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Le Grand Carnaval

Présentation du monde et de ses habitants

→ Grande affiche – Le Grand Carnaval


I – Un monde fantasque et tordu

a) Mise en scène – Géographie


Zone géographique initiale
La trame de l’histoire se déroule dans un microcosme où les lois du temps et de l’espace sont
malléables, car l’être qui le mit en place n’est pas assez puissant pour les stabiliser. A l’origine, ce
monde, que l’un des personnages principaux nommera « la Thébaïde », était une zone délimitée par
un cercle au rayon d’environ 30km ayant pour centre la ville de Montpellier. Cette aire recouvrait
donc la ville de Sète au sud-ouest et la frontière entre l’Hérault et le Gard au nord-est, ainsi qu’une
partie de la Méditerranée au sud :

Figure 1: Zone délimitée par Daphnis au moment de la création de la Thébaïde

Figure 2 : Vue approché de la Thébaïde initiale

Vue du dehors
Ceux qui se situaient en dehors de la zone au moment de sa création ont été préservés des effets de
distorsion spatio-temporelle – par conséquent, ils ne sont pas témoins de l’évolution des phénomènes
à l’intérieur. Ils n’y voient qu’un mur translucide et épais, comme fait à partir d’une lumière ondulante
et visqueuse, qui définit le périmètre original. La Thébaïde est inaccessible de l’extérieur, car cette
barrière est d’un froid glacial qui brûle gravement ceux qui daignent s’y approcher. Il est possible de
distinguer les formes des villes à l’intérieur, mais il n’y a vraisemblablement aucune trace de vie.
Vue du dedans
Un phénomène singulier se produit pour ceux qui se trouvaient à l’intérieur au moment de la première
Torsion (la création de la Thébaïde). En effet, pour les nouveaux habitants de ce microcosme, il n’y
a aucune barrière comme celle que l’on voit du dehors : au contraire, leur nouvelle demeure est
vraisemblablement dotée d’un espace infini, qui dépasse largement ses frontières originales.
Cependant, bien que l’espace qu’ils ont à parcourir soit vraiment infini, il n’y a pas une variété infinie
des lieux dans cet espace : les frontières originales sont toujours présentes, mais à chaque pas que
l’on fait pour s’y approcher, l’espace se tord et s’allonge afin d’éloigner les barrières : il est donc
impossible d’atteindre la limite originale de la Thébaïde.

Figure
3: Tableau d'équivalence entre la distance qui aurait été parcourue en réalité (axe des abscisses, en km) contre la
distance que l'on traverse dans la Thébaïde (axe des ordonnées, en km).
Figure 4: Superposition des aires de distorsion sur la zone originale.

Cette distorsion se divise selon quatre aires principales, en fonction de la gravité de ses effets, selon
quatre catégories, nommées d’a à d. Les distances sont décrites dans la distance que l’on parcourt à
l’intérieur de la Thébaïde (cf. tableau de concordance).
• Zone A (de 0 à 15km) – Aucune distorsion visible. A part le réarrangement régulier de la ville
de Montpellier, il n’y a aucun changement dans les paysages environnants, qui restent plus ou
moins abandonnés. Il s’agit de la zone la plus peuplée, étant habitée par la plupart des êtres
créent par la redistribution carnavalesque des rôles identitaires par Daphnis.
• Zone B (de 15 à 210km) – Répétition de portions de terrain, avec peu de distorsion. Des
anneaux d’environ 7,5km d’épaisseur se répètent périodiquement, étant des copies presque
parfaites les unes des autres. Partiellement habitée par des nomades et les parias de la ville
principale ; la distorsion agit sur leur corps et sur leurs esprits.
• Zone C (de 210 à 600km) – Distorsion grave et évidente, des petits bouts de terrain s’allongent
en prairies et les paysages prennent une ampleur colossale. Cela prend des heures à pied pour
traverser l’étendue d’un galet. Seules les créatures les plus difformes et les plus étrangères à
la vie humaine peuvent y habiter, et elles sont habituellement dotées de proportions
gigantesques.
• Zone D (600km et au-delà) – Le terrain devient presque intraversable à la suite d’une tortion
extrême. Le plus souvent, lorsqu’on arrive à ce stade, il n’y a plus rien à explorer, car le monde
tout entier devient une plaine monotone et fixe au-delà d’un point donné. Aucun être vivant
ne peut vivre dans cette Asphodèle, cette infinité vidée de son contenu.

