Ensilage
Ensilage
Ensilage
L’ENSILAGE
par
Marc MOSNIER
Ingénieur ECAT, Institut Technique des Céréales et Fourrages (ITCF)
SOMMAIRE
I. Principes (1)
II. Transformations biochimiques dans le fourrage vert (2 à 15)
A. Action des enzymes de la plante : respiration (3)
B. Action des microorganismes : fermentation (4 à 7)
C. Transformations post-fermentaires (8)
D. Nature et appréciation des résultats de la fermentation (9 à 15)
1. Pertes de matière sèche (10 et 11)
Liste 2. Pertes qualitatives (12 à 15)
Liste
Ta b l e
I n dex
Glossaire
C. Transformations post-fermentaires
8.– En principe, l’ensilage correctement fermenté est sta-
20
ble, en absence d’oxygène à un pH égal ou inférieur à 4.
Mais des risques d’évolution subsistent en particulier en
cas d’introduction d’air dans la masse de fourrage soit
par altération du silo, soit lors de la reprise de celui-ci.
Ces risques sont d’autant plus élevés qu’il subsiste des
sucres solubles en quantité dans l’ensilage, ce qui peut 15
être le cas avec des fourrages préfanés ou conservés avec
un produit bactériostatique.
Les agents de cette dégradation sont les moisissures qui se
développent en milieu très acide (pH 2,5 à 3,5) en pré- Liste
sence d’air, et au détriment des sucres résiduels et des aci- 10
des organiques existants, et les levures qui peuvent être
très abondantes et se développent en milieu très acide
(pH 1,3 à 2,5) avec ou sans oxygène, pour donner de 1
l’acide acétique dans le premier cas et de l’alcool éthyli- Ta b l e
que dans le second cas. 3
5
D. Nature et appréciation des résultats 2
de la fermentation
I n dex
9.– Les transformations de la masse de fourrage vert sous
l’action de la fermentation lactique aboutissent à un pro-
duit nouveau conservant, pour l’essentiel, la composition 0 20 30 40 50
chimique et la valeur nutritive du fourrage d’origine,
Teneur en matière sèche, % Glossaire
mais avec des variations quantitatives portant tant sur le
poids de fourrage que sur la proportion des éléments
constitutifs de la plante. Par ailleurs, de nouveaux pro- Fig. 1. – Pertes totales de matière sèche dans l’ensilage en
duits apparaissent, dont l’importance relative permet de fonction de la teneur en matière sèche du fourrage :
juger de la nature et de l’évolution des phénomènes fer- 1. à l’échelle de la ferme 2. en petits silos experimentaux
mentaires, autorisant ainsi une appréciation de la qualité 3. d’après des essais européens concertés
(Mc. GECHAN - J. agric. Engng. Res. 1990 - 45, 12)
de conservation.
• les pertes par inconsommable, qui résultent générale- Les principaux critères d’analyse retenus pour apprécier
ment de la dégradation du produit sous l’action des moi- la qualité de conservation sont :
sissures, des levures ou des bactéries putréfiantes. Elles • l’acidité de l’ensilage, exprimée par le pH qui doit être ≤ 4
sont dues le plus souvent à un défaut de soin au moment pour avoir l’assurance d’un bon comportement du produit ;
de la réalisation du silo, le plus fréquemment rencontré
étant la mauvaise étanchéité de la bâche et l’absence de • les teneurs en azote ammoniacal et en azote soluble qui
chargement de celle-ci qui entraînent inévitablement des rendent compte du degré de dégradation des protéines ;
dégradations de l’ensilage dans la partie sous-jacente. • les teneurs en acides gras volatils qui peuvent rendre
Ces pertes sont couramment de 2 à 5 % mais peuvent compte d’évolutions particulières de ces ensilages ou
être accidentellement beaucoup plus élevées. C’est dire d’anomalies fermentaires telles que :
que l’observance des règles de réalisation de l’ensilage — production excessive d’acide acétique,
doit être d’autant plus stricte que les conditions de
— présence d’acide propionique,
récolte sont délicates et le fourrage difficile à conserver.
— présence d’acide butyrique.
