Mini Guide DBT

Télécharger au format pdf ou txt
Télécharger au format pdf ou txt
Vous êtes sur la page 1sur 41

PSΨCHO

PAP

Les mini-guides

La thérapie comportementale
dialectique

un mini-guide de pratique

première édition

2
0
1 Magalie Lussier-Valade
Julie Jomphe
9
Éditeur: Thanh-Lan Ngô – psychopap
Éditeur: Thanh-Lan Ngô – psychopap
Montréal, QC, Canada
2019
ISBN 978-2-925053-09-5
Dépôt légal 3e trimestre 2019
Bibliothèque et Archives nationales du Québec 2019
Bibliothèque et Archives Canada 2019
1re édition
Table des matières
Introduction 1

Le trouble de personnalité limite 2

Les grands postulats de la DBT 5

L’esprit de la DBT 5

Les objectifs 7

Les stratégies cardinales 10

Les styles de communication 13

Les modalités de traitement 13

Le déroulement de la thérapie 27

Formation 31

Pour le patient 31

Conclusion 32

Annexes 33

Références 35

La thérapie comportementale dialectique en


résumé 36
La thérapie comportementale dialectique :
Un mini-guide de pratique

Magalie Lussier-Valadea,b, MD., FRCPC


sous la supervision de
Dre Julie Jompheb,c, MD., FRCPC

Remerciement à Dre Catherine Maranda, R3,


et Dre Thanh-Lan Ngô pour leur relecture et
commentaires.

Résumé
La thérapie comportementale dialectique (DBT) a initialement été développée dans les années
1980 par Marsha Linehan, professeur de psychologie, pour le traitement des personnes
avec trouble de personnalité limite (TPL) aux prises avec des comportements suicidaires
chroniques.

Il s’agit d’une forme de thérapie d’orientation cognitivo-comportementale, dont elle


reprend des principes clés, comme la régulation émotionnelle et les exercices pratiques,
combinée à certains éléments empruntés aux pratiques de méditation bouddhistes et de
pleine conscience, tels que les principes de tolérance à la détresse, d’ouverture d’esprit,
de relaxation et d’acceptation. La DBT se fonde également sur le principe philosophique
dialectique, qui présuppose une recherche d’équilibre, une réconciliation d’opposés en un
processus continu de synthèse.

Le lecteur retrouvera dans ce mini-guide une synthèse de la thérapie comportementale


dialectique ainsi que plusieurs ressources pouvant aider le thérapeute à accompagner le
patient vers une vie qui vaut la peine d’être vécue.

Mots clés Thérapie comportementale dialectique • DBT • Trouble de personnalité limite•


TCD • Psychothérapie • Pavillon Albert-Prévost • Guide de pratiques

a
Université de Montréal, département de psychiatrie
b
Pavillon Albert-Prévost, Hôpital Sacré-Cœur-de-Montréal, CIUSSS du Nord de l’Île de Montréal
c
CISSS de Lanaudière
thérapie
comportementale
dialectique (DBT)

Introduction
La thérapie comportementale dialectique (DBT) a
Point clé initialement été développée dans les années 1980
par Marsha Linehan, professeur de psychologie,
pour le traitement des personnes avec trouble
La thérapie de personnalité limite (TPL) aux prises avec des
comportementale comportements suicidaires chroniques. Il s’agit
dialectique d’une forme de thérapie d’orientation cognitivo-
comportementale, dont elle reprend des principes
implique un clés, comme la régulation émotionnelle et les
équilibre entre exercices pratiques, combinée à certains éléments
le besoin de empruntés aux pratiques de méditation bouddhistes
et de pleine conscience, tels que les principes
changement et de tolérance à la détresse, d’ouverture d’esprit,
l’acceptation du de relaxation et d’acceptation. La DBT se fonde
présent. également sur le principe philosophique dialectique,
qui présuppose une recherche d’équilibre, une
réconciliation d’opposés en un processus continu
de synthèse (Linehan, 1995).

1
La thérapie comportementale dialectique comporte habituellement 2 volets: la thérapie
individuelle ainsi que l’entraînement aux compétences, qui se fait en groupe, sous forme de 4
modules:
• Compétences de pleine conscience: apprentissage des compétences
nécessaires pour centrer son attention sur le moment présent, sans
jugement.

• Compétences de tolérance à la détresse: apprentissage des compétences


utiles afin de gérer les états de crise sans avoir recours aux gestes
suicidaires ou comportements impulsifs.

• Compétences de régulation des émotions: apprentissage des


compétences permettant de prendre conscience, de comprendre et de
développer un sens de contrôle sur les émotions vécues.

• Compétences d’efficacité interpersonnelle: apprentissage de


compétences essentielles pour s’affirmer tout en préservant les
relations importantes.

Le trouble de personnalité limite (TPL)


Avant toute chose, il convient d’expliquer la personnalité limite telle que conceptualisée dans
la thérapie comportementale dialectique. Devant la multitude de témoignages personnels
et médiatiques décrivant la personnalité limite, il n’est pas rare que certains patients et leur
famille aient une conception de ce diagnostic. Celle-ci s’avère toutefois souvent incomplète ou
péjorative. Cette vision “en tunnel” n’est pas exclusive aux patients et leurs proches: plusieurs
professionnels de la santé partagent également cette image tronquée de la personnalité limite. Il
est effectivement facile d’oublier que les gens vus à l’urgence ou sur les unités d’hospitalisation
vivent un état de crise dissimulant leurs forces et qualités habituelles.

Pour ajouter à la complexité, il existe plusieurs théories sur la psychopathologie de la


personnalité limite. Ces théories mettent de l’avant des caractéristiques distinctes qui teintent
fortement les cibles thérapeutiques choisies par les tenants de chaque théorie. Actuellement, 4
grandes théories se démarquent par l’abondance de littérature les appuyant et par les modèles
psychothérapeutiques en découlant (Tableau I):

2
Tableau 1. Conceptions du trouble de personnalité limite (adapté de Gunderson et al., 2018)

Déficit de la capacité à réguler les émotions issues d’une prédisposition


Linehan et la
neurobiologique menant à des émotions plus faciles à déclencher, plus intenses et
dysrégulation
prolongées. Ce déficit devient problématique ou apparent lorsque les expériences de
émotionnelle l’individu ne sont pas validées au cours de son développement. De cette dysrégulation
émotionnelle découlent les difficultés comportementales et interpersonnelles.

Kernberg et L’agressivité est ici considérée comme une pulsion humaine innée et sa présence en
l’agressivité en excès peut être déterminée génétiquement ou en raison de frustrations importantes
excès durant l’enfance. Cette agressivité excessive est tour à tour exprimée ou refoulée
pour être projetée contre le soi ou l’Autre.

Le défaut de mentalisation réfère à l’incapacité d’identifier les états mentaux (i.e les
Fonagy/Luyten pensées, croyances, intentions, motivations, désirs, buts) qu’une personne présente
et le défaut de ainsi que l’influence de cet état mental sur les comportements ou interactions. Ce
mentalisation déficit serait relié aux difficultés de certaines figures parentales à refléter à un enfant
ses émotions et à les identifier et nommer.

Selon cette théorie, un enfant démontrera une hypersensibilité aux stresseurs


Gunderson et interpersonnels en lien avec une vulnérabilité génétique, qui se manifestera
l’hypersensibilité par des réactions excessives même face à de légères frustrations. Au cours du
interpersonnelle développement, l’individu réagira face à ce qu’il interprète comme une absence de
soutien en en blâmant l’autre (bad other) ou lui-même (bad self).

Pour un aperçu plus complet de chaque théorie, le lecteur est invité à consulter Competing Theories
of Borderline Personality Disorder (Gunderson et al., 2018).

Il est important de retenir ici que selon l’esprit de la DBT, un individu vivant avec le TPL porte une
vulnérabilité biologique se manifestant par un seuil plus bas pour déclencher les émotions, une
plus grande réactivité émotionnelle (plus grande intensité de la réaction) ainsi que par un délai
prolongé avant le retour au niveau de base suite à l’activation émotionnelle. Cette dysrégulation
émotionnelle est responsable de l’instabilité observée dans les 4 secteurs ci-dessous:

Affectif Interpersonnel

Comportemental Soi/cognition

Figure 1. Les quatre domaines touchés par le trouble de


personnalité limite 3
Qu’est-ce que la
vulnérabilité Comportements
émotionnelle? auto-dommageables
Réponse très intense

Sensibilité émotionnelle
importante
Lent retour à l’état de
base

Stresseur
Réponse sans vulnérabilité

Figure 2. La vulnérabilité émotionnelle (adapté de Linehan, 2015)

Le TPL résulte de l’interaction entre cette dysrégulation biologique et un environnement


invalidant, ne permettant pas à la personne un apprentissage efficace de la gestion des émotions.
Il faut toutefois porter attention à ne pas porter le blâme sur la famille et les proches (souvent
désignés comme l’environnement “invalidant”). Il peut être utile d’expliquer que les proches font
souvent de leur mieux mais qu’il leur est difficile de bien cerner les particularités et besoins
d’une personne plus intense qu’eux. La métaphore du jardin de fleurs permet d’imager cette
notion: une tulipe poussant dans un jardin de pivoines n’en est pas moins jolie ou odorante.
Cependant, elle demeurera différente et n’aura pas les mêmes besoins en termes de luminosité,
de climat ou d’arrosage. En fait, la personne souffrant de TPL pourrait très bien être représentée
par l’orchidée, cette fleur délicate, qui a besoin de soins particuliers pour fleurir et s’émanciper.