La ville de Montpellier
Montpellier devient la capitale et seule ville légitime dans toute la Thébaïde. Par conséquent, elle est
peuplée de bout en bout par ses anciens habitants, qui ont été rendus difformes et méconnaissables en
corps et en esprit par l’instauration répétée du Grand Carnaval. Ceux-ci peinent parfois à naviguer les
rues tournoyantes de la ville, convertie en un labyrinthe gigantesque et dont les rues et les quartiers
se disloquent et se réorganisent sans cesse, dans un mouvement tectonique et dédaléen. Cela a pour
effet de décourager une quelconque entrée dans la ville (car celui qui essaye de passer vers le centre
sera repoussé en dehors par l’agencement des rues) et d’en empêcher la sortie. Les Montpelliérains
sont donc piégés, au deça de la ville et au-delà, et ce sans s’en rendre compte : car aucune tentative
d’échappatoire n’a été faite depuis le premier Carnaval.
Cependant, il est possible de naviguer correctement dans la ville si l’on possède certaines
connaissances techniques : bien qu’elle paraisse aléatoire, le croulement labyrinthique des rues suit
une logique interne confuse mais stricte. Quelques individus rares et exceptionnels peuvent ainsi
prévoir la suite des agencements, et connaître les endroits donnés, et à quel instant précis s’y rendre,
afin de sortir des limites de la ville ou bien d’y retourner. Les six chevaux blancs qui traînent un long
araire en bois sur le béton de la ville sont habitués à de tels déplacements, et peuvent aider certains
citoyens pour le prix de la sciure dont ils ont tant besoin. Il est également possible d’esquiver le
labyrinthe en volant au-dessus de ses limites, mais peu d’habitants naturels en sont capables.

b) Mise en scène – Histoire

La délimitation de la Thébaïde commence en 202X lorsque deux esprits jumelles, nommées Daphnis
et Léonore, usurpent les pouvoirs de création réservés aux Théosides (équivalents des anges dans cet
univers). Daphnis surtout est envahie par une jalousie farouche envers cette capacité, et prétend
pouvoir créer son propre monde rien qu’avec ses propres forces. Cependant, elle ne possède pas le
stock inépuisable d’énergie dont sont dotés les Théosides, étant ainsi dépourvue, malgré elle, du
pouvoir de créer de la matière ex nihilo ; tous ses efforts de création doivent alors passer par la
corruption et la réappropriation d’éléments existants.
Elle exerce son influence dans la ville de Montpellier, où elle met en œuvre le processus du Grand
Carnaval – il s’agit d’une fête reprenant les motifs visuels et les procédés d’un carnaval, mais qui a
un effet dévastateur sur l’identité de l’individu, car celle-ci est remplacée par un nouveau rôle qui
change progressivement les attributs physiques et mentaux des personnes concernées. Par exemple,
les six chevaux laboureurs cités ci-dessus, au moment de leur prise de ce rôle, perdent leur apparence
humaine et ont leur structure osseuse déformée afin de correspondre, tant bien que mal, à celle d’un
cheval. Il perdra ensuite cette forme au prochain carnaval pour reprendre celle d’un cerf, ou d’un
vendeur de cloches, ou d’un diable, ou d’un fou. Cette réassignation des rôles se répété chaque année,
au cours d’une semaine environ au début de février. Au moment de l’intrigue du roman, plus d’une
centaine de répétitions du Grand Carnaval ont déjà eu lieu.
A force de répéter ce cycle d’innombrables fois, la ville de Montpellier s’est progressivement érodée
en ruines éparses. Certains bâtiments historiques ont été miraculeusement préservés de l’écoulement
des rues et du festin des carnavaliers, comme la faculté de médecine, l’église néo-gothique Saint
Roch, ou la médiathèque Émile Zola ; presque rien qui ait été bâti après le XXe siècle n’a survécu à
ces changements radicaux et soutenus. La métropole est à présent méconnaissable si ce n’est pour
lesdits monuments et pour les chantiers de travaux qui si manifestent encore, et ce très farouchement.
Les lignes de tram et les voies ferrées sont complètement inutilisables depuis longtemps, rompues par
le disloquement incessant des blocs de la ville ; de toute façon, les citoyens de la Thébaïde n’y prêtent
aucun intérêt, préférant sauter par-dessus les collines de fer et de brut pour mener leurs vies chaotiques
et soigneusement réglées.
→ Faculté de médecine
Daphnis, satisfaite de son travail, s’établit en tant que reine ou déesse à l’Opéra Comédie et gère de
façon détachée les affaires de son monde. La plupart du temps, elle s’amuse à son bon gré, et ses
divertissements tournent le plus souvent à la débauche ; ses terribles plaisirs et ses affreuses douceurs
retentissent dans les rues et dans les cœurs de ses sujets, à leur grande horreur et envie. Léonore, quant
à elle, discrète, muette depuis le début de l’histoire, hante la cour du théâtre et l’intérieur des bâtiments
préservés, sans mot dire et sans un bruit. Sa présence inspire le malaise à ceux qui la voient, mais son
absence se fait plus palpable encore : car chacune de ses longues disparitions invoque un désastre,
souvent mortel, dans la Thébaïde, que ce soit dans la ville même ou dans un coin reculé de son étendue
infinie.
II – Personnages

