Calcul 閏onomiqu Processus Choix Collectif
Calcul 閏onomiqu Processus Choix Collectif
Calcul 閏onomiqu Processus Choix Collectif
Yves CROZET
Joël MAURICE
Sous la direction de
Collection « Méthodes et Approches »
de transport était remis au Ministère de l'Équipement et des Transports. dirigée par Gérard Brun
Rédigé, à la demande du ministre, par le Conseil général des Ponts et
Chaussées et l'Inspection des Finances, il passait au crible du calcul
économique l'ensemble des projets de nouvelles infrastructures de transport
terrestre (routes, fer, voies navigables). Ses conclusions ont été d'emblée
contestées par tous ceux, notamment les élus locaux, qui voyaient dans ses
résultats la remise en cause de la programmation d'infrastructures les
concernant.
LE CALCUL ÉCONOMIQUE
(GO) n° 1 et n° 11 du PREDIT ont lancé un travail de recherche sur les pistes
de travail qui pourraient, non pas refonder, mais enrichir le calcul
économique. Comment le rendre plus apte à jouer son rôle dans le processus
de choix collectif dans le champ des infrastructures de transport ?
En réponse à cette demande, un « Réseau de recherche sur les dimensions Sous la direction de
critiques du calcul économique » a été constitué. Les contributions des
participants de ce groupe, qui a rassemblé près de vingt chercheurs de tous
Joël MAURICE et Yves CROZET
horizons, ont été regroupées dans cet ouvrage. Le tout est précédé d’un
préambule rédigé par Claude Abraham, qui dispose du recul nécessaire pour
rappeler que les questions posées par la présente recherche ne sont pas
nouvelles !
❋
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LE CALCUL ÉCONOMIQUE
239228-ptitre.qxp 25/09/07 9:53 Page 2
LE CALCUL ÉCONOMIQUE
dans le processus de choix collectif
des investissements de transport
Sous la direction de
Joël MAURICE et Yves CROZET
ECONOMICA
49, rue Héricart, 75015 Paris
239228-ptitre.qxp 25/09/07 9:53 Page 4
Préambule.................................................................................................. VII
Introduction générale............................................................................... 1
dans leurs variantes les plus rentables, qui ont atteint ou éventuelle-
ment dépassé leur année optimale de mise en service.
Le taux d’actualisation retenu, d’abord suggéré par EDF, sera rapi-
dement fixé par le Commissariat général du Plan. Les valeurs du
temps, ou des consommations des véhicules, sont déduites, de mesures
pour les secondes et, tant bien que mal, des comportements pour les
premières. Quant à la prise en compte de la sécurité, les ingénieurs de
la direction des routes proposent une méthode d’évaluation, tout en
précisant qu’il incomberait au pouvoir politique de dire le droit3.
En dépit de leur apparente simplicité, ces raisonnements marquent
une double évolution :
• Une évolution technique : le monde des transports est imprégné
de la notion de capacité ; une route, si elle est saturée, doit être élargie
ou remplacée. Le nouvel aménagement doit être capable de faire face
aux besoins du trafic pendant trente ans4. La capacité elle-même est
définie comme le trafic de la 30e heure de pointe qui peut être écoulée
sans perturbation notable. La bible des ingénieurs de l’époque est
davantage le « Highway Capacity Manual » américain qu’un cours
d’économie politique. Ces problèmes de capacité sont encore
aujourd’hui, en matière de décision, largement dominants pour les
infrastructures non linéaires (ports, aéroport). Et la référence à la
trentième heure demeure présente dans de nombreux textes officiels,
même pour les infrastructures linéaires5.
• Une évolution économique : même pour ceux qui acceptent le
principe du calcul économique, les notions de temps de récupération,
(durée au bout de laquelle l’investissement initial est « amorti ») ou de
taux de rentabilité interne (taux d’actualisation annulant le bénéfice
actualisé) sont plus familières que celle de la maximisation du bénéfice
actualisé. On retrouve d’ailleurs ces notions dans des textes officiels
récents, dont la célèbre Loi d’orientation sur les transports intérieurs
(Loti, 1982).
Largement utilisés à la Direction des Routes, les calculs de rentabi-
lité, sous l’influence, en particulier, du Service des Affaires Économi-
ques et Internationales (SAEI) du ministère de l’Équipement, celle du
Commissariat Général du Plan, et enfin celle de la Direction de la
Prévision du ministère de l’Économie et des Finances, gagnent pro-
3. Jacques Thédié, Claude Abraham, « Le prix d’une vie humaine dans les décisions économi-
ques », Revue Française de Recherche Opérationnelle.
4. Pourquoi 30 ans ?
5. Par exemple, la circulaire du 12 décembre 2000 : Instruction sur les conditions techniques
d’aménagement des autoroutes de liaison, ou le « Guide des études de trafic interurbain », du
SETRA, de mai 1992.
Préambule / IX
1. La légitimité
Sur ce premier point, les premiers tenants du calcul économique
s’empressent de remettre les choses à leur place : « les calculs économi-
ques ne doivent pas avoir pour effet de se substituer aux décisions à
prendre : ils constituent une donnée, parmi bien d’autres, du choix des
investissements, choix qui ne saurait s’extraire de considérations plus
générales de caractère politique et social notamment.
Il est permis de faire des investissements peu rentables, mais à condi-
tion de savoir ce qu’il en coûte6. »
Dés cette époque, Pierre Massé met en garde : « Il faut se garder de
croire que l’emploi de l’appareil mathématique conduit à la vérité abso-
lue. Il garantit simplement – sauf erreur de calcul – que les conclusions
2. La crédibilité
Les questions sont ici nombreuses, abordons-les une par une.
connaissance du moins, elle n’a jamais été transcrite dans les instruc-
tions officielles, et qu’elle n’apparaît, dans l’instruction cadre du
25 mars 2004 11, que dans son annexe III, avec une rédaction qui laisse
l’impression qu’on s’intéresse surtout aux projets privés subven-
tionnés.
Toutefois, il pourra être tenu compte du coût d’opportunité des fonds
publics dans l’évaluation d’un projet sans l’intégrer directement dans sa
valeur actualisée nette mais en s’assurant que la valeur actualisée nette
ainsi calculée (sans prise en compte du coût d’opportunité des fonds
publics) par euro public dépensé est supérieure ou égale au coût
d’opportunité des fonds publics.
3. L’acceptabilité
Une des hypothèses fortes, et implicites, du calcul classique du
surplus est celle qui veut que l’on puisse faire la somme algébrique des
surplus de tous les intéressés, quels qu’ils soient, que ces surplus soient
positifs ou négatifs, ce qui revient à admettre :
– que les pertes des uns « puissent être compensées » par les gains
des autres. Mais le fait qu’elles puissent être compensées ne signifie pas
pour autant qu’elles le soient ;
– que les gains sont additionnables ;
– et que le surplus d’un l’individu « privilégié », et celui d’une
personne « défavorisée », sont « commensurables ».
Incontestablement, les calculs économiques intègrent mal les pro-
blèmes d’équité et, partant, d’acceptabilité des projets par ceux qui
n’en tirent nul avantage, au contraire. Deux questions particulières
peuvent être distinguées en matière d’équité.
– Des questions d’équité spatiale : à coûts égaux, les projets sont
d’autant plus rentables que le trafic y est plus important. Aussi, pour
les relations interurbaines, les calculs de rentabilité privilégient la
concentration des investissements sur les itinéraires très fréquentés, et
permettent rarement de justifier des équipements dans les zones peu
denses, et mal desservies.
– Des questions d’équité sociale : la valeur du temps particulière-
ment élevée des usagers à haut revenu justifie-t-elle les investissements
qui en résultent ? Et comment tient-on compte des usagers à faibles
revenus, incapables de bénéficier des infrastructures mises à leur dis-
position ? Le surplus collectif, somme algébrique de surplus indivi-
11. Ministère de l’Équipement, « Instruction cadre relative aux méthodes d’évaluation écono-
mique des grands projets d’infrastrucure de transport », 25 mars 2004. Mise à jour 27 mai 2005.
Préambule / XIII
12. On en a vu une illustration à l’occasion des débats relatifs au projet de liaison ferrée « CDG
Express ».
13. Jean-Pierre Giblin, « De l’eau a coulé sous les ponts depuis Jules Dupuit », Note interne au
CGPC, mars 2004.
14. Voir, en particulier : Vincent Piron et Claude Abraham, « Amertume et acceptabilité des
péages », Cahiers Scientifiques des Transports, Automne 2001.
XIV / Le calcul économique
15. Claude Abraham et André Laure, « Étude des programmes d’investissements routiers »,
Annales des Ponts et Chaussées, novembre-décembre 1959.
Préambule / XV
LA CONSTRUCTION DU CALCUL
ÉCONOMIQUE
1. Selon la formule de S.C. Kolm lorsqu’il décrit le rôle de l’État dans la tradition économique
libérale.
4 / La construction du calcul économique
STRUCTURE DE LA MODÉLISATION
DU TRAFIC ET THÉORIE ÉCONOMIQUE1
Marc Gaudry2
3. Le niveau de précision de notre présentation n’exige pas de distinguer entre liens non
orientés et arcs orientés.
8 / La construction du calcul économique
Tableau 1
Représentation d’un réseau de 4 stations reliant 4 zones par 4 liens
N L
E O-D
Tableau 2
Inscription des flux ayant comme origine la zone 4
c’est-à-dire que tout ce qui passe par un point Bourassa, Talon, Monti-
gny ou Jardin du réseau en provenance de l’extérieur ou d’un autre
point du réseau est égal à ce qui en sort vers un autre point ou vers
l’extérieur. Voir tableau page suivante.
Ici FE’ 7 FL puisque la structure des flux entrant de l’extérieur
n’est pas la même que celle des flux sortant vers l’extérieur, mais
l’Annexe 1 utilise un tel cas particulier III fondé sur une matrice O-D
symétrique – pour lequel l’identité comptable (4) est toujours vérifiée.
D. Les variables qui nous intéressent dans le processus classique à
4 étapes. Ce cadre comptable permet d’abord de bien isoler ce dont il
sera question à chaque étape du processus classique de conduite des
études de trafic : d’abord le Total de déplacements T = e’FE’ = e’FL =
兺 兺Tij = TIJ ; ensuite l’objet des analyses de la première étape, celle
i∈I j∈J
de la Génération, puisque les marges4 droites de la matrice E désignent
les productions ou émissions Ti = 兺Tij = Oi (en brun) et les marges
j
4. Au sens strict, puisque la matrice O-D est un tableau de fréquences, les « marges » sont les
vecteurs des fréquences marginales des flux origine-destination.
Structure de la modélisation du trafic et théorie économique / 11
Tableau 3
Flux pour un système à 4 zones, 4 stations et 3 liens
5. Cascetta & Di Gangi (1996) définissent une matrice diagonale dite « de commerce interzo-
nal » T et la multiplient ensuite par une matrice A diagonalisée et des vecteurs d’output redéfinis de
manière conforme. Cela a pour effet de redéfinir (5) comme suit : FL = (I-T•A)-1 T•TL, où les
vecteurs FL et TL ont aussi été redéfinis de manière conforme.
Structure de la modélisation du trafic et théorie économique / 13
6. Les trois niveaux sont « structurels » exactement comme si l’on avait trois équations structu-
relles d’un système d’équations simultanées.
14 / La construction du calcul économique
tent de choisir pour chaque lien la bonne courbe parmi des dizaines
offertes au menu.
Équilibres. Une formulation qui utilise trois niveaux structurels,
dont chacun détermine un vecteur de sorties endogènes apparaissant
comme variables explicatives à d’autres niveaux, peut donner lieu à
divers types d’équilibres plus complexes que l’équilibre Demande-
Offre traditionnel. Dans une analyse du sens économique des courbes
de débit-temps (Gaudry, 1976) qui faisait remarquer7 qu’elles
n’étaient pas, malgré leur apparence, des courbes d’offre, nous avons
distingué notamment entre les équilibres de réseau et les équilibres de
marché, parmi tous les équilibres possibles de ce système à 3 niveaux.
Figure 2
Courbe débit-temps de parcours
7. Opinion qui a été immédiatement partagée par Martin Beckmann et Harold Kuhn lors de la
présentation de la communication en novembre 1974. Voir un résumé partiel et quelques explicita-
tions à l’Annexe 2.
8. Comme en situation d’équilibre général avec fonctions de coûts moyens croissants (convexes
vers le bas), ce calcul du point fixe d’intersection maximise aussi simultanément la surface entre la
courbe de congestion et le temps à l’équilibre, mais il ne s’agit pas ici simultanément d’un surplus
du producteur car la courbe de débit-temps n’est pas une courbe d’offre, malgré son apparence, et
l’usage des mêmes techniques de calcul de points fixes pour trouver l’équilibre.
Structure de la modélisation du trafic et théorie économique / 17
ple) qui peut vouloir faire circuler ses véhicules plus lentement que ce
qui serait réalisable, pour des taxis à la recherche de clients, ou pour
d’autres cas plus complexes reliés à l’offre et à la demande de conduite
des véhicules particuliers dans les ménages, marché où l’offre et la
demande de conduite9 sont difficilement identifiables.
2.2.2. Relation du système des modèles de trafic à la théorie
économique
Que penser d’un système à trois niveaux alors que nous utilisons
normalement des systèmes Demande-Offre à deux niveaux ? Et que
penser d’une offre vectorielle distinguant entre quantité et niveau de
service pour un prix donné alors que l’offre est souvent formulée
comme une simple quantité (scalaire) de qualité unique implicite ?
Niveaux et économétrie du déséquilibre. Dans la structure à trois
niveaux, P et C désignent en particulier la congestion, les files d’attente
ou les prix du marché noir qui équilibrent la quantité offerte à celle qui
est demandée. Pourquoi ajouter ce niveau intermédiaire entre offre et
demande ? Cet ajout, tel qu’on le pratique explicitement dans les
transports, complique les équilibres mais évite les convolutions de
l’économétrie du déséquilibre.
Jusqu’au début du 19e siècle, la discussion économique se concen-
trait sur la formulation qui visait à expliquer une variable quelconque,
par exemple Q, en fonction d’autres variables. Ces relations entre Q et
les variables explicatives n’étaient, en l’absence de structure claire
Demande-Offre, ni des formes réduites ni des formes structurelles.
Elles mélangeaient les considérations propres à la Demande et à
l’Offre : nous les trouvons donc confuses, voire incohérentes.
Ce n’est qu’avec Ricardo (1817) que la phrase « offre et demande »
apparaît dans un titre de chapitre et que la structure moderne
s’impose. Le premier à l’employer dans le contexte de la détermina-
tion des prix avait été Steuart-Denham (1787), comme nous le rappelle
Groenewegen (1987), mais il faut en fait attendre Cournot (1838) pour
avoir une première exposition symétrique de l’offre et de la demande.
Du point de vue de l’estimation des fonctions, il fallut attendre Wor-
king (1927) pour comprendre leur identification et la façon de les
recouvrer à partir des données.
Dans le domaine des transports, il a été fort éclairant au 20e siècle
d’introduire un niveau intermédiaire pour rendre compte des différen-
9. À toutes fins utiles, la demande d’usage des voitures particulières représentée par une
courbe comme DD à la Figure 2 peut décrire la solution complexe d’un problème d’offre et de
demande de conduite dans les ménages.
18 / La construction du calcul économique
10. Et on hésite devant les résultats de régression de ceux qui concluent que le nombre de
médecins augmente les coûts (au lieu de réduire les queues) et qu’il faut donc le réduire.
11. Voir dans Gaudry et al (1998) l’histoire des modèles multiplicatifs de parts de marché dans
les transports de 1966 à 1969.
Structure de la modélisation du trafic et théorie économique / 19
12. Malheureusement, les travaux précurseurs d’Abraham et Coquand (1961) sur le Probit (et
une approximation du Logit) n’étaient connus qu’en France.
13. Réduite aujourd’hui à l’imposition de coefficients génériques sur les variables comme le
tarif et le temps de transport des modes, elle était novatrice en son temps puisqu’elle permettait de
Structure de la modélisation du trafic et théorie économique / 21
prédire la demande de services nouveaux comme par exemple le marché d’avions à décollage et
atterrissage court (ADAC) reliant les centres villes par l’intermédiaire d’aéroports aménagés sur
des parkings urbains jouxtant les CBD (Central Business District), ce qui était impossible en
économie classique. En économie classique, il est impossible de dire quoi que ce soit sur le marché
d’un nouveau bien sans expérience historique de la consommation de ce bien même si on connaît
tout ce qu’on veut sur le marché des millions de biens existants. La simplification scalaire de la
nature des biens adoptée au 19e siècle, de pertinence déjà douteuse dans les transports, avait vécu.
14. Par exemple, dans un modèle interurbain, l’usage de 20 ou 30 segments du marché des
voyageurs serait considéré comme généreux alors que le même nombre pour expliquer le compor-
tement de marchandises serait considéré comme à peine adéquat au regard de la diversité des
besoins et des comportements des chargeurs en termes de transport.
22 / La construction du calcul économique
qui sont les marges de la matrice O-D au Tableau 2, par les niveaux
d’activité qui ont cours dans ces zones (i, j = 1, ... , ... , Z) :
où, dans le cas des voyageurs, les activités dominantes sont représen-
tées par la population en (7) et les emplois en (8) et, dans cas des
marchandises, par des variables comme la valeur ajoutée ou l’emploi.
Ces équations contiennent généralement très peu de variables (sou-
vent une ou deux) et sont toujours linéaires. Sauf erreur de notre part,
on n’utilise encore pour ces régressions que les valeurs non nulles des
vecteurs de Z observations : nous n’avons jamais vu de Tobit utilisé à
cette étape pour exploiter les observations nulles qui, elles aussi,
contiennent de l’information.
Plus étonnant, elles ne contiennent généralement pas de variables
sur la disponibilité du parc de voitures particulières ou d’autres équi-
pements de transport et aucune variable de prix ou de distance ou de
temps de transport. La pratique de cette étape n’a guère changé depuis
ses origines malgré quelques essais épars et minoritaires d’introduire
dans les équations (7) et (8) des variables d’accessibilité ou de centra-
lité qui permettraient ensuite de modéliser à cette étape15 un effet de
retour des modifications de réseau.
Du point de vue de la théorie économique, les résultats sont inter-
prétables comme des coefficients d’input ou d’output fixes : on expli-
que la production et le besoin en « déplacements » ou en « tonnes ».
Mais on n’explique pas (encore) des passagers-km ou des tonnes-km :
on ne sait pas où vont les émissions et comment seront satisfaits les
besoins définis par l’attraction, car on répondra à ces questions à la
seconde étape.
Il faut avouer que les travaux des économistes pour représenter le
rôle des transports dans la fonction de production des entreprises en
sont toujours à leurs premiers balbutiements : le transport n’est pas
(encore) un facteur de production et il n’a aucune productivité propre,
et encore moins de productivité différenciée par mode. Il n’y a pas
encore de substitution entre les formes de transport et les stocks ou
d’autres intrants comme les communications, ce qui implique que les
15. L’usage de variables d’accessibilité dans les procédures explicatives de l’utilisation du sol
est autre chose et concerne un autre niveau de la modélisation.
Structure de la modélisation du trafic et théorie économique / 23
Ti = 兺j Tij* = Oi (10)
Tj = 兺i Tij* = Dj (11)
regrouper les deux premières étapes en une seule et faire jouer aux
prix un rôle clair sur le niveau et la longueur des flux justement en
partie parce qu’ils n’utilisent pas les doubles contraintes.
3.2.2. Combinées en une étape
Si on remplace les « marges » par leurs facteurs explicatifs dans (9),
et si on ajoute une variable bij indicatrice de la présence éventuelle
d’une frontière entre les zones considérées, le modèle devient :
17. La formulation et le mot impédance (au signe anticipé négatif) ont progressivement été
remplacés par une formulation centrée sur l’utilité (au signe anticipé positif).
18. Directe ou indirecte par le truchement de la corrélation spatiale entre les résidus de
régression.
Structure de la modélisation du trafic et théorie économique / 27
19. Ce qui est impossible par construction dans l’échantillon utilisé pour l’estimation, mais
normal dès qu’on sort du domaine échantillonnal à des fins de simulation ou de prévision.
28 / La construction du calcul économique
(14)
(15)
Structure de la modélisation du trafic et théorie économique / 29
Vi = bi0 + 兺 bin
i
Xni + 兺 bisXs + ui (16)
n s
20. Du point de vue de l’histoire de la théorie économique, on peut constater que c’est la
deuxième fois que la résolution des problèmes pratiques de modélisation de la demande de
transport apporte une contribution fondamentale aux sciences économiques. Toutefois, dans le
premier cas, celui de Dupuit (1844) qui est un auteur d’inspiration et de tendance marginaliste,
l’utilité du consommateur est vraisemblablement déjà d’esprit plutôt ordinal alors qu’ici elle est
fermement de type cardinal. Cela signifie que l’industrie qui s’est développée depuis 1975 sur la
base du modèle Logit utilise tous les jours de manière convaincante des modèles qui nient en
pratique une conquête de la théorie de la demande du 19e siècle, celle de l’optimum du consomma-
teur calculé sans référence au niveau de l’utilité. On abandonne ainsi la perspective ordinale qui ne
s’intéresse qu’aux ratios des utilités marginales sans jamais en mesurer le niveau et on la remplace
par une mesure très précise du niveau de l’utilité des alternatives qu’on discute à la cinquième
décimale près ! Est-ce un progrès ou autre chose ?
30 / La construction du calcul économique
21. Pour citer le texte lui-même : « [There is] a basic dichotomy between utility and demand
which runs through all of the empirical literature. Demand models may be derived either by the
selection of a utility function or by the arbitrary specification of a system of equations which may then
be modified according to the utility theory. If we choose the first course of action, we have the
difficulty of the choice of functional form ; if we choose the second, we have the difficulty of choice
of variables to parametrize. In both cases, because of the mathematical complexity of a conversion
from one to the other, a decision may have unexpected or untoward consequences » (op. cit.,
p. 342).
22. Par contre, la théorie de la dualité établissait déjà bien des points de passage entre utilité et
demande, mais la relation entre la forme de la fonction d’utilité et celle de la fonction de demande
n’y est pas toujours aussi clairement bidirectionnelle que dans le cas du modèle Logit ou Probit.
23. La remarquable annexe qui montre les difficultés de formuler des fonctions de demande
modales agrégées quand les biens sont de nature vectorielle n’a malheureusement pas été repro-
duite dans le célèbre livre. Pour un exposé des problèmes rencontrés durant les années 1960 avec
les fonctions agrégées en milieu urbain et un résumé des principales formulations, voir la première
partie du rapport fait dans le cadre du projet européen STEMM (Gaudry et al, 1998).
Structure de la modélisation du trafic et théorie économique / 31
24. Contrairement à ce qu’on a pu dire ou écrire (Leurent, 1999), ce modèle cesse d’être un
« Logit logarithmique » dès que la mesure d’impédance qu’il utilise possède plus d’un terme : par
exemple, l’usage d’une combinaison linéaire de temps et d’argent en fait un modèle unique qui
n’est plus un cas particulier du Logit Box-Cox Standard [(15) et (19)]. Voir le détail dans Gaudry
(2006).
25. On peut obtenir le Logit comme sous-produit de la dérivation du modèle gravitaire de
Wilson (1967) : il y apparaît comme l’arrangement le plus probable si on impose une contrainte de
coût total à la maximisation de l’entropie. On peut aussi le trouver en réarrangeant le modèle « de
demande aléatoire rationnelle » de Theil (1975), comme l’a souligné Truong (1981). Enfin, Leo-
nardi (1982) l’a dérivé de la théorie asymptotique des extrêmes.
32 / La construction du calcul économique
Probit qui comporte des intégrales multiples26 sans pour autant fournir
des résultats très différents, et par le développement de trois complé-
ments qui ont émergé simultanément en 1977 : (i) celui des structures
hiérarchiques emboîtées ; (ii) celui des formes fonctionnelles souples ;
(iii) et celui des coefficients de régression aléatoires. Quelques mots
sur chacun, dans l’ordre de leur popularité à ce jour, afin de pressentir
leur rôle considérable dans les modèles de trafic et leurs propriétés en
situation de prévision pour un projet : on ne peut comprendre ce
comportement sans prendre conscience des trois compléments.
26. Dans un des modèles nationaux suédois formulés par Staffan Algers, la région de Stoc-
kholm comprend 80 zones où l’on peut faire ses achats. Si l’on arrive à estimer un Logit avec 80
alternatives, c’est bien autre chose d’estimer un Probit, même linéaire. Et que dire dans le cas de
villes plus grandes et de fonctions d’utilité non linéaires.
27. La justification technique met à contribution les corrélations supposées entre les erreurs
non observées associées à chaque fonction d’utilité de type (16). Malheureusement, les nombreuses
et diverses hiérarchies ainsi concevables ne sont pas strictement comparables par des tests statisti-
ques : sans véritable mesure commune et continue entre elles, elles semblent fonctionner ou ne pas
fonctionner dans des situations-types.
Structure de la modélisation du trafic et théorie économique / 33
(18)
(19)
où nous avons négligé les indices t des observations pour alléger l’écri-
ture. Aux qualités suivantes – un meilleur ajustement aux données, des
propriétés théoriques plus générales que celles de la forme linéaire et
la possibilité de modifier profondément les résultats de régression en
affectant jusqu’aux signes30 des coefficients des variables, s’ajoute le
fait que l’usage des transformations rend les valeurs du temps variables
selon le point de référence du tarif et du temps et la quantité de temps
épargné : la première minute gagnée a une valeur qui dépend de la
base de la modification et les minutes suivantes n’ont plus la même
valeur que la première. On constate aussi que le Logit Box-Cox (15),
(18)-(19) comprend comme cas particulier le modèle multiplicatif pré-
cédent (14).