Note clinique
Il n’est pas rare de se heurter à une réticence à accepter un diagnostic
chez les patients, particulièrement s’il s’agit d’un diagnostic de TPL. Il peut
être utile de souligner que bien qu’il existe des fondements biologiques
à la personnalité, il ne s’agit effectivement pas d’une “maladie” et il n’est
pas question de guérir un individu. Chaque être humain est doté d’une
personnalité qui est composée de plusieurs traits, qui s’exprimeront
plus fortement selon l’environnement et les expériences (ce qui est
bien normal). Le terme “trouble” ne sera employé que lorsque ces
traits deviennent problématiques et/ou entraînent une souffrance. Il
est important d’expliquer au patient et à sa famille que la DBT ne vise
pas à changer la personnalité d’une personne mais plutôt de lui offrir
des outils et stratégies pour diminuer ou mieux tolérer les expériences
douloureuses et accomplir ses objectifs personnels. Il s’agit de renforcer
ses forces et de trouver des façons de travailler ses difficultés.
4
Les grands postulats de la thérapie
comportementale dialectique (la philosophie)
• Le patient fait de son mieux.
• Le patient veut s’améliorer.
• Le patient doit faire mieux et être plus motivé au changement.
• Le patient n’est peut-être pas responsable de tous ses
problèmes, mais il doit quand même les résoudre.
• La vie des patients avec TPL est intolérable telle qu’elle est
présentement vécue.
• Le patient doit apprendre de nouveaux comportements
appropriés aux situations.
• Le patient ne peut pas échouer en thérapie (le blâme repose
sur la thérapie).
• Les thérapeutes traitant des patients limites ont besoin de
soutien.

L’esprit de la thérapie comportementale


dialectique

La dialectique pour les nuls:

Thèse + Antithèse = Synthèse

1. Parlons dialectique
La perspective dialectique implique que dans chaque dysfonction se retrouve une fonction. Dans
l’esprit de la DBT, la dialectique fondamentale est celle d’accepter la personne telle qu’elle est
au moment présent tout en lui enseignant comment changer. Il s’agit de la (ré)conciliation de
l’acceptation et du changement. La DBT repose sur le paradoxe selon lequel le changement
thérapeutique ne peut s’accomplir qu’en contexte d’acceptation de la situation telle qu’elle est.
Pour les patients, l’acceptation de “ce qui est” représente déjà un changement en soi.

Le deuxième paradoxe de la DBT concerne le rôle du thérapeute, qui exerce un contrôle sur la
thérapie (et par le fait même, le patient) dans le but de favoriser l’indépendance de ce dernier,
sa liberté et son propre contrôle sur soi. Le “contrôle” du thérapeute sur le patient devient ainsi
nécessaire à l’affranchissement de ce dernier.

5
Changement Acceptation

Contrôle du Autonomie et
thérapeute liberté du patient

Figure 3. Les paradoxes de la thérapie comportementale dialectique

2. Parlons alliance thérapeutique


L’alliance entre le thérapeute et le patient est une composante importante de toute psychothérapie.
Dans la DBT, le thérapeute doit rapidement établir une relation thérapeutique (ou interpersonnelle,
pour reprendre le terme de Linehan) positive et forte avec le patient. Pour certains, cette relation
sera le seul (du moins, initialement) moteur de changement ou renforçateur dans l’acquisition
de nouvelles compétences. Elle permet également l’expérience d’une bienveillance et d’une
acceptation sincères, parfois pour la première fois.

Une fois établie, cette relation ne doit cependant pas devenir un obstacle au progrès de l’individu.
Il peut arriver que les patients craignent de perdre le thérapeute s’ils “progressent trop”. Il
est donc important de renforcer la notion que l’absence d’amélioration accélérera la perte du
thérapeute: il est effectivement peu bénéfique ou éthique de poursuivre une thérapie inefficace.
Le thérapeute occupe une place importante dans le processus de changement du patient. Il
doit donc s’assurer de demeurer “thérapeutique”. La relation avec des individus présentant des
traits de personnalité limite ou autres vulnérabilités au plan de la gestion des émotions et de
la mentalisation peut représenter un défi de taille pour le thérapeute oeuvrant seul. Il est donc
impératif pour ce dernier de bénéficier de collègues avec qui échanger et partager certaines
responsabilités. Cela lui permettra d’éviter de devenir polarisé.

3. Le thérapeute Orienté vers le


changement

Centration Demande
inébranlable bienveillante

Soutien Flexibilité
bienveillante

Orienté vers
l’acceptation
6
Figure 4. Le thérapeute de la thérapie comportementale dialectique
Les objectifs de traitement
La DBT, plus flexible que sa grande soeur la thérapie cognitivo-comportementale, demeure
toutefois stricte quant aux priorités de traitement. Les comportements suicidaires, ou mettant en
jeu l’intégrité physique ou la sécurité des individus représentent la première cible d’interventions
(1er focus). Par la suite, les comportements ou attitudes menaçant le processus de thérapie sont
abordés (2e focus), pour finalement faire place aux problèmes interférant avec le développement
d’une vie satisfaisante pour l’individu (3e focus). Ce dernier apprendra donc, à l’aide du soutien
de son thérapeute, plusieurs compétences qui remplaceront graduellement les réponses plus
dysfonctionnelles jusque-là mises en place en réponse aux situations souffrantes. Le maintien
ou stabilisation de ces compétences deviendra la priorité (4e focus).

Selon les progrès faits, il sera alors possible de travailler sur les différents traumatismes
vécus par la personne ainsi que sur l’élaboration d’un sentiment personnel de validation et de
respect de soi. L’individu n’acceptant pas ces cibles de traitement ou leur hiérarchie ne sera pas
considéré candidat à la DBT (et n’y verra probablement que peu d’intérêt).

Les objectifs de traitement de la DBT sont décrits en termes de comportements cibles, c’est-
à-dire les comportements à favoriser ou à diminuer. Chaque cible représente une catégorie
de comportements (spécifiques à l’individu) concernant un domaine de fonctionnement. La
sélection des comportements cibles nécessitent un processus d’évaluation rigoureux et continu.

L’objectif global : favoriser un mode de comportements


dialectique
L’objectif sous-tendant la DBT est celui d’amener les gens vivant avec le TPL vers un mode
de pensée plus dialectique et à changer leurs comportements habituellement intenses pour
adopter des réponses alternatives plus équilibrées et appropriées aux situations.

1. Le mode de pensée dialectique


Résumé grossièrement, il s’agit du chemin entre la pensée universaliste et la pensée
relativiste.
Universaliste Relativiste

Il n’existe qu’une La vérité Toute vérité est


seule vérité évolue et se relative et
absolue et développe subjective.
immuable. dans le temps.
Il n’y a pas de vrai
Vrai s’oppose à Qu’est-ce qui ni de faux,
faux. existe en puisque tout est
dehors du vrai relatif.
et du faux?

Dialectique
Figure 5. Les modes de pensée 7
La pensée dialectique nécessite la capacité de voir au-delà des polarités et de considérer la réalité
comme un tout complexe, aux multiples facettes. Il ne s’agit pas seulement de voir qu’il existe des
contradictions mais également de pouvoir les unir et les intégrer et de réaliser que deux éléments
contraires peuvent co-exister sans que l’un n’annule ou ne prenne le dessus sur l’autre.

Cette philosophie a également des répercussions au plan du comportement et vise à conduire le


patient à adopter un mode de vie plus équilibré, plus nuancé. Bien souvent, les gens avec le TPL vivent
dans les extrêmes, autant dans leurs réactions émotionnelles que dans leurs comportements. Un
focus dialectique leur permet d’adopter une vision plus nuancée et d’emprunter « le chemin du
milieu ».

2. Les comportements cibles principaux (focus)


Diminuer les comportements suicidaires :
Comportements de crise suicidaire :
Ces comportements sont ceux qui alertent les proches et le thérapeute que le patient
est à risque de suicide imminent et sont souvent une combinaison de menaces
suicidaires crédibles ou autres types de communication sur le suicide; planification et
préparation du suicide ou se procurer un moyen de se suicider. Bien qu’un des grands
postulats de la DBT soit que la vie des patients avec TPL est effectivement intolérable
telle qu’elle l’est, les thérapeutes sont toujours du côté de la vie. Alors que bien des
gens considèrent la DBT comme un programme de prévention du suicide, Marsha
Linehan la décrit plutôt comme un programme d’amélioration des conditions de vie.
Elle rappelle également qu’il n’existe aucune donnée confirmant qu’une personne
décédée mène une meilleure vie… (Linehan, 1995).

Comportements auto-dommageables :
Même en l’absence d’une intention de mourir, ces gestes ne sont jamais ignorés dans
la DBT puisqu’ils constituent un prédicteur de suicide subséquent et entraînent des
dommages corporels, parfois permanents.

Idées et menaces suicidaires :


Il est important pour le thérapeute de garder à l’esprit que le suicide peut occuper une
grande partie des pensées d’un patient et ce, pour une multitude de raisons. Certains
patients sont rassurés par la possibilité d’un suicide, qu’ils voient comme une porte
de sortie si les choses s’enveniment, d’autres y pensent lors de crises émotionnelles
intenses ou sous le coup de la frustration, tandis que d’autres seront déchirés entre
la vie et le suicide. Dans la DBT, les menaces suicidaires sont toujours abordées
directement, alors que les idées suicidaires ne le seront que si elles sont nouvelles,
inattendues, intenses ou associées avec des comportements auto-dommageables.

Les croyances concernant le suicide :


La DBT vise également à cibler les croyances et attentes des patients concernant la
valeur du suicide ou des gestes auto-dommageables en tant qu’alternative à leurs
problèmes. Le thérapeute ne doit pas négliger le fait que plusieurs patients continuent
à faire de tels gestes car ils en ont retiré un bénéfice relatif, comme un soulagement
bref, une réaction d’un être aimé, un évitement de conséquences, etc. C’est pour cette
raison qu’il est souvent plus efficace d’aborder les conséquences négatives au long
8 cours de ces comportements.
Diminuer les comportements interférant avec la thérapie :
Les comportements du patient :
Cette catégorie inclut les comportements qui empêchent le patient de profiter de sa
thérapie (inattention, absence de collaboration, non-observance), ceux qui empêchent
d’autres patients de profiter de la thérapie (remarques hostiles ou empreintes de
jugement, commentaires intrusifs inappropriés) et les comportements menant à
l’épuisement du thérapeute (pousser les limites du thérapeutes, demandes répétées
et inappropriées, pousser les limites du cadre ou les limites administratives,
comportements qui diminuent la motivation du thérapeute).

