$encephalopathies Metaboliques Et Toxiques EMC
$encephalopathies Metaboliques Et Toxiques EMC
$encephalopathies Metaboliques Et Toxiques EMC
[17-055-A-70]
Frédéric Dubas : Professeur, chef de service
Service de neurologie A, centre hospitalier universitaire, 4, rue Larrey, 49033 Angers cedex
01 France
Christophe Verny : Interne
Clinique
Electroencéphalogramme (fig 1)
• Au stade I, on observe une activité de fond irrégulière avec prédominance d'ondes
alpha à 7-8 cycles par seconde.
• Au stade II, il y a une diminution du rythme physiologique au profit d'un rythme thêta,
renforcé de bouffées lentes.
• Au stade III, on note un rythme lent thêta ou delta généralisé, bilatéral, synchrone,
typiquement triphasique.
• Au stade IV, le rythme lent est surchargé d'ondes delta monomorphes, le tracé
devenant de moins en moins réactif, évoluant vers une activité rare de faible
amplitude.
Examens paracliniques
La biologie hépatique est perturbée, avec notamment des troubles de la coagulation ou une
cytolyse (l'augmentation des transaminases peut atteindre 100 fois la normale).
Circonstances du diagnostic
• soit le foie est antérieurement sain et c'est le cadre des hépatopathies virales ou
toxiques dont il faut définir si l'encéphalopathie est provoquée par l'agent pathogène
ou secondaire à l'insuffisance hépatique ;
• soit le foie est antérieurement lésé et il faut rechercher un facteur déclenchant, le plus
souvent : une hémorragie digestive, un traitement par médicaments, une infection, une
anastomose portocave chirurgicale.
Physiopathologie
Elle est très controversée. En effet, les modifications physiologiques provoquées par
l'insuffisance hépatocellulaire sont très importantes, ce qui explique que de nombreux facteurs
ont été invoqués dans la genèse de l'encéphalopathie. Celle-ci est vraisemblablement
multifactorielle. L'hyperammoniémie a longtemps été considérée comme le principal facteur.
Mais de nombreuses études font état du rôle des acides gras, des acides aminés et surtout de
l'acide gamma-aminobutyrique. La présence de faux neurotransmetteurs et une modification
de la barrière hématoméningée ont également été invoquées [42, 45, 58].
Traitement
Les encéphalopathies des dialysés sont provoquées, en aigu par une intoxication par l'eau et
en chronique par une intoxication par l'aluminium. En pratique, elles ne s'observent plus
actuellement.
Encéphalopathie anoxique
Elle résulte d'une hypoxémie aiguë (défaillance circulatoire par infarctus myocardique,
hémorragique avec choc...) ; d'une hypoxie aiguë (insuffisance respiratoire quelle qu'en soit la
cause) ou des deux (arrêt cardiorespiratoire...). La consommation du cerveau en oxygène est
très importante, proportionnellement à son poids. A partir d'une réduction d'un tiers de la
consommation en oxygène apparaissent des troubles. En l'absence de réserve d'oxygène, la
symptomatologie apparaît très rapidement. Il s'agit à ce stade, de troubles de l'attention, du
jugement, de la coordination motrice, qui régressent sans laisser de séquelles lors du retour à
une oxygénation normale. Une hypoxie ne produisant pas de perte de connaissance
n'entraînera que très rarement des lésions définitives de l'encéphale. Dans les hypoxies
sévères ou les anoxies, la perte de conscience se produit en quelques secondes. Mais la
récupération peut être complète si l'oxygénation et la circulation sont rétablies en moins de 3 à
5 minutes. Après ces délais, des lésions irréversibles apparaissent dans les régions les plus
sensibles (noyaux gris, cervelet, hippocampe, régions jonctionnelles pariéto-occipitales) [17].
En fait, il peut arriver que persiste une activité cardiaque minime, difficilement perceptible
cliniquement mais suffisante pour maintenir une circulation minimale permettant aux cellules
de survivre beaucoup plus longtemps, ce d'autant plus que l'hypoxie a été progressive. Les
éléments du mauvais pronostic immédiat sont représentés par : des signes d'atteinte du tronc
cérébral (abolition des réflexes photomoteurs, cornéens, oculovestibulaires) [56] ; l'absence de
respiration spontanée ; un tracé électroencéphalographique isoélectrique. La persistance de
ces éléments au-delà de quelques heures indique toujours un pronostic grave ainsi que la
persistance d'une rigidité de décérébration ou de décortication après 24 heures. Dans des
situations moins extrêmes, on peut se trouver en présence d'encéphalopathies hypoxiques
graves avec destruction plus ou moins étendue du cortex cérébral, des noyaux gris et du
cervelet mais sans atteinte du tronc cérébral. Les séquelles comportent à des degrés divers,
une démence, un syndrome de Korsakoff, une épilepsie, des mouvements involontaires [10] :
myoclonies (syndrome décrit par Lance et Adams en 1963), dystonies, syndrome cérébelleux.