Une autre manière de comprendre le rôle de la non linéarité des
variables est de constater qu’elle implique que la courbe de réaction de
la part modale par rapport à une modification d’une variable qui nous
intéresse, comme la vitesse de transport du mode i, n’est plus symétri-
30. Il faut se rappeler qu’en régression multiple le signe du coefficient d’une variable explica-
tive ne dépend pas seulement de la corrélation simple entre cette variable et la variable dépen-
dante, ou de sa variance propre : elle dépend aussi de la covariance entre toutes les variables
explicatives. Comme les variables transformées voient leurs variances individuelles et leurs cova-
riances modifiées par ces transformations, c’est l’existence même de la corrélation statistique qui
est déterminée par leur usage. En effet, il est tout à fait possible, comme le savent tous les praticiens
de la régression tant classique que logistique, que le signe d’une variable explicative soit positif et
significatif si la variable est insérée de manière linéaire mais que ce même signe devienne négatif et
significatif si la variable est insérée sous forme logarithmique. Pour des exemples de tels change-
ments extraits de la littérature économique et des transports, tant en régression logistique que
classique, voir Gaudry et al (1998). Plus généralement, seules les données peuvent décider de la
forme optimale et donc conjointement de l’existence de la corrélation statistique (de sa force, de
son signe et de son degré de fiabilité) et de celle de la forme de la relation, existences toutes deux
douteuses en l’absence de tests conjoints.
Structure de la modélisation du trafic et théorie économique / 35
Figure 3
Logit Linéaire vs Logit Box-Cox
(20)
31. Rétrospectivement, on peut penser que la nature multiplicative de la loi de Newton n’était
pas intuitive dans la mesure où notre intuition perçoit plus facilement les corrélations entre
variables linéaires qu’entre logarithmes des mêmes variables. C’est peut-être aussi pourquoi son
application aux flux de transport prit si longtemps après 1684.
32. En économétrie, il est rarissime que la corrélation entre les erreurs soit un phénomène
aléatoire pur : elle est normalement l’effet de variables pertinentes absentes. En ce sens, le Box-
Cox Logit Généralisé rétablit leurs présences.
Structure de la modélisation du trafic et théorie économique / 37
33. Source : discussion avec l’auteur en avril 1977 à la Third International Conference on
Behavioural Travel Modelling de Tanunda en Australie.
34. Pas au sens de « mixed up » comme on pourrait le craindre si l’on a conscience des
rendements marginaux décroissants, voire négatifs, en modélisation de la demande qui a toujours
été un exercice de construction d’individus représentatifs identifiables par les segments de marché.
35. « Its information matrix does not have a closed form and hence its efficiency bound is not
defined. »
38 / La construction du calcul économique
avec un indice de l’utilité globale des modes Uij défini sans prendre le
logarithme37 de la somme comme en (17) :
En fait, nous avons toujours supposé plus haut dans l’exposé que
l’ensemble {Xijmk} des K caractéristiques des M modes était bien dis-
ponible pour toutes les paires origine-destination et qu’elles avaient
une valeur modale unique pour chaque paire. Mais nous n’avons pas
expliqué comment ces valeurs de réseau (le prix et le temps, pour
l’essentiel) étaient calculées. Nous voulons le faire brièvement dans le
cadre d’une présentation simple de la quatrième étape, celle du choix
d’itinéraire appliqué à chaque réseau modal et qui permettra de calcu-
ler les valeurs des Xijmk.
On voit bien que, si les demandes sont définies de i à j mais que les
réseaux sont composés de liens s partagés par les flux de plusieurs
paires origine-destination, la tâche de cette étape d’affectation par
réseau sera bien de générer des valeurs uniques des caractéristiques
immédiatement utilisables dans les fonctions de demande et, simulta-
nément, reflétant bien l’usage du réseau pour ces niveaux de demande
compatibles avec elles au sens d’un équilibre Demande-Performance.
36. Le problème de savoir si l’on doit estimer les paramètres des deux modèles conjointement
ou séquentiellement est autre chose. Laferrière (1988) a montré les gains importants d’une estima-
tion conjointe. On peut conjecturer qu’ils seraient plus grands encore si l’on s’intéressait dans (22)
aux variables qui sont présentes dans les deux parties du modèle. Si, en 1975, les modèles de choix
modal utilisaient surtout des variables de réseau, elles incorporent de nos jours beaucoup de
variables socio-économiques dont on peut penser que leur rôle premier est plutôt dans la partie
génération-distribution du modèle. Pour stopper cette dérive « all in » des modèles de choix modal,
le développement de l’estimation conjointe introduite par Laferrière sera nécessaire malgré les
coûts de calcul importants qu’elle implique. On peut penser que certaines variables socioéconomi-
ques comme le sexe ou le revenu auront simultanément un rôle dans les deux parties du modèle, ce
que les tests de sous-estimation conjointe clarifieraient.
37. On peut ensuite tester la notion de valeur inclusive en établissant la forme optimale du
membre gauche de (22).
Structure de la modélisation du trafic et théorie économique / 39
38. Cet impression fondée sur les données peut n’être due par exemple qu’au niveau d’agréga-
tion utilisé lors de la définition de la taille des zones entres lesquelles on a décidé de modéliser les
flux.
40 / La construction du calcul économique
39. Nous ne voulons pas dire qu’un modèle Logit de choix entre itinéraires n’est pas utilisable
en présence de congestion. Nous cherchons simplement à en discuter avec des niveaux de caracté-
ristiques invariants par rapport aux flux.
40. Dans le langage courant, l’expression « calcul d’équilibre » désigne un équilibre des usagers
parce que c’est celui qui est utilisé pour sa conformité avec le comportement des automobilistes,
mais cette pratique linguistique commune n’interdit pas de parler aussi, au sens technique, d’équi-
libre dans le second cas.
41. Le mot n’implique pas qu’un usager puisse devenir altruiste sans contrôle centralisé car il
n’a aucune idée du coût marginal de son déplacement et de la façon dont il varierait dans un jeu
avec les autres usagers, altruistes ou pas, en l’absence de contrôle centralisé.
42. Certains chercheurs qui veulent avoir une idée des chemins utilisés les identifient à partir
des dernières itérations de l’algorithme de Frank et Wolfe (1956) généralement utilisé, mais il s’agit
là d’une manière ad hoc de compléter le contenu de la solution optimale par une information
imparfaite qu’elle ne fournit pas d’elle-même.
Structure de la modélisation du trafic et théorie économique / 41
flux sur chaque lien est-il unique à l’équilibre, ce qui signifie que
l’analyste n’a pas à décider des liens utilisés, car ils sont sélectionnés
par l’algorithme. Et, comme à l’équilibre tous les chemins utilisés pour
une liaison, quels qu’ils soient, sont de longueur égale, le temps de
transport restitué est nécessairement unique de i à j en présence de
congestion.
On trouvera à la Figure 4 la représentation graphique des deux
solutions définies par Wardrop (1952) et calculables pour l’ensemble
des paires origine-destination en présence de congestion : l’équilibre
de comportement et l’équilibre du système.
L’usage d’une demande fixe DD (qui sert aussi d’ordonnée à la
courbe de débit-temps du lien 2) n’implique aucune perte de généra-
lité ; les courbes de débit-temps approximatives permettent malgré
tout de distinguer les deux équilibres qui nous intéressent. On distin-
gue facilement le premier au point U : il s’agit bien d’un équilibre au
coût moyen (égoïste ou non coopératif) ; dans le second cas, l’équili-
bre au point S résulte bien d’une affectation au coût marginal des
véhicules.
Une explicitation peut aider à comprendre. Dans cette figure, on
suppose que la demande DD est invariante au temps de transport et on
l’affecte sur deux liens 1 et 2 aux caractéristiques différentes. Comme
les deux liens sont représentés « face à face », même s’ils sont parallè-
les dans la réalité, on peut voir qu’au point U, la totalité du trafic est
affectée (q1 véhicules au lien 1 et le reste au lien 2) et que le temps de
transport par véhicule est égal à t1 sur chaque lien. Cette solution est
un équilibre de comportement, stable, parce que le temps de transport
est identique sur les 2 liens concurrents et que la totalité de la demande
est affectée (voir figure 4).
Par contre le point S, au niveau duquel le temps marginal est t2
sur chaque lien, est un équilibre du système : q2 véhicules utilisent le
lien 1 et le reste utilise le lien 2. Toutefois, cet équilibre n’est pas
soutenable sans contrôle centralisé parce que le temps des usagers
est beaucoup plus élevé sur le lien 1 (au point m1) qu’il ne l’est sur le
lien 2 au point m2. Cela signifie que, par rapport au cas précédent, le
report de trafic q1q2 effectué du lien 1 au lien 2 pour affecter toute la
demande minimise bien le coût total du transport mais n’est pas une
solution stable si les usagers cherchent toujours à minimiser leur
temps propre.
Le fait que l’usager se comporte de façon à minimiser son temps de
transport en choisissant son itinéraire en fonction du coût moyen de
chaque lien (puisque c’est ce coût qu’il encourt et peut évaluer) plutôt
que de façon à minimiser le coût total pour tout le système, conduit
42 / La construction du calcul économique
Figure 4
Solutions graphiques : équilibres au coût marginal et au coût moyen par lien
43. On peut aussi définir le niveau de ces taxes par lien de manière graphique.
Structure de la modélisation du trafic et théorie économique / 43
coût marginal mais sur d’autres bases plus réalistes44 et plus suscepti-
bles de susciter l’approbation des électeurs45.
Notre présentation simplifiée des procédures d’affectation qui cal-
culent un équilibre conforme à la représentation du système de la
Figure 1 ne précise pas de quelle tranche du temps (e.g. pointe du
matin, flux annuel moyen) il s’agit et traite les temps de transport
comme certains. Il existe bien sûr une littérature raffinée sur l’affecta-
tion stochastique et sur l’affectation dynamique46 et sur la prise en
compte d’autres éléments, comme le coût, dans les calculs d’équilibre.
Mais, comme pour les étapes précédentes, ces raffinements et com-
plexités47 sont trop nombreux pour nous retenir. Considérons plutôt
une autre manière simple de formuler le problème : traiter ensemble
les étapes du choix modal et de l’affectation.
3.3.2. Considérés comme un seul problème
Un réseau multimodal. Au lieu d’expliquer d’abord un choix entre
modes principaux et d’affecter ensuite les flux sur chaque réseau modal
« pur », on peut supposer qu’il n’y a qu’un réseau « abstrait du point de
vue du mode », dont les liens possèdent certaines caractéristiques
(comme le prix et le temps de transport), et y affecter les flux de la
matrice O-D tous modes pertinents confondus en suivant une certaine
règle d’affectation : Logit, chemin le plus court, équilibre de comporte-
ment, etc. Le calcul des personnes-km ou des tonnes-km par mode est
alors fait ex post à partir des flux affectés, en faisant les sommes
appropriées sur les liens modaux « purs ». Cette façon de faire, qu’on
peut appeler micro-affectation multimodale, est surtout associée à des
travaux français sur les déplacements voyageurs mais rencontre main-
tenant ailleurs qu’en France un succès certain, notamment dans le
domaine des marchandises.
Dans la première formulation pour les voyageurs de ce qu’on
appelle aussi le modèle prix-temps, Abraham et al (1969) supposent
une distribution parétienne des valeurs du temps des individus com-
44. L’Annexe 2 résume une étude sur le sens économique des courbes de débit-temps (Gaudry,
1976) et propose l’hypothèse que les économistes ne sont pas compris des électeurs parce que la
courbe débit-temps sur laquelle repose l’argumentaire des premiers n’est pas vraiment une courbe
d’offre pour un bien homogène de qualité constante.
45. Comme la fluidité du trafic, un concept mal défini, ou le transfert obligatoire des péages à
un fonds dédié à l’amélioration du réseau routier local.
46. Une des questions importantes que nous avons évitées est celle de la reproductibilité des
affectations. Certaines procédures produisent un équilibre qui dépend de la séquence de charge-
ment du réseau, solution qui n’est donc pas reproductible si on charge le réseau dans un autre
ordre. Ces problèmes se posent naturellement aussi pour l’affectation dynamique par tranche
horaire.
47. L’usage de plus d’un critère d’affectation (e.g. temps et argent) introduit des complications
sérieuses, voire dirimantes, pour l’unicité des solutions d’équilibre (Dafermos, 1983).
44 / La construction du calcul économique
48. Si l’on utilise pour les valeurs du temps une distribution asymétrique, comme la loi log-
normale, la courbe implicite de la part de marché d’un mode sera asymétrique, ce qui fait penser à
celle d’un Logit Box-Cox de la Figure 3, comme le reconnaît par exemple Jean-Pierre Arduin
depuis longtemps dans ses communications depuis 1989 avec l’auteur, afin d’expliquer la qualité et
le succès du « modèle SNCF-SOFRERAIL » tant en France qu’à l’étranger.
Structure de la modélisation du trafic et théorie économique / 45
Figure 5
Matrices O-D compatibles avec les flux et les temps observés à la Figure 6.1
Destination Destination
Zone 3 4 Zone 3 4
Matrice A Matrice B
Figure 6
Flux observés et prédits suite à des modifications du temps de transport
Ls = 兺 兺 pr(s)ij•Tij (25)
i j
et
ij = 兺 bk X k
T(ky) (kk)
, (26)
k
(27)
49. Le lecteur intéressé à la naissance de l’ensemble des problématiques diverses, bien vivantes
pour la plupart avant 1978, peut consulter Gaudry et Lamarre (1979).
50. Il est loisible au chercheur de définir alors une mesure multimodale des pr(s)ij et des
comptages.
48 / La construction du calcul économique
51. Les grands logiciels offrent souvent de telles méthodes de reconstitution des matrices O-D
qu’il faut établir avant même de commencer le travail d’estimation de la demande et d’affectation
au réseau – on suppose par des procédures autres que celles qui ont servi à l’estimation de la
matrice !
52. Ou d’informations sur la structure de la matrice, provenant par exemple des plaques de
véhicules occupant des parkings (Bierlaire et Toint, 1995).
53. Road side interviews (RSI), où l’on interroge les voyageurs sur leurs origines et destinations.
54. James Clavering (Clavering et Kirby, 1994) semble être un des principaux responsables de
ces développements.
55. L’étude préparée à la demande de la DG VII pour encadrer les travaux du consortium
MYSTIC (Gaudry, 1998) en distingue quatre en plus de leurs combinaisons et des procédures de
« dérivation » des matrices N à l’aide de techniques input-output appliquées dans l’esprit de
l’Annexe 1. L’existence d’éventuelles dérivations par les méthodes d’équilibre général calculable y
est anticipée mais aucune n’est répertoriée.
Structure de la modélisation du trafic et théorie économique / 49
Figure 7
La décomposition transports
Figure 8
Trois décompositions d’une variation de la demande
pore les nouveaux prix relatifs prévalant au point 2 mais qui nous
permet d’acheter l’ancienne combinaison de biens 1. Comparé au
point 1, le point SS n’est pas à output égal mais à budget égal (pouvoir
d’achat). Les mouvements {[1 → SS] ; [SS → 2]} sont les effets de subs-
titution et de revenu de Slutsky qui définissent la décomposition de
Slutsky.
L’effet de substitution de Hicks requiert de trouver le point de
tangence HS entre la courbe d’indifférence initiale qui détermine le
choix du point 1 et la droite de budget minimum incorporant les
nouveaux prix relatifs prévalant au point 2. Comparé au point 1, le
point HS n’est pas à budget ou à output égal mais à utilité égale. Les
mouvements {[1 → HS] ; [HS →2]} sont les effets de substitution et de
revenu de Hicks qui définissent la décomposition de Hicks.
La différence la plus importante entre les trois groupes d’effets sont
que : (i) les effets de substitution de Slutsky et de Hicks sont nécessai-
rement positifs, ce qui n’est pas le cas de l’effet de report, même si on
s’attend à ce qu’il le soit normalement ; (ii) l’effet d’induction est
nécessairement positif, ce qui n’est pas le cas des effets de revenu
auxquels il ressemble, même si on s’attend à ce qu’ils le soient norma-
lement.
et
(29)
on peut alors profiter du fait que (29) est un produit et qu’en consé-
quence g (Tm, Xk), l’élasticité de la demande par mode Tm par rapport
à une variable Xk, est décomposable en un impact sur la part modale
pm et un impact sur la demande totale T, indépendamment du mode :
ou (30)
g (Tm, Xk) = g (T, Xk) + g (T, U)•g (U, Xk) + g (pm, Xk) (31)
56. Certains pays subventionnent le système hospitalier et le traitement des handicapés lourds,
d’autres peu ou prou. Nous faisons aussi comme si aucune perte sociale ou dommage moral
n’existaient au-delà des pertes compensées par les assurances parce que ce débat est trop complexe
pour une présentation centrée sur la modélisation du trafic. Nous ne souhaitons pas non plus
discuter davantage ici de la valorisation des accidents et de leurs victimes.
57. Nous faisons abstraction des problèmes d’asymétrie d’information qui peuvent justifier
l’intervention d’un régulateur.
58. Par exemple, la construction d’une autoroute qui interdirait l’accès à tout chauffeur de
moins de 35 ans et de plus de 50 ans, indépendamment du sexe du chauffeur, réduirait le risque
d’accident mortel de plus de la moitié et serait peut-être rentable sur un marché libre, mais de telles
discriminations ne sont pas autorisées par la loi.
59. On peut par exemple traiter la valeur prédite comme un paramètre inconnu et l’estimer
avec les autres paramètres du modèle, ce qui produira des écarts-types d’estimation pour ce
paramètre comme pour les autres. Pour consulter la documentation complète d’un algorithme qui
autorise ce genre de prévision en plus de la prévision habituelle par simulation sur un modèle de
niveaux, voir Liem et al (2000).
Structure de la modélisation du trafic et théorie économique / 57
(32)
où, pour une liaison donnée de i à j : (i) le membre de gauche pmf est la
part prédite du mode m pour la période de prévision f ; (ii) le premier
terme du côté droit est la part observée du même mode m durant la
période de référence ; (iii) les parenthèses comprennent des différen-
ces entre l’utilité représentative estimée avec les coefficients du
modèle en période de prévision et en période de référence. Ce sont les
changements prévus des variables en situation de projet qui induisent
ces différences.
Laferrière montre que, dans la mesure où les erreurs d’un modèle
résultent d’une formulation déficiente en variables explicatives (ce qui
est généralement le cas), la prévision par la méthode du pivot peut être
plus précise60 que la prévision qui serait faite à partir des valeurs
calculées par le modèle, mais que la variance de cette prévision est plus
60. Il n’existe pas à notre connaissance de preuve comparable pour le Logit désagrégé.
58 / La construction du calcul économique
(33)
Tableau 4
Route qui augmente ou diminue le PIB
Figure 10
Rétroaction de l’utilité transport sur les niveaux d’activité
et leur localisation
61. Cette idée consiste à dire que la politique économique sera nécessairement inefficace parce
que les agents, ayant une connaissance sans faille de l’économie, anticiperont et compenseront
d’avance ses effets.
Structure de la modélisation du trafic et théorie économique / 63
62. Pour un exemple canadien d’une telle différence entre les valeurs déduites du comporte-
ment de conduite et les valeurs officielles, exemple rédigé pour le Groupe de travail Boiteux II, voir
Gaudry (2006).
64 / La construction du calcul économique
63. Un concept bizarre puisqu’il ne vise pas explicitement des personnes, d’ailleurs mobiles et
libres de leur localisation, mais des espaces géographiques ou zones dans notre terminologie. On
trouve donc des gens pour lesquels désenclaver les Vosges du Nord ou le Grand Nord du Canada
est une question d’équité spatiale sans obligations en retour.
Structure de la modélisation du trafic et théorie économique / 65
France est un pays favorable à cet égard car on y trouve des séries sur
les marchandises-km depuis 1845 (Sauvant, 2002) et sur les
voyageurs-km et l’usage des modes de communication depuis 1800
(Grübler, 1990).
Le rôle des aléas. Notre description sommaire des modèles de trafic
pourrait porter à croire que toutes les variables y sont prédéterminées,
au sens statistique de ce mot qu’on oppose à aléatoire64, mais cela n’est
pas le cas dans la pratique de la modélisation même si nous en avons
minoré les considérations statistiques. Pour donner généralement une
idée juste des modèles et rendre compte de leur comportement, en
particulier en prévision, il est certes utile d’expliciter cette dimension
de l’aléatoire, tant dans la pratique courante que dans les travaux plus
pointus
A. L’aléatoire et les variables expliquées : erreurs d’observation et
de spécification. Si nous n’avons pas signalé au passage le caractère
aléatoire des élasticités65, en présentant (30) et (31), nous avons au
moins reconnu le caractère aléatoire fondamental des variables dépen-
dantes ou expliquées dans les modèles de niveaux en les faisant dépen-
dre d’une erreur de régression [e.g. (7)-(8) ou (27)] obéissant à des lois
de distribution non précisées66 ; et nous avons justifié la forme des
modèles Logit par la nature de la distribution de l’erreur associée à
l’équation de chaque fonction d’utilité représentative [e.g. (16)]. Dans
les deux cas, les propriétés intrinsèques des aléas jouent un rôle dou-
blement figuratif : les erreurs de régression67 sont composées d’erreurs
d’observation sur la variable dépendante (une quantité de déplace-
ments, ou une utilité, selon le type de modèle) et d’erreurs de spécifi-
cation du modèle. Comment cette prise en compte est-elle faite ?
i) Formulations de distributions des résidus. L’aléa probabilisé est
conjuré et manipulable, et cela sans reste à subir ou traiter. En effet, ce
n’est pas encore la pratique de partager l’aléa entre une partie proba-
bilisée et un reste non probabilisable et perçu globalement, à la
70. Dans les modèles de type Logit Box-Cox, la variable dépendante n’est pas transformée, ce
qui s’appelle parfois Box-Tidwell (1962) : la variance de l’erreur peut aussi y être influencée par les
transformations appliquées sur les variables explicatives, mais évidemment moins que lorsque la
variable dépendante elle-même est transformée comme dans les modèles de niveaux.
71. L’application d’une transformation Box-Cox peut réduire ou induire l’hétéroscédasticité.
La correction doit donc être faite simultanément avec l’estimation de la forme véritable.
68 / La construction du calcul économique
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78 / La construction du calcul économique
Tableau 5
Matrice comptable avec flux O-D symétriques
A = N•B-1, (1.1)
TL1
TL2
B≡ TL3
TL4
IV B T M J
B 0 200/1600 0 0
J 0 600/1600 0 0
signifie que 5 unités de flux passent par Talon pour 10 unités de flux
passant par Bourassa de toutes origines.
Et on peut par ailleurs aussi dériver la matrice (I – A)-1 des coeffi-
cients « indirects » à partir de (2) où l’on substitue (1.2) :
TL = A•TL + FL (1.3)
TL = (I-A)-1 FL (1.4)
et
N* = A•B* (1.6)
76. Les « lignes de désir » des années 1960 sont en fait les matrices O-D.
77. Nous négligeons le coût du véhicule, tenu pour nul.
78. La formulation est plus générale dans l’étude citée parce que le déplacement y peut exiger
un parcours produit sur plusieurs liens connexes reliant une paire O-D.
79. Il s’agit naturellement du débit maximal pour les niveaux donnés des inputs.
80. On peut bien sûr choisir une vitesse inférieure à la vitesse maximum réalisable, comme le
font les entreprises de transport en commun.
86 / La construction du calcul économique
Figure 11
Courbe débit-temps de parcours et taxe optimale
81. La piscine, le guichet bancaire et la route ne sont en rien des biens publics au sens de
Samuelson. Ce sont des biens rivaux à qualité variable et dont la consommation d’une unité
supplémentaire impose un coût mesurable.
82. Ce qui est compatible avec une amélioration absolue de la situation de l’un ou de l’autre au
détriment du premier.
88 / La construction du calcul économique
c* = c•taa (2.3)
83. Et pas des moindres puisque la liste inclut le canadien William Vickrey qui a contribué à en
établir l’argumentaire.
84. Le lecteur intéressé trouvera l’exemple plus général construit avec deux caractéristiques de
temps, mais le même genre de fonction multiplicative, dans le rapport COST 318 ou dans Gaudry
(1998).
85. Nous ne cherchons pas à reproduire la forme exacte des fonctions de congestion, mais à
illustrer le problème.
Structure de la modélisation du trafic et théorie économique / 89
86. À l’évidence une théorie mortadelle digne de Freakonomics (Levitt & Dugner, 2005) et qui
répond à la question : « Pourquoi les automobilistes détestent-ils la tarification routière au coût
marginal social ? »
87. Qui définit une sorte de prix d’ordre (shadow price) de l’usage du lien.
88. Ce qui est manifestement faux dans la vraie vie. Pour une part, c’est justement parce qu’ils
ont des valeurs du temps différentes que les consommateurs choisissent des moments et des modes
de transport variés.
90 / La construction du calcul économique
q* = q•t–a␣ (2.4)
(2.5)
(3.1-A)
et
(3.1-B)
(3.2-A1)
(3.2-A2)
(3.2-B)
où nous avons négligé les indices t des observations pour alléger l’écri-
ture.
