peu éprouvés jusqu’alors, ayant accompli ce déplacement
par petites étapes à une saison propice à la marche, devaient trouver là
pendant quelques semaines, des conditions de pâturages relativement
satisfaisantes.
Cependant les bergers devaient faire preuve d’une vigilance accrue
car les zébus de l.‘Oudalan, accoutumés aux espaces découverts et au
pâturage dunaire à pareille époque de l’année, avaient tendance à
s’échapper des bas-fonds humides et boisés pour rejoindre les surfaces
planes au pâturage sec.
Lorsque les Kel Tamachek devaient arriver à leur tour dans ces
zones méridionales, à partir du mois de mars, leurs animaux étaient déjà
en très mauvaise condition’ ayant connu en fait une situation de disette
depuis plusieurs mois dans l’oudalan, et ayant dû, malgré leur faiblesse,
marcher à étapes forcées pour parvenir jusque là par des températures
diurnes élevées.
Or non seulement les rares pâturages des bas-fonds étaient alors
presque entièrement consommés, mais les Kel Tamachek, fidèles à leurs
habitudes, n’allaient pas assurer le gardiennage, pourtant indispensable,
pour y maintenir les animaux.
Ceux-ci, le plus souvent abandonnés. à eux-mêmes, sans bergers et
94
affamés, consommaient alors le pâturage sec à Andropogon pseudapricus,
ou même, poussés par leur instinct, repartaient vers le nord, vers I’Ouda-
Ian, condamnés à mourir de faim ou de soif en cours de route.
C’est donc à partir de la saison chaude, aux mois d’avril, mai et juin
1973, que la mortalité allait prendre des proportions sans précédent,
sinon peut-être au cours des épizooties de peste bovine du passé.
« C’est l’herbe rouge du pays Mossi qui a « fini>> nos bœufs », devaient
dire par la suite les Peul Djelgobé.
L’herbe rouge c’est, sans équivoque possible, l’dndropogon pseuda-
pricus, graminée annuelle dont les tiges dures perforaient, selon eux,
l’œsophage ou la panse des bœeufs. De plus il semble que ceux-ci, affaiblis,
aient contractés des affections diverses notamment la pasteurellose qui
aurait décimé également les troupeaux de chèvres, et le charbon
symptomatique.
Encore faut-il noter ici que ces régions de confins nord du pays Mossi
et du Liptako et de l’Aribinda, sous une pluviométrie moyenne annuelle
de 650 mm sont indemnes de glossines et qu’on ne saurait par conséquent
invoquer la trypanosomiase bovine comme facteur de mortalité.
C’est à cette époque que les animaux, n’ayant manifestement plus
que quelques jours de survie, étaient cédés pour des sommes dérisoires
aux paysans Mossi qui essayaient parfois de les maintenir en vie s’ils
disposaient d’un peu de son pour les nourrir, mais qui, le plus souvent,
devaient se résoudre à les abattre et à consommer leur viande.
Une vache adulte par exempIe pouvait être acquise dans ces condi-
tions pour 500 francs CFA, alors que son prix normal aurait été de l’ordre
de 12 000 francs CFA.
Il faut ajouter enfin que les populations sédentaires de ces régions,
Kouroumba, Mossi ou Rimaïbé, loin de témoigner de l’hostilité aux
populations nomades de l’oudalan, les ont bien accueillies et ont souvent
fait preuve d’esprit de solidarité en leur cédant du mil dont elles étaient
elles-mêmes fort médiocrement pourvues.
Cependant, les relations se seraient probablement détériorées si cette
situation s’était prolongée jusqu’à la fin de la saison des pluies, les
animaux survivants étant malgré tout en assez grand nombre pour
dévaster les cultures, dans des régions où, à la différence de la zone
sahélienne, les champs ne sont pas enclos.
LE RETOUR AU SAHEL
Mais dès les premières pluies, en juin 1973, le retour vers le nord
s’amorçait. A défaut d’herbe verte, 1’Oudalan offrait à nouveau la
ressource du pâturage arbustif dans les brousses-tigrées, entre Boulikessi
et Déou par exemple, où les Peul Djelgobé de Gandéfabou allaient
demeurer pendant tout le mois de juin avec leurs animaux.
I D’une façon générale les Kel Tamachek, derniers à avoir quitté
95
I’Oudalan à la saison sèche, semblent avoir été aussi les derniers à y
retourner en hivernage. C’est qu’en effet, ayant perdu presque tous leurs
animaux, ils ne pouvaient plus compter sur la production de lait de leurs
troupeaux pour subsister, et ce d’autant moins que de l’avis de tous les
éleveurs, ce sont les vaches sur le point de mettre bas qui ont été les plus
frappées par la mortalité en fin de saison sèche.
Le seul espoir de survie des Kel Tamachek s’en retournant dans
1’Oudalan a cette époque de l’année était donc le Punicum Zaetum,
l’asral, qui n’arrive à maturité qu’au cours de la deuxième moitié de
l’hivernage ; aussi préférerent-ils demeurer jusque-là à proximité des
villages sédentaires du pays Mossi où, en monnayant leurs maigres ressour-
ces, ils parvenaient a subsister.
Il est vrai qu’entre-temps les secours alimentaires arrivaient dans
I’Oudalan, mais ceux qui en étaient partis depuis plusieurs mois l’igno-
raient ou bien pensaient ne pas pouvoir en bénéficier à moins de s’installer
à proximité de Gorom Gorom, ce à quoi ils se refusaient.
Il faut souligner à ce propos que l’exode des populations de l’oudalan
pendant la saison sèche 1972-1973, n’entraîna pas, à quelques exceptions
près, de phénomène de déracinement durable ni de « clochardisatiorw
à la périphérie des centres urbains, comme ce devait être malheureusement
le cas pour de nombreux nomades nigériens ou maliens, à Gao, Niamey
et même Gorom Gorom.
Cette différence s’explique aisément par la moindre distance parcourue
par les nomades de l’oudalan, pour atteindre les régions où la survie
était possible et pour rejoindre ensuite leur point de départ. Les nomades
du Mali par contre, qui, au nombre de 3 000 environ, avaient cherché
refuge en Haute-Volta, étant pour la plupart originaires du nord de la
Boucle du Niger (Touareg Kel Antassar de la région de Goundam,
Idnan et Chamanammas du nord de Gao et de Bourem et Maures Kounta)
se trouvèrent dans l’impossibilité de s’en retourner chez eux en hivernage
n’ayant plus ni montures, ni bêtes de somme, ni ressources alimentaires,
et les distances à parcourir, de l’ordre de 200 à 300 km, excluant la marche
avec des femmes et des enfants sous-alimentés de surcroît. La plupart
d’entre eux se trouvèrent donc dans l’obligation d’installer leurs campe-
ments autour de Gorom Gorom pour bénéficier des secours distribués par
l’administration voltaïque, la Croix-Rouge et diverses organisations
charitables, réduits à l’état de population assistée, situation qui malheu-
reusement se prolongeait encore au début de 1975.
Le début du mois d’août 1973 vit donc les Kel Tamachek de 1’Oudalan
regagner leurs terrains de cultures - du moins ceux qui avaient pris la
précaution de conserver, ou qui avaient réussi à se procurer un peu de mil
pour leur semis - semer à la hâte, et, sans prendre le plus souvent la
peine de sarcler, poursuivre leur route avec les quelques animaux rescapés
du désastre vers les plaines et bas-fonds à fonio sauvage, dont par chance
la pousse fut abondante au cours de l’hivernage 1973.