a) Les acteurs de la prophétie – Alex et Vera


Alexandre et Vera sont les moteurs premiers de la dynamique du roman. Leur relation, d’abord
caractérisée par l’étrange tension entre deux êtres de nature opposée, puis cristallisée dans une loyauté
absolue de l’un envers l’autre, est l’axe central du récit qui sera raconté. Les thèmes principaux de
l’histoire (grâce-justice, attente-renoncement, la Venus terrestre et la Venus infernale etc.) sont, par
eux-mêmes, plus important qu’un conte d’amour épuré : mais leur transmission n’est possible que
par le biais d’un récit, d’une histoire qui les contienne non pas en tant que messages didactiques mais
en tant que logique interne qui régit toutes choses : le récit en question est le mythe d’Alexandre et
de Vera.
→ Rencontre Veralex

Alexandre – Né du chaos, enfant du carnaval


Son histoire
→ Alex lisant Le Capitaine Fracasse avant de rencontrer Vera.
Alexandre est le fruit d’un phénomène rare et étrange, même au milieu de la folie de la Thébaïde :
l’apparition d’un nouvel être vivant au sein du long carnaval. Il se manifeste spontanément lors d’une
mise en scène d’enfantement qui engendra, à la surprise du tous, un nouveau-né. Voyant cet enfant
blond à l’apparence singulièrement humaine, ses parents lui donnent un masque hideux afin de
permettre son entrée dans le monde. Dès lors, il sera pris en charge par les différents habitants de la
ville de Montpellier, qui relèguent les soins de son apprentissage à un nouveau groupe à chaque
Carnaval. Les rumeurs concernant un jeune garçon qui serait exempt du carnaval et dont la forme ne
changerait pas sont vite oubliés, car chaque groupe qui l’élève maintient la tradition de lui donner un
masque nouveau et différent en l’accueillant.
Cette dynamique se poursuit pendant les dix premières années de sa vie, durant lesquelles il s’instruit
avec les habitants de la ville à tour de rôle. Ceux-ci ne sont ni stupides ni ignorants, mais leur
connaissance diverse et variée se porte uniquement sur l’état des choses à leur époque, sur la nature
de leur monde et de leurs identités malléables ; ils n’ont que peu de notion qu’il existait un autre
monde que le leur auparavant, car les quartiers préservés font autant partie de leur vie que la terre, la
lune ou les étoiles. Le garçon, néanmoins, soupçonne qu’ils ne sont pas les premiers à tracer la Terre,
car les ruines et les magnifiques bâtiments préservés ont été bâtis, mais ils n’ont jamais pu être
produites par un peuple aussi dispersé et propice au changement. Il passe alors la plupart de son temps
libre en présence de ces mystérieux obélisques dédiés à un temps passé, tout en ébauchant les
premières lignes de sa théorie concernant l’existence d’un peuple antérieur aux Thébaïdiens.
Lorsqu’il a treize ans, sous les conseils de l’Homme aux Cloches, il s’introduit dans la bibliothèque
municipale pour la première fois. Ce bâtiment a été préservé par le temps, se trouvant sur un socle
stable de la ville qui ne change jamais de place, et maintient une certaine valeur aux yeux des
Thébaïdiens car il contient une véritable richesse en récits fictifs. En effet, ils considèrent que
l’intégralité du contenu de la bibliothèque concerne des récits de fiction, d’aventure ou de sagesse
incompréhensible, (y compris les livres historiques et les dictionnaires techniques, par exemple).
Donc lorsqu’ils encouragent Alexandre à s’y aventurer, ils croient l’introduire à un passe-temps