Les comportements du thérapeute :


Le thérapeute peut également présenter des comportements qui interfèrent avec la
qualité de la thérapie ou avec la relation avec le patient. Les caractéristiques idéales
du thérapeute DBT nommées ci-dessus (figure 4) illustrent bien à quel point ce dernier
se doit de respecter un fragile équilibre entre des positions qui pourraient sembler
contraires pour quelqu’un de peu familier avec la DBT : il n’est donc pas toujours
facile de trouver le juste milieu et certains peuvent se montrer trop orientés vers le
changement ou l’acceptation, trop ou pas assez flexible, surprotéger le patient ou au
contraire, exiger qu’il devienne indépendant trop tôt.

Diminuer les comportements interférant avec qualité de vie :


Tel que mentionné ci-dessus, la DBT reconnaît que les patients avec TPL ont des raisons
d’être malheureux et d’entretenir des idées suicidaires. C’est pour cette raison qu’un
des objectifs principaux est d’améliorer leur qualité de vie en ciblant les comportements
qui sont suffisamment problématiques pour remplir les critères diagnostiques d’un
trouble mental, causer une atteinte du fonctionnement ou interférer avec la thérapie.
Les problèmes n’atteignant pas cette intensité seront plutôt abordés dans les 2e et 3e
stades de la DBT.

Exemples de comportements interférant avec la qualité de vie :


• Abus de substances (drogues, alcool ou médicaments)
• Comportements problématiques au plan de l’emploi ou de l’école (quitter à
répétition des emplois, incapacité de chercher un emploi, ne pas accomplir
ses tâches, etc.)
• Comportements criminels
• Comportements menant à une instabilité du logement
• Refus de prendre soin de sa santé
• Comportements interpersonnels inappropriés (demeurer dans une relation
abusive ou violente, fin abrupte aux relations, dépendance extrême, etc.)
• Difficultés de gestion de l’argent ou jeu pathologique
Il est important ici de noter que selon le modèle de DBT, mener une vie structurée
permet au patient de progresser dans tous les domaines cibles et d’améliorer son
fonctionnement global. C’est pour cette raison que la version initiale de la DBT exigeait
des patients qu’ils s’impliquent dans une activité structurée, à l’extérieur de la maison,
pendant une bonne partie de la semaine. L’équipe de Linehan avait découvert qu’il était
difficile de voir les bénéfices de la thérapie (particulièrement au plan affectif) si les
patients quittaient rarement leur domicile. L’implication à une activité structurée
9
est maintenant passée de nécessité à une suggestion, seulement parce que l’équipe
a réalisé que trop de patients devaient être exclus selon ce critère. Notons toutefois
que l’instabilité au travail est un facteur de mauvais pronostic au long cours (Temes et
Zanarini, 2018).

Augmenter les compétences comportementales :


Ces compétences sont abordées dans la section sur les modalités de traitement et sont
décrits en détails dans le manuel DBT Skills Training (Linehan, 2015). Le lecteur est
invité à s’y référer pour la description complète et l’ensemble des outils nécessaires à
l’enseignement des compétences comportementales.

Les 3 cibles principales de la


thérapie comportementale
dialectique :
1. Survie et sécurité du patient,
2. Diminution des comportements
interférant avec la thérapie,
3. Améliorer la qualité de vie du patient.

Les stratégies cardinales : la validation et


la résolution de problèmes
Au coeur de la DBT se retrouvent les stratégies de résolution de problèmes en équilibre avec les
stratégies de validation (analogue à la balance changement et acceptation décrite ci-dessus).
Dans l’esprit de la DBT, la validation comprend 2 types de comportements distincts mais
complémentaires: la validation de l’expérience (i.e. les réponses cognitives, comportementales
et émotives) et la validation de l’individu et de sa capacité à bâtir une vie satisfaisante. Il ne s’agit
pas ici d’approuver aveuglément toute réaction mais plutôt de trouver sens et raison à l’expérience
vécue et d’instiguer une source d’auto-validation à la personne.

En bref : Il s’agit de communiquer au patient que ses pensées, ses émotions et comportements ont
un sens, sont explicables et compréhensibles (et effectivement, lorsque nous prenons en compte
leur vulnérabilité émotionnelle biologique et/ou leur vécu, plusieurs de leurs réactions ont un
sens).

10
Note clinique
« La façon dont vous avez réagi fait beaucoup de sens si on se fie à la
situation, à ce qui vous est arrivé dans le passé et compte-tenu de votre
bagage génétique » (acceptation, validation de l’état du patient dans le
moment présent). « Et en même temps, j’entends aussi que votre réaction
vous a causé beaucoup de problèmes au travail/avec vos proches/avec
votre famille et qu’il serait peut-être utile d’examiner d’autres stratégies »
(incitation au changement, à l’application de la résolution de problèmes).

Les stratégies de résolution de problèmes favorisent le changement et sont résumées ci-


dessous:

• L’analyse en chaîne du comportement (évaluation contextuelle d’un comportement précis).


• Analyse de solution.
• Orienter le patient vers la solution proposée.
• Encourager le patient à s’engager dans le traitement proposé.
• Appliquer le traitement.

Les partisans de l’approche béhaviorale reconnaîtront son influence sur l’analyse en chaîne, qui
s’intéresse aux facteurs situationnels entourant un comportement problématique, c’est-à-dire
autant ceux l’ayant précédé que ceux l’avant suivi. Cette analyse permet de déterminer les facteurs
(et les liens), autant internes qu’externes, qui sont associés à un comportement problématique.
Une fois ces facteurs identifiés, il est plus facile pour le patient, avec le soutien du thérapeute,
de les mettre en relation avec le comportement nuisible. L’analyse des conséquences de ce
comportement permet premièrement de déterminer ses renforcements (même une réaction de
colère d’un proche peut représenter un renforcement positif) et par la suite, d’aider la personne
à prévenir d’éventuelles récidives et de planifier des comportements alternatifs. Il s’agit un peu
de faire avec une personne le film d’une partie de sa vie et d’écrire le scénario (avec tous les
détails possibles, moments par moments) relatif à cette partie de sa vie pour comprendre et
identifier les causes de cet enchaînement précis.

11
Comment procéder à l’analyse en chaîne (Annexe I)?
1. S’entendre sur un comportement problématique. Ce dernier doit être bien identifié
et détaillé. Identifier ce que le patient a fait et dit (et pensé et senti s’il y a lieu).
2. Identifier un déclencheur externe se situant idéalement dans les 4 heures avant le
comportement problématique.
3. Le thérapeute aide le patient à identifier les liens entre le déclencheur et le
comportement problématique en décortiquant étape par étape, le plus précisément
possible ce qui est survenu, minutes par minutes, tant intérieurement (pensées,
émotions, sensations physiques) qu’extérieurement (actions, événements, ce que
fait chacun dans l’environnement) (l’enchaînement ayant mené à ce comportement).
4. Il est possible que le patient ne voie pas la nécessité de cette activité (qui peut être
confrontante ou souffrante). Il est très important alors d’orienter adéquatement le
patient sur le motif de cet exercice, ce qui aura pour effet d’augmenter sa motivation
et collaboration. Lui rappeler que l’élaboration d’un traitement efficace, qui
entraînera un changement du comportement, dépend d’une description complète et
détaillée des facteurs qui ont facilité et contrôlé le comportement est la clé de cette
intervention (clarifier les causes du comportement pour voir ensuite lesquelles sont
les plus facilement modifiables et sur lesquelles nous concentrerons nos efforts).
5. Si le patient a du mal à identifier les facteurs qui ont influencé son comportement,
le thérapeute peut l’aider en formulant des hypothèses et en les vérifiant auprès du
patient : (liste non exhaustive)

• Au niveau physique/biologique: niveau de fatigue, insomnie, douleur


physique, maladie, faim, médication, drogues, substances d’abus.
• Au niveau de l’environnement: bruits, foule, lumière, noirceur,
température.
• Au niveau interpersonnel: dispute ou mésentente avec un proche (ou
un étranger), inquiétude pour un proche, maladie d’un proche, rupture.
• Au niveau personnel: colère, tristesse, déception, honte, culpabilité,
jalousie, peur, anxiété, soulagement, joie.

Une fois l’analyse en chaîne faite, le thérapeute et le patient procèdent à l’analyse


de solution, soit de générer des comportements alternatifs et formuler un plan de
traitement ciblant le changement du comportement problématique. Cette analyse de
solutions implique une connaissance des difficultés et forces actuelles du patient.

12
Les styles de communication interpersonnelle
La DBT combine deux types de styles de communication interpersonnelle: la communication
irrévérencieuse et la communication réciproque. Ces deux types doivent être retrouvés en
équilibre dans les interactions avec le patient :
• La communication irrévérencieuse est utilisée en situation d’impasse, pour attirer
l’attention du patient, l’aider à voir la situation de façon différente, déstabiliser le
patient pour favoriser une ré-équilibration (patient : « je vais me tuer », thérapeute :
« mais vous vous êtes engagée à rester en traitement pendant un an ! »).

• La communication réciproque est un engagement chaleureux du thérapeute envers


le patient, sa disponibilité, le dévoilement de soi, vise à équilibrer la relation de
pouvoir pouvant s’installer dans la thérapie (patient : « non, ça ne fonctionnera pas
», thérapeute : « j’ai l’impression que vous ne prenez pas le temps de considérer
mes suggestions, c’est pas très motivant! »).

Les modalités de traitement


Le modèle standard de la DBT est composé de quatre composantes: (une 5e, les traitements
auxiliaires, regroupe les traitements qui ne relèvent pas de l’approche dialectique
comportementale et n’est donc pas décrite ici).

Thérapie individuelle
Groupe d’apprentissage des compétences
Coaching téléphonique
Équipe thérapeutique

13
La thérapie individuelle
Chaque patient bénéficie d’une psychothérapie individuelle avec son thérapeute principal, qui
utilise la fiche d’auto-observation quotidienne (diary card) avec le patient pour faire l’évaluation
de la semaine (Annexe 2). Celle-ci doit être remplie par le patient à la maison avant la séance.
S’il n’a pas été possible pour l’individu de la remplir, il devra le faire seul, sans aide ou attention
de la part du thérapeute durant les premières minutes de la séance (et sans bénéficier de temps
supplémentaire). L’importance de cette carte doit aussi être respectée par le thérapeute, qui
prendra le temps de la commenter à haute voix et l’utilisera pour guider la séance et mener
l’analyse en chaîne (Annexe I) s’il y a lieu. Cette dernière est principalement utilisée en début
de thérapie, afin de cerner et de mieux comprendre les « patterns » des patients (c’est-à-dire
leurs déclencheurs et renforçateurs habituels). Par la suite, plus la thérapie progresse, plus le
thérapeute utilisera les jeux de rôles, les expériences comportementales et surtout, l’exposition
en séance (par exemple, aux émotions douloureuses).