Le tracé électroencéphalographique [61] est un bon élément du pronostic. L'imagerie par
résonance magnétique nucléaire montre des hypersignaux en T2 au niveau du pallidum, du
striatum, du cervelet, de l'hippocampe, du lobe occipital, des régions périaqueducales et de la
substance blanche.
Certains cas d'encéphalopathie postanoxique tardive ont été décrits [2]. Après une
récupération rapide, apparaissent dans les jours ou semaines qui suivent, des troubles de
l'humeur, du comportement, un état confusionnel, des signes pyramidaux. Dans la majorité
des cas, ce tableau s'aggravera progressivement vers un coma et un décès en 1 à 2 semaines,
mais une évolution favorable peut s'observer dans certains cas. La lésion en cause est une
altération diffuse de la substance blanche. La physiopathologie semble liée à l'arrêt de tous les
métabolismes aérobies et à l'accumulation d'acide lactique. Le traitement repose sur la
restauration rapide de la fonction cardiorespiratoire. Ensuite, les manoeuvres de réanimation
classique sont entreprises, ainsi que la lutte contre un éventuel oedème cérébral. En revanche,
les tentatives pharmacologiques paraissent inefficaces (benzodiazépines, barbituriques,
corticoïdes...).
L'hyponatrémie provoque une altération de la vigilance qui peut évoluer vers un coma
souvent accompagné de convulsions. On peut noter également des crampes, un signe de
Babinski, un syndrome extrapyramidal, un astérixis, des myoclonies [4], une hémiparésie. Ces
manifestations peuvent apparaître dès 125 mmol/L, le plus souvent à partir de 110 mmol/L.
Les éléments cliniques extraneurologiques sont une anorexie, une hydrophobie.
L'hyponatrémie est provoquée par une intoxication par l'eau ou par un défaut d'élimination de
l'eau, plus particulièrement une sécrétion inappropriée d'hormone antidiurétique qui peut
compliquer de nombreuses pathologies dont certaines affections neurologiques (traumatisme
crânien, méningoencéphalites, accident vasculaire cérébral, cancer...) ou être secondaire à la
prise de médicaments (Tégrétol®, sulfamide, hypoglycémiant...). Elle entraîne une baisse de la
pression osmotique du compartiment extracellulaire provoquant une hyperhydratation
intracellulaire. Les troubles neurologiques sont réversibles avec la correction de
l'hyponatrémie. Toutefois, cette correction ne doit pas être trop rapide, en raison du risque de
myélinolyse centropontine [5]. En dehors de la correction du déséquilibre qui est une urgence
si la natrémie est inférieure à 120 mmol/L, le traitement de l'affection sous-jacente est
évidemment indispensable.
Hypernatrémie
Une déshydratation cellulaire peut provoquer une altération de la vigilance, des mouvements
d'allure choréique, des myoclonies, des crises d'épilepsie. Le diagnostic est conforté par
l'observation d'une hyperthermie, d'une perte de poids, d'une sécheresse des muqueuses.
L'hypernatrémie est rare chez le sujet normalement vigilant, car elle provoque une vive soif
qui incite le patient à corriger ce déséquilibre. Toutefois, chez les diabétiques (cf Comas
hyperosmolaires), les patients comateux, lors d'un diabète insipide, d'une lésion
hypothalamique ou lors de diarrhées, vomissements ou insolations, on peut observer une
hypernatrémie. Le traitement consiste en une réhydratation lente, mais le pronostic demeure
sévère avec une mortalité élevée.
Dyskaliémie
Troubles acidobasiques
Hypercalcémie
Hypocalcémie
Elle peut entraîner une augmentation de la pression intracrânienne avec oedème papillaire.
Des troubles psychiatriques ont été signalés (troubles du comportement, états dépressifs ou
délirants), ainsi que des mouvements dystoniques.
Dysmagnésémie
Les troubles neuropsychiques sont souvent au premier plan, avec un syndrome dépressif, un
ralentissement psychomoteur, des troubles mnésiques. Les convulsions sont fréquentes. En
revanche, les épisodes psychiatriques ou un syndrome démentiel sont beaucoup plus rares.
Une ataxie cérébelleuse peut être associée, de même que des signes neurologiques
périphériques (myopathie, polyneuropathie, syndrome du canal carpien...) et
extraneurologiques (hypothermie, bradycardie), ainsi que biologiques (hyponatrémie,
anémie). Le traitement repose sur l'hormonothérapie substitutive qui fait disparaître la
symptomatologie en quelques semaines.
