RECLUS, Élisée - Répartition Des Hommes

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.

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ELISÉE RECLUS

L Homme 16<
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et la Terre là ~T~

La Géographien'est autre ctiose que


l'Histoire dans 1 .Espace,de mène
que l'Histoire est Ut Géographie
dans le Temps, .

TOME CÏNOUIÊME

HISTOIRE MODERNE (Suite).


Révolution – Contre-Révolution-– Les Nationalités •
Nègreset Moujiks– Internationales.
v v
HISTOIRE CONTEMPORAINE
v
Peuplement de la Terre – Répartition des Hommes – Latins
et Germains– Russes et Asiatiques.`

PARIS
LIBRA.lKlE UNIVERSELLE:
83, Rue âé Provence, 88
Matières contenues dans le

TOME Ier
LES ANCÊTRES

Origines – Milieux telluriques


Travail – Peuples attardés – Familles, Clatses, Peuples
Rythme de l'Histoire

HISTOIRE ANCIENNE

Ironie – Caucasie Potemie

TOMEII
HISTOIRE
ANCIENNE
(Suite)
Phénicie Palestine Éjcypte – Libye – Grèce
Iles et Rivages Helléniques
Rome

TOME III
HISTOIRE ANCIENNE (Suite)

Orient Chinois – Inde Mondes Lointains

HISTOIRE MODERNE

Chrétiens Barbares La Seconde Rome


Arabes et Berbères – Carolingiens et Normands
Chevaliers et Croisés

TOME
IV
HISTOIRE
MODERNE
(Suite)
Communes Monarchies Mongols. Turcs. Tartares et Chinois
Découverte de la Tenu Renaissance
Réforme et Compagnie de Jésus Colonies Roi Soleil
XVIII»Siècle,
ELISEE RECLUS

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OHoiîiffïie
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et hllTerre
La Géographie n'est autre chose quo
l'Histoire dans l'Espace, de même
que l'Histoire est h Géographie daus
le Temps.

TOME CINQUIÈME
HISTOIRE MODERNE (Suite)
Révolution Contre-Révolution – Nationalités
Nègres et Moujiks – Internationales.
HISTOIRE CONTEMPORAINE
Partage du monde– Peuplement de la Terre Latins et
Germains • Russeset Asiatiques.

PARIS
LIBRAIRIE UNIVERSELLE
33, Rue de Provence. 3 3

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Tous droits de traduction et de
reproduction
réservéspour tous pays, y comprisla Suède,
la Norvège, le Danemark et la Hollande.

Published the 2$ October190S


Privilege of Copyright in theUnited States
reservedunder the Act approved 3 March
190$
by Elisée RECLUS.
La géographie n'est pas oioss immuable, elle se
tait, de ratait tous las jours: é chtque instant,
elle se moàiiio par l'action de l'homme.

CHAPITRE Il

HORREUR ET SPLENDEURDES VIUES. IMMIGRATION DESCAMPAONARDS


RÉPARTITION
DESVILLES. RÉSEAUD'ÉTAPES
CROISSANCENORMALE ET ANORMALE. ORIGINALITÉ DES VILLES
VILLESPOLITIQUES, INDUSTRIELLES.
MILITAIRES, ORGANISATION
URBAINE
HVOIENEET ART. – VILLES-JARDINS

A la force d'attraction naturelle du sol qui tend à répartir norma-


lement les hommes,à tes distribuer rythmiquement sur la terre entière,
s'ajoute, dans le monde moderne, une forcetout à fait opposéeen appa-
rence, celle qui groupe des centaines de milliers ou mêmedes millions
d'hommes en certains points étroits autour d'un marché, d'un palais,
d'un forum ou d'un parlement. Des villes, déjà considérablesau com-
mencetnentde l'ère des voies ferrées, deviennent des cités immenses,
des amas de maisonsalignées, que parcourt un réseauinfinide rues et
336 l'hommb «t la mrre. – r*>artitioh DBI hommes

de ruelles, de boulevards et d'avenues, au-dmugj desquels pèse, le jour,


un dôme grisâtre de fumée, tandis que,la nuit, une lueur s'en élève, illu-
minant le ciel. Les Babylone, le» Ninive antiques émerveillèrent les
peuples, mais combien plus grandes, plus complexes, plus grouillantes
de matière humaine et de machines prodigieuses sont les Babyloncs
modernes, que les uns maudissent et que les autres célèbrent! Rousseau,
dans
déplorant l'avilissement de tant de campagnards qui vont se perdre
les grandes villes, appelle celles-ci » Gouffre» de l'espèce humaine
tandis que Herder voit en elles le*« Campsretranchés de lu Civilisation ».
lit voici comment les juge lluskin', s'attaquant surtout a la ville qui,
de nos jours, est la plus grande, non la plus hideuse de toutes, In capitale
de l'immense empire britannique «Faire de l'argent est le #rand jeu
des Anglais. Ainsi voyez celle énorme, cette sale ville de Londres,
luuNiiiik', grondante, fumante, puante, un amas hideux de briques
siirchaullcc», rejetant le poison par chaque pore Vous imaginez-vous
rue» C'est une
que vv soit une cité de travail ? Non, pas une de ses
grande ville de jcu, d'un jeu 1reslaid, d'un jeu très laborieux, mais qui
néanmoins n'est qu'un jeu. C'est une immense table de billard sons
tapis, <-tavec des poches aussi profondes que l'ahtme insondable mais
après tout, ce n'est qu'un billard » 11est vrai. toutes les vitupération»
des muudisscurs sont justilléts, mais aussi toutes les exaltations des
glorificatcurs. Que de forces vives se sont éteintes, faute d'emploi, ou bien
ontre-délruites par la haine, dans ces villes à l'air impur, aux contagions
mortelles, aux luttes désordonnées Maisaussi n'est ce pas de ces minions
d'hommes qu'ont jailli les idéeset que s'est fait l'enfantement des u'uvres
nouvelles, qu'ont éclaté les révolutions qui ont débarrassé l'humanité
des gangrènes séniles ? « 11 est, il est au monde une infernale cuve ».
clame Barbier, et, de son coté, Hugo magnifie ce même Paris en des
vers enthousiastes « Paris est la cité mère. où pour se nourrir de
l'idée viennent les générations ».
L'oeuvre multiple des villes, pour le bien et pour le mal, se préfigure
dans les passions et la volonté des gens fuyant la campagne ou les
et la
petites villes pour trouver une vie plus ample, parfois l'étiolement
mort, dans une grande cite. Mais sans nous occuper des hardis nova-
teurs qui se dirigent de leur plein gré vers telle ou telle Babylone

1. ThéCrownof tht mU Oliv*,pp. 31, 32.Edit. de 1897.


H0RR1UR ET SPLtttDÏUR DES VILLS» 3$7

d.L_- l" 11_1 -Ji -JI. _r_


moderne, il faut compter ceux et lla sont légion qui sont amenés
vers Iro centres de population et déposé»comme des alluvions qu'en-
tratne le courant pour lesabandonnersur sesplages les paysansévincés
de leur lopin de terre par les convenancesde quelque grand acquéreur
ou par un caprice du seigneurqui transforme ses champs en pâturages
ou en terrains de chasse les domestiquesde campagne que tes citadins

n. w. swirt
DX COIN Du MVKBPOOL

Uncabinetd'aisance,un robinetdVau,un bacilordurespourunedouzainede maisons.

des
appellent autour d'eux les nourrices allaitant les enfants ù lu place
mères les ouvriers, soldats, employés et fonctionnaires auxquels on
assigne une demeure dans la grand'ville et, d'une inani&re générale, tous
ceux qui, obéissant à des maîtres ou bien au maître le plus impérieux,
la nécessité économique, grossissent forcément la population urbaine.
C'est un plaisunt tangage que celui des propriétaires moralistes qui
conseillent aux campagnard» de rester atladiés a ta terre, alors que, par
leurs agissenu-uts, ils déracinent le paysan et lui «'réuni <k*srondtlionx
de vie l'obligeant à s'enfuir vers lit cité. Qui supprima les communaux,
qui réduisit, puis abolit complètement les droits d'usage, qui défrichâtes
forêts et les landes, privant ainsi le paysan du combustible nécessaire ?P
,'5,'W l.'jlOMMK KT LA TKHIIK. – nftl'AKTlTlON DES HoMMKS

