CM Ethnologie Juridique PDF

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Introduction

Introduction à l’ethnologie et l’anthropologie :

Les sciences sociales qui s'intéressent à l'Autre (désigne l'objet d'étude qui est humain mais
pas observateur, et l'humain en tant qu'être social). Ces sciences étudient l'homme en société,
société humaine en tant que lieux de culture et la matière première est la diversité culturelle.
Une société est un lieu d'êtres humains en interaction, ce qui suppose une résistance sociale.
Ils interagissent au sein de ce groupe.
Ces Hommes vont former un groupe auquel ils s'identifient à la collectivité, au groupe auquel
ils appartiennent. Cette identification est possible par ce que chaque société, groupe humain,
a une identité culturelle.
La culture, dans son sens large, est l'ensemble des traits distinctifs du groupe. Ces traits sont
rituels, matériels, intellectuels, affectifs, et vont caractériser cette société

Au-delà de cet ensemble distinctif, la culture englobe les arts, les lettres, les sciences, les lois,
le droit, les modes de vie, les valeurs, les croyances, ... (définition de l'UNESCO).
Ces composantes vont permettre aux individus de s'identifier au groupe, à la société, afin de
se reconnaître dans cette identité complète.

Pendant longtemps, on a distingué les sociétés traditionnelles et modernes.


Aujourd'hui, le rivage en question est beaucoup moins net, avec une culture globale sur le
modèle occidental qui influence les sociétés humaines.

Cette distinction est ethnologique. Selon Alliet, la société moderne "servant du passé dans les
sociétés traditionnelles l'homme, est un occident un fabricant de la lumière".
Cela veut dire que ces sociétés modernes ont tendance à favoriser le progrès, les innovations
et qui négligent la tradition, le passé et se ruent vers le futur = mutation, évolution permanente.
Pour les sociétés traditionnelles, "l'homme est un servant du passé", toujours selon Alliet.
Elles valorisent la tradition et donc l'héritage des anciens. Ces sociétés sont moins
productrices pour les innovations et sont plus immobiles.

Cette diversité culturelle constitue le centre de cette matière, mais elle n'est pas une finalité.

Section 1 : Anthropologie sociale

anthrôpos = homme

ethnos = peuple/ ethnologie = étude des peuples

anthropologie = étude de l'homme

On va comprendre l'homme par le biais des peuples.

A) De la diversité culturelle à l'unité du genre humain


L'ethnologie :

Groupe humain, société diversité culturelle.


Enquête ethnologiques (terrain) : monographies (= études d'un groupe, société ou donne
l'aspect d'une société)
Anthropologie :

Utilise ces matériaux, compare les résultats pour dégager les lois universelles, des
explications valables pour toutes les sociétés.

Exemples:
- Invariants culturels (= traits communs à toutes les sociétés, cultures), comme la
religion, le mariage assorti de la prohibition de l'inceste .
- Lois universelles; la loi de "distance sociale", pour le règlement des conflits, pour
dépasser la diversité des cultures.
L'ancien conflit éclate à l'intérieur d'un groupe donné, ce qui démontre que les parties sont
séparées par une distance sociale faible. Le conflit a des chances de se résoudre
pacifiquement, par des lois du dialogue, de la communication, médiation, conciliation…
A l'inverse, lorsque le conflit éclate entre des parties de groupes différents séparés par une
grande distance sociale, alors la probabilité de la violence est plus élevée, quelque soit la
forme de cet affrontement (physique, judiciaire...). On retrouvera cette loi dans la partie du
règlement de conflit.

B) Le "regard éloigné" Lévi Strauss, 1983

Principe du regard de l'anthropologue qui s'est d'abord porté loin vers d'autres cultures avant
de revenir vers sa propre culture. La finalité, n'est pas seulement d'étudier l'autre mais aussi
de se regarder soit-même avant d'étudier l'autre.
"Regarder très loin vers des cultures différentes et en même temps regarder sa propre culture
de loin" explique Lévi Strauss. "Se faire étranger vers son propre pays afin de mieux la
connaître" dit Montesquieu, d'Alembert.

Il s'agit d'un recul pour avoir une perception renouvelée de notre opinion, pays. L'Autre, dans
cette approche peut devenir la clé de la compréhension de soi.

Section 2 : Anthropologie juridique

Approche pluriculturelle de l'objet "droit". Il y a une prise de recul pour avoir comme finalité, le
fait d'accepter la relativité du droit afin de penser le droit autrement, et de proposer une
définition universelle (applicable à tous les systèmes et toutes les sociétés).
L'intérêt est de permettre une réflexion sur le droit et d'une inspiration pour les solutions
futures, ou solutions alternatives à celles que propose notre modèle.

A) La décomposition de l'objet de "droit" en anthropologie : les


niveaux d'observation
Toute société connaît le droit, même s’il n'est pas toujours nommé.
Ce qui suppose que le droit n'est pas le monopole de toutes les sociétés modernes mais aussi
traditionnelles.
Beaucoup de sociétés n'ont pas l'équivalent du mot "droit" mais ça ne veut pas dire qu'il n'y a
pas de droit.

En revanche, la diversité culturelle montre que le processus de juridicisation, car les règles et
le contenu ne sont pas pareils, les manifestations formelles (supports des règles également)
→ certaines sociétés vont privilégier le droit écrit ou oral.
Le processus peut aussi varier en fonction de la place que le droit occupe dans la régulation
sociale de chaque société. A partir de ce constat, les anthropologues ont créé une méthode
pour se saisir de cette réalité juridique variable.

La première étape de leur travail est l'enquête de terrain au cours de laquelle le principal travail
est l'observation de différents éléments pour collecter certaines données. La question est de
ce que l'anthropologue doit observer. Il faut distinguer 3 niveaux d’observation :

1) Les discours

Les discours permettent de répondre à la question de quelles sont la forme, le support et le


contenu de la règle.

Ces discours peuvent être définis comme étant des énoncés explicites de la règle, qu'ils soient
écrits ou oraux, d'une règle. Au-delà il faut chercher le contenu de la règle (elle est interdite,
réglementée ? ... ). Les juristes vont se contenter de l'analyse de ces discours, ceux qui sont
écrits principalement. On fait face à une réalité incomplète, car ces supports ne renvoient pas
à une réalité exacte.

Ce premier niveau d'observation correspond à ce qu'on appelle "droit voulu". Il est voulu soit
par l'état (loi), le droit provenant d'en haut. Il peut aussi être voulu par le groupe dans le sens
d'unité sociale (coutume) et provient d'en bas, du peuple, groupe.

2) Les pratiques

La question posée est quel est le comportement des destinataires de la règle, la réception de
la règle, comment est-elle reçue, appliquée.

Ça revient à observer les comportements concrets des destinataires de la règle. Il y a deux


hypothèses :
- Lorsque ces destinataires vont appliquer cette règle, le discours, on va dire que la
pratique est en adéquation avec la règle, le discours.

Cette hypothèse n’est pas celle qui nous intéresse le plus. Ce qui devient plus intéressant
c’est lorsque les pratiques sont en contradictions avec la règle, les destinataires vont alors
résister à la règle. Les pratiques sociales contestent contredisent l’énoncé de la règle.

- Lorsque cette contradiction est mise en œuvre par l’ensemble du groupe, une
contestation serait collective. Les pratiques résistantes collectives au discours sont du
droit, mais le droit en question qui émerge de ces pratiques n’est pas de même nature
que le droit édicté.
Par exemple, en Afrique subsaharienne, après les indépendances lorsque les états
américains ont conquis, certains de ces états ont opté pour le droit codifié sur le modèle des
états occidentales basés sur le code civil.
Ces pays pratiquent un droit coutumier, pluraliste et les populations se voient appliquer un
droit nouveau et on va voir comment ces populations ont reçu tout cela.

Elles ont collectivement résisté à ce droit imposé sur la forme du code civil et cette résistance
a pris la forme de pratique officieuse. Ces pratiques ont le problème du droit vécu, ou encore
de droit caché ou droit officieux, ou droit sociologique, car ça renvoi à ces normes sociales de
comportements. Ce sont celles que se donnent les groupes, par opposition au droit édicté par
l'État.
Ça renvoie au problème de l’effectivité du discours de la norme édictée, officielle et ça renvoie
à la manière dont ces normes édictées officielles sont appliquées et surtout les situations où
elles ne sont pas appliquées.

L’anthropologie s’intéresse à l’écart entre le discours et les pratiques.


L’anthropologie alimente les théories du pluralisme juridique. Les théories du pluralisme
juridique postulent que l’Etat n’est pas le seul producteur de droit et qu’en particulier des
groupes (= unité sociale) dans l’Etat vont, par le biais de leurs pratiques, générer leur propre
mode de régulation.
Les tenants du pluralisme juridique disent que ce mode de régulation, qui est auto-produit par
les groupes, est du droit. Les juristes se désintéressent de l’effectivité du droit, mais c’est un
champ plus ouvert aux sociologues et aux anthropologues. Le droit présenterait ici deux
versions; celle du droit voulu et celle du droit vécu.

3) Les représentations

Ça renvoie au principe créateur de la norme voulue ou vécue ou encore la logique qui sous-
entend le processus juridictionnel. La question ici, est de savoir quelle est pour le groupe la
manière dont ils pensent le monde, la création et la place de l’homme dans le monde. Car ça
conditionne la manière de penser, de création et de pratiquer le droit.
Alliot dit : « tout système juridique répond à une logique qui le dépasse et le détermine».

Les mythes, croyances, la pensée religieuse conditionnent cette manière de pratiquer le droit.
Il a démontré qu’il y a un lien entre cette pensée religieuse et mythique et la pensée du
système juridique. Il nous invite à explorer les cosmogonies (= la vision d’un peuple sur la
création du monde).
Cette représentation divine ou mythique de la création du monde va conditionner le droit de
cette société. Quant une société croit en un dieu créateur du monde (société monothéiste),
cette société va s’en remettre à un droit impératif et donc édictée pour réguler les rapports
sociaux.

- Exemple n°1 : les sociétés monothéistes ont cette croyance en un dieu créateur qui
gouverne souverainement sa création, ses créatures par la contrainte uniforme de ses
commandements.
A cette vision du monde, correspond une vision impérative, autoritaire du droit qui tend à
l’application de règles juridiques de manières rigoureuses qui sont conçues à l’image des
commandements divins.
Dans le cas des sociétés qui ont adopté un droit religieux, le droit se confond avec la loi divine.

Les sociétés laïcistes, ou le droit s’est détachée du religieux, les anthropologues disent que
l'État a pris la place de Dieu et il s’est réservé le monopole de la création du droit, donc des
commandements. Etienne Le Roy dit : « notre modèle d'État a été conçu sur le modèle de
Dieu » et Michèle Alliot de son côté parle d’un avatar laïcisé de Dieu en parlant de l'État. C’est
pour cela qu’on parle de la sacralisation de l'État ou du culte de la loi.

On peut se poser la question d’où se trouve la cohérence, la cohésion de la société ? On va


la trouver dans un ordre normatif divin ou étatique qui lui est extérieur et supérieur qui va
imposer sa loi, ses commandements à des êtres égaux dans la soumission.

CCL : Sociétés qui vont valoriser le droit et qui en outre fonctionnent sur la base d’un droit
impératif.

- Exemple n°2 : les sociétés d’extrême orient et en particulier la Chine traditionnelle.


Ce sont des sociétés qui ne croient pas en l’existence d’un dieu créateur et il n’y a aucun
commandement ni loi qui viennent du ciel. Cela traduit que la société dans ce mode de
représentation, se gouverne, régule sans loi et la cohésion. L’harmonie ne vient pas d’un ordre
normatif extérieur et supérieur. La cohésion vient de la société qui s’auto-régule, c’est-à-dire
que se sont les membres de la société qui vont eux-mêmes construire cette harmonie, sans
le recours à la loi, à une règle impérative.

Ils favorisent les rapprochements, la complémentarité et l’équilibre des contraires. L’idée est
que le monde est fait de différences et qu’il faut les gérer, en favorisant la complémentarité en
approchant ces différences en termes de complémentarité et non en termes de conflit,
d’affrontement.

Dans ces sociétés-là, le droit était profondément méprisé car le droit était vu comme le signe
d’un effondrement de l’harmonie sociale, le révélateur d’une impuissance de la société de
s’auto-réguler. Dans des sociétés qui cherchent l’harmonie en dehors de la loi, le conflit a
vocation à se régler non pas dans l’affrontement mais par la conciliation. En conclusion, il y a
des sociétés qui sont marquées par l’effacement, le mépris du droit.

- Exemple n°3 : les sociétés animistes de l’Afrique subsaharienne.

Ce sont des sociétés qui croient en un esprit, une force vitale qui anime les êtres vivants et
les choses et même les éléments (pierre, eau, vent).
La création du monde décrite par des mythes qui ne sont pas semblables dans le contenu
mais dans le schéma. Ces mythes décrivent une création du monde qui n’est pas l’œuvre d’un
dieu créateur.
Il existe bien un dieu primordial mais qui n’a pas créé le monde à partir de rien, mais par
conséquent la création n’est pas le passage du néant à l’être.
En revanche, la création résulte du passage du chaos à la mise en ordre du monde qui est
l’aboutissement du processus de différenciation qui traduit que la matière se diversifie et que
les hommes se différencient.

Le but de ce processus est de produire de la différence, produire des êtres à vocation d’être
complémentaires. A contrario de ne pas produire de l’uniformité. Ces sociétés vont tirer leur
cohésion de la diversité, dans la diversité, dans la hiérarchie, dans la complémentarité des
individus.
Chacun parce qu’il est différent a besoin de l’autre pour ce qu'il n’a pas et ce qu'il n’est pas. A
l’inverse, l’égalité des êtres, l’uniformité dans ces sociétés-là, renvoient au chaos primordial
et donc elles sont perçues comme facteurs de désordres. Le système juridique va refléter la
création du monde car le droit sera pluraliste qui ne cherche pas l’égalité mais qui va
rechercher à renforcer le droit communautaire, l’harmonisation, la hiérarchisation.

B) Vertus prospectives

L’approche anthropologique du droit peut nous aider à trouver des solutions alternatives à nos
propres problématiques juridiques et elle est nécessaire car notre système juridique est en
crise → révélée à travers deux maux, comme la sur-juridictionnalisation (excès du droit) et
l’inflation des contentieux.

Cet excès de droit nous invite à revoir notre manière de penser et de voir la justice et donc le
détour par d'autres cultures pour nous aider à trouver des pistes de réflexions et de résolution
à nos problèmes. Il s’agit de montrer que des problèmes similaires correspondent à des
solutions différentes qui ont leur propre logique mais qui sont toutes aussi cohérentes.
Exemple : Dans de très nombreuses sociétés, les individus privilégient les voies pacifiques de
règlement des conflits (médiations, arbitrages…) qui s'opposent au procès, au contentieux.

Toraja, peuple en Indonésie, est un peuple qui cultive l’harmonie plutôt que l’affrontement car
fait suivre un risque d’éclatement voir mettre en danger la communauté, la survie du groupe.
Il y a une tentative de réconciliation.
« La parole est un remède ».
Le groupe va accomplir un rituel de réconciliation.
Si la tentative de réconciliation échoue, alors on les encourage au divorce (exemple d’époux).
Il y a une mauvaise rupture qui est mal vue dans l’opinion de la communauté, c’est celui qui
est demandé par un seul des époux et dans le cadre duquel on va chercher à déterminer s’il
y a eu faute commise, responsabilité de l’un des époux. On va avoir à faire à des juges
coutumiers dans le cadre de cette procédure de divorce pour faute.
Le divorce en or est une séparation à l’amiable au cours de laquelle aucune question est
posée au conjoint sur la cause, les motifs du divorce. On va ensuite prendre un bout de bois
et le briser en signe de séparation et mise en fin de l’union, et on invite les membres à un
repas de divorce. Ces voies de divorce relèvent d’une pratique ancienne.

En France cependant, il faut attendre 1975 pour que la procédure de divorce, de divorce par
requête conjointe à l’amiable devienne possible à côté de la séparation par contentieux,
procès. Ce divorce à l’amiable peut contribuer à pacifier la relation entre les ex-époux.

Conclusion de l’introduction :

Deux modèles de règlement des conflits :

- recherche de l’équilibres social (l’harmonie) → pacification


- application rigoureuse des règles impératives / détermination des responsabilités /
stigmatisation des fautes.

L’anthropologue Norbert Rouland nous invite à réfléchir à ces voies nouvelles de règlement
des conflits :

Il nous dit qu’il y a d’autres manières de régler les conflits: avec la communication et l’écoute.
80’s il y avait déjà des outils pacifiques tels que la réconciliation. Rouland met en évidence
comment l’anthropologie peut nous aider à élaborer des méthodes différentes.
Déjudiciarisation : trouver un mode alternatif au procès, au juge.

On insiste sur la nécessité de la démarche anthropologique.

Comment l’anthropologie peut-elle nous aider à penser le droit et la justice de demain ?

- prise de recul, mise en perspective de notre système (recul) (L’autre peut être une clé
pour revenir à soi. ça revient à Lévi Strauss).
- découverte de modèles différents (qui marchent bien dans d’autres sociétés)
- adaptation de ces modèles à notre système juridique et judiciaire.

La crise du droit et de la justice rend nécessaire et légitime la démarche anthropologique.


Source d’inspiration pour des solutions alternatives (par ex régler les conflits), elle peut aussi
être source d’inspiration et de réflexion pour le processus de création de droit.

DONC:

L’anthropologue doit parvenir à prendre de la distance par rapport à sa propre culture, sa


propre société et les valeurs qui vont avec. Anthropologie juridique : prendre de la distance
avec son propre système juridique. Essayer de déconstruire son environnement culturel : une
posture difficile à adopter, car cela suppose un certain nombre de renoncements.

Chapitre préliminaire : Le renoncement

Titre 1 : Posture nécessaire de l’anthropologue du droit

Deux renoncements (intellectuels) :


- renoncer à une approche “occidentale” du droit : accepter sa relativité.
- renoncer à l’ethnocentrisme.

Section 1 : la relativité du droit

Vision occidentale du droit consiste à considérer le droit comme le principal mode de


régulation de la vie sociale. Le droit occupe dans notre société une place centrale. C’est une
approche exclusive de la régulation sociale par le droit. Cette approche conduit à la formation
d’un certain nombre de dogmes (règles, principes intangibles; perçus comme tels)

Il va falloir revisiter, remettre en cause, ce qui va nous permettre de relativiser le droit, et cette
vision très occidentale du droit.

A) Quelques préjugés occidentaux (continentaux), ces dogmes,


sur le droit.
On va présenter les dogmes tels que les juristes le voient. Attachement des occidentaux à
ces dogmes.
Quels sont ces dogmes auxquels les juristes sont particulièrement attachés et qui structurent
notre pensée juridique ?

1) Le droit est étatique

Une idée selon laquelle le droit est nécessairement étatique. Le droit est perçu comme une
émanation, création, de la puissance souveraine (république, monarchie…)
C’est l’idée que la norme, la règle, vient nécessairement d’en haut.
A l’inverse il existe une autre forme de juridicité (coutume), qui est une norme populaire, donc
qui vient d’en bas. Sauf que les juristes nient la juridicité de la coutume, car elle n’est pas
étatique.

2) L'assimilation du droit à la loi (ou dogme de la primauté de la loi)

Idée que le droit est tout entier contenu dans la loi. La loi constitue en elle-même un ordre
juridique, unique et articulé autour de la loi. On parle alors de système moniste (monos =
seul).
On a donc un système articulé autour de cette norme considérée comme première source du
droit. Caractérisante de la source. D’où le terme “primauté de la loi”.
On peut aussi qualifier ce genre de système :
- système légaliste (lex en latin : loi, légal...)
- système légicentriste (la loi est au centre du système)
- héritage de la révolution (Sieyès a dit “je me figure la loi au centre d’un globe immense)
(après la révolution, on a basculé à un système moniste).
- Culte de la loi / nomophilie (idolâtrer la loi, et on évolue dans un système qui cultive
l’amour de la loi).

3) Le droit (la loi) est exhaustif

La loi a tout prévu, elle est infaillible, elle est parfaite; Elle régit tous les compartiments de
notre vie, aucun espace “vide de droit”
→ expression familière aux juristes : nous sommes tous “sujets de droit”. Cette expression
au-delà du sens technique, ce qui est intéressant c’est la sémantique qui est révélatrice d’un
lien de dépendance. On est asservis à la loi qui régit nos vies.

4) Le droit est exclusif (dogme de l’indépendance du droit)

Le droit exclut de son champ, donc de la juridicité, toutes les autres formes de contrôle sociale
et de forme sociale, tous les autres systèmes prescriptifs. Comme par exemple: la morale, la
religion, les croyances, les mythes, la magie, etc….

Ces modes de régulations sont exclus du droit.

Ils ne peuvent ni influencer ni concurrencer du droit.

5) L’autorité de la loi se manifeste par la sanction

La sanction fait partie de notre manière de penser le droit. L'autorité de la loi se manifeste par
la sanction; elle en conditionne l’effectivité (l'applicabilité).
Le processus sanctionnateur = le contentieux (procès). La finalité : punir un comportement
déviant par rapport à la règle. La condamnation peut prendre des formes différentes
(dommage et intérêt, une peine, remboursement de dette) …

L’outil sanctionnateur c’est le juge qui est une émanation de l'État. Logique : le droit est créé
par l'État et donc les sanctions en émanent aussi.

→ conception impérative du droit (droit qui commande et qui sanctionne).

Conception du droit → absolue (universelle) mais relative (à une société). Il y a une pluralité
de modèles qui renvoie chacun à des sociétés différentes.

B) La relativité du droit
Accepter la relativité du droit → remettre en question ces dogmes.

Trois exemples:

Paragraphe 1 : Le dogme de la primauté de la loi


Ce dogme est contredit par la force de la coutume, en particulier lorsque la coutume en tant
que source du droit vient concurrencer la droit.
La coutume va donc constituer un ordre juridique concurrent à l’ordre juridique légal.
Des fois coexistent deux formes d’ordre juridique: celui de l'État (de la loi) et des coutumes.
Les interactions sont différentes.
La coutume est une source de droit dans de très nombreuses sociétés. Car il s’agit d’un droit
qui vient d’en-bas, le droit des peuples, des groupes, populaire occupe une place importante
dans de nombreuses sociétés:

Système de droit mixtes :

→ les deux normes se concurrencent : régissent les mêmes domaines (le statut personnel =
la famille)
Lorsque l’Etat accepte cette concurrence : “option de droit” pour les sujets :
- mariage civil / mariage coutumier en Afrique. On a donc le choix entre la coutume et
l’ordre juridique légal (Etat).
- successions

→ Les deux normes interagissent : la coutume influence la loi (les institutions coutumières
intègrent la loi)
- L’institution de la dot (cadeaux, sommes d’argent de la famille du fiancé à la fiancée)
(Afrique) ou le régime successoral coutumier sont intégrés dans le code.