Syndrome de Cushing
Fréquemment, on note de profonds changements du caractère avec labilité émotionnelle,
dépression parfois sévère, confusion mentale, voire parfois un état délirant.
Encéphalopathie aiguë
Elle peut donner lieu à des manifestations psychiatriques isolées ou associées à des signes
neurologiques. Le tableau classique consiste en un état délirant aigu difficile à différencier
d'une bouffée délirante : confusion mentale, hallucinations, épisodes oniriques. Des crises
convulsives peuvent survenir, fréquemment accompagnées d'un syndrome extrapyramidal. La
survenue de cette forme convulsive est souvent mortelle, malgré le traitement. Un tableau
pseudoméningitique peut également s'observer, avec des céphalées, des vomissements, une
prostration incitant à pratiquer une ponction lombaire qui sera normale ou montrera une légère
augmentation de la cellularité ou une hyperalbuminorachie modérée. Le tableau général est
constitué par une fièvre, des douleurs abdominales, une hypotension et une tachycardie ; le
diagnostic est conforté par le bilan biologique (hyponatrémie, hyperkaliémie). Des formes
oedémateuses (hypertension intracrânienne) ont été décrites. En l'absence de traitement
(hormonothérapie et correction hydroélectrolytique) l'évolution se fait vers un coma en
général rapidement suivi d'un collapsus entraînant la mort. Parfois, ce coma s'installe
d'emblée (syndrome apoplectiforme).
Encéphalopathie subaiguë
Encéphalopathies diabétiques
Hypoglycémie [4, 28]
Lorsque la glycémie baisse en dessous de 2,2 mmol/L apparaissent les premiers symptômes :
céphalées, " nervosité ", faim, anxiété, hypersudation, tremblements (manifestations
adrénergiques) qui précèdent une confusion, voire une agitation ou au contraire une
somnolence, parfois la survenue de signes neurologiques focaux. Si cet état se prolonge ou si
l'hypoglycémie est plus sévère, on peut alors observer : un réflexe de succion, un grasping,
une hypertonie et finalement une rigidité de décérébration. Des myoclonies et des convulsions
peuvent se produire. Lorsque la glycémie atteint 0,5 mmol/L, le patient est dans un coma
profond avec pâleur, dyspnée superficielle, bradycardie, mydriase, hypotonie. L'amélioration
est classiquement rapide et complète si l'administration de glucose est faite avant l'apparition
de cette dernière phase dite " bulbaire ". Dans le cas contraire, la récupération peut être
retardée, voire incomplète. Les chiffres de glycémie auxquels se manifeste telle ou telle
symptomatologie varient en fonction des individus, particulièrement chez les diabétiques
faisant des hypoglycémies fréquentes ou mal équilibrées. La cause la plus fréquente de
l'hypoglycémie est le surdosage du traitement antidiabétique par insuline ou sulfamide. Un
tableau d'hypoglycémie subaiguë caractérisé par une somnolence, une diminution de l'activité
psychomotrice voire une confusion en l'absence de signe adrénergique correspond aux
hypoglycémies spontanées (tumeur sécrétante, gastrectomie, hypoglycémie "
psychosomatique "...). Dans ce contexte, un syndrome d'hypoglycémie chronique peut simuler
une démence, avec mouvements anormaux, rigidité et ataxie cérébelleuse. Le traitement de
choix de l'hypoglycémie sous toutes ses formes est le resucrage rapide et durable.
Coma acidocétosique
Le tableau clinique comporte des nausées, des vomissements, une polyurie, des douleurs
abdominales, une respiration de Kussmaul, des signes de déshydratation. En l'absence de
traitement, la conscience s'altère et un coma peut s'installer.
Coma hyperosmolaire
Le tableau clinique est similaire. Des convulsions, parfois de type Bravais-Jacksonienne, une
hémiplégie transitoire [4], un syndrome extrapyramidal, un syndrome pseudobulbaire peuvent
s'observer.
Pellagre
La symptomatologie initiale comporte une insomnie, une asthénie, une anxiété, une labilité de
l'humeur, un syndrome dépressif pouvant conduire à un diagnostic psychiatrique. Puis
apparaissent progressivement au premier plan des troubles de la mémoire, des tremblements,
un syndrome extrapyramidal, des réflexes de succion ou de préhension, voire un coma. Une
paraparésie spastique isolée peut être observée. Il s'agit d'un diagnostic très difficile, justifiant
le traitement préventif systématique de tout patient potentiellement carencé. Le traitement
curatif consiste en des injections de Nicobion®.