La récolte de mil en octobre 1973 fut naturellement à peu près nulle,
moins en raison d.‘un déficit pluviométrique persistant mais compensé
dans une certaine mesure par une bonne répartition des pluies, que par
96
suite du caractère tardif des semis, ou de leur absence, ou encore de
l’absence de sarclages. Cependant la reprise de la végétation herbacée fut
générale et même abondante, mais caractérisée par un appauvrissement
qualitatif, le tram-tram par exemple (Cenchrus bijlorus), peu appétible,
s’étant substitué sur de vastes étendues aux associations à Schoenefeldia
gracilis, Aristida mutabilis, Schyzackirium exile et autres graminées dont
était composé le pâturage dunaire.
Les secours alimentaires distribués pendant la saison sèche 1973-1974
devaient permettre cependant de pallier cette disette, évitant ainsi un
nouvel exode dont les conditions auraient été sans doute pires que le
précédent, puisque le bétail, principale monnaie d’échange des nomades
avait été en grande partie anéanti.
L’un des problèmes qui se posait donc, après l’hivernage 1973, était
de dresser le bilan des pertes.
97
autour de neuf points d’eau de la zone d’endodromie pastorale « Haut
Béli-Gandéfabou-Déou» et de deux points d’eau de la zone « amont
mare d’Oursi» (Dibissi et Tin Azdjar) avait donc pour objet d’affiner
l’estimation des pertes subies par les Cleveurs de I’Oudalati en établissant
des taux moyens de pertes par catégorie socio-ethnique, afin d’actualiser
les effectifs bovins à l’intérieur des différentes zones d’endodromie
pastorale.
98
cas où les différences significatives entre les taux de pertes seraient
apparues.
Malheureusement, la deuxième partie de cette enquête, qui devait
porter sur les autres points d’eau de la zone « amont mare d’Oumi» et
sur ceux de la zone« Boukouma-dune de Bidi-Félléol», n’a pu être menée
à bien en 1974-1975 pour des causes fortuites.
L’enquête de 1973-1974 a donc porté une fois de plus sur les points
d’eau suivants :
M are d’Eraf n’Aman, Férililio (ou Amaoual), Gandéfabou Djelgobé,
Gandéfabou Kel Ewel, Saba Kolangal, Saba Tin Ghassan, Gountouré
Niénié (In Guitane), mais aussi Dibissi, Gargassa, Tin Aïdjar et mare de
Fadar Fadar.
Cette enquête a touché 155 chefs de famille ou de campements Kel
Tamachek et Peu1 Djelgobé représentant environ 1000 ménages et
4 750 personnes sur une population totale évaluée à 6 800 personnes dans
cette zone avant 1972. Cette population était présumée stable, la
sécheresse n’ayant manifestement pas entraîné dans cette région des
pertes directes et notables de vies humaines.
La répartition de la population enquêtée par catégorie socio-ethnique
et par point d’eau est donnée dans le tableau précédent.
Cette population, en totalité nomade, détenait, début 1972, un
cheptel bovin pouvant être évalué à 22 700 têtes, dont 20 000 environ
dans la zone Haut Béli-Gandéfabou-Déou sur un total de 31500.
Or, en fin 1973, le cheptel de la population enquêtée ne s’élevait plus
qu’à 13 200 têtes, soit 43% d’animaux disparus.
Cependant la diminution d’effectifs bovins apparaissait très inégale
et variait considérablement d’un point d’eau a l’autre, l’un d’entre eux
(Gountouré Niénié) présentant même un effectif supérieur à celui de la
période antérieure à la sécheresse !
Cheptel bovin
antérieur à Cheptel bovin
Points d’eau la sécheresse postérieur à Pourcentage
de l’enquête correspondant la sécheresse d’animaux
à la population (1972-1973) disparus
enquêtée
(1971.1972)
99
Il faut noter que dans les effectifs d’animaux« disparus» sont compris
les animaux vendus au cours de la saison sèche 1972-1973.
Ayant essayé de chiffrer le volume de ces ventes nous n’avons obtenu
de réponses que sur un échantillon de bovins, antérieur à la sécheresse,
de 6 600 têtes.
Sur ces 6 600 animaux dont il ne subsistait plus qu’environ la moitié,
soit 3 300 têtes, 427 auraient été vendus entre décembre 1972 et avril 1973,
soit un taux de commercialisation, de 6,4% en quatre mois, équivalent a
un taux théorique de 19,2% p ar an contre un taux estimé à 12% en
année normale. Nous n’avons pas pris en considération les ventes d’ani-
maux consenties à un prix inf&ieur au 1/6 de leur valeur marchande
(vaches de quatre ans vendues à moins de 2 000 francs CFA par exemple).
ceux-ci étant considérés comme perdus, et ayant été le plus souvent
abattus par leur acquéreur.
Enfin, dans les effectifs restant les veaux de moins d’un an, qoi
n’étaient pas nés au moment de la sécheresse n’ont pas été comptés.
Les dénombrements ont été effectués d’ailleurs autour des lieux d’abreu-
vement, où les veaux de moins d’un an sont généralement absents, étant
abreuvés au campement.
Le taux réel des pertes, compte tenu du taux de commercialisation
probable, obtenu en retranchant celui-ci (6,4%) du taux d’animaux
disparus (43%) serait donc de 36,6%, très inférieur par conséquent à
l’estimation globale de 62% ressortant de l’enquête du Dr GARCIA.
Cependant il est probable que dans le nord-ouest de l’oudalan, les
pertes ont été très inférieures à la moyenne de cette région, et que des
écarts considérables existent entre les différentes zones d’endodromie.
La zone Haut Béli-Gandéfabou-Déou comporte en effet une popu-
lation exceptionnellement élevée de Perd Djelgobé, environ 1500 sur
6 800 habitants, soit 22% de la population, chez lesquels les pertes de
bétail ont été beaucoup plus faibles que chez les Kel Tamachek et même,
semble-t-il, que chez les Peul Gaobé.
Pour les Peul Djelgobé touchés par l’enquête à Eraf n’Aman et
Fadar Fadar, soit 650 personnes détenant avant la sécheresse de 1972-
1973 environ 5 000 bovins, nous avons dénombré 3 400 bovins, soit
3I,3% d’animaux disparus et, compte tenu des ventes, 25% de pertes
probables.
Pour les Kel Tamachek touchés par l’enquête autour de ces mêmes
points d’eau, soit 1 500 personnes, détenant auparavant environ
4 600 bovins, nous en avons dénombré 1500, soit 67% d’animaux dis-
parus et, compte tenu des ventes, 60,6% de pertes probables. Or il est
certain que chez la plupart des autres groupes Kel Tamachek de l’ou-
dalan les pertes ont été encore plus lourdes.
Autour du point d’eau de Tin Aïdjiar par exemple, peuplé uniquement
de Kel Tamachek, et inclus dans la zone « amont mare d’Oumi», le taux
d’animaux disparus était de 88%, soit 81,6% de pertes probables.
Pour les seuls Akasseybaten dont le cheptel antérieur à la sécheresse
était d’environ 600 têtes pour 130 personnes, les «pertes>> ont été de
90%, ventes comprises, car ils n’en possédaient plus que 60 après
100
l’hivernage de 1973, et il en a probablement été de même autour de tous
les points d’eau du centre et du sud de l’oudalan.
Resterait à expliquer l’accroissement apparent du cheptel du point
d’eau de Gountouré Niénié.
Nous avons déjà indiqué que les environs de Gountouré Niénié
avaient apparemment bénéficié, fait unique dans tout l’oudalan en I-972,
de quelques averses heureusement réparties ayant permis la pousse des
graminées en particulier, à l’extrémité occidentale de la dune de Seno
Yarendi et jusqu’à la mare de Soum où d’après des informations qui
nous sont parvenues, les pertes de bétail auraient été également modérées.