Qui muni la propriété pour bien marquer lu constitution d'une


aristocratie terrienne ? Cuis, quand furent nées les grandes indus t
trio», le propriétaire foncier ne eessa-t-U |ioin( de s'adresser au pelil
liliiliuir «lelu campagne, aux humbles fubricunls de village ? Kt(|uuml le
puysun n'eut plus de terres communales, quand tes petites industries
viiircnlù lui manquer, quand les ressources diminuèrent, on mémo temps
que «'accroissaient les besoins et les occasions de dépense, est- ii étonnant
que lu fuite vers lu elle"soit devenue inévitable? Le seigneur n'ulilisun I plus
d'une manière! permanente lu main d'œuvre agricole, celle-ci est forcée
de n'exiler, condamnée pur le chômage. Quand lu propriétaire a besoin de
beaucouj) de brus pour lu moisson ou lu vendange, il nu s'adresBo plus
aux unuients cliente de su terre mais aux gens de l' « année roulante »,
aux Irlandais, aux Flamands, aux « Gavaches >f,à des travailleurs incon-
nus qui viennent on ne sait d'où, dont on ne connaît ni le lieu natal,
ni la langue, ni les mœurs, et qui disparaîtront sans laisser de traces.
Ainsi le grand nombre des immigrants utlirés vers le tourbillon des
cités obéit à une loi plus puissante que sa volonté son caprice personnel
n'a qu'une part très secondaire dans la force qui l'a sollicité. Quant ù lu
proportion, relativement peu considérable, des fuyards de lu campagne
qui se dirigent volontairement vers les cités, elle se décompose en
éléments de valeur très inégale. car si chacun veut > chercher sa joie,
son intârôt. une satisfaction plus intense de sa vie passionnelle, cet idéal
varie absolument suivant tes individus. Il en est beaucoup qui se laissent
aller a une sorte de hantise inexplicable en apparence. On reste confondu
dV-tonncment en voyant, dans les montagnes du Jura, dans les Pyrénées
ou les Cévcuucs, telle maisonnette admirablement située que son posses-
seur légal laisse tomber en ruines. Elle semble pourtant avoir à son
avantage tout ce qui peut la faire aimer. A côté de la demeure, ombra-
geant le toit, s'élève l'arbre patrimonial une source d'eau pure jaillit
auprès dans un pli de la prairie tout ce que l'on aperçoit du seuil,
le jardin, les prés, les champs, les bosquets appartenaient, et même appar-
tiennent encore, à la famille celle-ci ne comprend que deux vieillards
cherchant à utiliser leur reste de force ù la culture et au ménage
mais tout péril, le marais gagne sur le pré, lu mauvaise herbe envahit
les allées et les plates-bandes du jardin, les moissons s'amoindrissent
d'année en année, et les toits s'effondrentsur les granges et tes greniers.
Quand les vieux n'y seront plus, la maison s'écroulera. Mais n'ont-ils
ÉHtâRATIOIt
0X8 CAMPAGNARDS 33}
donc point de famille, Ois,petit-fil»,ou neveux,qui puissent continuer
l'œuvre des, aïeux comme ceux-cila continuèrent? ils ont un (Ils, il
est vrai, mais ce fils méprise la terre: il s'est Tait gendarme
dans quelque
ville lointaine, trouvant son plaisir à ramasserdes ivrogneset à dresser
des « procès-verbaux». Quand ses purents mourront, il ne saura que
faire des champs patrimoniaux ils retomberont en friche et quelque
grand seigneur lesachètera ou plutôt les recevra presque gratuitement
pour arrondir son domainede chasse.
Si telles étaient les seules causes du prodigieux accroissementdes
cités, elles deviendraient des chancres sociaux et l'on serait en droit
de les maudire, comme le firent les prophètesd'lraël pour la Babylone
antique. Cesvilles que l'on voit grandir dejour en jour, presqued'heure
en heure, projetant commedes pieuvres leurs longs tentaculesdans les
campagnes, seraient en efl'et des monstres, des vampiresgigantesques,
suçant la vie des hommes. Mais tout phénomène est complexe. Si les
pires, les dépravés et les décadentsvont se brûler ou pourrir plus vite
dans un milieu furieux de plaisir ou déjà déliquescent, les meilleurs.
ceux qui veulent apprendre et chercher des occasionsde penser, de
s'améliorer, de grandir en écrivains,en artistes, même en upôtres de
quelque vérité, ceux qui se dirigent pieusement vers les musées, les
écoles, les bibliothèques, et ravivent leur idéal au contact d'autres
hommes égalementépris de grandes choses,ceux-làne sont-ils pas aussi
les immigrants des citéset n'est-cepasgrâce u eux que le char de la civi-
lisation humaine continue de rouler à traversles tiges?Quand les villes
s'accroissent, l'humanité progresse, quand elles diminuent, le corps
socialmenacé régressevers la barbarie.

Avant de s'être donné la peine de réfléchir, on peut s'imaginer


volontiers que les villes se soient distribuées au hasard,et, de fait,
nombre de récits nous montrent des fondateursde cités s'en remet-
tant au destin pour le choix de l'emplacement où s'établiront les
foyers domestiques, où se dresseront les murailles protectrices c'est
du vol des oiseaux, de l'arrêt d'un cerf forcé à la course, de
l'échouement d'un navire que dépend la construction de la ville. La
capitalede l'Islande,Reykjavik,naquit ainsi de par la volontédes dieux

1.Labonne, du Clubalpin,1886.
Annuaire
34o L'HOMME ET LA TBRRB. – RÉPARTITION DBS HOMMES

En 8~, lorsque te fugitif Ingolfr, arrivant en vue de 1'lalaiide~lança


dans la mer les images de hois qui représentaienttes idolesdu foyer, il

Ne483.VillagesnormalementeapaoAs.
~1·' MNO~ 1

essaya vainement de les suivre elles lui faussèrent compagnie, et il dut


fonder sur le rivage un campement temporaire, jusqu'à ce que, trois ans
après, il retrouvât les bois sacrés près desquels il transféra sa ville,
RÉPARTITION DES YILMSB 34i

haM)/1ai1
d'ailleurs aussi avantageusementsituée qu'elle peut l'être en ce redou
table < Paysdes Glaces»
Si la Terre était complètement uniformedans son relief, dans la

N°484.Villagesanormalement
espacés.

qualité du soi et les conditions du climat, les villcs occuperaient une


position géométrique pour ainsi dire l'attraction mutuelle, l'instinct
de société, lu facilité des échanges les auraient fait naître à des distances
égales les unes des autres. Etant donnée une région plane, sans obstacles
v «
34a l'hokme st LA tkkhc. répartition dis hommes

naturels, sans fleuve, sans port, située d'une manière particulièrement


favorable, et non divisée en Etats politiques distincts, la plus grande cité
se fût élevée directement au centre du pays les villes secondaires se
seraient réparties à des intervalles égaux sur le pourtour, espacées ryth-
miquement, et chacune d'elles aurait eu son système planétaire de villes
inférieures, ayant leur cortège de villages. La distance normale d'une
journée de marche, tel devrait <Hresur une plaine uniforme l'intervalle
entre les diverses agglomérations urbaines le nombre de lieues parcou-
rues par un marcheur ordinaire entre l'aube et le crépuscule, soit douze
ù quinze correspondant aux heures du jour, constitue l'étape régulière
d'une ville à l'uutree, Lu domestication des animaux, puis l'invention des
roues, et, depuis, les machines ont, graduellement ou brusquement,
modifié les mesures primitives: lu pas de la monture, puis le tour d'essieu
déterminèrent l'écart" normal entre les grandes réunions d'hommes.
Quant aux villages, leur distance moyenne a pour étalon le parcours
«piepeut fournir l'agriculteur poussant sa brouette chargée de foin ou
d'épis. L'eau pour le bétail, le truimporl facile des fruits du Bol, voilà ce
qui règle l'emplacement du l'établi1, du grenier <>tde la chaumière.
En nombre de contrées peuplées depuis longtemps et présentant
encore dans la distribution urbaine de leurs habitants les distances pri-
mitives, on retrouve, dans le désordre apparent des villes, un ordre de
répartition qui fut évidemment réglé jadis par le pas des marcheurs.
Dans la « Fleur du Milieu », en ltussie, où les voies ferrées sont de
création relativement récente, en France même, on peut constater
l'étonnante régularité avec laquelle se distribuèrent les agglomérations
urbaines avant (lue les exploitations minières et industrielles vinssent
troubler l'équilibre naturel des populations Ainsi, la ville capitale de la
France, Paris, s'est entourée, vers les frontières ou les côtes du pays, de
cités dont l'importance ne le cède qu'à la sienne Bordeaux, Nantes,
Rouen, Lille, Nancy. Lyon. L'antique ville, phénicienne puisgrecque, de
Marseille appartient par ses origines à une autre phase de l'histoire que
les cités gauloises. puis françaises cependant sa position s'harmonise
avec la leur, car elle se trouve à l'extrémité méditerranéenne d'un rayon
qui doublerait lu distance normale de Paris aux grandes planètes
urbaines de son orbite. Entre la capitale et les chefs-lieux de deuxième

1. Oobert,U Gcrotypn.
RÉSEAU d'étapes 3/(3

ordre, se fondèrent, à des intervalles sensiblement eguux, (les cités


moindres. mai» encore considérables, séparées par une double étape. soit
N*485. Ville. européennes d'au moins 100000 habitante.
_A MM- 1.

La surfacedescerclesest proportionnelleà la population des villes qu'ils représentanta


raison de 150000habitants par milllmotrocarré environ. les seules agglomérationsde
100000 habilants sont reportées ici, autant que possible avec leurs faubourgs.En outre,
un certain nombrede villes ont dû. être fusionnéesen un aeul cerolo. Voiciles groupa i
South 8hieids, Gateshead.Sunderlandet Neweastle.– Preston, Blackburn et fiurnley. –
Halifax, Bradford et Uads, Blrkenbotd, Oldham. Manchesteret Llverpool. Derby,
Noltlngham et Sheflleld. – WoWerhampton,Sattord et Birmingham. – Southampton,
Brlghton et– Portsmouth avec Lontlr». – La Haye et Rotterdam. Oan<l,Envers et
Bruxelles. Roubaixet Lille. – Altonaet Hambourg. – Schûneberg,Rudort, Charlotten-
burte et Berlin Bochum. Oelsenkirchen,Barmen, Elberfeld, Dortmund. Duisburg,Essen
et Dusseldort.

de vingt-cinq ù trente « lieues Il Orléans, Tours, Poitiers, \ngoulfltne.