→ les deux normes se complètent : (régissent des domaines nettement distincts):


- la loi : droit public, droit pénal, droit des contrats, état des personnes…
- la coutume : les autres domaines du droit privé (biens, famille, succession) sur simple
renvoi de la loi.

Ces systèmes contredisent le dogme de la primauté de la loi. Vu que la coutume apparaît


comme véritable source du droit; Il est possible d’envisager des systèmes juridiques qui
incluent la coutume.

Paragraphe 2 : Dogme de l’indépendance du droit (moral, religion)


Les juristes français sont attachés à un droit rationnel (les lumières, la révolution française):
un droit inspiré par la raison et qui ne revendique aucune inspiration morale et religieuse.
ça veut dire que les règles morales et religieuses existent et ont une place dans la société.
Mais, ce que nous dit ce dogme, est que cela relève de la sphère privée, intime et non de la
sphère publique. Ces règles ne peuvent pas être sanctionnées par l’Etat.
L’approche anthropologique et historique du droit relève une forme de perméabilité du droit à
ces influences.

Il y a des systèmes où ce n'est pas le cas.

1) L’influence de la morale sur le droit

C’est une réalité dans notre propre système, le droit est tributaire de la morale. Le droit peut
être influencé par la moralisation du droit et par un assouplissement des valeurs morales.

Exemple en droit des contrats: (hypothèse de moralisation du droit)

Références expresses à la morale dans la loi (Code civil de 1804)


- Article 6 : “on ne peut déroger par des conventions particulières aux lois qui
intéressent les bonnes mœurs”. Un contrat ne peut être contraire aux bonnes mœurs.
- Article 1133 : “La cause (du contrat, ce qui motive l’engagement des partis) est illicite
quand elle est contraire aux bonnes mœurs”.
La référence des bonnes mœurs est prise en considération dans l’appréciation de certaines
situations juridiques (ici, la validité du contrat et la cause).
Exemple du droit pénal : la dépénalisation de l’adultère (hypothèse de l’assouplissement des
valeurs morales)

Petit rappel sur l’adultère : l’adultère est un délit qui était pénalement sanctionné. C’était dans
un délit exclusivement féminin. Car seule la femme peut faire rentrer un sang étranger dans
la famille. ça pourrait venir concurrencer les enfants légitimes. Le premier code pénal de 1810:
on a continué à sanctionner l’adultère. Cela pouvait être puni jusqu’à 2 ans de prison. Le mari,
lui, en cas d’adultère, a une amende. Uniquement si il entretient une relation avec une
concubine. Pour l’homme la relation adultère “classique” (épisodique ou dural) n’est pas
sanctionné. En 1875, on a dépénalisé l’adultère sous la pression de l’évolution des mœurs.
On est dans une période de libération des mœurs, des sexes etc.

2) L’influence de la religion sur le fond du droit (sur les règles du droit)

Variable en fonction des traditions, cultures

L’exemple français:

Dans l’ancien droit (avant 1789) : droit imprégné de religieux.


On va donc retrouver du religieux dans le droit. Avec la Révolution, on va assister sous
l’influence des Lumières et de la philosophie de la raison → laïcisation / sécularisation du droit.
A partir de la Révolution :

- Le mariage civil devient le seul mariage légal. Le mariage religieux n’est pas interdit,
mais il est accessoire.
- registres de l’état civil aux municipalités. On transfère les registres aux municipalités.
- divorce introduit par la loi du 20 septembre 1792. Basé sur un principe religieux: ce
que Dieu a uni, l’Homme ne peut pas défaire.

- On dépénalise tous les crimes contre la foi. Il existe des crimes contre la foi : l’hérésie,
le sacrilège, le blasphème, la magie, etc. 1989.

Aujourd’hui, le droit est toujours indépendant de la religion.


Nuance : sollicitation des représentants des grandes religions monothéistes (questions de
bioéthique, lorsqu’on réfléchit l’élaboration de certains textes en matière de bioéthique : ça fait
partie de la tradition républicaine)
On les sollicite pour un avis: ils sont consultés → Comité consultatif national d’éthique
(CCNE). Le législateur peut ne pas prendre en compte l’avis.

Quand les prescriptions religieuses relèvent du droit

Etats de droit musulman


Islam = religion d’Etat et source de droit.
Le droit = loi divine.
Coexiste avec une législation étatique inspirée du droit occidenta.
Léglisation compatible avec les préceptes de l’Islam.

Paragraphe 3 : Le dogme de l’exhaustivité du droit

Le droit aurait vocation à occuper tout l’espace social. Cette conception du droit est contredite
par la tradition chinoise, elle-même marquée par l’effacement du droit.
C’est une société qui pendant très longtemps ne faisait pas confiance au droit pour assurer
l’ordre social et la justice. Cette société chinoise a été influencée par le confucianisme (c.a.d
une doctrine morale, sociale portée par un philosophe Confucius : cette doctrine a structuré
la pensée chinoise pendant très longtemps).
La Chine a conservé une éthique sociale qui est orientée vers la recherche de l’harmonie, par
la conciliation et le compromis, et qui ne passe pas par des règles imposées.

Cette influence de la chine traditionnelle, il en reste encore aujourd’hui dans certains


domaines.

La vision du monde, pensée par les chinois, va avoir une influence sur l’effacement du droit.
La religion traditionnelle en Chine est influencée par le bouddhisme, le confucianisme, etc. En
tout cas, il n’y a pas de Dieu créateur. Donc pas de lois divines. L’univers se gouverne
spontanément: il n’y a pas de lois imposées, venus d’en haut.
cette recherche de l’harmonie va avoir 2 conséquences :

- rejet de toute forme de régulation extérieure (vision du monde qui rejette toute
normativité impérative).
- L’harmonie, seul principe régulateur.

L’harmonie = équilibre, cohérence du monde. On trouve cela dans la conjonction des


contraires.
Les contraires n’ont pas vocation à s’opposer, à se vaincre mais à s’équilibrer.

On retrouve cette idée dans : le rationnel/le sensible, le blanc/le noir, etc. Beaucoup de
choses. Tout ça se retrouve dans le Yin et le Yang qui incarnent ces contraires qui régissent
la vie des hommes, et tout le fonctionnement de l’univers. C’est une philosophie qui pense la
dualité sous forme de complémentarité.

→ la régulation sociale est fondée sur la recherche du consensus.

Par conséquent, comment perçoit-on le droit dans une telle société ?

- Le droit est un signe de l’effondrement de l’harmonie, de l’incapacité de la société à


se réguler. La régulation dans cette société, doit être immanente.
- Régulation extérieure impérative.

→ indésirable et profondément méprisé


→ le droit est perçu comme une ingérence inopportune de l’Etat.

L’idée est d’essayer de s’en passer. Contraire de la société française.

Modes de résolution des conflits

- rejet du contentieux au profit de la recherche du compromis par la conciliation. L’idéal


est de parvenir à rétablir l’équilibre qui a été rompu. Ça rejoint l’idée que les contraires
doivent s’équilibrer.
- ajustement des revendications par des concessions réciproques.
- éviter la confrontation hostile.

Modes de résolution privilégiés: conciliation, médiation.

Comparaison des modèles (contentieux et conciliatoire):


modèle occidental :
- ce qui caractérise le procès, d’un pdv formel = les partis ne se parlent pas directement.
Il n’y a pas de dialogue direct.
- Pas de relation face à face.
- Aussi, on a tendance à représenter le procès sous l’angle “la faute de l’adversaire”.
- on va essayer de démontrer le bien-fondé d’une prétention sur l’autre → cette
démarche aggrave le déséquilibre.

→ Les contraires s’affrontent.


modèle oriental :
- dialogue
- reconnaître sa faute ou sa part de responsabilité
- faire des concessions
- restaurer l’équilibre rompu

→ Les contraires s’équilibrent.

ILLUSTRATION DE LA CULTURE DE L’AFFRONTEMENT : LE LANGAGE (BELLIQUEUX)


DU CONTENTIEUX

- gagnant/perdant
- la terminologie qui ressort dans le langage des avocats (la manière dont ils perçoivent
leur métier) = “dans ce dossier, c’est la guerre”, “j’ai un bon dossier, je vais le crever”.
- Comme il s’agit d’une “guerre” : on la gagne avec des armes, on entend donc souvent
dans la bouche des avocats “j’ai des bonnes cartouches (arguments)”, “des missiles”.
L’idée est de détruire l’argumentation de l’adversaire.

A nuancer : évolution des avocats sont de + en + nombreux à délaisser l’affrontement en


faveur des transactions (négociations) conduites par les avocats, indépendamment de tout
procès.

La Chine : à nuancer aujourd’hui car ce n’est plus une société caractérisée par l’effacement
du droit. Elle s’est dotée désormais de codifications sur le modèle occidental (XXème siècle).
Elle s’est même dotée d’un droit économique dans un cadre de libéralisation économique.

Bilan :

- vision occidentale du droit conditionnée par l’enracinement de ces dogmes. Le droit


n’est pas toujours assimilé à la loi.
- difficulté à accepter la relativité du droit
- vision réductrice de la juridicité alors que le système légaliste (le notre) n’est pas le
seul à être efficient. C’est un système qu’il faut voir comme un système parmi d’autres.
- système légaliste = un parmi d’autres
-

Section 2 : Second renoncement = l’ethnocentrisme

C’est une notion-clé, qui est une posture à éviter. C’est une dangereuse position pour
l’anthropologue car cela peut fausser la démarche scientifique.
L’ethnocentrisme est un mode de pensée qui repose sur un jugement de valeurs. C’est ce qui
fait que l’ethnocentrisme ne peut pas être une posture dans l’anthropologie.

A) Au cœur de la posture: le jugement de valeur


Lévi-Strauss, Races et histoire, définit l’ethnocentrisme. Il explique que c’est l’attitude qui
consiste à juger une culture étrangère à la sienne, selon ses propres normes, selon ses
propres valeurs. On peut parler d’un regard ethnocentré. C’est au fond aussi, la certitude
d’être au centre voire même au-dessus des autres. Cette certitude va conduire à revendiquer
une supériorité culturelle.

On peut distinguer deux postures intellectuelles différentes :

- posture “légitime” : c’est finalement l’attitude qui consiste pour l’observateur à


s’identifier à sa société d’origine, à sa propre culture. Il reste quelque part enchaîné
par ses repères culturels : il est conditionné. Le conditionnement culturel est normal,
quelque part légitime. C’est très difficile de s’en défaire. Ce conditionnement n’est donc
pas condamnable.
- posture qui consiste à être certes à être conditionné, mais il s’accompagne d’un parti
pris; en l'occurrence la valorisation de sa propre culture. Cela peut donc aller jusqu’à
la revendication d’une supériorité culturelle. La posture est ici condamnable, beaucoup
moins légitime. En plus de considérer sa société comme supérieure, on la considère
aussi comme un modèle à diffuser et à répandre. Peut s’associer à l’ethnocentrisme
une espèce de volonté de diffuser le modèle à tout le monde.

Paragraphe 1 : Négation de la diversité


- Étudier les différences : OUI. Car nécessaire, au vu des différentes cultures dans le
monde. C’est l’objet de l’ethnologie : étudier l’autre dans ce qu’il y a de différent.
- Mais, leur associer un jugement de valeur : NON.

C’est ce que dit Lévi-Strauss dans Le regard éloigné. Il distingue aussi 3 attitudes :

“Tant que les cultures se tiennent simplement pour diverses, elles peuvent soit volontairement
s’ignorer (1er attitude : l'indifférence), soit se considérer comme des partenaires en vue
d’un dialogue désiré (2ème attitude: le dialogue désiré des cultures) (...) La situation
devient toute différente quand, à la notion d’une diversité reconnue de part et d’autre, se
substitue chez l’une le sentiment de sa supériorité (3ème attitude : ethnocentrisme)”

conséquence de sentiment d’ethnocentrisme = considération que toute différence est une


anomalie à effacer, donc négation de la diversité.

Paragraphe 2 : L’ethnocentrisme des juristes occidentaux


Le droit occidental = modèle idéal et universel

Confusion :
- identifier droit et loi
- identifier droit et Etat
→ un ordre juridique unique et étatique

Pas de pluralité des ordres juridiques (infra étatiques)


Pas de pluralisme juridique (coexistence de plusieurs ordres juridiques) comme système
régulateur. Cette idée est nié par les juristes occidentaux.
Pas de mode alternatif de règlement des conflits au contentieux.

Ethnocentrisme des juristes = refus de la relativité du droit.


Attachement à la vision moniste légaliste du droit.

Paragraphe 3 : L’ethnocentrisme, posture universelle


Les sociétés traditionnelles : le langage est intéressant à étudier car il implique souvent un
jugement de valeurs.
Dans le langage on retrouve :

1) Le rejet de l’Autre

par la dénomination de l’ethnie : “hommes”. Ce qui veut dire que les ethnies rivales sont
rejetées de l’humanité. Cela implique que les autres ethnies ne sont pas des hommes. C’est
un jugement de valeur extrêmement radical.
Exemples : “inuit” veut dire “véritables hommes” OU “sauvage” du latin silva (forêt), silvaticus
(fait pour la forêt, état de nature). Le terme sauvage a longtemps été utilisé pour désigner
d’autres ethnies.

2) Supériorité culturelle

Quand on traduit les termes qu’utilisent les sociétés pour s’identifier, on va trouver des
terminologies valorisantes : “hommes bons”, “peuple excellent”, “peuple complet”.
Mais aussi des terminologies dévalorisantes : “mauvais”, “méchants”, etc.

Ethnocentrisme = posture intellectuelle + universelle. On retrouve l’ethnocentrisme dans


d’autres sociétés que les sociétés occidentales.

B) Au-delà de la posture : les formes de l’impérialisme culturel


Lorsque l’ethnocentrisme revient à nier aussi matériellement et physiquement la diversité
culturelle (et non plus “seulement” intellectuellement).

Au nom de l’ethnocentrisme, on a pu justifier la colonisation. On a aussi pu provoquer les


ethnocides.

Paragraphe 1 : ethnocentrisme comme justification de la


colonisation

La doctrine officielle de la colonisation = mission civilisatrice, elle-même reposant sur la


posture ethnocentriste.

Le raisonnement du colonisateur (surtout XIXème siècle, mené par les pays européens un
peu partout): la société du colonisateur est perçue comme étant supérieure aux autres, la
culture du colonisateur est un modèle de civilisation → conséquences des deux
raisonnements : il est donc “normal” d’en faire profiter aux sociétés “primitives”.

Coloniser = civiliser les sociétés “primitives” = imposer le modèle culturel dominant.

C’est aussi un enjeu économique (marchandises, importations etc.)

Jules Ferry (1885) définit la colonisation comme une “entreprise altruiste” visant à “civiliser”
(mission civilisatrice)
(Extrait du discours devant la chambre des députés “les fondements de la politique coloniale”
(28 juillet 1885)).
Postulats de l’entreprise colonisatrice :
- valorisation d’une culture
- universalisme de ses valeurs
- faire le bien

Paragraphe 2 : L’ethnocide

ethnos : peuple
suffixe « cide » du verbe latin caedere : frapper, abattre, tuer.

- Forme radicale de l’ethnocide : disparition physique d’un peuple, tribu, ethnie…

Exemples :
- Ethnocide culturel : déculturation (disparition d’une culture) → différentes formes
d’ingérences

● transfert de culture (colonisation)


● Modernisation, exploitation de richesses
● Missions humanitaires (missionnaires ou ONG) → déséquilibres de l’organisation sociale

Exemple : déculturation consécutive à une mutation de l’habitat


Robert Jaulin (spécialiste de l’ethnocide), La paix blanche, 1970

Déculturation juridique : le droit importé se substitue au droit traditionnel et l’efface du paysage


juridique.

Déculturation : réalité exceptionnelle.

Multiples exemples de déculturation partielle (= acculturation)

C) L’abandon nécessaire de la posture ethnocentriste

Percevoir sa propre culture comme une parmi d’autres ≠ centrale. Cesser de tenir l’autre pour
barbare. Dialogue des civilisations. Renoncement difficile à mettre en œuvre.

Paragraphe 1 : Le « regard éloigné »


Regard éloigné de sa propre société et de ses valeurs (détachement, déconditionnement)
Exigence à préciser et nuancer (positionnement difficile)

1) Le conditionnement culturel de l’observateur

Démarche scientifique conditionnée par le modèle de pensée occidental. Conditionnement


(culturel et scientifique) dont il est difficile de se départir.
« Car le regard est toujours une projection de l’observateur sur l’observé » Jean MALAURIE,
fondateur de la collection « Terre humaine » dont la vocation est de « décentrer notre vision
d’occidentaux ».

2) L’éloignement fatal : le reniement de soi

Le contact avec l’autre peut le faire tomber dans une forme de piège, en créant une forme
d’attraction face à l’autre. L’observateur peut aussi être attaché et peut conduire au reniement
de soi. L’idée ici, est que le contact avec l’autre souvent prolongé va produire et peut produire
une attraction qui va complètement dévoiler la démarche scientifique. Il y a deux attitudes
possibles:

a) Identification à la société observée

On « épouse» la culture de l’autre, en faisant face à une certaine identification. Il y a une forme
d’idéalisation de la société observée. Elle peut conduire à un reniement de soi, et il s’agit d’une
attitude incompatible avec la démarche comparative et le retour sur soi.

b) Approche sélective de la culture étudiée

Cette approche consiste à ce que l’anthropologue sélectionne les données recueillies en


opérant à un tri et il va décider de garder, étudier et valoriser certains aspects de la culture
qu’il étudie et qu’en même temps il fait le choix d’étudier d’autres.
Ce tri engendre le fait que l’approche ne va pas être globale de la culture étudiée. Il le fait pour
valoriser voir réhabiliter les sociétés traditionnelles, parce que si jamais il rendait compte des
pratiques choquantes aux occidentaux, il prendrait le risque que nous pouvons accentuer
l’ethnocentrisme.
En même temps, il le fait pour stigmatiser certains travers des sociétés occidentales. Dans
ces démarches sélectives il y a encore une fois des jugements de valeur.

Paragraphe 2 : La posture médiane


L’anthropologue doit se donner les moyens d‘une approche la plus objective possible et pour
y arriver on doit se donner un certain nombre de règles. La première règle est d’étudier l’autre
comme un tout, il s’agit ici d’analyser l’objet étudié dans son ensemble et surtout sans faire
de tri, de sélection.
Certaines de ces pratiques peuvent susciter chez l’observateur un sentiment de rejet, de
dégoût et susciter le sentiment de rejet avec la tentation d’occulter.
L’observateur doit mettre de côté ce dégoût et il doit entreprendre l’analyse de toutes ses
pratiques, c'est-à-dire qu’il doit essayer de les comprendre et décrypter ces pratiques.
Pour essayer de les comprendre, il faut qu’il les replace dans leur contexte culturel.

La question qu’il doit se poser est: A quelles exigences sociales peuvent-elles répondre?

→ CONTEXTUALISER

anthrôpos: homme/ suffixe phage, du grec ancien phagos (mangeur qui indique une habitude
alimentaire ou de consommation).
On va distinguer deux formes d’anthropophagie:

• Forme alimentaire: contexte dramatique (famine)

• Formes d’anthropophagie positives :

- → Absorber le corps d’un parent décédé: endocannibalisme funéraire, c'est-à-dire à


cette pratique est mise en œuvre au sein d’un même groupe et cette pratique va
permettre d’acquérir les vertus de la personne décédée.

- → Absorber le corps d’un ennemi: exocannibalisme guerrier afin de neutraliser les


pouvoirs; ici c’est en dehors du groupe et à l’égard du groupe rival. La finalité de cette
pratique va être de neutraliser les pouvoirs, la force vitale.
Pour expliquer le fondement, il faut explorer l’anthologie, c'est-à-dire la philosophie et les
croyances de vie dans ces sociétés.

Les sociétés animistes croient en la circulation, la transmission de forces, énergies vitales


entre les êtres et les choses. Elles sont partout et se répartissent de manière diverses. Il y a
notamment transmission de force vitale entre les êtres après la mort. En partant de là, en
absorbant une partie du corps du décédé, on va toucher une force vitale et on y touche soit
pour opérer un transfert ou pour neutraliser cette force.

Si on veut étudier l‘Autre, il faut le faire de manière honnête en étudiant l’ensemble d’une
culture sans sélectionner ni faire de tri, ce qui pourrait fausser l’analyse et les résultats et
tomber dans le jugement de valeur.

1) La juste distance

C’est un positionnement médian (moyen), au sens de juste milieu entre la culture de


l’observateur et celle de l’observé.
Il faut s’éloigner de sa propre culture sans trop se rapprocher de l’autre.
Pour illustrer ce positionnement, Norbert Rolland, « Il faut savoir partir pour ensuite être en
mesure de revenir». Partir pour revenir.

- PARTIR = atténuer les déterminants culturels, se déprendre de son identité culturelle,


de ses valeurs. Pour une observation qui sera la plus objective possible. On peut
distinguer 2 pôles : la société d’origine et la société observée.
→ Trop près des origines, ethnocentrisme (valorisation de la société d’origine)
→ Trop loin, identification à l’autre / la démarche sélective (valorisation de la société étudiée).

Il y a une exigence d’une position médiane, qui permet alors de « revenir».

- REVENIR = éclairer le fonctionnement des valeurs de la société d’origine en faisant


une mise en perspective, grâce au regard éloigné permettant une approche
renouvelée, le fameux retour sur soi.

L'ethnocentrisme est unanimement condamné par la communauté scientifique aujourd’hui.


Cependant, ce ne fut pas toujours le cas. Les premiers ethnologues sont tombés dans ce
piège au point d’en faire un outil ou une clé d’interprétation de la diversité culturelle.

D) L’ethnocentrisme: fondement de la doctrine évolutionniste

Maladie de l’anthropologie parce que cette doctrine est dominée, fondée sur la posture
ethnocentriste et infantile, parce que la doctrine évolutionniste correspond au courant de la
première époque de l’anthropologie sociale.

Paragraphe 1 : La doctrine évolutionniste

1) Principes

L’évolutionnisme est un courant, une doctrine datée du XIXe siècle qui rend compte d’une
trajectoire historique unique de l’humanité. Ou encore, l'évolutionnisme unilinéaire, c'est-à-
dire que toutes les sociétés humaines sont soumises à des lois de transformation, une
évolution qui les font passer par des phases identiques et successives.