2. Pertes qualitatives 13.– En principe ces produits doivent être en quantité
12.– Les pertes qualitatives sont liées à la nature des phé- aussi faible que possible, voire inexistants pour les deux
nomènes biologiques qui se sont développés dans la derniers. Les tolérances vis-à-vis de ces teneurs ont
masse de fourrage. abouti à la mise au point de normes d’appréciation par
L’appréciation d’une bonne orientation de ceux-ci est différents chercheurs. Les plus récentes, établies par l’Ins-
Liste
fournie par l’analyse de qualité qui met en évidence titut National de la Recherche Agronomique, Laboratoire
l’importance des produits néoformés caractéristiques de des Aliments à Theix, sont rappelées dans le tableau de la
telle ou telle évolution de la masse de fourrage. figure 2.
BON 20 - 40 <5 5 - 10 7 - 11 8 - 12 50 - 60
Index
MÉDIOCRE 40 - 55 >5 10 - 15 11 - 15 12 - 16 60 - 70
MAUVAIS 55 - 75 >5 > 15 15 - 20 16 - 20 > 70
Les corrélations étroites établies entre le niveau d’acidité 14.– Les variations de la composition du fourrage con-
de l’ensilage et l’importance relative des autres révéla- servé par voie d’ensilage se traduisent généralement par :
teurs de la qualité permettent de se dispenser d’analyses — un accroissement de la proportion relative de cellulose ;
complémentaires dès lors que le pH se situe à 4 ou en — une diminution de la teneur en matières minérales si
dessous de cette valeur, car celui-ci s’avère le révélateur le produit est très humide ou une légère augmentation
principal d’une bonne qualité de conservation.
de celles-ci, s’il est préfané ;
— une diminution importante de l’extractif non azoté et
La teneur en matière sèche du produit doit toutefois être
prise en considération car elle influe sur le niveau d’aci- en particulier des sucres solubles qui sont utilisés à 90-
dité critique à prendre en compte pour porter un juge- 95 % dans le cas d’ensilage humide, dans une bien
ment. Le pH de stabilité est en effet d’autant plus élevé moindre proportion avec le préfané ;
que la teneur en matière sèche est elle-même importante — une stabilisation de la teneur en protéines, voire une
(Fig. 3). certaine augmentation de celle-ci en valeur relative, lors-
que la conservation s’est bien déroulée.
15.– Le bilan global de l’ensilage se solde donc par des per-
Matière sèche % Acidité de stabilisation (pH) tes de matières nutritives dont l’importance dépend essen-
15 - 20 <4 tiellement de la teneur en eau initiale du fourrage vert.
20 - 25 < 4,2
Ces pertes paraissent assez importantes au niveau des
25 - 30 < 4,4 matières azotées mais doivent être modulées, pour les
30 - 35 < 4,6 glucides, par le fait que ceux-ci sont transformés en
35 - 40 < 4,8 grande partie et avec relativement peu de pertes en acide
Fig. 3. – Acidité de stabilisation de l’ensilage en fonction de lactique et autres composés organiques assimilables dont
sa teneur en matière sèche la valeur énergétique n’est pas négligeable.
— La propreté du produit qui condamne dans certains cas, appelés faucheuses éclateuses qui occasionnent des blessu-
le déchargement direct des remorques sur le tas, en rai- res au fourrage, favorisant ainsi le départ de l’eau interne.
son des risques d’introduction de boue par les roues. Il peut s’agir d’écrasement des tiges, de lacérations et de
— Le tassement, qui favorise l’élimination de l’air et qui chocs, voire de peignage, tous traitements, soit spécifi-
est directement lié à la finesse de hachage, à la teneur ques, soit combinés sur la machine qui réalise la fauche.
en matière sèche du produit, et à la qualité de l’épan- L’accélération de la vitesse de dessication qui en résulte est
dage de celui-ci sur le silo. fonction de la vigueur de l’opération qui doit être modu-
Il doit être modulé en fonction des produits afin de ne pas lée en fonction de la sensibilité du fourrage aux pertes
entraîner d’écoulement excessif de jus : plus le fourrage est mécaniques, les légumineuses étant, à cause de leurs
sec, et long, plus il y a lieu d’insister sur le tassement. feuilles, moins tolérantes que les graminées, à certaines
formes de conditionnement.