anodin : cependant, dès sa première visite à la bibliothèque poussiéreuse et baignée de soleil, il
s’éprend d’une curiosité irrésistible envers chacun de ses innombrables secrets qui l’accompagnera
toute sa vie.
Là, il fait la rencontre du Sage, un bibliothécaire qui correspond à l’archétype de la quête du savoir.
Celui-ci est doté d’un ensemble de connaissances vraisemblablement infini sur la bibliothèque et son
contenu ; cependant, son vaste savoir est comme « filtré » par sa nature difformée par le carnaval, et
il lui est impossible d’avoir une vision unifiée de la littérature. Il interprète donc de mille et une
façons nouvelles les tomes dont il dispose, avec des théories divergentes qui se renouvellent
continuellement dans ses efforts d’unifier le contenu des livres. Lors de sa première rencontre avec
Alexandre, il lui parle brièvement sur un développement assez anodin de sa théorie universelle ; le
jeune lui en posera des questions acérées et mordantes, et le Sage est frappé par la vivacité de son
esprit. Dès lors, c’est lui qui prendra en charge l’éducation d’Alexandre tout au long de son
adolescence, en lui lisant, en lui prêtant ses livres de prédilection, et en lui parlant pendant des heures
au sujet des mystérieux auteurs qui habitent les halles presque ruinées de son temple. Le garçon, quant
à lui, écoute chacune de ses leçons avec une fascination extrême ; bien au-delà d’un simple intérêt, il
est comme consommé tout entier par cette passion fulgurante. Il entreprend également d’aider le sage
dans ses efforts afin de comprendre la véritable nature et l’origine des trésors littéraires,

Son caractère

Vera – Guide, protectrice et vengeresse de sang


Vera est une puissance pure dotée d’une personnalité effrontée et d’un intellect aiguisé à blanc. Elle
est, par son essence même en tant que Théoside, une arme de destruction massive qui choisit
néanmoins de créer et de servir la justice plutôt que s’abandonner à la violence gratuite. Par ses
immenses capacités énergétiques – propres à l’espèce qui créa le monde et tout ce qu’il contient –
elle dispose d’une liberté totale et absolue à faire ce qui bon lui semble ; mais elle est également
habitée par un esprit de bonté et de justice qui la guide dans toutes ses entreprises. Cependant, elle
n’est pas infaillible, et son zèle à exercer la justice et la droiture prennent parfois une tournure
déshumanisée, voire désespérante, car sa justice n’est au départ que punition, et elle refuse de
pardonner ou d’accorder la grâce à ceux qu’elle estime indignes ou malveillants.
Vera est certes une Théoside, étant donc possédée par la volonté de justice qui se manifeste dans ses
œuvres, mais elle est néanmoins dans un stade d’adolescence, et n’a pas encore acquis la sagesse
nécessaire à exercer des jugements propres et miséricordieux. Comme pour Alex, son manque de
maturité se manifeste par sa maîtrise très imparfaite des pouvoirs qui lui ont été accordés, et par un
certain égarement dans leur usage – car elle ne les utilise que très peu dans leur capacité créative,
préférant éliminer voire anéantir toute trace d’injustice et de malfaisance dans la Thébaïde et même
chez ses habitants. C’est pourquoi elle s’établit en tant que juge, jury et bourreau dans la ville de
Montpellier la nuit, effacent les êtres criminels ou simplement nuisibles, jusqu’à acquérir une
réputation épouvantable et le nom peu flatteur de « La Dame des Cendres », malgré sa bonté
fondamentale et cachée.