Carences en vitamine B6
Les carences en vitamine B12 entraînent une dégénérescence combinée subaiguë de la moelle
épinière, parfois associée à des troubles neuropsychiques : asthénie, irritabilité, labilité
émotionnelle, confusion, voire psychose dépressive sévère ou détérioration intellectuelle.
D'autres atteintes neurologiques d'origine carentielle peuvent également être associées,
notamment une neuropathie optique. Les carences en acide folique seraient à l'origine de
tableaux similaires, mais les cas sont rares.
Carences en vitamine E
Les signes habituels des carences en vitamine E sont une ataxie, une ophtalmoplégie et des
signes de polyneuropathie. Ces troubles s'observent surtout chez les enfants atteints de
maladies digestives chroniques.
Il s'agit d'intoxications soit professionnelles, soit accidentelles, soit volontaires dans un but
suicidaire ou de toxicomanie. Le diagnostic est orienté par la profession, le profil
psychologique, les habitudes de vie, l'existence d'une polyneuropathie ou de signes
extraneurologiques associés. Il est confirmé par des dosages sanguins et urinaires, et parfois
dans le liquide céphalorachidien. Le traitement repose sur l'arrêt de l'intoxication, les mesures
symptomatiques et l'utilisation des chélateurs pour les métaux lourds.
Les circonstances pouvant provoquer une intoxication saturnine sont nombreuses, mais sont
devenues rares : pathologie professionnelle (plombiers, métallurgistes, imprimeurs, industries
des batteries...), ingestion accidentelle (canalisation en plomb, récipients contenant du plomb),
intoxication volontaire (inhalation de plomb tétraéthyle utilisé dans la fabrication de certains
carburants).
Outre les signes digestifs et rénaux, apparaît rapidement un syndrome méningé, parfois une
hémiplégie ou une paraplégie. Si le plomb tétraéthyle est en cause, le syndrome clinique
comporte une torpeur, une confusion parfois accompagnée d'hallucinations avec des
tremblements, des réflexes vifs, une my driase. L'examen clinique cherche également à mettre
en évidence des signes de polyneuropathie ou des signes extraneurologiques (troubles du
transit, liseré muqueux, hypertension artérielle...). Le diagnostic est confirmé par une
élévation de la plombémie (> 3 μmol/L), une plomburie (> 9 μmol/L) et le test de plomburie
provoquée par l'administration d'EDTA calcique. Le scanner cérébral ne montre pas
d'anomalie ou rarement (zones hypodenses corticales avec prise du produit de contraste).
L'étude du liquide céphalorachidien montre une pléiocytose modérée avec discrète
hyperprotéinorachie. L'électroencéphalogramme montre des ondes lentes thêta et delta
diffuses. L'évolution est souvent mortelle dans un tableau de grande agitation.
Arsenic [21]
Thallium [32]
Ce composé est utilisé comme pesticide ou insecticide ainsi que dans la cosmétologie et la
fabrication d'optiques. Comme pour l'arsenic, la principale complication neurologique est la
polyneuropathie. Plus rarement, on observe une encéphalopathie avec troubles de la
conscience et hypertension intracrânienne due à un oedème cérébral. Le dosage se fait dans
les urines. Le traitement repose sur un apport liquidien important enrichi de chlorure de
potassium. L'administration per os de bleu de Prusse a également été proposée.
Manganèse [21]
Hydrocarbures
Il s'agit soit d'agents volatils employés comme solvants ou colles, soit d'agents pulvérisants
pour les peintures, les insecticides... L'intoxication se produit le plus souvent par inhalation
(ou par voie cutanée) dans un contexte professionnel ou de toxicomanie (" sniffeur "). Outre
les polyneuropathies, on peut observer également des troubles du comportement de type
dissociatif, un syndrome dépressif, parfois un syndrome cérébelleux.
Il s'agit essentiellement des dérivés du chlore contenus dans des détachants, des cires, des
solvants. Le tableau clinique comporte des atteintes extraneurologiques (cardiaques,
pulmonaires, digestives), une polyneuropathie et une encéphalopathie avec des troubles de
l'humeur et du comportement, une grande asthénie, des céphalées, un syndrome confusionnel,
des vertiges, parfois un coma avec convulsions. Le tropisme neurologique s'explique par la
liposolubilité de ces composés.