Les Foulbé Kelli de Gountouré Niénié furent donc, à l’exception de
quelques rares famill es d’Ik.lan, les seuls éleveurs de POudalan à ne pas
prendre la direction du sud pendant la saison sèche 1972-1973. La pré-
sence de ce pâturage « miraculeux» sur la dune de Seno Yarendi, d’accès
difficile, nous avait été d’ailleurs révélée par l’attitude étrangement
sereine des Foulbé Kelli déclarant, au mois d’octobre 1972, que pour rien
au monde ils ne se rendraient dans le pays Mossi, que le pâturage n’y
convenait pas à leurs animaux, et qu’ils resteraient à Gountouré Niénié
« même si on devait les égorger>>, alors que les alentours immédiats du
point d’eau présentaient un aspect aussi désolé que tout le reste de
l’oudalan. Une telle intransigeance de la part de pasteurs aussi avisés
que les Foulbé Kelli nous ayant paru suspecte, une reconnaissance des
pâturages de la dune de Seno Yarendi nous livrait l’explication de leur
détermination à demeurer sur place, car ils s’étaient gardés de men-
tionner la présence de pâturage en ce lieu, de crainte sans doute que la
nouvelle n’en soit ébruitée. Elle ne le fut d’ailleurs pas et, dans des condi-
tions sans doute difficiles, il semble que les Foulbé Kelli aient réussi à
traverser la saison sèche 1972-1973 au prix de pertes minimes, sans doute
de l’ordre de 10 à 15%, l’augmentation apparente de leur cheptel étant
due probablement au fait qu’un certain nombre d’animaux leur avaient
été confiés à la fin de l’hivernage par d’autres groupes d’éleveurs n’en
possédant plus en assez grand nombre pour constituer des troupeaux.
101
sans doute différent de celui du Sahel, même en l’absence de glossines :
taons, tiques, etc.).
Ce fait nous para& devoir être fortement souligné, car pour évident
qu’il paraisse, il semble qu’il ait été parfois méconnu lorsque l’opinion
publique en Europe comme en Afrique, s’est émue à juste titre du
« drame de la sécheresse».
Certaines solutions technocratiques n’avaient-elles pas été envi-
sagées en effet, dont nous nous abstiendrons, pour éviter toute polémique,
de mentionner les auteurs, qui dans une hypothèse catastrophiste
« d’avancée du désert>? ne préconisaient rien moins que le transfert et
l’installation des populations du Sahel en zone soudanienne, opération
revenant à faire précéder le désert climatique par un désert humain !
Cette solution aurait été, selon ses tenants, de surcroît conforme aux
vœux des populations concernées, dont on n’aurait su concevoir comment
elles auraient pu s’obstiner à vouloir survivre dans un environnement
aussi hostile.
Le retour de la quasi-totalite des éleveurs de 1’Oudalan dans leur
région d’origine dès l’hivernage 1973 a démontré l’inconsistance de cette
opinion.
2. Les parcours de la zone nord soudanienne (entre 750 et 600 mm
de moyenne pluviométrique annuelle) semblent inadaptés dans l’ensemble
à une exploitation de saison sèche.
Seuls les parcours des bas-fonds humides peuvent y être exploités
à cette époque de l’année, mais ils y occupent des surfaces trop réduites
pour que ces régions puissent être considérées comme des « zones de
délestage» possibles pour le cheptel de la zone sahélienne en période de
sécheresse ; la preuve en est que le cheptel bovin de ces régions transhume
en saison sèche à des distances de 100 à 150 km vers le sud et surtout vers
le sud-est dans des vallées offrant des ressources importantes en pâtu-
rage frais et dans des zones d’hivernage précoce.
3. Bien qu’il y ait là une contradiction apparente avec la proposition
précédente, il est certain que la précocité du départ vers le sud a limité
les pertes subies par les éleveurs de 1’0udalan qui ont opté pour cette
solution.
Tout d’abord pour aussi pauvres, et même à la limite néfaste au bétail,
qu’aient été les pâturages de la zone nord soudanienne, il est certain que
dans une conjoncture exceptionnelle d’absence totale de pâturage dans
le Sahel, il existait des possibilités de survie dans un cas et aucune dans
l’autre.
D’autre part, les départs précoces ont permis aux animaux d’utiliser
pendant deux ou trois mois les rares pâturages de bas-fonds de ces zones
et d’aborder dans de meilleures conditions la période de disette intégrale
où ne subsistait plus que le pâturage graminéen sec et ligneux du type
appelé par les agrostologues anglo-saxons « wire-grass», l’herbe fil de fer.
Les départs précoces, qui ont été surtout le fait des Peul Djelgobé,
expliquent dans une large mesure le taux considérablement moins
élevé des pertes qu’ils ont subies en regard de celles subies par les Kel
Tamachek.
102
4. L’efficacité du gardiennage a été un autre facteur déterminant de
limitation des pertes : tout d’abord il semble que les zébus sahéliens
habitués au pâturage graminéen léger & Schonefeldia gracilis des parcours
dunaires en saison séche aient témoigné peu d’appétence pour les pâtu-
rages de bas-fonds aussi longtemps que ceux-ci ont pu être exploités,
si bien” qu’il fallait les y emmener et les y maintenir ; d’autre part,
livrées à eues-mêmes, les bêtes se perdaient dans des « bronsses>z qui ne
leur étaient pas familières ou bien s’en retournaient vers le nord.
D’après de nombreux témoignages, il semble qu’une grande partie
du bétail des Kel Tamachek ait disparu de cette façon, à la différence de
celui des Peul.
5. La commercialisation des animaux avant que ne s’installe l’état
de misère physiologique a été insuffisante et trop tardive.
Il est certain que les éleveurs n’ont pas été mus par le réflexe de se
défaire immédiatement du plus grand nombre possible de leurs bêtes
alors que celles-ci avaient encore une bonne présentation a la fin de
l’hivernage de 1972.
La statistique (1) des bœufs vendus pour l’exportation et des animaux
abattus sur le marché de Markoye de 1969 à 1973 est significative a cet
égard.
103
Habituellement en effet, le produit de la vente d’un bœuf d’exporta-
tion, par exemple, est reconverti immédiatement en biens de consom-
mation divers (tissus, etc.), mais surtout en génisses de deux a trois ans.
La thésaurisation et même la simple épargne de l’argent sont des notions
parfaitement étrangères à la psychologie des nomades.
L’impossibilité de ré-investir en animaux, précisément à cause de
l’imminence du désastre, a donc, semble-t-il, paradoxalement freiné les
ventes ou les a retardées jusqu’au moment où il est devenu possible de
se procurer d’autres denrées en échange du produit des ventes, en l’oc-
curence du mil, au cours de la première partie de l’exode en pays Mossi.
6. Enfin, le manque d’informations des éleveurs du Sahel sur les
régions nord-soudaniennes et sur leur potentiel fourrager a constitué
un facteur aggravant de pertes de bétail.
L’immense majorité des éleveurs de l’oudalan, se rendant pour la
première fois dans les régions situées au sud du 14e parallèle, ont pris,
nous l’avons vu, la direction du sud sans aucune information sur les
conditions qu’ils allaient y rencontrer.
Cependant, la région du Yagha, au sud-est de Dori, présentait en
1972-1973 un pâturage un peu plus abondant et semble-t-il de meilleure
qualité A latitude égale que celui du nord du pays Mossi. En outre, la
pression démographique y est moins forte.