Toutes les autres modalités de thérapie sont complémentaires à cette modalité, qui permet
la motivation du patient, personnalisation du traitement (apprentissage de compétences
complémentaires si nécessaire) et la généralisation des acquis. Cette thérapie permet donc
d’appliquer les compétences apprises en groupe aux situations spécifiques de la vie du patient
et progressivement, de remplacer les comportements et réactions dysfonctionnels par un
comportement fonctionnel. Éventuellement, elle permettra à l’individu de construire une « vie
qui vaut la peine d’être vécue », en harmonie avec ses propres valeurs et objectifs.

La thérapie est généralement un contrat d’un an, renouvelable selon les objectifs à atteindre et
contingent à un progrès observable.

Note clinique
Le thérapeute travaillant avec des gens souffrant d’un TPL doit être
sensible aux vulnérabilités que ces derniers présentent ainsi qu’à ce que
Marsha Linehan décrit comme les dilemmes dialectiques.

Ces dilemmes dialectiques peuvent être classés en trois dimensions


définies par leurs pôles opposés (figure 6). Ces pôles extrêmes
représentent des positions souvent insoutenables pour le patient, qui
alternera alors d’un opposé à l’autre, difficilement capable d’atteindre un
point plus central du continuum.

L’objectif du traitement vise à réconcilier ces points opposés et à les


intégrer dans un équilibre flexible. Il n’est pas question de « l’une ou l’autre
position » mais plutôt de faire la synthèse de ces tensions dialectiques.

14
Domaines influencés par
la prédisposition Vulnérabilité émotionnelle
biologique (hypersensibilité, peur, sentiment
de perte de contrôle, difficulté à
gérer le vécu émotionnel)

Crise aigüe
(réactivité, crise suicidaire,
gestes Passivité active
auto-dommageables, (recherche du soulagement
difficulté à tolérer et par l’autre, dépendance)
réguler le stress)

Compétence apparente Inhibition du


(capacités influencées par les chagrin (du deuil)
émotions, par le contexte (surcontrôle ou inhibition
relationnel. Les compétences des affects négatifs,
du patient semblent donc évitement des émotions
Auto-invalidation
« fluctuantes » ) douloureuses)
(invalidation de ses
expériences
affectives)
Domaines
influencés par le contexte social/relationnel

Figure 7. Les dimensions dialectiques (tirée et adaptée de Linehan,


1993)

Groupe d’apprentissage des compétences

Changement Acceptation

Régulation des émotions Tolérance à la détresse


Efficacité interpersonnelle Pleine conscience

Figure 7. Les compétences de la thérapie comportementale


dialectique

Les compétences ciblées dans la DBT peuvent être définies comme l’ensemble des habiletés
nécessaires afin de résoudre les problèmes de la vie courante et bâtir une vie satisfaisante.
Celles-ci sont démontrées et expliquées dans le groupe selon une perspective psychoéducative.
L’apprentissage des compétences se fait en trois phases :
1. La phase d’acquisition (principalement en groupe)
2. La phase de consolidation (en thérapie individuelle)
3. La phase de généralisation (en thérapie individuelle et appels téléphoniques de
coaching)
15
Il est important de garder à l’esprit qu’une compétence non appliquée est inutile: l’individu doit
pouvoir l’utiliser dans tous les contextes de sa vie et doit donc pratiquer, pratiquer et pratiquer
encore ce qui est enseigné dans les groupes d’apprentissage. Dans le modèle classique de DBT,
tous les patients devraient être impliqués dans un tel groupe durant la 1re année de traitement.
Les patients devraient aussi pouvoir suivre ce groupe deux fois, de façon à approfondir la matière
enseignée. Ce complément indispensable à la thérapie individuelle est idéalement donné par deux
thérapeutes autres que le thérapeute principal, afin d’éviter que des enjeux de gestion de crise
personnelle ne soient abordés en groupe. S’il est impossible de procéder ainsi, la distinction entre
les deux modalités de traitement doit être explicitée.

Pleine conscience : Ramener l’esprit au moment présent, s’ouvrir à l’expérience du moment


présent.

Cette compétence concerne la capacité et la qualité des processus attentionnels ainsi que de la
présence à l’instant présent. Il s’agit d’aider le patient à observer et décrire son monde intérieur, ses
pensées ou émotions ainsi que les sensations physiques qui l’habitent. Au-delà de l’identification
des émotions et pensées, la pleine conscience met également l’accent sur le non-jugement, de
ralentir pour ne faire qu’une chose à la fois, de façon efficace. Les compétences de pleine conscience
sont centrales à la DBT et sont parmi les premières à être enseignées aux patients.

Ces compétences permettent au patient de développer son Esprit Sage, qui intègre à la fois l’Esprit
rationnel et l’Esprit émotionnel. Chaque individu possède cet Esprit Sage mais ce dernier peut être
difficile d’accès. Le patient doit être informé que les compétences de pleine conscience nécessitent
beaucoup de pratique et doivent être initialement pratiquées en situation plus neutre, pour faciliter
l’apprentissage. Des exercices, comme celui du galet qui se dépose au fond de l’eau ou de celui de
l’escalier en spirale, peuvent aider le patient à atteindre son Esprit Sage :
1. Galet de pierre dans l’eau d’un lac : Imaginez que vous êtes en bordure d’un beau lac bleu
durant une belle journée ensoleillée. Imaginez que vous êtes un petit galet de pierre, plat
et léger. Imaginez que vous avez été lancé dans le lac et que vous descendez, doucement,
lentement, calmement dans l’eau calme, bleue claire, jusqu’au fond doux et sablonneux.
• Notez ce que vous voyez, ce que vous ressentez alors que vous descendez vers
le fond, peut-être en tournoyant, en flottant. Au moment où vous atteignez le
fond du lac, portez votre attention à l’intérieur de vous-même.
• Notez la sérénité du lac; devenez conscient du calme et du silence de la
profondeur.
• Au moment où vous atteignez votre centre, concentrez-y votre attention.
2. Descendre un escalier en spirale : Imaginez que vous avez en vous un escalier en
spirale, qui descend vers votre centre. Commençant par le haut, descendez lentement
l’escalier, en allant plus profondément en vous-même.
• Notez les sensations. Reposez-vous en vous assoyant sur une marche ou en
allumant la lumière en descendant, si vous le souhaitez. Ne vous obligez pas à
aller plus profondément que vous en êtes capable. Notez le silence. Au moment
où vous atteignez votre centre, portez-y votre attention (peut-être au niveau de
votre abdomen).

16
Esprit rationnel Esprit émotionnel

Capable
d’intégrer les
La raison extrême. émotions et la Les émotions sont
Se base sur la logique raison. en contrôle.
et les faits. Capable Se base sur
Ne se préoccupe pas d’identifier et l’humeur, sur
des émotions. d’utiliser les l’émotion.
C’est “l’ordinateur” compétences Ne se préoccupe pas
dont l’algorithme nécessaires à la de la logique ou des
permet de prendre la situation. faits.
décision la plus La sagesse
logique. intérieure.

Esprit Sage

Figure 8. Les trois Esprits.

Le thérapeute présentera alors les « Quoi » de la pleine conscience : le but est d’apprendre
à participer avec conscience (awareness) « Que dois-je faire quand je pratique la pleine
conscience? »
• Observer : seulement porter attention à ce qui se passe dans le moment présent,
sans chercher à fuir la sensation ou la modifier.
• Décrire : mettre des mots sur ce qui se passe autour de moi et en moi.
• Participer : s’immerger complètement dans l’activité du moment présent.

Ensuite, il évoquera les « Comment » de la pleine conscience : « Comment appliquer la pleine


conscience, c’est-à-dire dans quel état d’esprit? »
• Sans jugement : il ne s’agit pas ici de passer d’un jugement négatif à un jugement
positif, mais plutôt d’éviter de juger ce qui se présente au champ de la conscience.
• Une chose à la fois : maintenir son attention et focus sur l’activité du moment
présent, sans partager son esprit entre plusieurs choses (le contraire du multi-
tâche).
• Efficacement : diminuer la tendance à être préoccupé par le « bien faire » plutôt
que par faire ce qui est réellement nécessaire dans la situation (i.e. faire ce qui
fonctionne).

17
Tolérance à la détresse :

Il s’agit de la capacité de soutenir un état émotionnel et/ou physique désagréable ou douloureux,


de survivre à une crise sans l’exacerber. Cette habileté est particulièrement importante pour
la disparition des comportements auto-dommageables, puisque ces gestes impulsifs et
autodestructeurs sont souvent une tentative (inappropriée mais parfois très efficace) de régulation
visant à apaiser un sentiment de souffrance. Initialement, il est habituellement plus facile pour
l’individu d’utiliser la distraction ou des activités agréables pour augmenter leur tolérance à la
détresse. Par la suite, le groupe travaillera à mieux accepter la réalité, c’est-à-dire à réaliser qu’il
est inutile d’aggraver une souffrance en tentant en vain de la repousser ou de la nier. Idéalement,
cela permettra à l’individu de se sentir libéré de « l’obligation » d’agir son émotion.

Ces compétences seront privilégiées lorsque la situation génère trop de stress ou d’émotions pour
que la personne soit capable d’utiliser ses autres compétences (par exemple, niveau d’intensité 90%
ou plus) ou lorsqu’on ne peut pas changer une situation. Elles ne sont toutefois pas des solutions
à long terme pour bâtir une vie satisfaisante. Des clips les présentent sur Youtube (par exemple,
https://www.sunrisertc.com/distress-tolerance-skills/)

Pratiquer le STOP*

Statue : On ne bouge plus un muscle.

Temps de recul : C’est le temps de prendre une pause. Inspirez. Expirez.


Profondément.

Observez : Que se passe-t-il autour de moi? À l’intérieur de moi? Quelles


pensées me traversent l’esprit? Qu’est-ce que je ressens? Que font les
gens autour? (On fait le point pour mieux comprendre et ne pas sauter aux
conclusions).