Organophosphorés
Il s'agit de produits ayant une toxicité aiguë utilisés dans l'industrie ou l'agriculture
(insecticides) mais aussi entrant dans la composition de certains gaz de combat. Cliniquement,
ce tableau associe trois syndromes, nicotinique, muscarinique et central : l'atteinte nicotinique
entraîne des signes périphériques (paresthésie, déficit moteur) ; l'atteinte muscarinique, en
dehors d'un myosis, ne donne pas de signes neurologiques ; l'atteinte centrale provoque une
encéphalopathie (confusion, syndrome cérébelleux, asthénie, céphalées, pouvant évoluer vers
un coma avec épisodes comitiaux). Outre le traitement symptomatique et l'arrêt de
l'intoxication, l'administration d'atropine est nécessaire pendant plusieurs jours.
Alcools [11]
L'éthanol est de très loin le toxique le plus répandu. Ses complications neurologiques sont
largement traitées dans d'autres chapitres de l'Encyclopédie médico-chirurgicale. Beaucoup
plus rarement, d'autres composés alcooliques sont à l'origine d'intoxications impliquant le
système nerveux central. Il s'agit des propanols, des butanols, des méthylpropanols mais
surtout du méthanol que l'on trouve largement utilisé comme solvant dans l'industrie comme
antigel ou alcool à brûler en usage domestique. Dans les contaminations accidentelles, la voie
d'absorption est pulmonaire ou cutanée. La latence d'apparition des signes cliniques est en
moyenne de 12 à 24 heures (de moins de 1 heure à 3 jours) selon le mode de contamination.
Les premiers signes sont des céphalées, des étourdissements accompagnés de nausées, des
troubles de l'humeur puis apparaît une confusion pouvant évoluer vers un coma avec ou sans
épisodes convulsifs. L'association à une neuropathie optique sévère est fréquente. Lorsque
l'évolution est favorable, un syndrome parkinsonien séquellaire est souvent observé, avec au
scanner cérébral des lésions du putamen et éventuellement un oedème cérébral, mais les
séquelles les plus fréquentes sont visuelles (cécité ou amputation du champ visuel). Le
diagnostic repose sur le dosage du méthanol dans le sang qui indique une intoxication sévère
pour un taux supérieur à 1 g/L, et l'existence d'une acidose métabolique avec trou anionique.
Sur le plan thérapeutique, l'utilisation de l'éthanol comme substrat compétitif est en passe
d'être remplacée par des inhibiteurs sélectifs et des stimulateurs du catabolisme. Il est toujours
possible d'avoir recours à l'hémodialyse.
Monoxyde de carbone
L'intoxication aiguë par l'oxyde de carbone reste encore une cause fréquente d'intoxication
avec une mortalité relativement importante. La grande majorité des cas est accidentelle,
d'origine domestique, liée à une combustion incomplète provenant d'un appareil de chauffage
ou d'un chauffe-eau défectueux. Le gaz distribué en France ne contient pas de monoxyde de
carbone. Le monoxyde de carbone est un gaz incolore, inodore, de densité proche de celle de
l'air et ne pouvant être détecté que par un appareillage spécifique. Il présente une très grande
affinité pour l'hémoglobine, 200 fois supérieure à celle de l'oxygène et provoque la formation
de carboxyhémoglobine et donc une hypoxie par défaut de transport de l'oxygène.
Cliniquement, le stade initial est marqué par des céphalées, des acouphènes, des vertiges, des
nausées, une obnubilation, et parfois un tableau psychiatrique avec des hallucinations, un état
onirique, une confusion mentale. Puis surviennent des pertes de connaissance brèves et
répétitives très évocatrices. Le coma s'installe, d'abord agité puis de plus en plus profond. A
ce stade, deux signes cliniques évocateurs sont à rechercher :
• la classique " teinte cochenille " des téguments, en réalité moins fréquente que la
cyanose ;
• un syndrome pyramidal et une hypertonie généralisée pouvant dans certains cas se
présenter en décérébration ou décortication. Les réflexes cornéens sont souvent abolis
et les convulsions fréquentes. Quelques cas de paralysie (tétra-, para-, hémiplégie) de
mauvais pronostics sont signalés. Si le traitement est trop tardif, la mort survient par
collapsus. Dans le cas contraire, de fréquentes séquelles neuropsychiatriques sont
signalées : obnubilation, agitation, désorientation, céphalées tenaces, troubles
mnésiques pouvant persister plusieurs mois ; ainsi que de rares syndromes cérébelleux
[49].
A signaler des formes d'intoxication chronique se manifestant par des céphalées rebelles, une
diminution des performances intellectuelles, des troubles thymiques, une somnolence et des
perturbations sensorielles (surtout visuelles et auditives).