Il y a une phase originelle et une phase ultime.


- La phase originelle est la phase de l’état sauvage ou primitif.
- La phase ultime correspond à la civilisation (modèle des sociétés modernes
occidentales).
Morgan est un grand défenseur de cette théorie évolutionniste et fondateur de l’anthropologie
sociale. Il va la développer dans un ouvrage et il explique qu’il y a 3 stades principes des
évolutions des sociétés humaines, qui sont les mêmes pour toutes les sociétés : l’état
sauvage, la barbarie et la civilisation.
Il parle d’une marche de l’humanité, du simple au complexe et de l’irrationnel au rationnel.

2) Postulat
→ Sur le plan politique : évolution vers l’étatisation des sociétés. Le passage d’une société
sans états, acéphale (= phase originelle) à une société qui va évoluer vers une phase ultime
qui est celle de société de plus en plus étatisé, centralisé.

→ Sur le plan juridique : le droit «évolué», est un droit qui s’est dégagé des influences
religieuses, mythiques, un droit qui s’est dégagé de toutes formes qui relève de
représentations irrationnelles. C’est un droit qui émane de l’état (droit étatique, édicté, présent
à travers la loi) et non de groupe (droit populaire, spontané par la coutume).

Le mode « civilisé » de règlement de conflit, est le contentieux ce qui se distingue de la


vengeance / conciliation.

Par exemple, il y a l’évolution du droit pénal.

Il y a différents stades de gestion des actes nuisibles au groupe, à la société. Il y a ainsi


différents stades d’évolutions :

→ Premier stade, la vengeance illimitée, on part du principe d’une offense et il y a un acte


nuisible, et l’acte répondant et la vengeance qui va lui-même être considéré par une offense,
et c’est un cercle.

→ Deuxième stade, la vengeance encadrée qui est aussi appelé le système « vindicatoire»,
il y a une régulation sociale de la vengeance, de la violence qui se traduit par la réglementation
qui tend à limiter les actes qui sont susceptibles de déclencher la vengeance, limitation des
acteurs de la vengeance, du temps de la vengeance et les modalités de manière générale.

→ Troisième stade, le rachat de la vengeance par une compensation en nature ou en argent.

On les retrouve dans la loi Salique (VIe siècle). L’auteur de l’offense paie sa dette à la
victime, compensation mais pas à la société. C’est un système de gestion privée des actes
nuisibles, on peut parler de système de « peine» privée.

→ Le dernier stade est le système de répression publique fondé sur des peines publiques.
L’état poursuit l’auteur et le sanctionne, l’auteur paie désormais sa dette à la société. La peine
peut être corporelle, privative de liberté ou pécuniaire.

On observe alors un triomphe de la civilisation sur la barbarie. Du passage de la vengeance


à la peine privée. On remarque alors une évolution sous-tendue par le processus d’étatisation.
C’est un schéma, postulat qui est aujourd’hui remis en cause.

Conclusion:

Ce caractère unilinéaire de l’évolution qui caractérise la doctrine, au sens invariable de


l’évolution et ce caractère revient finalement à postuler l’unité de l’homme c’est à dire que la
diversité culturelle n’est qu’apparente, temporaire car toutes les sociétés convergent vers le
même but et l’image qui permet le mieux de visualiser cette idée de l’unité de l’homme, relève
d’une même humanité, avec l’image de l’échelle c’est à dire qu’il y a tous les peuples, hommes
sur une même échelle mais il y en a au dessus, au milieu, en bas.
Cela se traduit par le fait que l’humanité est une et que l’unité finalement se réalise au terme
de ce processus invariable, identique pour tous qui conduit vers l’état de civilisation.

Il postule qu’il n’y a pas de différence culturelle, mais différentes phases d’une évolution
identique.

Ces postulats ont été remis en cause tout le long du XXème siècle avec des travaux et les
anthropologues vers la fin du XXème et du début du XIXème vont montrer qu’elle est fausse
et infondée.

Paragraphe 2 : La réaction, réfutation de la théorie évolutionniste

La réaction est incarnée par deux courants qui s’inscrivent en réaction contre l'évolutionnisme.

1) Le diffusionnisme

Il consiste à affirmer que les sociétés n’évoluent pas de manière linéaire mais qu’elles
évoluent ou qu’elles se transforment par les contacts qu’elles ont entre elles.
Il existe des processus de diffusion des cultures, des influences réciproques d’une culture sur
une autre par le jeu des contacts et cette diffusion peut se faire soit par le biais de migration
de population ou par des contacts prolongés entre des sociétés géographiquement proches.
On arrive à un phénomène d’acculturation. Étudier des cultures assez proches et voir
comment il y a eu influence l’une sur l’autre. On va étudier ces mécanismes de transferts
interculturels.
Franz Boas, anthropologue américain a été l’un des premiers à évoquer cette théorie du
diffusionnisme. C’est alors une manière de prendre pied de l’évolutionnisme car ça ne
s’explique pas par une histoire uniforme mais plutôt par des contacts et donc tous les
phénomènes culturels peuvent s’expliquer par l’emprunt, la diffusion d’une culture à l’autre.

C’est une théorie qui a ses limites, qui a été critiquée. Au fond, le diffusionnisme postule que
ces sociétés seraient incapables d’évoluer de manière autonome et qu’elle va rester figée, et
donc incapable d’évoluer et de transformer de manière autonome. Ils estiment l’innovation et
la créativité de ces peuples de façon autonome.

2) Le fonctionnalisme

Bronislaw Malinowski (1884-1942), d’origine polonaise : c’est un ethnologue qui va par la force
des choses devenir sujet autrichien.
C'est le premier ethnologue à avoir effectué de longs séjours, une vraie expérience sur le
terrain. En lisant un ouvrage il va se voir révéler une vocation de l’anthropologie par James
Fr.

Il part à Londres pour étudier l’anthropologie et à la veille de la 1ère GM il part en Australie.


Les autorités australiennes veulent l’arrêter pour ses origines. Mais il va négocier une autre
forme de bannissement, il va leur demander la possibilité de s’exiler sur les îles Trobriand
(Papouasie Nouvelle Guinée).

Il expérimente sur le terrain dans ces îles une nouvelle méthode qui est la « méthode de
l’observation participante». Avant lui les ethnologues se contentent de travailler à partir de
sources indirectes, de seconde main, c'est-à-dire qu’ils ne voyageaient pas, mais travaillaient
avec des récits des voyageurs, des rapports de missionnaires, etc.
On les appelait « les anthropologues de fauteuils» car ils ne voyageaient pas. Malinowski est
le précurseur de la méthode ethnologique, c’est le pionnier de l’ethnologie de terrain. Il faut
faire de longs séjours, apprendre la langue, imprégner de la mentalité.
Il refuse, réfute la thèse évolutionniste et diffusionniste. Et cette clé d’interprétation des
phénomènes culturels et des transformations.

→ Approche fonctionnaliste

Cette approche consiste à dire qu'une culture c’est d’abord un système dont tous les éléments
sont solidaires. Ça forme un tout indissociable, totalement cohérent. Parce que chaque
élément donné, composante de cette culture joue un rôle social et remplit une fonction au sein
de cette totalité cohérente culturelle.

« Dans tous les types de civilisations, chaque coutume, objet, croyance, remplit quelque
fonction vitale, a une tâche quelconque à accomplir, représente une partie indispensable de
l’appareil ».

Les faits observés ne prennent de sens que si on les rapportent les uns aux autres car chaque
élément joue un rôle, répond à un besoin, remplit une fonction dans cette totalité et
conditionne tout le reste. Il faut essayer d’identifier d’abord la fonction, le rôle, à quel besoin il
répond. Et par ce que tout doit être mis en cohérence, il faut essayer de trouver le lien, la
cohérence au sein de cet ensemble qui forme cette totalité.

Par exemple, quand on étudie le complexe de l’agriculture, ça peut s’appréhender à travers


différents objets comme la nature des produits cultivés, les outils utilisés, les techniques de
labour, le temps des récoltes, le type de bétail…
Toutes ces données observées vont remplir une fonction, contexte plus large et conditionner
ce système agricole et après les habitudes alimentaires, les modes d’appropriation foncière,
la transmission héréditaire des biens…
L’idée est qu’une pratique ne peut être comprise que si elle est saisie dans son contexte c’est
à dire celui d’une culture, d’une globalité, un espace plus large. Cet élément doit être l’une
des clés de compréhension de l’ensemble.

Il y a également des critiques de la théorie hyper-fonctionnaliste:

→ On va ignorer la dimension historique des cultures, elle ne remplace pas les cultures dans
une perspective historique.
→ Néglige les contacts, sous-estime l’importance des contacts interculturels car elle s’inscrit
contre le diffusionnisme.

Les sociétés sont alors figées dans le temps et l’espace.


L’école fonctionnaliste a ouvert d’autres courants notamment l’anthropologie structurale par
Levi-Strauss (1908-2009).
Transition : Le processus de juridicisation. Légitimité, nécessité de
la démarche anthropologique
La démarche anthropologique est nécessaire, car notre modèle juridique et judiciaire est en
crise et donc nous avons besoin de prendre du recul, de nourrir une réflexion sur nos valeurs,
notre droit, notre justice et si on est ambitieux, essayer de renouveler la théorie du droit, la
science juridique. Mais il faut d’abord identifier les maux, la crise, les symptômes.

Paragraphe 1 : Inflation et instabilité législative

On observe une évolution du processus de création de la loi. Il a changé depuis 30/40 ans.

On a changé dans notre manière de fabriquer la loi et la loi devient de plus en plus souvent
une réponse circonstancielle et immédiate à la formulation d’un besoin et donc d’une demande
sociale. Parce que, très souvent c’est une loi « Fait divers» parce que c’est une réponse qu’on
rapporte à la suite d’un fait divers, d’une situation dramatique, insécurisante.
On a alors un droit élaboré dans l’urgence pour satisfaire une opinion publique des citoyens
qui est pressante et capricieuse. Les citoyens réclament, demandent des lois.

J. Carbonnier Essaie sur les lois « Qu’un scandale éclate, qu’un accident survienne, qu’un
inconvénient se découvre; la faute en est aux lacunes de la législation. Il n’y a qu’à faire une
loi de plis. Et on l'a fait». Cette prolifération des règles engendre une sur-juridicisation liée au
caprice et à la peur.

- explication de la peur comme moteur de production du droit


- La loi apaise la peur, « exorcisme presque magique » (Ph. Malaurie).

Lorsque le justiciable n’est pas encadré par la loi, on se sent en danger, on n’est pas sécurisé,
protégé. Lorsque un fait divers apparaît, un accident choquant, grave et spectaculaire, on
pense à un crime atroce, un attentat : ça alimente la peur, or la loi apaise la peur.

On assiste alors à un développement tentaculaire du droit qui affecte tous les domaines et on
retrouve l’exhaustivité. Et il y a un éclatement en branche multiples, avec une spécialisation.

Pour illustrer cette idée, il y a environ 74 codes, alors qu’avant il y en avait 5. Chaque branche
du droit à ses ramifications et son propre code.

La conséquence de cette évolution:

→ c’est qu’il y a une inaccessibilité et une dispersion du droit. Une méconnaissance du droit,
une dilution des repères, l’altération de la liberté au profit de l’encadrement et du dirigisme.
L’excès de droit fait perdre à la loi son caractère contraignant.
→ « trop de lois tuent la loi», problème de l’effectivité du droit; pratiques non conformes aux
discours.
→ Montesquieu ; Les lois inutiles affaiblissent les lois nécessaires (l’Esprit des lois, 1748).

Paragraphe 2 : L’inflation du contentieux


L’inflation est liée:

→ à la multiplication des conflits. Les causes de ces conflits sont:


- un excès de droit= multiplication des risques de transgression de la norme
- multiplication des échanges/ ex des contrats (contexte économique stimulé)
- progrès technique et technologique

Du conflit au contentieux: facteurs culturels


La culture du contentieux, favorisé par une mentalité très procédurière

→ Mentalité procédurière
→ Démocratisation de l’accès au juge, avec un accès plus facile au juge, avoir moins
d’obstacle:

- Il y a l'apparition de l’aide juridictionnelle en 1850, que pour les indigents et reposait


sur la bonne volonté du personnel de la justice. Mais elle est mise en place, structurée
à partir de 1971. C’est un financement de l’action en justice et de tout ce qui la
compose en termes de frais au profit des personnes qui ont le moins de moyen.
- Il y a aussi les procédures sans représentation par avocat, c’est alors moins coûteux.
- Aussi, une justice plus proche des justiciables: permanences juridiques au palais ou
maison de justice et du droit qui sont une forme de délocalisation du palais de justice
dans lesquelles on retrouve les professionnels de justice qui vont donner des
consultations gratuites, en les conseillant ou en les incitants à aller voir un juge.

Les conséquences de cette évolutions sont aussi graves, car cette inflation conduit à des
conséquences comme la défaillance de l’institution judiciaire c’est-à-dire un
dysfonctionnement avec une problématique constante de l’engorgement des tribunaux et ne
peuvent plus faire face à afflue des causes et un manque de personnel (magistrats, juge, etc).
La conséquence est l’allongement démesuré des procédures car on en arrive à un point ou
un procès peut parfois durer des années.
La France est régulièrement sanctionnée par la CEDH car cet allongement ne garantit pas
aux justiciables leur droit à aller devant le juge. Ils auront moins de temps pour un dossier,
chercher…
Les juges parlent d’évacuer les dossiers. Il y a une insuffisance de moyens financiers et on
est donc dans une situation de crise grave pour la justice.
Ce contexte de crise permet de légitimer une démarche anthropologique juridique et la rend
nécessaire, car elle permet une meilleure compréhension du système et de ses faiblesses.

C’est une source de réflexion sur la création normative (1ere partie). De plus, c’est une
source d’inspiration pour des solutions alternatives, comme la gestion du conflit (2ème
partie)

1ère partie : Approche anthropologique de la norme : Le pluralisme


juridique

Un droit peut en cacher d’autres. L’anthropologie juridique s’intéresse à cette situation depuis
longtemps. C’est une situation qu’on appelle le pluralisme juridique. Cette problématique
domine le champ de la réflexion des anthropologues du droit. Elle est devenue une spécialité
des anglo-saxons.
Deux axes différents néanmoins complémentaires :
- Dans les sociétés occidentales : chapitre 1. On y envisage cette problématique du
pluralisme juridique.
- Puis, on envisage le cas des sociétés traditionnelles (Afrique sub-saharienne) :
chapitre 2.

Chapitre 1 : Problématique du pluralisme juridique dans les sociétés


occidentales de tradition moniste.
Dans la plupart des pays de l'Europe continentale qui ont adopté un système de droit codifié,
les juristes pensent que l'État a le monopole de la production du droit. Un droit impératif qui
s’incarne dans la loi.
Les juristes continentaux familiarisés avec ce modèle de droit codifié, pensent que l'État a le
monopole.
Leur modèle de référence est le seul modèle qui vaille à leur yeux (c’est le modèle moniste).
L’approche anthropologique va permettre de confronter le modèle moniste à un autre modèle
: le pluralisme.

Section 1 : Confrontation des modèles.

De manière générale, le pluralisme est une doctrine qui est favorable à la prise en compte de
la pluralité, de la ou des différences, de la diversité (en particulier celui des groupes humains).

Le pluralisme est l’état normal de toute société. Il n’y a pas de société complètement
homogène, comme le postule le modèle inverse (le modèle moniste). Dans toutes les
sociétés, il y a des différences (pluralisme).

A) Monisme, pluralisme : perspective sociologique et juridique


Une certaine vision de la société (approche socio), la manière dont la société est perçue
comme étant structurée → va conditionner la nature du modèle juridique.

Paragraphe 1 : Modèle moniste


Du grec monos : seul.

1) Perspective sociologique

Une seule composante : l’individu. On oppose l’individu (composant de la société) au groupe.


Ainsi, cela veut dire que les entités individuelles juxtaposées n’ont pas vocation à se
regrouper, à se différencier les unes des autres par leur appartenance à des groupes.
→ négation des groupes (unités sociales différenciées).

C’est un modèle qui véhicule une représentation homogène de la société (monisme


sociologique) qui nie toute forme de regroupement. On a un refus de la dimension
communautaire de la société. C’est l’idée qu’entre l’Etat (qui incarnerait la société globale) et
l’individu, il n’y aurait rien. Pas de groupe.
Dans ce genre de modèle, l’individu à tendance à ne pas se définir par rapport au groupe,
mais par rapport à l’Etat, à la société globale.

Conséquence juridique de cette vision de la structure de la société : monisme juridique.

2) Perspective juridique

L’Etat va avoir pour mission d’encadrer et de protéger les individus qui constituent la seule
composante de la société. Il le fait en élaborant des règles (le droit assimilé à la loi). De sorte
qu’on a l’individu qui est le seul destinataire du droit de l'Etat, et non pas le groupe. C’est un
droit individualiste, car destiné à des individus. Ce n’est pas un droit collectif, qui serait
appliqué à des groupes de manière différenciée, et ce en fonction d’une identité collective.
(Le régime juridique à partir du moment qu’il a pris conscience que l'individu avait vocation à
créer une identité collective : on a donc reconnu des droits collectifs. Mais cela a pris du
temps).

Un modèle moniste est un modèle dans lequel il n’y a qu’un seul ordre juridique où l'État est
la seule source de droit, qui s’incarne dans la loi, destiné aux individus.

Paragraphe 2 : Modèle pluraliste

L’individu se définit par rapport au groupe (identification au groupe) auquel il appartient, dans
lequel il s’identifie.

1) Perspective sociologique

La principale composante de la société, ce sont les groupes, les corps sociaux qui viennent
s’interposer entre l’individu et l’état.
On parle aussi d’unités sociales différenciées: différenciation ethnique, confessionnelle,
géographique…
Ces regroupements se font en fonction de certains éléments communs.
Par exemple, il y a les groupes régionaux revendiquant une identité culturelle forte, comme
en France car leurs membres vont s’identifier à un territoire, à une langue, à une histoire, à
des valeurs, etc.
La composante de la société est dans ce modèle le groupe et ce groupe vient se situer entre
l’état et l’individu.

2) Perspective juridique

Imaginons que les groupes en viennent à s'auto-réguler (génèrent leurs propres normes,
distinctement de l’Etat).
Individus destinataires de plusieurs droits (etat + groupe).
On en arrive à voir coexister dans une même société :
- Un ordre judiciaire étatique + des ordres normatifs infra-étatiques.

Ainsi, le pluralisme juridique consiste à reconnaître à ces groupes la possibilité de produire


des règles de droit. Pas en se substituant à l’Etat mais en produisant des règles de droit en
même temps que l’Etat.

On va avoir un individu qui va être soumi au droit de l'état (loi) en tant que membre de société
globale, mais qui peut aussi être soumis au droit d’un groupe auquel il appartient (coutume).
Cela peut poser des problèmes de compatibilité entre les différents ordres juridiques.

→ Exemple de pluralisme juridique :

Le droit des populations autochtones au Canada (Inuits), en Australie, aux EU qui ont été
soumises à un processus de colonisation. Et qui avant disposait de leur propre droit en
l’occurrence un droit coutumier, traditionnel et quand le colonisateur arrive, il arrive avec son
propre système juridique étatique (loi ou common Law).
Les colonisateurs vont devoir laisser vivre certaines coutumes autochtones, la plupart du
temps dans le domaine familial et l'État reconnaît et légitime l’existence de ces coutumes
traditionnelles. Ces coutumes représentent une émanation du groupe ethnique et donc elles
représentent un ordre juridique infra-étatique distinct de l’ordre étatique.

En bref,
Monisme juridique = ordre juridique unique et étatique où l’Etat est seule source du
droit, assimilé à loi. Négation des groupes donc de leur capacité à produire du droit.
Pluralisme juridique = coexistence de l’ordre juridique étatique (loi) avec des ordres
juridiques infra-étatiques produits par des groupes (coutumes)

B) Le “droit des anthropologues”


Un anthropologue va s’efforcer à découvrir, identifier des règles qui sont créées sans
l’intervention d’un organe étatique, qui émane des groupes au sein de la société globale, des
groupes qui ont une identité propre et donc leur mode de régularisation.

Il va s’intéresser à ces groupes minoritaires, secondaires, infra-étatiques.

On va parler de droit caché sous l’ordre unitaire de la loi et ces droits sont appelés: le FOLK
LAW.

→ Le droit des peuples ou le droit des groupes, des minorités. Le droit des peuples désigne
le droit des peuples autochtones par exemple, et ils vont travailler sur ces populations qui ont
subi un processus de colonisation et qui désirent que le droit communautaire, identité
culturelle s’exprime sur le plan juridique.

Il y a aussi dans FOLK LAW le droit des groupes, ou les populations, groupes au sein d’une
société globale revendiquent une identité, sans être des populations autochtones.

Par exemple, les anthropologues peuvent s’intéresser à des communautés issues de


l’immigration par exemple. Ce sont les rapports qui peuvent exister entre le droit étatique et
le folk-law. Une commission folk-law and legal pluralism (1978) est une commission du
droit des peuples et du pluralisme juridique (fiche en ligne).

L’enjeu qu’il y a à s’intéresser à ces droits est dans l’intégration de ces populations à une
société globale. Elle peut passer par la reconnaissance de leurs droits.

Ces initiatives sont soutenues par l’ONU avec la déclaration des Nations Unies sur les droits
des peuples autochtones, du 13 septembre 2007 (fiche en ligne).

Toutes les sociétés n’adhèrent pas à ce modèle pluraliste comme la France, alors qu’elle est
devenue une société multiculturelle et génératrice de diversité. On refuse le pluralisme
juridique car il y a un enracinement du modèle moniste et du rejet du pluralisme.

Section 2: Négation du pluralisme dans la culture juridique


française

L’idée même qu’il puisse avoir des ordres juridiques différenciés, concurrents de l’ordre
étatique est simplement hérésie. La diversité sociologique et culturelle peut s’exprimer sur le
plan juridique. La raison de ce rejet est historique.

En bref, l’unification de notre droit en France a été tardive ce qui veut dire que pendant des
siècles on a vécu dans un système de pluralisme juridique. On a mis des siècles à unifier
notre droit et on l’a fait sur le principe d’égalité civile qui est considéré en France comme une
conquête majeure à laquelle on est pas prêt d’abandonner, de l’écarter.