Pouvoirs et généralités sur les Théosides


Ses pouvoirs sont ceux d’un Théoside qui s’incarne sur terre, un esprit qui s’enveloppe d’une chair
faite à partir d’un cristal noir, opaque et très résistant, comparable à l’onyx. Ce minéral s’agence en
grains minuscules, comme le sable, qui glissent les uns sur les autres afin de permettre une pleine
articulation de tous les membres. La peau est donc très rigide et peut résister à des chocs puissants, le
tout sans compromettre la mobilité ; sa température équivaut à celle d’un être humain car elle est
constamment réchauffée par le stock tournoyant d’énergie interne qu’elle entoure, à la façon des
sables volcaniques. Cette énergie se manifeste sous la forme d’un liquide blanc et hautement
inflammable et explosif ayant la consistance du sang : Vera fait la découverte qu’en brisant
volontairement sa peau, elle peut lancer une certaine quantité de ce sang et l’enflammer aussitôt,
donnant l’apparence d’un jet de feu blanc qui aboutit par une explosion programmée. Elle développe
progressivement cette technique et l’adonne à des usages nouveaux, jusqu’à pouvoir se lancer dans
les airs par une détonation bien placée. Lors de son arrivée dans la Thébaïde, elle utilise ce mode de
transport librement, mais sans avoir la moindre idée au monde de comment ralentir l’impact à son
arrivée.
Cette arsenalisation dangereuse et déconseillée de son propre sang (son outil de prédilection) n’est
pourtant qu’un usage mineur, voire un effet secondaire du véritable pouvoir accordé aux Théosides,
celui de créer de la matière physique. Pour un Théoside se trouvant dans sa forme spirituelle, cela
revient à la créer ex-nihilo, c’est-à-dire sans sacrifier un autre composant qui soit. Cependant,
lorsqu’ils prennent une forme physique, ils doivent produire de nouveaux objets à partir de leur stock
interne d’énergie. Afin de rendre les transformations possibles, celui-ci s’étend en dehors du corps et
se solidifie sous la forme de nombreuses fibres blanches émettant plus ou moins de lumière. Pour des
raisons pratiques et esthétiques, ces fibres forment le plus souvent une chevelure (comme les cheveux
de Vera ou la barbe d’Amos), mais ils peuvent également se nouer de différentes manières en fonction
de l’utilisateur (comme le rouleau de bandage qui entoure le bras gauche de Sédécias).
Afin de mener la transformation, le Théoside « tisse » ces fibres jusqu’à créer l’objet désiré, ce qui se
fait en manœuvrant les fibres elles-mêmes sans les toucher. En théorie, on peut en créer n’importe
quelle forme de matière brute, que ce soit le fer, le cristal ou la laine – mais la difficulté et le temps
requis à la créer augmente proportionnellement avec la solidité de l’objet en question. Par exemple,
Vera peut aisément tisser une robe simple et sans coutures, faite en coton, en une demi-heure. Mais
la création d’une épée en fer solide pose une certaine difficulté, et cela peut prendre des heures de
concentration acharnée pour en lier les différentes parties et éventuellement poser les ornementations.
La structure cristalline des pierres précieuses est de loin le plus difficile à mettre en œuvre, et cela
peut prendre des jours pour créer le plus infime morceau de quartz. Cependant, un Théoside plus
expérimenté comme Amos ou Sédécias peut mener ces transformations beaucoup plus rapidement, et
également créer des structures plus complexes. Sédécias en particulier est capable de manifester une
grande masse d’armes en acier noir, somptueusement ornementé et aux détails très fins, presque
instantanément.