Structure de la modélisation du trafic et théorie économique / 93
(3.3)
89. Nous ignorons donc ici le coefficient m défini dans l’article de Box et Cox (1964) et nous en
tenons à la définition commune. Par ailleurs, lorsque la variable dépendante y n’est pas transfor-
mée mais que les variables explicatives le sont, on dit parfois Box-Tidwell (1962) plutôt que
Box-Cox, mais nous négligerons cette pratique.
90. La démonstration de la limite lorsque l tend vers 0 est faite en utilisant la règle de
l’Hospital.
94 / La construction du calcul économique
on écrit :
(3.6)
(3.7)
91. La notion d’élasticité était commune dans les cours à l’ENPC (Sévène, 1877 ; Tavernier,
1889) et utilisée dans sa formulation mathématique par un élève de l’ENPC qui publiait sur les
coûts ferroviaires dans les Annales des Ponts et Chaussées (Nördling, 1886) comme l’ont vérifié
Ekelund et Hébert (1999) qui laissent entendre qu’elle aurait pu être empruntée par Marshall qui
lisait le français et citait même Dupuit sur d’autres points. Caveat indigator !
Structure de la modélisation du trafic et théorie économique / 95
(3.8)
(3.9)
(3.10)
(3.11)
(3.12)
92. Ici comme plus haut en (3.1) ou (3.5), il ne faut pas confondre l’intérêt porté à la variance de
l’erreur de régression (le problème de l’hétéroscédasticité) avec celui de la variance de la variable
dépendante.
Structure de la modélisation du trafic et théorie économique / 97
bc•Xd*•(1-pm)•pm (3.13)
bv•Xvkv•(1-pm)•pm. (3.14)
93. En principe, les parts pm à utiliser pour ce calcul sont les parts estimées pm* ; si les parts
observées sont utilisées pour évaluer la fonction, une erreur systématique égale à (pm – pm2 –
pm* + pm*2) est introduite. Pour les cas d’évaluation à la moyenne, l’usage des parts observées
plutôt que des parts calculées introduira une erreur proportionnelle commune aux élasticités
calculées pour toutes les variables.
CHAPITRE 2
Tableau 1
Données sur la liaison Cologne-Berlin
2.1. La demande
Nous considérons les choix effectués par les consommateurs poten-
tiels qui souhaitent voyager de Cologne à Berlin, en termes de mode et
de service proposés. Trois modes de transport (rail, air, route) sont
présents sur le lien, avec une diversification sur le segment du trafic
aérien : trois compagnies à bas coûts ainsi que la firme en place
Lufthansa. Les alternatives sont caractérisées par un paramètre de
qualité et un prix.
Nous supposons aussi l’existence d’une alternative dite alternative
extérieure : au lieu de choisir un des services offerts pour voyager entre
Cologne et Berlin, les consommateurs peuvent décider de ne pas effec-
tuer le voyage. Ainsi la dimension totale du marché est définie comme
le nombre de consommateurs qui seraient potentiellement intéressés
par ce voyage.
Les voyageurs éventuels pour un aller simple de Cologne à Berlin
sont hétérogènes. Nous considérons deux catégories principales dans
la population des passagers : les voyageurs d’affaires et de loisirs. En
conséquence, nous analysons deux marchés séparés qui sont traités de
manière symétrique.
Supposons que chaque consommateur fasse son choix de manière
séquentielle : il décide du mode de transport puis du service pour
voyager2. Un choix, c’est-à-dire une alternative, un produit, ou encore
un service de transport, est alors une combinaison entre un mode de
transport (par exemple, air) et un service fourni par un opérateur de
transport (par exemple, Lufthansa). Notons que pour la route, l’opéra-
teur de transport est le conducteur de la voiture. Il y a J alternatives
classées en G + 1 groupes. Ici nous avons 4 groupes g = 0,1,…, G où le
groupe 0 correspond à celui de l’alternative extérieure, les autres
groupes correspondent à ceux des trois modes, c’est-à-dire rail, air,
route.
2. Intuitivement, le choix du mode entraîne des décisions de plus long terme, car il implique
l’achat d’un équipement (le véhicule particulier par exemple) ou l’achat d’un abonnement (au
train, à l’avion).
Analyse Coût-Bénéfice dans un contexte de concurrence intermodale et intramodale / 103
(1)
où Vj représente le niveau d’utilité moyen commun à tous les passagers
(partie déterministe) et eij (partie aléatoire) correspond à la déviation
du consommateur i du niveau d’utilité commun en ce qui concerne le
produit j, c’est-à-dire que l’aléa eij correspond à l’appréciation incon-
nue (pour l’analyste) du consommateur i pour le produit j. Le niveau
d’utilité moyen peut se décomposer de la manière suivante :
(2)
où h représente la sensibilité de l’utilité par rapport au prix, ou encore
l’utilité marginale du revenu3.
Les préférences aléatoires sont décrites selon un modèle de type
« logit emboîté ». Dans ce contexte, les produits au sein d’un même
groupe sont des substituts plus proches que des produits de groupes
différents. Afin de permettre cette dépendance et cette corrélation
entre les utilités des alternatives appartenant à un même groupe, la
partie aléatoire peut être spécifiée comme la somme pondérée de
variables inobservables qui représentent le goût du consommateur i
pour une alternative appartenant au groupe g :
(3)
Le paramètre r est appelé coefficient de corrélation intragroupe et
prend des valeurs comprises entre 0 et 1. Il donne une mesure du degré
de corrélation entre les alternatives, ici des services de transport,
appartenant à un même groupe, ici un mode de transport : plus r est
élevé, plus la corrélation entre alternatives d’un même groupe est
élevée. Quand il est égal à 1, les préférences des consommateurs entre
alternatives sont parfaitement corrélées et les alternatives sont alors
des substituts parfaits ; quand il est égal à 0, les préférences ne sont pas
corrélées et les consommateurs mettent toutes les alternatives sur le
même plan. Les parties aléatoires mig et mij sont supposées être distri-
buées selon la distribution de Gumbel (ou des valeurs extrêmes). De
ce fait il en est de même de eij.
3. Cette fonction d’utilité indirecte n’est pas seulement commode pour les calculs. Elle permet
de dériver une demande cohérente avec notre propos. Il est aisé de voir que la demande marshal-
lienne associée à cette fonction d’utilité est exactement égale à un. Or nous traitons ici du problème
de choisir d’effectuer ou de ne pas effectuer un déplacement.
104 / La construction du calcul économique
(4)
(5)
q
où les parts de marché sj and sj/g sont définies comme sj = j, et
N
j = 0, 1 ... J, respectivement, où de plus qj est la quantité de
(6)
(7)
2.2. L’offre
Dans notre spécification, chaque entreprise fournit un produit,
c’est-à-dire un service de transport sur le lien « origine-destination ».
Premièrement, nous considérons le service voiture comme proposé par
Analyse Coût-Bénéfice dans un contexte de concurrence intermodale et intramodale / 105
(8)
(9)
2.3. Calibration
Dans la mesure où l’ensemble des informations nécessaires à l’esti-
mation statistique de notre modèle n’est pas disponible, nous propo-
sons de le calibrer à l’aide de données sur les prix, parts de marché,
caractéristiques des différents services et quelques coûts marginaux.
Nous devons aussi définir la taille du marché qui est donné par la
quantité potentielle de déplacements, autrement dit qui prend en
compte les décisions de ne pas se déplacer. La calibration de cette
taille est délicate et est discutée en détails dans Ivaldi et Vibes (2007).
Notre méthodologie consiste en la résolution d’un système d’équa-
tions issues de notre modèle nous permettant de retrouver les paramè-
4. Nous avons alternativement fait l’hypothèse que cette entreprise établit le prix de manière à
couvrir le coût moyen. Quand nous estimons ce modèle, nous n’obtenons pas de différence
significative avec la situation d’une entreprise qui maximise son profit.
5. L’hypothèse de concurrence à la Bertrand paraît adaptée à l’exemple Cologne-Berlin que
nous considérons ici car l’offre de transport y est variée et importante. Toutefois il serait intéressant
de tester l’hypothèse de concurrence à la Cournot, ce qui serait possible si nous disposions de plus
de données.
106 / La construction du calcul économique
tres décrivant l’équilibre, tels que h, r, wj, ou encore les coûts margi-
naux manquants.
Très schématiquement, la procédure consiste en trois étapes. Tout
d’abord, il s’agit de retrouver les valeurs de h et r à l’aide des expres-
sions des élasticités dérivées du modèle logit emboîté (Équation 6) et
des parts de marché que nous observons. Les valeurs de ces paramè-
tres, ainsi que celles des parts de marché, sont alors introduites dans les
équations de demande (Équation 5), que nous inversons afin de
retrouver les valeurs des wj pour chaque alternative. Enfin, connais-
sant les valeurs de h, r, des prix et des parts de marché, nous utilisons
les équations de prix (Équation 8) pour retrouver les coûts marginaux.
Techniquement, ne possédant pas de mesure des élasticités pour ce
marché très spécifique, et connaissant certaines valeurs des coûts mar-
ginaux, nous générons aléatoirement un vecteur d’élasticités et le
modèle, c’est-à-dire les équations de demande, d’élasticités et de prix
simultanément, est calibré sur les valeurs de coûts marginaux que nous
connaissons. Autrement dit, le vecteur d’élasticité retenu est celui qui
nous permet de retrouver ces coûts marginaux in fine. Les élasticités
sont tirées dans des lois normales en utilisant comme moyenne et
variance des valeurs cohérentes avec les élasticités du marché loisir.
Celles-ci peuvent être complètement déterminées puisque, pour ce
marché, nous disposons d’informations supplémentaires sous la forme
de coûts marginaux.6 Nous obtenons ainsi les valeurs de h et r associés
au vecteur d’élasticités retenu, puis wj, et enfin les coûts marginaux
manquants.
L’indice de qualité associé au produit j, wj, peut ensuite être
exprimé comme la somme pondérée de différentes composantes de
cette qualité (essentiellement vitesse, fréquence et capacité). Comme
nous disposons d’un nombre suffisant de produits et donc de valeurs de
l’indice de qualité et puisque nous observons les valeurs des caractéris-
tiques des différents services de transport, nous pouvons, par inversion
d’un système linéaire, calibrer les poids de ces caractéristiques dans les
indices de qualité des alternatives7. Nous pouvons donc mesurer
l’impact de chaque caractéristique (fréquence, capacité, vitesse) sur
l’indice de qualité de chaque service de transport. Comme une nou-
velle infrastructure est associée à un vecteur particulier des caractéris-
6. En réalité la procédure pour estimer ces élasticités fait appel à un argument bayésien
développé dans notre article principal. Voir Ivaldi et Vibes (2006). On le voit ici, la calibration
résulte d’un jeu subtil entre informations sur les coûts marginaux et sur les élasticités avec le
modèle structurel comme arbitre.
7. Nous tenons compte également des caractéristiques de transport non observées en introdui-
sant dans ces équations des constantes relatives aux modes de transports.
Analyse Coût-Bénéfice dans un contexte de concurrence intermodale et intramodale / 107
3. SIMULATION
8. On pourrait aussi choisir le bien-être total, somme du surplus du consommateur et des profits
des entreprises de transport.
9. Une description détaillée du modèle ainsi que de la méthode de calibration est donnée dans
Ivaldi et Vibes (2006).
108 / La construction du calcul économique
Tableau 2
Introduction d’une nouvelle infrastructure
AFFAIRES LOISIRS
Variation Variation
Variations : valeurs, % Valeur Valeur
% %
AFFAIRES LOISIRS
Variation Variation
Variations : valeurs, % Valeur Valeur
% %
4. CONCLUSION
Références
Antes J., Friebel G., Niffka M. et Rompf D., Entry of Low-Cost Airli-
nes in Germany. Some Lessons for the Economics of Railroads and
Analyse Coût-Bénéfice dans un contexte de concurrence intermodale et intramodale / 111
ou encore si
(1)
avec
(2)
et
(3)
(4)
(5)
(6)
Tableau 1
Prime de risque p et aversion relative au risque c
a = 10 % a = 30 %
(7)
(8)
(9)
5. CONCLUSION
Le risque intervient dans deux dimensions très différentes du calcul
économique. Il intervient dans le choix du taux d’actualisation, car
l’incertitude macroéconomique doit avoir un impact sur le niveau
général de nos efforts pour améliorer notre bien-être futur ainsi que
celui des générations qui nous succèderont. Le risque intervient aussi
dans l’évaluation des bénéfices des investissements considérés. Seuls
les investissements dont les risques sont indépendants du risque
126 / La construction du calcul économique
Références
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investment decision », American Economic Review, 60, 1970,
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Weitzman M.L., « Statistical discounting of an uncertain distant
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CHAPITRE 4
INTÉGRATION DU RISQUE
ET DE L’INCERTITUDE
DANS LA CONSTRUCTION
DU CALCUL ÉCONOMIQUE1
L. Andrieu, CERMICS, ENPC
A. de Palma, THEMA,
Université de Cergy-Pontoise, ENPC et IUF
N. Picard, THEMA,
Université de Cergy-Pontoise et INED
1. Nous remercions S. Proost (K.U. Leuven, Belgique), C. Gollier (IDEI, Université de Tou-
louse), E. Doumas (ENPC), J.-L. Prigent (THEMA, Université de Cergy-Pontoise), R. Lindsey
(University of Alberta, Canada) et W. Rothengatter (Université de Karlsruhe, Allemagne) pour
leurs suggestions et commentaires. Nous remercions aussi J. Maurice (ENPC) et E. Quinet
(ENPC) pour leurs commentaires et remarques détaillées. Cet article a été présenté lors de la
conférence « First International Conference on Funding Transportation Infrastructure » (Banff,
Canada, août 2006).
Intégration du risque et de l’incertitude dans la construction du calcul économique / 129
1. INTRODUCTION
L’objectif de ce document est de proposer un guide des principaux
critères permettant de prendre en compte le risque dans le calcul
économique appliqué au choix des projets d’investissement dans le
domaine des infrastructures des transports.
Dans l’analyse coûts-bénéfices (ACB) classique, la valeur d’un pro-
jet est égale à la somme des bénéfices actualisés, diminuée de la somme
des coûts actualisés. Cette approche suppose la plupart du temps (et
presque toujours en pratique) que ces flux financiers sont déterminis-
tes. Cette hypothèse est rarement vérifiée. Les aléas (sur l’offre et la
demande) affectent non seulement les paramètres inclus dans l’ACB
(par le truchement de la prime de risque, par exemple), mais aussi la
manière dont les flux financiers sont pris en compte lors de l’évaluation
de projets. Cette évaluation nécessite dans ce cas de prendre en
compte les préférences du preneur de décision. Ces préférences sont
censées agréger d’une certaine manière les préférences des citoyens
affectés par le projet (soit directement, par ses effets perçus, soit indi-
rectement, par la fiscalité inhérente). Ces préférences sont traduites
par une fonction d’utilité. La manière dont ces aléas affectent la prise
de décision dépend de la façon d’introduire l’attitude face au risque et
ses liens avec l’actualisation.
La méthode la plus couramment utilisée dans la théorie du consom-
mateur consiste à introduire une attitude face au risque – à chaque
période. L’avantage de cette méthode consiste à ne pas supposer une
compensation parfaite des fluctuations d’une période à l’autre. Son
inconvénient majeur est de ne pas pouvoir prendre en compte les
corrélations entre aléas aux différentes périodes. Cette approche, qui
est bien adaptée à la théorie du consommateur, est davantage problé-
matique dans l’analyse des flux financiers.
La méthode proposée ici nous semble plus adaptée à l’évaluation
de projets par le décideur public. En effet, celui-ci est plus intéressé par
la valeur actualisée des flux financiers de chaque projet dans chaque
130 / La construction du calcul économique
état de la nature que par une agrégation des risques à chaque période.
Ceci ne signifie pas que le preneur de décision public soit neutre au
risque. De fait, nous supposons qu’il est indifférent à la répartition
temporelle du risque (moyennant une fonction d’actualisation des
coûts et des bénéfices aléatoires). L’attitude du décideur public face au
risque est ici modélisée sur le résultat de ce calcul d’actualisation. À
l’inverse, la méthode classique évoquée dans le paragraphe précédent
actualise les utilités espérées. Ces dernières modélisent séparément les
attitudes face aux risques des différentes périodes. La méthode classi-
que revient alors implicitement à supposer ces aléas indépendants
entre eux. Cette hypothèse nous paraît très difficilement défendable
dans le cadre de l’évaluation de projets.
L’instruction cadre préconise un taux d’actualisation de 3,5 % net
par an pour une période a 50 ans et un taux de 3 % net au-delà de 30 à
de 50 ans. D’après [39], ce taux doit être modifié pour prendre en
compte les différents risques inhérents à chaque projet. Nous pensons
que la prise en compte du risque par le truchement d’une modification
du taux (préconisée dans le document [39]) doit être complétée par
une étude plus fine (et davantage transparente) qui prenne explicite-
ment en compte l’ensemble des causes de risque internes et externes.
Cette étude sera l’objet du présent article.
Ce document s’organise en quatre sections. La section 2 propose un
bref rappel des pratiques courantes permettant d’apprécier un projet
d’investissement : nous discutons d’une part de l’ACB, et d’autre part
de la façon d’introduire la notion de risque dans l’évaluation de pro-
jets. Il s’agit là d’une étape fondamentale de l’évaluation d’un projet,
car le risque est responsable historiquement de la plupart des échecs et
faillites. Nous rappelons dans la section 3 quelques notions de base
permettant de comparer des actifs financiers, puis nous proposons
deux critères d’évaluation de projets. Ces critères, très répandus en
finance et dans le domaine de l’assurance depuis déjà quelques années,
permettent de mieux contrôler le risque associé à la réalisation du
projet. Bien que cette approche ne nécessite pas la connaissance d’une
fonction d’utilité, nous sommes capables de la relier à l’approche en
termes d’utilité espérée. Enfin, des conclusions succinctes sont présen-
tées dans la section 4.
Intégration du risque et de l’incertitude dans la construction du calcul économique / 131
2. Nous utilisons ce terme à la suite de J.-J. Laffont, là où d’autres emploient le terme d’analyse
des coûts et des avantages.
132 / La construction du calcul économique
(1)
et donc
3. Le flux financier net St dépend de l’excédent brut d’exploitation ainsi que des investissements
effectués.
134 / La construction du calcul économique
Figure 1
Sensibilité de la VAN au taux d’intérêt
n1 n2
A 19.8 19
B 18.2 20
C 21.3 18.4
Table 2
Matrice des regrets associée au projet
n1 n2 regret maximum
A 1.5 1 1.5
B 3.1 0 3.1
C 0 1.6 1.6
(2)
ou sa variance
(3)
Flexibilité des prix. Les prix peuvent être déterminés par un mono-
pole en fonction des coûts et de la demande estimée. Ceux-ci peuvent
aussi être le résultat de la concurrence entre des opérateurs privés et
des opérateurs publics. La prise en compte de la concurrence ne peut
être faite sans l’aide d’un modèle économique sous-jacent.
Nous avons développé, dans le cadre des projets REVENUE et
FUNDING (projets européens de DG TRENEN) un outil pour
l’ACB : MOLINO I (pour REVENUE I) et MOLINO II (pour FUN-
DING, voir [18] et [19]). Cet outil permet de calculer l’évolution des
recettes (transports individuels ou en commun et transports de fret)
pour des infrastructures (route, rail, air, etc.). MOLINO, qui est basé
sur un modèle CES pour les usagers, ainsi que pour les entreprises,
résout deux types de problèmes. Le premier est celui du choix des
agents (choix de routes ou de temps de départ). Dans ce cas, l’équilibre
est un équilibre entre l’offre et la demande. Lorsque les biens sont des
substituts parfaits, l’équilibre est celui de Wardrop. Sinon, il s’agit d’un
équilibre qui égalise les temps de trajet généralisé attendus. Le second
équilibre est un équilibre économique, en fonction de la structure du
marché : monopole d’État, concurrence entre opérateurs privés, entre
opérateurs privés et services publics, etc. L’impact de la flexibilité des
prix, pris en compte dans MOLINO, est illustré en appendice.
Dans la section suivante, nous rappelons quelques concepts fonda-
mentaux en économie et en finance permettant de comparer différents
actifs financiers, et suggérons d’intégrer certains d’entre eux dans
l’ACB.
3.1.1. Le MEDAF
Le Modèle d’Évaluation des Actifs Financiers (MEDAF), ou Capi-
tal Assets Pricing Model (CAPM) développé au début des années 70
Intégration du risque et de l’incertitude dans la construction du calcul économique / 143
par Sharpe est utilisé pour évaluer des actifs financiers dans un marché
en équilibre. Nous présentons ici les fondements de ce modèle dans
son contexte originel, pour une présentation dans le contexte de la
VAN, voir le chapitre de C. Gollier dans cet ouvrage. Ce modèle est
basé sur le fait que seul le risque de marché rM , ou risque diversifiable,
est rémunéré par les investisseurs dans un tel marché. La rentabilité R
exigée par un investisseur est alors égale au taux de l’argent sans risque
rF majoré d’une prime de risque uniquement liée au risque de marché
de l’actif :
R = rF + b(rM – rF),
Table 3
VAN associées au projet
n1 n2
A 0 20
B 21 21
Theorem 3.6. [u(X)] ≥ [u(Y)] pour toute fonction u telle que u′′′
(x) > 0 ∀x ∈ si et seulement si les lois de X et Y différent et vérifient :
i) (X) = (Y),
Figure 2
Value-at-Risk
l’avenir. Les avantages de cette approche sont d’une part que la mise
en application est relativement aisée, et d’autre part, qu’il n’y a aucune
hypothèse sur les lois de distribution. Mais cette approche nécessite
beaucoup de données historiques, et suppose implicitement que le
passé va se reproduire de façon statistiquement identique, ce qui est
très discutable.
La méthode variance-covariance repose sur l’hypothèse que les ren-
dements du projet et des facteurs de risque ont des distributions nor-
males. Cette hypothèse n’est pas empiriquement justifiée, mais elle
permet de simplifier énormément les calculs. Si l’application est aisée,
le principal inconvénient de cette méthode est qu’elle sous-estime les
événements rares, puisque l’hypothèse de normalité n’est pas empiri-
quement justifiée.
Enfin, la simulation de Monte Carlo est la plus rigoureuse des trois
méthodes, mais elle requiert une puissance et un temps de calculs
importants.
où JA(n) est une variable aléatoire (la VAN du projet par exemple) et
V aRJA(n)(p) la VaR du projet pour un niveau de confiance p (on
choisit généralement p = 0.05 ou p = 0.01).
, (6)
(7)
Intégration du risque et de l’incertitude dans la construction du calcul économique / 151
(8)
I n1 n2 n3 n4
n1 n2 n3 n4
Table 6
VAN associées au projet
Table 8
EBE associés au projet
I n1 n2 n3 n4
Table 9
VAN associées au projet
V AN1 V AN2 V AN3 V AN4
Table 10
Comparaison des deux projets
CVaR CVaR
projet VaR à 5 % VaR à 6 % VaR à 10 % CVaR à 10 %
à5% à6%
Figure3
Densité et VaR
Intégration du risque et de l’incertitude dans la construction du calcul économique / 157
Figure 4
CVaR et Expected Shortfall
158 / La construction du calcul économique
point de vue d’une ACB, car il peut exister des situations où les
différents acteurs concernés (gestionnaires, actionnaires, institutions
financières, Etat) possèdent des préférences différentes vis-à-vis du
risque se traduisant par des niveaux de confiance différents. Il nous
semblerait alors intéressant d’appliquer des méthodes économétriques
pour déterminer ces niveaux de confiance.
Au terme de ce travail, nous recommandons dans le cadre d’une
analyse de projets de faire successivement :
1. l’analyse des coûts et des bénéfices pour déterminer les taux de
rendements des projets (VAN et TRI) et établir des comparaisons
avec la situation antérieure, et éventuellement avec d’autres projets
alternatifs,
2. l’analyse de sensibilité afin de bien identifier les variables aléatoi-
res qui ont un réel impact sur les résultats attendus,
3. le calcul de mesures de risques et d’indicateurs d’efficacité perti-
nents pour bien évaluer les risques financiers.
avec
ε ε .
ε ε
ε ε
Intégration du risque et de l’incertitude dans la construction du calcul économique / 161
ε ε ε ε
Références
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12/A, 2000.
162 / La construction du calcul économique
De l’expérience à la prospective
Luc Baumstark1
2. J. Dupuit, « De la mesure de l’utilité des travaux publics », Annales des Ponts et Chaussées,
2e semestre, no 116, 1844, p. 332-375. Jules Dupuit, Inspecteur Général des Ponts et Chaussées, est
considéré comme le fondateur du calcul économique public.
La mesure de l’utilité sociale des investissements / 167
3. On trouvera de nombreuses explications dans les rapports du Plan (CGP, 2001 ; 2005) qui
décrivent précisément les procédures par lesquelles ces valeurs ont été fixées, en insistant sur les
éléments qui faisaient difficulté au sein du groupe de travail.