Données générales
Le diagnostic est de difficulté variable : il peut être très simple si une encéphalopathie
(souvent myoclonique) survient après l'introduction d'un médicament bien connu pour cet
effet secondaire. Le diagnostic peut être beaucoup plus difficile pour plusieurs raisons : long
délai entre l'introduction du médicament en cause et le début de l'encéphalopathie (nécessité
d'une dose cumulée) ; oublis ou erreurs de l'entourage sur les posologies et les durées ;
intrication avec la symptomatologie de la pathologie qui avait justifié la prescription du
médicament incriminé (les médicaments les plus souvent mis en cause sont actifs sur le
système nerveux central, chez des patients souvent âgés, atteints d'affections neurologiques ou
psychiatriques susceptibles de s'aggraver spontanément). En fait, la principale difficulté
diagnostique est de penser à cette cause d'encéphalopathie et de conduire une enquête
systématique et rigoureuse en ce sens chez un patient ayant une encéphalopathie de cause non
identifiée, ce particulièrement chez le sujet âgé, plus exposé à cette complication (abaissement
de plusieurs seuils fonctionnels cérébraux, altération de la fonction rénale). Il faut vérifier,
dans un dictionnaire précis, un à un, chaque médicament et ne pas hésiter à contacter un
centre de pharmacovigilance. Le dosage du médicament suspect dans les différents liquides
biologiques peut aider au diagnostic, mais toutes les encéphalopathies ne sont pas liées à un
effet dose dépendant. Bien souvent, en fait, c'est l'arrêt du traitement qui permet de conclure,
du moins avec une probabilité élevée.
Outre la somnolence et les tremblements fins, d'attitude, l'acide valproïque est de plus en plus
souvent à l'origine d'encéphalopathies majeures, et ce d'autant plus que cette molécule est
actuellement utilisée par voie parentérale, notamment en neurochirurgie. Le tableau comporte
des myoclonies, une confusion progressive avec désorientation, une hypertonie avec hyper-
réflexivité tendineuse, un astérixis intermittent.
Anticholestérasiques
Anticholinergiques
Ce sont vraisemblablement les médicaments les plus " confusogènes ", tout particulièrement
chez le parkinsonien âgé.
Antidépresseurs
Beaucoup d'entre eux peuvent entraîner une confusion mentale, mais le risque est plus élevé
lorsqu'il s'agit des tricycliques, lesquels, en outre, abaissent le seuil épileptogène.
Barbituriques
Le surdosage entraîne dans un premier temps une somnolence et une inhibition psychomotrice
avec des troubles de la mémoire et de l'attention. Puis peuvent apparaître un syndrome
cérébelleux, des troubles visuels, des signes pyramidaux, une confusion mentale. Une
insomnie, une agitation voire une confusion mentale ainsi que des épisodes convulsifs
peuvent survenir lors du sevrage.
Benzodiazépines
En cas de surdosage, on peut observer, outre la somnolence, des vertiges, des céphalées, une
sensation ébrieuse, une hypotonie, des troubles de la mémoire. Des effets paradoxaux avec
agitation, agressivité sont parfois observés chez l'alcoolique et le sujet âgé. Le syndrome de
sevrage comporte insomnie, anxiété, agitation, myoclonies, parfois hallucinations, confusion
mentale, convulsions apparaissant quelques jours après l'arrêt brusque d'un traitement par
benzodiazépines.
Carbamazépine (Tégrétol®)
Le syndrome vestibulaire et la somnolence sont les effets secondaires les plus fréquents, mais
on peut également observer des céphalées, des troubles visuels, une confusion mentale nette,
voire un coma. La carbamazépine peut aussi induire une encéphalopathie hyponatrémique par
sécrétion inappropriée d'hormone antidiurétique.
Le surdosage peut entraîner des céphalées, une anxiété, une inhibition psychomotrice et
parfois un véritable syndrome dépressif.
Ces antiparkinsoniens peuvent, comme tous les autres, entraîner une confusion mentale,
souvent associée à des dyskinésies (mais pas toujours), une confusion fluctuante,
intermittente, qui doit être distinguée des hallucinations visuelles vespérales, très fréquentes,
habituellement réversibles en diminuant la posologie du soir. Le diagnostic différentiel entre
une démence chez un parkinsonien et une confusion d'origine médicamenteuse est souvent
malaisé. La survenue d'un état délirant chez un parkinsonien pose des problèmes
thérapeutiques très difficiles. Avant d'envisager d'utiliser des produits antipsychotiques, il faut
diminuer, autant qu'il est possible de le faire, la posologie des antiparkinsoniens.