Paragraphe 1 : Le Moyen-Age et l’Ancien Régime (VIe-XVIIIe)


Moyen Age qui commence avec la Chute de l’Empire romain d’Occident en 476. Haut Moyen-
Age VIe au XIIe et bas Moyen Age du XIIe au XIIIe siècle jusqu’à la fin du XVe siècle. Ancien
régime du XVIe au XVIIIe siècle.

Au moment de la Chute de l’Empire romain d’Occident, l’Europe se morcelle en royaume


barbare parce que l’Empire a sombré à cause des invasions germaniques (peuples de l’Est).
Donc morcellement en royaumes barbares sur le territoire de la Gaule franque : royaumes
wisigoth, burgonde, alaman, franc...

A partir du VIème siècle, nous avons sur le territoire de la Gaule des peuples qui coexistent et
qui sont d’origine différentes; le peuple des vaincus (les gallo-romains), le peuple des
vainqueurs (les francs) mais aussi tous les peuples germaniques.

Pendant plusieurs siècles ces populations vont être soumises à un régime qui s’appelle le
régime de la personnalité des lois.

1) Régime de la personnalité des lois

Chacun est autorisé à vivre selon son droit (droit des origines, « loi du sang »), à cette époque
là il existe des lois qui sont applicables à chaque peuple.

Exemple : des lois d’inspiration romaine qui s'appliquent au peuple Gallo-romain et des lois
d’inspiration barbares ou germanique pour les peuples germaniques (loi salique, le code
d’Euric pour les Wisigoth).

→ On a affaire ici à un pluralisme juridique à fondement ethnique, le droit


applicable à chacun est le droit de l’ethnie. Ce pluralisme juridique permettait d’assurer la
coexistence pacifique de peuples très différents à l’intérieur d’un même royaume.

Quelques siècles plus tard et sous l’influence de divers facteurs, on a un brassage ethnique
par des mariages, par des migrations etc. De sorte que le régime de la personnalité des lois
va progressivement tomber en désuétude et va être remplacé par une autre forme de
pluralisme juridique qui est le régime de la territorialité des lois.

2) Régime de la territorialité des lois

Application d’un droit territorial (droit de nature coutumière géographique). On est


autour de l’an 1 000. C’est un droit spontané, il n’émane pas d’une autorité supérieure centrale
mais c’est un droit qui vient d’en bas (des peuples) et qui ne procède pas d’une volonté de
créer du droit. Droit qui tient sa force de l’ancienneté et de la répétition mais aussi de
l’adhésion collective.

La coutume va devenir l’expression d’une identité juridique locale à laquelle les populations
sont très attachées.

→ On a ici un pluralisme juridique à fondement géographique

3) A partir du XIIème : superposition de plusieurs ordres juridiques

A cette coutume territoriale.


D’autres ordres juridiques qui apparaissent et qui sont plus présents :

- Ordre juridique étatique (ordonnances royales) : correspond à la genèse de l’État royal


et le Roi reconstitue à son profit les prérogatives de sens publiques, il recommence à
réincarner la souveraineté et il commence à légiférer à l’échelle du royaume.
- Droit de l’Eglise (droit canonique)
- Législation urbaine (statuts municipaux) : à partir de la renaissance des villes (XIIème
siècle), ces villes se donnent des statuts municipaux destinés à leur ressortissants.
- Corporations professionnelles : des corps, des groupes de gens de métiers (artisans,
etc…) régies par des règles très strictes.

→ Pluralisme juridique difficile à qualifier

Tout cela va se doubler d’un autre pluralisme juridique qui repose sur le principe d'une société
qui est très hiérarchisée et très inégalitaire.

4) Le pluralisme géographique se double d’un pluralisme sociologique : liée à une forme


de structure sociale

Société française hiérarchisée et inégalitaire : société d’ordres.

L’idée de base est que l’individu existe que par sa fonction (prier, combattre ou travailler) et
cette fonction va déterminer son appartenance à un ordre et ce au sein d’une hiérarchie.

Comme ces groupes sont au nombre de 3, on parle de structure trifonctionnelle.

- Le Clergé, 1er ordre du Royaume (ceux qui prient)


- La Noblesse, 2ème ordre du Royaume (ceux qui combattent)
- Le Tiers-État, 3ème ordre du Royaume (ceux qui travaillent – les roturiers – et qui
représentent 98 % de la population)

Droit différent en fonction des ordres :

Exemples :

En matière,

- D’exemptions fiscales,
- De successions,
- Du droit pénal : les nobles ont le privilège d’être décapités (peine honorable) alors que
les roturiers ont droit à d’autres modalités de la peine capitale comme la pendaison
(peine infamable). En droit pénal canonique, la peine la plus grave est le mur (la
prison).

Tentatives d’harmonisation du système qui est très pluraliste, aux XVème et XVIème siècles
(rédaction coutumes)

Ensuite, il y a eu des tentatives d’unification du droit partiel qu’ont été conduites par le Roi et
plus exactement par ses chanceliers au XVIIème et XVIIIème siècle avec la promulgation de
grandes ordonnances royales.

Mais à aucun moment l'État monarchique français est parvenu à unifier le droit, à surmonter
cet handicap de ce pluralisme juridique. et ce sera comme cela jusqu’à la Révolution, la
France n’a connu que le pluralisme juridique.
Paragraphe 2 : Révolution et Empire
Influence des Lumières : pensée qui va promouvoir dès le milieu du XVIIIème siècle un modèle
de société moniste (un droit unifié et identique pour tous, centré sur les individus).

Courant de pensée qui s’est nourri de la philosophie de la Raison. Ce courant de pensée va


condamner le pluralisme juridique pour 2 rais

- Il est perçu par ses penseurs de lumières comme étant irrationnel (idée de système
trop complexe) et c’est un droit très imprégné de morale chrétienne et de droit
canonique (mariage, droit des contrats).

Voltaire : « En France, en voyageant, on change de lois plus souvent que de chevaux »


manière humoristique de stigmatiser le pluralisme juridique français.

- Le pluralisme est vécu comme une injustice, parce qu’il est inégalitaire : des
groupes d’individus qui sont inégaux en droit

Revendication de l’égalité

Apparition du terme « privilèges » ou « statut privilégié » (privatae leges = lois privées,


c’est-à-dire régime juridique spécifique devient synonyme de « loi avantageuse » qui vise le
clergé et la noblesse sur les privilèges fiscaux : avantages injustifiés.

La Révolution – héritière des Lumières – entreprend de rationaliser le système = faire en


sorte de repenser le système.

Rationaliser = simplifier = unifier / laïciser le droit assimilé à la Loi et qui vient de l’Etat.

La loi devient vecteur de l’unité et même d’uniformité (ordre juridique unitaire), et parce qu'il
n’y a qu’un seul ordre juridique de l’Etat, elle devient un instrument de l’égalité.

On fixe cela dans la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen (26 août 1789)

- Article 1er : « Tous les hommes naissent et demeurent libres et égaux en droits » =
égalité civile
- Article 6 : « La loi doit être la même pour tous… »

On a consacré l’égalité civile : égalité devant la loi.

La révolution et la DDHC sonne la fin du pluralisme juridique, des identités juridiques


différenciées, géographiques (coutumes / statuts urbains) ou sociologiques (ordres /
corporations).

Conquête décisive et majeure de la Révolution : le monisme juridique (la loi devient la


source unique du droit)

Le processus d’unification du droit achevé par Napoléon grâce à la codification du droit sous
le régime impérial (entre 1804 et 1810).

→ La codification se répartit en 5 codes qui sont des Œuvres majeures, et qui ont vocation à
être des œuvres durables.

Les codes ont été rédigés par une commission de 4 grands juristes tel que Portalis sous la
surveillance de l’Empereur.
- 1804 : Code civil
- 1806 : Code de procédure civile
- 1807 : Code de commerce
- 1808 : Code d’instruction criminelle (procédure pénale)
- 1810 : Code pénal

La codification s’est exportée en Europe et au-delà dans le monde puisqu’on la retrouve par
exemple en Amérique du sud, elle a été imitée ou transposée.

« Ma vraie gloire n’est pas d’avoir gagné quarante batailles ; Waterloo effacera le souvenir de
tant de victoires ; ce que rien n’effacera, ce qui vivra éternellement, c’est mon Code Civil ».
Napoléon Bonaparte.

Révolution sous-tendue par une vision de la société et qui était celle des lumières puis des
révolutionnaires.

Quelle vision de la société ? (perspective sociologique)

- Promotion de l’individu
- Société d’individus qui se substitue à une société d’ordres, le monisme sociologique
qui se substitue au pluralisme sociologique.

→ Portalis condamne « une société de sociétés » : société qui comporte une mosaïque de
sociétés.

Cette hostilité à toute forme de corporatisme ou de communautarisme se traduit par une


négation des groupes / corps intermédiaires (plus d’existence juridique) qui ne doivent plus
avoir d’existence juridique.

→ Exemple : suppression des corporations professionnelles

2 textes qui suppriment les corporations professionnelles:

- Décret d’Allarde (15 mars 1791) : elle supprime cette organisation des métiers
- Loi le Chapelier (14 juin 1791) : elle interdit toute forme d’association professionnelle,
interdit la coalition entre citoyen d’une même profession.

C’est ce qui va empêcher tout au long du XIXème siècle qu’on puisse consacrer par exemple
des libertés syndicales, les regroupements en syndicat.

L’individu, unique réalité sociale : l’individu dont l'État va se charger tout seul sans la médiation
des groupes, il va l'encadrer et le protéger grâce aux lois.

Société nouvelle : société d’individus civilement égaux, protégés par une loi uniforme

Comparaison avec les sociétés traditionnelles

Paragraphe 3 : Bilan
1) Conquête tardives

Le monisme sociologique et juridique, donc l’unification du droit autour de la loi sont des
conquêtes très tardives car pendant des siècles notre culture juridique était
fondamentalement pluraliste et à l’échelle de cette longue histoire, le monisme est
récent.
2) Mutation

A partir de ce moment, le pluralisme est devenu synonyme d’inégalité, de discrimination.


Alors qu’à l’inverse, l’unité (l’unification, le monisme) du droit à permis de réaliser l’égalité
(civil, en droit, devant la loi, et pas une égalité absolue).

Le principal obstacle à la reconnaissance du pluralisme (juridique ici) : le principe d‘égalité


civile. C'est un axe qui justifie la posture très excentrique des juristes.

Ce principe d’égalité civil est reconnu par la Constitution et à ce titre il exclut la


reconnaissance d’identité juridique différenciée : il n’y a pas d’identité juridique
différenciée (sous réserve de rares exceptions constitutionnelles).

Ce principe d’égalité et avec lui le monisme juridique et sociologique constitue l’évolution


pluriséculaire que les juristes considèrent comme l’avènement de la modernité sociale et
juridique. Tout ce qui relève du pluralisme est désormais perçu comme étant (car
inégalitaire, discriminant…) un système archaïque.

Le monisme c’est l’ère de la modernité sociale juridique.


Le pluralisme c’est l’archaïsme.

La régulation propre aux groupes constitue une double menace :


- Pour l’égalité comme on vient de voir : à partir du moment où on a un statut
juridique spécifique au groupe et bien on va à l’encontre de l’égalité civile.
- Pour la liberté : 1er constat : toute forme de régulation est contraignante et constitue
une limite à la liberté donc le groupe, quand il impose des normes, des règles à ses
membres, il limite leur liberté, la liberté individuelle.Or dans ce système moniste, celui
qui a le monopole de limiter cette liberté individuelle est l’état, par le biais d’une
édictions d’un certains nombre de règle. Ce monopole ne peut être dévolu à une
identité infra-étatique, non-étatique.

On a vu que ce système consiste à nier la dimension communautaire de la société,


dimension plurielle de la société mais cette façon de penser et de nier est parfaitement
contre nature car l’uniformité, l’homogénéité est un mythe et ce mythe ou cette
prétendue uniformisation de la société est aujourd’hui contredit par une réalité sociale
et culturelle qui est devenu plurielle.

Limites du modèle moniste.

Section 3 : Les limites du monisme. Une société multiculturelle


génératrice de diversité.

Réalité sociale et culturelle devenue pluraliste.

Notre société est entré dans ce processus de différenciation sociale et culturelle, et se heurte
avec le modèle individualiste, unitaire et uniformisant hérité de la Révolution.
Paragraphe 1 : Les limites du modèle moniste et du binôme état-
individu
Ce fameux binôme illustré conduit à la dissolution sociale, ça veut dire que l’individu se
retrouve isolé face à l’état ou à la société globale et cet individualisme conduit à la
décomposition des liens sociaux, désagrégation sociale.

L’individu a spontanément besoin de créer des liens, de se reconnaître au sein de groupes


qu’on a appelé des groupes secondaires, unités sociales et de former ces entités d’unités
sociales.

Le pluralisme sociologique est l’état normal de toute société. Au moment où les


révolutionnaires ont formulé cet idéal individualiste, ils se sont très vite rendu compte que ce
n’était qu’un idéal.

Et dès le XIXème siècle, des critiques contre l’individualisme, contre le monisme sociologique,
contre l’anti-corporatisme s’élèvent. Cette « réalité-nécessité » du pluralisme sociologique a
été exprimée en 1864 par Émile Ollivier, homme politique libéral qui a marqué le IInd Empire
entre 1860 et 1870. « Il n’est pas vrai qu’il n’y ait que des individus, grains de poussière sans
cohésion, et la puissance collective de la nation. Entre les deux, comme transition de l’un à
l’autre, comme moyen d’éviter la compression de l’individu par l’Etat ».

Paragraphe 2 : La réalité pluraliste de la société contemporaine


Les sociétés occidentales se sont diversifiées, elles sont marquées en cela par la résurgence
/ réémergence. On voit dès la fin du XIXème siècle émerger de nouvelles solidarités qui sont
reconnues par l’Etat et très intimement liées à une conjoncture, et c’est celle entre autre de
l’industrialisation de la France qui correspond grosso modo à la deuxième moitié du XIXème
siècle et l’émergence de la condition ouvrière.

Cette nouveauté sociologique va mettre en avant un certain nombre de besoins qui vont être
entendus.

- Les regroupements professionnels, le droit de grève (loi du 25 mai 1864 sur les
coalitions) - Le syndicalisme (loi du 21 Mars 1884)
- Les associations (liberté d’association – loi du 1er Juillet 1901)

Ces regroupements sont consacrés de manière officielle par l’Etat lui-même.


La loi de 1884 va légaliser les syndicats professionnels, qu'il s’agisse des syndicats ouvriers
ou patronaux, et là encore on est dans ce processus qui vise à la construction progressive
d’un droit social.
Enfin, concernant la loi sur les associations de 1901, le regroupement est consacré.

Le pluralisme sociologique peut prendre des formes multiples. On va tenter de définir ces
groupes en typologie qui va reposer sur deux grandes catégories.

1er type de groupe : ceux au sein desquels l’individu devient « partenaire social ».

Comment est ce que l’on se créer des complices, des partenaires ?

Par identification, c’est-à-dire qu’il cherche et trouve dans ces groupes une identité sociale
et/ou culturelle qui va être différente, singulière par rapport à l’identité que l’on va qualifier
d’identité nationale. Ces groupes se différencient par leur objet identitaire qui favorise le
rapprochement et qui crée le lien social.
Exemples qui peuvent entrer dans cette catégorie :

- La religion (les Amish, communauté religieuse très différenciée de la société globale


au point d’en être complètement marginalisée)

- L’ethnie ou la nationalité (groupes d’étrangers qui vivent en France, qui ont été
naturalisés, issu de l’immigration, ils vont former une communauté parce qu’ils vont
rester attaché à leur identité culturelle)

- La qualité d’autochtone (les indiens d’Amérique du Nord, du Canada, les Inuits, les
aborigène d’Australie)

- L’orientation sexuelle est devenue un objet d’identification identitaire, qui a donné


naissance aux communautés homosexuelles et LGBT, car ils ont été autorisés de tout
temps.

- La région/le territoire en tant que lieu de culture lorsque les ressortissants


revendiquent une identité territoriale et culturelle différenciée de l’identité nationale.

Ce sont des critères identitaires qui constituent le ciment, l’élément de rapprochement comme
les exemples cités précédemment. En ce qui concerne ces groupes, ils relèvent d’une
identité collective.

D’autres champs sociaux regroupent des groupes de petites dimensions, qui ne sont pas
rattachables aux critères d’identifications précédents, mais plutôt des groupes où les individus
deviennent partenaires sociaux, non pas par identification mais par adhésion à un but
poursuivi. Par exemple :

- Les associations , qui ont un but, une cause (sportives, culturelles, caritatives..). Il y a
bien une adhésion parce que les gens s’investissent dans une cause collective.
- Les sectes (il y a cette idée de rompre la solitude et de guérir un mal de vivre, certaine
spiritualité)
- La localité, une entité territoriale qui peut être un enjeu de mieux-être pour ses
ressortissants (les quartiers, les communes dans lesquels on s’investit ensemble pour
vivre mieux, pour entretenir une sociabilité locale).

Il y a donc un critère de l’intérêt collectif autour duquel se réalise le rapprochement entre les
individus.

Ce qui ressort de tous ces exemples, c’est l’importance croissante des groupes sociaux
secondaires et intermédiaires, c’est également de nouvelles solidarités et de nouveaux liens
sociaux. C’est donc le constat d’une diversification sociale et culturelle.

La question qui se pose maintenant est la question de la régulation de ces groupes. Là, on
va sortir de ce cadre sociologique pour aller vers la problématique plus juridique du pluralisme
en se posant la question de la régulation de ces groupes. On s’interrogera dans un premier
temps sur la réalité du pluralisme juridique (I) avant de se focaliser sur son opportunité (II).

Section 4 : Réalité et opportunités du pluralisme juridique ?


Plusieurs questions :

- Les groupes sont-ils auto-régulés ?


- Ces normes sont-elles du droit ? Situation de pluralisme juridique ?
- Opportunité et organisation du pluralisme juridique dans un État de tradition moniste?

Paragraphe 1 : Réalité d’une normativité plurielle ?


Est-ce qu' il existe en France une normativité plurielle, à comprendre des groupes générateurs
de normes qui leur sont propres ?

Le 1er travail anthropologique est de découvrir si l’ethnie possède une régulation interne, et
donc mettre en évidence une régulation qui n’est pas étatique.

Par exemple :
- Les fédérations sportives ont leurs codes et leurs règlements. La fédération elle-même
va produire ses propres normes et codes.
- Il y a également les communauté néo-rurale apparues dans les années 1968 qui
visaient à réunir un certain nombre de personnes pour vivre ensemble s’étaient
constitué en réaction contre l’individualisme ambiant, et elle s’était constituée sur la
base du refus du droit et de toute contrainte étatique. Ces communautés-là finissent
elles-mêmes par générer une sorte d’auto-régulation spontanée.
- La MAFIA du milieu, qui a une régulation interne extrêmement intéressante à étudier
et autres groupes marginaux
- La prison
- Les Églises et les sectes peuvent réguler mais réguler au-delà de ça la vie matérielle
et sociale. La communauté Amish est marginalisée par l’impact religieux dans leur vie
sociale. Le droit canonique constitue un ordre juridique qui peut entrer en conflit avec
l’ordre juridique étatique : interdiction de divorcer ou d’avorter.
- Ordres professionnels : la déontologie, règle qui émane des ordres professionnels,
elles ont vocation à réglementer une profession, par exemple la déontologie de l’ordre
des avocats, des médecins, des architectes..

Un autre exemple : celui de membres de communautés d’immigrés qui continuent d’observer,


indépendamment de leur naturalisation l’obtention de la nationalité française, les règles de
leur droit d’origine.

La pratique de la remise de dot peut se superposer aux codes du mariage du Code Civil, on
altère pas la substance du mariage. En revanche la pratique d’excision des femmes est
condamnée par l’Etat Français comme une mutilation, et cela est pénalement sanctionné.

Il y a également un droit ancien qui continue à se perpétuer par le biais d’un groupe : le
pluralisme de survivance (exemple du Pays-Basque et du Béarn). Le principe d’égalité entre
les héritiers n’est pas respecté parce qu’il se heurte à d’anciennes coutumes de survivance.

Les groupes marginaux ont tendance à reproduire très fidèlement des normes qui sont très à
l’image du modèle étatique.

Cf : attention particulière à la MAFIA et aux francs-maçons français.

L’intégration suppose une coupure avec la terminologie, cette famille d’origine est sûrement
simplement reniée.
Cette intégration se fait par un rite puisqu’il s’agit d’un duel rituel à l'issue duquel le postulant
doit voir le sang de son adversaire car il y a là la symbolique d’une renaissance au sein.
D’une nouvelle famille, d’une nouvelle fraternité.

3 grandes fautes de transgression que sont la troupe mile, la famille et la tâche


d’honneur. Ce code est axé sur ces 3 grandes fautes majeures.

Il y a également une règle fondamentale qui est mentionnée qui est la « loi du silence ». Là
aussi on peut extrapoler un petit peu : loi du silence sur tout ce qui concerne la société sur
la société.
Cette loi a pour finalité de limiter les interactions éventuelles entre la mafia et des ordres
concurrents (=la famille d’origine et surtout limiter les interactions avec l’ordre étatique car
quelque soit la forme de l’ingérence de la famille ou de l’état et bien cela pourrait
compromettre l’existence et la survie.On a imposé cette règle de protection qui est
lourdement sanctionnée).

La justice : On a un code, des règles et au delà de ça des juridictions : 2 types de juridictions


qui interviennent en fonction de l’acte à juger :
- La première est compétente pour juger les transgressions les plus lourdes : Le
tribunal d’immunité. Il faut que les membres soient humbles. Le tribunal est
composé de 12 membres tous issus de l’aristocratie de cette société qu’on
appelle les favorites, donc ce sont des membres éminent de la société qui
composent ce tribunal
- Le corps de société composé de membres inférieurs, de dignité inférieure.

Celui qui comparaît devant ces juridictions à le droit à un défenseur et celui qui va être jugé
accepte par avance de ne pas faire appel de la décision et donc d’accepter la sentence qui
va être rendue.

Les peines sont de différentes sortes :

- La mort : notamment lorsqu’on brise la « loi du silence » ou lorsqu’on commet l’une


des 3 fautes.Lorsque la sentence de mort est prononcée, il faut qu’elle soit
exécutée.On va désigner (tirage au sort) un exécuteur, si il refuse il sera lui-même
exécuté.
- Peines d’épurations sociales = peines d’exclusions qui visent à exclure le fautif de
la société, une forme d’ostracisme.
- Marque dans le dos faite au couteau pour le lâche : forme de peine réfléchissante
qu’est en elle-même révélatrice de celle qui a commis la faute.
- Pour les fautes moins graves il y a des peines conviviales ce qui renvoie littéralement
à l’idée de vivre ensemble donc de ne pas rompre le lien avec la société et la
famille.Mais ces peines dites conviviales peuvent conduire à une forme d’ostracisme
mais temporaire et on met en même temps à l’épreuve celui qui est exclu.On va voir
si il est ensuite en capacité de réintégrer la société.Cette mise en épreuve va
également se fonder sur l’amendement qui est lorsqu’on recherche pour le
délinquant, une amélioration sur le comportement de ce dernier.Si le délinquant c’est
amendé, amélioré, alors il peut être réintégré.