— La rapidité d’exécution du silo et sa rapidité de ferme-
ture, qui conditionnent la réalisation de l’anaérobiose Cette technique est plutôt bénéfique au débit de chantier,
propice aux fermentations lactiques. mais elle complique les opérations et fait peser le risque
d’introduction de cailloux dans les andains constitués
— La réalisation et le maintien d’une bonne étanchéité, après fanage du fourrage, ce qui est préjudiciable aux cou-
par l’utilisation de bâches suffisamment solides, conve- teaux des ensileuses à coupe fine ramassant le produit.
nablement appliquées sur le silo et si possible chargées
de façon continue et uniforme à l’aide d’un matériau B. Utilisation de conservateurs
facilement épandable : terre, terreau, sciure de bois.
Liste 24.– Ce terme recouvre des produits dont les modalités
d’action sont souvent très différentes. Ils peuvent agir,
C. Facteurs liés aux conditions atmosphériques
selon leur nature, soit directement, soit indirectement,
21.– Une pluviosité prolongée accroît l’humidité externe sur l’acidification du milieu.
Ta b l e du fourrage donc la dilution des jus et entraîne de sur-
croît des risques de pollution par introduction de boue 1. Conservateurs chimiques à action directe
dans le silo. Enfin, l’allongement des délais de réalisation
25.– Ce sont les conservateurs acides, qui provoquent un
qui s’ensuit normalement est un facteur défavorable à un
abaissement immédiat du pH susceptible de limiter dans
bon démarrage des fermentations.
Index
un premier temps l’action des enzymes protéolytiques et
celle des ferments butyriques. Si les doses conseillées,
IV. TECHNIQUES D’AMÉLIORATION
pour des raisons tant économiques que nutritionnelles
DE LA CONSERVATION PAR VOIE HUMIDE — 3,5 l/tonne pour les graminées et 5 l par tonne de
22.– Actuellement, il est admis que l’évolution de la fourrage vert pour les légumineuses n’assurent pas
Glossaire fermentation lactique dans les limites inférieures de d’emblée un pH stable, puisque celui-ci se situe seule-
température qui lui sont propices, — c’est-à-dire entre ment autour de 4,5 et 4,7, elles permettent cependant à la
15 et 40° C avec un optimum autour de 30° C — est le fermentation lactique de prendre le relais dans de bonnes
plus sûr moyen de réussir un bon ensilage. conditions pour assurer sans difficulté l’acidification
Quel que soit le type d’ensilage, les règles qui président à complémentaire nécessaire à la bonne conservation de
sa réalisation demeurent intangibles. Il est toutefois pos- l’ensilage et ce, en n’utilisant qu’un minimum de sucres.
sible de modifier les caractéristiques biochimiques du Les produits les plus employés actuellement sont :
fourrage pour en améliorer l’ensilabilité. — l’acide formique seul ou en mélange avec du formol, ce
Il peut s’agir soit d’augmenter la concentration en sucres dernier dans la proportion de 15 à 30 % maximum en
solubles et la pression osmotique, par élimination d’une raison de son pouvoir tannant vis-à-vis des protéines ;
certaine quantité d’eau, soit de favoriser l’acidification
— le mélange acide-sulfurique + formol.
du milieu par apport direct d’acide dans la masse de
fourrage ou par enrichissement de celle-ci en glucides.