Or, seuls les éleveurs de l’est de 1’Oudalan s’y sont rendus. Il ne nous
a malheureusement pas été possible d’entreprendre une enquête auprès
de ces derniers et d’évaluer le taux de leurs pertes, vraisemblablement
un peu moins élevées que celles des éleveurs ayant cherché refuge dans
des zones densément peuplées du nord du pays Mossi, notamment entre
Aribinda et Bouroum, où les abords des points d’eau étaient transformés
en charniers en fin de saison sèche.
104
L’Oudalan présente un raccourci des problèmes de la zone sahélienne
que l’on peut, nous semble-t-il, résumer ainsi : dégradation des tech-
niques d’utilisation de l’espace pastoral se traduisant par une dégra-
dation progressive du milieu, qui a subi depuis 1968 une brutale mais
probablement temporaire accélération, du fait d’un déficit pluviomé-
trique prolongé.
Nous pensons donc qu’il convient de ne pas se laisser obnubiler par
le « drame de la sécheresse>> qui doit être ramené à ses justes proportions,
celles d’un phénomène à caractère récurrent mais dont la périodicité
ne semble pas pouvoir être établie, du moins dans l’état actuel des
connaissances en climatologie, et que l’on doit par conséquent consi-
dérer comme aléatoire.
Les témoignages en effet abondent de phases de sécheresse assorties
de famines et de mortalité du bétail dans le passé, notamment de 1912
à 1914 dans la Boucle du Niger jusqu’aux pays Mossi, Samo et Bwa (l),
105
et en remontant plus loin dans le temps nous relevons dans les« Rapports
agricoles et commerciaux du Cercle de Dori (l)» pour la période 1899-
1906, les notations suivantes :
Ier trimestre 1903 : « Comme toutes les années à cette époque, le
bétail souffre du manque d’eau et de pâturages. Les Foulbé ne continuent
à se procurer du lait en certaine quantité qu’en nourrissant leurs vaches
avec du son.>>
1902 : « Les Touareg et Foulbé possèdent bœufs, moutons et chèvres
qui souffrent pendant la saison sèche du manque d’eau et de pâturages.
Les pertes sont nombreuses.»
lez trimestre 1900 : <<Le b6taiZ sou$re beaucoup en ce moment de lu
grande sécheresse et beaucoup d’animaux meurent du manque d’eau et de
nourriture>r (Capitaine Lambert, Résident de France à Dori), etc.
Il est donc permis d’espérer un retour à une situation pluviomé-
trique plus favorable qui masquera sans doute à nouveau pendant un
certain temps le problème fondamental, celui d’une utilisation perni-
cieuse de l’espace pastoral, qui est le fait de la majorité des éleveurs de
l’oudalan, particulièrement ceux des zones d’endodromie centrales et
méridionales.
La disparition probable de plus de 60% du cheptel bovin en 1972-
1973 dans cette région a, il est vrai, tragiquement simplifié les données
du problème.
Le troupeau ne s’éleverait donc plus, à l’heure actuelle, qu’à 76 000
têtes environ, mais si l’on admet pour lui un taux d’accroissement de 4%
par an qui semble avoir été celui de la période 1957-1968, pendant laquelle
il serait passé de 140 000 têtes (2) à plus de 200 000, on obtient théori-
quement un doublement de cet effectif en moins de vingt ans (154 000
têtes en 1990).
Il serait donc souhaitable de tirer dès maintenant les leçons de la
crise que vient de traverser le Sahel en incitant les éleveurs à tirer un
meilleur parti du potentiel fourrager dont ils disposent.
L’exemple des Alkasseybaten est à cet égard particulièrement signi-
ficatif.
Ceux-ci, jusqu’à la fin des années 30, pratiquaient un nomadisme
pastoral d’assez grande amplitude depuis la mare de Yomboli vers les
zones à Punicum Zaetum situées au-delà des mares du Béli, en hivernage,
tandis qu’à la saison sèche, leur bétail pâturait les grands parcours
dunaires au nord-est de la mare de Yomboli.
A partir de 1937, semble-t-il, ils renonçaient à ce système a la suite
de circonstances diverses :
- refus de leurs serviteurs (itutrachen) de nomadiser avec eux :
ne possédant que peu de bovins, ils préféraient consacrer plus de temps
a leurs cultures, acceptant néanmoins encore de cultiver pour le compte
de leurs anciens maîtres;
106
- accroissement spectaculaire de leurs effectifs bovins du fait de
la vaccination contre la peste et la péripneumonie, ancrant en eux l’idée
que leur cheptel pouvait désormais se multiplier sans leur imposer les
mêmes contraintes que par le passé;
- mésentente enfin, semble-t-il, au sein de leur tribu, qui allait
provoquer la scission du groupe dont une partie allait abandonner la
mare de Yomboli pour celle de Tin Aïdjar.
Les serviteurs étant demeurés à Yomboli, la fraction de Tin Aïdjar
allait donc se mettre à cultiver pour son propre compte, les deux frac-
tions n’effectuant plus désormais que des nomadisations de faible ampli-
tude à partir de leur point d’eau respectif.
Il semble bien que ce phénomène de rétraction de l’espace pastoral
se soit généralisé à cette époque dans le centre et le sud de I’Oudalan,
les mêmes causes - expansion de l’agriculture, favorisée du reste par
une pluviométrie abondante, et accroissement simultané du cheptel bovin
du fait des vaccinations - ayant produit les mêmes effets aussi bien
chez les Kel Tamachek que chez les Peul Gaobé.
C’est à cette époque, sans doute, que ce sont constituées ces zones
d’endodromie pastorale du centre de I’Oudalan, dans un contexte de
prospérité qui s’est prolongé jusqu’à la fin des années cinquante.
En 1956 par exemple, année de leur plus grande prospérité, les Alkas-
seybaten possédaient 1500 bovins, ce qui, pour un effectif de l’ordre
d’une centaine de personnes représentait un taux impressionnant de
15 boeufs par personne. Les hommes de cette tribu déclarent d’ailleurs
que chacun d’eux possédait alors « plus d’animaux que n’en avait jamais
possédé son père, et cela sans jamais porter à l’épaule la marque de la
bretelle de la serma» (l’outre du berger).
Mais bientôt la surcharge des parcours allait entraîner leur dégra-
dation et le déclin de ce cheptel, les mortalités de fin de saison sèche
s’aggravant d’année en année.
Dès 1956, declarent les Alkasseybaten, l’aboroum (Andropogon gaya-
nus) et le taharsait (Blepharis linariifolia) disparaissaient de la zone
« amont de la mare d’Oursi», indice certain de surpâturage, alors que
jusque là ils y poussaient en abondance, et à les en croire, «jusque sur
la place du village de Déowr !
A partir de 1960, il semble que les Alkasseybaten aient sensiblement
accru le volume de leurs ventes de bétail, de même que la plupart des
éleveurs du centre et du sud de I’Oudalan à cette époque, pour des rai-
sons qu’il n’est pas toujours facile de discerner, mais que l’on peut sup-
poser liées au phénomène de saturation des parcours.
Les Alkasseybaten paraissent en avoir pris conscience en constatant
la baisse de fécondité et de rendement en lait de leurs vaches, consé-
quences d’un état de sous-alimentation chronique, et afhrment que leurs
parents« avec moins de vaches avaient davantage de lait>> : chaque vache
ne produisant même plus désormais, suffisamment de lait pour allaiter
son veau, « à quoi sert d’en posséder cent si on ne peut en traire une
seule ? », ajoutent-ils.. .