Pour les peines lourdes donc : peines d'épurations qui tentent de guérir le corps de la société
soit par la mort soit par l'exclusion définitive.

On a des peines correctrices qui visent à guérir les délinquants de la société. On a une
normativité infra-étatique et une très proche du modèle étatique.
Groupe intégré : La franc maçonnerie

Terminologie: On a un groupe qui va se nommer « ordre maçonnique » ou « société


maçonnique », on retrouve l’idée d’une société dans la société et en même temps on va
retrouver un groupe structuré, ordonné, régulé puisqu’il se qualifie d’ « ordre ».

L’ordre maçonnique est divisé en différentes loges (sous groupes) qui correspondent à
différentes obédiences qui vont se différencier et se distinguer -.Ces loges sont elles-mêmes
organisées et structurées.

Enfin il y a des règles de régulations internes et un corps de normes qui sont ici distinctes
de la loi civil et de la loi de l'État.

Il y a aussi un rite d’intégration quelque soit les modalités : on va passer de l’état de profane
à l’état d’initier et ce passage va faire entrer le postulant dans la fraternité maçonnique.Dans
une certaine mesure on a une intégration donc dans une nouvelle famille qui n’implique pas
la rupture avec la famille initial contrairement à la mafia.

En ce qui concerne les règles de la grande loge nationale française, elles se déclinent en
12 articles. Des obligations qui vont conditionner la cohésion de la loge.Cette cohérence
est fondée sur le respect de chacun et le respect de la loi nationale.

Article 12 : Rappelle le devoir de la fraternité « les francs maçons se doivent mutuellement


aide et protection fraternelle même au péril de leur vie ».

Que se passe-t-il lorsque l’aide fraternelle devient contraire à la loi nationale ? Quand il y a
cette contradiction, qu’est-ce qui doit l’emporter ?

Les sanctions sont prononcées par des comités disciplinaires à différents niveaux :
national, international…
On a un profil suffisamment étoffé pour se rendre compte que la loge en question est bel et
bien dotée d’un mode de système de régulation internet.

L’état n’a pas le monopole de la production normative, il existe si on le précise, dans l’état
où en marge de l’état, des groupes qui sont organisés, structurés (groupes intermédiaires,
secondaires, infra-étatiques) qui édictent des normes spécifiques bien structurées.

Ces normes sont-elles du droit ?

Sur ce point il n’y a pas vraiment de consensus.

Les juristes, les sociologues, les anthropologues n’ont pas la même appréhension du
droit.Redéfinir le droit c’est plutôt l’idée d’explorer les différentes acceptions du droit, cela
renvoie aux objectifs de proposer une nouvelle façon de penser le droit, de proposer le droit.
Dans le langage anthropologique on distingue le droit officiel (droit de l’état) et le droit caché,
officieux qui est le droit, les normes et maintenant secondaire.Ces droits cachés tels que les
normes sont-ils vraiment du droit ? Les juristes pensent que non, les sociologues et les
anthropologues pensent que oui. : cette normativité infra-étatique relève de la juridicité. Cette
normativité ouvre sur le pluralisme juridique.

Paragraphe 2 : Redéfinir le droit ?


1) Les juristes contre le pluralisme

Il faut partir de ce que les juristes considèrent comme étant le critère de la juridicité, qu’est-
ce qui fait qu’une norme est du droit ?
Le critère de la juridicité pour les juristes c’est la sanction étatique de la norme en
question. La règle de droit est une règle de conduite sociale dont le respect est assuré
par l’autorité public, c’est à dire sanctionné par la puissance public étatique.
A partir de ce critère, les juristes vont distinguer deux types de régulations à propos des
groupes secondaires.

a) Les ordres normatifs infra-étatique qui dépendent indirectement de l’état


et de sa sanction

Il s’agit de groupes dont les règles sont sanctionnées par des organes qui sont une
émanation de ces groupes donc ils ne sont pas étatiques. L’état semble en apparence exclu
du processus mais seulement d’apparence car il intervient indirectement. Il s'agit de groupes
ou d’ordres intégrés, c’est à dire qu’ils sont des groupes reconnus par l'État et sanctionnés
par l'État. 3 exemples :

- Les règles déontologiques qui régissent certaines professions dites règlementées qui
se donnent à eux-même des règles de conduites dans l’exercice de leur profession.
(ordre des médecins, des avocats, des architectes…) donc = normativité infra)-
étatique
- Les fédérations sportives qui ont leurs propres règles qui vont leur permettre de régir
tout ce qui relève de l’organisation et des activités sportives. Ce sont les fédérations
elles-mêmes qui donnent leurs règles.

Les critères de la sanction par rapport aux ordres professionnels : Il existe des sanctions à
l’encontre des ordres professionnels, ces sanctions sont prononcées par les institutions de
l’ordre (médecins, avocats..) et prononcées par des commissions de discipline qui existe au
niveau national et régional et elles sembles ici échapper à l’état. Sauf qu’il existe des recours
éventuels contre ces décisions, ces sanctions qui sont portées devant les juridictions
étatiques (judiciaires ou administratives). La sanction finale ou dernier ressort est étatique.

Pour les fédérations, il existe également des juridictions, une justice sportive qui va être
chargée de prononcer les sanctions contre les sportifs, agents ou autres qui contreviennent
aux règles de ces fédérations. En apparence, il y a une autonomie des règles et de la sanction
sur qu’on peut attenter et avoir recours devant les tribunaux étatiques de sorte que la sanction
ne soit plus autonome et devient étatique.

- Les associations (comme la franc maçonnerie) se donnent leurs propres règles sous
la forme de statut et elles édictent des règles qui doivent donc être homologuées par
l’Etat et donc qui sont intégrées à l’ordre juridique étatique et là encore ces règles
sont reconnus par l'Etat sans en être l’émanation. Les sanctions qui pourraient être
prononcées par les organes de ces associations peuvent elles aussi être remises
en cause par la justice étatique.

L’ordre juridique étatique surplombes donc ces règles, on ne peut donc pas parler de
pluralisme juridique car ces règles, sans être une émanation directe de l’Etat (elles ne
trouvent pas leur source dans la loi) n’en relève pas moins du droit de l’état car elles sont
reconnus et sanctionnées par l’état.

Certains auteurs, pour illustrer cette espèce d’idée d’un ordre juridique étatiques qui
surplombes la normativité, parlent d’ordre intégré.
Il ne s’agit pas de pluralisme juridique puisque ces groupes sont complètement intégrés à
l’ordre étatique.
b) Les ordres normatifs non reconnus par l’état

Les normes qui régissent les membres du groupe ne sont pas du droit car il n’y a pas de
sanctions étatiques. Ces règles peuvent être sanctionnées par des organes internes mais à
aucun moment elles ne peuvent être sanctionnées directement ou indirectement par l'État.

Jean Carbonnier évoque un « sous-droit » ou un phénomène « infra-juridique » ce qui signifie


que cela ressemble au juridique, que ça a l’apparence du droit, de la juridicité mais qui n’est
pas du droit.

Exemple :

- Les lois de la mafia ou autres du même style échappent à l’état et ne sont à aucun
moment mises en oeuvre ou appliquées par les tribunaux étatiques, en revanche
elles sont mises en oeuvre par des organes qui sont ceux du groupe, de
l’organisation.Il y a des sanctions internes et ce sera la même chose pour n’importe
quelle régulations infra-étatiques dissidentes.

CONCLUSION :

Le critère de la sanction étatique apparaît comme étant décisif pour identifier le droit, cela
va également permettre de rejeter le principe d’un droit infra-étatique (rejeter le pluralisme
juridique).

Pourquoi ? Soit car l’ordre normatif secondaire est intégré à l’ordre juridique étatique et
donc sa régulation est considérée comme relevant de l'État indirectement. Dans ce cas,
on a un ordre juridique unique, celui de l'État.

Soit l’ordre normatif secondaire est dissident et dans ce cas ces normes ne sont pas du
droit et dans ce cas on a un ordre juridique unique, celui de l'État.

Donc le droit des juristes intimement lié à l’état par le critère de la sanction, ne peut pas
être pluraliste. Cela ne veut pas dire que les juristes nient l’existence des ordres normatifs
infra-infra étatiques mais par contre ils ne leur reconnaissent pas la qualité d’ordre
juridique autonome, c’est du droit mais du droit relevant de l'État.

2) Approche sociologique du droit

Pour les sociologues un ordre juridique se reconnaît à travers ces 4 critères :

- Il faut qu’il y ait un ensemble de règles acceptées par les membres d’un groupe (au sens
d’unité sociale).

- Il faut qu’il y ait des agents ou des appareils au sein du groupe qui soient compétents
pour élaborer les règles, pour les interpréter, pour les appliquer et les faire respecter. -
Ces appareils doivent être légaux, leur autorité doit être reconnue par les membres du
groupe.

- Les règles et les agents doivent être stables stabilité des règles et des agents).

Approche qui ouvre le champ de la juridicité à tous les ordres, « intégrés » et «


dissidents » : mafia, sectes…deviennent des ordres juridiques.

3) Approche et définition anthropologique du droit


Les anthropologues s'éloignent du critère de la sanction étatique, on a une distance avec
le critère de la sanction étatique.Le rôle sanctionnateur peut être attribué à des appareils
non étatiques mais qui émanent du groupe, qui est reconnus par les membres du groupe.

-> Dans les sociétés traditionnelles : les anciens du clan, les esprits des ancêtres jouent
ce pôle de sanction (visible ou invisible : surnaturel). Système organique structuré mais qui
émane du groupe malgré tout.

-> Dans les société modernes, groupes avec système de sanction autonome.Certains
groupes disposent de leur propre mode de sanctions, leur propre système de sanctions
autonomes.
- Sectes, Mafia, Détenus.

G.Rocher, « pour une sociologie des ordres juridiques », Les Cahiers du droit.
Il dit : “Franc-maçonnerie, ordres professionnels et défécations sportives :s’agissant de cela
sanction on a une autonomie relative car certes ces groupes mobilisent leurs propres outils
ou agates sanctionnateurs mais il existe malgré tout au dessus de cela des institutions et
des tribunaux étatiques.”
Mais pour les anthropologues, quelque soit la sanction, c’est une règle.
L’anthropologie va prendre également ses distances avec le critère de la sanction tout court
en proposant une définition de la sanction du droit qui ne prend pas du tout en compte la
problématique de la sanction de la règle. Leur définition du droit est fonctionnelle et elle a
une vocation, une portée universelle, c'est-à-dire que cette définition à vocation à
s’appliquer à toutes les sociétés et tous les groupes quels qu’ils soient.
Définition fonctionnelle du droit, à vocation universelle (sociétés traditionnelles et
modernes).
Le droit serait (la régulation que) chaque société ou certains de ses groupes (chaque
« unité sociale ») considère comme indispensable à sa cohérence et à sa reproduction
(pérennité).
-> Définition fonctionnelle
Juridicité conditionnée par gaz fonction de la règle : assurer la cohérence (cohésion) et la
pérennité du groupe car le droit n’existe et n’est identifiable que par sa fonction (les fonctions)
dans « l’unité sociale » considérée. La première fonction est d’assurer la cohérence
(=cohésion sociale) et la deuxième fonction est la reproduction qui peut se traduire par la
pérennité du groupe, la permanence des règles qui vont permettre à la fois aux gens de vivre
en harmonie et en même temps de préserver la pérennité et la permanence de ce groupe.
-> Définition universelle
Car elle est utilisable et valable pour tous les modèles de société ou de groupes dont la
régulation répond à ces deux fonctions.

C’est une définition qui permet d’échapper à une vision exclusivement étatique du droit et
cela permet d’inclure dans le droit ou de qualifier de juridique des normes qui émanent
de très nombreux groupes secondaires.
On peut tirer de cette définition un troisième élément qu’ils considèrent comme indispensable
c’est la croyance du groupe. Insister sur la croyance du groupe en la nécessité de la
norme.C’est une acceptation collective, implicite qui donne à la règle sa fonction obligatoire
et donc sa juridicité.C’est l’élément psychologique. Cet élément va permettre de définir la
juridicité de la norme.
Cette juridicité est conditionnée à la fois par les finalités et fonctions de la règle (cohésion et
la pérennité) et enfin par la conviction (collective) de la nécessité de la règle (élément
psychologique).
Cette définition nourrit les théories du pluralisme juridique, elle lui laisse toutes ses
chances.

Cette définition va émettre des critiques :

- La première c’est qu’on assimile à du droit la régulation des groupes marginaux (qui
ont des valeurs nocives qui ne sont pas celles de la société). Exemple : assimiler les
règles de la mafia. Cette assimilation choque. Ce à quoi les anthropologues
répondent que l’identification d’un ordre juridique infra-étatique n’implique pas sa
légitimation et n’exclut pas de le combattre.

De telles critiques renvoient à l’opportunité du pluralisme juridique.

Paragraphe 3 : Opportunité du pluralisme juridique


On se demande si une telle conception du droit (fonctionnelle) est-elle pluraliste ? Opportune
?

Pour répondre à cela on doit examiner quelles peuvent être les finalités, les enjeux et
peut être imaginer les modalités du pluralisme juridique dans nos sociétés?

1) Finalité

Réalité sociale pluraliste (différent du modèle homogène et uniforme de la Révolution).

Cette diversité sociale et culturelle peut devenir source de tension, source de conflit et donc
cela implique de compromettre la cohésion sociale qui est pourtant le but recherché.

Exemples : Coexistence de populations d’origines différentes et la coexistence de


confessions religieuses différentes peuvent être source de conflit.

Reconnaître le pluralisme = accepter les différences dans une société pluri-culturelle et


cela implique de cultiver la tolérance comme une valeur fondamentale.

Le monisme lui va nier et tenter d’effacer les différences.

L’idée est, par cette reconnaissance de la pluralité, d’essayer de restaurer l’harmonie,


l’équilibre, la cohésion, facilité la cohésion sociale et cela en réduisant le plus possible les
tensions.

La/les finalité(s) du pluralisme est d’essayer de faire coexister les différences (de manière
pacifique et harmonieuse) au lieu d’exacerber et d’exiger les antagonismes.

La finalité est également de rassembler et non pas de cloisonner la société. Pour


autant, il ne faut pas se voiler la face, le pluralisme n’est pas exempt de toute danger.

2) Les enjeux
Dans les sociétés diversifiées, il y a deux manières d’envisager, d’appréhender et de
gérer les différences :

- Imposer l’uniformité : c’est le faire à partir d’un modèle dominant. On va ici nier les
différences et en particulier les identités culturelles et autres des minorités.
- Reconnaitre le pluralisme : Tenter de réaliser « l’unité dans la diversité » (N.Rouland).
Quels sont ici les enjeux ?
a) Les enseignements de l’histoire

Les enseignements de l’histoire nous montrent que le choix d’une diversité reconnue est
respecté et admise par l'État et elle facilite la coexistence de peuples différents.

Exemples : La coexistence des peuples différents sur un même territoire avec le système de
la personnalité des lois dans l’époque Franc.

L’empire romain (en dépit du fait que Rome avait la loi de l’empereur) laissait vivre les droits
locaux, les droits du peuple agrégés à l’empire. Le pluralisme géographique coutumier en
France, dans le royaume de France, qui a permis de reconnaître des identités juridiques
locales (ce qui n'a pas trop mal fonctionné pendant des siècles même si la royauté a tenté
de maîtriser cela).

b) Les risques de l’uniformité imposée

On parle d’assimilation forcée pour ce système là.Cela peut conduire à la division, la


désunion de la société.On se dit qu’en uniformisant tout le monde ça marchera sauf que
cela peut devenir un facteur, un élément de division car cette uniformisation (culturelle
d’abord et ensuite juridique) peut être vécu par les groupes visés, comme une aliénation(=
enlever, arracher…) identitaire parfois brutale.

Le modèle dominant imposée est celui de la majorité, du groupe dominant, qui va être imposé
aux minorités et par conséquences les minorités peuvent vivre cela comme une aliénation
identitaire et ensuite s’exclure ou se sentir exclu de la société globale.C’est une situation qui
peut engendrer des résistances, des rébellions, des crispations identitaires.

-> En ce sens :

Montesquieu se démarque de la vision moniste (promue par les lumières).


« Il y a certaines idée d’uniformité qui saisissent quelquefois les grands esprits (…) mais qui
frappent infailliblement les petits.Ils y trouvent un genre de perfections (…); les mêmes poids
dans la police, les mêmes mesures dans le commerce, les mêmes lois dans l’est, la même
religion dans toutes ses parties”.

Mais cela est-il toujours à, propos sans exception ?(…) La grandeur du génie ne
consisterait-elle pas mieux à savoir dans quels cas il faut des différences ?(…) Lorsque
les citoyens suivent les lois, qu’importe qu’ils suivent la même? »

c) Les dangers du « tout pluralisme »

Le « tout pluralisme » serait de reconnaître et valoriser ainsi qu’accepter toutes les


différences. A cela, n’y a-t-il pas un risque ?

Les risques :
- Le premier serait celui de l’éclatement de la société et à l’apparition d’une société
de société où chacun vit entre soi, sans cohésion, sans harmonie.Ce qui pourrait
conduire au deuxième risque.
- Des nouveaux clivages.
- Nier/Oublier l’identité culturelle de la société globale.

On vise l’identité commune, un socle commun de valeurs de référence qui constitue cette
identité et autour desquels doit se réaliser l’union et la cohésion.

On peut en arriver au stade que cette identité commune qui fonde une culture pourrait être
un moment donné complètement submergée par les identités différenciées.La société
devient ainsi mosaïque, sans lien avec les autres.

Cela montre que le « tout pluralisme » quand on le pousse trop loin, présente des dangers
et que ainsi, l’option du pluralisme peut être envisagé mais de manière mesuré, nuancé.

En quoi pourrait consister le choix d’un pluralisme mesuré, nuancé ?

3) Le choix d’un pluralisme « mesuré »

Ne pas reconnaître toutes les différences car certaines valeurs des groupes secondaires
avèrent être incompatibles avec celle de la société globale et que les antagonismes de
valeur génèrent nécessairement des conflits.

Il se trouve quand même que le but est de construire un système harmonieux qui fonctionne
dans la cohésion.

La solution et le choix du pluralisme mesurer constater dans un premier temps :

- Préserver l’identité de la société : préserver les valeurs fondamentales de cette


société, autour desquelles doit se réaliser l’union.
- Pluralisme « sélectif » : différences, groupes, valeurs « compatibles ».

a) Différences compatibles avec les valeurs de la société globale

Identification des valeurs de référence : droits fondamentaux de l’homme (constante : THE


critère). Toute norme, tout groupe infra-étatique ne peut être reconnu.

Ex : Québec → le code civil a intégré les adoptions coutumières

Le pluralisme juridique est un outil opératoire efficace pour la reconnaissance des droits
des minorités et des peuples autochtones.

- Le pluralisme juridique à un rôle décisif de la communauté internationale (ONU).


- La position de la Fr à l’égard des peuples autochtones : pendant la colonisation →
reconnaissance d’un droit coutumier familial (statut personnel).
- Principe du maintien du droit coutumier, maintenu pour les populations des
anciennes colonies (DROM et COM) Ex : Mayotte, Nouvelle-Calédonie, Wallis et
Futuna.
- Choix du régime juridique en matière familiale (Code civ ou coutumes)

FOCUS SUR : Nouvelle Calédonie - Communauté Kanak : reconnaissance du droit


coutumier traditionnel à côté du code civil (loi française). Elle a donc un statut particulier.
Elle a le choix entre :

- droit français
- coutumes trad (personnes, famille, B)

La France reconnaît d’autres droits que celui de l’Etat.


Attention, elle reconnaît ces droits infra-étatiques mais à titre exceptionnel : On a une
exception pluraliste qui est reconnu constitutionnellement dans un système qui demeure
moniste, dont le principe reste le système moniste légaliste (article 75 qui concrétise et
matérialise cette reconnaissance exceptionnel du pluralisme en France).

Système juridique mixte : Objectifs :


- Préserver l’identité culturelle et juridique et affirmer le respect de la tradition. - En
même temps leur permettre de s’inscrire dans la modernité en leur offrant le choix de
se soumettre au Code civil français.
C’est ce qu’on retrouve partout (États-Unis,Canada…), on comprend que l’uniformité
imposée à ses limites lorsqu’on est confronté à des populations comme Autochtone qui ont
une identité culturelle qui leur est propre.
Si on analyse et prolonge le raisonnement, quels pourraient être les
avantages ? Avantages du régime pluraliste (minorités, groupes
différenciés)

- Les avantages pourraient éviter les crispations identitaires.


- Le communautarisme
- Empêcher un phénomène d’exclusion sociale, de rejet social : rejeter en marge de la
société ces communautés, ces groupes, ces minorités.
- Faciliter l’intégration dans la mesure où aucune identité culturelle n’est vraiment
occultée.