Poursuivez en pleine conscience : Qu’est-ce que mon Esprit Sage me conseille


de faire? Avant de décider, je réfléchis à mes émotions, mes pensées, la
situation et les autres. Quel est mon but?

* Tiré et traduit de Linehan, 1995, CISSS de Lanaudière, direction des programmes et services santé mentale
adulte.

Dans les situations de crise, l’Esprit émotionnel est en contrôle et bloque l’accès à l’Esprit Rationnel
(et par le fait même, à l’Esprit Sage). Il est utile d’enseigner aux patients comment changer leur
chimie corporelle afin de diminuer l’Esprit Émotionnel rapidement. Il est plus bénéfique de le
pratiquer en groupe avec les patients, qui seront alors plus motivés à le pratiquer par eux-mêmes
par la suite.
18
Pratiquer le TIP*
Température du visage à diminuer avec de l’eau glacée : on retient sa
respiration et on plonge son visage dans un bol d’eau froide (8-10oC). Si c’est
impossible, un « ice pack » peut être appuyé sur vos joues et yeux. On poursuit
pendant 15-30 secondes (répétez quelques fois au besoin). *Cela permet
d’activer le réflexe d’apnée et de diminuer votre fréquence cardiaque. Si vous
souffrez d’une condition médicale, demandez l’avis de votre médecin avant.
Intense exercice : On pratique une activité physique aérobique intense
(course, sauter sur place, danse aérobique) pendant une vingtaine de minutes
pour changer la réponse physiologique du corps et ainsi diminuer la réponse
émotionnelle.

Progressivement, on ralentit la respiration et on relaxe les muscles. Favorisez


la respiration abdominale et tranquillement, diminuez votre rythme respiratoire
à 5-6 respirations/min en expirant plus lentement que l’inspiration (ex : 5
secondes d’inspiration pour 7 secondes d’expiration). Pendant l’inspiration
profonde, contractez les muscles de votre corps (sans causer de douleur
physique), portez attention à cette tension puis, lors de l’expiration, détendez
vos muscles. Portez votre attention sur la différence de sensation.

* Tiré et traduit de Linehan, 1995, CISSS de Lanaudière, direction des programmes et services santé mentale adulte.

Il est également possible d’utiliser la distraction pour augmenter la tolérance à la détresse, en


utilisant l’acronyme ACCEPTE :

L’Esprit Sage ACCEPTE pour se distraire :


Activités : des passe-temps ou des tâches (faites une liste de ce que vous pourriez
utiliser)
Contribution : on pense aux autres plutôt qu’à soi-même, c’est-à-dire, on fait quelque
chose pour quelqu’un d’autre.
Comparaison : on se compare à quelqu’un qui vit pire, que ça soit dans votre vie ou
dans une émission de télévision. On peut aussi comparer son état présent à un autre
moment où on se sentait différemment.
Émotions : on crée une émotion différente en lisant quelque chose qui évoque une
émotion autre, en regardant un film, en écoutant de la musique, etc.
Se Pousser de la situation : on s’éloigne de la situation pendant un certain temps, que
ça soit physiquement (je quitte la pièce) ou mentalement (je bloque les pensées, je
construis un imaginaire entre la situation et moi, je me dis « non » lorsque les pensées
me viennent).
Tête : j’occupe mes pensées en comptant dans ma tête, en comptant les couleurs que
je vois, en me répétant les paroles d’une chanson, en faisant un casse-tête, etc.
Écoutez ses sens : Il s’agit de se provoquer des sensations physiques fortes mais non
dangereuses, ou différentes. Exemples : je serre un cube de glace dans ma main, ou
une balle en caoutchouc, je prends une douche froide (ou chaude), je sors dans la pluie
ou la neige.
* Tiré et traduit de Linehan, 1995, 19
Certaines de ces compétences peuvent être difficiles à appliquer dans certains contextes (ex. :
en public) ou sans préparation. Le patient peut alors pratiquer l’apaisement en utilisant ses cinq
sens.

Je calme mes 5 sens


Vue : j’observe ce que je vois autour de moi. J’identifie 5 choses que je vois.

Ouïe : j’écoute et j’identifie 4 sons que j’entends.

Toucher : j’identifie 3 sensations au niveau du toucher. Trois façons dont mon corps est
en contact avec l’environnement.

Odorat : j’identifie 2 odeurs que je peux sentir (je peux aussi garder sur moi un parfum
que j’aime).

Goût : j’identifie un goût ou je mange un de mes aliments préférés, je mâche de la


gomme ou autre.

* Tiré et traduit de Linehan, 1995,

Il est également possible d’utiliser IMPROVE pour tenter d’améliorer le moment présent et de
traverser la crise.

IMPROVE
Imagerie mentale : imaginez des scènes relaxantes, que tout va bien, que les émotions
quittent votre corps, etc.

Maintien du sens : identifiez un but à la situation souffrante, accrochez-vous à un


élément positif de la situation.

Prière : il s’agit de s’en remettre à plus grand que soi. Par exemple, demander à un être
cher décédé de nous aider, donner la force, nous guider.

Relaxation : faire quelque chose qui nous relaxe, qui est apaisant pour nous.

Concentration sur une chose à la fois : on met son esprit au présent

Vacances : C’est un moment où on se permet de cesser de gérer pour un instant, on


s’accorde une pause.

Encouragement : se répéter dans sa tête des phrases d’encouragement, plutôt que des
phrases démoralisantes. Ex. : « je peux y arriver », « ça ne durera pas éternellement »,
« j’ai déjà vécu pire », « je suis courageuse », etc.

20 * Tiré et traduit de Linehan, 1995, CISSS de Lanaudière, direction des programmes et services santé mentale adulte.
Régulation des émotions :

La plupart des individus avec un TPL s’entendront pour dire qu’ils ressentent des émotions intenses
qui peuvent changer (très) rapidement et entraînent des comportements autodestructeurs. Dans
l’esprit de la DBT, la régulation des émotions ne consiste pas à contrôler toute expression ou
apparition d’une émotion douloureuse: il s’agit plutôt d’exercer un contrôle sur les comportements
impulsifs et nuisibles liés à certaines émotions et de moduler l’intensité et durée de ces dernières.
Cette compétence peut être divisée en 4 sous-catégories:

1. Développer une meilleure compréhension du vécu émotionnel (comment observer,


décrire et distinguer les différentes émotions et leurs composantes).

Qu’est-ce qui me rend vulnérable?


(fatigue, stress, faim, dispute, accumulation
de stresseurs, consommation, maladie, etc.

Expression
Interprétation Changements
physiologiques Mon langage corporel,
de l’événement: mon expression faciale
(pensées, croyances, (si quelqu’un avait pris
évaluations) Qu’est-ce que j’ai senti Quelle est mon
dans mon visage et mon une photo à ce moment?)
émotion?
corps?
Son intensité
(0 à 100)
Urgence d’agir Expression verbale
Déclencheur? Décrivez ce qui est
(qu’est-ce que j’ai dit?)
arrivé juste avant l’apparition de
l’émotion. Qu’est-ce que j’ai dit ou
voulais dire? Qu’est-ce
que j’ai fait ou voulais Mes actions:
faire? (qu’est-ce que j’ai fait?)
Conséquences?

Figure 9. Analyse du vécu émotionnel (tiré et traduit de Linehan, 2015).

21
2. Diminuer la fréquence d’apparition des émotions souffrantes en résolvant des problèmes
pour qu’elles ne surviennent pas ou en les changeant directement :

Changer ma réponse émotionnelle

Je dois d’abord vérifier les faits : est-ce que mon émotion correspond aux
faits? (Quelle est mon émotion Quel est le déclencheur Comment
j’interprète ce déclencheur? Autres interprétations possibles? Y a-t-il un
danger? Est-il inévitable? Probabilité? Autres issues possibles? Si le pire
arrive? Comment je règlerais la situation? Est-ce que mon émotion est
appropriée au déclencheur? Est-ce que son intensité est appropriée?

Mon émotion ne correspond pas aux Mon émotion correspond aux


faits faits et c’est la situation qui est
problématique

Quelle est mon urgence d’agir/mon Je passe à la résolution de


désir d’action? J’adopte l’action problèmes.
CONTRAIRE et je la répète jusqu’à ce Quel est le problème? Je vérifie
que mon émotion change. les faits pour être sûr que je l’ai bien
défini Qu’est-ce qui doit changer?
Quel est mon objectif? Je pense
à toutes les solutions possibles
(sans les juger) J’en choisis une
qui correspond à mon objectif et qui
a des chances de fonctionner Je
la mets en application J’évalue
les résultats Je poursuis avec
d’autres solutions si la 1re n’a pas
fonctionné.

3. Prévenir une escalade ou perte de contrôle des émotions en diminuant la vulnérabilité


émotionnelle (favoriser un mode de vie sain et identifier les facteurs environnementaux
pouvant fragiliser une personne) et en augmentant la résilience et les émotions positives.
• Encourager le patient à prendre soin de son corps pour diminuer ses
facteurs de vulnérabilité : hygiène de sommeil, évitez drogues et alcool, bien
s’alimenter, soignez les maladies et faire de l’exercice physique.
• Augmenter les émotions positives (comme on accumulerait des sous dans une
tirelire) à court terme (faire des choses plaisantes) et à long terme (identifier
ses valeurs et poser des actions pour se rapprocher de ses valeurs de façon à
se bâtir une vie plus satisfaisante, plus riche de sens et de valorisation).

22
4. Diminuer l’intensité de la réaction émotionnelle lors d’une crise (et donc la souffrance
émotionnelle) : Le patient aura peut-être déjà remarqué que tenter de supprimer une
émotion peut au contraire augmenter la détresse. Il est possible d’utiliser la pleine
conscience de l’émotion présente pour tenter de s’en libérer. Encourager le patient
à se permettre d’expérimenter ses émotions sans jugement. « Il est possible de
s’exposer aux émotions sans les agir. Ne tentez pas de les bloquer ou de les repousser.
Ne tentez pas non plus de les garder. Laissez-vous surfer sur la vague de l’émotion ».
Enseigner au patient qu’il est possible de ne plus avoir peur de ses émotions en y allant
progressivement et qu’il est même important de se pratiquer à aimer ses émotions. Il
s’agit de l’acceptation radicale.