4. Le 27 octobre 2005, le Premier ministre annonçait la transformation du Commissariat
Général du Plan. Le Centre d’analyse stratégique lui a succédé le 6 mars 2006. Le décret instituant
sa création (décret no 2006-260, Journal Officiel du 7 mars 2006) précise que ce nouveau Conseil
exerce, sous l’autorité du Premier Ministre, des missions de veille, d’expertise et d’aide à la décision
pour la conduite des politiques publiques. Afin d’éclairer le Gouvernement dans la définition et la
mise en œuvre de ses orientation stratégiques en matière économique, sociale, environnementale
ou culturelle, il élabore, soit à la demande du Premier ministre, soit de sa propre initiative dans le
cadre d’un programme de travail annuel des rapports, recommandations et avis.
http ://www.strategie.gouv.fr
168 / La construction du calcul économique
7. On trouvera dans son ouvrage (Etchegoyen, 2005) Votre devoir est de vous taire, un chapitre
sur le taux d’actualisation et le calcul économique dans lequel il relate et commente ce travail (p.
228-233).
8. Il existe une littérature critique abondante sur le calcul économique et la place toute relative
qu’il occupe dans l’évaluation des projets d’investissements publics. On trouvera à titre d’illustra-
tion un bon résumé de ces critiques dans Bernard Roy, Sébatien Damart (Roy et Damart, 2001).
Cet article n’est pas sans intérêt puisque l’auteur réagit particulièrement aux propositions faites
dans le rapport du Commissariat Général du Plan de 2001 qui sera présenté plus bas. On se
reportera aussi à la réflexion critique constructive que propose Olivier Godard (Godard, 2004) sur
le rôle et les limites de l’analyse économique dans les évaluations économiques. On s’aperçoit que
les critiques faites au calcul économique, comme outil d’évaluation, sont bien souvent les mêmes
que celles qu’on fait plus généralement à l’analyse économique. Un des enjeux est donc bien la
place de l’économiste dans le débat public.
9. « L’analyse coût avantage… ne peut fournir un point de départ objectif scientifiquement mis
en évidence à partir duquel il faudrait justifier le fait de s’en écarter… n’est-ce pas utopique
d’espérer mettre en évidence une solution voisine d’un optimum afin d’arrêter la décision en
justifiant la façon dont elle s’écarte de ce prétendu optimum ? », op. cit., Bernard Roy, p.14
10. La méthodologie traditionnelle conduit en effet à ramener un projet d’investissement à un
taux de rentabilité sensé intégrer l’ensemble des avantages et inconvénients du projet. Selon cette
170 / La construction du calcul économique
règle un investissement qui présente un taux de rentabilité interne supérieur au taux d’actualisa-
tion de la collectivité est un investissement profitable, susceptible de créer de la richesse, et qui,
sous réserve de disposer des fonds pour le faire, devrait donc être réalisé. On trouvera une
présentation complète de ce type d’approche dans un manuel classique comme celui de : Babusiaux
D., Décisions d’investissement et calcul économique dans l’entreprise, Economica, 1990.
11. Les exigences de concertation se font de plus en plus forte en raison des fréquentes
oppositions du citoyen aux décisions publiques. La concertation est inscrite dans le domaine
législatif (LOTI, 1982 ; Circulaire Bianco, 1992 ; Loi Barnier, 1995, etc. ) même si elle reste dans la
pratique encore assez modeste.
La mesure de l’utilité sociale des investissements / 171
12. Rapport Boiteux (2001), Transports : choix des investissements et coûts des nuisances, p.16.
Marcel Boiteux consacre un paragraphe de son avant propos sur ce sujet. Le rapport Lebègue (op.
cit.) y revient également à de nombreuses reprises : « À ces divers titres, le calcul économique
apparaît donc, au regard des préoccupations d’efficacité et de bon usage des fonds publics, comme un
instrument essentiel de cohérence à utiliser par les administrations tant pour l’ordonnancement de
leurs activités internes que dans leurs relations avec les autres administrations ou encore avec les
collectivités territoriales », p. 20.
172 / La construction du calcul économique
opèrent au nom des convictions qui les ont fait élire. Tout chiffrer, c’est
s’exposer tout autant à prendre des mesures perçues comme injustes
ou immorales. C’est dans cette tension qu’il faut apprécier le processus
de production de ces valeurs de référence.
– Une réflexion sur le calcul économique qui prend naissance dans une
dynamique de prospective
Les travaux qui vont être évoqués par la suite trouvent leur origine
dans une vaste prospective dans le secteur des transports menée au
Commissariat Général du Plan dans le début des années 1990 à la
18. Transports 2010, Rapport du groupe présidé par le Commissaire au Plan, La Documenta-
tion Française, 1992. Voir aussi : « Transports : pour une cohérence stratégique », Atelier sur les
orientations stratégiques de la politique des transport et leurs implications à moyen terme, présidé
par Alain Bonnafous, Commissariat Général du Plan, septembre 1993. Les réflexions ont principa-
lement porté sur les choix d’infrastructures de transport, avec l’objectif de renforcer au niveau
national la cohérence de l’ensemble des investissements des opérateurs publics et de ceux prévus
aux contrats de Plan État-régions. Plusieurs points ont fait l’objet d’examens critiques et de
préconisations : les circuits de financement, la tarification d’usage des infrastructures, et enfin la
question des méthodes d’évaluation des projets sur lesquelles les administrations avaient des points
de vue divergents.
La mesure de l’utilité sociale des investissements / 175
22. Commissariat Général du Plan, Transport : choix des investissements et coûts des nuisances,
Groupe présidé par Marcel Boiteux, La Documentation Française, Paris, 2001.
La mesure de l’utilité sociale des investissements / 177
Tableau 1
Valeur de la pollution atmosphérique
(euros par unités de trafic m/100.veh.km ; m/100.trains.km23)
Valeur Urbain Urbain Rase
Valeur 2000 en véh-km
moyenne dense diffus campagne
VP 0,9 m 2,9 m 1,0 m 0,1 m
PL 6,2 m 28,2 m 9,9 m 0,6 m
Bus - 24,9 m 8,7 m 0,6 m
Valeur 2000 en train-km
Train diesel (fret) - 458 m 160 m 11 m
Train diesel (voyageurs) - 164 m 57 m 4m
24. Dans une situation d’aide à la décision, le mot concertation s’applique à un type de
conception du dialogue entre acteurs (et/ou groupes) qui vise à progresser vers une compréhension
claire et commune des positions de chacun des acteurs (et/ou groupes) sur la question posée,
l’objectif de ce dialogue ou de cette réflexion devant être de conduire une décision et/ou de choisir
une façon de formuler et de résoudre un problème spécifique autant que possible d’une manière
consensuelle, Roy, in Gal, 1999, p. 1-6, Gal T., Stewart T.J., Hanne T. (eds), 1999, Multicriteria
decision making – Advances in MCDM models, algorithms, theory, and applications, Kluwer
Academic Publishers, Boston.
La mesure de l’utilité sociale des investissements / 181
25. Ce travail est considérable. Pour le rapport Boiteux de 2001 c’est plus d’une centaine de
personnalités d’horizons divers qui ont été rassemblées, des milliers de mails échangés, deux
années de travail, de nombreuses réunions plénières, des sous groupes de travail, des auditions
d’experts, sans compter toutes les réunions informelles et les concertations au sein même des
institutions partie-prenantes du processus.
182 / La construction du calcul économique
26. On notera par exemple que le rapport Boiteux (2001) prend soin de récapituler dans le
dernier chapitre (et non dans une annexe) l’ensemble des études et recherches qui semblait
La mesure de l’utilité sociale des investissements / 183
nécessaire d’entreprendre pour fonder davantage les décisions qui avaient été prises : « Le groupe a
fréquemment conclu que l’état des données existantes sur les différents effets externes du transport,
particulièrement en milieu urbain, ne suffisait pas pour établir solidement un barème de valeurs à
retenir dans les évaluations socio-économiques. Chaque fois que cela a été possible, le groupe a
proposé des valeurs a priori. Mais, ces valeurs ont été prises à titre conservatoire et il importe que les
pouvoirs publics engagent dans des délais assez brefs un ensemble de travaux pour conforter ou, le
cas échéant, modifier ces premiers compromis. »
184 / La construction du calcul économique
tements pour faire en sorte que les valeurs de référence ne soient pas
en totale déconnexion avec ce que révèlent les comportements des
agents économiques.
Ces études, qui ont joué un grand rôle pour la définition de certai-
nes valeurs, conduisent à des ordres de grandeur ou à des fourchettes,
mais pas à des valeurs précises. L’État intervient alors pour en norma-
liser les résultats et pour faire en sorte que tous les intéressés utilisent
dans les évaluations, jusqu’à nouvel ordre, la même valeur. Ledit État
ne cherche donc pas à se placer au-dessus de ce que révèle l’étude des
comportements et des opinions des gens, il normalise les résultats de
ces analyses. De ce fait ces valeurs ne tirent pas leur légitimité du
caractère scientifique qu’on peut leur donner, même si les résultats de
nombreux travaux et recherches ont été nécessaires pour les produire,
mais plutôt de la procédure de concertation à laquelle se sont associés
les mondes académique et administratif. Ces valeurs font donc autorité
mais ne sont pas arbitraires.
Cette approche se heurte à certaines limites qui obligent de compo-
ser avec cette règle. On peut en effet considérer que dans bien des cas
les agents économiques ont une appréciation erronée, insuffisante, des
effets externes qu’on cherche à intégrer dans les calculs et que de ce
fait, il est nécessaire de les corriger. C’est par exemple une des justifi-
cations qui a incité le groupe de travail à ne pas fonder strictement le
nouveau taux d’actualisation sur les taux d’intérêts réels de long terme,
même si la décision finale a intégré cette information.
– L’institutionnalisation du consensus
La reconnaissance de ces valeurs et finalement leur utilité dans le
processus d’arbitrage dépend en grande partie de la légitimité de l’ins-
titution qui a porté ce travail, des personnalités qui se sont impliquées
à des titres divers dans la réflexion collective, de la diversité des mem-
bres du groupe. Il paraît difficile d’imaginer réaliser un tel processus de
concertation et de compromis à une échelle plus vaste.
Malgré tout, l’élaboration des valeurs monétaires se heurte en per-
manence à la question de la légitimité de celui qui les produit. Certains
ont pu ainsi estimer que le Commissariat Général du Plan était un
camp retranché de technocrates défendant une orthodoxie économi-
que décalée par rapport aux enjeux de la société. D’autres estiment au
contraire qu’il est un creuset dans lequel s’élaborent de manière
concertée, à échelle réduite, les valeurs qui seront intégrées par la suite
dans les calculs publics permettant d’apprécier l’utilité sociale des
investissements. Il est toutefois significatif d’observer la rapidité avec
laquelle ces valeurs ont fait référence dans de très nombreux travaux y
La mesure de l’utilité sociale des investissements / 185
27. « LOI organique no 2001-692 du 1er août 2001 relative aux lois de finances », JO no 177 du
2 août 2001.
Il faut rapprocher de ce texte de loi de nombreuses réflexions autour des questions relatives à la
régulation publique qui ont été menées dans d’autres instances administratives et dans les milieux
académiques. La régulation par l’information suppose en effet de disposer de batteries d’indica-
teurs reconnus y compris pour des éléments difficiles à saisir. À titre d’exemple on peut citer le
travail sur les indicateurs de performances que mène l’Institut de la Gestion Déléguée
(http ://www.fondation-igd.org) dont les membres représentent l’ensemble des acteurs et partenai-
res concernés en France par la gestion des services publics locaux : associations d’élus locaux et des
cadres dirigeants des collectivités locales ; associations de consommateurs, grandes administrations
(DGCCRF, DGCL, etc.) ; opérateurs de service public privés ou filiales de groupes publics ;
personnalités françaises et internationales. La production de tels indicateurs répond à une
demande sociale qu’on trouve par exemple exprimée dans une charte des services publics locaux
qu’ont signée le 16 janvier 2002 l’IGD et les trois grandes Associations d’élus, Maires de France,
Départements et Régions.
188 / La construction du calcul économique
Références
Abraham C., « Rationalité et sécurité », Analyses et Prévisions, (4),
1970.
Baumstark L., « La construction de valeurs socio-économiques envi-
ronnementales : l’économiste dans la posture du passeur », Collo-
que AFSE, Rennes, 2004.
Babusiaux D., Décisions d’investissement et calcul économique dans
l’entreprise, Economica, 1990.
Bernard A., « Repenser le calcul économique public », Colloque
AFSE, Rennes, 2004.
Boiteux M., « Echanges et controverses, À propos de la critique de la
théorie de l’actualisation telle qu’employée en France », Revue
d’Économie Politique, No 86, 1976.
Boltanski L. et Thévenot L, De la justification. Les économies de la
grandeur, Gallimard, (Coll. NRF – Les Essais), Paris, 1991.
Commissariat Général au Plan, Calcul économique et planification, La
Documentation Française, Paris, 1973.
Commissariat Général au Plan , Calcul économique et décisions publi-
ques, La Documentation Française, Paris, 1979.
Commissariat Général au Plan, Calcul économique et résorption des
déséquilibres, La Documentation Française, Paris, 1983.
Commissariat Général du Plan, Transports : pour un meilleur choix
des investissements, Rapport du groupe de travail présidé par Mar-
cel Boiteux, La Documentation Française, Paris, 1994.
Commissariat Général du Plan, Transports : choix des investissements
et coûts des nuisances, Rapport du groupe de travail présidé par
190 / La construction du calcul économique
L’INFLUENCE RELATIVE
DES DIFFÉRENTES VALEURS
TUTÉLAIRES : UNE ÉTUDE
PAR LA SENSIBILITÉ DES INDICATEURS
SOCIO-ÉCONOMIQUES
Guillaume Chevasson1
explicitant la méthode dans ces grandes lignes. Les annexes techniques déclinent les concepts en
pratiques opérationnelles pour les différentes étapes de l’évaluation et définissent les outils à
utiliser.
4. Ministère de l’Équipement, des Transports et du Logement, Direction des routes, Méthodes
d’évaluation économique des investissements routiers en rase campagne, septembre 1998.
5. Ministère de l’Équipement, des transports, du Logement, du Tourisme et de la Mer,
Instruction-cadre relative aux méthodes d’évaluation économique des grands projets d’infrastruc-
tures de transport, 25 mars 2004, mise à jour le 27 mai 2005.
194 / La construction du calcul économique
Figure 1
Représentation du contexte d’analyse
Tableau 1
Caractéristiques du cas théorique
Croissance8
Capacité
Longueur Vitesse Trafic initial du trafic
en uvp7
Km VP/PL Km/h Uvp par an
par sens
(2025)
12 000 véh/j
Route 110 1 730 uvp/h 90/80 VP 1,8 %
15 % de PL
PL 1,5 %
Autoroute 90 3 460 uvp/h 130/90 -
9. Formule employée et développée par U.S. Bureau of Public Road. La formulation simplifiée
est : T = Tmin[1 + a( q )b] dans laquelle T et q désignent respectivement le temps de parcours et le
q max
débit du chaînon, Tmin, le temps de parcours minimum, c’est-à-dire à vitesse libre, qmax, la capacité
maximale du chaînon, a et b, deux paramètres calibrés à partir de mesures.
196 / La construction du calcul économique
10. T 1 = C 2 avec T1+T2 = T trafic total de la relation origine-destination, T1 et T2 sont les trafics
T2 C1
à attribuer aux deux itinéraires et C1 et C2 les coûts de circulation sur ces itinéraires.
L’influence relative des différentes valeurs tutélaires / 197
Figure 2
Architecture de l’outil de simulation
11. Commissariat Générale du Plan, Transports : choix des investissements et coûts des nuisan-
ces, La Documentation Française, Paris, 2001.
198 / La construction du calcul économique
Distances
En euro 2000 Distances inférieures Distances comprises
supérieures
par voyageur/heure à 50 km entre 50 et 400 km
à 400 km
• La valeur du bruit
Dans les zones non habitées, les dommages causés par le bruit
peuvent être négligés. Dans le cadre de l’outil, l’hypothèse a été faite
que le long des deux infrastructures routières, il n’y avait pas d’habita-
tions. Le trafic est un trafic d’échange uniquement.
Tableau 2
Bilan coûts-avantages actualisé pour la collectivité
Avantages temps
Avantages confort
Usagers VP
Avantages frais de fonctionnement
Avantages péage
Avantages temps
Usagers PL Avantages frais de fonctionnement
Avantages péage
Pollution atmosphérique
Riverain
Effet de serre
Investissement (9)
12. Le scénario de base prend en compte les valeurs officielles concernant les valeurs tutélaires
des effets non marchands, les valeurs unitaires concernant les coûts de circulation, les ratios
d’insécurité routière, les vitesses réglementaires, le coût d’investissement, les dépenses d’exploita-
tion et d’entretien, le taux d’actualisation, le taux de croissance du trafic et les hypothèses macro-
économiques. Concernant les paramètres liés aux longueurs, aux capacités et au trafic existant à la
mise en service, ils sont au choix de l’utilisateur.
202 / La construction du calcul économique
Tableau 3
Relations entre valeurs tutélaires et indicateurs de rentabilité
Variation Bénéfice TRE
m m m
Valeurs du temps voyageurs
--------------------- --------------------- --------------------
et/ou marchandises
. . .
m m m
Valeurs de la vie humaine --------------------- --------------------- --------------------
. . .
m m m
Valeur de la tonne de carbone --------------------- --------------------- --------------------
. . .
m m m
Valeurs de la pollution
--------------------- --------------------- --------------------
atmosphérique13
. . .
Tableau 4
Résultats des études de sensibilité aux valeurs tutélaires
Rentabilité socio-économique
Taux
Elasticités apparentes Bénéfice actualisé
de Rendement
pour la collectivité
Economique
En % En pts de %
13. Une hausse des valeurs de la pollution atmosphérique a un impact positif sur le bénéfice et
le TRE, car le coût de la pollution est lié aux véhicules-kilomètres parcourus. Or, dans notre
exemple, la longueur de l’autoroute est plus faible que celle de la route et le trafic autoroutier,
même augmenté du trafic induit, engendre des véhicules.kilomètres inférieurs à ceux du trafic
routier dans la situation de référence. Cela explique la relation de cause à effet que nous observons
ici.
L’influence relative des différentes valeurs tutélaires / 203
14. Le nombre de tués pour 100 accidents est de 21,7 sur route type 7m alors qu’il n’est que de
9,3 sur autoroute interurbaine. Le nombre de blessés graves est de 49,6 sur route et de 26,3 sur
autoroute. Le nombre de blessés légers est de 114,5 sur route et de 125,3 sur autoroute. Les taux
d’insécurité résultent ici d’une moyenne sur les années 1999 à 2001.
204 / La construction du calcul économique
Tableau 5
Relation entre différents paramètres, indicateurs de rentabilité
et niveau de trafic
Tableau 6
Sensibilité des indicateurs aux niveaux de service offert
Taux de Rendement
Bénéfice pour la collectivité
Economique
Elasticités apparentes
16. Page 31, Commissariat Général au Plan, Transports : pour un meilleur choix des investisse-
ments, La Documentation Française, novembre 1994.
206 / La construction du calcul économique
Tableau 7
Sensibilité des indicateurs aux coûts d’investissement
Taux de Rendement
Bénéfice pour la collectivité
Economique
Elasticités apparentes
17. Le coût d’investissement du projet s’étale ici sur 7 années (n-4 à n+2), avec une proportion
plus importante des coûts se situant entre n-3 et n.
208 / La construction du calcul économique
Tableau 8
Sensibilité des indicateurs aux coûts de circulation
Taux de Rendement
Bénéfice pour la collectivité
Economique
Elasticités apparentes
Tableau 9
Sensibilité des indicateurs aux hypothèses macro-économiques
Taux de Rendement
Bénéfice pour la collectivité
Economique
Elasticités apparentes
18. Pour exemple, nous pouvons citer le cas du viaduc de Millau dont le trafic dépasse d’envi-
ron 20 % les prévisions qui avaient été réalisées. Même si, pour ce cas, il y a certainement un effet
« site d’attraction » qui perdurera les premières années, du fait de l’ampleur et de la réputation de
l’ouvrage, cela montre que la prévision de trafic attendu est un exercice difficile et source d’erreur
d’appréciation, tant à la hausse qu’à la baisse.
210 / La construction du calcul économique
Tableau 10
Augmentation de la valeur de la tonne de carbone
-100 % 0 +1,6 %
--------------------------- --------------------------- --------------------------
-50 % 50 +0,8 %
--------------------------- --------------------------- --------------------------
-40 % 60 +0,6 %
--------------------------- --------------------------- --------------------------
-30 % 70 +0,5 %
--------------------------- --------------------------- --------------------------
-20 % 80 +0,3 %
--------------------------- --------------------------- --------------------------
-10 % 90 +0,2 %
Valeur de la tonne
--------------------------- --------------------------- --------------------------
de carbone
+10 % 110 -0,2 %
--------------------------- --------------------------- --------------------------
+50 % 150 -0,8 %
--------------------------- --------------------------- --------------------------
+100 % 200 -1,6 %
--------------------------- --------------------------- --------------------------
+400 % 500 -6,4 %
--------------------------- --------------------------- --------------------------
+900 % 1 000 -14,5 %
--------------------------- --------------------------- --------------------------
+1400 % 1 500 -22,5 %
Valeurs du temps
Les valeurs du temps ont un très fort impact sur les résultats. Les
résultats du tableau 11 le confirment. La valorisation du temps appa-
raît bien comme l’élément prépondérant dans le calcul de rentabilité
socio-économique du projet. Mais, de même qu’il paraît irréaliste de
multiplier la valeur du carbone par 7,2, il paraît tout aussi irréaliste
de vouloir continuer à augmenter les valeurs du temps indéfiniment.
Surtout que la tendance aujourd’hui est à l’augmentation de la
congestion à l’entrée des agglomérations (ce qui fait perdre une
partie des gains de temps accumulés auparavant) et à la réduction
des vitesses sur la route (ce qui équivaut à une baisse des valeurs du
temps).
20. Moyenne des prix à la clôture sur les 123 derniers jours de cotation (du 24/06/05 au
21/12/2005). (http ://www.powernext.fr)
21. En prenant 0,27g de carbone comme équivalence pour 1 gramme de C02.
214 / La construction du calcul économique
Tableau 11
Variation des valeurs du temps
-50 % -52,9 %
------------------------------------- ------------------------------------
-40 % -41,6 %
------------------------------------- ------------------------------------
-30 % -30,7 %
------------------------------------- ------------------------------------
-20 % -20,2 %
------------------------------------- ------------------------------------
-10 % -10,0 %
Valeurs du temps ------------------------------------- ------------------------------------
+10 % +9,9 %
------------------------------------- ------------------------------------
+20 % +19,6 %
------------------------------------- ------------------------------------
+30 % +29,2 %
------------------------------------- ------------------------------------
+40 % +38,7 %
------------------------------------- ------------------------------------
+50 % +48,2 %
Lecture du tableau : une augmentation des valeurs du temps de 10 % augmente le bénéfice pour
la collectivité de 9,9 % ; une diminution de 10 % entraîne une baisse d’environ 10,0 %.
poursuite de cet objectif s’est traduit par une réduction des vitesses
moyennes observées.
Dans la suite, nous nous intéressons uniquement à la baisse des
vitesses sur autoroute. Si nous prenons le cas des autoroutes de liaison,
la vitesse moyenne (VP+PL) est passée de 107,5 km/h en 2000 à 105,8
km/h en 2004, soit une baisse de 1,6 %.
Tableau 12
Vitesses moyennes constatées sur autoroutes de liaison entre 2000 et 2004
Tableau 13
Relation entre Vitesses sur autoroute et Valeurs du temps
est équivalente
Vitesses Une baisse
Vitesses en km/h à une baisse
sur autoroute des vitesses de :
des VDT de :
Lecture du tableau : une baisse des vitesses sur autoroute de 10 % est équivalente à une baisse
des valeurs du temps de 10,5 %.
côté elle agit d’une manière qui sous-entend qu’elle les considère
moins élevées. En d’autres termes, nous avons d’un côté une valorisa-
tion du temps qui constitue l’essentiel des avantages résultant d’un
projet et qui détermine en grande partie sa rentabilité et d’un autre
côté nous assistons à des politiques de réduction de la vitesse qui vont à
l’encontre de cette règle.
Qu’est-ce que cela peut signifier ? Quelle explication pouvons-nous
trouver à ce paradoxe ? En nous intéressant maintenant à la relation
qui existe entre vitesses/valeurs du temps et valeur de la tonne de
carbone, nous pouvons peut-être trouver un début d’explication.
Tableau 14
Relation entre valeurs du temps et valeur de la tonne de carbone
est équivalente
Valeur
Une baisse à une hausse Impact
de la tonne
des VDT de : de la valeur sur le bénéfice
de carbone en m
du carbone de :
Lecture du tableau : une baisse de 1,6 % des valeurs du temps est équivalente à une augmenta-
tion de 100 % de la valeur de la tonne de carbone.
L’influence relative des différentes valeurs tutélaires / 217
Tableau 15
Relation entre vitesses et valeur de la tonne de carbone
est
Une baisse
Soit : équivalente Valeur
de la vitesse Impact
vitesses à une de la tonne
sur sur le
en km/h hausse de carbone
autoroute bénéfice
VP / PL de la valeur en m
de :
t/Cb de :
Lecture du tableau : une baisse de 5,0 % des vitesses sur autoroute (VP : 123,5 km/h et PL :
85,5 km/h) a le même impact sur le bénéfice qu’une hausse de 301 % de la valeur de la tonne de
carbone.
3.4. Résultats
Considérons ici deux cas de figure : le premier concerne la baisse
des vitesses observées sur les autoroutes de liaison, le deuxième
concerne l’idée de faire passer la vitesse sur autoroute à 115 km/h.