Enfin, ù moitié chemin de chacun de ces centres de troisième ordre se
V 18*
3VlIl L'HOMMEET LA TERRE.– RÉPARTITIONDES HOMMES

sont Formée»des villes modestes, indtyuunt l'étape moyenne Ktuinpes,


Amboise, CltAlctlcrault, Ituffec, Libourne. Ainsi le voyageur, traversant
tu France, trouvait alternativement une ville do simple délassement et
une ville de nomplot réconfort la première s» f Usaitau piéton, la
seconde convenait au cavalier. Sur presque toutes les routes, le rythme
des cités se produit de la même manière, ciulcriee Naturellu réglée pur lu
inurclit1des homme», des chevaux et des voitures.
Les irrégularités du réseau des étapes n'expliquent toutes par tes
lrails du relief, le cours des fleuves, les mille contrastes de ta géogra-
leur
phie. La nature du sol, ou premier lieu, détermine les hommesdans
choix d'un emplacement pour les demeures. 1-e village ne peut naître
des amas de gra-
qui* lu où nutl l'épi; il «Yourte de lu lande ingrate,
viers, des argiles dures il défoncer, cl surgit d'abord spontanément dans le
voisinage des terres meubles, faciles à labourer, et non dans tes régions
basses et humides, d'une fécondité exeeplkîhiellc: l'histoire de l'agri-
culture iiionliv même que ces alluvioiiH molles éloignent l'homme
des effort'*
par leur insalubrité; elles ne furent uu-s en eu Hureque par
t'olleelU's, répondant à une période de l'Immunité déjà très avancée.
Les terres trop inégales, de même que les sois trop arides, n'attirent
ou retardent lit fondation des
pas non plus les populations, empêchent
cités. Les glaciers, les neiges, les vents froids expulsent, pour ainsi dire,
Ifs hommes des âpres vallées des monlagnes: la tendance naturelle des
villes est de se fonder immédiatement en dehors de lu région difficile,
ait premier endroit favorable qui se présente à l'issue marne des vallée».
basse, là où son
Chaque torrent u sa ville riveraine dans ia campagne
lit, soudainement élargi, se rumifie en une multitude de branches à tra-
vers les graviers. Chaque double, triple ou quadruple connuent de val-
lées fait naître une grande agglomération, d'autant plus considérable,
toutes choses égales d'ailleurs, que les lits convergents routent une eau
celle de
plus abondante. Kst-il position plus naturellement indiquée que
de la double
/.uragoza, sur le milieu du cours de l'Ebrc, au croisement
vallée où coulent le (iallayo et le Huerva? Kl lu cite de Toulouse, métro
un lieu que le doigt d'un
• puledu midi de la France, n'oecupe-t-elle pas
enfant aurait pu signaler d'avance comme un rendez vous de peuples,
l'endroit où commence lu navigation fluviale, au dessous du confluent
de lu haute Garonne, de l'\riège et du Lers? Aux deux angles occiden-
taux de lu Suisse, Bile et (ieneve se sont élevées au carrefour des grandes
CONFLUENTS. COUDES, ESTUAIRES 3$5

voies suivies par les peuples migrateurs, et, sur le versant méridional
des Alpes, toutes les vallées sans exception ont à leur porte de sortie une
ville gardienne de puissantes cités, Milan et tant d'autres, marquent tes
points de convergence, et la haute vallée du l'A, constituant les trois
quarts d'un cercle immense, a pour centre mitiirel lu ville de Turin.
Sur le cours inférieur du fleuve, lu fondation de cilt'-sest détermine^
par des conditions analogues du milieu uu bec de deux courants ou sur
un point de diminution des trois. quatre voies navigables ou des routes
naturelles qui se prose nient ù la fois, au lieu des deux uniques de l'iirnont
et de l'uval. Ailleurs d'autres groupes se fixent aux cscules d'arrêt néces-
saires, rapides, cascades, délités rocheux, où viennent mouiller les
barques, où st.*transbordent les marchandises tes étroits des fleuves, lu
où le passage de rive a rive se fait avec facilité, sont aussi des endroits
indiqués pour un emplacement de village ou même de ville, si d'autres
avantages H'iijoulciit ù celui qu'offre le rétrécissement fluvial. Telle
courbe bien inarquée d'un cours d'eau, rapprochant su vallée d'un
grand centre d'activité situé dans un autre luu-sin. peut inviter aussi les
hommes en ^rand nombre. C'est ainsi qu'Orléans a dû se bùlir sur la
rive de la Loire qui se développe le plus au nord dans la direction de
Paris, et queTxurilsin se trouve a l'endroit où lu Volga se rapproche du
Don. Kufin, sur chaque fleuve, le point vital par excellence est l'endroit,
voisin de l'embouchure, où la marée moulante vient arrêter et soutenir
le courant supérieur et où les embarcations, amenées par le courant d'eau
douce, rencontrent naturellement les navires de mer voguant avec le
flux. Dans l'organisation hydrographique, ce lieu de rencontre peut ôlrc
assimilé au collet de l'arbre, entre le système île végétation aérienne et
celui des racines profondes, c'est la forme normale du grand port euro-
péen sur les mers a marée Hambourg ou Londres, Anvers ou Bordeaux.
Les découpures du littoral influent aussi sur lu répartition des villes.
Certaines côtes sablonneuses ù peine infléchies, inabordables aux
navires, ni ce n'est pendant les rares journées de calme plat, sont autant
que possible évitées par l'homme de l'intérieur aussi bien que par le
marin aventuré sur l'océan. Ainsi la cote, de «20 kilomètres en longueur,
qui su profi Ir- en droite ligne de l'est nuirede la Gironde a la bouche de
l'Adour, n'a d'autre ville que la petite Arcachon, simple lieu de bains et
de villégiature, .située en arrière de lu rive, en dedans du rempart forme5
par les dunes du cap l;erret. De même les formidables cordons littoraux
346 L'HOMME ET LA TKIUtï. RÉPARTITION DES HOMMES

L-
qui bordent les Cmolines, le long de l'Atlantique, ne donnent accès,
entre Norfolk et YYihninglon, qu'à du pauvres bourgs entretenant à
grand'p<*ine un dangereux Initie. 1-.nd'autres régions côtières, les îles et
les llots, les rocher! les promontoires, les presqu'île*, multipliant les
mille «léehiquctures et entailles des escarpements, empêchent également
la naissance des
N°486.Côtedéserte. villes, malgré les
avantages que pré-
sentent les eaux
profondes et bien
abritées. La vio-
lenec d'une nature
trop tourmentée ne
permet qu'à un pe-
tit nombre d'hom-
mes de s'y groupor
ù l'aise. Lessites les
plus favorables sont
ceux où la côte,
sous un climat tem-
péri', est accessible
à la fois du dehors
el du dedans aux
véhicules de toute
sorte, navires cl
chariots.
Par contraste
avec In côte rectili-
gue des Landes,
presque dépourvue de villes et de villages, on peut citer le littoral de la
Méditerranée languedocienne entre le delta du Rhône et la bouche de
l'Aude. Dans cette région, les centres de population considérables se
rapprochent davantage qu'ils ne le font en moyenne dans le reste de la
France, bien que la densité kilométrique des habitants ne dépusse point
la normale de l'ensemble du territoire. La raison de ce collier de villes
doit ôtre cherchée dans lu disposition géographique de lu contrée. La
route que suivaient tes hommesd'Italie pour se rendre en Espagne ou en
CÔTEB DÉSERTES ET CiVrEB PEUPLÉES 1*7
7
Aquitaine évitait également les montagnes abruptes de l'intérieur et
les marécages, les lacs salins, les bouches fluviale» de ta côte. La partie

N°487.Côtesà ports nombreux,

haute, abrupte, très faiblement peuplée, presqu'inhospitalière que


limite au sud le mur des Cévennes commence dans le voisinage même
348 L'HOMME fiT LA TEI1IU:. RÉP.411TITION DES HOMMES

de la mer, et, par suite, le mouvement de l'histoire se trouva rejeté


sur la route du littoral méditerranéen. D'autre part, le commerce devait
chercher des lieux d'accès, soit à l'embouchure des rivières. celle de
l'Aude ou de l'Hérault, ou bien dans une anse protégée artificielle-
ment par des jetées. C'est par IVfl'etde ces appel» que se sont fondées
Nurhomie, qui eut su période de puissance mondiale alors qu'elle était
la pluu populeuse des Gaules IJéziers, qui fut prospère du temps des
Phéniciens et qui est encore l'un des grands marchés agricoles de lu
l'Yunee: Agde, la ville grecque, à laquelle a succédé en importance
(Mie, nutre ville d'origine hellénique; Montpellier, In capitale intellec-
tuelle du Midi, oit les Sarrasins et les Juifs furent les précurseurs de lit
Hcnuisssuucc. Audelà, les villes se pressent encore, et l'antique Mines,
assise au bord de su fontaine, s« raccorde avec le cours du Hhone par
les trois cités d'Avignon, de Heaucaire et d'Arles.
Toutes les conditions de In luihire, agricoles, géographiques, clima-
tiques, iniluent en bien ou en mal sur le développement des villes,
(Iliaque avantage augmente leur force d'attraction, chaque désavantage
les diminue. La grandeur des groupes urbains se mesura exactement à
lit somme des privilèges naturels, en admettant, bien entendu, que
l'ambiance historique soit identiquement la même. Deux cités, l'une
d'Afrique, l'autre d'tëuropc, »e trouvant en des conditions similaires,
n'en seront pas moins très différentes, puisque l'évolution de l'histoire
environnante. di d'ère pour chacune d'elles néanmoins il y aura paral-
lélisme dans leurs destinées. Par un phénomène analogue à celui des
perturbations astrales, deux centres urbains rapprochés n'influencent
mutuellement, soit pour se développer de concert lorsque leurs avait-
tages se complètent, telles Liverpool, la commerçante, et Manchester, la
manufacturière, soit pour se nuire lorsque tes privilèges sont de même
ordre c'est ainsi que, près de Bordeaux, sur le fleuve Garonne, la ville
de Libourne, située de l'autre coté de l' « Knlre-deux-Mcrs», sur le fleuve
Dordognc, aurait pu rendre au trafic des services presque identiques
mais le voisinage de la première a fait tort à lit seconde; celle-ci, man-
gée par sii rivale, et perduni, à peu de chose près, toute sa valeur mari-
time, n'a plus d'importance que comme lieu d'étape continentale.
Il faut constater aussi ce phénomène remarquable que la force géo-
graphique peut, comme cette de la chaleur ou de se trans-
porter à distance, agir au loin de son foyer et faire surgir par contre-
CITÉ» EN LUTTE ET CITÉS ASSOCIÉ KH
J

coup une ville dans un site que (les raisons diverses rendent préférable
au lieu d'origine. On peut ciler en exemple trois des poils de la Méditer-
rance où les deltas fluviaux créent des conditions spéciales pour tes
villes d'échange Alexandrie, qui, malgré son éloigncmeut du courant
nilotiqtti', n'en est pas moin» l'entrepôt coniincrclnl de loul le bassin,
Venise, le port dc>la pluinc padunc, et Murseille, celui de In vallée du

("I.J. Killm.
Mit.
MAKSKII.IK ET Ut PORT, VU» J)E KOTJlG-D.Otli 1>K I.A <iARI»K

Hhône. Kloignée de vingt kilomètres de l'embouchure du Dniepr,


Odessa en surveille le Iralie.
Après les avantages du climat et du sol, ceux du sous-sol exercent
parfois une influence décisive. Telle ville nBll brusquement en un site
défavorable en apparence, grùcc à la richesse souterraine de la contrée
en pierres à bâtir, en argiles ù façonner ou ù sculpter, en substances chi-
miques, en métaux de toute espèce, en combustibles minéraux. Ainsi
Potosi. Cerro de Pasco, Virginia-Cily sont nées en des régions oit
jamais, sans I» présence des veines d'argent, ville n'aurait pu se fonder,
Merllivr-Tydlll, Le Creusol, Essen, Lièjre, Scranlon «ont des créations
de I» houille. Toutes le» forces naturelles, naguèreinutilisées, font naître
35o L'HOMME ET LA TERRE. – RÉPARTITION DES 1I0MMK8

des cités nouvelles précisément aux endroits que l'on évitait jadis. soit
au pied des cataractes, comme Olluwa, soit dans les montagnes, à portée
des conduites qui distribuent l'électricité, commedans tes vallées de la

No488. Un port d'estuaire Anvers et l'Enaut.