Neuroleptiques [23]
Les neuroleptiques sont responsables d'effets secondaires aigus ou chroniques. Parmi les
accidents aigus, on signale des dystonies se manifestant par une hyperextension de la tête, une
atteinte de la sphère oropharyngée pouvant gêner la déglutition ou la phonation. A noter
également des crises oculogyres. Ces troubles ne durent que quelques heures jusqu'à 2 jours ;
ils ne sont pas dose dépendants mais sensibles aux anticholinergiques (par voie
intramusculaire). Le syndrome extrapyramidal est fréquent, survenant préférentiellement chez
le sujet âgé, dans les trois premiers mois de traitement. Il se traduit par une rigidité, une
akinésie, un tremblement. Il est dose dépendant, s'atténue habituellement au long cours et
disparaît en général à l'arrêt du traitement. En cas de nécessité du maintien du traitement à
forte dose, on utilise les correcteurs (anticholinergiques) per os. On signale également une
akathisie, des tremblements rapides et même des convulsions lors de l'emploi de fortes doses.
Les accidents chroniques sont représentés par les syndromes parkinsoniens et les dyskinésies
tardives, celles-ci apparaissent surtout chez les sujets âgés traités depuis plus de 2 ans, mais
également après l'arrêt du médicament. Il s'agit de mouvements involontaires, essentiellement
buccofaciaux mais pouvant atteindre parfois le tronc et les membres. La régression spontanée
est rare. Le tiapride (Tiapridal®) et le pimozide (Orap®), souvent efficaces, sont évidemment
préférables aux neuroleptiques classiques.
Le syndrome malin des neuroleptiques est une complication grave comportant pâleur,
tachycardie, hypertension artérielle, sueurs, encombrement bronchopulmonaire, associé à une
fièvre très élevée et à une grande rigidité. Celle-ci comporte un risque de rhabdomyolyse
faisant toute la gravité de ce syndrome. Il évolue vers le coma puis le décès du patient. La
régression est possible suite à l'arrêt immédiat du traitement neuroleptique, à la prescription
de dantrolène et aux mesures de réanimation classique. Ce phénomène n'est pas toujours dose
dépendant et sa physiopathologie est discutée (phénomène idiosynchrasique, toxicité directe,
hypersensibilité des neurorécepteurs).
Il entraîne le plus souvent une somnolence. A forte dose, un état d'agitation et des convulsions
sont possibles. L'association avec la carbamazépine provoque des céphalées, une ataxie, une
asthénie. Des interactions sont également signalées avec les autres antiépileptiques.
Morphiniques
Outre les signes digestifs (nausées, vomissements, constipation), les morphiniques peuvent
entraîner une diminution des capacités intellectuelles, une inhibition psychomotrice, une
dysthymie. Ces troubles peuvent également survenir lors du sevrage.
Une encéphalopathie peut être associée aux autres effets secondaires de la molécule (hépatite
cytolytique, neuropathie optique, polyneuropathie). Elle comporte une obnubilation, un
ralentissement, une confusion mentale, des troubles de la mémoire, de l'humeur, parfois une
catatonie et des épisodes comitiaux.
Dexfenfluramine (Isoméride®)
Cet anorexigène peut entraîner une somnolence, parfois des céphalées et une sensation
ébrieuse, plus rarement quelques cas de syndrome dépressif ont été signalés. Il s'agit d'un
médicament déconseillé aux patients ayant des antécédents psychiatriques.
Amphétamines (Anorex®)
Le surdosage est responsable d'une agitation psychomotrice, d'une euphorie, d'une anxiété,
d'hallucinations et parfois d'une confusion mentale. Un syndrome psychotique peut apparaître
ainsi que des états dépressifs majeurs, notamment chez les toxicomanes. Ces molécules
peuvent favoriser les crises d'épilepsie.
Sont surtout décrits des tableaux d'hypertension intracrânienne bénigne et des effets mimant
une pathologie psychiatrique, que ce soit une dépression, un état maniaque, une démence.
Bêtabloquants
Ils peuvent être à l'origine de troubles sensoriels, mais également de confusion mentale, et
beaucoup plus exceptionnellement de mouvements involontaires et de dystonies musculaires.
Digoxine [20]
Le surdosage peut entraîner des troubles de la vigilance pouvant aller jusqu'au coma, ou bien
une dysthymie, des hallucinations, une bouffée délirante, mais plus souvent fatigue, anorexie,
irritabilité, nausées, vertiges, convulsions.
Théophylline [47]
Ce produit peut provoquer des convulsions, une agitation, une confusion mentale, des
céphalées en cas de surdosage.
Plusieurs syndromes neuropsychiques ont été rapportés avec confusion mentale, agitation,
délire, voire coma, crises d'épilepsie et myoclonies. Ont été signalés également des syndromes
extrapyramidaux et cérébelleux, des troubles visuels, voire des hallucinations.