Efficacité interpersonnelle : «çaOn fait ce qui fonctionne dans la situation, de façon à ce que
fonctionne »

Cette catégorie regroupe les compétences touchant la communication et l’affirmation de soi et


permet aux individus d’apprendre à communiquer leurs désirs, leurs besoins, leurs limites ainsi
que leurs pensées sans avoir recours à une attitude trop agressive ou au contraire, trop passive
ou soumise. Les patients peuvent ainsi développer leur répertoire d’outils de communication
(choisir le moment et la façon de faire une demande selon la situation et leur objectif, comment
formuler un refus, etc.) et favoriser le maintien de leurs relations significatives.

Dans le modèle de la DBT, cette compétence est séparée en trois sections :

1. Atteindre son objectif tout en préservant les relations et le respect de soi (affirmation de
soi et résolution de problèmes interpersonnels). La personne doit apprendre à demander
à autrui de façon efficace et refuser de façon efficace.

DEAR MAN voici comment obtenir ce que l’on veut


Décrire la situation de façon objective (on s’en tient aux faits).

Exprimer nos sentiments et nos pensées clairement par rapport à la situation.

Affirmer notre souhait de façon claire et sans ambiguïté.

Récompenser/renforcer l’autre personne en identifiant quelque chose de positif que la


personne retirerait si elle acceptait de faire ce qu’on lui demande.

Mindful ou demeurer concentré sur son objectif, sans se laisser distraire.

Avoir l’air confiant (au niveau de la posture, de la voix, de l’expression faciale, etc.)

Négocier ou l’art de trouver un compromis.

* Tiré et traduit de Linehan, 1995,

23
GIVE, pour maintenir une relation
(être) Gentil et respectueux, sans attaquer l’autre.

s’Intéresser à l’autre personne, à son point de vue et son opinion.

Valider l’autre personne, lui communiquer qu’elle est comprise.

Essayer d’être calme et décontracté, utiliser l’humour, la subtilité, etc.

* Tiré et traduit de Linehan, 1995,

FAST, préserver le respect de soi


(être) Franc et honnête, sans mensonge ou exagération.

Arrêter les excuses non nécessaires.

Soyez juste avec l’autre, mais aussi avec vous-même.

Tenir à ses valeurs et les protéger.

* Tiré et traduit de Linehan, 1995,

2. Développer et maintenir les relations (diminuer l’isolement social, développer les habiletés
sociales, comment mettre un terme aux relations toxiques).

La personne doit apprendre à ne pas laisser la rancœur et les problèmes s’accumuler, à


réparer les relations (ou leur mettre fin si nécessaire) et à résoudre les conflits avant qu’ils ne
deviennent trop envahissants.

3. Emprunter la voie du milieu, c’est-à-dire trouver l’équilibre entre l’acceptation et le


changement dans les relations.

Cette compétence renvoie aux habiletés de pleine conscience et nécessite que la personne
balance ses priorités et besoins avec les demandes des autres et qu’elle trouve le juste milieu
entre l’acceptation et le changement, sans en abandonner un au profit de l’autre.

Si nous reprenons les 4 domaines d’instabilité nommés plus haut, il est possible de voir que
chaque compétence cible un de ces secteurs:

24
Tableau 2. Déficits ciblés par les compétences de la thérapie comportementale dialectique

“Symptômes” Compétences
Pleine conscience
Soi et cognition
Dialectique

Comportements Automutilation, tentative de suicide, Tolérance à la détresse


impulsivité

Labilité affective, colère Régulation émotionnelle


Émotions

Domaine
Relations instables, peur de l’abandon Efficacité interpersonnelle
interpersonnel

De plus, ces compétences sont intriquées les unes avec les autres et forment un tout. Bien
souvent, la compétence de pleine conscience est enseignée d’abord, puisqu’elle représente un
prérequis pour la maîtrise de la régulation des émotions et des relations et puisque son principe
de non-jugement est une composante essentielle de l’acceptation vue dans la tolérance à la
détresse.

Après avoir participé au groupe d’apprentissage des compétences, le patient peut, s’il le désire (et
si une telle modalité thérapeutique est disponible), participer à un groupe de soutien (supportive
process group) au cours de la deuxième année de thérapie, en complément à leur thérapie
individuelle.

Consultation (coaching) téléphonique


Dans son format original, la DBT comprend également la consultation téléphonique, qui permet
à l’individu en thérapie de contacter son thérapeute en dehors des séances régulières. Bien que
ces appels téléphoniques ne respectent pas l’horaire typique des professionnels de la santé,
ils sont cependant encadrés par plusieurs principes établis en début de suivi. Par exemple, le
patient ne peut appeler s’il n’a pas l’intention d’accepter l’aide proposée ou s’il a eu recours à un
geste auto-dommageable dans les 24 hres précédentes. Ces balises doivent être nommées et
explicitées avec les patients. Si le patient fait un usage inadéquat des appels, cela sera discuté
avec une priorité importante lors de la prochaine séance psychothérapeutique.

Bien que cette composante puisse sembler déstabilisante pour plusieurs thérapeutes, elle
permet au thérapeute et au patient de renforcer l’utilisation des compétences apprises, au
patient de s’exercer à demander de l’aide de façon adéquate et en temps opportun et aussi de
prévenir des gestes auto-dommageables. Elle peut également permettre de réparer la relation
thérapeutique sans que le patient n’ait à attendre une semaine pour le faire. Évidemment, ces
appels peuvent désamorcer un état de crise et éviter le recours à une hospitalisation.

25
Son application peut cependant ne pas être possible dans certains milieux cliniques pour
différentes considérations (formation adéquate des thérapeutes, assurances ou enjeux
médicolégaux, disponibilité des thérapeutes, etc.). Dans les cas où cette composante ne peut
être offerte, il convient de discuter avec le patient de ce qui peut être fait en situation de crise
(appels à la clinique, centre de crise, se rendre à l’urgence, lignes d’écoute, etc.).

Supervision avec l’équipe thérapeutique


Si le point précédent peut être négociable pour plusieurs thérapeutes, le travail en équipe est
habituellement considéré essentiel. Les individus vivant avec un trouble de personnalité limite
sont parmi la clientèle la plus stressante et parfois difficile à aider. Le thérapeute oeuvrant
seul peut facilement tomber dans une polarisation ou un épuisement. Notons cependant que
contrairement à ce que certains peuvent penser, travailler avec les gens connus pour trouble de
personnalité limite peut être stimulant et n’est pas toujours négatif. Il convient d’être à l’écoute
de ses limites personnelles comme thérapeute et de les communiquer judicieusement au
patient au départ et régulièrement par la suite, en temps opportun, avec humilité, humanité et
sans jugement.
Épuisement et
impuissance du
thérapeute État de
crise

Changement de
Traitement
traitement

Stresseur (s)

État de crise
État de Demande de
crise soulagement
“urgent”

Insatisfaction face
au traitement
Changement de
traitement

Figure 10. Cycle des “pièges thérapeutiques”

Les problèmes rencontrés au cours de la thérapie sont abordés lors des rencontres regroupant
tous les thérapeutes impliqués dans le programme de DBT (groupe et individuel). Ces rencontres
peuvent être vues comme l’équivalent des groupes d’apprentissage des compétences pour les
patients: même un thérapeute chevronné ne peut porter seul la thérapie comportementale
dialectique. Certains “pièges thérapeutiques” peuvent être retrouvés dans ce type de thérapie (et
dans bien d’autres types) et entraîner certains comportements iatrogènes:

Le cynisme ou Le contre-transfert
“Je n’en peux plus, j’ai “Oh, non, pas encore ce
désespoir patient! Il fait exprès pour
positif “Mon patient est à
besoin de vacances... mais l’urgence, je dois
mes patients ont besoin rendre les gens autour de immédiatement changer
de moi”. lui misérables”. son traitement!
“À quoi bon modifier ce “Mon patient ne fait
traitement, mon patient jamais d’erreur, ce sont les
L’épuisement ne s’améliorera jamais”. gens autour qui ne
Le contre-transfert comprennent rien”. La panique ou
négatif l’urgence

Figure 11. Comportements iatrogènes du thérapeute


26
Tableau 3. Les modalité de traitement en résumé
Thérapie Groupe Coaching Équipe
individuelle d’apprentissage des téléphonique thérapeutique
compétences
Permet de faire le lien Permet d’apprendre les Aide à l’application des Permet de préserver le
entre la vie personnelle compétences propres à compétences apprises en thérapeute principal et
du patient et ses chaque module: situations réelles (ce qui de protéger la relation
apprentissages en groupe. •Tolérance à la détresse peut impliquer la gestion de thérapeutique.
•Régulation des émotions crises suicidaires).
Permet de maintenir la •Pleine conscience Permet de dénouer des
motivation. Permet la •Efficacité interpersonnelle Renforce le comportement impasses thérapeutiques.
généralisation des acquis. approprié qu’est la
Séances hebdomadaires demande d’aide adéquate
Plusieurs séances de 2 à 2.5 heures. en temps opportun.
hebdomadaires de 50-60 à Habituellement, environ 8
90-110 minutes (favoriser participants.
des séances plus longues
pour les patients ayant Idéalement participation
du mal à s’ouvrir lors de 2 fois dans la 1ère année
rencontres brèves). (dans le modèle classique
de Linehan, les 4 modules
Les patients ne peuvent se font en 6 mois et sont
généralement pas avoir répétés 2 fois)
accès aux autres modalités
de traitement s’il y a Les participants
abandon de la thérapie s’abstiennent de parler des
individuelle. gestes autodestructeurs
(afin d’éviter la contagion).
Préférablement avec un
thérapeute différent.

* Les informations ci-dessus concernent le modèle standard. Certaines modifications (par exemple, de la durée ou
fréquences des séances) sont possibles selon les circonstances.

Comment mesurer le progrès?


Les fiches d’auto-enregistrement quotidiennes (diary card) sont des moyens faciles et puissants
de mesurer le progrès. Le DERS (échelle mesurant la difficulté à réguler ses émotions), la
diminution du recours à l’hospitalisation et des visites à l’urgence sont aussi des moyens
couramment utilisés, non-exhaustifs, facilement accessibles aux équipes de soins (et utilisés
dans les protocoles de recherche) pour mesurer le progrès.