La navigation dlMciledansl'Escaut.à causedesbancsde table, des


est excessivement
coudesbrusquesdu rhtnal, descouranUde maréeet desbrouillardsfréquents.Malgrécela,
le portd' Anvers
est extrêmementprospèrel,e portdeZeobruege.
récemment ouvertau trafle
ainsique lecanalmaritimelereliantù Bruges,doitrendredeaservicesau commerce belge
sansnuireà Oslende,nià Anvers.

Suisse. Chaque acquisition tle l'homme crée des points vitaux en des
lieux imprévus, de même que chaque nouvel organe se donne des
centres nerveux correspondants. Quel changement rapide dans la ré-
partition des villes, lorsque l'homme sera devenu maître de l'aviation
et de l'aéronautique De môme qu'il recherche maintenant au bord de
la mer des endroits favorables pour expédier et recevoir les navires, de
8URUISSEMENT DE NOUVELLES CITÉS 35 1

mime il se sentira naturellement porté comme l'aiglevers les hautes


cimesdoit son regard embrassera l'infini de l'espace.
A mesureque n'agrandit le domainede l'humanité conscienteet que
lesaltracliodsse font sentir sur un espaceplus étendu, les villesappar-

N°489.Unport de hautemer San Franolsoo.

tenant à un organisme plus vaste peuvent ajouter aux avantages spé.


ciaux, cause de leur naissance, des privilèges d'une nature plus géné-
rale qui leur assurent un rôle historique d'importance majeure. C'est
ainsi que Home, Paris, Berlin, nous l'avons vu, n'ont cessé d'acquérir,
dans leur agrandissement niante, de nouvelles causes d'agrandissement';
et ne peut-on en dire autant de Londres, actuellement la plus grande
cité du monde? La principale raison de sa prospérité, la situation du

1. J. 0. Kohi, Die geographischcLage der HauptslddleEuropas,


35a ET LA TERRE. – RÉPARTITION DES HOMMES

« « • ..ni i. n% t “ • i.
port. u la tele de navigulion maritime sur la Tamise, a mis la ville, s
devenue capitale du lloydumc l ni, à même de profiter d'autres a vnn- !j
fi
tages qui. sans cela, seraient resté» en puissance, mais sans se réa-
liser jamais. Ainsi de progrès en progrès par rapport il l'ensemble du
monde, Londres u Uni pur devenir le point central que, de toute» le»
extrémités du globe, on peut en moyenne atteindre; le plus facilement.
Dans le développement des cités, il arrive très fréquemment que lu
croissance ou lu décroissance de ces grands organismes s'uccolrlplit
d'un mouvement très irrégulier, para coups que déterminent des évolu-
tious rapides «le l'histoire. Ainsi, pour prendre encore l'exemple de
Londres, on voit qu'à l'origine, les avantages locaux de cette ville, tout r
en ayant une ecrtuinc importance, u 'étaient point de nature il lui pro-
curer le rang qu'elle u pris parmi les autres cités. Certes, sa position,
dans une pluiitc bien limitée au nord pur des coteaux protecteurs, au
boni d'un grand fleuve et au continent d'une petite! rivière, il l'endroit
même où le vu ct-vient de la murée facilitait l'alternance de lu nuvigu-
tion, rembarquement et It, débarquement des marchandises, toutes ces
s
conditions étaient des plus favorables il Londres pour lu faire prévaloir
dans sa lutte d'existence uvec tes autre» cités de l'Angleterre, mais
1
ces privilèges locaux ne prirent leur véritable valeur que lorsque les
Itornuills curent choisi celle position pour en faire le centre de conver-
1
gence des routes tracéi's en tous sens danw lit moitié méridionale de la
grande lie. La Rome britannique devait s'élever au lieu choisi comme
centre du réseau. Mais lorsque les légions romaines durent abandonner
Albion et que toutes les « routes bailles », hbjh slivrtx, construites entre
les postes militaires et le port de la contrée, eurent été délaissées,
Londinium perdit par cela même toute son importance et ne fut plus
qu'une simple ville de la Bretagne, réduite, comme tant d'autres, il ses
avantages purement locaux. et, pendant deux cents années, clic resta
complètement ignorée de l'histoire Il fallut que tes relations se rétu-
blissenl uvec le continent pour que la position d« Londres reprit sa
valeur. B
Les fuveurs administratives, l'appel des courtisans et courtisanes, des
fonctionnaires, des policiers, des soldats et la foule intéressée qui se I
presse autour des « dix mille d'eu haut a donnent aux capitales un rôle

pp. 48,51 Qroen,TheMakingof Engtand,p. 118.


1. Gomme,VillageCommunitics,
AVATARS Pis BÉVBI-Ol'PËMKNT 353

trop distinct pour qu'il convienne de les étudier comme des typesde
groupe urbain leur développement«si facticeon très grande partie.On
peut mieux raisonner sur la vie des cités quidoiventleur histoire presque
uniquement au milieu géographique. Aucun travailn'est plus fructueux
pour un homme studieux que lit biographie d'une ville dontl'uspecl,
mieuxencore que les annales, penne de constatersur place tes change-

01. Hclinnhlor et Ole.


l.B CREUSOT KT KE8 UBIS88

ments successifs se déroulant (le siècle en siècle, suivant un certain


rythme. On voit reparaître par les yeux de l'esprit la cabane du pécheur
et celle de son voisin le jardinier; deux ou trois fermes parsemaient alors
la campagne, un moulin tournait sa roue sous le poids de l'emi plon-
geante. Plus tard, une tour de guel. s'éleva sur lit colline. De l'autre côté
de lit rivière, sur lit pluge que venait entamer la proue du bue, on cons
truisit une nouvelle hutte; une auberge, une boutique appelèrent les
passants et les voyageurs près de la maisonnette du batelier, puis un
marché s'établit sur la terrasse nivelée du voisinage. I.ne voie. de plus
en plus largement frayée par les pas de l'homme et des animaux, des-
cendit de la plaine ù la rivière, tandis qu'un sentier serpentin écharpa la
354 L'HOMME ET LA terre. répartition DES HOMMES

colline; des routes futures commencèrent àsemontrer sur l'herbe foulée


des champs, et dea maisons s'emparèrent des cluatre angles du carrefour |
L'oratoire devint l'église, l'échafaud de guet se fit château fort, caserne
ou palais; le village grandit en ville, puis en cité.
La vraie manière d'étudier une agglomération urbaine ayant vécu
d'une longue existence historique est de lit visiter en détail conformé-
ment aux phénomènes de sa croissance. Il faut commencer par le lieu
que sacra presque toujours la légende. où fut son berceau, et finir par
ses usines et ses dépotoirs.
'i
Chaque ville a son individualité particulière, sa vie propre, sa physio-
nomie, tragique ou dolente chez les unes, gaie, spirituelle chez les autres. (
Les générations qui s'y succédèrent lui ont luissé leur caractère dis-
tinctif elle constitue une personnalité collective (font l'impression sur
l'être isolé est mauvaise ou bonne, hostile ou bienveillante. Mais la
ville est aussi un personnage très complexe, et chacun de ses divers
quartiers se distingue des autres par une nature particulière. L'étude
c
logique des villes, à la fois dans leur développement historique et dans
la physionomie morale de leurs édifices publics et privés, permet de
r
les juger comme on jugerait des individus on constate quelle est la
i
dominante de leur caractère et jusqu'à quel point, dans la complexité de
r
leurs influences, elles ont été utiles ou funestes au progrès des populations
qui se sont trouvées dans leur rayon d'activité. Il est des villes clue l'on
voit tout d'abord consacrées au travail, mais qui peuvent singulièrement
contraster entre elles, suivant le fonctionnement normal ou pathologique
donné aux industries locales, qu'elles se développent en des conditions
de paix, d'égalité relative et de tolérance mutuelle, ou bien qu'elles soient
entraînées dans les remous d'une furieuse concurrence, d'une spéculation
chaotique et d'une exploitation féroce de la classe des prolétaires.
D'autres villes se montrent ù première vue banales, bourgeoises, routi-
nières, sans originalité, sans vie: d'autres ont été bâties pour la domina-
nation, pour l'écrasement des pays environnants: ce sont des instru-
ments de conquête et d'oppression à leur vue, on éprouve un sentiment i
de crainte ou d'horreur spontanée. D'autres encore, à l'aspect toujours
vieux, même dans leurs parties modernes, sont des lieux d'ombre, de
>
mystère ou de peur, où l'on se sent pénétré des sentiments d'un autre âge,
tandis qu'il est des cités éternellement jeunes qui disposent ù la joie, où
la moindre charpente prend un profil original, où les maisons sont gaies,
ORIGINALITÉ DES VILLES 355

commeleshabitant»d'allure poétique,ajoutant leur propre vie à cette


de l'homme. Enfinque de cité»à facesmultiples où chaqueclasse de la
sociététrouvedes quartiers qui lui ressemblent et dont les siècles ne