Limites et vulnérabilités
Cette puissance extraordinaire reflète le caractère surhumain des Théosides, quelle que soit leur
forme ; cependant, ils ne peuvent pas transposer leur force infinie sur une forme physique et bornée,
et sont donc contraints par de nombreuses limites lors de leur passage sur Terre.
La plus importante d’entre-elles est la limite qui s’impose sur leurs capacités corporelles, car leur
stock inépuisable d’énergie céleste ne peut pas être directement prélevé par une quelconque source
physique. Les Théosides doivent donc se contenter de leur source interne d’énergie, qui contient
l’ensemble de leur être (l’âme englobant leur personnalité et leurs mémoires), mais qui est limitée
puisque ancrée sur Terre, bien qu’elle soit tout de même extraordinairement puissante. Chacune de
leurs actions (que ce soit la locomotion du corps, le combat, l’aspergement de sang, la création
d’objets ou d’armes etc.) consomme une certaine portion de cette énergie vitale : si elle s’épuisait
jusqu’à un certain point, ils sentiraient les symptômes d’une fatigue extrême qui les empêcheraient,
dans un cas normal, de s’exténuer encore. Mais ceci n’est qu’une mesure de sécurité, car si jamais
leur source interne se dessèche complètement, ils mourront sur Terre, et même leur essence céleste
serait détruite, sans possibilité de rejoindre les siens ni de se réincarner à nouveau ; ainsi, chaque
Théoside qui se présente sur Terre prends le risque d’être complètement anéanti par la perte de son
essence-même.
De même, la création d’objets dont sont capables les Théosides est limitée par la quantité de fibres
qu’il reste à tisser. En effet, lors du tissage d’un vêtement, d’une chaise ou d’une hallebarde, les
cheveux se consomment proportionnellement à la taille de l’objet en question et de sa rigidité, et ils
peuvent l’être jusqu’à ce qu’il n’en reste que les bouts de fil autour du crâne. En effet, chaque objet
créé d’une telle manière comporte l’essence de l’artisan qui le créa, car celui-ci puise directement
dans sa source d’énergie interne. Néanmoins, les fibres repoussent à une grande vitesse, et un
Théoside peut retrouver sa chevelure complète au bout de quelques jours seulement, sauf lorsqu’il se
retrouve dans un état d’épuisement. Ainsi, la reconstitution de ses fibres énergétiques est assujettie à
l’état de fatigue de son utilisateur.
La fatigue ou l’exténuation chez les Théosides se traduisent principalement par une décoloration des
yeux et de la bouche (qui sont en réalité des fentes qui laissent passer la lumière de l’énergie interne)
ainsi que des cheveux (qui sont, comme nous l’avons vu, des extensions fibreuses de cette même
source) ; ceux-ci passent alors d’un blanc scintillant et pur à un gris mat et poudreux. Cet effet se
traduit même dans les objets tissés à partir des sources épuisées, car ils sont toujours imbibés de
l’essence de leur créateur. Ces créations perdent alors leur luminosité et la netteté de leurs détails (s’il
y en a), et même leur efficacité s’amenuise pendant aussi longtemps que la fatigue persiste. Par
exemple, si Vera tisse une épée à deux tranchants, brillante et aiguisée à blanc, à partir de son essence,
alors celle-ci lui sera liée même si elle était maniée par un autre ; lors d’un épisode de fatigue extrême,
cette arme perdrait son éclat et s’émousserait jusqu’à la rendre presque inutilisable, mais elle
retrouverait son tranchant en même temps que Vera reprendrait ses forces. Cependant, lors de la mort
d’un Théoside, toutes ses créations s’effondrent et se pulvérisent en du sable noirâtre, de la même
couleur que ses cheveux desséchés et de ses yeux vidés de leur contenu.
Un Théoside reprendra naturellement ses forces au bout d’une période de sept heures environ, si ce
premier ne fait rien de plus exténuant que de lire ou de discuter pendant ce temps. Il ne « dormira »
pas pour autant, car il lui suffit de maintenir une période d’inactivité pour que sa chevelure reprenne
sa coloration et qu’il retrouve sa vigueur.
Notons néanmoins que leur plus grande vulnérabilité reste celle face aux armes tissées par eux ou par
d’autres Théosides. En effet, toute arme qui ait été créé à partir de leur essence interne est létale et
venimeuse pour ceux de leur propre espèce. Face à un glaive humain, construit en fer solide, ils ne
courent presque aucun risque grâce à la rigidité de leur peau minérale ; cependant, ils seront toujours
en danger contre la plus petite dague Théosidienne, car ses coups auraient sur eux le même effet qu’un
poignard en acier aurait sur de la chair humaine. De plus, lorsqu’il s’agit d’une arme tissée par un
autre que soi, une quelconque perforation de la peau aurait l’effet supplémentaire et néfaste d’un
« empoisonnement » provoqué par le mélange de deux essences incompatibles. Cette condition
pathologique induit une déstabilisation de sa source interne qui se traduit par des nausées, des pertes
d’équilibre, une hémorragie constante au niveau de la plaie, une fragilisation de la peau, une perte
importante de la chevelure et une fatigue chronique. Cette condition ne peut être guérie que par un
autre Théoside, qui mènera l’opération d’extraire l’essence étrangère au corps du patient, un protocole
simple et sans danger apparent : cependant, si le patient se retrouve loin de la présence d’un frère qui
puisse le guérir, alors il devra extraire le venin lui-même, ce qui est considérablement plus difficile et
dangereux, car le malade risque d’encourir une exsanguination létale.