Ce serait finalement et peut-être, faire un pas vers la cohésion sociale et un contexte qui n’est
pas tout le temps tendu (mais qui peut l’être).
Cela sur la base d’un seul critère : la compatibilité des différences et des valeurs à partir de
ce référent que constituent les droits fondamentaux.

b) Différences incompatibles avec les valeurs de la société globale

C’est une hypothèse dans laquelle les différences (groupes) sont perçues comme des
antagonismes insurmontables dans la mesure où ces groupes sont fondés et fonctionnent
à partir de valeurs qui s’excluent les unes des autres et qui sont complètement incompatibles
avec celles de la société globale.
Dans un contexte comme celui-là, le pluralisme en général et juridique en particulier devient
difficile à envisager et même impossible à envisager.
Valeurs incompatibles :
- Les lois du Milieu = droit.
- Valeur d’un groupe « dissident », criminel : Il suffit de constater que les valeurs des
groupes criminels sont absolument incompatibles avec celles de la société puisque
précisément ce sont les valeurs d’un groupe criminel qui prônent les atteintes aux
biens des personnes.
- Identifier un ordre juridique infra-étatique n’est pas synonyme de légitimation.
- Rôle de l’Etat : Un rôle décisif dans la mise en oeuvre de ce qu’on appelle le «
pluralisme mesuré » « le pluralisme modéré » donc le rôle de l’Etat serait de faire le
trie et de reconnaître à ce moment là ou bien de combattre les différents ordres
juridiques qui pourraient prétendre à exister. L‘Etat dans ce processus pourrait avoir
un rôle de coordinateur.
- Statut civil coutumier aux principes constitutionnels et aux droits fondamentaux :
l’exemple de Mayotte (Loi du 21 juillet 2003 et ordonnance du 3 Juin 2010).
A Mayotte comme en Nouvelle Calédonie il y a un statut civil coutumier mais il est apparu
que ce statut civil coutumier pourrait s'avérer contraire aux principes constitutionnelles et
aux droits fondamentaux. L’Etat s'est rendu compte que certaines dispositions du statut civil
coutumier pouvaient être contraires aux principes constitutionnels et aux droits fondamentaux
donc il a fait le trie et a exécuté son rôle de coordinateur. A Mayotte, bien des populations
locales ont une option de droit, elles peuvent choisir d’obtenir le statut civil de droit
commun ou bien le statut personnel de droit local (droit très largement influencé par le
droit musulman).
Ce statut personnel de droit local avait des dispositions qui étaient contraire aux principes
constitutionnels (et de la CEDH) donc elles ont étaient écarté et abolies par la loi française :

Exemple : Elle a abolie la polygamie, la répudiation, la discrimination dans la dévolution des


successions (supprimées par la loi de 2003).
Juridiction des cadis supprimée (ordonnance de 2010 : elle supprime cette juridiction des
cadis qui sont les juges musulmans car son fonctionnement ne répondait pas aux juridiction
des droits de l’homme).
Fiche en ligne.

4) Modalités du pluralisme juridique

Mise en œuvre du pluralisme juridique « modéré » en laissant tomber le cas du « tout


pluralisme » Comment le mettre en œuvre ?

Réfléchir à la mise en œuvre suppose au préalable d’envisager les obstacles théoriques.


Quels sont-ils ?
Le principal obstacle du pluralisme en France c’est le principe d’égalité
civil.
a) Pluralisme juridique et égalité civile.

Hypothèse :
- Individu membre de la société globale qui relève de l’ordre juridique étatique mais…
- Cette individu est membre d’un groupe secondaire infra-étatique dont on imagine qu’il
est compatible avec la société globale et qui fonctionne sur la base de valeurs qui
sont conformes aux principes fondamentaux.
Remise en cause du principe de l’égalité civile?
Quelles pourraient être les solutions envisagées ?
Les modalités de mise en oeuvre du droit étatique :
- 1ère solution : L’exception constitutionnelle -> On utilise cette technique.
L’article 75 de la constitution prévoit cette possibilité.Pourquoi ce n’est pas incompatible
avec l’égalité civile ? Car on a dans la constitution un article qui pose le principe de l’égalité
civile et un autre qui pose l’inverse : le pluralisme juridique. Le principe reste le monisme
juridique (c’est ce que nous dit la constitution) ce qui veut dire que l’ordre juridique étatique
reste la norme applicable à tous les membres de la société globale.Mais à titre exceptionnel
on reconnaît l’existence d’un ou plusieurs statuts juridiques différenciés à tel ou tel
groupe.
On peut en conclure que le principe constitutionnel de l’égalité civil est sauvé (sauvegardé)
car son exception est inscrite dans la constitution, elle est reconnue dans la constitution. En
droit, on peut reconnaître un principe ainsi que l’exception à ce principe, il faut juste que le
principe et l’exception soient de même valeur juridique, au même niveau.
- 2ème solution : Droit supplétif et technique de l’option de droit.
Exemple des régimes matrimoniaux :
Le droit commun (celui de la société globale) s’efface devant un droit secondaire (celui
d’un groupe) :
Les ordres juridiques secondaires cohérent avec le droit commun mais ce droit commun (celui
de la société global étatique) peut s’effacer éventuellement (non pas disparaître) et céder la
place devant un droit spécifique (celui du groupe ici) à une condition : si les sujets optent pour
ce droit secondaire, s'ils en font le choix.
Conclusion du droit commun :
Dans un domaine donné, par exemple en droit de la famille ou un segment du droit de la
famille, le droit commun (celui de la société globale, le droit de l’Etat) pourrait s’effacer devant
un droit spécifique qui serait celui d’un ou des groupes à condition que les membres de ces
groupes en fassent le choix.
b) Les modalités du pluralisme juridique: solutions empiriques
En regardant comment les choses ont été faites ailleurs, on peut constater que les voies du
pluralisme juridique sont éminentes, variables et différentes en fonction des sociétés car il n’y
a pas deux sociétés semblables dans leurs composantes, ni même deux sociétés
semblables dans le rôle qu’elles attribuent à l’Etat (il a un rôle à jouer dans l’aménagement
du pluralisme).
Donc chaque société au fond apporte sa solution au cas par cas au pluralisme juridique en
fonction de ses besoins et c’est en cela qu’on peut parler de solutions empiriques (lorsqu’on
répond à un besoin par la création d’un outil qui est nécessairement adapté à ce besoin).
Il n’y a pas finalement de solutions théoriques générales. On peut cependant proposer un
certain nombre de pistes qui tiennent compte des spécificités françaises.
Le pluralisme juridique serait une solution possible au problème des minorités, et plus
généralement du « vivre ensemble » et permettrait à la diversité culturelle de s’exprimer sur
le plan juridique.Il y a évidemment et très certainement d’autres solutions à proposer.
Reconnaissance d’identités juridiques différenciées :
Conditions :
- Il faut que les groupes ou minorités concernés par ce pluralisme juridique soient «
compatibles » avec la société globale : Il faut que les droits des minorités en
question respectent les droits de l’Homme et les libertés fondamentales tels qu’ils
sont reconnus au niveau national et international et qu’ils soient en conformités
avec la convention européenne des droit de l’Homme.
- Il faudrait que ces groupes et minorités soient représentés : D’abord représentés par
des institutions acceptées et agréées par tous les acteurs, càd à la fois par les
membres du groupes et par la société globale.Il faut que tout le monde soit d’accord
sur cette représentation.

Pourquoi cette représentation ? Car elle vise à faciliter le dialogue entre les acteurs ( les
groupes concernés et l’Etat).

- Technique de « l’option de droit » : Reconnus par la constitution car sinon cela risque
de poser problème (article 75).

Il faut que les membres groupes aient le choix soit de se soumettre à une entité juridique
unique (celle de la société globale, donc de se soumettre seulement à l’ordre juridique
étatique et au droit civil) soit adjoindre et ajouter (non pas substituer) à cette identité
juridique, un identité juridique secondaire -> Celle du groupe auquel appartient l’individu en
question. (C’est ce qui se passe pour les canaques en Nouvelle-Calédonie).

Juridictions compétentes : Pour trancher les litiges relevant de ce droit secondaire.

La mise en œuvre du pluralisme passe par tout ça et donc il faut un grand ordonnateur qui
doit assumer ce rôle : C’est l’Etat.

c) Le rôle de l’Etat

Cette référence à l’Etat nous amène à faire une distinction entre le pluralisme juridique «
voulu » et le pluralisme juridique « vécu ».

Distinction :

- Le pluralisme juridique “voulu”, ordonné, officiel, dans lequel le droit infra-étatique est
effectivement reconnu par l’Etat (les ordres juridiques sont ici complémentaires).
- Le pluralisme juridique « vécu », subi, officieux car le droit infra-étatique va rester dans
ce système là un droit caché, et il n’est pas reconnu par l’Etat mais il s’exprime à
travers la résistance des membres de certains groupes au droit étatique ce qui nous
renvoi à ce que les anthropologues appelles le « système des pratiques » de sorte
qu’effectivement les deux ordres juridiques (de l'Etat et du groupe) ne sont plus du
tout complémentaires. (ordres juridiques concurrents, le plus souvent antagonistes).

Hypothèse du pluralisme « voulu » : c’est dans cette hypothèse que l’Etat va être appelé à
jouer un rôle d’organisateur et de coordinateur.

Il ne s’agit pas d’exclure l'État de ce processus de différenciation


juridique. Feuille de route de l’Etat (fictive) :
- Identification des groupes : groupes secondaires postulants, ceux qui voudraient
être reconnus et ceux qui revendiquent un statut juridique différencié.
- Evaluation de la compatibilité : Avec les valeurs de la société globale (recours
au droit de l’homme, à la liberté fondamentale reconnue constitutionnellement)
- Sélection : Des groupes qu’on va qualifier « d’éligible », ceux qui vont pouvoir
bénéficier de ce statut différencié
- Processus de représentation des groupes : .Ces groupes devraient être
représentés donc il faudrait créer un processus de représentation.
- Dialogue : Ces groupes eux même se donnent une représentation institutionnelle
pour faciliter le dialogue engagé entre l’Etat d’une part et les coupes d’autre part
après avoir été reconnu comme éligible.
- Délimitation des champs : Dans le cadre de ce dialogue il faut parvenir à délimiter
les champs juridiques concernés par cette reconnaissance d’un statut spécifique.(
exemple : Ensemble ou une partie des droits de la famille.)
- Choix d’une modalité (exception ou option de droit) : Il faut essayer de choisir et
mettre en œuvre une modalité particulière de ce droit différencié.
- Réflexion sur les compétences juridictionnelles : Engager une réflexion sur
l’organisation judiciaire et les compétences juridictionnelles : comment régler
les conflits et les différends relatifs à ce régime spécifique ? Avec quelle
juridiction ? Quel juge ?

C’est le grand chantier du pluralisme juridique, un chantier qui ne nous est pas tout à fait
inconnu puisqu’il a déjà été entrepris pendant la colonisation et au-delà dans les anciennes
colonies qui sont devenues des territoires et régions ainsi que collectivité d’Outre-Mer
(Nouvelle-Calédonie Mayotte…).
Ce chantier est particulièrement complexe, coûteux, lourd et extrêmement difficile pour
toutes ces raisons matérielles ainsi que pour des raisons culturelles qui risqueraient de
susciter beaucoup d’oppositions.

Conclusion :

Si on entreprend cela on se heurterait à l’hostilité des juristes pour plusieurs raison :


- L’attachement historique au système moniste : cette grande histoire est longue
qui met en évidence que le moment révolutionnaire à été décisif de ce point de
vue.
- Principe d’égalité civile : On est farouchement attaché à ce principe qui est l’un des
obstacles à la reconnaissance d’identités juridiques différenciées (c’est
L’OBSTACLE).
- Mentalités : En France on a eu certaine perception des différences « négative », c’est
à dire que les différences sont vécus comme une sorte de division, de désunion et
donc on voit ces différences comme des obstacles insurmontables (on arrive pas à
imaginer intégrer ces différences dans la société globale au lieu de voir ces
différences comme un moyen, par le biais d’intégration, de réaliser l’unité dans la
diversité. On préfère nier les différences plutôt qu’essayer de les intégrer et pourtant
en regardant autour de nous, vers des horizons un peu plus lointains, on se rend
compte que de nombreuses sociétés sont aujourd’hui régies par le pluralisme
juridique.)
Chapitre 2 : Acculturations juridiques et modalités du pluralisme :
L’exemple de l’Afrique subsaharienne

Pourquoi l’Afrique ?

L’expérience de leurs sociétés est purement pluraliste en raison d’un modèle juridique pré-
colonial (droits religieux + droits populaires) qui été lui même pluraliste et c’est parce que
cette partie de l’Afrique a connu une pénétration de droits étrangers qui ont exercé une
influence sur les sources originelles des droits africains qu’on qualifie d’endogène ou
d’autochtone.

L’ensemble juridique pré-colonial est composé de coutumes originelles diverses et propres à


chaque société. Ces coutumes ont été plus ou moins influencées par la pénétration assez
précoce du droit religieux et en particulier du droit islamique qui remonte à très loin (7e siècle).
Cette période pré-coloniale va voir se mêler les coutumes originelles au droit islamique et on
va donc parler d’intégration entre le droit religieux et le droit populaire.

Le temps de la colonisation (européenne en particulier) se distingue en 2 périodes :

- XVIIè et XVIIIe siècle : On parle de colonisation de comptoirs à des fins mercantiles,


pour commercer. Les européens vont s’installer tout le long de la côte Ouest de
l’Afrique.
- Colonisation européenne du XIXe : Elle va engendrer les plus importants
bouleversements et les plus importants transferts de droit. Les Etats européens se
partagent l’Afrique et s’approprient des territoires. L’Afrique au XIXe est l’objet de
toutes les convoitises.

Il y a donc un vaste mouvement d’occupation territoriale.

Conférence de Berlin : Organisée par le chancelier Bismarck de novembre 1884 à février


1885, cette conférence vise à fournir un cadre à une colonisation amorcée.

Transfert de quels droits ?

- Le droit continental d’inspiration romaine (Code Civil) : Système juridique moniste


légaliste modifié qui est transféré dans ces territoires qui sont sous surveillance
française, belge, espagnole et portugaise.
- Droit anglo-saxon : Common Law qui sera transféré dans les colonies anglaises.

Cette période coloniale va être marquée par l’interaction entre les droits autochtones,
endogènes (les coutumes essentiellement africaines) et les droits occidentaux.
Après les indépendances (1960) les nouveaux Etats africains vont faire un choix, une politique
juridique moderniste « moderne » qui va elle-même provoquer de nouvelles interactions et on
va voir donc émerger un nouveau pluralisme juridique.

Quelles sont les hypothèses qui peuvent naître face à cet affrontement de culture ?

- Déculturation juridique : Disparition du droit autochtone, endogène, de l’identité


juridique originelle au profit du modèle importé.Il va y avoir une uniformisation du droit
sur le modèle occidental. (Hypothèse d’école).

- Acculturation juridique : Cela veut dire que finalement lors de cette confrontation de
ces modèles, il va y avoir une coexistence des systèmes juridiques qui va conduire à
des interactions variables en fonction des lieux et des moments.

Dans ce contexte d’acculturation on aura l’idée d’une constante pendant la période coloniale
et au delà, c’est la survivance voulue et puis vécue d’une partie de l’identité juridique africaine
dans des coutumes.

- Survivance « voulue » par l’Etat : L’Etat va reconnaître certaines coutumes originelles


africaines, les laisser vivre pendant la colonisation au titre d’un droit voulu et officiel
- Survivance « vécue » par les populations en résistance : Lorsque les coutumes en
question sont niés par l’Etat, refusées, mais elles continuent à être pratiquées par les
populations.

Donc les populations continuent à vivre selon leur droit et entre en résistance contre cette
forme d’impérialisme juridique, cette forme de droit qu’on leur impose qui n’est pas le leur.
On peut assister à une résistance des droits traditionnels après les indépendances

Section 1 : Les sources originelles du droit africain


L’essence des droits africains en tant que système de droit « originel » c’est-à-dire des
systèmes qui n’ont subit aucune influence ni du droit musulman, ni du droit occidental.

On va privilégier deux niveaux d’observation pour mieux saisir ce droit « originel » :


- Représentations : logiques essentiellement les croyances qui vont déterminer et
conditionner la nature de ce système juridique.
- Discours : Énoncés explicites du droit, quelle est la source principale de ce droit
africain?

Paragraphe 1 : Croyances et philosophie de vie : les représentations


ou l’esprit de droit.
La vision du monde et la place de l’homme dans le monde vont conditionner le processus de
création du droit et les caractères de ce droit.
Ce système est très largement déterminé par les croyances, les mythes et l’ontologie.

-> Michel Alliot : « Tout système juridique répond à une logique qui le dépasse et le détermine
», une logique indissociable.

1) La force créatrice des mythes fondateurs

Comment ces mythes font-ils pour conditionner et influencer la nature du système juridique ?
Un mythe est un récit fondateur que les membres d’une communauté se transmettent de
génération en génération dans un système très largement oral.
Ces mythes racontent la création de l’univers et en racontant cela ils vont donner un sens au
monde existant et aux règles qui ordonnent ce monde.
Pour ces sociétés, le récit mythique fait souvent et pratiquement toujours référence à un chaos
originel suivi de la création et donc cette création résulte d’un processus de différenciation.

La création dans ces mythes, la cosmogonie de ces mythes n’est pas le passage du néant à
l’être, mais du chaos à l’ordre. En cela leur but est de créer des différences. C’est la raison
pour laquelle l‘égalité et l’uniformité renvoient au fond au chaos originel, ils sont facteurs de
désordre et de chaos. L’harmonie est dans les différences et la complémentarité des êtres
différents.

Le mythe conditionne la nature du système :


- Les caractères : droit pluriel , inégalitaire, collectif.
- Le contenu du droit, des règles : mise en normes du récit mythique, mise en règle
de ce récit, càd qu’au fond certaines règles vont reproduire en réalité certains
éléments et données qui ressortent de ce récit.
Ces mythes de création du monde en Afrique sont très complexes.

Exemple de comportements familiaux qui résultent de cette « mise en norme » : Michèle Alliot,
« Coutume et mythe », Le droit et le service coutume.

2) L’ontologie

L’ontologie est définie comme une philosophie de l’être, c’est l’étude des propriétés de ce qui
existe. L’ontologie est la philosophie de vie qui va nous expliquer ce qu’est l’essence du vivant.
Il faut savoir qu’il y a 3 principes qui gouvernent les relations entre individus et qui vont
conditionner la vie sociale et la structure sociale :

- La force vitale : Étant toute chose (végétaux, êtres vivants, minéraux, éléments), on
pourrait y voir l’équivalent de l’âme mais ce n’est pas ça car c’est attribué à l’être
humain.
- La hiérarchie
- La primauté du groupe

La force vitale est en toute matière, mais inégalement répartie.


-> animisme (du latin. Animus)

Après la mort, ce principe vital, cette force vitale subsiste sous la forme d’un esprit ce qui
permet de comprendre la coexistence du monde visible et du monde invisible (le monde du
vivant / le monde des esprits, des ancêtres.)
Il existe entre ces deux mondes et entre les générations une communication verticale et ce
jusqu’à l’ancêtre fondateur de la communauté, du clan, du lignage et c’est ainsi qu’on assure
la continuité de cette communauté, de ce lignage.
L’Homme, vivant ou mort, peut renforcer ou diminuer la force vitale d’un autre.Il y a une
interaction hiérarchisée en quelque sorte entre les êtres vivants ou morts et ce par le biais
des forces.
Chacun, selon sa force vitale, va se situer à un degré de l’échelle sociale, cela va déterminer
le lieu où se situe l’individu sur l’échelle sociale.
Ce statut ne peut être modifié sans avoir obtenu le consentement des ancêtres,
consentement essentiel à la modification d’un statut sur l’échelle sociale. On a donc une
structure sociale très hiérarchisée.
L’individu n’a pas d’existence autonome (le groupe prime sur l’individu), ses intérêts se
fondent dans ceux du groupe qui est sa famille de manière large, qu’on peut aussi appeler
clan ou lignage.
Voilà pourquoi les sociétés africaines ne se reconnaissent pas dans le monisme sociologique
et dans les valeurs individualistes occidentales.
De toutes ces représentations, on va pouvoir reconnaître les caractères des droits
traditionnels.

Paragraphe 2 : Caractères des droits traditionnels

Les sociétés animistes vont tirer leur cohésion de la diversité, de la hiérarchie, de la


complémentarité.

Le droit va donc avoir un caractère pluraliste, différencié, inégalitaire, collectif.


Le droit est pensé et vécu par rapport au groupe mais jamais par rapport à l’individu, il ne
peut pas concevoir l’égalité entre individus ni l’uniformité des règles car cela renvoie au chaos
originel, ce sont des facteurs du désordre et non de cohésion pour ces sociétés.

Un droit qui vise un maintien de l'organisation sociale hiérarchisée et inégalitaire. Ce droit ne


peut pas penser l'individualisme car l’individu n’est pas autonome dans ces sociétés et il se
fond dans le groupe à cause de cette primauté du groupe sur l’individu.

Exemples :

Statut de la terre :

La terre est avant tout le bien de la communauté, du lignage, de celui qui l’a défriché pour la
première fois. C’est un patrimoine sacré et non pas une valeur marchande car c’est le berceau
du clan, elle fait le lien entre le monde visible et le monde invisible, le lien entre la communauté
et les ancêtres fondateurs.

Cette terre est donc :

- Inaliénable : elle ne peut être cédée.


- Jouissive : Les membres du groupe peuvent l’utiliser. Usage et perception des fruits
(usufruit). Forme de possession et différente de la pleine propriété (aliénabilité +
jouissance).

Conséquence : La propriété individuelle n’existe pas, c‘est une notion qui n’est pas
concevable. La terre, qu’il s’agisse du lieu de résidence et/ou du lieu de culture, de pâturage,
est commune au groupe, à la communauté, sans qu’on puisse pour autant l’aliéné et enfin ce
qui l’utilise n’en sont que les usufruitier.

Le mariage :

C'est une alliance entre famille et non pas un contrat individuel dans ces sociétés. L’individu
s’efface derrière le groupe et ce principe d’alliance familiale se matérialise à travers l’institution
de la dot.

Donc le principe d’alliance justifie l’institution de la dot ( compensation matrimoniale.).


Nous avons eu quelque chose qui ressemble à cette dot qui est une très ancienne pratique
africaine, dont on va voir les modalités, qui diffère dans les modalités de celle de la dot
occidentale.
L’article 1540 du Code Civil (supprimé par une loi du 13 juillet 1965 portant réforme des
régimes matrimoniaux) la définissait ainsi :
« La dot est le bien que la femme apporte au mari pour supporter les charges du maraude. »
Ensemble de bien apportés par la future épouse (par sa famille) pour subvenir aux besoins
du ménage. (= la dot à l’occidental.)

Cette dot à vocation à intégrer le patrimoine des époux.


Afrique : ensemble de biens et de cadeaux offerts par la famille du fiancé à celle de la fiancée.
C’est le mouvement inverse de la dot à l’occidentale à un ensemble de bien qui n’a pas pour
vocation à intégrer le patrimoine des époux mais qui va bénéficier à la famille de la fiancée.

Pour comprendre la dot on doit en venir aux finalités :

- C’est un acte probatoire : Elle permet de prouver l’accord entre les deux familles qui
va déboucher sur la future alliance entre les deux familles. Pour remplir cette fonction
de preuve, la dote est en général remise en public et suivant des modalités.
- C’est un acte compensatoire : Cette dot compense la perte d’un membre actif dans
la famille, d’une jeune fille qui a la fois par sa fécondité et son travail est censée
contribuer à l’accroissement et la prospérité du lignage, du groupe.
- C’est un acte de légitimation : car la dot conditionne à la fois la validité du mariage
et quelque fois (c’est pas le cas partout) elle conditionne la légitimation des enfants
(= l’homme et la femme ne deviennent époux qu’à compter du versement total ou
partiel de la dot). Donc pas de mariage valable sans dot et à défaut de dot, le mari ne
peut être considéré comme père légitime. Lorsque c’est le cas, on trouve à l’enfant un
père de substitution (souvent c’est l’oncle maternel qui remplit ce rôle).

