Acm 010 01.2011 004

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Quelle est la relation quantitative

entre la température moyenne de la


Terre et la concentration de GES
dans notre atmosphère ?
Marc Laforest Le phénomène des gaz à effet de serre est
École Polytechnique, si complexe qu’on ne peut en proposer un
Montréal
modèle parfait. Toute prédiction quantitative
sur l’effet des gaz à effet de serre (GES) est
donc d’une qualité discutable. Par contre,
nous tenterons tout de même de construire
une série de modèles qui décrivent l’impact
quantitatif d’une augmentation des (GES) sur
Vol. 6 • hiver – printemps 2011

la température moyenne de la Terre. L’exercice


en soi permettra de mieux comprendre les
enjeux environnementaux et de se familiariser
avec l’activité scientifique de modélisation1.

La loi de
Stefan-Boltzmann
Selon la loi de Stefan-Boltzmann, un objet
dans le vide chauffé à une température T
degrés kelvins (K) émet, par unité de surface
12 et par unité de temps, un flux de chaleur
F =sT 4;
où s est la constante de Stephan-Boltzmann,
s = 5,67 × 10–14 W/(km2K4) et F est donnée
en watt (W) et T en degrés kelvin (K).
La température Tp de la planète est déter-
DossierDéveloppement

Le flux est la quantité d’énergie libérée par


unité de surface. Ainsi, si l’objet est une minée par la loi de Stefan-Boltzmann et
sphère de rayon R (de surface A = 4πR2), un principe d’équilibre énergétique. Tout
alors l’énergie totale libérée à la surface d’abord, la loi de Stefan-Boltzmann nous
est égale au flux multiplié par l’aire de sa prédit la quantité totale d’énergie (en watts)
surface, soit dégagée par le Soleil
durable

E = FA = 4π R 2sT 4. (1) E = 4πRs2sTs4. (2)


À une distance D du Soleil, cette énergie est
Une planète sans atmosphère uniformément répartie sur une sphère de
Le premier modèle décrit une planète sans rayon D et donc, la fraction de cette énergie
atmosphère réchauffée par une étoile, comme qui atteint la surface visible de la planète est
le Soleil. On doit mesurer préalablement le proportionnelle à la fraction de l’aire de la
rayon Rp de la planète, le rayon Rs du Soleil, sphère de rayon D occupée par l’ombre de la
la distance D de la planète au Soleil, ainsi que planète, comme illustré à la figure dans le coin
la température Ts du Soleil. On peut obtenir supérieur droit de la page suivante. On calcule
avec un télescope ces informations au sujet donc que l’énergie qui atteint la planète est
de notre Soleil et de planètes rocheuses telles
que Mercure et la Lune.

1. Ces notes s’inspirent des notes de cours de


Yochanan Kushnir de l’Université Columbia,
à New York, É.-U.
Impact des gaz à effet de serre | Marc Laforest • École Polytechnique, Montréal

Ombre de la planète
sur un plan perpendiculaire
Planète sphérique aux rayons du Soleil
Flux solaire F de rayon R

/Corbis
Images.com ©
Copyright

Surface d’émission Surface exposée


de la radiation planétaire 4πR 2 au rayonnement

Vol. 6 • hiver – printemps 2011


(surface entière de la sphère) solaire πR 2
(section de la sphère)

Une planète avec des GES


Améliorons le modèle en ajoutant une
couche de GES qui, comme la surface de la
planète elle-même, est réchauffée et doit
satisfaire un principe d’équilibre énergétique
(voir encadré Les GES sur la Terre en page 15).
Pour modéliser l’échange d’énergie d’une
planète avec des GES, on pose l’hypothèse
suivante. 13
Hypothèse
Échange d’énergie
planète sans atmosphère Les GES forment une couche
uniforme et distincte séparant
la surface de la planète
de l’espace interstellaire.
De plus, on suppose que cette
couche de GES n’absorbe pas
le rayonnement solaire Es mais
qu’elle absorbe entièrement
Selon le principe d’équilibre énergétique, si le rayonnement terrestre Ep.
la température (moyenne) de la Terre est
constante, alors il existe un équilibre entre la Voyons quel impact a l’adoption de cette
chaleur Es qu’elle reçoit et la chaleur Ep qu’elle hypothèse sur le modèle mathématique
dégage en tant que corps chaud dans l’espace. obtenu en (5).
Mathématiquement, ceci s’écrit De cette hypothèse, il découle que la couche
Es = Ep . (4) de GES est chauffée uniquement par le rayon-
nement terrestre Ep et qu’en conséquence,
Étant donné que la chaleur Ep émise par la Terre
satisfait aussi la loi de Stefan-Boltzmann,
on peut substituer (1) et (3) dans (4) et isoler
Tp afin d’obtenir
Ts Rs
Tp = . (5)
2 D
DossierDéveloppement
durable
cette couche rayonne une quantité totale L’équilibre énergétique à l’interface entre
d’énergie 2H, dont la moitié, H, est dirigée l’espace et la première couche s’écrit
vers l’espace et l’autre moitié vers la Terre. Es = H1.
Tout ceci est illustré dans la figure suivante.
À l’interface entre la première et la deuxième
couche de GES, l’équilibre énergétique nécessite
que l’énergie qui traverse cette interface soit
égale à l’énergie qui s’en dégage, donc
Es + H1 = H2 .
À l’aide des deux formules précédentes, on
voit immédiatement que 2Es = H2. En conti-
nuant de la même manière, on obtient qu’à
l’interface entre la (k – 1)e couche et la k e
couche on a
Vol. 6 • hiver – printemps 2011

Es + Hk–1 = Hk et kEs = Hk  .