Bêtalactamines [53]
Elles agissent par toxicité directe sur l'encéphale, provoquant des convulsions généralisées ou
non, des myoclonies, des troubles de la conscience, un coma. Les facteurs favorisants sont
surtout le surdosage, l'insuffisance rénale, les modifications de la barrière hématoméningée, la
préexistence d'une pathologie du système nerveux central. Toutes les bêtalactamines peuvent
être en cause mais le plus souvent il s'agit de la pénicilline standard, l'oxacilline, les
carboxypénicillines, la céfazoline et l'imipénème. Des tableaux cliniques plus variés
(hallucinations, excitation psychomotrice, myoclonies, confusion) sont signalés surtout avec
les céphalosporines (ceftazidime [59]).
Isoniazide (Rimifon®)
Des effets secondaires neurologiques apparaissent lors de traitements à forte dose chez les
acétyleurs lents. Ils sont souvent expliqués par une carence en vitamine B6. Ils comprennent,
outre la classique polynévrite, des troubles psychiques, des troubles du comportement et de la
mémoire, une comitialité, une irritabilité, des vertiges.
Métronidazole (Flagyl®)
Des cas de céphalées, vertiges, des états dépressifs sont signalés. Il existe des
encéphalopathies avec un syndrome confusionnel et un syndrome cérébelleux, mais les
polyneuropathies sont plus fréquentes.
Tétracyclines
Elles peuvent provoquer, surtout chez l'enfant, parfois chez l'adulte, une hypertension
intracrânienne bénigne, quelques heures à 4-5 jours après le début du traitement [27].
Méthotrexate [35]
Ils sont utilisés notamment dans les myélographies et peuvent entraîner une confusion, des
convulsions, une aphasie, des mouvements anormaux.
Lithium [43]
L'encéphalopathie à l'aluminium était essentiellement iatrogène, chez des patients dialysés par
des eaux à forte teneur en aluminium et recevant des gels d'alumine. D'autres cas rares
d'intoxication sont décrits (mineurs, corps étrangers...). La symptomatologie est marquée par
l'apparition lente et progressive d'une dysarthrie et d'une altération des fonctions supérieures.
Puis apparaissent des troubles de la conscience, des hallucinations, une apraxie et des
myoclonies ainsi que des crises d'épilepsie pouvant aboutir à un véritable état de mal.
L'électroencéphalographie est très précocement altérée avec des bouffées delta bilatérales de
haut voltage, synchrones et monomorphes. Le taux d'aluminium physiologique dans le sang
est inférieur à 0,4 μmol/L mais la symptomatologie est présente le plus souvent à partir de 3
μmol/L d'aluminium, ce taux atteignant fréquemment plus de 10 μmol/L. L'évolution naturelle
se fait vers la mort, mais des évolutions favorables sont possibles en cas d'interruption rapide
de l'exposition. L'efficacité des chélateurs n'est pas prouvée.
Des syndromes psychiatriques de type anxiodépressif ont été décrits lors de chrysothérapies.
Ils comportent des troubles du sommeil, un état maniaque, une confusion mentale, des
hallucinations. Une polyneuropathie est souvent associée. Il ne semble pas y avoir de
parallélisme entre la dose de sels d'or et la symptomatologie.
Bismuth [9]
L'encéphalopathie au bismuth toucha près d'un millier de victimes en France entre l'année de
sa découverte (1973) et son retrait de la pharmacopée (1978). La clinique comprenait au début
des troubles de l'humeur et du comportement, des céphalées et des vertiges. Puis le tableau se
complétait d'une confusion mentale, d'une astasie-abasie, de troubles de l'équilibre, d'une
dysarthrie, de myoclonies, de troubles du tonus et d'épisodes convulsifs généralisés. Les
récentes découvertes au sujet des infections gastroduodénales à Helicobacter pylori, pour
lesquelles certains utilisent à nouveau le bismuth, pourraient replacer ce sujet dans l'actualité.
Toutefois, cette prescription demeure limitée à des posologies qui ne semblent pas
susceptibles de provoquer de nouvelles encéphalopathies.
En présence d'un tableau clinique d'encéphalopathie aiguë ou subaiguë, tableau assez peu
spécifique, il faut toujours penser à une cause toxique ou métabolique. En dehors des cas
survenant dans un contexte pathologique évident, il convient de " dérouler "
systématiquement les différentes rubriques qui viennent d'être étudiées. C'est au prix de cette
démarche que peuvent être identifiées rapidement les encéphalopathies.
Toute référence à cet article doit porter la mention : Frédéric Dubas, Christophe Verny.
Encéphalopathies métaboliques et toxiques. EMC - Neurologie 1996:1-0 [Article 17-055-A-
70].