1) Nous considérons uniquement la baisse des vitesses sur autorou-
tes observées entre 2000 et 2004.
Nous supposons que le coût monétarisé de toute tonne de carbone
rejetée dans l’atmosphère est pris en compte dans la détermination des
indicateurs de rentabilité socio-économique et nous supposons égale-
ment que les vitesses moyennes sont proportionnelles aux vitesses
réglementaires.
218 / La construction du calcul économique
22. Année de la mise en service de l’autoroute. Année à partir de laquelle nous calculons les
avantages.
L’influence relative des différentes valeurs tutélaires / 219
4. CONCLUSION
Quelle peut être l’utilité d’une telle démarche ? Son objectif n’étant
pas de donner des valeurs tutélaires qui fassent que le calcul économi-
que soit à l’abri de critiques de tout bord, nous pourrions être interro-
gés alors sur l’apport d’un tel travail.
Les résultats que nous avons présentés ici n’ont qu’un seul but, celui
de mettre en lumière les implications des choix effectués par la collec-
tivité dans la valorisation des effets non marchands et également dans
la construction des outils du calcul économique.
Comme nous l’avons vu, les indicateurs de rentabilité socio-
économique, notamment le bénéfice pour la collectivité, sont très sen-
sibles aux variables qui ont une influence sur les gains de temps (lon-
gueur du tracé, vitesses, valeurs du temps, trafic existant avant la mise
en service). Si certaines variables sont indépendantes d’un projet à un
autre, certaines, comme les valeurs du temps, sont du ressort de la
puissance publique. Par conséquent, le choix de leur niveau n’est pas
neutre dans la détermination de la rentabilité des projets.
Dans un autre registre, les valeurs environnementales, notamment
celle de la tonne de carbone, n’ont qu’une place de représentation au
220 / La construction du calcul économique
Références
Commissariat Général au Plan, Transport : choix des investissements et
coûts des nuisances, La Documentation Française, Paris, 2001.
Ministère de l’Équipement, des Transports et du Logement, Direction
des Routes, « Instruction relative aux méthodes d’évaluation éco-
nomique des investissements routiers en rase campagne », octobre
1998.
Ministère de l’Équipement, des Transports, de l’Aménagement du
territoire, du Tourisme et de la Mer, « Instruction-cadre relative
aux méthodes d’évaluation économique des grands projets d’infras-
tructures de transport », 25 mars 2004, Mise à jour le 27 mai 2005.
DEUXIÈME PARTIE
2. Exemple : soit un projet dont l’investissement est 1 et qui comporte dans un an un bénéfice
de 20 et dans deux an un dommage de 20.
Calcul du bénéfice actualisé :
1 – 1 2
Avec 8 % : B = 20* [
1.08 1.08 ( )]
– 1 = 0.37 : le projet est à retenir.
1 – 1
Avec 4 % : B = 20* [
1.04 ( )]
1.04
2
– 1 = – 0.26 : le projet est à rejeter.
ÉVALUATION, FINANCEMENT
ET PROGRAMMATION
DES INVESTISSEMENTS
Alain Bonnafous et William Roy1
2. Cf. le chapitre 4.
3. La valeur empirique de la VAN socio-économique est, dans les circulaires ministérielles, « le
bénéfice socio-économique actualisé » ou BNA. Ce chapitre ne propose pas de revenir sur les
règles de calcul pratique du bénéfice actualisé, et ne considérera que sa valeur théorique : la VAN
socio-économique.
Évaluation, financement et programmation des investissements / 229
1. LE BESOIN DE SUBVENTION
Pour calculer la fonction qui établit le taux de subvention néces-
saire à un projet, supposons que celui-ci correspond à la chronique
stylisée des coûts et des bénéfices financiers, représentée sur la figure 1.
Si la mise en service est supposée réalisée à la date t = 0, la dépense
annuelle entre les dates –d et 0 est de c.
À partir de la mise en service, le bénéfice financier dégagé est
supposé de la forme (a+b . t)4.
Figure 1
La fonction bénéfice-coût
4. Les calculs qui suivent se transposent sans difficulté avec une fonction exponentielle et les
analyses qui en résultent n’en sont pas radicalement modifiées. En particulier,
pour les valeurs de r et de T rencontrées actuellement dans les cas pratiques.
Évaluation, financement et programmation des investissements / 231
Nous notons :
␣ le taux d’actualisation utilisé pour calculer la VANf,
␣0 le taux d’actualisation qui annule la VANf du projet, c’est à dire
son TRI,
d est le supplément de TRI que la subvention apporte à l’opéra-
teur,
s est le taux de subvention de l’investissement, soit la part de c
financée par subvention. Nous ferrons abstraction du cas des
versements de fonds publics récurrents, comme dans le cas des
PPP où le versement public est en quelque sorte en viager.
(2)
(3)
(4)
(5)
5. Les détails des calculs sont présentés dans la présentation initiale de cette formalisation
(Bonnafous, 2002).
232 / Des projets à la programmation des investissements
Figure 2
Taux de subvention et amélioration du tri
6. La liste de ces projets est présentée en annexe. Il s’agit des projets du réseau français qui
étaient en concurrence au début des années 90. Plusieurs ont été réalisés depuis avec une faible
234 / Des projets à la programmation des investissements
contribution apparente des finances publiques car ils ont été confiés à des sociétés d’autoroute qui
ont pu utiliser le mécanisme d’adossement (cf. section 1).
7. Dans cet article cité en référence, le résultat correspondant à celui qui est présenté sur la
figure 3 ci-après est légèrement différent en raison d’une faiblesse de l’algorithme de « remplis-
sage » de la contrainte financière qui a été corrigé entre temps.
Évaluation, financement et programmation des investissements / 235
8. Tant que F le permet, il n’y a pas de durée pluriannuelle de réalisation imposée par la
technique.
236 / Des projets à la programmation des investissements
Figure 3
Rendement social comparé des programmes ordonnés selon les TRI
(IRR), le ratio VAN/euro public (o) et l’optimum établi par les
simulations sous différentes contraintes de financement
prix
p(q)
C’E
Augmentation de la
pente de − ϕ p q '( )
1 +ϕ
C’
CM
Pϕ
P0
Qϕ Q0 Trafic : q
Les xi ont une valeur nulle lorsque le projet n’est pas réalisé et égale
à l’unité lorsque le projet est réalisé en totalité. Nous supposerons qu’il
est possible de réaliser partiellement un projet, le xi correspondant
étant alors compris entre 0 et 1. Pour un projet k réalisé partiellement,
les valeurs xk.VANk et xk.Sk retenues sont supposées proportionnelles
à VANk et Sk en fonction de xk. Nous verrons plus tard que cette
hypothèse tout à fait théorique, de réalisation partielle des projets,
n’est pas très contraignante.
9. Cette manière de formaliser le problème est proche de celle de Weingartner (1963), lorsqu’il
se proposa de résoudre le problème fondamental posé par Lorie & ; Savage (1955). Toutefois,
son travail de résolution s’est concentré sur approche en termes de programmation linéaire.
Bertonëche & ; Langohr (1977) offrent une intéressante mise en perspective de ces travaux
fondateurs. Pour une synthèse sur les modèles de programmation linéaire, voir Babusiaux (1990).
Or si la programmation linéaire fournit un outil de résolution ponctuel efficace (pour un ensemble
de projet donné), elle ne permet pas de faire apparaître un résultat théorique général.
Évaluation, financement et programmation des investissements / 239
(7)
␣i xi = 0, ∀i = l,...,n (8)
u,␣1,...,␣n,b1,...,bn > 0
(10)
10. Les conditions suffisantes d’existence d’un maximum unique sont vérifiées sous les hypo-
thèses du modèle.
240 / Des projets à la programmation des investissements
dB = Skdxk (11)
dW = VANkdxk (12)
VANi - uSi = bi - ␣i
D’où (13)
11. Il est important de ne pas assimiler ce coût de rareté des fonds publics (que l’on peut aussi
interpréter comme un coût d’opportunité) au coût social des fonds publics. Le coût social des fonds
publics (shadow cost of public funds) est formé par les coûts de la collecte de l’impôt et les
distorsions de prix associés.
Évaluation, financement et programmation des investissements / 241
Pour les projets rejetés ou différés (indicés R), les conditions d’opti-
misation impliquent :
Á La contrainte « - xi ≤ 0 » est saturée, on a donc ␣i = 0
Á La contrainte « xi - 1 ≤ 0 » n’est pas saturée, on a donc bi > 0
D’où (14)
Il est important de ne pas identifier le « coût d’opportunité des fonds publics » au « coût
social des fonds publics ». Ce sont deux coûts aux origines économiques fondamentale-
ment différentes. Le coût social des fonds publics (shadow cost of public funds) regroupe
les coûts de la collecte de l’impôt et des distorsions de prix associées. Dans les procédures
actuelles de constitution des bilans socio-économiques, la prise en compte du coût social
des fonds publics implique une pondération des apports publics par un facteur qui est
estimé dans le rapport Lebègue (CGP 2005) à 0,3. L’idée est de prendre en compte le
coût total pour l’économie d’un subventionnement.
Le coût d’opportunité des fonds publics considère, pour sa part, l’utilisation alternative
que pourrait avoir les fonds publics lorsqu’ils sont rares. C’est le résultat d’une optimisa-
tion avec une condition supplémentaire : la contrainte budgétaire (et d’endettement). Le
coût d’opportunité est le paramètre d’un optimum de second rang, alors que le coût
social des fixe les conditions d’un optimum de premier rang. Ce sont deux concepts biens
différents.
Si un projet requiert 100 m de subventions publiques pour une VAN de 50 m. La prise en
compte du coût social des fonds publics conduit à corriger la valeur sociale du projet qui
est en fait de 20 m (en reprenant le taux du rapport Lebègue). La VAN corrigée du coût
social des fonds publics est positive, ce projet doit être réalisé. Notons que ce projet a un
ratio VAN/S de 0,5. Dans une optique de premier rang, ce projet doit être réalisé car le
bénéfice par euro public est supérieur au coût social des fonds publics de 0,3.
242 / Des projets à la programmation des investissements
Toutefois, si les fonds publics sont rares, la réalisation de ce projet peut priver de
subventions un projet rapportant 1m de VAN par euro public dépensé, c’est son coût
d’opportunité. Il n’est plus souhaitable de réaliser le projet car il engendre un différentiel
de VAN de -50 m.
Dans notre exemple, le coût d’opportunité généré par la contrainte budgétaire domine le
coût social des fonds publics, c’est aussi le cas de figure auquel nous devons faire face. Il
n’est jamais souhaitable de réaliser un projet dont le ratio VAN/S est inférieur à 0,3. Mais
la prise en compte du coût social des fonds publics devient inutile lorsque la contrainte
budgétaire est forte. Si le coût d’opportunité de la collectivité est de 1m, les projets dont le
ratio VAN/S se situe entre 0,3 et 1 seront de toute façon rejetés.
12. En particulier, le rationnement des fonds public n’est pas modulé dans le temps (cf. chapitre
8).
Évaluation, financement et programmation des investissements / 243
– (1)
–
(2)
Soit
Figure 4
Tarification optimale et rareté des fonds publics
prix
p(q)
C’E
Augmentation de la
pente de − ϕ p q '( )
1 +ϕ
C’
CM
Pϕ
P0
Qϕ Q0 Trafic : q
Évaluation, financement et programmation des investissements / 245
(2)
13. La méthode utilisée pour arrêter le programme du 5e Plan était par exemple de classer les
investissements par taux de rentabilité immédiate décroissant, et de s’arrêter quand on avait épuisé
la contrainte budgétaire, ce qui revenait à appliquer ce principe.
246 / Des projets à la programmation des investissements
(3)
Références
Abraham C. et Laure A., « Étude des programmes d’investissement
routiers », Annales des Ponts et Chaussées, novembre-décembre,
1959.
Babusiaux D., Décision d’investissement et calcul économique dans
l’entreprise, Economica / Technip, coll. Économie et statistiques
avancées, 1990.
14. Au passage, le résultat précédent montre qu’un projet ne doit pas être réalisé dès que la
VAN devient positive, mais quand elle devient maximum. « Dans ces conditions, une opération
isolée ne doit pas être réalisée dès qu’elle est juste rentable [i.e. VAN > 0], mais quelques années
après seulement » (Abraham & ; Laure, 1959, p. 744), ce qui est un résultat trop souvent
ignoré.
Évaluation, financement et programmation des investissements / 247
3. Abraham C. et Laure A., « Étude des programmes d’investissements routiers », Annales des
Ponts et chaussées, novembre, 1959.
Une méthode d’optimisation des programmes d’investissements de transport / 251
peuvent ou non être liés (par exemple les avantages du projet 1 diffè-
rent ou non selon que le projet 2 est ou non réalisé) ; chaque projet
peut être financé avec plus ou moins de participation privée ; chaque
projet peut être mis en service à n’importe quelle date du futur ; enfin
chaque année il y a différentes contraintes financières (contraintes sur
les fonds publics, contraintes sur les volumes d’emprunts, …).
Dans toute sa généralité, la question du programme optimal se pose
de la manière suivante : Quelle est la combinaison optimale, c’est-à-
dire celle qui maximise la valeur actualisée totale, en respectant les
contraintes qui lient les projets entre eux et les limitations de budget ?
La démarche proposée ici est fondée sur la programmation linéaire.
On va la présenter en examinant des situations de plus en plus com-
plexes.
an(t0n)/r = In
Si cette égalité ne peut pas être satisfaite, le projet doit être fait
immédiatement si le premier terme est toujours supérieur au second,
et ne doit jamais être réalisé dans le cas inverse. C’est en effet ainsi que
le bénéfice actualisé tiré du projet et défini par la relation précédente
est maximale.
Le critère du Bénéfice actualisé socio-économique permet de choi-
sir entre variantes d’un même projet : on détermine pour chacune sa
date optimale et on choisit celle qui, placé à sa date optimale, rapporte
le bénéfice actualisé le plus élevé. C’est en effet ainsi que l’on maximise
le bénéfice tiré du projet.
Il faut bien voir les limites des enseignements à tirer du bénéfice
actualisé ainsi compris : il ne dit pas que la variante choisie est opti-
male, mais simplement qu’elle est préférable à toutes celles sur les-
quelles a porté la comparaison, mais il ne dit pas que la variante
choisie est la bonne. D’où l’importance à la fois de bien choisir la
situation de référence8 et d’ouvrir au maximum l’éventail des projets
6. Cette hypothèse simplificatrice exclut les mécanismes dits de « build-up » par lesquels le
trafic d’une nouvelle infrastructure met quelques années à atteindre sa valeur finale.
7. Quinet E., Principes d’économie des transports, Economica, 1998.
8. Voir à ce sujet les recommandations du rapport Boiteux (Boiteux, 2000).
254 / Des projets à la programmation des investissements
Dans cette expression les inconnues sont les dates de mise en ser-
vice tn0. Les différentes expressions entre crochets du coté droit de la
relation précédente comportent une et une seule de ces variables, la
fonction de droite est séparable en chacune d’elles, et l’optimisation se
fait pour chaque crochet séparément.
Alors la procédure de choix peut être totalement décentralisée
(c’est la conséquence de la fixation au bon niveau du taux d’actualisa-
tion dans une économie « optimale »). Chaque échelon décentralisé
peut isolement déterminer la bonne variante technique et sa date de
réalisation. L’échelon central auquel il demandera les crédits corres-
pondants n’aura pas de raison de les lui refuser, sauf bien sur problè-
mes d’asymétrie d’information et de divergences d’objectifs entre
échelon central et échelons décentralisés, situation exclue de l’analyse.
9. Cette énumération comporte quelques difficultés : on ne connaît pas a priori l’ordre des deux
projets ; il faut énumérer les ordres possibles (A puis B, B puis A, A et B en même temps), dans
chaque ordre, trouver la date optimale de réalisation de chaque investissement, puis calculer le
bénéfice actualisé de chaque combinaison ainsi optimisée quant aux dates, et choisir la combinai-
son qui conduit au bénéfice actualisé le plus élevé.
10. Dans la réalité, ce coût moyen pondéré n’est pas une donnée exogène, mais résulte des
caractéristiques du projet et de celles de l’investisseur.
256 / Des projets à la programmation des investissements
11. Commissariat Général du Plan, Révision du taux d’actualisation des investissements publics,
Rapport d’un groupe de travail présidé par D. Lebègue, rapporteur L. Baumstark, La Documenta-
tion Française, Paris, 2005.
Une méthode d’optimisation des programmes d’investissements de transport / 257
Il faut noter que dans ces conditions chaque décision sur un projet
particulier influe sur la programmation des autres par l’intermédiaire
de la contrainte budgétaire. Une question importante est alors de
savoir si des critères simples permettent aux échelons décentralisés de
prendre des décisions de programmation, à commencer par choisir
entre variantes techniques, ou encore de choisir entre projets liés, ou
enfin de décider la date de réalisation du projet retenu.
0 ≤ xn,t ≤1
兺x t
n,t <1 : cette contrainte signifie que le projet n’est réalisé
qu’une fois au plus.
兺x n
n,t *In<Ct : c’est la contrainte budgétaire de l’année t, et il y
en a autant que d’années en considération. Ct est le budget maximum
de l’année t.
Cette contrainte peut s’appliquer à l’ensemble des sources de finan-
cement des projets, ou, plus souvent, à la part publique du finance-
ment, soit, avec les notations précédemment introduites, à la diffé-
rence entre le coût total et la part financée par le partenaire privé. La
contrainte s’écrit alors, dans le cas envisagé au long de ce texte, qui est
celui d’une concession13 :
valeurs de t, ce qui n’a pas grand sens, sauf si cela se produit pour un
seul projet dont la réalisation est à cheval entre deux années successi-
ves (on verra dans la suite que c’est cette situation qui se rencontre
dans les simulations).
On peut de façon alternative supposer que les xi,t sont des nombres
entiers. On a alors un programme linéaire en nombres entiers. Ce cas
n’est pas traité dans les simulations du présent chapitre.
Dans ce programme les nombres Bn(tn0) qui interviennent sont
calculés à partir de la connaissance des avantages et des coûts annuels ;
les nombres Ifn(tn0) sont également calculés à partir des caractéristi-
ques du projet en termes de tarification et de clientèle, ainsi que des
conditions financières du marché. Il est facile de voir que la solution ne
peut pas s’exprimer par une règle simple générale, sauf hypothèse
complémentaire forte.
<1
Cette contrainte exprime que l’on fait l’une ou l’autre des deux
variantes, mais pas les deux.
est fait après 2. Aux variables x1t, x2t, x3t et x4t, on ajoute les
variables X1t (et la suite) définies par :
Les contraintes à ajouter pour tenir compte des liaisons entre pro-
jets sont :
X1t+X2t ≤ 1 : ce qui signifie que si 1 est réalisé, 2 ne l’est pas selon la
modalité où il rapporte des avantages isolés
X3t-X1t ≤ 0 : ce qui signifie que si 1 est réalisé, 2 peut l’être sous la
forme (et avec les avantages) où il est fait après 1.
X4t-X2t ≤ 0 : même chose pour 2.
1.2.3. Cas d’incertitude sur les contraintes financières futures
On peut enfin aborder le cas où il y a une incertitude sur les
contraintes budgétaires futures. Supposons par exemple qu’on
connaisse la contrainte budgétaire C1 de la période 1, mais que pour
les périodes ultérieures on ait une incertitude entre une première
chronique Cth (avec t>1) avec une probabilité q et une autre chronique
Ctb (avec t>1) avec une probabilité 1- q, l’incertitude étant levée à la
fin de la première période lorsque le choix de cette première période
est effectué. On introduira pour chaque projet i :
xn + 兺[h
t≤2
nt ] ≤ 1 : cette contrainte signifie que le projet ne peut être
xn + 兺[b
t≥2
n,t ] ≤ 1 : même chose pour la chronique B
兺xn
n * In ≤ C1 : c’est la contrainte budgétaire de l’année 1
兺hn
in * In ≤ Cht : c’est la contrainte budgétaire de l’année t (avec
2. RÉSULTATS DE SIMULATIONS
14. Le jeu de ce coefficient serait bien sur différent si le financement privé intervenait sous une
autre forme, par exemple sous la forme de « partenariat public privé », au sens où ce terme est
entendu en France.
262 / Des projets à la programmation des investissements
Subvention
Investissement 100 %
publique seulement
Tableau 1
Résultats de tests sur le choix de variantes incompatibles
75 % des crédits
Test 3 40 1 000 37 900 1
optimaux
50 % des crédits
Test 4 40 1 000 37 900 2
optimaux
75 % des crédits
Test 7 40 1 000 26 500 1
optimaux
50 % des crédits
Test 8 40 1 000 26 500 2
optimaux
Tableau 2
Corrélations entre les dates de mise en service
et les indicateurs de rentabilité usuels
projet est hors service. Cet avantage est de 110, constitué uniquement
de recettes financières. Prenons un taux d’actualisation public de r =
0,04 et un coût du capital privé de i = 0,05. En cas de financement privé,
l’investissement comme les recettes bénéficient à un agent privé. Le
projet n’a pas besoin de subvention publique et le bénéfice est :
Bpr = -100+110/(1,04) = 106
Coût d’opportunité
B/FP TRI SE Tri SE Tri Fi
des fonds publics
17. Commissariat Général au Plan, Transports : choix des investissements et prise en compte des
nuisances, rapport d’un groupe de travail présidé par M. Boiteux, La Documentation Française,
Paris, 2001.
18. Ceci suppose que le montant du péage du transporteur en volume (produit du péage
unitaire par le nombre de trains) suive la croissance du produit du trafic par la valeur du temps.
Autrement dit, le taux de croissance annuel moyen (TCAM) du péage unitaire p soit (dp/dt)/p soit
être égal à la somme de (demport/dt)/emport et de (dvaltemps/dt)/valtemps, (car l’avantage temps
par train = emport * valtemps * temps gagné) où emport est le nombre de voyageurs par train et
valtemps la valeur unitaire du temps. Par exemple si la valeur du temps croît à 1,3 % par an (TCAM
du PIB à 1,9 %), et si l’emport par train croît avec un TCAM de 2,5 % par an (du fait notamment de
l’augmentation de la part des trains en unité multiple (UM) et à deux niveaux) (niveau estimé de
1996 à 2004 pour les TGV sur les troncs communs des LGV Sud-Est et Atlantique), le péage
unitaire par train sur les LGV doit croître à environ 1,3 % + 2,5 % = 3,8 % par an pour que cette
hypothèse soit vérifiée.
Une méthode d’optimisation des programmes d’investissements de transport / 271
plus en plus cher ; une majoration des coefficients a été introduite pour
ces projets en milieu urbain.
Sur ces données, la meilleure corrélation avec la date optimale de
mise en service est celle donnée par le taux de rentabilité immédiat
socio-économique (avec mise en service en 2005 pour tous les pro-
jets) (R2 = 0,83). Celle avec le taux de rentabilité interne socio-
économique (si la mise en service est en 2005) vient ensuite (R2 =
0,53), puis ensuite le ratio VAN socio-économique par euro public
investi (R2 = 0,15).
Effet du mode de financement sur la VAN socio-économique
Avec un même coefficient (coût d’opportunité) des fonds publics, le
Bénéfice socio-économique (prenant en compte les distorsions liées
aux fonds publics) varie peu selon le mode de financement des projets ;
elle est en cas de financement public de 30,84 milliards d’euros 2005
contre 30,89 milliards d’euros 2005 en cas de financement « privé »,
dans le cas d’un emprunteur AAA (avec un taux financier WACC de
3,3 % en euros constants soit 5 %).
Cette différence est liée au fait que le taux d’actualisation public
(4 % en première période) est supérieur au taux retenu pour le taux de
la ressource financière (3,3 % en euros constants, soit 5 % en euros
courants, avec une inflation à 1,7 %).
Si le taux d’actualisation public était plus faible que le taux finan-
cier, le résultat serait inverse. Par exemple, si on prend un taux finan-
cier WACC de l’ordre de 4,8 % en euros constants, soit 6,5 % en euros
courants (soit 1,5 % au-dessus d’un emprunteur AAA), le bénéfice
socio-économique serait de 30,77 milliards d’euros en cas de finance-
ment « privé », contre 30,84 en cas de financement public.
L’effet du mode de financement sur le bénéfice socio-économique
est donc principalement lié à d’autres facteurs (taux de la ressource
financière différent selon le porteur du projet, capacité de celui-ci à
mieux maîtriser les coûts et à obtenir davantage de recettes par une
tarification appropriée notamment).
Comparaison avec la programmation gouvernementale
Lors du CIADT (Comité Interministériel d’Aménagement et de
Développement du Territoire) de décembre 2003, le gouvernement
français a affiché19 une programmation de projets dans l’ensemble des
modes de transport. Pour ce qui concerne les projets ferroviaires, ont
été publiées une carte ainsi que pour certains projets des dates de
lancement des travaux comme suit :
Haut-Bugey : 2005
LGV Rhin-Rhône Est 1re phase : 2006
LGV Sud Europe Atlantique 1re phase : 2008
LGV Bretagne Pays de Loire : 2009
LGV Est Européenne 2e phase : 2010
3. CONCLUSION
Références
Abraham C. et Laure A., « Étude des programmes d’investissements
routiers », Annales des Ponts et chaussées, novembre, 1959.
Bonnafous A. et Jansen P., « Ranking Transport Projects by their
Socioeconomic Value or Financial Interest rate of return ? », First
Conference on Railroad Industry Structure, Competition and
Investment, Toulouse, November 7-8, 2003.