N' 490.Villages
agricoleset Industriels,

modifient que très lentemcnt l'altitude et le langage! 1 Combiende


sites lumenlubies devant lesquels on voudrait pleurer! 1
Les contrastes se montrent clairement dans le modo de croissance
de ses
que présente chaque cité. Suivant l'importance de la direction
échanges par terre, celle-ci projette ses faubourgs, comme des tentacules,
le long des routes de môme, celle qui longe un fleuve se continue au loin
350 L'HOMME ET LA TEiinn. – répartition DES iiommks

sur la berge, en face des lieux d'ancrage et de débarquement. On est


souvent frappé de l'inégalité bizarre que présentent deux quartiers rive-
ruins, paraissant misai bien situés l'un que l'autre pour lu résidence de
l'homme: la cause lie cette différence s'explique par la direction
du mouvement fluvial. Ainsi la pl.icede Ilordeatix suggère aussitôt l'idée
que le véritable centre du cercle habité devrait se trouver sur lu rive
droite du fleuve, il l'endroit où se sont élevées les muisous du petit fou-
bourg de la Bastide: mais la (iuronno. décrivant une courbe puissante,
longe de ses eaux vivantes les quais de la rive gauche c'est donc du
côté où se jette le véritable fleuve que doit se porter aussi le courant1
commercial, l'activité politique. La population suit lu marche (les eauxet
s'éloigne des banc» vaseux de la rive droite. Le monopole a liait I<>reste
en s'emparant du faubourg pour l'enserrer tic ruils et de barrières en
cercle» entrecroisés et pour l'enlaidir de hangars et d'entrepôts.
On a souvent prétendu que tes villes ont une tendance il grandir in
cessHinineiit dans le sens de l'Ouest. Ce fait que l'on constate en nombre
de cas se comprend très bien dans les contrées de l'Europe occidentale
et dans celles qui ont un climat analogue, puisqu'on ces pays le côté
de l'occident est celui d'où le vent souille avec le plus de fréquence.
Les habitants qui s'établissent dans les quartiers tournés vers l'air libre
ont moins il craindre les maludies que les gens demeurant ù l'autre
extrémité des ville», sous un vent (lui s'est chargé d'impuretés
en pussunt uu-dessus des cheminées, des bouche» d'égoul et des
milliers ou millions de personnes humaines. En outre, il ne faut pas
oublier que les riches, le» oisifs, les artistes, qui peuvent jouir pleinement
de la eonU'inpIution des deux, ont plus souvent l'occasion d'admirer les
beautés du crépuscule que celles de l'aurore: ils suiventinconsciemment
le mouvement du soleil dans sa direction de l'est à l'ouest, et, le soir, se
plaisent à le voir descendre duns le» nuées resplendissantes. Mais que
d'exceptions dans colle croissance normale des villes suivant lu marche
du soleil La forme et le relief du sol, l'attraction dos beaux sites, la
direction des eaux courantes, les quartiers parasitaires nés des nécessité»
de l'industrie el du commerce ont fréquemment pour ellet de détourner
les hommes «le richesse et de loisir vers d'autres parties de lu ville que
celle de l'Occident. Bruxelles et Marseille sont deux exemples de cette
divergence du type normal.
Par le fait de son développement môme, l'agglomération urbaine,
QUARTIERS K8T ET OUEST 357

comme tous les organismes, tend ù mourir. Obéissant aux conditions


du lemps, plie se trouve déjà vieiUequand surgissent d'autres cités im-
patientes du vivre ù leurtour. Sans doute, elle garde quaud même quel-
ques conditions de durée, grâce à la force d'inertie commune de
ceux qui l'habitent, grâce à la routine et ù la puissance d'appel que tout
centre exerce sur le cercle des u lenteurs mais, sans compter les accidents
mortels qui peuvent frapper les villes aussi bien que les hommes, chaque

Cl. J. Kuhn, «dit.

rs vois OB LA MAUTK VIT.LU 13% <'ABPA8NOSK)!

personne urbaine ne se rajeunit, ne se refait incessamment qu'à la con-


dition de dépenser une somme d'efforts de plus en plus considérable, et,
souvent. elle recule devant cette nécessité constante. La cité doit élargir
ses rues et ses places, rcbtUir, déplacer ou raser ses murailles, remplacer
de vieilles constructions, sans objet désormais, par des édifices répondant
ù ses besoin» nouveuux.
Tandis qu'une ville d'Amérique nuit tout accommodée à son milieu,
Paris, vieilli, encombré, encritssé, doit se reconstituer tous les jours,
et, dans lit compétition des existences, ce labeur continu lui cr(!e une
1res grande infériorité via à vis des cités nouvelles comme New-York
358 l'homme ET LA terrk. RÉr-AivrrnoN dks hommes

et Chicago. Telle est la raison pour laquelle, iluiis les bassins de


l'Eupliratc et du Nil, des villes immenses comme lkil>\lone, Ninive,
Le ont successivement changé de place. Tout en gardant,
du moins en partie. son importunée historique, grâce aux avantagea du
lieu, chacune de ces villes devait abandonner ses quartiers surannés et
ne reporter plus loin, pour éviter lus décombres et. souvent aussi, les
pestilences, issues (tes amas d'immondices généralement le site délaissé
des ville» qui se déplacent est occupé par des tombeaux.
D'autres causes de mort, plus décisives parce qu'elles ont pour
raison le développement même de l'histoire, ont fruppé mainte»cité
jadis fameuse des circonstances analogues ficelles qui ta tirent naître
en ont rendu la destruction inévitable. Ainsi le remplacement d'une
route ou d'un carrefourpar d'autres voies plus favorables peut supprimer
du coup la ville que les transports avaient créée. Alexandrie ruina l'éluse,
Cartagena de-las Indias rendit Puerto-Belle à ta solitude des forôts.
L'appel du commerce et lu répression de la piraterie ont changé de place
beaucoup de cités bâties sur le littoral rocheux de la Méditerranée. Jadis
elles étaient perchées sur d'Apres collines et ceintes de murailles épaisses
pour se défendra contre les seigneurs et les corsaires; maintenant, elles
sont descendues de leurs rocs et s'étaient largement sur le bord de lu
mer: partout le Au/y/oest devenu marina; ù l'Acropole succède le Pirée.
Dans nos sociétés autoritaires où les institutions politiques ont sou-
vent donné il la volonté d'un seul une influence prépondérante, il est
arrive que le caprice d'un souverain plaçAtdes villes en des endroits où
elles ne seraient point nées spontanément. Ayant été fondées en des lieux
contre nature, elles n'ont pu se développer qu'au prix d'une énorme
déperdition de forces vives. Ainsi se bâtirent, à grands frais, Madrid,
Pélersbourg, dont les casinos elles hameaux primitifs laissés ù eux-
mêmes, sans Charles Quint ni Pierre Ior, ne seraient jamais devenus
des cités populeuses comme ellcs le sont aujourd'hui. Néanmoins, quoi-
que créées par le despotisme, elles doivent au travail associé des
hommes de vivre comme si elles avaient une origine normale: non
destinées par le relief naturel du sol il devenir des centres, elles le sont
pourtant, grâce à la convergence des routes, des canaux, des voies
ferrées, des correspondances, des échanges intellectuels. Car la
géographie n'est pas chose immuable elle se fait, se refait tous les
jours: il chaque instant, clic se modifie par l'action de l'homme.
VILLES POLlTtQUKS 35g

Maintenanton ne cite plu» père de Céiar bâtisseurde capitales»


de grands capitalistesou spéculateurs,présidentsde syndicatsfinancier,

Ct. P. Sellier.
PARTS. L'iriSURB DU BEPA8, QTURTIKB W TBMP1B
D'après le tableau de V. Oilbnrt.

leur|ont succède'-
commefondateurs de villes.On voit les constructions
s'érigeren quelquesmoissur'une étendueconsidérableavec unoutillage
36o l'homme ET LA tkrre. – répartition DIS hommes

splendide, un aménagement merveilleux; même tes écoles, les biblio-


thèques et les musées n'y manquent point. Si le choix des emplacements
est favorable, les créations nouvelles sont entraînées dans le mouvement
général de la vie, et le Creusol, Crewu, Barrow-on-Fumess, Denver, la
Plata prennent rang parmi les centres de population mais le site a-t-il
été mal choisi, les villes meurent a ver les intérêts particuliers qui leur
donnèrent naissance: Cheyeniie-City, cessant d'être la parc terminale
d'un chemin «le fer, expédie ses maisonnettes plus avant' sur la ligne
ferrée, et Curann-flity disparaît quund s'épuisent les mines d'argent (lui
groupèrent les 'îliitanls dans ce désert affreux. D'ailleurs, si le caprice
du capital essaie parfois de fonder des villes que les intérêts généraux de
la société condamnent il périr, il détruit aussi de nombreux groupes de
populations qui ne demandcniient qu'à vivre. \e voit-on pas, dans la
grande banlieue de mainte importante cité de gros banquiers et proprié,
taires terriens augmentant chaque année leur domaine de centaines
d'hectares, changeant méthodiquementles cultures en plantations ou eu
pares ù faisans ou à gros gibier, et rasant tous les hameaux et villages
pour leur substituer de distance en distance quelques maisonnettes
de gardiens?
Parmi les villes qui sont à demi ou mé'me.complètement factices et
qui no répondent pas aux besoins réels des sociétés travailleuses
il elles-mêmes, il faut citer aussi les places de guerre, du moins celles
que fontconstruire de nos jours les grands Etals centralisés. Il n'en était
pas ainsi lorsque la cité contenait toute la tribu ou formait le noyau
naturel de la nation alors il lui fallait bien se protéger en élevant des
remparts qui suivaient exactement le pourtour des quartiers el
dressaient à leurs angles des tours de guet. A celte époque, la citadelle, oit
tous les citoyens se réfugiaient en cas de danger suprême, n'était autre
lue le temple, bâti au haut de la colline gardienne, lo monument devenu
sacré par les statues des dieux. Les villes qui constituaient un organisme
double comme Athènes, Mégarc, Corinthe devaient protéger même la
route intermédiaire par de longs murs parallèles.
L'ensemble des fortifications, s'expliquant par la nature du sol,
prenait dans le paysage un aspect harmonieux et pittoresque. Mais,
en nos jours d'extrême division du travail, où lit force militaire est
devenue pratiquement indépendante de la nation et où nul civil ne
peut s'ingérer à donner son avis en matière stratégique, la plupart des
VILLES MILITAIRES 38 1

ville» fortes ont des contours tout à fait disgracieux, sans aucune
harmonie avec les ondulations du sol, coupant le pays autvant des
tracés offensantepour le regard. Du moins, les ingénieurs italien»
do la Renaissance,puis Vauban et ses émules s'essayaient-ilsà des-
siner le proAlde leurs places fortifiéessuivant une symétrieparfaitet
quelques-unsde ces ouvrages,ayant t'aspect de croix à étoiles avec