Dans l’union matrimoniale, la dot est très importante et les jeunes filles redoutent un mariage
sans dot puisqu’elles pensent que l’époux ne prendra pas au sérieux, sans la dot, son rôle
de mari, de père et n’assumera pas ses devoirs.C’est une institution à laquelle les populations
tiennent énormément.

Paragraphe 3 : Les coutumes de l’Afrique pré-coloniale : discours


ou énoncés.
Ces discours et dénoncés on les retrouve dans une norme qui est la coutume qui est la
principale source du droit traditionnel.

1) Les caractères de la coutume

- Droit populaire : en ce sens, c’est un droit qui n’émane pas de l’Etat.


- Droit spontané (inverse de la règle édictée)
- Droit oral
- Droit incertain : car il est oral et qu’il est assez difficile d’en connaître le fond, le contenu
et en même temps le ressort géographique.
- Droit irrationnel
- Limité dans sa portée : droit applicable soit aux membres de plusieurs groupes soit à
un ressort géographique donné.
- Expression d’un droit collectif et inégalitaire : Ce droit fait référence au groupe et pas
à l’individu.
- Droit pluraliste : Ce n’est pas un droit unifié, il est extrêmement divers et on peut parler
de pluralisme ethnique et géographique.

La coutume dans ses caractères ne diffère pas de la coutume d’autrefois.


Définition : C’est un usage répété, prolongé et qui est tenu pour obligatoire par ceux qui s’y
soumettent.

Eléments distinctifs de la coutume dégagé grâce à cette définition : (il s’agit de dégager les
élément de juridicité de la coutume)
- L’élément matériel : Elément qui combine répétition et ancienneté (héritage des
ancêtres : il y a toujours cette permanence du monde invisible). On parle à cet égard
d’usage immémorial.
- L’élément psychologique : Cet élément c’est la conviction collective, que le groupe
a, de la nécessité de la règle (= se sentiment d’obligation et de contrainte).C’est ce
qui va donner à cet usage immémorial une force vitale.
-
La coutume est-elle immuable ? Est-elle une norme figée ?

On peut se poser cette question car on est souvent confronté à un préjugé qui dispose que le
droit est figé et qu’il y a une fossilisation du passé.
Cependant, la coutume (même si on dit qu’elle est immémoriale) n’est pas figée, elle est
évolutive.

Sous l’influence de multiples facteurs. exogènes, elle peut être amenée à évoluer grâce
notamment au contact avec d’autres cultures et d’autres pensées qui vont amener le droit à
s’adapter.

Il va falloir également adapter les représentations à cette évolution de la coutume, cette


solution de la norme. Il va donc falloir actualiser et réinterpréter les mythes ou la volonté des
ancêtres. On va donc aménager les représentations et cela va se faire à travers des récits,
des proverbes et en adaptant certains rites qui font vivre ces représentations.

Mais à qui revient ce rôle ?

- C’est le rôle des « gardiens » de la coutume qui sont en général les anciens du clan
qui sont dépositaires de cette connaissance du droit et qui à ce titre vont avoir pour
mission d’interpréter cette coutume lorsqu’on en a besoin et qui vont également
transmettre cette coutume. Ils devront en rapporter le contenu chaque fois qu’ils
seront requis ou sollicités pour le faire, on va les appeler lorsqu’il y a un litige dans le
clan pour rappeler le contenu de la coutume à celui qui ne la respecte pas.
- Sanction de la coutume indépendamment de tout conflit lorsqu’un membre du groupe
ne respecte pas la règle coutumière. Il s’agit de voir comment on va gérer le
contrevenant à la règle coutumière.
De ce point de vue, il y a plusieurs types de sanctions qui peuvent être infligés 1) par la
communauté : le chef du clan va désapprouver publiquement le comportement déviant.
L’ostracisme est une des sanctions qui peut être infligée au déviant. 2) Par le monde invisible
(des esprits) : le monde des ancêtres car les ancêtres interviennent dans le monde visible de
manière tangible et peuvent punir les transgressions -> La maladie, la destruction du bétail,
les intempéries et enfin la mort.

2) Le rôle du droit dans la gestion des conflits

Les africains, dans le cadre d’un conflit, vont privilégier la recherche de l’harmonie et il vont
donc essayer de concilier les partis plutôt que de trancher un différend par l’application
rigoureuse d’une règle.
Ce qui compte dans le règlement d’un conflit c’est le groupe, son équilibre, sa cohésion, sa
survie et le conflit mais le groupe est en danger donc on cherche à préserver le groupe grâce
à la conciliation.
Il y a quand même une justice qui est rendue par le chef du clan mais ce chef est moins juge
que conciliateur. On peut aussi parler d’une justice de dialogue car le chef du groupe va
associer l’ensemble du groupe à la prise de décision.

Le règlement des conflits obéit donc à la fois à la logique de dialogue et à la logique de


pacification car la finalité est effectivement de restaurer l’harmonie sociale
Dans cette démarche, au fond, la norme, la règle, la coutume occupent une place très
accessoire.
Conclusion sur le système juridique pré-colonial : comparaison entre le droit traditionnel et le
droit occidental.

L’idée est de mieux mesurer tout ce qui oppose ces deux systèmes, cultures juridiques.
- Représentation : Le droit traditionnel (africain) se nourrit d’une anthologie de mythe
et de croyance alors que le droit occidental revendique sa rationalité dans le sens où
il est inspiré par la raison et il revendique son indépendance à l’égard de l’influence
religieuse et spirituelle en général.
- Caractères et finalité du droit : La coutume africaine est un droit populaire, spontané
et en outre la finalité est respectueuse de la tradition. De l’autre côté, le droit
occidentale de type légaliste est un droit édicté, étatique qui est au service du progrès
et de l’innovation.
- Rapport du droit à l’individu ou au groupe : En Afrique on pense et on vit le droit
par rapport au groupe et en occident on pense et on vit le droit par rapport à l’individu.
- Gestion des conflits : D’un côté on a le contentieux en occident qui est dominé par
cette culture du combat et de l’affrontement et l’application rigoureuse de la règle.De
l’autre on a la conciliation, culture du compromis orientée vers le rétablissement de
l’harmonie sociale, cela n’exige pas nécessairement le recours à la règle.

Tous ces caractères ont été interprété de manière très égocentriques par les occidentaux qui
ont vu un droit primitive, archaïque incapable de servir le progrès et la modernité.C’est la
raison pour laquelle la colonisation c’est accompagné d’un transfert de droit.Quand le
colonisateur a prit conscience de ce qu’était ce droit là, il s’est dit qu’il fallait le changer.

Section 2 : La période coloniale

Tout va se passer à la fin du XIXe siècle avec l’introduction du droit occidental :

- Code civil : Système moniste et légaliste codifiés.


- Common Law

On assiste à la rencontre de deux cultures juridiques que tout oppose. Une opposition
matérialisée et illustrée par ce conflit de loi, coutume synonyme d’antithèse de modernité et
de tradition. C’est la colonisation juridique, une forme d’impérialisme.
Cette colonisation est une des manifestation de l’ethnocentrisme qui est à cette époque dans
tous les esprits, il domine la pensée occidentale et on va le retrouver dans une très abondante
littérature colonialiste.

Exemple de cette perception des choses et de cette ethnocentrisme (littérature colonialiste de


la fin du XIXème siècle):
« Il faut accepter comme principe, prendre comme point de départ qu’il y a une hiérarchie de
races et de civilisations, et que nous appartenons à la race et à la civilisation supérieure » et
qu’il faut civiliser les races et civilisations inférieures. Jules Harmand (diplomate).

Cf. Discours de Jules Ferry : Colonisation = mission civilisatrice. « Les races supérieures
ont le devoir de civiliser les races inférieures ».
Pour autant, la colonisation n’a pas entraîner de déculturation juridique, elle n’a pas anéantit
les droits africains et donc on va finalement, pendant cette période, se retrouver avec un
système juridique pluraliste fondé sur la coexistence voulu (par l'État) du droit occidental et
des droits traditionnels africains.
Paragraphe 1 : L’ordre juridique colonial, un pluralisme juridique
“voulu” et contrôlé
Les européens et les français en général ont fait un choix s’agissant de la colonisation d’une
politique d’assimilation « différée » (différent de radicale). C'est-à-dire que le colonisateur (Etat
français à l'occurrence) n’impose pas la culture française de manière totale et brutale mais de
manière différée.

Cela veut dire que le droit traditionnel et les coutumes vont être maintenus mais que ce droit
a vocation à disparaître de manière progressive car ils (les colonisateurs) pensent que les
populations vont se familiariser progressivement avec le code civil et assimiler cette culture
française en mettant de côté leur droit traditionnel.

Les motifs de cette politique :

- Maintenir la paix sociale, éviter les résistances : c’est un choix stratégique et


pragmatique.On tente d’éviter de décrédibiliser le droit français.
- Manque de moyens humains et financiers : On privilégie donc la voie la moins
coûteuse.
On a un pluralisme juridique placé sous le contrôle de l’Etat, ce qui implique que l’Etat ici
français va reconnaître les coutumes autochtones mais sous conditions et en fonction de
certains critères.

A) La reconnaissance des coutumes dans l’ordre juridique


colonial

L’Etat va imposer deux limites à ces coutumes :

Coutumes de droit privé : statut personnel et droit foncier :

- Le « statut personnel » -> Champ des relations familiales (mariage, filiation,


séparation, régimes matrimoniaux, successions, donations, testaments).
- Le droit foncier -> Régime coutume d’approbation et d’exploitation des terres.
Possibilité de choix : régime civil (procédure d’immatriculation qui permet d’identifier
les termes en question et de soumettre ces terres) ou régime coutumier.

Pourquoi ces deux domaines ?

Car tout simplement ce sont des domaines du champ de droit où l’identité juridique et culturelle
est forte donc les risques de résistances sont élevés.
S’agissant de code qui reste au droit occidental : les champs réservés au droit occidental sont
les champs du droit dont les coutumes sont silencieuses comme l’administration (le droit
public), le droit des contrats et enfin la mise en place d’un état civil qui n’existait pas dans ces
pays.

● Critère de reconnaissance : conformité ou compatibilité avec les principes et les


valeurs de la « civilisation occidentale » :
On retrouve ici l’idéologie de la mission civilisatrice.

Tout ce qui peut entraver la mission civilisatrice doit être éliminé, abrogé, censuré et pour les
coutumes c’est pareil, si elles entravent d’une certaine manière la mission civilisatrice et bien
il faut les abolir.
Valeur de la « civilisation occidentale » = Respect de la personne humaine et des droits de
l’Homme.

Exemples :

Liberté de consentement de la fille au mariage :

Nullité des mariages précoces ou forcés, sanction indirecte du lévirat (= obligation qui est faite
à la veuve d' épouser le frère de son mari décédé). Concrètement on a aboli ou invalidé les
coutumes qui prévoyaient ce qu’on appelle la possibilité d’un mariage précoce ou forcé.

Réglementation de la dot :

- Limitée dans son montant.


- Facultative : mariage possible et valable sans dot.

Domaine pénal :

- Abolition des châtiments corporels.


- Disparition des infractions coutumières de sorcellerie et d’envoûtement.

Polygamie jamais supprimée (dans les colonies françaises/1951 au Congo belge).


La coutume elle-même qui porte la polygamie n’est pas abrogée en revanche elle le sera plus
tardivement en 1951 au Congo Belge .

Nombreux sont ceux parmi les autorités colonisatrices (l'État colonial) qui la considèrent
comme étant contraire aux valeurs de la civilisation.

On peut tirer des jugements tels que la polygamie est dégradante pour la femme ce qui font
que les autorités sont contre cette pratique mais on ne l’interdit pas par peur des résistances
que peut entamer la suppression brutale de ce caractère qui fait partie d’une coutume.

Le colonisateur préfère donc imaginer et croire à son abandon progressive et volontaire par
les populations : on se dit que progressivement les populations autochtones vont abandonner
cette pratique, c’est le principe de l’assimilation différée lorsque les colonisés adoptent la
culture des colonisateurs progressivement.

Cette reconnaissance sous condition des coutumes africaines va conduire à une dualité de
régimes pour les habitants des colonies, des ressortissants.
Les habitants des colonies se scindent en deux groupes qui relèvent de statuts juridiques
différents.

B) Dualité de régimes juridiques

Il y a deux groupes :

- Les citoyens français (colons/ressortissants français résidant dans les colonies) et les
« indigènes assimilés » (autochtones qui ont obtenu la citoyenneté française) : Le
premier groupe est composé de citoyens français ce sont des ressortissants qui sont
partis résider dans les colonies pour y vivre. On comprend dans ce groupe ce qu’on
va appeler les indigènes assimilés, càd des autochtones qui ont obtenu la citoyenneté
française en prouvant leur volonté d’assimilation, ils ont demandé à être citoyens
français. L’idée est que la citoyenneté est considérée comme une récompense, une
faveur accordée à ceux qui sont considérés comme les plus « évolués »
culturellement. Être citoyen français c’est être soumis à la loi française et donc au
code civil et en même temps c’est participer à la vie politique grâce au droit de vote.
- Les sujets, les « indigènes » (n’ont pas la citoyenneté) : Leur statut est le suivant -> «
statut coutumier » (reconnu par l'État français)/ne participent pas à la vie politique
n’étant pas citoyen). Par contre ils sont des « sujets » français, c'est-à-dire qu’ils ont
la nationalité française mais ils ne sont pas citoyens.
-
La nationalité et la citoyenneté sont ici disjoints.

En 1946 la constitution va reconnaître la citoyenneté à tous les ressortissants des colonies,


donc cette constitution reconnaît et étant cette citoyenneté, de ce fait il y a plus de distinction
entre « indigènes » et « indigènes assimilés ».Par contre on va laisser aux populations qui le
souhaitent, le choix de rester soumis à leur statut coutumier ou bien de suivre le code civil.
La citoyenneté n’emporte donc pas automatiquement soumission au code civil.

Ce régime pluraliste ne va pas être sans conséquence sur les coutumes qui ont été maintenu

Paragraphe 2 : Les conséquences du pluralisme “voulu”, la


dénaturation des coutumes

Ce pluralisme juridique va se traduire par un processus de dénaturation des coutumes. Les


coutumes vont perdre leur authenticité -> Droit « euro-coutumier » (J.Vanderlinden) L’action
de la justice et de l’administration coloniale conduisant :

- À la dénaturation du droit des coutumes


- À la réduction progressive de leur champs d’application

A) Justice coloniale et dénaturation des coutumes


Pour comprendre ce processus il faut revenir sur l’organisation de cette justice coloniale, la
dualité des statuts impliquait une dualité juridictionnel avec deux types de justices.

1) Les « tribunaux indigènes »

Ils étaient compétents pour juger les justiciables relevant du statut coutumier. Càd la grande
majorité des ressortissants des colonies car très peu ont été assimilés.

La composition de ces tribunaux est simple : Ils sont composés d’administrateurs coloniaux
français et des assesseurs indigènes connaissant les coutumes pour pouvoir les appliquer
aux litiges qui leur sont soumis.

Le droit applicable ici est la coutume.

La dénaturation : tendance à juger en fonction des catégories/ techniques du droit français :


elle vient du fait que ces juridictions sont animés par des magistrats qui vont avoir tendance
à juger les litiges en fonction des catégories et techniques du droit français en utilisant par
exemple les modes de preuve du système occidental (mode de preuve rationnel) qui n’ont
rien à voir avec les modes de preuves des autres coutumes.
On va par exemple utiliser les règles de la prescription totalement inconnues du droit africain.
Le rôle des assesseurs indigènes (mauvais défenseur de la coutume) : Pourquoi ont-ils mal
défendu la coutume ? S'ils n’ont pas défendu les coutumes c’est parce qu’ils bénéficiaient
d’un statut avantageux en tant qu’auxiliaire et ils n’étaient pas indépendants car ils étaient
choisis par des listes de notables et des administrateur, de ce fait ils étaient quelque part
redevable à l’égard Du colonisateur et ils étaient dans une posture qui les incitait à défendre
cette situation privilégiée.

Ils ne disposaient que d’une voix consultative. Ils étaient là qu’en tant que gardien et détenteur
d’un savoir coutumier, la mise en œuvre venait des occidentaux.
La juridiction a eu tendance à faire prévaloir dans ses décisions, les intérêts du colonisateur.
On les a même accusées d’arbitraire.

2) Les tribunaux « de droit français ».

Ces tribunaux sont compétents pour juger les justiciables relevant du droit civil français, du
code civil mais également des litiges que l’on va qualifier de litiges « mixtes », càd des litiges
qui impliquent des personnes, deux partis de statut différent.

La composition de ces tribunaux contient des magistrats professionnels occidentaux.

Le droit applicable ici est le droit occidental en principe (litiges civils ou litiges « mixtes » au
nom de la supériorité du droit français sur le droit coutumier). On a un pluralisme juridique
hégémonique.

Exceptionnellement, ils peuvent être amenés à trancher des litiges en matière coutumière
mais cela suppose que les deux partis le demandent et soient d’accord pour soumettre le
litige à cette juridiction, c’est ce qu’on appelle : l’option de juridiction.

C’est dans le cadre de ces affaires là que ces tribunaux ont pu dénaturer le droit coutumier,
comment ?

En procédant à la manière des juridictions indigènes :

3) Dénaturation et réduction du champs d’application

- En jugeant par le biais d’une technique : dénaturation : coutumes purgées ou


censurées des dispositions contraires à la « civilisation » française.
- Réduction du champ d’application : Il suffisait d’invoquer le silence ou les lacunes du
droit coutumier et de dire dans ces situations que l’on applique le code civil.

On a une justice ici très éloignée de l’esprit de conciliation africaine, c’est une justice
contentieuse de sorte que l’état français a maintenu (de manière officieuse) les chefferies
traditionnelles, c'est-à-dire la justice des chefs de clan, de famille, de tribu. Elle est maintenue
pour pouvoir mettre à l'œuvre dans ce contexte là, la conciliation.

-> Maintien officieux des chefferies traditionnelles (instances de conciliation ).

B) L’entreprise de rédaction des coutumes

Au début du XXe siècle on émet l’idée de recenser et rédiger les coutumes. L’objectif n’est
pas de préserver l’authenticité, l’intégrité du droit traditionnel. Par contre ce qui est poursuivi
c’est de faciliter l’administration de la justice et en particulier celle de l’administration de la
justice indigène officielle. Pourquoi ? Car la coutume en tant que droit, en tant qu’expression
d’un droit présente un certains nombres de faiblesse puisqu’étant un droit oral elle est
incertaine et on a du mal à connaître avec précision à la fois son contenu et son ressort.

On est inévitablement confronté à une extrême diversité des coutumes.

L’administration de la justice coutumière souffre de ces faiblesses donc les autorités


coloniales décident d’intervenir et de programmer la rédaction la mise par écrit de ces
coutumes.Cette moïse par écrit à deux objectifs :

- L’accessibilité du droit : rendre ces coutumes plus facile à connaître


- La réduction de la diversité coutumière : Par la rédaction, tenter une harmonisation

C’est en 1803 que le programme de rédaction est annoncé et mis en place par l’AOF et par
le gouverneur général qui est alors à la tête de l’AOF et qui s’appelle Roume.

1) Le projet de Roume

Tout est parti de 1803 car à ce moment on entreprend une réforme de l’organisation judiciaire
(décret du 10 novembre 1903).

Ce projet de rédaction est censé aboutir à l’élaboration d’un coutumier général pour l’AOF,
càd aboutir à un recueil unique de coutume.Un recueil utilisable par les juridiction coutumière.
Il va proposer une méthode pour la réalisation ce coutumier élaborée en deux points :

1- On ordonne l’harmonisation des coutumes, donc essayer de parvenir à la synthèse du droit


coutumier.Cette réduction ne peut que conduire à la dénaturation qui est une conséquence
de cette harmonisation.
Doctrine Roume (Instructions du 25 Avril 1905 aux administrateurs de l’AOF). -> Travail de
synthèse/ sacrifier la spécificité, l’authenticité des coutumes.

2- Occidentalisation des coutumes (ingérence sur le fond) : On est confronté à une autre forme
de dénaturation, on retrouve une nouvelle ingérence sur le fond du droit coutumier -> Une
modification du contenu.

Notre ferme intention de respecter les coutumes ne saurait nous créer l’obligation de les
soustraire à l’action du progrès, d’empêcher leur amélioration.
Avec le concours des tribunaux indigènes, il sera possible d’amener peu à peu à une
classification rationnelle, et de rendre ces usages de plus en plus conformes aux principes
fondamentaux du droit naturel, sources premières de toutes législations.

-> Modernisation sur le modèle occidental


-> Autre forme de dénaturation
Échec du programme Roume qui était trop ambitieux et compliqué.
Reprise du projet en 1931.

2) L’entreprise avortée du gouverneur Brévié

1931 : Réforme de l’organisation judiciaire qui relance le programme de rédaction des


coutumes. On est confronté à un fonctionnement défectueux de la justice indigène, Brévié
constate que le système indigène fonctionne extrêmement mal.
Cette rédaction doit alors servir une meilleure justice indigène en l'occurrence et elle doit
également permettre d’éviter l’arbitraire des décisions notamment car elle repose sur des
règles qui sont incertaines.

Finalité de la rédaction donc : Servir la justice / Eviter les décisions arbitraires


La méthode de Brévié est différente de celle de Roume car il est beaucoup moins directif que
le gouverneur Roume (avec les instructions de 1905).

Brévié va laisser une grande liberté aux administrateurs à la fois dans la collecte et dans la
transcription des coutumes.De plus, Brévié veut éviter l’écueil de la dénaturation.
Brévié dénonce :

- L’ethnocentrisme dans la méthode : lorsqu’il évoque la transcription notamment des


coutumes, lorsqu’il dit qu’il ne veut pas la transcription des coutumes sur le plan des
codes.
- Il dénonce également la dénaturation dans le résultat.

Respect de la diversité coutumière : la rédaction de plusieurs recueils et non pas d’un recueil
unique comme le veut Roume.