Il est probable que la disette de lait, qu’ils ressentent durement
107
depuis cette époque, a non seulement dévalorisé à leurs yeux un cheptel
bovin qui ne leur apportait plus ce complément alimentaire indispen-
sable, mais de plus les a contraints à augmenter leurs achats de mil en
compensation.
Cependant, il semble qu’ils aient commercialisé à l’excès car, en 1962,
ils ne possédaient plus que 1100 têtes. La décadence de leur cheptel
se serait lentement poursuivie jusqu’en 1968, année marquée par des
pertes de bétail élevées, au terme de laquelle il ne leur restait plus que
700 têtes.
De 1968 à 1972, leur cheptel toujours en déclin passait de 700 à 600
têtes environ, mais après 1972, ils ne possédaient plus que 63 bovins !
Certes, la saturation’des parcours et la décadence du système pastoral
ne sont pas seuls responsables de la paupérisation de cette tribu avant
même 1972, et il est probable qu’il faut incriminer aussi une gestion
déplorable du patrimoine, qui semble revêtir ici un caractère spécsque.
Les Alkasseybaten représentent en quelque sorte un cas limite qui
n’est peut-être pas parfaitement représentatif de l’évolution de l’écono-
mie pastorale dans les zones centrales et méridionales de l’oudalan, mais
qui illustre cependant une situation de déséquilibre entre une population
et les ressources d’un milieu devenu inapte à lui assurer un élevage laitier
en raison de sa sur-exploitation.
Il convient d’ajouter que si tous les éleveurs du centre et du sud de
I’Oudalan n’ont pas vu leur cheptel décroître avant 1972 à l’instar des
Alkasseybaten, à la suite de cette dernière année de sécheresse leur sort
n’est pas plus enviable et, à l’heure actuelle, la plupart des habitants
de ces zones, notamment les Peul Gaobé Bambabé de la mare de Yomboli
et Silloubé de la mare d’Oumi, réputés pourtant meilleurs éleveurs que
les Touareg, sont à peu près ruinés.
Il en est de même des Oudalan-Imajaren, des KelBara et de nombreuses
fractions Elan.
Certes, les lourdes pertes de 1972-1973 sont directement responsables
du dénuement actuel de cette population, mais l’inertie dont une partie
notable de celle-ci a témoigné au début de la saison sèche 1972-1973 et
le défaut de surveillance des animaux, qui ont constitué des facteurs
aggravants en matière de pertes de bétail, ont été vraisemblablement
les plus marqués chez des gens ayant désappris de nomadiser depuis une
quarantaine d’années, sinon pour transporter en hivernage leur campe-
ment à quelques kilometres des terrains de cultures...
D’autre part, les énormes concentrations d’animaux que l’on observait
tout au long de l’année dans le centre et le sud de 1’Oudalan ont infligé
à ces zones des dommages dont certains paraissent irréversibles :
- Reprise spectaculaire de l’érosion éolienne notamment au nord
de la mare d’0ursi à partir d’un îlot de dunes vives anciennes qui, demeuré
stable pendant plus d’un siècle selon la tradition, a doublé sa superficie
en dix ans, passant de 4 à 8 km2 environ.
- Destruction du couvert arbustif à Acacia seyal sur les plaines
argileuses et des « bush» à Pterocarpus lucens SUT les surfaces cuirassées,
cette dernière essence qui constitue l’essentiel du pâturage aérien de
108
pré-hivernage paraissant particulièrement sensible aux effets du pacage :
espèce grégaire avec une tendance marquée à la monospécificité, il
semble que son optimum biologique implique une forte densité du couvert
et que le passage répété d’animaux dans ces formations, brisant les
branches et piétinant les jeunes sujets, entraîne à partir d’un certain
seuil de déboisement l’élimination spontanée de l’ensemble de la for-
mation. Par ailleurs, selon G. BOUDET (1), la destruction de ces formations
serait essentiellement imputable au « sealing», phénomène d’imper-
méabilité superficielle du sol dû aux effets conjugués du piétinement,
de l’érosion éolienne et du ruissellement en nappe.
Quelle que soit l’hypothèse retenue, la cause première est à coup sûr
le surpâturage.
- Appauvrissement floristique généralisé aussi bien pour les pâtu-
rages de bas;fonds - nous avons indiqué la disparition d’dndropogon
gayanus - que pour les pâturages dunaires.
En définitive, le découpage de I’Oudalan en zones dites d’endodromie
pastorale, correspondant souvent à de simples différences d’aires de
transhumances entre des groupements d’éleveurs pratiquant le même
système d’exploitation des parcours, mais parfois aussi à des systèmes
radicalement différents, reflète bien selon nous un cloisonnement réel
et spontané de l’espace pastoral. Lorsque ces zones correspondent à
des modes d’exploitation différents dans leur principe, en fonction d’une
pluviométrie plus abondante par exemple - cas de la zone Boukouma -
Dune de Bidi Felléol- ce cloisonnement est parfaitement logique. Il
l’est moins lorsqu’il correspond à une simple réduction de l’aire pastorale
se traduisant par une surcharge des parcours.
La connaissance de ces cloisonnements et des types d’utilisation de
l’espace qu’ils impliquent doit donc permettre en théorie, et avec l’appui
de l’agrostologie et de la zootechnique, de définir pour cette région une
politique de réorganisation générale des transhumances fondée sur une
exploitation plus rationnelle des parcours, ce qui n’exclut pas, bien
évidemment, la recherche accélérée de solutions plus modernes tendant
à mettre à la disposition des éleveurs des techniques de conservation et
d’amélioration des pâturages et à leur permettre de s’orienter vers un
élevage semi-intensif.
Ces cloisonnements en effet sont dans une large mesure le reflet de
phénomènes de sclérose de la part de groupements d’éleveurs qui, voyant
leur élevage en déclin ou en stagnation depuis de nombreuses années,
ressentant en outre la pénurie de lait nullement compensée par des
récoltes de mil plus abondantes, sous les effets conjugués de la séche-
resse et de la .dégradation des sols, et ayant néanmoins conservé un
habitat nomade et des bêtes de somme, donc leur mobilité potentielle,
n’ont pas tenté pour autant de revenir à un mode d’exploitation des
parcours mieux adapté aux conditions écologiques.
109
Certes, une sédentarisation véritable assortie de transhumances de
grande amplitude est théoriquement concevable et aurait été proba-
blement préférable au système actuel dans le centre et le sud de l’Ouda-
Ian, mais en fait, en-deçà de l’isohyète des 400 mm qui marque précisé-
ment en Haute-Volta la limite nord de l’élevage sédentaire, le nomadisme
présente deux avantages décisifs. D’une part, nous l’avons vu, il permet
à la population, en accompagnant le cheptel dans sa transhumance d’hiver-
nage, de bénéficier d’une alimentation lactée en période de soudure,
d’autre part, il permet également la mise en réserve pour la saison sèche
des parcours dunaires situés à proximité des points d’eau pérennes.
La sédentarisation impliquerait l’entretien du cheptel sur ces forma-
tions en saison des pluies puisque les villages se trouveraient néces-
sairement liés aux points d’eau pérennes et que la perte de sa mobilité
contraindrait la population à entretenir le cheptel en saison des pluies
à proximité des villages afin de tirer parti de la production laitière.
Il faudrait donc qu’aux transhumances de saison des pluies se substi-
tuent des transhumances de saison sèche comme c’est le cas, dans le
Liptako, peuplé de sédentaires ; mais ce système est inapplicable dans
I’Oudalan où, en raison de l’insuffisance de la pluviométrie, il n’existe
pas de pâturages de bas-fonds humides exploitables en saison sèche.