Cl.V.Sellier.
LA VILLE O'AIBE-SUE-I.A-LÏ8

Airesubit plusieurssWges
auxdix-soptiôme
et dix-huittomo
sièclesi tesfortification»
ont
toutevaleur
perdu depuislongtemps.

rayons et gemmes, contrastent régulièrement pur les murs blancs de


leurs bastions et redans avec la calme plncidité des campagnes om-
breuses. Mnis nos places modernes n'ont plus l'ambition de se faire
bellen celle préoccupation n'existe pas dans l'esprit des constructeurs.
D'un regard jeté sur le plnr» des villes fortes, on voit, en effet, qu'elles
«ont laides, hideuses, en désaccord complet avec leur milieu. Loin
d'épouser les contours du puys, de prolonger librement ses bras dans
les campagnes, la pince de guerre est comme amputée de ses membres,
V 19
36a et LAtebre. – répahtition
L'HOMME des hommes

atteinte dana ses organes essentiels. Que l'on constate la triste forme
extérieure prise par des cités comme Strasbourg, Metz, Lille! Cette
dernière ville s'est trouvée tellement il l'étroit dans ses remparts qu'elle
a dû, pour ainsi dire, resurgir en dehors de la zone des servitudes mili-
taires. Roubaix et Tourcoing doublent l'agglomération fortifiée et,
aujourd'hui, on cherche à regrouper tes trois éléments on un tout
harmonieux uu moyen de larges boulevards.
Malgré la beauté do quelques édifices, la grâce de ses promenades,
l'attirance de sa population, Paris est aussi une des villes qu'enlaidit
la brutale enceinte. Dégagé do ce déplaisant ovale en lignes brisées,
l'organisme se serait développé d'une façon esthétique et rationnelle,
il aurait pris une figureélégunlo donnée pur la vie. ]
Une autre cause de laidenr dans nos villes modernes provient de
l'invasion des grandes industries manufacturières. Presque chaque
agglomération urbaine est assombrie par un ou plusieurs faubourgs,
hérissés de cheminées puantes, traverses de rues noires d'immenses
constructions les bordent, aveugles ou percées d'innombrables fenêtres
à l'écœurante symétrie. Le sol tremble sous l'effort des machines en
mouvement, sous le poids des camions et des trains de marchandises.
Que de villes, surtout dans lit jeune Atm-riquc, où l'air est presque
irrespirable, où tout ce que l'on aperçoit, le sol, les routes, les mu-
railles, le ciel, suinte la boue et le charbon! Peut-on se rappeler sans
horreur et dégoût une agglomération minière comme cette intermi-
nable et sinueuse Scranlou, dont les soixante-dix mille habitants n'ont
pas même un hectare de gazon souillé et de feuillages noircis pour
consoler les yeux de toutes tes hideurs de l'usine! m l'énorme Pitts-
burg, avec sa couronne semi-circuluirc de hauts faubourgs qui
flambent et qui fument, comment se l'imaginer sous une atmosphère
plus salie, quoique, d'après les indigènes, elle ait gagné en propreté
des rues et en clarté des horizons depuis l'introduction du gaz nalurel
dans les usines? D'autres villes, moins noires, sont ù peine moins
hideuses, de par le fuit des compagnies de voies ferrées qui se sont
emparées des rues, des places, des promenades et (lui font renâcler et
siffler leurs locomotives en écrasant la foule sur leur parcours. Quel-
ques-uns des plus beaux sites de la Terre ont été déshonorés ainsi
c'est en vain qu'à Bufl'alole promeneur essaierait de suivre la rive
de l'admirable fleuve Angara, à travers fondrières, croisements de
HYGIÈNEDES VILI.KS 363

lignes, canaux vaseux,amasde gravier»et d'ordureset touteslesimmon-


dicesde la cité.
Une spéculation barbareenlaiditaussi les rues
par ses lotissements
de terrain. où les entrepreneursélèvent de vastes quartiers, combiné»

N°481.Lille,Roubaix,Touroolng.

Touteslesvillesdont lesnomssontIndiquésont au moins5000habitants.La densitéde


populationdeceterritoirefcchevalsurlafrontière,
estd environ1 000habitantspar kilomètre
carré.

d'avance par des architectes qui n'ont pus môme visité les emplace-
ments, et bien moins encore se sont donné la peine d'interroger les
futurs habitants; ils dressent ici une église ogivale pour les épiscopaux,
ailleurs, une bâtisse romane pour les presbytériens, plus loin, une
sorte de panthéon pour les baptistes, tracent leurs rues en carrés et
V J9*

r
304 L'HOMMEKT I.ATERUK.-– RÉPARTITION
0E8 HOMMES

en losanges, varient bizarrement le dessin géométrique des places et


le style des maisons, tout en gardant religieusement tes coin» les plus
avantageux pour les débita de boissons funestes. Villeit factices. con-
struites sur un type banal et témoignant toujours par quelque côté
de l'insolcncc fastueuse des constructeurs 1.
Quoi qu'il en soit, toute ville nouvelle arrive aussitôt, par le fuit
même de la juxtaposition des demeures, a constituer un organisme
collectif, dont chaque cellule individuelle elierche a se développer en
santé parfaite, condition première de la santé de l'ensemble. L'histoire
est là pour enseigner que les inuladii's des uns entraînent celles des
a u Ires et qu'il est dangereux pour les palais de laisser lit peste dévaster
les taudis. Aucune municipalité n'ignore de quelle importance serait
un assainissement complet de la ville par le nettoyage des rues. l'ou-
verture de places gu/.ouuécs et fleuries, ombragées de grands arbres,
lit disparition rapide de toutes les immondices et la difl'usion de l'eau
pure en abondance dans tous les quartiers et toutes les maison*. A
cet égard, les villes des puys les plus avancés sont en rivalité pnei-
tique pour mettre en pratique ou il l'essai des procédés particuliers
de nettoyage et de confort. H est vrai que les villes, coin nie les Ktals.
ont des gouvernants incites par leur milieu même ù s'occuper surtout
de leurs intérêts privé»; mais c'est déjà beaucoup de savoir ce qu'il
convient de faire pour que les organismes urbains fonctionnent un
.jour mécaniquement, pour l'acquêt des provisions, la circulation des
eaux pures, de lit chaleur, de la lumière, des forces, de la pensée, lu
répartition constante d<>l'outillage et l'expulsion des matières devenues
inutiles ou funestes. Cet idéal est encore fort loin d'être réalisé; du
moins, nombre de villes sont-elles déjà devenues assez salubres pour
que lu vie moyenne y dépasse celle de mainte campagne, dont les
habitants aspirent continuellement l'odeur des pourritures et des fumiers
et sont restés dans l'ignorance primitive de toute hygiène.
La conscience de lit vie urbaine se manifeste aussi par les préoc
cupations d'art. Comme Athènes jadis, comme Florence, Nitrnbcrg
et les autres cités libres du moyen âge, chacune do nos villes modernes
tient ù se faire belle il n'est pas jusqu'au plus humble village qui
ne se donne un clocher, une colonne ou une fontaine sculptée. Art
fort triste et fort maussade en général que cet art manipulé par des
professeurs il diplômes, sous la surveillance d'une commission d'incom
HVO1ÈNK
DESVILLES 365

latents, d'autant plus prétentieusequ'elle est plus ignorante.L'art

Cl. 11.Hume.
QUELQUES VIEILLES MAISONS DU LA HTOH-STRBET A. EDIMBOUBO

rûel est toujours spontané et ne n'accommode point des alignements im-


poses pur la voirie. Les petits esprits, comme il en est tant dans les
L'HOMME ET LA terris. – répartition DES hommks
366