Dans un discours qu’il prononce à Dakar en 1932, il évoque d’ailleurs « cette substance
juridique si riche, si complexe, si nuancée que constituent les coutumes indigènes de cet
immense pays. »

Poursuite du projet par le successeur de Brévié lorsque ce dernier quitte ses fonctions par De
Coppet.

Le résultat de cette entreprise commencée et poursuivie et achevée par De Coppet : Les


colonies de l’AOF ont fourni au total 123 coutumiers depuis 1931. Parmi ces 123 coutumiers,
28 sont retenus par la commission de classification chargée de mettre en forme et contrôler
les travaux. Ces 28 coutumiers vont être réunis dans volumes « coutumiers juridiques de
l’Afrique occidental française »publiés en 1939.

Cette publication a été jugée très décevante et ne fera donc pas autorité, càd que ces
rédactions qui étaient destinées aux juridictions indigènes devaient avoir une valeur officiel
sauf qu’on à pas voulu qu’elles deviennent des sources utilisables par les juridictions car on
les a jugées pas assez « fiables », « partielles et inégales » d’un point de vue scientifique et
juridique. Ces sources sont donc dépourvues d’autorités.

Reproche de dénaturation (questionnaire ethnocentré dans la terminologie utilisée, conçu sur


le plan du Code est donc on a des questionnaires bcp trop imprégnés des cultures
occidentales pour être fiables.

Il aurait peut-être fallu solliciter des ethnologues.

E.Leroy évoque un contenu si navrant que la démarche est plus importante par les intentions
que par les résultats.

Échec donc de l’entreprise de rédaction et ce sera la dernière

Quelques entreprises privées après 1945 qui concerne l’AOF et le Congo Belge mais qui n’ont
pas été coordonnés au niveau de l’administration de l’AOF.
Après la seconde guerre mondiale, on entre dans le temps de la décolonisation et donc dans
une ère des indépendances : fin des projets de rédaction.

Section 3 : Depuis les indépendances

Après 1960 : Mouvement de codification de grande ampleur.


Les colonies françaises d’Afrique subsaharienne deviennent toutes indépendantes en 1960.

Ces pays, sous l’impulsion des nouveaux dirigeants, des nouvelles élites au pouvoir, vont
connaître un vaste mouvement de codification inspiré du droit occidental, du droit européen.

En 1960 l’Afrique se convertit à la loi au détriment des coutumes.


Très rapidement, les élites au pouvoir vont faire le choix d’une politique juridique qui est
paradoxalement celle de la modernité, celle du modèle juridique occidental et en particulier
pour le pays placé sous la domination française et belge.

Voilà pourquoi on parle de mouvement de codification de grande ampleur avec une Afrique
qui se convertit à la loi au détriment de son identité juridique africaine et culturelle.
Triomphe du droit moderne sur les droits traditionnels.

Ce mouvement s'est accompagné :


- D’une abrogation totale des coutumes pour certains du droit traditionnel.
- D’une reconnaissance partielle et très marginale des coutumes dans le nouvel ordre
juridique pour d’autres.
On a un ordre juridique très inspiré du modèle occidental.

« Lors des indépendances, les nouvelles élites autochtones, choisies ou légitimées en tant
qu’élites en raison de leur inscription dans la « civilisation » du colonisateur, vont opter pour
une organisation de la société sur un modèle étranger qui exclura partiellement ou totalement
la coutume de la vie juridique officielle. » E.Le Roy

1 - Mouvement de codification / droits traditionnels sacrifiés : quels enjeux ?


2 - Résistance des populations (droits traditionnels)
3 - Solution médiane : politiques d’authenticité juridique

Paragraphe 1 : Le choix d’une politique moderniste


Ce choix du monisme juridique à été voulu par les élites au pouvoir mais à été subi par les
populations qui n’ont à aucun moment été associés, consultés sur ce choix. Pourquoi a-t- on
opté pour la modernité juridique à ce moment-là? Pourquoi on a corrélativement condamné,
sacrifié la tradition juridique ?

A) Les motifs

Il y a ici, par rapport à ce choix, trois types d’enjeux, d’impératifs qui ont déterminé ce choix
du modèle occidental :

1) Enjeux politique

Ces nouveaux états entrent dans une phase d’édification de la Nation, ils souhaitent
construire un état centralisé et unifié sur le modèle occidental. Au cours de cette phase
d’édification de la Nation, le droit va devenir une stratégie de pouvoir, va servir en quelque
sorte ces finalités et on peut même le dire de manière un peu plus imagée et brutale, la
codification va devenir un instrument de domination et de souveraineté. La codification permet
ici de réaliser 2 objectifs : asseoir le pouvoir des nouveaux dirigeants dans la mesure où, par
le biais de la codification, on augmente et on accroît la puissance de l'État puisqu’il a
désormais le monopole de la création du droit ou souveraineté législative.
Il revendique une totale maîtrise du droit, plus rien ne lui échappe, désormais le droit c’est le
droit de l'État et cela permet évidemment de renforcer l'État lui-même et les niveaux
dirigeants. Ensuite la codification va permettre de réaliser l’unité nationale, c’est effectivement
la priorité de ces nouveaux états. Cela va pouvoir se faire en imposant un droit uniforme qui
va permettre de diluer les identités culturelles et juridiques multiples différenciées, les diluer
au sein de l’identité nationale, une identité unique. On cherche le monisme sociologique =
plus de différenciation culturelle. On veut mettre un terme aux divisions ethniques et aux
tensions qu’elle suscite.

La loi est facteur d’unité et au-delà d’uniformité alors que la coutume est un facteur de division
puisqu’elle est l’expression de ces identités multiples et différenciées. Cela implique et impose
la fin des pluralismes (ethniques, géographiques et juridiques). C’est la fin de la médiation des
groupes entre les individus et l'État. On veut promouvoir le binôme état/individu. C’est donc
évidemment la fin des structures sociales traditionnelles, celles notamment de la famille
étendu, de ces groupes de parenté, de ces communautés qui constituent ces sociétés.

2) Enjeux économique

Ces nouvelles élites au pouvoir recherchent également le développement économique qui


est l’une de leurs priorités. Ils soutiennent que le droit traditionnel, les coutumes représentent
une entrave au progrès économique et qu'il ne peut pas répondre aux exigences de la
modernité.

Le premier argument pour prouver que le progrès entrave au développement économique


c’est que c’est un droit irrationnel inspiré par des croyances, la magie et le surnaturel. Ensuite
on avance l’argument suivant : les coutumes ignorent au fond les exigences de l’économie
de marché que veulent promouvoir ces nouveaux États, notamment car il n’y a pas dans la
coutume les outils contractuels nécessaires à cet échange.

Ensuite les structures sociales traditionnelle, l’organisation familiale en tant que structure
sociale et donc le droit de la famille freine la mobilité sociale et en même tant freine la mobilité
des capitaux : le système de la dot par exemple représente au fond un investissement très
important en général pour un jeune homme et ce capital là qui va essayer de constituer est
un capital improductif car il n’a pas vocation à être investi quelque part.

Ensuite on avance l’argument d’un droit français inadapté au rendement agricole, qui ne
servent pas les exigences de l’agriculture telle qu’on la pratique en Europe et en occident.
C’est ce qu’explique l’éviction du droit traditionnel.

Ce rejet de la tradition a été cautionné et même encouragé par les occidentaux, souvent
sollicité à titre d’expert dans ce processus. Les élites au pouvoir qui entreprennent de rédiger
les codes vont aller chercher des consultations auprès de juristes occidentaux français, que
ce soit des praticiens ou des universitaires. Ces juristes vont les conseiller dans l’élaboration
de ces codifications et vont les encourager à sacrifier ces coutumes.

Exemple du Professeur René David, spécialiste de droit comparé, chargé de l’élaboration d’un
avant-projet de code civil pour l’Ethiopie dans les années 1960.
« Le Code (est) conçu comme un instrument politique destiné à désigner dans certaines voies
le développement du pays plutôt que comme un recueil folklorique de coutumes qui souvent
entraverait ce développement (…). Cette coutume ne méritait pas le respect ; elle est la cause
du niveau extrêmement bas où est restée la société africaine; elle est la cause du sous sous-
développement sous toutes ses formes. »
(R.David, « La refonte du Code civil dans les Etats africains, Annales africaines,1, 1962,
p.161).
On a un mépris de la coutume qui est considéré comme un droit du « sous-développement»
dont il faut se débarrasser.

3) Enjeux juridique

Le premier enjeu c’est que les nouveaux dirigeants africains sont soutenus par les « vertus »
de la loi et du monisme juridique.
Il voit la loi comme un droit clair, accessible, rationnel, et surtout un droit unifié et égalitaire.
Le deuxième enjeu est que les Etats en question ont fait le choix de l’égalité civile, un principe
qui figure dans leur constitution, ces textes sont très largement inspirés pour la plupart du
modèle français de la Ve République.
L’unification du droit, par la codification, sert ce principe là. Le troisième enjeu est de mettre
un terme aux inégalités statutaires héritées de la colonisation.

Processus identique à celui qu’a vécu la France lors de la Révolution. -> Le choix de l’unité
comme vecteur de l’égalité et de la rationalisation.
Cette voie de l’unité à échoué et cet échec a conduit à une nouvelle forme de pluralisme
juridique.

B) L’échec des codifications

On peut effectivement parler d’échec dans la mesure où le droit traditionnel et les coutumes
ont continué à vivre et à se pratiquer en marge du droit occidental codifié.

On a un droit : la codification, et en marge de ce droit, les populations continuent d’utiliser leur


coutumes = échec.

Il n’y a donc pas eu ce que souhaitaient les nouveaux états : la déculturation. Pourquoi cet
échec du droit moderne ?

L’explication est ici double:

1°- Une raison technique : le problème des codifications partielles.

Cela veut dire que ce sont des codifications qui ne régissent pas tout le droit civil, donc on a
des matières qui ne sont pas codifiées -> application du droit traditionnel. Le droit traditionnel
s’applique à défaut de loi, pour combler un vide.
Cela veut dire que ce n’est pas un droit qui résiste ici puisqu’on a pas concurrence des deux
droits, ils se complètent : Les matières codifiées : loi, les matières non codifiées = coutumes.

2°- Raison culturelle : le problème des résistances au droit codifié.

Le contexte est différent car les populations ici vont utiliser la coutume dans les situations qui
ont été codifiées et donc des situations régies pas la loi. On a plus complémentarité mais on
a concurrence entre coutume et loi.
On a donc un phénomène de résistance au droit étatique officiel.Cette situation s’est traduite
par la résurgence d’un droit « vécu », “caché”, «officieux», qui vient contredire et s’opposer
au droit étatique « voulu » par le législateur africain.

Ce phénomène de résistance recouvre les pratiques.On a une situation de pluralisme juridique


« vécu ». L’état subit ici, il a voulu le monisme et il se trouve confronté à une résistance.

Pourquoi ces résistances ? Pourquoi les populations autochtones continuent-elles à pratiquer


leur coutumes ?
Car la coutume est le support d’une identité culturelle.Il faut toujours faire le lien entre un droit
et une coutume. Concrètement, les destinataires des nouvelles normes, de la loi, sont
complètement ou se sentent complètement étranger à ce droit qui repose et s’appuie sur
d’autres représentations que les leurs en particulier dans le domaine du droit de la famille et
du droit foncier. C’est un droit qu’ils ne comprennent pas car trop éloigné de leur culture :

- Représentation différentes
- Droit inadapté à la réalité socio-culturelle africaine (droit privé familial et foncier)
- Incompris.

Transfert de droit non consenti par les populations et donc il est vécu comme une aliénation
culturelle et donc identitaire qui va logiquement provoquer un rejet et donc une résistance.
Quelles ont été plus concrètement les formes de la résistance ?

Paragraphe 2 : Les formes de la résistance


Ce qu’il faut retenir c’est qu’il y a un véritable dynamisme de la tradition dans le sens où la
tradition est vivante, vivace.
Cela s'est traduit par la création de nouvelles normes inspirées par la tradition.

A) La survivance des coutumes


Exemple de la Côte d’Ivoire car en 1964, elle s’est donnée un code de la famille qui est un
copié/ collé du Code français. C’est un code qui a rejeté totalement la tradition :

- Suppression de la polygamie, de la dot, du mariage coutumier au profit du mariage


civil ( qui doit être obligatoirement célébré par un officier de l’état civil).
- Consacre la famille nucléaire de type occidental : càd les parents et les enfants et donc
cela veut dire renoncer et sacrifier la famille étendue, la communauté lignage telle
qu’on l’avait rencontré.

Les populations vont résister en continuant à pratiquer tout ce qui a été supprimé dans le code
(ex : la polygamie, la dot etc. Et ils vont continuer à vivre en communauté.) Chantal Vlei-
Yoroba (historienne) a confronté ce nouveau droit ivoirien codifié.

Partout où l’institution de la dot a été abolie, il y a eu des résistances.

La pratique de la dot résiste (Côte d’Ivoire, Gabon, Centrafrique) -> attachement à sa fonction
de légitimation.

Pratiques officines encouragées par l'absence de sanction prévue dans les codes contre ceux
qui ne respectent pas la loi. Les nouvelles règles légales ne sont pas assorties de sanction
qui seraient susceptibles d’être utilisé pour punir les contrevenant.
« Le contournement des lois traduit à la fois leur inadaptation et leur inefficacité » Chantal Vlei
Yoroba.

B) Emergence d’une modernité alternative inspirée par la tradition


Nouvelles normes qui utilisent la logique (et non le contenu) du droit traditionnel :
- Ni coutumes
- Ni règles étatiques

-> Normes populaires, spontanées, officieuses


-> Droit « vécu » d’un nouveau genre adapté à la modernité et pour autant inspiré par la
tradition.

Exemple 1: En milieu urbain, apparition d’organisations parentales alternatives (à la famille


nucléaire),inspirées de la logique traditionnelle (famille étendue), au sein de nouvelles
communautés.

Exemple 2 : La « bureaugamie »
Emergence d’un nouveau modèle matrimonial (nouvelle forme d’union) en République
démocratique du Congo (où le Code de la famille prohibe la polygamie).

Résistance à cette interdiction/ modèle qui n’est assimilable ni à la polygamie, ni à une relation
adultère « classique ».

Conclusion :

On a vu que la modernité juridique c’est heurtée à différentes formes de résistances qui ont
conduit à l’échec des codifications, cela veut dire que ce droit codifié devient un droit virtuel,
théorique ça c’est un droit qui est ineffectif car il est rendu inopérant par les nouvelles
pratiques. Ces résistances sont de deux sortes : des résistances de fond du droit traditionnel,
c'est-à-dire la résurgence des coutumes anciennes et puis les résistances de l’esprit (de la
logique) du droit traditionnel avec cette fameuse modernité alternative.
Sur la base de ce constat d’échec, certains Etats ont opté pour une nouvelle politique juridique
dite d’authenticité.

Paragraphe 3 : Retour aux sources, les politiques juridiques


d’authenticité
Ces politiques ont été mises en œuvre dans les années 70/80, elles consistent à réintroduire
officiellement le droit traditionnel dans la législation et dans les codes. C’est un choix voulu de
l’Etat, du législateur.

L’idée a été au fond (et cela relève du bon sens à ce moment là) de mettre le droit en
adéquation avec la réalité socio-culturelle. Cette réalité on peut l’appréhender et elle est
visible à travers les pratiques.
Le retour au source ne s’agit pas d’un retour au droit pré-colonial (ce qu’on aurait pu imaginer
puisqu’il y a une résistance de la tradition) mais nous avons plutôt ici une législation étatique
qui respecte l’identité juridique et culturelle des populations.
L’Etat sert toutefois les exigences de la modernité, on va combiner ici les dispositions qui
sont issues des deux cultures, des deux types de droit pour obéir à cette double exigence de
la modernité d’un côté et de la fidélité à certaine tradition.
L’idée est de respecter la tradition tout en adaptant le droit aux nécessités de la modernité.

On fait face à une politique d’hybridation du droit.

Exemple :

Le code congolais de la famille et des successions : C’est l’archétype. (Ancien Congo Belge,
ancien Zaïre, devenu République démocratique du Congo), 1987. (fiche en ligne)

- Ce code de la famille, congolais, propose deux types de mariage :

Le mariage de droit écrit (= le mariage civil) sur le modèle occidental et qui doit être célébré
par un officier de l’état civil.
Le mariage coutumier qui est reconnu et célébré dans les formes coutumières et suivant la
coutume des époux. Ce mariage coutumier aura pour autant les mêmes effets que le mariage
civil (= Les époux doivent faire enregistrer leur mariage par l’officier d'État civil pour que ce
mariage soit opposable au tiers. Donc ce mariage à la même valeur juridique à une condition
: la formalité de l’enregistrement).

- On a un maintien de la dote limité dans son montant pour éviter les abus et essayer
d’atténuer la dimension compensatrice de la dot qui pouvait choquer les occidentaux.

- Ce code consacre une version aménagé de la famille étendue, du clan, du lignage puisqu’on
va aller dans ce code au delà de ce qu’on appelle la famille nucléaire (les époux et les enfants
seulement) et le foyer va s’étendre de là et à tous ceux envers lesquelles les époux sont tenus
à une obligation alimentaire à condition que ces membres de la famille résident au domicile
conjugal.

- On a une réintroduction d’une institution coutumière qu’on appelle le père de substitution.

Certaines codifications consacrent l’option de droit (statut personnel)

Choix entre deux droit pour les sujets de droit :

- Le droit codifié sur le modèle du droit occidental (Code Civil français)


- Le droit coutumier (statut coutumier)
Remarque : Que se passe t’il quand on n’y opte pas ?

En principe c’est le droit écrit qui s’applique (on a encore cette prévalence) mais il y a des
exceptions à ce principe

Exemple d’exception : Le Code des personnes de la famille du Togo (1980) ->


Successions régies par le droit coutumier, sauf renonciation en faveur du droit occidental.
Ce code va consacrer l’option de droit en matière de célébration matrimoniale et de
polygamie.

Nombreuses codifications civiles :option entre mariage monogamique et mariage polygamie


(Gabon, Togo, Sénégal, Tanzanie, Congo Brazzaville - ancien Congo français -Mali…) mais
limitation du nombre de femmes.

Conclusion :

Mise en perspective de l’échec des codifications.


Contexte en 1960 : Il y avait deux données complémentaires à respecter (complémentaire
dans le sens ou elles ne doivent pas s’exclure l’une de l’autre) :

- L’entrée du continent africain dans la modernité (modernité politique, économique,


juridique.)Ce qui veut dire enfaite que le processus de modernisation et d’acculturation était à
ce moment là, devenu une réalité avec laquelle le droit devait composer, prendre en
considération.Cela a été fait de manière excessive car la deuxième donnée à été ignoré.

- La vivacité des traditions : Donc vivacité des identités culturelles ici, qui s’est révélé par le
biais des pratiques résistantes qui justement exprimaient ces identités juridiques et
culturelles.Il fallait que l’Afrique se construisent sur le modèle de l’Europe et on a donc
complètement ignorer les traditions qui étaient toujours vivaces et on s’en est rendu compte
après l’émergence des résistances.

Choisir la modernité : oui mais dans le respect de ces traditions.


Cette prise de conscience de cette double réalité a conduit certains Etats à opter pour la
solution médiane des politiques d’authenticité juridique.

Cette authenticité juridique est toujours d’actualité car les codes africains d’aujourd’hui ont
utilisé cette politique là et traduit cette mixité entre modernité et tradition.Aujourd’hui elle est
encore très encouragée par les juristes africains mais également par les anthropologues du
droit. Elle est encouragée quand elle n'est pas complètement mise en œuvre et dans le cas
où elle est bien mise en œuvre, les juristes africains et les anthropologues du droit disent
qu’elle est perfectible.

« Il est impossible de proclamer l’unité par décret, même si les dirigeants politiques semblent
penser le contraire. (…) Il semble actuellement prématuré d’imposer un système juridique
unique. Les raisons du pluralisme juridique n’ont pas disparu avec l’indépendance nationale,
même si le législateur semble les ignorer. » Ch. Ntampaka, Introduction aux systèmes
juridiques africains, Presses universitaires de Namur, 2004, p. 87-88

Conférence de Pierre-Etienne KENFACK (UT1, 14 février 2018) : « Coutumes et droit en


Afrique Noire aujourd’hui : inversion de suprématie ? »
- Solution du mimétisme juridique non viable.
Quels enseignements peut-on tirer de cette expérience particulière africaine au travers
notamment de cette authenticité juridique.
Premier enseignement de l’authenticité juridique : le droit étatique n’est pas l’ennemis du droit
traditionnel puisque ces politiques ont montré que ce droit étatique peut servir de support à
une nouvelle forme de juridicité qui tient compte de la culture traditionnelle, qui est inspiré par
la tradition :

● La première forme est lorsque les données traditionnelles coutumières sont intégrées
au droit codifié (système minute égalitaire inspiré par les 2 cultures).
● Option de droit (système pluraliste « voulu » et contrôlé par l’Etat)

Deuxième enseignement de l’authenticité juridique : La négation de la tradition (identité


culturelle) semble pour la plupart du temps vouée à l’échec.

→ Montesquieu, L’esprit des lois

« Les lois doivent être naturellement propres aux peuples pour lesquels elles sont faites, que
c’est un grand hasard si celles d’une nation peuvent convenir à une autre »

Condamnation de l’impérialisme juridique :


-> Portalis, Discours préliminaire du premier projet de Code civil (1801)
« Les lois ne sont pas de purs actes de puissance, ce sont des actes de sagesse, de justice
et de raison.(…) Le législateur ne doit point perdre de vue que les lois sont faites pour les
hommes.
Les lois doivent s’adapter aux hommes.

Bilan sur l’expérience africaine :

Il n’y a pas 1 mais plusieurs processus de juridicisation, ce qui nous renvoie à la relativité du
droit.
Il y a plusieurs dynamique du pluralisme juridique et on a pu retrouvé grâce à l’expérience
africaine, ces deux versions du pluralisme juridique « voulu » lorsqu’il est ordonné par l’Etat
(régulé par l’Etat) et puis il y a l pluralisme « vécu » car résistant à l’Etat et c’est celui que l’on
retrouve après les indépendances et avant les politiques d’authenticité.
Le droit n’est pas que rigidité et impérativité, il peut être vécu de manière souple, flexible :
- Mécanisme de l’option de droit
- Règlement des conflits

Jean Carbonnier :

« Solution d’un litige, apaisement d’un conflit : faire régner la paix entre les hommes est la fin
suprême du droit, et les pacifications, les accommodements, les transactions sont du droit,
bien plus clairement que tant de normes ambitieuses. »
Jean Carbonnier, Droit civil

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