Bonnafous A. et Jensen P., « Ranking transport projects by their
socioeconomic value or financial internal rate of return ? », Trans-
port Policy, vol. 12, no 2, 2005.
Commissariat Général du Plan, Transports : pour un meilleur choix
des investissements, rapport d’un groupe de travail présidé par
M. Boiteux, La Documentation Française, Paris, 1994.
Commissariat Général du Plan, Transports : choix des investissements
et prise en compte des nuisances, rapport d’un groupe de travail
présidé par M. Boiteux, La Documentation Française, Paris, 2001.
Commissariat Général du Plan, Révision du taux d’actualisation des
investissements publics, Rapport d’un groupe de travail présidé par
D. Lebègue, rapporteur L. Baumstark, La Documentation Fran-
çaise, Paris, 2005.
Pozmantir W., « Méthode de correction des tâches et des contraintes
sur un programme d’investissement de branche », Working Paper,
Institute of Studies of Complex Systems, 1999.
Proost S., de Palma A., Lindsey R., Balasko Y., Meunier D., Quinet
E., Doll C., van der Hoofd M., Pires E., « REVENUE D2 Theore-
tical Framework », 2005.
Relevé de décisions du CIADT du 13 Décembre 2003 :
« http ://www.datar.gouv.fr/datar—site/datar—CIADT.nsf/$ID—
Dossier/CLAP-5UCCRY
Quinet E., Principes d’économie des transports, Economica, 1998.
Quinet E., « À propos du rapport Lebèque » Transports, août-
septembre, 2005.
SESP, « La demande de transport en 2025 », Ministère de l’Équipe-
ment, du Logement des Transports et de la Mer.
CHAPITRE 9
2. L’origine des temps peut être l’année 2004, comme dans l’instruction cadre des 25 mars 2004
et 27 mai 2005 du ministère des Transports, de l’Équipement, du Tourisme et de la Mer. Mais rien
ne s’oppose à ce que ce soit une année plus récente, comme par exemple 2006.
3. Hypothèse très irréaliste, car il est presque consubstantiel aux projets d’apparaître et de se
développer (ou de disparaître) au fur et à mesure de l’histoire socio-économique ; il est donc
paradoxal d’insérer les projets dans une liste close.
4. Par rapport à l’année origine des temps.
278 / Des projets à la programmation des investissements
5. On pourrait considérer la durée Tn de vie comme un autre paramètre du projet, mais cela ne
paraît pas indispensable à ce stade, sans réelle perte de généralité.
6. Cet avantage est évidemment nul pour toute année t ≤ tn0. Mais pour t > tn0, il est ici censé ne
pas dépendre de tn0, ce qui est une hypothèse simplificatrice relativement forte. On pourrait penser
en effet qu’en l’an 2020, l’avantage ne sera pas exactement le même selon que le projet aura été mis
en service en 2000 ou en 2010.
7. t ≥ 0
Choix des projets sous contrainte budgétaire annuelle : essai de récapitulation / 279
Le recours à cette fiction ne sera pas gênant si, comme cela sera le
cas quasi général, on trouve in fine que le projet n ou bien ne doit
jamais être réalisé, ou bien doit être intégralement réalisé une année
« optimale » bien déterminée |tn. Si l’on trouve, ce qui sera exception-
nel, que le projet doit effectivement être fractionné sur plusieurs
années, on devra discuter l’interprétation à donner à ce résultat dans
chaque cas d’espèce ; on y reviendra plus loin (§ 6).
Modélisation de la programmation optimale
Le problème consiste à choisir la programmation des projets de
façon à maximiser, sous la contrainte annuelle de disponibilité des
fonds publics, le montant total des bénéfices socio-économiques,
actualisés à l’origine des temps,
Le choix de cet objectif a été implicitement considéré comme allant
de soi dans les différents travaux précités, remontant aux années 80 ou
plus récents. Il suppose implicitement que le taux d’actualisation lui-
même peut être déterminé indépendamment des contraintes budgétai-
res, qui peuvent être introduites dans une seconde étape, sans rétroac-
tion sur le taux d’actualisation ; cette séparabilité ne s’impose pas
comme une évidence, mais nous l’adopterons dans ce qui suit comme
une approximation admissible. De même, l’objectif retenu consiste en
un surplus monétarisable, dont on sait qu’il ne reflète l’utilité socio-
économique que sous certaines hypothèses, satisfaites si la fonction
d’utilité des consommateurs est de type semi-linéaire séparable8, ce
que nous supposerons également.
8. Voir Laffont J.-J., Cours de théorie micro-économique, Economica, 1982, volume 1, page 115.
280 / Des projets à la programmation des investissements
9. Ou éventuellement nul, mais cet événement peut être considéré comme étant de probabilité
nulle.
10. Ou éventuellement nul, mais cet événement peut être considéré comme étant de probabi-
lité nulle.
11. Dans ce cas, si ces années n’étaient pas consécutives, la solution mathématique serait
dépourvue de signification socio-économique.
12. Ou éventuellement nul, mais cet événement peut être considéré comme étant de probabi-
lité nulle.
Choix des projets sous contrainte budgétaire annuelle : essai de récapitulation / 281
À noter que ces « prix de rareté des fonds publics » sont distincts et
indépendants du « coût d’opportunité des fonds publics » mentionné
plus haut, qui est fixé à 0,3 par l’instruction cadre et qui reflète les
distorsions socio-économiques liées au financement par l’impôt. On
n’aura plus besoin dans ce qui suit de se référer à ce « coût d’opportu-
nité des fonds publics » puisque, comme on l’a vu, il n’intervient qu’en
amont, dans le calcul du bénéfice actualisé à l’origine des temps BOTtn0,
noté plus simplement BOTtn lorsqu’il n’y a pas d’ambiguïté.
(2)
13. Pour alléger les notations, l’année de construction du projet est désormais désignée dans
ce qui suit par t et l’année générique d’exploitation par u, notations qui se substituent respective-
ment aux notations t0 et t de l’instruction cadre.
14. Dans cette relation, u désigne l’année générique d’exploitation de la fraction de projet
supposée réalisée l’année t.
282 / Des projets à la programmation des investissements
Cas particuliers
16. Coût de l’investissement indépendant de la date de réalisation, avantage lui aussi indépen-
dant de la date de réalisation et croissant au cours du temps.
Choix des projets sous contrainte budgétaire annuelle : essai de récapitulation / 285
1.3. Choix entre deux variantes d’un même projet ou entre deux
projets incompatibles
Comme annoncé plus haut, on va examiner maintenant la question
du choix entre deux projets incompatibles entre eux, dont un cas
particulier est le choix entre deux variantes d’un même projet.
1.3.1. Modélisation
On va supposer que, comme ci-dessus, tous les projets sont indé-
pendants, sauf les projets no 1 et no 2, qui sont incompatibles entre eux,
par exemple parce qu’ils constituent deux variantes d’un même projet.
On recourt comme précédemment à la fiction du fractionnement
des projets, affectés respectivement des fractions inconnues xt1 et xt2.
Ces fractions doivent être positives ou nulles et il est à cet égard
associé à chacune une variable duale (ou multiplicateur de Lagrange)
égale respectivement à ␣1t et ␣t2, sans changement par rapport à la
présentation faite jusqu’ici.
17. Dans le cas qui sera seront présentés en section 4 ci-après, la relation se simplifierait et
deviendrait :
286 / Des projets à la programmation des investissements
18. Cette hypothèse simplificatrice pourrait être levée sans difficulté, comme le font d’ailleurs
Quinet et Sauvent dans leur contribution.
288 / Des projets à la programmation des investissements
20. Rappel : Extrait de l’instruction cadre, annexe III. « Afin de tirer le meilleur parti d’un
financement public limité, la règle de classement des projets doit être non pas le bénéfice actualisé
induit par le projet, mais le bénéfice actualisé par euro public dépensé, prenant en compte l’ensem-
ble des dépenses publiques et des recettes publiques éventuelles au cours de la durée de la vie du
projet (actualisés au taux de 4 %) ; en conséquence, on déterminera pour chaque projet, en sus des
indicateurs de rentabilité socio-économique, le bénéfice actualisé pour la collectivité divisé par la
valeur actualisée nette des dépenses budgétaires de toutes les collectivités publiques (nettes des
recettes fiscales éventuellement générées), pendant la durée du projet. Cet indicateur pourra faire
l’objet de l’analyse de sensibilité ».
290 / Des projets à la programmation des investissements
(8)
Le critère bénéfice socio-économique par euro public dépense peut être ambigu.
Exemple simple
Soit deux projets A et B. Ils ont le même coût d’investissement égal à 1 m, quelle que soit
la date de réalisation. Cet investissement est intégralement financé sur fonds public et le
solde annuel d’exploitation en euros publics est nul par la suite. Dans cet exemple simple
le bénéfice socio-économique actualisé à l’origine des temps fournit donc directement le
ratio « bénéfice socio-économique par euro public dépensé ».
Supposons que l’enveloppe budgétaire disponible soit égale à 1m l’année 0 et à 1m
l’année 1. On ne peut donc réaliser que l’un de deux projets l’année 0 et l’autre l’année 1.
Comment choisir entre le programme (A,B) et le programme (B,A) ?
Comparons tout d’abord le bénéficie actualisé à l’origine des temps dans l’hypothèse où
chacun des deux projets serait réalisé l’année 0. Appelons ce bénéfice a pour le projet A
et b pour le projet B. Supposons a > b, par exemple a = 4 et b = 2. Si l’on s’en tenait à
cette comparaison, il faudrait donc réaliser le projet A l’année 0 et le projet B l’année 1,
c’est-à-dire adopter l’ordre de réalisation (A,B).
Comparons maintenant le bénéficie actualisé à l’origine des temps dans l’hypothèse où
chacun des deux projets serait réalisé l’année 1. Appelons ce bénéfice a + Da pour le
projet A et b + Db pour le projet B. Le bénéfice actualisé total à l’origine des temps
relatif à l’ordre de réalisation (A,B) est donc égal à (a + b + Db).
Or si l’on optait pour l’ordre inverse (B,A), le bénéfice actualisé total à l’origine des
temps égal à (a + b + Da).
Le choix de l’ordre de réalisation (A,B) est donc correct si et seulement si Db ≥ Da (101)
– On remarque tout d’abord que cette condition ne dépend que des incréments Da et Db, et
nullement des niveaux a et b des bénéfices actualisés relatifs à la réalisation l’année 0.
– On remarque ensuite que la condition (101) est réalisée notamment dans le cas particulier
où Db > 0 et Da < 0, c’est-à-dire si en reportant la réalisation de l’année 0 à l’année 1, le
bénéfice actualisé à l’origine des temps augmente pour le projet B et diminue pour le
projet A, ce qui au regard du § 2.2 ci-dessus peut s’interpréter ainsi : ce report rapproche le
projet B de sa date optimale de réalisation et au contraire éloignerait le projet A de sa date
optimale de réalisation.
Choix des projets sous contrainte budgétaire annuelle : essai de récapitulation / 291
Autrement dit : le projet A, qui par hypothèse se classait déjà en tête de la présélection
de l’année 0, se classerait aussi dans le cas considéré ici en tête de la présélection pour
l’année 1. Il y a alors ambiguïté, le critère de bénéfice actualisé par euro public dépensé
est insuffisant pour conclure, il faut le compléter par l’analyse de la condition (101)
portant sur les incréments.
Dans les deux tableaux ci-dessous, le projet A se classe en tête des deux présélections
relatives aux dates de réalisation respectivement 0 et 1.
Tableau 1
Bénéfice actualisé à l’origine des temps
Date de réalisation 0 1
Projet A 4 5
Projet B 2 4
Tableau 2
Bénéfice actualisé à l’origine des temps
Date de réalisation 0 1
Projet A 4 6
Projet B 2 3
(9)
(10)
(12)
(13)
24. On pourrait le cas échéant réaliser le projet à cheval sur deux ou plusieurs années consécu-
tives, mais il est indispensable de choisir si les présélections sont relatives à des années non
consécutives.
25. On s’en tient à deux pour simplifier.
Choix des projets sous contrainte budgétaire annuelle : essai de récapitulation / 295
rechercher celle de ces deux dates qui conduit au plus fort bénéfice
fictif actualisé à l’origine des temps BFOT tn du projet, comme on l’a vu
en section 2 ci-dessus.
On va cependant examiner quel usage l’on peut faire du critère
auxiliaire (pondéré) CAP nt , ou plutôt de la variation de ce ratio entre
les deux dates.
Plus précisément, soit un projet j qu’il convient de réaliser intégra-
lement à la date optimale26 t j et soit un projet k qu’il convient de
réaliser intégralement à la date optimale tk, postérieure à t j.
On peut (voir annexe 3) calculer pour le projet j le critère auxiliaire
k
pondéré CAP tj|n à la date t j, puis à la date t k, et enfin la variation Dtt j
CAP j de ce ratio entre la date t j et la date t k. On peut calculer la
k
variation correspondante Dtt j CAP k pour le projet k.
Avec un certain nombre d’approximations (explicitées en
annexe 3), on en déduit que, s’il convient de réaliser le projet j intégra-
lement à la date optimale tj et le projet k intégralement à la date tk ,
alors les variations vérifient l’inégalité :
(17)
Interprétation : imaginons que la présélection des projets à réaliser
à la date t j se compose des deux projets j et k et que la présélection des
projets à réaliser à la date t k se compose des deux mêmes projets.
Partons de la situation imaginaire où l’on envisagerait de réaliser
chacun de ces deux projets à la date t j et supposons que l’on se pose
ensuite la question : s’il faut retarder l’un des projets à la date t k, lequel
faut-il retarder ? La réponse est : il convient de retarder celui des deux
projets pour lequel le ratio « bénéfice actualisé par euro public (pon-
déré) » connaît la variation la plus forte en passant de la date t j à la
date t k.
Remarques
– Il est évident que la condition (17) est remplie si le premier
membre est positif et que le second membre est négatif, c’est-à-dire si,
lorsque l’on passe de la date t j à la date postérieure t k, le ratio bénéfice
par euro public (pondéré) à l’origine des temps CAP k du projet k
augmente tandis que celui CAP j du projet j diminue.
– Il est aisé de montrer que la condition (17) est remplie si le ratio
du projet j est plus élevé que celui du projet k à la date tj et que, à
l’inverse, le ratio du projet k est plus élevé que celui du projet j à la
date tk.
26. Pour alléger l’écriture, on utilise ici les notations t j et t k au lieu des notations t|j et t|k
296 / Des projets à la programmation des investissements
(8)
27. Il s’agit du taux d’intérêt réel, puisque tous les prix sont constants (ce que l’on a résumé par
« euros constants »).
28. Toujours en euros constants.
298 / Des projets à la programmation des investissements
tout t (21)
Remarque
En réalité, la chronique des versements V nt,u peut elle-même faire
l’objet d’une procédure d’optimisation. Pour ne pas alourdir la présen-
tation, on n’examinera pas ici cette question. On s’en tiendra au cas
plus simple abordé ci-après.
(22)
29. Il convient de préciser que le coût fictif de rareté des fonds publics utilisé ici est bien le
même que dans les sections 2 et 3 ci-dessus ; il n’y a pas de valeur particulière de ce coût fictif pour
les projets PPP. La valeur de ce coût fictif est en effet censée découler (dans son principe, voir § 2.4)
du processus d’optimisation par programmation linéaire à portée générale qui a déterminé l’opti-
mum en prenant en compte tous les projets et pour chacun d’eux toutes les variantes en lice, y
compris les variantes PPP.
Choix des projets sous contrainte budgétaire annuelle : essai de récapitulation / 299
aversion au risque plus forte ou une surface financière moins large que
la puissance publique, ou pour toute autre raison.
Quinet et Sauvant dans leur contributions indiquent à cet égard que
l’écart (i – r) serait de l’ordre de 1 à 2 points de pourcentage.
a) Avec cette hypothèse i > r, la relation (23.2) montre que, à
l’optimum intertemporel, les prix fictifs de rareté des fonds publics u(t)
formeraient une suite géométrique décroissante, et selon la rela-
tion (20), il en irait de même pour les poids w(u). Ces suites auraient
pour « raison »
(9)
(25)
(26)
Cette expression est remarquable car elle ne fait plus intervenir que
la seule variable duale k, quel que soit le projet n et quelle que soit la
date de réalisation t envisagée.
Choix des projets sous contrainte budgétaire annuelle : essai de récapitulation / 301
(27)
(28)
4. CONCLUSION
(2)
(22)
5. E
u PILOGUE
31. Mais révisable à intervalles réguliers, comme préconisé pour le taux d’actualisation par le
rapport Lebègue.
32. Il faut distinguer en toute rigueur le cas où le projet partiel finit ou non par être complété à
100 % au cours d’un ou plusieurs autres années.
Choix des projets sous contrainte budgétaire annuelle : essai de récapitulation / 305
On peut sur des cas simples (voir annexe 5) mettre en évidence les
erreurs de sélection que peut induire la fiction du fractionnement. Il
nous semble néanmoins que cette méthode a le grand mérite d’être
relativement simple et maniable, au prix d’erreurs acceptables.
306 / Des projets à la programmation des investissements
pour tout t
33. Ou éventuellement nul, mais cet événement peut être considéré comme étant de probabi-
lité nulle.
34. Ou éventuellement nul, mais cet événement peut être considéré comme étant de probabi-
lité nulle.
Choix des projets sous contrainte budgétaire annuelle : essai de récapitulation / 307
35. Dans ce cas, si ces années n’étaient pas consécutives, la solution mathématique serait
dépourvue de signification socio-économique.
36. Le multiplicateur est plus précisément ut /(1 + r)t : la présence du dénominateur (1 + r)t est
une commodité qui permet de simplifier les calculs ultérieurs.
37. Ou éventuellement nul, mais cet événement peut être considéré comme étant de probabi-
lité nulle.
38. Autre appellation : variable duale associée à la contrainte budgétaire de l’année t.
39. Plus exactement : le système complet s’obtient en annulant les dérivées partielles du
Lagrangien y compris par rapport à tous les multiplicateurs de Lagrange.
308 / Des projets à la programmation des investissements
pour tout t
pour tout t
(10)
Nota : on suppose ici DPPOT nt > 0. Voir discussion plus haut dans
le texte.
– critère auxiliaire pondéré : bénéfice actualisé à l’origine des temps
par euro public pondéré :
(11)
(12)
40. On suppose ici DPPOTtn> 0. Voir discussion plus haut dans le texte.
310 / Des projets à la programmation des investissements
Donc :
Chroniques de préfinancement
(22)
Il apparaît ainsi que le coût fictif de rareté des fons publics ut est
des poids wu
Si le taux d’intérêt privé i est supérieur au taux d’actualisation r, ces
deux suites sont décroissantes.
Dans le cas où l’on aurait i = r, le coût fictif de rareté des fonds
publics serait constant (et égal à k) et le poids serait constant et égal
à 1.
Il subsiste alors une seule inconnue : k. On détermine sa valeur en
écrivant que la contrainte intertemporelle de financement est serrée.
41. On simplifiera en supposant que toutes les VANi(t) sont différentes (pas d’ex æquo).
314 / Des projets à la programmation des investissements
• Une des façons d’entrer de plain pied dans les questions liées à
l’équité consiste à s’intéresser aux impacts des infrastructures de trans-
port. Comme le rappelle Stef Proost dans le chapitre 11, il est possible,
grâce aux modèles d’équilibre général calculable d’évaluer ce que
pourraient être les gains et les pertes liés à un projet. Ces résultats
peuvent ensuite être utilisés dans la négociation qui accompagne la
décision publique, par exemple pour établir les éventuelles indemnisa-
tions.
• Mais cet outil ne peut être considéré comme une panacée. Ainsi
que le montre Jacques-François Thisse dans le chapitre 12, la localisa-
tion des équipements collectifs et l’évaluation de leurs impacts restent
des sources de tensions dans le corps social et donc dans le processus
politique. Il n’est d’ailleurs pas impossible qu’émergent de l’analyse
des situations d’indécidabilité.
• Le chapitre 13, rédigé par Alain Trannoy, aboutit à un constat
proche sinon similaire. Même si les outils proposés par l’auteur procè-
dent à un tri parmi les raisonnements en termes d’équité spatiale, entre
ceux qui peuvent s’appuyer sur une démarche rationnelle et ceux qui
en sont dépourvus, la solution consensuelle ne va pas de soi. Même en
dégageant un langage et des raisonnements qui peuvent être partagés
par les parties prenantes, la voie du compromis reste difficile à trouver.
• Pour comprendre combien sont grandes les difficultés à résoudre,
il ne faut pas hésiter à entrer dans les dédales de l’acceptabilité. Cette
notion « fourre-tout » renvoie en effet à des comportements variés,
souvent observables, qui ont une forte tendance à se résumer à une
préférence pour le statu quo. Dans le chapitre 14, Charles Raux, Sté-
phanie Souche et Lucie Vsakova s’intéressent aux figures de l’accepta-
bilité et aux éléments qui, dans le prolongement du chapitre précédent,
pourraient contribuer à ce que se construise au moins un langage
commun entre les participants aux débats publics.
CHAPITRE 10
DE LA MODÉLISATION
DES COMPORTEMENTS AU CALCUL
ÉCONOMIQUE : L’ÉQUITÉ DES POLITIQUES
DE TRANSPORT
Charles Raux, Stéphanie Souche et Aurélie Mercier1
A l’optimum
On obtient :
3. Cette hypothèse d’existence suppose donc résolu le problème de l’agrégation des préféren-
ces individuelles. Pour un exposé complet voir le chapitre I de Bloy et al (1976).
320 / L’aide à la décision publique
, et
D’où
5. Cette hypothèse peut être posée sans perte de généralité, puisque l’on peut étendre les
résultats qui suivent à une multitude de groupes d’individus de valeur du temps identiques, les
valeurs du temps (et donc les courbes de demande, cf. infra) différant entre les groupes.
322 / L’aide à la décision publique
6. Cette augmentation de la consommation de transport, que l’on appelle aussi parfois « trafic
induit », inclut aussi bien les nouveaux usagers que les usagers initiaux qui intensifient leurs
déplacements.
De la modélisation des comportements au calcul économique / 325
où :
k un paramètre du modèle,
(1)
avec :
On définit (3)
(4)
(5)
10. Sous réserve de ses autres limites (cf. Ben-Akiva et Lerman, 1985).
330 / L’aide à la décision publique
11. Sous des hypothèses additionnelles et notamment celle que la fonction de demande com-
pensée est approchée de manière adéquate par la fonction de demande marshallienne.
De la modélisation des comportements au calcul économique / 331
(6)
depuis plus de vingt ans, qui commence à déboucher sur des modèles
opérationnels de microsimulation des schémas d’activités-
déplacements (sur une période d’une journée, voire plus).
Cette approche d’activités-déplacements ou « fondée sur les acti-
vités » (activity-based) a été reprise dans le cadre des modèles de
choix discret à utilité aléatoire, en considérant non plus le choix
élémentaire d’un déplacement, mais l’ensemble des choix réalisés
dans le schéma d’activités. Ce type de modèle a donné lieu au déve-
loppement d’un indicateur d’accessibilité fondé sur le schéma d’acti-
vités (ABA, Activity Based Accessibility ; Ben-Akiva et Bowman,
1998). L’ABA est l’espérance du maximum des utilités attachées aux
différents schémas d’activités quotidiens possibles pour l’individu et
donc, là encore, un « logsum » des utilités attachées à chacun de ces
schéma d’activités.
Une autre approche (Miller, 1998) combine l’approche espace-
temps des géographes et la théorie des choix discrets des économistes,
pour aboutir à des indicateurs STAM (Space Time Accessibility Measu-
res). Parmi les différents STAM proposés par Miller, certains se réfè-
rent à des logsums d’utilités.
On retiendra de cette brève revue de ces indicateurs étendus
d’accessibilité, qu’une condition suffisante pour que ces derniers
soient cohérents avec le calcul économique est qu’ils soient fondés
sur la théorie micro-économique de l’utilité, et qu’ils respectent la
règle énoncée plus haut de spécification d’utilité « séparable-
additive ».
12. En effet ces variations relatives s’assimilent à des variations élémentaires de logarithmes.
De la modélisation des comportements au calcul économique / 335
Max[Mini DSi]
si ␣ = 0
336 / L’aide à la décision publique
4. CONCLUSION
Ici s’arrête provisoirement notre exploration des contributions
potentielles du calcul économique au processus d’acceptabilité. Faut-il
aller plus loin dans la recherche de cohérence théorique ? On trouvera
par exemple dans un article de Foster et Neuburger (1974) une discus-
sion détaillée sur les différences entre les mesures marshalliennes et
hicksiennes de variations de bien-être. Il n’est pas sûr que ces subtilités
intéressent le débat sur l’acceptabilité, dans lequel la remise en cause
du calcul économique semble plus fondamentale.
Nous avons montré, à partir de la littérature, comment le calcul de
variations d’accessibilité spatiale à partir d’un modèle de distribution
spatiale de type gravitaire trouvait sa cohérence avec le calcul écono-
mique classique de surplus. Le mode de calcul de surplus, cohérent
avec le calcul économique, a également été rappelé pour une classe
particulière de modèles de choix discret qui respectent une spécifica-
tion d’utilité « séparable-additive ». Ont ensuite été précisées les
conditions dans lesquelles ces variations d’utilités pouvaient être com-
parables entre zones ou entre catégories socio-économiques.