conseils municipaux, procèdent souvent à la façon de ces Mummius


qui commanderaient volontiors à leurs soldats de repeindre les tableaux
détériorés ils s'imaginent que par la symétrie ils atteindront la beauté
et que des reproductions identiques donneront à leurs cités des Par-
thénon et des Saint-Marc. N'avons-nous pas en Europe une ville que
ses bâtisses mêmes rendent banale par excellence, la vaste Munich, qui
renferme tant et de si scrupuleuses imitations de monuments grec*
et bysantins, chefs-d'œuvre auxquels manquent le milieu, l'air, le
sol et les hommes!'
Les copistes réussiraient-ils ù faire surgir des monuments en tout
semblables à ceux qui leur ont servi de modèles, ils n'en auraient pas
moins produit un travail contre nature, car un édifice ne se comprend
pas sans les conditions d'espace et de temps (lui l'ont fait naitre. Chaque
ville a sa vie propre, ses traits, sa physionomie particulière avec quelle
vénération les bâtisseurs doivent-ils s'en approcher! C'est un attentat
contre la personnalité collective constituée parla cité que de lui enlever
son originalité pour la hérisser de constructions banales ou de monu
ments contradictoires a son rôle actuel ou u son pusse! Le grand art est
de transformer la cité nouvelle pour l'adapter aux nécessités du travail
moderne, en conservant tout ce qu'elle cut de pittoresque, de cu-
rieux ou de beau dans les siècles d'autrefois il faut savoir y maintenir
la vie et lui rendre la salubrité et l'utilité parfaites, de môme que d»«n
mains pieuse» rétablissent la santé d'un malade. C'est ainsi que, dans la
ville d'Edimbourg, des hommes d'intelligence, ù la fois artistes et savants,
ont entrepris de restaurer l'admirable rue dite High-Strect, qui descend
du château-fort au palais d'Holyrood, unissant les deux cellules mal-
tresses de l'ancienne ville. Abandonnée tout à coup, lors du départ pour
l'Angleterre du roi Jacques, par les parasites de la cour, chambellans.
militaires, hommes de plaisir, fournisseurs et gens de loi, celle avenue
de riches maisons avait changé d'habitants: les pauvres en avaient fait
leur demeure, aménageant de leur mieux les vastes salles en les divisant
par des cloisons grossières. Deux siècles après lu désertion de cette rue,
elle était devenue un ensemble de masures aux cours nauséabondes, aux
réduits envahis par les fièvres la population, vêtue de loques malsaines,
toujours souillées de boue. se composait en grande partie d'infirmes, de
scrofuleux et d'anémiés. Aux vices élégants de lu cour avaient succédé
les vices dans toute leur hideur publique. C'est ù ces affreuses serrtines
INSTAURATION
DESVULKS 867
que se
Que Se SOItl
sont attaquée
altaatlés les restaurateurs,
restaurateur*. transformant
llttnitfnrmnnl graduellement
a>M»WII<»n»nt
chaque maison, rétablissant les escaliers aux larges rampes et les salles
aux cheminées monumentales, Introduisant partout à
grande flots l'air
pur et ta lumière, amenant l'eau en abondance dans le moindre grenier,
ajoutant des bas-reliefs et des ornements oux murailles nues de l'édifice.
Le pittoresque des constructions est maintenu avec respect, même accru
par des tour», des clochetons, des belvédères,mais sans l'horrible accom-
pagnement des ordures et de la puanteur-, la rue jadis pnvoiséede loques
a maintenant ses balcons décorés de fleurs et de feuillages. La cité
repa-
ratt dons sa fraîcheur nouvelle, de moineque, dans un jardin, la fleur
rejaillit du pied «uns qu'un renversement violent ait bouleversé le sol
autour de la tige première.
Mais, dans une société où les hommes ne sont pas assures du pain,
où les misérable» et mùme les faméliques constituent encore une forte
proportion des habitants de chaque grande cité, ce n'est qu'un demi-
bien de transformer les quartiers insalubres, si les malheureux qui les
habitaient naguère se trouvent expulsés de leurs ancienstaudis pouraller
en chercher d'autres dans la banlieue et porter plus ou moins loin leurs
émanations empoisonnées. Les édites d'une cité fussent-ils sans excep-
tion des hommes d'un goût parfait, chaque restauration ou reconstruc-
tion d'édifice se fit-elle d'une manière irréprochable, toutes nos villes n'en
offriraient pas moins le pénible et fatal contraste du luxe et de la misère,
conséquence nécessaire de l'inégalité, de l'hostilité qui coupent en deux
le corps social. Les quartiers somptueux, insolents,
ont pour contre-partie
des maisons sordides, cachant derrière leurs murs extérieurs, bas et
déjetés, des cours suintantes, des amas hideux de pierrailles, de misé-
rables lattes. Môme dans les villes dont les administrateurs cherchent
à voiler hypocritement toutes les horreurs en les masquant par des clô-
tures décentes et blanchies, la misère n'en perce pas moins au travers
on sent que là derrière, la mort accomplit son œuvre plus cruellement
qu'ailleurs. Quelle est, parmi nos cités modernes, celle qui n'a pas son
While-Chapelet son Mile-End road? Si belle,si grandiose qu'une agglomé-
ration urbaine puisse être dans son ensemble, elle a toujours ses vices
apparents ou secrets, sa tare, sa maladie chronique, entraînant irré-
vocablement la mort, si l'on ne réussit pas il rétablir la libre circulation
d'un sang pur dans tout l'organisme.
Que de cités sont encore éloignées de ce type de salubrité et
I

i68 L'HOMME ET LA TEBRE. – RÉPARTITION DE8 HOMMES


1. I..
d'esthétique futures Un diagramme, publié dans l'annuaire de Pilon*
bourg pour l'année i%* donne un saisissant exemple de la consomma-
tion de vies humaines pnr celle capitale partant de l'uunéc 175/1,époque
à laquelle la population de Pétershotirg était de iûoooo individus.
la courbe d'accroissement s'élève en 1 «Gannée»ù yûoooo personnes, lun-
dis que lit courbe de population hypothétique, calculée d'après la mor-
talité et sans tenir compte de» immigrants, descenduKounn au-dessous
de zéro. La natalité uc dépasse quelque peu lit mortalité que depuis iK85.
unnén dit grand nettoyage Kl dans te inonde, combien de villes, liudu-
Pest, Lima, liio de Juuciro, seraient encore en voie de dépérissement
rapide si les gens de lit campagne ne venaient combler les vides laissés
par les morts! Si les Parisiens s'éteignent après deux ou trois généra
titms, n'est-ce pas l'odeur pernicieuse de lit ville qui en est cause si lcs
Juifs polonais sont réformés comme conscrits en plus grand nombre que
les jeunes gens des autres nationalités, lu faute n'en est-elle pus encore
aux villes où ils végètent pauvrement dans le ijhctlti.
Kt que d'uggloinérulioin dont le ciel semble être tendu d'un voile
funéraire! A pénétrer dans une cité fumeuse, telle que Manchester ou
Seraing, Essen, LeCreusot ou l'itlsburg, on jugera amplement si le»
a-uvres des lilliputiens humains ne suffisent pus il ternir lit lumière,
à profaner la beauté de lu nature. Or, une très fuibte quuiilité de charbon
échappé il lit combustion, un voile continu d'une fraction de millimètre
d'épaisseur' sulïit, surtout ni elle s'allie des brouillard», pour contre-
balancer lit lumière solaire. L'atmosphère opaque qui parfois pèse sur
la ville de Londres est célèbre a juste titre.
D'ailleurs, l'assainissement des centres urbains soulève bien d'autres
problèmes que celui de lit fumée, en somme*facile à résoudre. Le sys-
tème d'évacuation des vidanges et ordures ménagères, l'épuration des
eaux d'égoiit, soit par dos procédés chimiques, soit par leur emploi
rationnel eu agriculture, sont loin d'avoir reçu des solutions heureuses
ou acceptées, et même trop de municipalités semblent no pas s'in-
quiéter de ces questions. L«*choix d'un soi de roulement ne donnant ni
poussière ni boue, l'organisation efficacedes transports en commun ont
aussi leur influence sur la santé générale.
De nombreux indices montrent que le mouvement de uux qui

1. Ch.Dulour.Bulletindeta Soc. VaudoittdesSciencesNaturelles,


juin-sept.1895,
p. 145.
V1I.I.KS-C1.MKTIKRKS 3(iy

poiie vers les villes lu population de* campagne* peut s'arrêterr


et rnâtnu m tiuiisformei' vu un mouvement de reflux. Tout d'abord.
lu clicrli'1deloyers urbains conduisit naturellement les travailleurs ô se
déplacer vers lit grande banlieue, et les chefs d'industrie no pouvaient
que favoriser lWocle, puisqu'il rievnit imiciior unebaisse dans le prix de
lu main(l'œuvre. Ln bicyclette, les Inninvays h service nialinal, tes trains
ouvrier» out |H»nniii ù dos millii'i» d'ouvrier» et de pelils employés de

l'XKMAISON U£H0UK.VEV1I.I.K
Villeinduslflcllu
desenvirons
de.Manchester.

se loger avec quelque avantage pécuniaire dans un air moins chargé


d'acide carbonique. Ainsi en Belgique, les communes rurales d'un
grand nombre de districts ont {gardé leur population, grilce h \'c\-
tension des « coupons de sciiidini- ». En 19110.ou ne comptai!
pas moins de i5oono ouvriers qui résidainnt la nuit et le dinmiicbe
en lunr villngc, tout eu iiilaiil chaque jour de semaine, travailler
inèmi!ù 5o kilomètres de distanoe iilioiineineiil hebdomadaire de
2 fr. 25 – dans une usine on înuniifnetuie de. quelque ville éloignée.
Maisla solution est biUarde, car le chef de famille s'épuise eu longs Iru-
3;o L'HOMME ET LA TBRHK. – HÉPAHT1TION DKS II0MMK8

jets, en mauvais repas, en repos*uoclui'iu1» «courtes, et du itsIc l'assai-


nissementdes villages sutilève les mêmesproblèmesque celui des ville»
Ce n'est pas tout l'électricité, que fournit l'eau courante, ttmd ù
remplacerle charbon et à disperser le» utitttet»le long des cours d'eau.
C'est uinsi que l'un &vu la ville de Lyon,pourtant si forte par sa puis-
sance d'attraction un poiul de vue du travail et des art», diminuer de
plusieurs milliei'Hd'habitants par année, non parce que su prospérité
était entamée, mais

au contraire parce
que ses riches tis-
seurs et autres in-
dustriels avaient
étendu leur domaine
d'activité dans tous
les (léparlemenls voi-
sins, jusque dans les
Alpes, partout oîi des
cascades ou rapides
leur fournissaient la
force motrice néces-
saire.