b) Les deux bonnes sœurs – Daphnis et Léonore


A l’origine, chacune des deux sœurs était un esprit qui planait à la surface de la Terre. Les autres
esprits n’ont pas été créés par les Théosides, et avaient traité un pacte de stricte neutralité avec ces
derniers, afin de ne pas intervenir sur Terre ni sur ses habitants. Il y en a, cependant, qui brisent cet
accord, pour une raison ou pour une autre, qu’elle soit louable ou pas. Dans le cas de Daphnis, il
s’agit d’un élan de jalousie envers la capacité créatrice des Théosides qui la pousse à conquérir et
corrompre une partie de la Terre, afin qu’elle puisse créer son propre monde et y habiter. Léonore, sa
sœur, est un esprit de sorcellerie qui accorde son pouvoir aux magiciens et aux devins, qu’ils sachent
que c’est elle qui leur donne sa faveur ou non ; se manifestant sur Terre, elle aurait libre cours à
pratiquer son art, dans toute sa splendeur décrépite, et de subjuguer la nature à son bon vouloir.

Daphnis – Esprit de d’insolence et d’ignominie


Daphnis est, à l’origine, un esprit prenant la forme d’un serpent ailé et incandescent, dont la puissance
surpassait celle de tous ses confrères, et qui pourrait s’égaler à un Théoside en force et en vigueur. De
là naît sa rage et son orgueil envers les esprits créateurs, sentiments qu’elle déguise en indignation
face à un tort commis : « Pourquoi donc est-ce que moi, qui suis un esprit au même titre que les
créateurs dont j’égale la force, je devrais être empêchée de façonner mes propres mondes, de créer
des êtres à mon image splendide ? » C’est alors qu’elle met en œuvre plusieurs stratagèmes afin de
dérober une portion de la source d’énergie des Théosides ; tous ses desseins échouent, un par un. Elle
passe donc à son dernier recours, un fait rare et dangereux qui n’avait été commis que quelques fois
depuis le tissage de la première étoile : elle tente de créer un nouveau monde rien qu’avec ses propres
forces, en outrepassant complètement les procédés traditionnels Théosidiens.
Afin de mettre en œuvre ce projet néfaste, elle choisit un pays déjà existant afin de contrecarrer les
créateurs légitimes : en effet, il ne s’agit plus seulement d’instaurer un règne à son image, mais aussi
d’effacer ce qui a déjà été fait par esprit de provocation et de défi. Cet acte vraisemblablement gratuit
sert, en réalité, à cacher une certaine impuissance de sa part : sans une source d’énergie pure, elle est
incapable de façonner d’éléments véritablement nouveaux, et elle ne peut que se servir d’objets et de
personnes déjà existantes, qu’elle tord et corrompt à volonté. Ainsi, il existe des limites certaines à
ses capacités de distorsion, bien qu’elle reste capable d’affecter gravement une zone étendue. Elle
choisit donc un compromis entre ses réelles capacités de déformer la réalité et les limites qui lui sont
imposées : il s’agit de la ville de Montpellier, qui est une zone métropolitaine importante (dont la
disparition et le tourment susciterait l’étonnement et l’outrage des Théosides) mais dont la superficie
relativement peu étendue et le nombre réduit d’habitants ne surchargeraient pas ses capacités,
permettant ainsi une pleine et fulgurante démonstration de son pouvoir. Ainsi, elle peut choisir non
seulement la ville elle-même, mais également tout ce qui se trouve dans un rayon de 30km afin d’en
créer son règne, son microcosme.
La plupart des malheureux phénomènes de distorsion qui s’ensuivent reflètent deux aspects
importants de la personnalité de Daphnis : d’une part son goût pour l’étrange et pour la perversité, et
d’autre part son incapacité à stabiliser sa propre création.
En effet, son caractère insolent se manifeste dans les couleurs particulières dont elle revêt son nouveau
monde, en ayant choisi le biais du carnaval pour marquer sa rébellion. Cette fête, ce renversement
temporaire de toutes les normes apprises et acquises, suscite chez elle le plus vif intérêt – et les motifs