Dans l’immédiat, plutôt que de s’orienter vers des solutions à carac-
tère de palliatif, comme la multiplication des points d’eau, ou excessive-
ment coûteuses, comme la sédentarisation autoritaire des nomades entre-
prise par le gouvernement algérien par exemple dans les steppes pré-
sahariennes avec création de coopératives d’élevage et qui va coûter
au budget de ce pays 4 milliards de F (soit 200 milliards de francs CF-4)
en quatre ans, nous considérons que le coup d’arrêt au processus de
dégradation des parcours passe par une indispensable re-mobilisation
des populations nomades du centre et du sud de 1’0udalan.
En d’autres termes, il conviendrait de faire éclater à tout le moins
les cloisonnements entre les trois zones d’endodromie du nord de I’Ouda-
lan d’une part, et les zones centrales et méridionales d’autre part (amont
mare d’Oumi, Oursi-Bidi-Gorom Gorom, mares centrales et est
Oudalan), de façon à assurer une meilleure répartition spatiale du chep-
tel, ce qui implique pour les éleveurs de ces dernières le retour à un
système d’exploitation jouant sur une réelle complémentarité entre les
parcours de pré-hivernage, d’hivernage et de saison sèche, et entre les
grandes mares pérennes du centre de I’Oudalan et celles, sub-pérennes,
la vallée du Béli.
Seuls pourraient subsister sans inconvénient les cloisonnements méri-
diens entre trois grandes zones homogènes ainsi définies :
- une zone ouest intégrant la zone Haut Béli-Gandéfabou-
Déou et les zones amont mare d’Oursi et Ours&Bidi-Gorom Gorom,
- une zone centrale intégrant la zone Béli-Darkoy et la zone des
mares centrales,
- une zone est intégrant la zone Kabia-Markoye et la zone est
Oudalan.
Une telle opération supposerait donc un encadrement des éleveurs
110
et l’abandon de la solution de facilité que constitue pour la plupart d’entre
eux la semi-sédentarité actuelle. Nous pensons qu’il serait toutefois
possible d’y parvenir en consentant par exemple des allégements en
matiere de fiscalité sur le bétail pour ceux qui accepteraient, et qui
observeraient effectivement, les directives qui pourraient leur être données
et aussi en décrétant autoritairement la mise en défens saisonnière de
certains parcours.
La mise en place d.‘un encadrement léger, par un personnel duquel
on n’exigerait pas la connaissance du français, et qui serait impérative-
ment recruté parmi les nomades eux-mêmes et placé sous le contrôle
de quelques experts écologistes et agro-pastoralistes à demeure, serait
à coup sûr moins onéreuse que la multiplication d’actions ponctuelles
de types ranch, ouvrages d’hydraulique pastorale ou périmètres de reboi-
sement, comme celles qui ont été généralement menées jusqu’ici dans
l’ensemble de la zone sahélienne.
Dans cet ordre d’idée, nous citerons ici un rapport de la F.A.O. (1)
dont les auteurs notent fort justement : « Les conséquences d’une absence
d’actions ne sont pas difficiles à prédire. Si les ressources pastorales
continuent à se détériorer, les troupeaux nationaux déclineront de la
même façon... L’effet sur le budget national ne se limitera pas a la
perte de revenus résultant de la diminution des troupeaux et aux coûts
d’approvisionnement et de secours aux populations pastorales. A ces
dépenses devront s’ajouter celles d’une érosion croissante des sols, d’une
sédimentation accélérée des barrages, des réservoirs, etc. Et si plus tard
on décidait de restaurer ces parcours laissés à l’abandon pendant de
longues années, il se pourrait que le prix de la régénération dépasse
cinquante fois le revenu annuel brut. Plus l’action est différée, plus
la situation empire et devient onéreuse.»
Quelles que soient les solutions retenues, souhaitons simplement
pour conclure que les populations nomades de I’Oudalan retrouvent un
jour, à tout le moins, la relative prospérité qu’elles connurent dans un
passé récent, et dont la condition nécessaire mais non suffisante, est
malgré tout le retour a une pluviométrie«normale B, car, comme répondent
parfois les Iklan à la question : « Qui est votre chef ?>z : « notre chef,
c’est la pluie».
111
1. - Carte des noms des lieux cités compris entre 14 et 160 N.
2. - Bangao, croquis topographique.
3. - Carte de localisation de la population en saison sèche.
4. - Mares amont du Béli et points d’eau périphériques : l’espace
pâturé en saison sèche.
5. - Mares amont du Béli et points d’eau périphériques : localisation de
la population en mars-avril.
6. - Mares amont du Béli et points d’eau périphériques : les transhu-
mances d’hivernage.
7. - Effectifs bovins autour des points d’eau de 1’0udalan en saison
sèche (avant la sécheresse de 1972).
8. - Zones d’endodromie pastorale de 1’0udalan.
112
Planches photographiques
A. Le milieu naturel
planches I à v
B. Les hommes
planches VI à SI
C. Ecologie pastorale
planches XII et, XIII
à l’exception des clichés iC;N, tous les cliche’s sont dr! l*cruteur.
A -LE MILIEU NATUREL
PLANCHE 7
Photo IGN. -No 352 ND 30 XVIII l/SOO. Alternance de cordons dunaires et de surfaces
cuirassées recouvertes par la «brousse-tigrée» au nord-ouest de la mare d’0ursi : au
nord, aspect caractéristique de dune réticulée, aux creux soulignés par une végétation
buissonnantc. Piste de transhumande Oursi-Eraf N’Aman.
PLANCHE 3
Photo 3. - Chaos granitique émergeant des sables de «l’erg ancien», (portant des
cultures de mil) au Nord de Déou, Ouest de l’oudalan. Photo 4. - Un point d’eau
pérenne : la mare de Bangao au cœur de la saison sèche : lit argileux de la mare criblé
de centaines de puits et steppe à Balanites Aegy~~tiaca sur dunes de l’erg récent. Photo 5.
- Une mare du Béli : la mare de Fadar Fadar peu après la fin de la saison des pluies.
Au premier plan, touareg « imghadn à chameau et « serviteur» monté sur bceuf porteur.
PLANCHE 4. - Le Sahel tour à tour prairie, désert et forêt
Photo 6. - Prairie : pâturage à Erugrostis Trcmulu sur dunes de l’erg récent en hiver-
nage. Photo 7. - Désert : dunes vives au Nord de la mare d’0ursi. Photo 8. - Et
forêt : boisement dense à Acacia Nilotica et Anogeissus Leiocnrprcs sur sols hydromorphes
(Tin Dioulaf. Nord de la mare de Bangao).
PLANCHE 5
11 12
Photo 9-10-11-12. - Eclats de siIex et de quart.z, pointes de ffèches et grattoirs (?)
découverts par l’auteur dans les environs de Chndéfabou.
3
Photo 14. -Touareg cavaliers :« marabout» OU« Kel es Souk»... Photo 15. - et Peu1
chameliers : Djelgobé coiffé du classique chapeau rond devenu un élément traditionnel
du costume de ces Peul, mais armé d’une« takoubu», l’épée touareg. Il y a au maximum
20 ans que les Djelgobé montent à chameau.