Le déroulement de la thérapie
comportementale dialectique
Pré-traitement (orientation et engagement)
Cette période est essentielle afin de permettre au patient de décider s’il peut travailler avec
le thérapeute (selon son style thérapeutique, ses compétences et s’il partage ses objectifs de
traitement). Le thérapeute, quant à lui, profite de cette période afin de procéder à une évaluation
complète du patient afin de mieux orienter son traitement et voir s’il peut travailler lui aussi avec
le patient. 27
Note clinique
Il sera utile pour le thérapeute d’utiliser cette période pour tenter de
nuancer certaines attentes ou croyances que présente le patient et qui
pourraient influencer négativement le cours de la thérapie.

Idéalement, les deux parties s’entendent pour entamer ensemble un processus thérapeutique
selon le modèle de la DBT. C’est ce qu’on appelle l’engagement à la thérapie.

Les engagements de la thérapie comportement dialectique


Engagement d’un an de thérapie (ou autre durée de temps)
Il s’agit d’un engagement explicite que prennent le patient et le thérapeute à travailler
ensemble pour une durée de temps précise (un an dans le modèle classique). Ce contrat
peut être renouvelable, après discussion vers la fin de cette période (vers le 8e mois de
la thérapie, pour donner le temps au patient d’effectuer les changements nécessaires
et de progresser s’il tient à garder la thérapie).

Durant les premières séances, le patient doit être mis au courant de ce qui entraînerait
la fin unilatérale de la thérapie. Dans le modèle classique DBT, il n’existe qu’une seule
règle formelle : le patient ne peut manquer plus de 4 séances en ligne de thérapie
(groupe et individuel combiné). Dans l’esprit de la DBT, l’engagement à la thérapie n’est
pas inconditionnel et le thérapeute ne devrait pas faire cette promesse au patient.

Présence
Le patient et le thérapeute devraient être présents à toutes les séances. Un
changement d’horaire est acceptable s’il convient à tous. La durée de chaque séance
doit être déterminée. S’il est possible pour le patient de bénéficier de consultations
téléphoniques, les limites de ce contact doivent être explicitées et acceptées par tous.

Comportements suicidaires et auto-dommageables


Le patient et le thérapeute clarifient les objectifs du patient et le thérapeute lie ensuite
ceux-ci avec le besoin de travailler à éliminer les comportements auto-destructeurs. Si
le patient refuse de s’engager à réduire ce type de comportements, il est probable que
la DBT ne soit pas la modalité appropriée pour lui.

Comportements interférant avec la thérapie


Le patient et le thérapeute s’engagent à travailler sur les facteurs qui interfèrent avec
la thérapie.

Groupes d’apprentissage aux compétences


Tous les patients doivent participer aux groupes d’apprentissage durant la première
année de thérapie.
28
Phase 1 (Stabilité et sécurité, alliance thérapeutique)
• Bâtir la relation thérapeutique.
• Diminuer les comportements suicidaires et auto-dommageables.
• Diminuer les comportements interférant avec la thérapie.
• Diminuer les comportements qui interfèrent avec la qualité de vie.
• Apprentissage de compétences comportementales.

Phase 2 (Exploration et exposition aux émotions du passé


et liées aux traumatismes)
Cette phase n’est abordée que lorsque la phase 1 est complétée (habituellement après 1 ou
2 ans) et vise à réduire la détresse associée aux expériences traumatiques du passé. Afin d’y
arriver, le thérapeute et le patient travailleront graduellement plusieurs objectifs :
1. Reconnaître et accepter l’expérience traumatique.
2. Tenter de diminuer le blâme que pourrait s’attribuer le patient, les tendances à
l’auto-invalidation ou dévalorisation ainsi que le sentiment de stigmatisation.
3. Réduire les réponses émotionnelles extrêmes provoquées par l’exposition aux
indices (internes ou externes) rappelant le traumatisme.
4. Réconcilier ou synthétiser les représentations contradictoire ou opposées du
traumatisme.

Phase 3 (Synthèse et respect de soi)


Il s’agit de faire la synthèse des apprentissages faits au courant de la thérapie, de travailler
à favoriser un sentiment de fierté et de respect de soi chez le patient et de le soutenir dans
l’atteinte de ses objectifs de vie.

Phase 4 (Capacité à la joie)


Malgré la réussite des étapes précédentes, certains patients éprouvent encore beaucoup de
difficultés à maintenir un sentiment de joie ou de bien-être durant une période plus longue.
C’est donc cette capacité qui sera travaillée lors de la phase finale et sollicitera particulièrement
l’esprit dialectique du patient : les objectifs seront de faire la synthèse du passé, du moment
présent et du futur, d’intégrer les représentations parfois contradictoires qu’a le patient de lui-
même et d’autrui et finalement, d’accepter la réalité.

29
Comment structurer la thérapie de groupe* (survol d’un groupe
de thérapie comportementale dialectique transdiagnostique, selon Neacsiu et
Linehan, 2014)
Séance 1 : introduction à la DBT, à la conception du TPL (modèle de la dysrégulation émotionnelle
biologique en interaction avec un environnement invalidant), à la pleine conscience.

Séance 2 : Les « quoi et comment » de la pleine conscience.

Séance 3 : Régulation des émotions comment comprendre, identifier et étiqueter les émotions.

Séance 4: Régulation des émotions vérifier les faits

Séance 5 : Régulation des émotions Action contraire.

Séance 6 : Régulation des émotions Résolution de problèmes

Séance 7 : Régulation des émotions Accumuler les émotions positives et bâtir sa maîtrise
(planifier une chose par jour qui représente un défi difficile mais possible, augmenter
graduellement le niveau de difficulté).

Séance 8 : Régulation des émotions Comment prendre soin de son corps (PLEASE), stratégie
d’auto-soins pour diminuer la vulnérabilité émotionnelle.
PL traiter les conditions Physiques et Les maladies
E Équilibrer son alimentation
A éviter les substances qui Altèrent l’esprit (drogues et alcool)
S protéger son Sommeil
E Exercice (viser 20 minutes par jour)
Séance 9 : Révision

Séance 10 : Tolérance à la détresse Introduction au TIP, pleine conscience de l’émotion actuelle,


acceptation radicale de l’émotion.

Séance 11 : Tolérance à la détresse ACCEPTE, 5 sens, IMPROVE.

Séance 12 : Tolérance à la détresse Acceptation radicale, changer d’état d’esprit

Séance 13 : Tolérance à la détresse Ouverture et bonne volonté, demi-sourire, pleine conscience


des pensées

Séance 14 : Efficacité interpersonnelle : DEAR MAN GIVE FAST

Séance 15 : Efficacité interpersonnelle validation interpersonnelle (notre expérience est vraie,


logique et compréhensible, valider la souffrance).

Séance 16 : Principes comportementaux des relations (conditionnement/renforcement/punition/


extinction)
* Dans le manuel d’entraînement aux compétences de Linehan (2015, p. 110-122), plusieurs
30 exemples de façons de structurer les groupes sont disponibles. Cette structure n’en est qu’une
à titre d’exemple.
Formation
Plusieurs formations sont disponibles en DBT et répertoriées sur https://behavioraltech.org

Le livre de référence écrit par Dr Marsha Linehan, Cognitive-Behavioral Treatment of Borderline


Personality Disorder, est un incontournable pour tout thérapeute désirant approfondir ses
connaissances théoriques en DBT, tout comme Skills Training Manual for Treating Borderline
Personality Disorder, le manuel décrivant l’apprentissage des compétences.

Le thérapeute qui désire obtenir sa certification en DBT peut trouver sur http://www.dbt-lbc.
org/index.php les renseignements nécessaires à l’obtention de l’accréditation.

Pour le patient
Lectures suggérées pour les patients et leurs proches

Chapman, A. et Gratz, K. (2007). The borderline personality disorder survival guide: Everything
you need to know about living with BPD. Oakland, CA: New Harbinger Publications.
Chapman, A. et Gratz, K. (2009). Freedom from self-harm: Overcoming self-injury with skills
from DBT and other treatments. Oakland, CA: New Harbinger Publications.
D’Auteuil, S. et Lafond, C. (2006). Vivre avec un proche impulsif, intense, instable. Montréal :
Bayard Canada (référence pour les familles).
Deseilles, M. et Mikolacjczak, M. (2013). Mieux vivre avec ses émotions. Paris : Éditions Odile
Jacob.
Deseilles, M., Grosjean, B. et Perroud, N. (2014). Le manuel du Borderline. Éditions Eyrolles.
Desrosiers, J., Briand, C., Dubé, M.-K., Maltez, R. et Groulx, J. (2019). Mieux vivre avec la
personnalité limite. Montréal : Trécarré
Ducasse, D. et Brand-Arpon, V. (2017). Borderline: Cahier pratique de thérapie à domicile.
Odile Jacob.
Harris, R. (2009). Le piège du bonheur. Éditions de l’Homme (thérapie d’acceptation et
d’engagement (ACT), bon complément compatible avec la DBT).
Mckay, M., Wood, J.C., et Brantley, J. (2010). The dialectical behavior therapy skills workbook:
Practical DBT exercices for learning mindfulness, interpersonal effectiveness, emotion
regulation and distress tolerance. ReadHowYouWant.com
Page, D. (2006). Borderline, retrouver son équilibre. Éd Odile Jacob.
Van Dijk, S. (2012). Calming the emotional storm: Using dialectical behavior therapy skills to
manage your emotions and balance your life. Oakland, CA: New Harbinger Publications.
Young, J.E. et Klosko, J. (2013). Je réinvente ma vie. Montréal : Éditions de l’Homme (livre sur
les schémas, ce n’est pas de la DBT mais apprécié par plusieurs thérapeutes et patients).