carnavalesques deviennent pour elle les symboles de son opposition à l’ordre établi des Théosides.
Elle reprendra donc volontairement les costumes et les identités associés avec le carnaval, puisant
dans l’iconographie de la fête telle qu’elle évolue au long des âges, y compris pour sa propre forme
physique sur Terre, afin de s’établir par opposition et ainsi affermir son identité propre. Son idéal est
donc de devenir l’agent antithétique à l’œuvre des Théosides, d’instaurer un carnaval permanent, une
révolte qui dure à jamais, une image irrémédiablement pervertie de la création originelle.
Cependant, son pouvoir, même en étant vaste et étendu, n’est ni permanent ni infaillible. Daphnis
souhaite instaurer un régime défini à toujours par l’opposition : or la première marque de son échec
est l’identité changeante des habitants de la Thébaïde. Certes, elle crée ses propres archétypes qui lui
servent de citoyens (« l’homme aux cloches », « le semeur », « l’arbre-vive », reprenant des costumes
traditionnels), mais elle ne peut jamais stabiliser l’appartenance aux rôles, car elle ne peut pas effacer
entièrement la personnalité sous-jacente d’une victime de la distorsion. C’est pourquoi chaque année,
lors du Grand Carnaval, les archétypes sont réattribués et échangés aléatoirement, car une véritable
stabilisation et la création de nouvelles personnes est impossible à un autre qu’à un véritable Théoside.
De plus, cette déstabilisation se fait plus marquée au long du passage des ans, car Daphnis elle-même
instigue, sans le savoir, le déclin de son monde. En effet, peu de temps après l’instauration des
premiers carnavals, elle commence à se livrer elle-même à la lubricité et au chaos qu’elle mit en place
dans la Thébaïde. Si elle était déjà orgueilleuse et insolente, ce n’est que maintenant qu’elle sera
consumée tout entière par la débauche et par le mal. Après une centaine d’années, au moment où
l’histoire du roman prend place, elle commence en plus à perdre la main, à se diluer dans le monde
de sa création ; tout en gardant une bonne portion de son pouvoir originel, elle perd déjà le contrôle
des lois régissant la Thébaïde. Cela se voit à plusieurs signes qui indiquent l’aggravation du manque
de stabilité caractérisant ce microcosme : les paysages lointains se détériorent et disparaissent, ses
habitants se font de moins en moins nombreux, leurs actions deviennent plus impulsives et
chaotiques, les bâtiments les mieux préservés se dégradent, et ainsi de suite. Même le passage du
temps semble être affecté par cette décadence absolue, et vers la fin du récit le cycle du jour et de la
nuit devient susceptible de s’accélérer frénétiquement, puis de ramper jusqu’à la paralysie, sans cause
apparente et à d’intervalles irrégulières.1 Si aucun effort ne se fait pour corriger l’ordre des choses,
alors ces fluctuations et ses dégradations diverses s’aggraveront progressivement jusqu’à éliminer
toute vie sur la Thébaïde : peu de temps après, le microcosme tout entier se pliera sur lui-même, ne
laissant derrière qu’un immense espace vidé de son contenu. Heureusement, cette même perte de

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Ce changement arbitraire de la durée du cycle jour-nuit s’impose aussi dans le cycle de récupération des Théosides.
Lors de ces fluctuations, il est possible que Vera soit figée dans un état de fatigue extrême pendant une semaine, ou bien
qu’elle fasse une récupération complète en quelques heures seulement. D’où l’ambivalence concernant le bénéfice de
telles déstabilisations.
contrôle de la part de Daphnis est ce qui a permis l’apparition spontanée du premier humain depuis
l’instauration du premier carnaval, Alexandre ; il sera un facteur décisif dans le sort de la Thébaïde et
de ses habitants.

Léonore – La sorcière de la cour

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