UN QUARTIER OUVRIRR A >IAN<'HK8TKE A bien considérer

T,V|H>«tes shtmi aii«l.'iis.


lescboscs.loiileques-
tion d'édilité se oui fond avec la question sociale elle-même. Tous les
hommes mus exception arriveront-ils il pouvoir respirer l'air en quan-
tité siifllsantc, il jouir pleinement de lit lumière du soleil, à savourer
la beuulé des ombrages et le parfum des rosés, ù nourrir généreuse-
ment leur fumille sans craindre que le pain vienne il manquer dans la
huche? S'il en est ainsi, mais seulement alors, les villes pourront atteindre
leur idéal et se transformer d'une manière exactement conforme
aux besoins et aux plaisirs de tous, devenir (les corps organiques par
faitement sains et beaux.
C'est à ce programme que prétend répondre la ville jardin, Etde fait,
des industriels intelligents, des architectes novateurs ont réussi à créer en
Angleterre, où le tntitlia urbain était le plus hideux, un certain nombre

1. KmileVamli'rvi'.Mt",
L'exude
rural.
VIU.K8-JARBINS 3;!

de centres en des conditions aussi parfaitement saines pour le pauvteque


pour lu riche. Port-Sunlight, Rmirnevillc, Letebworth contrastent
certes heureusement avec tes slums de Liverpool, de Manchester et villes
analogue*, et les table» de mortalité de ces localités rivalisent par
leur faible luux avec celles des quartiers les plus somptueux rie noa capi-
tales 10ù i« décès annuels pour iuoo habitants – mais ce sont tou
jours des privilégiés (lui
· habitent les villas-jardins cl le bon vouloir des
philanthropes n'est
pas suffisant à conju-
rer les conséquence»
de l'antagonisme
qui existe entre le
Capital el le Travail.
Il n'est pus indis-
pensable d'en venir à
ces eréulionsde noirej
époque pour trouver I
des preuves lou- I
chantes du désir de I
beauté qu'éprouvait I
maint village de nus
UNEMAISOH OOVElèBB A UBTCHWOBTM.
unrftres et qui ne w
Nouvelleville-jardink 50kilomètresdo Londres,
trouve satisfait que
pur un ensemble harmonique. On peut citer notamment les communes
des Polabe», gens d'origine slave qui vivent dans le bassin de lu Jcelze,
affluent hanovrieu do l'Elbe Là, toutes les maisons sont disposées du dis
lance en distance autour d'une grande place ovalnire, dans laquelle
se trouvent un petit étang, un bois de chênes ou de tilleuls, quelques
tables cf des sièges eu pierre; chaque demeure, dominée par un haut
pignon que supportent des charpentes en saillie, tourne su façade vers
lu place et présente, au dessus de sa porte, une inscription biographique
et morale, La verdure des jardins extérieurs se développe en un beau
cercle d'arbre», interrompu seulement par la route qui rattache
la pince au grand chemin; c'est sur cette ligne de raccordement avec
les autres village* qu'ont été construites l'église, l'école el l'auberge1.

1. D*ToUner,Olobiu,7 avril 1900.


3;3 l/UOHMK ET LA TKRRK. – RÉPARTITION DES HOMMES

La population est tellement concentrée en certaines grandes villes


qu'elle dépasse mille habitants par hectare, notamment don» quelques
quartiers de Paris à Prague, les foules se pressent bien plus encore:
u New-York, en 1896, la pullulation des êtres humain» aurait
atteint sa plus forte densité, 1 860 individus par hectare, sur une
étendue de i3o hectares1. Autour des villes que le génie militaire n'a
pas entourées d'une marche interdite au peuplement, lit campagnoclle-
même se couvre de villas el de maisons. Attirées vers ce qui est leur
centre naturel, les agriculteurs se rapprochent de plus en plus du massif
continu de constructions et forment duns suit pourtour un anneau de
population dense forcés en conséquence de se contenter d'un moindre
espace pour leur hobitaliou et leurs cultures, ils se livrent à un travail
plus intensif de pàlresils se font laboureurs, et de laboureurs jardiniers.
Les cartes démographiques mollirent bien ce phénomène de lu réparti-
tion annulaire des campagnards se transformant en horticulteurs, C'est
ainsi que la ville de liuyruutli est ceinte d'une zone 011la densité de lu
population est de 109 habitants par kilomètre carré: autour de Hatnberg,
la densité kilométrique atteint le chiffre de t8o individus, et le terrain
sur lequel celle foule s'est «massée était pourtant a l'origine de très
faible valeur mélange de sable el de tourbe, il ne convenait autrefois
qu'à la croissance des conifères on en a fait un xol de jardin incompa-
rable'. Dans lu région méditerranéenne, il arrive que l'amour de la
ville, au lieu de peupler la campagne de banlieue, la dépeuple au con-
traire. Le grand privilège de pouvoir discuter les intérêts publics a, par
tradition, changé tout le monde en citadins. L'appel de l'agora comme
en Grèce, de lit vie municipale comme en Italie, attire les habitants
vers la place centrale où se déballent les affaires communes, plus encore
sur les promenoirs publics qu'entre les murs sonores de lu maison de
ville. C'est ainsi qu'en Provence, le petit propriétaire, au lieu d'habiter
ses champs, reste quand même un « urbain » invétéré. Quoiqu'il pos-
sède mas ou bastide, il ne s'installe point dans ce clos rural, mais il
réside dans la ville d'où il peut aller, en se promenant, visiter ses arbres
chemin, c'est lit, sur cette ligne de raccordement fruitiers et en faire In
cueillette. Les travaux de la campagne sont pour lui chose secondaire'.t,
Par un mouvement do réaction bien naturel contre l'effrayante con-

1. LawrenceCortliell,Revue 27 Juin 1896,p. 815. –2. Chr. Sandler,


scientifique,
p. 1.– 3. EdmondDemolins,LesFronçai»d'aujourd'hui,pp.106,107.
Volks-Karttn,
1.A VILLE ET LA BANLIEUE
'i~l\

sommtilio»d'hommes,l'avilissementde tant dé caractères,la corruption


N°492.Stumsde Manchester
et 8alford,

D'«pr*s les travaux de T. R. Marr,Housing conditions in Mamhetter oui Salfotd, tes


blocs de maison»noire ou recouvertsde» grisés 1 ou 2 doivent disparaîtrea cause de leurs
conditionshygiéniquesdéplorables.Lesautreshabitations «ont relativementsaines.

de tant d'Ames naïve» qui se brassent dans V « infernale cuve», des réfor-
mateur» demandent la destruction des cités, le retour volontaire de toute
L'HOMME ET LA TERRE. REPARTITION DES HOMMES
374

la population vere la campagne. San» doute, dans une société consciente,


voulant résolument la renaissance de l'humanité par la vie des champs,
celte révolution telle qu'il n'en fut jamuiit serait strictement possible,
puisque, en évaluant à cent millions de kilomètres carrés seulement la
superlicie deg terres de séjour agréable et salubre, deux maisons par
kilomètre carré, contenant chacune sept à huit habitants, suffiraient à
loger l'humanité; mais la nature humaine, dont la loi première est la
sociabilité, ne s'accommoderait point de l'et éparpillement. Certes il
lui faut le bruissement des arbres et le gazouillis des ruisseaux, mais
il lui faut aussi l'association avec quelques-uns et avec tous le globe
entier devient pour elle une énorme cité qui peut seule lu satisfaire.
\cluellcmenl, rien ne fait présumer que ces prodigieuses aggloméra-
tions d'édifices aient atteint leur plus grande étendue imaginable bien
au contraire. Dans les pays de colonisation nouvelle, où le groupement
des hommes s'est fait spontanément, de manière à s'accorder avec les
intérêts et les goûts modernes, les villes ont une population proportion-
nelle beaucoup plus considérable que les agglomérations urbaines des
contrées vieillies d'Europe, et quelques-uns des grands foyers d'appel ont
plus du quart ou du tiers, parfois même de la moitié des habitants du
pays. Comparée a l'ensemble de son cercle d'attraction, Melbourne est
une plus grande cité que Londres, parce que lu population environnante
est plus mobile, et qu'il ne faut pas t'arracher, comme on Angleterre,
des campagnes où elle s'était enracinée pendant des siècles. Cependant,
ce phénomène exceptionnel de pléthore dans les villes australiennes pro-
vient en grande partie de la répartition du sol des cnrnpugncs en vastes
domaines où les immigrants n'ont pas trouve place; ils ont été chassés
des latifundia vers les capitales Quoi qu'il est soit, le travail de trans-
plantation devient de plus en plus facile et l'accroissement de Londres
pourra se faire sans cesse avec une moindre dépense de forces. Au com-
mencement du vingtième siècle, cette ville n'a guère qu'un septième de la
population des tles Britanniques; il n'est aucunement impossible qu'elle
acquière, elle aussi, le tiers ou le quart des habitants du pays, d'autant
plus que Londres n'est pas seulement le centre attractif de la Grande
Bretagne et de l'Irlande, mais qu'elle est aussi le principal marché de
l'Europe et d'une grande partie du monde colonial. Une prochaine

1. J. Denain-Darrays,
Questions etcoloniales,1" févr. 1903.
diplomatiques
ACCBOIS8EMENT
DESOHfcNPES
CITÉS 3;5
agglomérationde dix, de vingt millionsd'hommes,soit dans te bassin
N*403.Quartiersde New-York.
(Voirpagv«7»)

Dans la cite de Xew.York. les grisé» 1 à 9 Indiquent la densité de population par


i correspond à 2S0-500habitants par hectare, et ainsi do suite par échelon do 250 1quartlem
le chiffre9
correspond & 2250-2500 par hectare.

inférieur de la Tamise, soitù la bouche du Hudson, ou dans tout autre


L'HOMME ET LA TEBRB. nÉIURTlTION DES HOMMES
376

lieu d'appui, n'aurait rien qui pût surprendre, et même il faut y


des
préparer nos esprits comme à un phénomène nonnui de la vie
société». La croissance des grande foyers d'attraction ne pourra s'enrayer
de
qu'à l'époque où l'équilibre se sera établi entre lu puissance attirante
chaque centre sur tes habitants des espaces inlcnnédiaircH. Mais alors
le mouvement ne s'arnMera point :il so transformera de plus en plus en
cet incessant échange de population entre les cités «|uc l'on observe déjù
dans l« corps humain.
clqui pculéïrc compare1ou va-et-vient du sang;
Sans aucun cloulc, le nouveau fonctionnement donnera naissance il dp
nouveaux organismes, et les villes, déjà tant de fois renouvela», auront
ù renaître encore sous de nouveaux aspects i-n accord avec l'ensemble
de l'évolution économique et sociale.

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