À l’interface entre l’espace et la couche de
À la surface de la planète, l’équilibre énergé-
GES, l’équilibre énergétique s’écrit
tique est
Es = H. (6)
Es + HN = Ep
À l’interface entre la couche de GES et la Terre,
l’équilibre énergétique s’écrit ou bien, à l’aide des relations précédentes,
tout simplement,
Es + H = Ep. (7)
(1 + N)Es = Ep .
Si l’on substitue (6) dans (7), on obtient
2Es = Ep ce qui nous permet de déduire comme En appliquant ensuite la loi de Stefan-Boltzmann
auparavant que aux deux membres de cette équation et en
T Rs isolant la température Tp , on obtient
14 Tp = 4 2 s . (8)
2 D TsRs
Tp = 4 1+N (9)
En acceptant les hypothèses, on obtient que 2 D
la température est d’environ 4 2 ≈ 12
, fois plus qui généralise à la fois (5) où N = 0 et (8)
élevée que sans la couche de GES. Il est à où N = 1.
noter que cette relation n’est valide que si la
température est en degrés kelvin. Conclusions
Avant de substituer les valeurs de Ts , Rs , D
Une planète et N dans nos formules, il serait préférable
avec N couches de GES de prendre un peu de recul et d’examiner la
Essayons maintenant de modéliser l’impact validité de nos modèles.
sur la température de N fois plus de GES Notre premier modèle, pour une planète sans
dans l’atmosphère. Afin d’obtenir un modèle atmosphère, ne dépend que de deux principes
simple et calculable, on suppose que les physiques bien établis : la conservation de
GES se séparent en N couches distinctes et l’énergie et la loi de Stefan-Boltzmann. On
uniformes réparties entre la surface de la s’attendrait donc à ce que la formule (5) soit
planète et l’espace, relativement précise.
comme dans la figure Dans le cas de la Lune et de notre Soleil, on a
ci-contre. Ts = 5 780 K, Rs = 6,7 × 105 km, D = 1,5 × 108 km
Chaque couche per- et le modèle prédit Tp = 278 K ou 5 °C. En réalité,
met à la chaleur Es du la surface de la Lune est grise et environ
Soleil de traverser mais 14 % de la lumière du Soleil est réfléchie2.
absorbe entièrement Un meilleur modèle serait de remplacer
la chaleur Ep de la l’équation (4) par 0,86Es = Ep ce qui don-
planète ou celle des ne une prédiction de 239 K, beaucoup plus
couches avoisinantes. proche de la vraie valeur de 220 K.
Impact des gaz à effet de serre | Marc Laforest • École Polytechnique, Montréal

Dans le cas des deux autres modèles, on a sur 4 1+N . Quant à l’opacité des couches,
supposé que la quantité de GES est telle c’est-à-dire l’absorption, pour en tenir
qu’elle forme un nombre entier de couches
compte, on doit modifier le facteur 4 1+N et
uniformes, distinctes, et opaques au rayon-
le remplacer par une quantité qui ne dépend
nement de la chaleur terrestre. Bien sûr, ceci
pas de N, le nombre de couches de GES,
est une simplification de la réalité car les
mais directement de l, la quantité de GES
GES ne forment pas des couches opaques.
dans l’atmosphère. Malheureusement, un
En effet, les GES dans l’atmosphère terrestre
autre modèle serait nécessaire pour établir
ne bloquent que 78% du rayonnement
la relation entre N, qui n’est qu’une notion
terrestre Ep. C’est-à-dire que nous n’avons pas
abstraite, et l la quantité réelle de GES dans
une couche complète de GES. De plus, environ
l’atmosphère.
30 % de la lumière du Soleil est réfléchie,
principalement par les nuages et la neige Ce que représente cette augmentation des
au sol. Il est donc apparent que même GES, en termes économiques, et l’augmentation
avec les vraies valeurs de Rp = 6 370 km et de la température, en termes météorologiques

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D = 150 ×108 km pour la Terre, les prédictions — voilà de quoi nourrir les recherches multi-
de (8) et (9) ne peuvent être représentatives disciplinaires de météorologues, biologistes
pour celles-ci. et économistes.
Nous reconnaissons donc que le modèle ne Pour le lecteur, apprivoiser des modèles simples
tient compte, ni de l’effet de l’albédo, ni de de ces phénomènes permet de mieux com-
l’opacité des couches. L’albédo est le rapport prendre les relations non linéaires qu’on y
de l’énergie réfléchie sur l’énergie solaire rencontre, comme l’équation (14). Cela permet
incidente : il dépend de la couleur de la planète aussi de voir la limite des hypothèses choisies
(par exemple, la glace réfléchit plus que et de participer de manière plus éclairée aux
l’océan). Toutefois, il est facile de se convaincre décisions sur les enjeux planétaires.
que le taux de rayonnement réfléchi par la
planète, disons a, a pour effet de modifier 15
les formules (8) et (9) par un facteur 4 1−a .
Ceci ne change en rien la dépendance de Tp

2. Ce phénomène s’appelle l’albédo d’une planète.

Les GES sur la Terre


Les GES sont les gaz qui permettent à la
chaleur du Soleil (sous la forme de lumière Sans atmosphère
visible) d’atteindre le sol tout en empê- –18° C
chant une fraction de la chaleur émise
par la Terre (sous la forme d’ondes infra- Avec atmosphère
rouges) de se rendre dans l’espace. Les
GES ont pour effet qu’une partie de la
chaleur émise par la Terre doit chauffer +15° C
l’atmosphère qui, par la suite, doit
dégager sa chaleur en partie dans l’espace.
La vie est possible grâce à l’effet de serre Planète avec
qui maintient une température propice N couches de GES
à la vie. ??° C

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