PLANCHE 7. - LES KEL TAMACHEK : Illelan et Iklan
16
18
Photo 16. - Un« Amghid» : Inzouz de la tribu des Itaboten. Photo 17. - Bave Ag
Hamar, ancien chef des Allpsseybaten, décédé en 1966. Photo 18. -« Kel es Souka
en visite chez ses Man. Photo 19. - Les « captifs-guerriers » (« Iklan Win Ettobolx)
PLANCHE 8. - LE§ KEL TAWACHEK : LE§ IKLAN
Photo 20. - 1. Semis du petit mil, en ligne, sur sables de l’erg ancien, au sud de la
mare de Bangao, au moyen cle la houe à long manche « ‘Tachora~t ». Le sable remué, plus
sombre que celui de la surface, est plus humide. ‘Photo prise au lendemain d”une averse.
Photo 21. - 2. Sarclage à 1’« ilerI: OU« Aloulamx (‘Man Itaboten, sud de la mare de
Bangao). Photo 22. - 3. Départ en nomadisation (femmes et enfants Iboroliten, mare
de Rangao).
PLANCHE 9. - LE9 MEL TAMACHER : LES IKLAN (suite)
i . L^.‘
PLANCHE 12
31
Photo 34. - Taureau Peu1 (encadrb à gauche) et taureau Touareg (encadré à droite)
à la terre dalée de Karey. La différence de morphologie est Cvidente.
37
Cette carte dont les limites sud et nord correspondent aux 14e et 10 parallèles, constitue
un simple document de référence.
Pour le tracé de la limite nomades-sédentaires dans la région de Hombori, nous avons
utilisé l’ouvrage de Jean GALLAIS, « Pasteurs et paysans du Gourman.
On notera le caractère composite de la toponymie dans l’oudalan, tour à tour tamachek,
peu1 et songhaï.
La plupart des points d’eau et lieux dits ont au moins 2 noms, tamachek et peul, et
celui qui a prévalu sur les cartes IGN, n’est pas nécessairement le plus usité, mais celui
qui était employé par 1Ynformateur de l’ingénieur de I’IGN chargé d’établir la toponyme.
A titre indicatif, voici la signification d’un certain nombre de toponymes tamachek, peu1
et songhai’.
113
TAMACHEK PEUL SONGHAI
N.B. - In et Tin en
tamachek aignitient
littéralement cccelui» et
cccellea (ainsi ccTin Akofn :
cccelle» au palmier-doum,
sous entendu ici,« la mare n)
mais ne se rapportent pas
nécessairement à un point
d’eau comme on l’imagine
parfois à tort. Il convient
donc de les traduire
simplement en français par
ccle lieu» ou ccl’endroit »,
ccdu, ou des...»
114
II
La mare de Bangao par 14046’ de latitude nord et 0014’ de longitude ouest se trouve
pratiquement au centre de la moitiÉ nord de Z’OudaZan, au cceur de la zone nomade, oh elle
représente un important point d’eau permanent en raison de l’abondante nappe alluviale
qu’elle recèle, exploitable jusqu’à la fin de Za saison sache, et permettant l’abreuvement de
4 à 5 000 tltes de bétail.
Nous avons choisi d’illustrer par ce croquis, le chapitre relatif au milieu physique, car
s’y trouvent pratiquement réunis tous Zes éléments caractéristiques de la morphoZogie de
Z’OudaZan.
1. L’Erg récent : au sud de la mare de Bangao. II est composé de cordons dunaires
d’orientation légèrement N-W - S-E et on y notera la présence de dépressions allongées
dans le sens du système dont certaines sont tributaires de la dépression conséquente
S-N qoi débouche à l’ouest de la mare de Bangao.
Sur ce croq+s les cordons dunaires de l’erg récent sont marqués de signes d’orien-
tation de pentes, d’autant plus courts que la pente est plus raide.
Les dénivellations entre les crêtes et les pieds de dunes à l’infêrieur de ce système sont
de l’ordre de 20 à 30 m. Dans les dépressions iuterdunaires existent d’assez nombreuses
mares temporaires d’hivernage, mais dont la capacité de rétention d’eau entre deux
averses n’excède pas une dizaine de jours.
2. L’erg ancien : il est composé ici de 3 à 4 cordons dunaires, nettement distincts
des précédents par leur orientation franchement SW-NE, et qui viennent buter contre
le front de l’erg récent, suivant un angle d’environ 220 & l’intérieur duquel s’est nichée
la mare de Bangao. Vers l’ouest cependant, il se prolonge par un cordon rectiligne, tandis
qu’il s’étale en vaste plaine de sable vers le nord.
La topographie y est beaucoup moins accusée que dans l’erg récent, et l’altitude
relative du point le plus élevé (le 20 cordon dunaire au nord de la mare de Bangao),
n’excède pas une dizaine de mètres par rapport au niveau de la mare.
3. Surface à sol gravillonnuire : à l’est de la mare de Bangao (lieu-dit In Aboroum).
Bien que recouverte par endroits de placages sableux pouvant atteindre jusqu’à 50 cm
d’épaisseur, elle constitue dans l’ensemble une surface imperméable donnant lieu au
phénomène d’écoulement en nappe pendant la saison des pluies et joue ainsi le rôle de
gouttière alimentant la mare de Bangao.
4. Zone hydromorphe argizeuse : celIe-& se rencontre à la limite nord-est du manteau
sableux (lieux-dits Illegban, Tin Dioulaf) et au-delà des arêtes rocheuses d’in Kanara
et Kanala, jusqu’à la mare de Karey.
Composée d’argiles grises et noires à fentes de retrait, sans aucune valeur économi-
que, cette zone est recouverte d’une végétation arbustive dense, impénétrable.
Elle correspond 8 des axes de drainage au tracé souvent indécis, aboutissant à des
mares d’hivernage et de post hivernage (mare de Tin Dioulaf, mare de Karey), qui
constituent de simples points d’eau temporaires.
5. ccFZat» alluvial : c’est la plaine alluviale, formée de dépôts de décantation, qui
s’étend au N-W des hauteurs d’Iu Taberberé jusqu’au lieu-dit In Ta&lé.
D’une horizontalité parfaite et dépourvue de toute végétation arbustive, elle
constitue un élément caractéristique des paysages de l’oudalan septentrional qui
annonce les régions prédésertiques du Gourma.
6. Surfaces cuirassées : plus ou moins démantelées, recouvertes par la brousse tigrée.
Elles apparaissent à l’ouest et au nord-ouest de ce croqnis où nous nous sommes
essayé à reproduire le figuré caractéristique de la brousse-tigrée.
7. Les éléments rocheux : les ligues de crêtes d’in Taberbéré, In Kanara, d’orientation
sud-ouest nord-est et les plateaux de Todefanga et d’in Barkawau séparés par la dépres-
sion de Diardaran, marquent le contact entre le socle cristallin et Ia zone sédimentaire
infra-cambrieune.
11 s’agit de grès très redressés, iuterstrat%és, avec des schistes argileux, donnant
des glacis à très faible pente. Les arêtes de Kanala et de In Kanara, émergeant de
115
2 cordons dunaires appartenant à l’erg ancien, avec un commandement de 1 à 2 m à
peine, et formées d’éléments d’apparence détritipue évoquent assez précisément un
ballast de voie ferrée ; tandis que les escarpements gréseux de Todefanga et d’in
Barkawan ont un commandement maximum de 10 m et une altitude relative de
20 à 30 m, par rapport à la mare de Bangao, du même ordre par conséquent que celle
des alignements dunaires de l’erg récent. Quant au socle, maqué par les dépôts éoliens,
il apparait néanmoins à l’est-sud-est au sud de la mare de Bangao sous forme de dômes
granitiqnes émergeant des sables de l’erg récent, d’une trentaine de mètres de comman-
dement, et d’une cinquantaine de mètres d’altitude relative par rapport à la mare de
Bangao. Ils représentent ainsi en fait les points culminants de cet ensemble géographique.