2. Conservateurs à action indirecte
Ces différents traitements se concrétisent par des opéra-
tions préalables ou concomitantes de l’ensilage et dont 26.– Ce sont les conservateurs biologiques, par opposi-
les caractéristiques sont résumées ci-après. tion aux précédents, parce qu’ils font appel uniquement
à des moyens naturels pour favoriser le processus fer-
A. Préfanage mentaire aboutissant à l’ensilage. Ils opèrent par :
23.– Il consiste dans l’élimination d’une partie plus ou — accroissement artificiel de la teneur en sucres des
moins importante de l’eau contenue dans la plante, par fourrages ;
exposition de celle-ci à l’air et au soleil, comme dans le — amélioration de l’efficacité fermentaire par adjonction
cas du foin. Des opérations de fanage avec épandage des de bactéries plus efficaces dans la transformation des
andains et retournements successifs du fourrage peuvent sucres en acide lactique avec, éventuellement, augmen-
être pratiquées. Actuellement, le préfanage mécanique tel tation des disponibilités du fourrage en sucres fermen-
qu’il est conçu met en œuvre des appareils spécialisés, tescibles par l’apport d’enzymes (cellulolytiques et amy-
Teneur en MS %
Traitement préalable induit
Présentation du fourrage Matériel de préparation du fourrage Type de stockage
par la technique
souhaitable possible
Brins longs entiers presse à balles rondes - individuel, par enrubannage des balles 35 - 50 % (30 - 70 %)
- collectif : 35 - 50 % (30 - 70 %)
• en boudins de plastique
• en tas ou silos taupinières bâchés
hermétiquement
• Préfanage
Liste Brins courts ensileuse coupe fine à couteaux et 18 - 50 % (12 - 70 %) • coupe directe ou ressuyage avec
1 à 5 cm) contre-couteau ou sans conservateur
• préfanage
Ta b l e
• L’ensilage à l’ensileuse à fléaux ou à l’ensileuse double- fourrage concerné, peuvent être réduites dans une large
coupe, qui ne récoltent que de l’herbe verte, les organes mesure, d’une part par l’observance stricte des règles élé-
de hachage participant également directement à la fauche mentaires propres à la mise en œuvre de cette technique
— et lacèrent le fourrage sommairement. et qui visent à la réalisation rapide de l’anaérobiose dans
• Selon qu’ils nécessitent ou non un traitement préalable : le silo, d’autre part par la modification des caractéristi-
Index
fauche - éclatage, fanage, andainage, avant le ramassage ques physico-chimiques du fourrage que constituent le
et le conditionnement, on distingue la récolte en coupe préfanage ou son alternative en cas de temps humide :
directe et les chantiers en deux temps ou décomposés qui l’adjonction de conservateurs acides. Par ailleurs, les
sont mis en œuvre pour la pratique du préfanage. chantiers d’ensilage offrent une gamme très large de pos-
Glossaire
sibilités auxquelles vient s’ajouter l’enrubannage des bal-
Enfin, au niveau de la polyvalence, on note que l’ensilage
les. Cette technique, qui remplace avantageusement
en balles rondes s’effectue en général avec les mêmes
l’ensachage des balles, permet d’assurer une très grande
presses que pour le foin, cependant que les ensileuses à
souplesse à la récolte des fourrages puisqu’elle peut être
coupe fine sont les seules à pouvoir être utilisées pour
envisagée soit comme une solution de sauvegarde en cas
l’ensilage de maïs, qui constitue d’ailleurs l’essentiel de
de conditions de réalisation difficiles du foin, soit comme
leur activité dans la majorité des cas.
un instrument indispensable à la bonne gestion des pâtu-
rages pour la conservation des excédents fourragers occa-
VI. INTÉRÊT DU DÉVELOPPEMENT sionnels, soit enfin comme une alternative à l’ensilage en
DE L’ENSILAGE vrac en coupe fine lorsque la spéculation animale prati-
32.– Cette technique présente un intérêt pratique et écono- quée l’autorise.
mique évident, en raison de sa relative indépendance vis-à-
vis des conditions météorologiques. Elle permet, en parti-
culier, d’utiliser au mieux le potentiel de production des
C’est en final, à l’agriculteur à choisir avec discernement
prairies, surtout au printemps, et de sauver ainsi des four-
la meilleure voie en fonction des contraintes du milieu et
rages dont le fanage s’avère impossible en raison des condi- des possibilités de mécanisation, tout en apportant tous
tions atmosphériques momentanément défavorables. ses soins aux différentes étapes de la mise en œuvre de la
Les pertes quantitatives et qualitatives qui affectent cette technique choisie. C’est à ce prix seulement qu’il aura des
technique de conservation, variables selon la nature du chances d’obtenir les meilleurs résultats économiques.