Brochure gratuite

Knuf, A. et Tilly, C. (2004). Borderline. Pro Mente Sana. Repérée à: http://www.promentesana.


org/upload/application/352-borderline2014.pdf 31
Sites internet

www.teljeunes.com (20 ans et moins)


www.aapel.org
www.borderlinepersonalitydisorder.com
www.youtube.com/user/BehavioralTech
www.sunrisertc.com/distress-tolerance-skills/
https://www.youtube.com/watch?v=Stz--d17ID4 (vidéoclip explicatif sur la DBT)
www.sashbear.org (site d’information pour les familles)

Applications

EMOTEO : Application pour les gens qui ressentent les émotions trop fortement et en souffrent.

Conclusion
La DBT est l’une des thérapies les plus reconnues pour le traitement du trouble de personnalité
limite, particulièrement en ce qui a trait aux gestes suicidaires et auto-dommageables ainsi qu’à
la fréquence d’hospitalisations. Malgré son efficacité et sa place importante dans les guides
de pratiques (NICE, NHMRC), l’accès à cette thérapie demeure encore parfois trop élusive pour
plusieurs patients, d’où l’importance de favoriser son enseignement et de protéger sa place dans
le système de santé. En raison de son coût élevé et de l’investissement nécessaire, plusieurs
thérapeutes utilisent une forme partielle de la DBT qui n’offre que le groupe d’entraînement aux
compétences (avec succès, voir Jomphe, 2013), conservant la forme complète pour les patients
consommant grandement les services de santé.

Commentaires et questions au sujet du contenu de ce mini-


guide peuvent être formulés sur psychopap.com

32
Annexe I
Analyse en chaîne pour comprendre un comportement
problématique
Vulnérabilité
Liens
Déclencheur Comportement
problématique
Conséquences

Étape 1 : décrire en détail le comportement problématique (spécifique, concret et assez détaillé


pour qu’un comédien puisse jouer la scène; ce que j’ai fait, dit, pensé ou senti si l’émotion est le
comportement problématique)

Étape 2 : décrire l’événement déclencheur à l’origine de la chaîne d’événements ayant mené au


comportement problématique (commencer par les événements dans l’environnement : Qu’est-
ce qui se passait? Quand était-ce? Puis : Que faisiez-vous? À quoi pensiez-vous? Comment vous
sentiez-vous?)

Étape 3 : décrire les facteurs qui ont précédé l’événement et qui ont contribué à vous rendre
vulnérable au déclenchement de la chaîne d’événement qui ont mené au comportement
problématique (ex. maladie, drogue/alcool, événement stressant dans l’environnement, émotions
intenses, vos actions etc…)

Étape 4 : décrire de façon très détaillée la chaîne d’événements qui ont mené au comportement
problématique (ex. actions, sensations corporelles, pensées, comportements d’autrui, émotions
etc…)

Étape 5 : décrire les conséquences positives et négatives du comportement problématique à


court et à long terme (ex. réactions des autres, émotions après l’événement, effet sur vous/les
autres après)

Pour changer le comportement :

Étape 6 : décrire les comportements compétents pour remplacer les liens problématiques dans
la chaîne d’événements (qu’auriez-vous pu penser ou faire différemment à chaque étape de la
séquence?)

Étape 7 : développer des plans d’action pour réduire la vulnérabilité aux événements stressants
et éviter que l’événement déclenchant puisse se reproduire

Étape 8 : réparer les conséquences importantes ou significatives du comportement problématique


(corriger les dommages qui résultent de votre comportement problématique ou rendre les
choses un peu meilleures)

Étape 9 : Quelles sont vos pensées et émotions concernant cet événement (écrire librement si
souhaité)
33
Annexe 2
Fiche d’auto-observation quotidienne
Références
Bégin, C. & Lefebvre, D. (1997). La psychothérapie dialectique comportementale des personnalités limites.
Santé mentale au Québec, 22 (1), 43–68.

CISSS de Lanaudière, direction des programmes et services en santé mentale adulte.

Gunderson, J. G., Fruzzetti, A., Unruh, B., et Choi-Kain, L. (2018). Competing theories of borderline personality
disorder. Journal of Personality Disorders, 32, 148–167.

Jomphe, J. (2013). La thérapie comportementale dialectique : recension des écrits scientifiques sur les
groupes et applications dans une clinique de psychiatrie générale. Santé mentale au Québec, 38 (2), 83–109.

Linehan M. M. ( 2015). Skills Training Manual for Treating Borderline Personality Disorder. New York, NY:
Guilford Press.

Linehan, M. M. (1993). Cognitive-Behavioral Treatment of Borderline Personality Disorder. New York, NY:
Guilford Press.

National Collaborating Centre for Mental Health. (2009). Borderline Personality Disorder: The NICE
GUIDELINE on Treatment and Management. National Clinical Practice Guideline 78. Leicester et London:
The British Psycho- logical Society and the Royal College of Psychiatrists.

National Health and Medical Research Council. (2012). Clinical Practice Guideline for the Management of
Borderline Personality Disorder. Melbourne: National Health and Medical Research Council.

Neacsiu, A. D., Eberle, J. W., Kramer, R., Wiesmann, T., et Linehan, M. M. (2014). Dialectical behavior therapy
skills for transdiagnostic emotion dysregulation: A pilot randomized controlled trial. Behaviour Research
and Therapy, 59, 40-51.

Rosenbluth, M., MacQueen, G., McIntyre, R.S., Beaulieu, S., et Schaffer, A. (2012). The Canadian Network for
Mood and Anxiety Treatments (CANMAT) task force recommendations for the management of patients
with mood disorders and comorbid personality disorders. Ann Clin Psychiatry, 24, 56-68.

Temes, C. M., et Zanarini, M. C. (2018). The longitudinal course of borderline personality disorder. Psychiatric
Clinics, 41 (4), 685-694.

35
La thérapie comportementale dialectique (DBT) en résumé
Qu’est-ce que la DBT? La DBT a initialement été développée dans les années 1980 par Marsha Linehan pour le traitement
des personnes avec un trouble de personnalité limite (TPL) aux prises avec des comportements suicidaires chroniques. Il
s’agit d’une forme de thérapie d’orientation cognitivo-comportementale, dont elle reprend des principes clés, comme la
régulation émotionnelle et les exercices pratiques, combinée à certains éléments empruntés aux pratiques de méditation
bouddhistes et de pleine conscience, tels que les principes de tolérance à la détresse, d’ouverture d’esprit, de relaxation
et d’acceptation. La DBT se fonde également sur le principe philosophique dialectique, qui présuppose une recherche
d’équilibre, une réconciliation d’opposés en un processus continu de synthèse.

À qui s’adresse-t-elle? Comment l’appliquer?


Cette forme de thérapie a été conçue pour les gens La DBT comprend 4 modalités de traitement :
souffrant d’un trouble de personnalité limite et les • La thérapie individuelle
individus pouvant bénéficier de stratégies leur permettant • Les groupes d’apprentissages aux compétences
de mieux gérer des émotions intenses. • Le coaching téléphonique
• La supervision par l’équipe thérapeutique
Quels outils sont disponibles?
Le thérapeute peut utiliser la fiche d’auto-observation
quotidienne, l’analyse en chaîne, les jeux de rôle et
Les compétences de la DBT :
l’exposition aux émotions souffrantes pour aider le patient Changement Acceptation
à construire une vie qui vaut la peine d’être vécue.
Il existe également plusieurs exercices que peut pratiquer Régulation des émotions Tolérance à la détresse
Efficacité interpersonnelle Pleine conscience
le patient pour développer ses compétences :
• STOP • DEAR MAN
• TIP • GIVE
• ACCEPTE • FAST Le thérapeute DBT
Orienté vers le
• 5 SENS • PLEASE changement

• IMPROVE Centration Demande

Faire l’analyse du vécu émotionnel


inébranlable bienveillante

Qu’est-ce qui me rend vulnérable?


(fatigue, stress, faim, dispute, accumulation
de stresseurs, consommation, maladie, etc.

Soutien Flexibilité
Expression bienveillante
Interprétation Changements
physiologiques Mon langage corporel,
de l’événement: mon expression faciale
(pensées, croyances, (si quelqu’un avait pris Orienté vers
évaluations) Qu’est-ce que j’ai senti Quelle est mon
dans mon visage et mon une photo à ce moment?) l’acceptation
émotion?
corps?
Son intensité

Comment mesurer le progrès?


(0 à 100)
Urgence d’agir Expression verbale
Déclencheur? Décrivez ce qui est
(qu’est-ce que j’ai dit?)
arrivé juste avant l’apparition de

Les fiches d’auto-enregistrement quotidiennes (diary


l’émotion. Qu’est-ce que j’ai dit ou
voulais dire? Qu’est-ce
Mes actions:
card) sont des moyens faciles et puissants de mesurer
que j’ai fait ou voulais
faire? (qu’est-ce que j’ai fait?)
Conséquences?

le progrès. Le DERS (échelle mesurant la difficulté


à réguler ses émotions), la diminution du recours à
l’hospitalisation et des visites à l’urgence sont aussi des
moyens couramment utilisés, non-exhaustifs, facilement
accessibles aux équipes de soins (et utilisés dans les
Lectures recommandées protocoles de recherche) pour mesurer le progrès.
Linehan M. M. ( 2015). Skills Training Manual for Treating
Borderline Personality Disorder. New York, NY: Guilford Comment se former?
Press. • https://behavioraltech.org
Linehan, M.M. (2007). Manuel d’entraînement aux
• http://www.dbt-lbc.org/index.php
compétences TCD. Chêne-Bourg : Médecine et Hygiène.
Linehan, M.M. (1993). Cognitive-Behavioral Treatment of
Borderline Personality Disorder. New York, NY: Guilford
Press.
Linehan, M.M., Page, D. et Wehrlé, P. (2010). Traitement
cognitivo-comportemental du trouble de personnalité
état-limite. Chêne-Bourg : Médecine et Hygiène.
Dre Magalie Lussier-Valade
Psychiatre

Dre Julie Jomphe


Psychiatre

Département de psychiatrie
CIUSSS-NIM

Ce guide s’intègre dans une série de


mini-guides sur la psychothérapie,
élaborés en collaboration avec le Centre de
Psychothérapie affilié au Pavillon
Albert-Prévost. Ces guides tentent
principalement de répondre aux
questions que peuvent se poser les
thérapeutes débutants et se veulent
une introduction aux différents types de
psychothérapie existants.

PSΨCHO
PAP

Les mini-guides

Vous aimerez peut-être aussi