8. Toponymie :
Bangao : tamachek : « l’écuelle».
In aboroum : « Le lieu de l’andropogon gayanusa. Cette grande graminée très appétée
par le bétail et recherchée pour la confection des nattes, a aujourd’hui complètement
disparu des environs de la mare de Bangao.
Kanala : signification inconnue.
In Kanara : tamaehek : signification inconnue.
Tin Dioulaf : tamachek : « l’endroit du fourré».
Illegban : tamachek : ccles fondrières», ainsi nommé parce qu’on s’y enlise en saison des
pluies.
In Taberbéré : tamachek : le lieu duo Taberbéréq être mythique, sorte de gnome de
la steppe, d’apparence simiesque. La simple vue peut provoquer la folie, mais si
l’on a le courage de l’affronter et de lutter avec lui il n’oppose qu’une faible résistance
et révèle alors l’emplacement de trésors cachés, ou le moyen de faire fortune.
Karey : tamachek : sorte de jeu de « hockeyn pratiqué par les kel tamachek avec une
balle de cuir et des bâtons. Le lieu est ainsi nommé en raison de sa topographie plate
qui en fait un excellent « terrain de kareyn.
Tidmaren : tamachek : dunes faiblement ondulées.
Aoutouchoré : tamachek : littéralement signifierait « les visages pâles». Ainsi dénommé
parce qu’un rezsou de touareg Irréganaten, gens au teint clair, y auraient campé
autrefois en s’en allant piller les Peul du Liptako.
In Tailalé : tamachek : « l’endroit des pintades» (il conviendrait d’écrire et de prononcer
In « Tailaleno, pluriel de « Ta&&», pintade), mais la prononciation locale, escamote
le N final.
Todefanga : toponyme songhai déformé par les Kel Tamachek, « Tode» étant vraisem-
blablement la déformation de ccTomlin signifiant pierre, rocher en songhaï.
Diardaran : tamachek : ccentre les collines».
In Barkawan : ccl’endroit des veaux».
III
La situation représentée ici est en fait celle qui précède la nomadisation de saison des
pluies, la population nomade étant localisée sur ses terrains de cultures.
C’est pour cette raison que les signes apparaissent fréquemment disposés en lignes
parallèles, notamment dans le sud de Z’OudaZan entre Sikire, Petaboulli, Tassamakat, etc.
A cette époque de l’année en effet, les tentes ou huttes des nomades s’égrènent tout le
long des cordons dunaires au pied desquels se rencontrent les terrains de cultures (sables
de Z’erg ancien) et les points d’eau.
La limite nord de l’habitat sédentaire coïncide à peu près dans Z’Oudalan avec Z’isohyète
des 400 mm, mais présente deux points avancés vers le nord, les villages d’0ursi et de
Déou.
Le premier est semble-t-il le plus ancien village songhaï de Z’OudaZan, le second beaucoup
plus récent (1938) aurait été fondé par des Mossi musulmans de rite hamalliste originaires
du nord du Cercle de Kaya, s’étant enfuis vers le nord à la suite de dém&s avec Padm.inis-
tration coloniale. Cet ilot de population mossi, de 600 habitants environ, semble d’ailleurs
en processus de fusion avec les Kouroumba de la région d’dribinda voisine. Le village de
Déou est entouré de nombreux puits de nappes alluviales fréquentés par diverses fractions
KeZ Tamachek, et il s’y trouve môme une source, de faible débit il est vrai.
116
IV
VI
VII
VIII
117
Tab]le des matières
23 HISTOIRE DU PEUPLEMENT
119
37 La société Kel Tamachek traditionnelle : Illelan et Iklan
44 Mise en place du peuplement Kel Tamachek
47 La population Kel Tamachek de I’Oudalan : effectifs actuels
48 LES PEUL NOMADES
49 Les Peu.1 Gaobé
51 Les Peu1 Djelgobé
53 L’lkOLOGIE PASTORALE
53 LE NOMADISME SAHÉLIEN
55 CARACTÈRES GÉNÉRAUX DU SYSTÈME PASTORAL SAHÉLIEN
58 ECOLOGIEPASTORALEDESMARESAMONTDU BÉLI ETDES POINTS
D'EAU PÉRIPHÉRIQUES
58 Popdation et cheptel
62 Le complexe pastoral de saison sèche
67 La situation de saison des pluies
72 Pesanteurs sociologiques et contraintes au milieu
74 L’interprétation agrostologique
105 CONCLUSION
112 LISTE DES CARTES HORS-TEXTE
PLANCHES PHOTOGRAPHIQUESHORS-TEXTE
113 INDEX ET NOTICE DES CARTES
119 TABLE DES MATIÈRES
........................................ .................
........................................ ..................
................
................................. . ...............
...............
...............
.............
............................ ................... .... .............
............................ ............ ............
............
............................. ....... ...........
..................................... .......... .
............................. .......... .
............................. ...........
....................... ............
....................... ........... .
.................... ................ ...........
.................... ................ ...........
.................. ......................... ..................
.................. .........................
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.................
................. . .................
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..................
. .. . .. . .. .. . .. ... .
.................
.................
.....................
.................
Prairie de graminées sur formations dunaires / Limite de la zone des 50 000 ha (projet de réserve pastorale)
rl
Steppe buissonnante à euphorbiacées Limite extrème atteinte par les bœufs à partir des points d’eau existants.
15 km
I
Les Editions de I’Office de la Recherche Saentifique ei Technique Oufrs-Mer Midenr i constituer une
docutnel,taiion scientitïque de hase sur /es zones intertropicales et m~diterrwr&w~nes,~ les pays qui en i’snt parrie
et sur /as prabh-rres pas& par leur d&eloppement.
- hydmlogie: &Ides, m&thodes d’observation et d’exploitation des donnks concwnant les cours
d’eau intertropicaux et leurs régimes.
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AfWALEJ HIbRDLOGILLUEJ: depuis 1959, daur séries aont consacrées: l’une, aux Etats africains d’expression
française et h Madagascar, l’autre aux Territoires et DBpartaments français d’Qutre-Mer.
FAUNE TROPICALE: collection d’auvragee principalement de systkmatique, pouvant couvrir taus les domaines
géographiques où I’ORÇTOM exerce set; activitks (7 9 titres parus].
TRAVAUX ET DOCUMENTS D‘E L’ORJPOIM : cette collection, diverse dans ses aspects et ses possibilit&
de diffusion, a et6 coni;ue pour s’adapter B des textes scientifiques ou techniques tr& vari& quant ti leur origine,
leur nature, leur portee dans le temps ou l’espace, nu par leur degr4 de ap~cialisatlon (06 titrea parus).
Les études en mati&re de géophysique (yravimétrie, sismologieS magnétisme...) sont publiéess, ainai que certainea
données (magnétisme) dans des a&tes spkiales: GfiGPHYSIQUE et GR~~RVATIDN~ MAGNÉTIWES,
L’HOMME D’OUTRE-MER: cette collection. exclusivement eonsacr& %JX srience$ de l’homme, est r&servée
à des texles d’auteurs n’appartenant pas B I’ORSTOM, mais dont celui-ci assure la valeur scientifiqua (ctr-Édition
Berger-Levrault) (1 Cl ouvfages parus).
De nombreuses CARTES TH&lATICWEB, accompagnées de NGTlCE8, sont 8dit8es claqua ann&e, inkkessant
des t.iumalnes scientifiques ou des r@$ons gkographiques tr& vari&%
O.R.S.T.O.M. Éditeur
D6p6t légal : 3* trimestre 1977
ISBN 2-7099~CMJ-5