L’illustration de notre propos par un exemple d’application, nous
permet de conclure qu’il est possible de mener des analyses compara-
tives, en cohérence avec les principes du calcul économique, en termes
de gagnants et de perdants potentiels face à un projet, et ce selon leur
localisation ou selon leurs profils socio-économiques.
338 / L’aide à la décision publique
Rien n’interdit sur le plan théorique d’aller plus loin, vers une
identification plus fine de ces gagnants et perdants potentiels, afin de
préparer des mesures éventuelles de compensation. Cette analyse sup-
pose toutefois :
–tune meilleure capture des phénomènes de moyen et long termes
découlant de modifications de l’offre de transport, donc le développe-
ment de modèles liant transport et usage des sols ;
– le développement de modèles de microsimulation permettant
d’analyser finement les comportements d’activités et de déplacements
d’individus hétérogènes dans l’espace construit ;
– des données statistiques fines géolocalisées, permettant de croi-
ser les données économiques (dont les revenus pour lesquels certains
paramètres statistiques sont rendus disponibles depuis peu) et les don-
nées de comportement de mobilité spatiale provenant des enquêtes
déplacements.
Références
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product differentiation, The MIT Press, 1992, 423 p.
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t.VIII, 1844, p. 332-375.
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vol 26, no 1, 1974, p. 66-77.
Hansen W.G., « How accessibility shapes land use », Journal of the
American Institute of Planners, 25, 1959, p. 73-76.
De la modélisation des comportements au calcul économique / 339
3. La plupart des modèles d’équilibre général multisectoriels sont des modèles nationaux.
342 / L’aide à la décision publique
U = x1 + x3 + v(x2) (1)
x1 + (1 + a)x3 + px2 = R
4. Il s’agit ici d’une économie stationnaire où le coût d’investissement a la dimension d’un coût
de location qui comprend l’annuité du coût du bien de capital et les coûts d’entretien.
L’analyse des projets d’infrastructure de transport dans un cadre d’équilibre général / 343
(4)
5. Une distorsion est ici définie comme une différence entre le coût marginal et le prix au
consommateur. Au lieu d’une taxe on peut introduire une marge monopolistique sur le bien 1. Au
lieu des recettes fiscales on va alors redistribuer les profits à la population.
344 / L’aide à la décision publique
tenant :
(5)
(6)
(7)
Dans une économie avec des distorsions sous la forme d’une taxe, il
ne suffit plus de mesurer le surplus sur le marché de transport pour
connaître les effets d’un projet d’investissement. En effet, le projet de
transport peut aggraver (diminuer si dx3 < 0) les distorsions dans le
reste de l’économie et le projet de transport aura dans ce cas un
avantage net plus petit (grand). L’inefficacité consiste à consommer
plus du bien 3 dont on sait qu’il est une fraction « a » plus coûteuse
pour l’économie que le bien 1. L’inefficacité sera d’autant plus grande
que le facteur de surcoût « a » qui permet d’échapper à la taxe, est
grand et ceci sera d’autant plus vraisemblable que la taxe sur le bien 1
est élevée.
Un projet transport peut faire changer la consommation sur les
autres marchés qui connaissent des distorsions pour trois raisons.
D’abord parce que le revenu disponible pour ces autres biens change
(financement de l’investissement par un prélèvement forfaitaire I sur le
L’analyse des projets d’infrastructure de transport dans un cadre d’équilibre général / 345
6. Le total des taxes directes, indirectes et contributions à la sécurité sociale représentent près
de 100 % du salaire net perçu par le salarié ; le coût salarial payé par l’employeur est ainsi près du
double dudit salaire net.
346 / L’aide à la décision publique
marchés ont des distorsions. Les canaux par lesquels les autres mar-
chés sont affectés sont multiples : des effets de substitution par les prix,
des effets de revenu ou encore des augmentations de taxes nécessaires
pour financer le projet d’infrastructure.
Les distorsions du marché recouvrent en général toutes les diffé-
rences entre la volonté marginale à payer du consommateur (égal au
prix au consommateur) et le coût d’opportunité du bien. Il s’agit de
taxes mais aussi de marges monopolistiques. Les déséquilibres de mar-
ché (ou un rationnement est nécessaire comme par exemple pour le
chômage involontaire) peuvent aussi être traités dans un cadre proche
de celui qu’on propose ici.
7. Ceci est la procédure standard pour introduire l’inégalité des revenus (voir Mirrlees, 1971).
L’analyse des projets d’infrastructure de transport dans un cadre d’équilibre général / 347
Di = S(F, X ; φ) (9)
8. L’interprétation naturelle du bien transport est l’utilisation d’une route avec de la conges-
tion. On peut aussi utiliser ce cadre théorique pour les transports publics où la qualité d’utilisation
diminue quand il y a plus d’utilisateurs.
348 / L’aide à la décision publique
(10)
(11)
9. Toutes les taxes sont du type « accise » et s’ajoutent donc au prix à la production pour
obtenir le prix à la consommation.
10. On présente cette contrainte sans option d’emprunt. Cette approche est justifiée dans le
cadre d’une économie stationnaire. Dans une économie stationnaire, le coût de capacité a le
caractère d’un coût de location comprenant l’annuité, l’entretien et les intérêts intercalaires de
l’infrastructure.
L’analyse des projets d’infrastructure de transport dans un cadre d’équilibre général / 349
(12)
(13)
ki
Dans (13), le paramètre est connu comme l’utilité marginale
k*
sociale d’une unité de revenu pour le ménage i. Plus grande est l’aver-
sion à l’inégalité, plus grande sera la concavité de la fonction d’utilité
et plus grande sera ce paramètre pour un individu pauvre. Afin
11. L’approche réforme de la taxation ne tient que pour des petits changements dans les taxes
et la capacité (voire Guésnerie, 1977). L’avantage d’une telle réforme est que beaucoup moins
d’information est nécessaire pour juger une réforme. Parce que le secteur de transport est petit par
rapport à l’ensemble de l’économie, les changements de taxation générale seront petits.
350 / L’aide à la décision publique
(15)
(16)
un projet public qui n’a, par définition, aucun effet sur la consomma-
tion de biens taxés.
Le troisième terme représente l’effet de retour d’une diminution de
la congestion sur les recettes fiscales de la taxe sur le travail. Parce que
cette augmentation des recettes fiscales permet de réduire la taxe
uniforme, on retrouve comme facteur de pondération le coût marginal
des fonds publics collectés par une taxe uniforme CG.
Le quatrième et cinquième terme représentent l’effet de retour de
la diminution de la congestion sur les recettes fiscales des taxes sur le
transport.
Nous pouvons résumer les résultats obtenus dans (16) en soulignant
tous les termes qui peuvent être calculés à l’aide d’un modèle de
transport « partiel » :
(17)
Où le coût marginal des fonds publics pour une taxe uniforme est
approximé par12 (où R représente les recettes fiscales totales et où le
niveau de congestion est constant au niveau φ) :
(18)
12. Ceci est une approximation parce qu’on néglige l’effet direct, à infrastructure donné du
changement de la taxe forfaitaire sur le volume total de transport, sur la congestion et sur les
recettes fiscales. Cet effet est probablement petit et nous permet d’utiliser des estimations du coût
marginal des fonds publics publiés dans la littérature. Nous utilisons la même simplification pour le
financement par une taxe sur le travail. Nous n’utilisons pas cette hypothèse quand l’investissement
est financé par des taxes transport.
352 / L’aide à la décision publique
(19)
13. On peut consulter Snow & Warren (1996) qui font la synthèse de différentes études. Dans
une étude pour les différents pays de l’OCDE, Kleven & Kreiner (2003) obtiennent pour la France
un coût des fonds publics de l’ordre de 1.08 pour une taxe du type uniforme et de 1.57 pour une taxe
sur les revenus du travail.
L’analyse des projets d’infrastructure de transport dans un cadre d’équilibre général / 353
(20)
(21)
14. Nous supposons ici que l’élasticité prix de l’offre de travail est positive. Il s’agit de l’élasti-
cité agrégée au niveau des ménages qui tient compte des heures prestées mais aussi des décisions de
participation. Il y a un certain consensus à ce sujet dans la littérature. Pour une revue de la
littérature de l’élasticité prix de l’offre de travail voir Blundell et McCurdy (1999).
354 / L’aide à la décision publique
(22)
15. Ceci est écrit comme une dérivée totale mais la capacité est gardée inchangée.
L’analyse des projets d’infrastructure de transport dans un cadre d’équilibre général / 355
nous pouvons utiliser un fonds public « pur » pour (18) et (20). Kleven
& Kreiner (2003) donnent un ordre de grandeur pour le coût des fonds
publics « pur » qui tient compte des effets sur le nombre d’heures de
travail et sur le degré d’activité de la population. Ils tiennent aussi
compte des effets du degré d’activité sur les dépenses de la sécurité
sociale et considèrent la taxe indirecte moyenne aussi comme une taxe
proportionnelle sur le travail.
Tableau 1.1
Exemples de coûts des fonds publics « purs » utilisés pour l’analyse
Coût- Bénéfice
La valeur 1,57 signifie que chaque euro qui doit être financé par des
taxes sur le travail a un coût économique de 1,57 euro. Les valeurs dans
ce tableau illustrent clairement l’importance du moyen de financement
pour le résultat final de l’analyse coût-bénéfice.
(23)
6. REVUE DE LA LITTÉRATURE
Références
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Review of Economic Studies, 41, 1974, p. 119-128.
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general equilibrium approach », Journal of Public Economics, 52,
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finance and the labour market in a second-best world », Journal of
Public Economics, 55, 1994, p. 349-390.
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Holland, 1987.
Dupuit J., « De la mesure de l’utilité des travaux publics », Annales des
Ponts et Chaussées, vol. 8, 1844.
L’analyse des projets d’infrastructure de transport dans un cadre d’équilibre général / 359
4. Nous retrouverons tout au long de ce chapitre le concept d’arbitrage, lequel joue un rôle
crucial dans les toutes questions qui nous occupent ici. Il est donc fondamental d’en comprendre,
chaque fois, les éléments ainsi que la nature.
Équité, efficacité et acceptabilité dans la localisation des équipements collectifs / 363
toriales en matière de gestion des services publics. Quels que soient les
choix effectués, on peut raisonnablement s’attendre à un accroisse-
ment des conflits entre instances représentatives des utilisateurs, et ce
jusqu’au niveau de décision devant procéder aux grands arbitrages
macro-économiques et politiques.
Avant de passer à la prochaine remarque, il convient encore de
souligner que les politiques budgétaires restrictives actuelles, et proba-
blement futures, provoquent une augmentation du coût d’opportunité
des fonds publics, ce qui impose un effort plus grand de rationalisation
dans les choix d’équipements et d’infrastructures. La raréfaction crois-
sante des fonds publics qui vient, en même temps, compliquer l’arbi-
trage dont j’ai parlé précédemment, devrait militer pour le recours à
des techniques d’évaluation, empruntées à la recherche opération-
nelle, plus adaptées et plus rigoureuses que celles qui furent utilisées
dans le passé.
Troisièmement, et ce sera ma dernière remarque introductive, la
compréhension de la dimension spatiale des équipements collectifs
renvoie à une question peu discutée et, surtout, souvent mal comprise :
à quelle échelle spatiale doit-on évaluer la performance d’un système
d’équipements collectifs ? Outre les relations entre instances de
niveaux différents impliquées dans les décisions d’implantation, il
existe une difficulté conceptuelle fondamentale d’une autre nature,
due au fait qu’une grandeur peut être pertinente à une échelle, disons
au niveau local, mais ne plus l’être à une autre, par exemple au niveau
national. S’il est vrai que certains principes gouvernant l’organisation
des territoires restent valables à toutes les échelles, cela ne veut pas
dire qu’il en aille de même pour toutes les questions. La raison en est
que les espaces économiques ne s’emboîtent pas comme les petites
poupées russes ; ils ont leurs spécificités et celles-ci doivent être inté-
grées d’entrée de jeu.
Qui plus est, les instruments à mettre en œuvre pour combattre les
inégalités spatiales ne sont pas les mêmes selon l’échelle retenue. En
première approximation, il est donc commode de distinguer entre le
local (ou le micro-spatial) et le national (ou le macro-spatial). On
vient de le dire, les forces économiques dominantes agissant à ces deux
échelles ne sont pas nécessairement les mêmes. Par exemple, au niveau
local, le marché foncier et son fonctionnement constituent un détermi-
nant crucial des choix résidentiels et des localisations des entreprises,
puisque le marché fonctionne comme une trieuse entre les utilisateurs
potentiels du sol. En revanche, au niveau national, il est raisonnable de
penser que l’interaction entre travail et capital, tout comme leur capa-
cité à se déplacer entre régions, devient fondamentale. De surcroît, s’il
364 / L’aide à la décision publique
est vrai, dans les deux cas, que la mobilité des facteurs de production
est un élément critique, il ne s’agit pas du même type de mobilité de
sorte que les politiques requises pour corriger les inégalités spatiales
ne sont pas les mêmes.
En résumé, le choix d’un espace de référence se révèle être un choix
critique pour les résultats attendus de toute politique de construction
d’équipements ou d’infrastructures (Gérard-Varet et Thisse, 1997).
Reste que ce choix devrait, à son tour, être accompagné d’une intégra-
tion des préoccupations des autres niveaux concernés. C’est particuliè-
rement important en matière de transport – mais pas seulement – où
les enquêtes d’utilité publique se limitent uniquement aux communes
traversées par les infrastructures, alors que les usagers couvrent en
général une zone beaucoup plus large. L’évaluation doit être capable
d’intégrer un maximum de dimensions. Faire l’impasse sur ces diverses
questions pour des raisons d’opportunisme politique ou pire, en les
reléguant sans discussions sérieuses dans des mesures de décentralisa-
tion mal ficelées ne peut conduire qu’à des échecs et des désillusions.
Il n’est pas inutile de préciser d’emblée quelques-unes des consé-
quences qu’impose la distinction entre échelles. Au niveau micro-
spatial, on assiste depuis plusieurs décennies à un étalement croissant
des villes. La déconcentration des emplois et la péri-urbanisation des
logements en sont deux manifestations importantes que l’on rencontre
en France, mais également dans plusieurs autres pays européens. La
tendance est donc bien générale. À ce niveau d’analyse, ces phénomè-
nes font penser à une certaine forme de décentralisation « locale » des
activités. Simultanément, au niveau macro-spatial, une forme particu-
lière de polarisation de l’espace se manifeste sous la forme d’une
métropolisation croissante des économies. Le fait que les régions les
plus prospères de l’Union européenne soient presque toutes organi-
sées autour d’une grande métropole urbaine ne doit rien au hasard.
Une telle polarisation des espaces nationaux renvoie ainsi à une cen-
tralisation « multirégionale » des activités, tendance qui semble
s’opposer à la première5. Il s’agit en fait d’une question d’échelle
spatiale, laquelle est conceptuellement similaire à celle que pose
5. Dans ce dernier cas, toutefois, il ne faut pas aller trop vite en besogne. En effet, il est tout à
fait possible que, durant le processus de baisse des coûts de transport et l’effacement progressif des
autres obstacles aux échanges commerciaux, les activités économiques commencent, dans une
première phase du processus d’intégration, par se concentrer dans un nombre restreint de grandes
régions urbaines pour, dans une seconde phase, se re-disperser vers un plus grand nombre de
régions afin de bénéficier des avantages comparés des unes et des autres selon les firmes (Combes et
al, 2006). Qui plus est, la contradiction peut n’être qu’apparente puisque la taille des régions à
dominance urbaine peut augmenter pendant que, simultanément, les centres-villes perdent des
habitants et des activités.
Équité, efficacité et acceptabilité dans la localisation des équipements collectifs / 365
6. Comme, par exemple, l’impact que peut avoir une nouvelle infrastructure de transport sur la
répartition des activités entre deux régions ainsi reliées (Combes et al, 2006).
366 / L’aide à la décision publique
Figure 2
Triangle obtus
Tableau 1
PIB par tête des pays européens, exprimés en dollars et prix de 1960
9. Le lecteur intéressé est renvoyé à van Parijs (1991) pour un aperçu détaillé de ces débats.
Équité, efficacité et acceptabilité dans la localisation des équipements collectifs / 371
2. E
u QUITÉ SPATIALE OU UTILITÉ GÉNÉRALE : L’ÉTERNEL
DILEMME ?
10. Sauf s’il est possible d’utiliser un modèle entièrement désagrégé, ce qui devient possible du
fait des nouvelles techniques de traitement de l’information, tels que les SIG.
Équité, efficacité et acceptabilité dans la localisation des équipements collectifs / 373
11. Notons que cette attitude n’a rien à voir avec les comportements de type « Not in my
backyard », plus connu par son acronyme NIMBY.
Équité, efficacité et acceptabilité dans la localisation des équipements collectifs / 375
D(s) = 兺m
i=1Nid(xi,s) (3)
N = 兺m
i=1Ni
D(s) = 兺m
i=1(Ni/N)d(xi,s) (4)
12. Il existe un large accord au sein de la communauté scientifique pour penser que la première
formulation de ce problème remonte à Fermat quand il posa la question : comment trouver le point
qui minimise la somme des distances aux sommets d’un triangle ?
376 / L’aide à la décision publique
13. Si l’on insère l’expression (1) en lieu et place de la distance dans une fonction de type CES
telle que celle donnée par (5), l’aversion pour l’inégalité diminue au fur et à mesure que le revenu
des usagers augmente. L’arbitrage entre utilité générale et équité spatiale est donc moins contrai-
gnant dans une société riche que dans une société pauvre. Je remercie Marc Fleurbaey de m’avoir
fait cette remarque.
Équité, efficacité et acceptabilité dans la localisation des équipements collectifs / 377
14. Voir Thomas (2002) pour un panorama des travaux des géographes sur la question.
378 / L’aide à la décision publique
15. Voir Raux et Souche (2004). Je reviendrai en outre sur une autre approche de ce problème
dans la sous-section 4.2.
380 / L’aide à la décision publique
Figure 3
Instabilité du vote
16. L’existence d’une très grande agglomération suffit donc pour réconcilier les deux procédu-
res.
17. En théorie des graphes, une telle structure est appelée un arbre.
Équité, efficacité et acceptabilité dans la localisation des équipements collectifs / 381
M(c) ≤ 2M(r).
eux peuvent ainsi se trouver dans la situation où, à la fois, ils payent
plus d’impôts et souffrent d’une accessibilité moins bonne aux équipe-
ments. D’autres bénéficient d’une meilleure accessibilité qui est, à
leurs yeux, insuffisante pour compenser l’augmentation des impôts qui
en résulte. Restent ceux pour qui le gain en accessibilité l’emporte sur
la réduction de leur consommation qu’impose un élargissement de la
taille du parc.
Dans l’exemple considéré, on peut démontrer qu’il existe un seul
nombre qui puisse être choisi à la majorité. Il est donné par le nombre
entier le plus élevé n* pour lequel l’inégalité suivante est vérifiée18 :
n (n – 1) ≤ tLN / 2G (7)
18. Pour une démonstration de ce résultat, voir Cremer et al (1983) ou Fujita et Thisse (2003,
chapitre 5).
Équité, efficacité et acceptabilité dans la localisation des équipements collectifs / 385
thèses très particulier, il n’en reste pas moins très suggestif d’une
tendance lourde, à savoir que les critères d’acceptabilité et d’équité
poussent vers un plus grand nombre d’équipements.
ce qui implique que son revenu net soit donné par Y+Ti. Ces taxes sont
forfaitaires et indépendantes du revenu des usagers. En effet, dans la
mesure où elles trouvent leur origine dans les différences supportées
par les usagers dans leur accès au service, on voit mal pourquoi elles
devraient être influencées par le niveau de revenu de ceux-ci. En outre,
le budget de cette collectivité doit être en équilibre, ce qui revient à
dire Ti = 0.
Ui(s) = NY – D(s)
19. Une difficulté bien connue dans la mise en œuvre de telles compensations réside dans
l’ignorance que le décideur a souvent des véritables préférences des agents. Dans le cas qui nous
occupe, la distance constitue une approximation raisonnable de celles-ci.
388 / L’aide à la décision publique
Ti + G = 0.
On vérifie alors aisément que, dans ce cas, les transferts (10) doi-
vent prendre la forme suivante :
qu’estimant que ses intérêts légitimes sont trop lésés. Une telle atti-
tude est susceptible d’engendrer une demande pour une plus grande
autonomie politique, qui peut aller, dans les cas les plus extrêmes,
jusqu’à la sécession pure et simple. Dans la mesure où la montée du
régionalisme en Europe rend de telles revendications de plus en plus
plausibles – formellement, cela signifie ici que la distance voit sa
valeur augmenter du fait d’une plus grande valeur idéologique et
symbolique –, il est raisonnable de penser que le problème ainsi
soulevé est réel. Insistons sur le fait que le risque de sécession évoqué
ici ne dépend pas des différences de revenu entre territoires mais de
la seule distribution géographique des équipements.
Le nombre et la taille des équipements maximisant l’utilité géné-
rale dépendent évidemment de la distribution spatiale des usagers.
Toutefois, ce n’est pas, comme on pourrait s’y attendre, la densité de
population qui compte dans le calcul de ce nombre, mais la racine
carrée de cette densité. Si les usagers mécontents des choix ainsi effec-
tués sont dispersés sur l’ensemble du territoire, le risque de conflit est
réel, mais celui de sécession est quasi-inexistant. En revanche, si les
mécontents sont regroupés dans un petit nombre de sous-régions aisé-
ment identifiables, le dernier risque devient réel. Formellement, cela
revient à poser la question de savoir si, dans le jeu coopératif où les
usagers peuvent former des coalitions – ici des groupes territoriaux – et
financer leurs équipements uniquement à partir de leurs propres res-
sources, il existe des allocations, spécifiant la localisation des équipe-
ments et leurs modalités de financement, satisfaisant l’ensemble des
usagers et évitant toute sécession. Dans un tel contexte, Haimanko et
al (2005) ont démontré qu’il existe des transferts entre usagers tels que
la totalité de la population concernée souhaite rester au sein du
groupe national. En revanche, le dédommagement total (on soustrait
de la taxe le coût de transport) ne permet pas toujours de prévenir un
risque de sécession.
À quoi de tels transferts ressemblent-ils ? Dans le cas particulier où
il est optimal de construire un seul équipement pour le groupe territo-
rial considéré – soit du fait que celui-ci est de petite taille, soit du fait
d’un coût de construction de l’équipement très élevé –, Le Breton et
Weber (2003) établissent que les usagers éloignés de l’équipement
doivent être, du moins partiellement, compensés. À l’autre extrême,
lorsque le nombre d’équipements est très élevé, du fait d’un espace
occupé par les usagers de très grande taille ou, ce qui est formellement
équivalent, du fait d’un coût d’installation très bas d’un équipement,
Le Breton et al (2004) démontrent que seuls les schémas où les usagers
supportent le même coût total par tête, en termes de financement et
390 / L’aide à la décision publique
20. Ces pourcentages sont obtenus à partir des données présentées par Rignols (2002). L’indice
des dépenses de consommation des ménages était égal à 87,6 en 1960 et à 78,7 en 2000. Les
dépenses de logement correspondent à 10,7 % en 1960 et à 19,1 % en 2000, celles de transport à 9,3
% en 1960 et à 12,2 % en 2000. En conséquence, on obtient (10,7+9,3)/0,876 = 22,8 en 1960 et
(19,1+12,2)/0,787 = 39,8 en 2000. Remarquons que les dépenses de transport reprises dans la
comptabilité nationale n’intègrent pas la valeur du temps passé dans les déplacements journaliers
entre domicile et lieu de travail, mais incluent d’autres postes qui n’ont rien à voir avec ces
déplacements. Même si les valeurs calculées ici surestiment les coûts urbains réels, elles sont
suffisamment élevées pour que l’on puisse affirmer sans grands risques que ces derniers représen-
tent une fraction importante des dépenses des ménages.
392 / L’aide à la décision publique
rait une hausse du prix des terrains. Si chacun consomme une unité de
sol à des fins de logement (on reviendra plus loin sur cette hypothèse),
les usagers sont alors distribués uniformément sur X, impliquant que
l’équipement soit installé en x = L/2. Dans ce cas, la rente différentielle
d’équilibre est donnée par l’expression suivante :
R(y) = t ⎜L / 2 – y ⎜ (12)
cière différentielle dont l’origine est à trouver dont l’activité des pou-
voirs publics22.
En dépit des apparences, une telle proposition n’a rien de révolu-
tionnaire. Par exemple, elle est en accord avec le contenu d’une lettre
envoyée en 1990 à Michael Gorbachev, signée par de nombreux éco-
nomistes parmi lesquels on compte plusieurs prix Nobel, et reprise en
encadré. Cette proposition n’est, en fait, que la suite d’une autre, plus
ancienne et formulée par Henry George dans Progress and Poverty en
1879. Elle est souvent mise en pratique au travers de mécanismes,
moins extrêmes que la taxation intégrale, dans des pays comme les
Etats-Unis ou le Japon (Duranton et Thisse, 1996). Les pouvoirs
publics français ont d’ailleurs mené une telle politique à Paris au
XIXe siècle. L’idée de financer les aménagements de la ville au moyen
des gains fonciers qui leur sont associés semble, en effet, remonter à
Hausmann. Marchand (1993, p. 80-81) résume fort bien ce que fut sa
politique :
22. La spéculation foncière n’est pas davantage, on s’en doute, une pratique justifiant le
versement de cette rente.
Équité, efficacité et acceptabilité dans la localisation des équipements collectifs / 395
Figure 4
Rente différentielle
6. CONCLUSIONS
En résumé, on peut dire sans grands risques que, s’il est important
de ne pas confondre égalitarisme et équité, il est tout aussi crucial de
comprendre qu’équité spatiale et utilité générale ne forment pas
nécessairement un « couple infernal ». Pour cela, il faut accepter de
23. Le lecteur septique pourra s’en convaincre en pensant à l’évolution des prix du logement au
voisinage des « bonnes écoles ».
396 / L’aide à la décision publique
compenser les usagers défavorisés, soit sous forme monétaire, soit sous
la forme d’un menu d’opportunités de services différents ou substituts.
Dans ce dernier cas, il est urgent de remplacer le « dur » par l’« adap-
table » partout où cela est possible, car le second convient souvent
mieux aux régions peu peuplées et rurales, étant susceptible de s’adap-
ter plus rapidement à l’évolution des besoins alors que le premier les
fige.
Autrement dit, si l’on souhaite pouvoir réconcilier des desiderata,
par ailleurs souvent légitimes même s’ils sont contradictoires, il est
fondamental d’élargir l’ensemble des opportunités proposées à la
population, tout se réservant une flexibilité suffisante afin de préserver
l’avenir. C’est probablement la seule manière d’éviter le contresens de
vouloir « tout partout » au travers de transferts interrégionaux qui
deviendraient vite excessifs ou de provoquer, à rebours, un sentiment
d’injustice susceptible de menacer la cohésion nationale et sociale du
pays et des régions. Dans cette perspective, la solution rawlsienne
apparaît souvent comme la seule acceptable, même s’il se peut qu’elle
ne soit pas soutenue par une majorité d’usagers.
De plus, le recours à des techniques efficaces de recherche opéra-
tionnelle est de nature à permettre aux décideurs publics de mieux
percevoir les grands enjeux de leur politique et d’illustrer, en particu-
lier auprès des populations concernées, les arbitrages nécessaires mais
souvent incompris à la prise de décision. Pour ce faire, il faut aussi
mobiliser les outils que proposent les nouvelles technologies de l’infor-
mation afin de rendre ces arbitrages plus clairs et transparents. Dans ce
cas, les pouvoirs publics gagneraient beaucoup à mieux saisir les
concepts et fondements de l’économie publique spatiale, ainsi qu’à
expliquer aux usagers la nature des problèmes multiples que soulève
l’installation d’un système d’équipements.
Enfin, l’économie urbaine nous a permis de mettre en lumière un
fait trop négligé, à savoir que les marchés fonciers jouent un rôle
crucial en capitalisant les avantages que la proximité des équipements
offre aux usagers. Plus précisément, il conviendrait de développer des
concepts « équipements + services associés » valorisant mieux le fon-
cier au voisinage du dit équipement, en générant une rente foncière
supplémentaire et en la captant pour aider à son financement. Pour-
quoi se priver de tels instruments, mobilisés pourtant dans des pays
peu suspects de faire preuve d’un interventionnisme forcené comme,
par exemple, les États-Unis ou le Japon.
Reste un problème d’importance non abordé ici car les résultats
sont, à notre connaissance, quasi-inexistants : quelles sont les interac-
tions possibles entre les politiques de localisation des équipements
Équité, efficacité et acceptabilité dans la localisation des équipements collectifs / 397
Références
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monde du XVIe siècle à nos jours, Volume II, Paris, Editions Galli-
mard, 1997.
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tut des villes, Villes et économie, Paris, La Documentation Fran-
çaise, 2004.
Combes P.-P., Duranton G. et Gobillon L., « Externalités d’agglomé-
ration et inégalités salariales entre zones d’emploi », complément C
du rapport Compétitivité, Conseil d’Analyse Economique, 2003,
p. 163-183.
Combes P.-P., Mayer Th. et Thisse J.-F., Économie géographique.
L’intégration économique des régions et des nations, Paris, Econo-
mica, 2006.
Cremer H., de Kerchove A.-M. et Thisse J.-F., « An economic theory
of public facilities in space », Mathematical Social Sciences, 9, 1985,
p. 249-262.
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spatiale », Revue Économique, 47, 1996, p. 197-231.
Fujita M., Urban Economic Theory, Land Use and City Size, Cam-
bridge, Cambridge University Press, 1989.
Fujita M. et Thisse J.-F., Économie des villes et la localisation, Bruxel-
les, De Boeck, 2003.
398 / L’aide à la décision publique
The attached Appendix provides a brief technical discussion of issues of the duration of
rights to use land, the transfer of land, the assessment of land, social protection against
the abuse and subsequent abandonment of property, and redistribution among localities
to adjust for differences in natural per capita endowments. While these issues need to be
addressed, none of them present insoluble problems.
A balance should be kept between allowing the managers of property to retain value
derived from their own efforts to maintain and improve property, and securing for public
use the naturally inherent and socially created value of land. Users of land should not be
allowed to acquire rights of indefinite duration for single payments. For efficiency, for
adequate revenue and for justice, every user of land should be required to make an
annual payment to the local government, equal to the current rental value of the land
that he or she prevents others from using.
Sincerely,
Nicolaus Tideman, William Vickrey, Mason Gaffney, Lowell Harriss, Jacques Thisse,
Charles Goetz, Gene Wunderlich, Daniel R. Fusfeld, Elizabeth Clayton, Robert Dorf-
man, Carl Kaysen, Tibor Scitovsky, Richard Goode, Susan Rose-Ackerman, James
Tobin, Richard Musgrave, Franco Modigliani, Warren J. Samuels, Guy Orcutt, Eugene
Smolensky, Ted Gwartney, Oliver Oldman, Zvi Griliches, William Baumol, Gustav
Ranis, John Helliwell, Giulio Pontecorvo, Robert Solow, Alfred Kahn, Harvey Levin.
All individuals and enterprises should have the right to continue using the land they have
been using, for as long as they are prepared to pay the rent of that land. The amount of
rent to be paid will vary as the economy evolves. As is traditional in countries with
market economies, if land is needed for some public purpose such as a highway, the
judicial process should guarantee the user fair compensation for any improvements that
have been made in good faith. Every user of land should also have the right to transfer
ownership of the improvements on the land, together with the right to continue using the
land upon payment of rent, to any buyer on any terms upon which they mutually agree.
For the rent of land to be collected publicly, land must be assessed, and then reassessed
regularly. The assessment process is simplified by the fact that land rental values tend to
change smoothly with location. Initially, a map of the value of land can be made by
auctioning scattered sites on a rental basis, and then interpolating for the value of other
sites, based on the experience of Western appraisers and assessors regarding the manner
in which the value of land varies systematically. To update assessments in future years,
the assessment office would auction sites that had been relinquished by their users, or
sites with improvements that were almost fully depreciated, that had been acquired in
voluntary transactions. Interpolation would again be used to estimate the rent of sites
that had not been transferred.
With all or nearly all of the rent of land collected publicly, it would be necessary to guard
against the possibility that users of land with fully depreciated improvements would
abandon their property, leaving the State to demolish the improvements in preparation
for the next use of the site. This potential problem can be avoided by requiring every user
of land to post a government bond as a “security deposit” that the land will not be
abandoned in a run-down condition. Interest on the bond could be applied to the annual
rent.
Collection of the rent of land is best managed by local governments, but justice, as well as
efficiency in migration incentives, requires that the part of rent that is attributable to
nature rather than community development be shared on an equal per capita basis. Thus
there is need of clearinghouse mechanism, into which all localities would deposit collec-
tions of rent from nature in excess of the average per capita amount, and from which
other localities would receive compensation for their deficiencies of rent from nature,
relative to the average per capita amount.
CHAPITRE 13
(1)
6. Nous ne prenons pas partie ici sur le point de savoir qui de Paris ou de Lyon va bénéficier le
plus de l’autoroute, c’est-à-dire sur le point de savoir si nous sommes dans la partie décroissante ou
croissante du U mis en lumière par les économistes géographes.
414 / L’aide à la décision publique
W1t W10
= pour tout t ≥ 1.
W2t W20
Ce critère dit d’équité fort pour la suite renvoie donc à une réparti-
tion proportionnelle des fruits de la fusion aux poids économiques
originels donnés par W10 ,W20. L’écart initial en termes relatifs entre
les deux régions n’augmente pas. Si cette clause n’est pas respectée, la
région perdante est en droit de contester les décisions d’infrastructure
et de demander des compensations. La menace de la sécession n’est
cependant pas forcément crédible, la région la plus maltraitée a peut-
être encore intérêt à ne pas se dissocier de l’ensemble, car elle connaî-
Équité territoriale, acceptabilité et grandes infrastructures de transport / 415
7. Ce n’est pas, par exemple, parce qu’il n’y a pas eu de « contrat social » entre les coloniaux et
les indigènes au moment de la formation d’une colonie, qu’il fallait se dispenser d’appliquer des
règles d’équité à l’égard des indigènes par la suite.
8. Tome II, p. 142.
416 / L’aide à la décision publique
légitimes des critères d’équité entre individus tels que ceux présentés
par Jacques Thisse (2006) et que l’invocation de critères d’équité terri-
toriaux serait incongrue et déplacée. L’appel à ceux-ci ne peut pas
s’appuyer sur le « moment » constitutionnel révolutionnaire, au
contraire, celui-ci pourrait servir à les disqualifier. Toutefois, l’histoire
ne s’est pas arrêtée là et, par exemple, vers 1830-1840, les départe-
ments expriment l’idée que les réseaux d’infrastructure soient décidés
à un échelon plus local. À la même époque, Tocqueville qui fait l’éloge
du fédéralisme aux États-Unis s’abstient de demander la déclinaison
d’un modèle fédéral pour la France (Benoît, 2005). La question de la
décentralisation revient tel un serpent de mer dans le débat politique
pendant tout le XIXe siècle (Deyon, 1992 ; Flory, 1966), comme par
exemple vers 1895 mais le sujet est de nouveau enterré (Rosanvallon,
2004). La France a mis deux siècles à amender son organisation terri-
toriale issue de la Révolution, tant elle a été absorbée par d’autres
conflits, avec la royauté d’abord, avec l’Église ensuite, avec l’Allema-
gne et 3 guerres, pour finir avec les colonies. La question territoriale
n’émerge au sommet des préoccupations que dans le grand débat qui
précède la loi Deferre de 1982. Le 17 mars 2003, le Parlement réuni en
Congrès à Versailles adopte le projet de loi constitutionnelle relatif à
l’organisation décentralisée de la République. Il modifie le fameux
article 1 selon laquelle la France est une République indivisible, pour
ajouter que son organisation est décentralisée. En gardant en mémoire
leur domaine large de compétences sur le plan économique, les régions
sont donc fondées, constitutionnellement, à exprimer selon le mot de
Siéyès leurs prétentions et leurs jalousies. C’est donc plus en interro-
geant le présent des lois et non en fouillant l’histoire qu’une résonance
partielle peut être trouvée entre le raisonnement mené d’une manière
abstraite et un vécu politique. Après avoir été anéanti par l’ouragan
révolutionnaire, le fait régional vient de réapparaître, la constitution
lui donne force de loi, et il faut compter avec lui.
Avant de clore cette parenthèse historique, il nous faut mentionner
que dans l’ancienne province de Bretagne13, l’acte union de 1532 entre
la France et celle-ci a toujours été utilisé par les régionalistes et les
autonomistes pour rappeler que si la France manquait à ses droits en
matière de développement de la Bretagne, celle-ci était fondée à décla-
rer que l’acte d’union était forclos. La création du CELIB (comité
d’étude et de liaison des intérêts bretons) en 1950 (Cornette, 2005) qui
réunissait en particulier tous les parlementaires bretons, quelle que
14. Cette hypothèse n’est pas en soit nécessaire mais elle permet d’alléger les notations. Les
données de migrations sont le plus souvent ventilées par groupe d’âge. On supposerait alors qu’il
existe un agent représentatif par groupe d’âge.
Équité territoriale, acceptabilité et grandes infrastructures de transport / 419
Cette hypothèse n’a pas de raison d’être plus ou moins vérifiée pour
les migrations que pour d’autres types de comportement. Étudier
l’évolution de l’utilité du ménage représentatif dans chaque région est
alors suffisant pour savoir dans quel sens évoluent les flux migratoires
inter-régionaux. Nous supposons que cet agent représentatif est
l’agent moyen.
Nous nous plaçons enfin dans le cas où les deux régions en période
originelle (période 0) sont sur un pied d’égalité. Enfin à l’arrière plan,
nous supposons encore, dans le cadre du modèle, que la seule cause
profonde des migrations tient dans des différences d’accès au réseau
qui agissent sur les utilités et sur les possibilités de gain de revenu.
Alors nous pouvons énoncer la proposition suivante qui fonde notre
critère opérationnel.
Proposition : Une migration de la région 1 vers la région 2 l’année 1
est une condition suffisante pour que le critère d’équité fort ne soit pas
respecté au détriment de la région 1 cette année là.
Preuve L’existence d’une migration de 1 vers 2, implique que l’iné-
galité (3) est respectée pour l’agent représentatif. (3) implique égale-
ment que l’utilité moyenne dans la région 2 est supérieure à l’utilité
moyenne dans la région 1. Comme, de plus, la population de la région 2
augmente au détriment de la région (1) et que l’utilité moyenne est
supérieure au seuil critique c, le bien-être total dans la région (2) est
plus faible que le bien-être total dans la région (1) en vertu de l’égalité
(1’).
En prenant la contraposée de la proposition, on en déduit encore
que l’absence de migration est une condition nécessaire du respect du
critère d’équité territorial fort. Ce critère basé sur l’étude des migra-
tions inter-régionales n’est, cependant, pas une condition suffisante de
l’absence d’inéquité en raison de la présence des coûts de migration.
Un exemple permettra d’en sentir la difficulté. Une utilité moyenne
plus forte en PACA qu’en Île-de-France à un moment donné, engen-
dre un flux migratoire de la région Ile-de-France vers la région PACA
à condition que le différentiel d’utilité soit d’un ordre de grandeur
suffisant pour que les migrants acceptent de payer le coût de migration.
Si celui-ci était très élevé, on pourrait assister à des divergences persis-
tantes d’utilité moyenne entre régions sans constater de migrations.
L’absence de migration ne devient une condition suffisante de l’équité
territoriale qu’en l’absence de coût de migration.
Risquons-nous à un premier essai d’application sur la période la
plus récente depuis le dernier recensement de population. Il est tou-
jours supposé « faussement » que les différences d’accès au réseau sont
420 / L’aide à la décision publique
à l’origine des migrations via leur impact sur les utilités. Nous relâ-
chons par la suite cette hypothèse.
Bornons-nous d’abord à constater que, sur la période la plus
récente 1999-2004 selon les chiffres communiqués par l’INSEE (cf.
Tableau 1), les flux migratoires qui comprennent également les flux de
l’étranger15 pour 0,23 % par an sont loin d’être négligeables. Six
régions connaissent un flux migratoire négatif, le Nord-Pas-de-Calais,
la Champagne-Ardenne (0,4 % par an, le record), la Haute-
Normandie, la Picardie, la Lorraine et l’Île-de-France.
Tableau 1
Estimation de Population (source INSEE Première no 1058, janvier 2006)
Pour toutes les autres régions, le flux migratoire net est positif ou
nul. Il est positif en Auvergne et en Limousin et en particulier dans
cette dernière région, le taux d’arrivée net est supérieur à celui de la
15. Il eut été mieux de disposer des flux migratoires internes pour le raisonnement mais ces
chiffres ne sont pas encore disponibles.
Équité territoriale, acceptabilité et grandes infrastructures de transport / 421
Figure 1
Accessibilité par le train (à gauche) et par la route (à droite). Les zones blanches sont
à + de 45’ en voiture d’une gare importante ou d’une entrée d’autoroute
16. Le constat serait le même si on utilisait les travaux de Combes et Lafourcade sur le coût
généralisé de transport (2002) et (2005).
422 / L’aide à la décision publique
17. Il eut été mieux de ne comptabiliser que les flux migratoires. Mais, ils ne sont pas encore
disponibles sur la période 99-04 à l’échelon départemental. Le fait de raisonner en double diffé-
rence permet d’éliminer les effets d’une différence de fécondité entre les départements traversés
par le TGV et les autres, à condition que cette différence soit restée constante.
Équité territoriale, acceptabilité et grandes infrastructures de transport / 423
18. Il faut raisonner en taux pour tenir compte de la différence des effectifs de population.
19. La méthode de différences en différences est loin d’être exempte de critiques (cf. Trannoy,
2003).
424 / L’aide à la décision publique
20. L’indice de Gini est un cas très particulier d’un indice de polarisation à la Esteban Ray
(1994). Il serait intéressant de calculer des indices de polarisation qui tiennent compte des distances
inter-régionales en utilisant, par exemple, les outils proposés par Marcon et Puech (2003).
Équité territoriale, acceptabilité et grandes infrastructures de transport / 425
Figure 2
Indice de Gini des densités de population régionales
(pondérées par la superficie régionale)
Figure 3
Indice de Gini des densités régionales de population (non pondérées)
426 / L’aide à la décision publique
21. La pondération par la population correspondrait à une vision différente. Cela serait l’inéga-
lité de densité ressentie par les individus. Cette façon de pondérer serait intéressante dans d’autres
contextes, par exemple, celui de la mesure de l’inégalité du sentiment de congestion.
Équité territoriale, acceptabilité et grandes infrastructures de transport / 427
Figure 4
Indice de Gini des densités de population départementales
(pondérées par la superficie départementale)
sion sur l’équité territoriale. Elle propose un tri parmi les raisonne-
ments en termes d’équité spatiale entre ceux qui peuvent s’appuyer sur
une démarche rationnelle et ceux qui en sont dépourvus. Elle permet
donc de dégager un langage et des raisonnements qui, s’ils sont parta-
gés par toutes les parties prenantes, ouvrent la voie à un compromis
partagé par tous parce que basé sur une rationalité commune.
Cela dit, nous voudrions pointer une faiblesse actuelle dans le
processus de décision des infrastructures publiques en France. Alors
même que la multiplicité des acteurs a changé la donne, le processus de
décision reste entièrement piloté par l’administration et donc par
l’État central. Dans une certaine mesure, cela permet de préserver
autant que faire se peut l’intérêt général. Mais cela autorise également
les surenchères de la part des régions qui n’ont pas complètement
abandonné une logique de guichetier. Au fond, le souci d’employer au
mieux les deniers publics devrait être également le souci des édiles
régionaux. S’ils dépensent l’argent de leurs contribuables sur des pro-
jets d’infrastructures peu utilisées, leur réélection n’en sera pas facili-
tée. La sanction politique d’un gaspillage local de fonds publics ne
devrait pas être moins lourde au niveau local qu’au niveau national.
Sauf que, si le projet est de toute façon très majoritairement financé
par le contribuable national, le gaspillage est moins ressenti pour le
contribuable local alors que le bénéfice reste visible. Le schéma de
décision et de financement actuel entretient donc une certaine irres-
ponsabilité de la part des édiles régionaux, tant il encourage ceux-ci à
faire payer par le contribuable national des projets peu rentables qui
ne seraient pas entrepris et financés sur une base locale. Par exemple,
le barreau de ligne TGV entre Poitiers et Limoges qui se fixe en râteau
sur la ligne Sud-Europe-Atlantique-Paris-Bordeaux serait-il entrepris
par les conseils régionaux Poitou-Charentes et Limousin si seules ces
deux collectivités territoriales en assuraient le financement ? On peut
gager que ces deux collectivités seraient alors intéressées au partage du
savoir concernant les études de rentabilité socioéconomique, au lieu
d’en faire fi comme maintenant. Par conséquent, la nouvelle donne
entre l’État et les régions appelle à un nouveau processus de décision
peut-être plus proche de ce qu’un état fédéral comme l’Allemagne a
mis en place (Rothengatter, 2000). Sans qu’un tel conseil puisse être
pris au pied de la lettre, car il demanderait à connaître de l’intérieur
comment les choses se passent, les régions seraient invitées à prendre
toute leur part dans la phase d’évaluation du projet et à en faire sienne
les conclusions, de telle manière que la décision soit vraiment coparta-
gée au terme d’un processus. Ainsi, si la question d’acceptabilité
appelle à élargir le champ de réflexion quant à l’impact à long terme de
Équité territoriale, acceptabilité et grandes infrastructures de transport / 429
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Fleurbaey M., Théories économiques de la justice, Economica, Paris,
1996.
430 / L’aide à la décision publique
de transport : (1) bien qu’il n’y ait que peu de référence explicite à
l’efficacité économique dans les débats publics, certaines inefficacités
sont perçues comme injustes, surtout si elles consistent en une perpé-
tuation de privilèges pour certains groupes qui s’opposent à leur
remise en cause ; (2) dans un papier fondateur, Kahneman, Knestsch
et Thaler (1986) ont établi à l’aide d’un support empirique l’existence
d’un droit sur les termes de la « transaction de référence », i.e. les
droits issus du statu quo : le sentiment d’injustice apparaît lorsque la
décision de l’entreprise ou des pouvoirs publics entraîne un change-
ment de contexte qui ne tient pas compte de la transaction de réfé-
rence, formée par l’histoire des transactions précédentes entre l’entre-
prise ou la puissance publique d’une part, et l’employé, le
consommateur ou l’usager d’autre part. Dans le cas du transport, cette
transaction de référence sera par exemple la gratuité d’usage de la
route2 ou le droit à ne pas voir débarquer une autoroute au fond du
jardin de sa maison de campagne ; (3) on s’attend à ce que la société
nous protège contre les conséquences négatives de changements éco-
nomiques sur lesquels nous n’avons pas prise ; (4) on exige un droit de
regard sur le service public quand il s’agit d’un monopole, surtout
quand il sert ce qui est considéré comme un droit (par exemple le
transport public) ; (5) on réclame l’égalité de traitement : cette égalité
fait référence aux différentes dimensions de l’équité (verticale, hori-
zontale et spatiale) que nous développons ci-après.
Ces principes vont être plus ou moins pertinents selon les situa-
tions, et parfois même contradictoires : comment préserver le statu
quo tout en remettant en cause les privilèges pour certains groupes ? À
travers une revue des résultats de travaux de recherches européennes
et en nous aidant de la riche littérature académique sur les questions
de justice et d’équité en tant que de besoin, nous tenterons de mettre
un peu d’ordre dans une problématique, l’acceptabilité des politiques
publiques dans les transports. Autrement dit, nous nous proposons de
construire une sorte de grille de lecture.
L’état de l’art sur l’acceptabilité des politiques de transport peut
s’organiser autour de quelques grands thèmes. Pour comprendre
l’acceptabilité, il faut d’abord la définir (section 1). Mais l’opération est
délicate. L’utilisation de ce terme sert à décrire des attitudes et des
comportements d’acteurs souvent empreints de subjectivité, ce qui en
2. en apparence seulement car dans les faits cette gratuité n’en est pas une : en effet l’automo-
biliste paye des impôts et des taxes spécifiques à cet usage, mais le plus souvent indifféremment des
lieux et moments de cet usage. Ce qui est en question est la remise en cause de l’apparente gratuité
à travers la tarification routière sans échappatoire comme certains types de péage urbain.
434 / L’aide à la décision publique
3. Qui désignent aussi bien les victimes d’externalités négatives (exemple, les associations de
riverains d’une infrastructure en projet) que les bénéficiaires d’externalités positives (exemple, les
organisations de transporteurs ou de chargeurs).
436 / L’aide à la décision publique
4. Pour un survey sur l’équité et la question du péage urbain voir Souche (2003). Pour une
approche normative de la justice, et de la justice comme équité en particulier, sans application au
cas spécifique des transports voir Fleurbaey (1996).
440 / L’aide à la décision publique
5. Bergen (1986), 240 000 hab ; Oslo (1990), 800 000 hab ; Trondheim (1991), 180 000 hab ;
Stavanger (2001), 110 000 hab.
Les figures de l’acceptabilité / 445
Figure 1
Une proposition de schéma conceptuel du processus d’acceptabilité
7. CONCLUSION
Dans l’état de l’art que nous avons dressé, nous avons tenté de
définir l’acceptabilité. Nous avons passé en revue l’identification des
acteurs, nous avons souligné l’importance du contexte et de la percep-
tion du problème pour établir des conditions favorables à la réussite du
projet. Nous avons montré comment, dans la perception des mesures
par les acteurs, les arguments d’équité et de justice prennent souvent le
pas sur ceux de l’efficacité au sens économique.
Ce traitement de l’acceptabilité a été illustré par trois expériences
emblématiques de péage urbain, à Oslo, Londres et Lyon. Ces expé-
riences montrent que la réussite de ce type de projet passe par les
conditions nécessaires suivantes : (a) une volonté politique forte (cas
de Londres) ou une convergence politique sur le projet (cas de la
Norvège) ; (b) une compensation clairement affichée envers les « per-
dants » apparents (cas de Londres) ou un compromis gagnant-gagnant
(cas de la Norvège) ; (c) la nécessité de porter au préalable le débat sur
la place publique (contre exemple de Lyon).
Nous avons enfin conclu par une proposition de mise en ordre
conceptuelle du processus menant à l’acceptabilité. Ce processus
relève d’une alchimie complexe, et si le calcul économique peut pren-
dre en compte des éléments de l’acceptabilité à travers l’intégration de
l’équité dans son analyse (cf. chapitre 10), l’insertion de ce calcul dans
le processus d’acceptabilité reste à éclairer.
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Les figures de l’acceptabilité / 451
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