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Table des matières


1. INTRODUCTION ................................................................................................................................................. 2
2. LE CADRE ANALYTIQUE DE LA RECONNAISSANCE DE L’EXÉCUTION DES JUGEMENTS
RENDUS À L’ÉTRANGER ......................................................................................................................................... 2
3. LA PERCEPTION CONGOLAISE SUR LES JUGEMENTS RENDUS A L’ÉTRANGER ................ 7
3.1. La reconnaissance des décisions étrangères.................................................................................... 10
3.1.1. Notion .......................................................................................................................................................... 10
3.1.2. Conditions de validité et procédure .................................................................................................. 10
3.2. De l’exécution des jugements d’exequatur ........................................................................................... 12
3.3. Examen d’un cas jurisprudentiel ............................................................................................................... 14
4. CONCLUSION.................................................................................................................................................... 17
2

1. INTRODUCTION

Les jugements prononcés à l’étranger se heurtent aux


frontières des Etats : ils ne bénéficient d’une reconnaissance devant
les organes d’un Etat étranger que dans les conditions fixées par cet
Etat.

Le juge de l’exequatur ne peut pas réviser la décision


étrangère au fond mais il dispose d’un pouvoir de révision afin de
contrôle, y compris pour apprécier la compétence indirecte du juge
étranger. Bien que le régime de la reconnaissance et de l’exécution
des décisions étrangères soit de plus en plus souple en droit
commun, sans doute sous l’impulsion du droit européen, le contrôle
de la régularité des jugements étrangers n’est pas qu’un contrôle
formel.

Dans le cadre de cette étude, il sera question de prendre en


charge le cadre analytique de la reconnaissance de l’exécution des
jugements rendus à l’étranger (I), dans un premier temps et, dans un
deuxième temps, la perception congolaise sur ces jugements (II).

2. LE CADRE ANALYTIQUE DE LA RECONNAISSANCE DE L’EXÉCUTION


DES JUGEMENTS RENDUS À L’ÉTRANGER

Jadis, la théorie du juge naturel1 conduisait à accueillir en


France, sans formalité, les jugements étrangers rendus contre un
étranger par son juge naturel, tandis que les jugements rendus à
l’étranger contre un Français étaient réputés non avenus. L’arrêt Parker
du 19 avril 18192 a mis un terme à cette disparité de traitements et a
commencé à forger un régime d’exequatur des jugements étrangers.

Néanmoins, le juge de l’exequatur exerçait sur les

1
J. Hudault, « Sens et portée de la compétence du juge naturel dans l'ancien droit
français », Rev. Crit. DIP 1972, p. 27.
2
Cass. civ., 19 avr. 1819, Parker : B. Ancel et Y. Lequette, Grands arrêts de la
jurisprudence de droit international privé, 2006, Dalloz, p. 6, n° 2.
3

jugements étrangers un pouvoir de révision. Cela permettait de refuser


de reconnaître et d’exécuter un jugement étranger dès lors que la
solution consacrée par le juge étranger différait de celle que le juge
français aurait lui-même adoptée.

L’arrêt Munzeren 19643 a condamné la révision des


jugements étrangers et imposé un contrôle de leur régularité. Les cinq
points de contrôle énoncés par la Cour de cassation en 1964 ont peu à
peu été réduits à trois4. Désormais, en dehors de toute convention
internationale ou de règlement européen, le juge français doit
s’attacher à vérifier la compétence indirecte du juge étranger, la
conformité à l’ordre public international de fond et de procédure, et
l’absence de fraude.
C’est précisément la question de la compétence indirecte
du tribunal étranger qui était au cœur de l’affaire qui a donné lieu à
l’arrêt de la Cour de cassation du 3 mars 2021.

En l’espèce, en 2004, les associés de la société Falco, une


société Belge en formation, avaient conclu un contrat avec une société
américaine, la société Jani-King, pour développer un réseau de
franchise sur le territoire belge. Le contrat, soumis au droit de l’État
du Texas, prévoyait que le franchiseur, la société Jani-king, mette à
disposition de la société Falco son savoir-faire et ses signes
distinctifs (logos, marque…) et, en contrepartie, l’entreprise belge
devait s’acquitter des redevances calculées sur ses résultats et
respecter une obligation de non-concurrence.

Dès 2010, la société belge a commencé à ne plus payer


ses redevances en prétextant des difficultés sur le marché belge
avant de mettre un terme au contrat en 2014. C’est à ce moment que la
société Jani-King s’est rendu compte qu’en réalité les associés de la
société Falco, loin d’agir dans le meilleur intérêt commun comme ils
l’avaient laissé croire lors de multiples communications, avaient fourni
de faux rapports financiers et s’étaient livrés à de la concurrence

3
Cass. 1re civ., 7 janv. 1964, n° 62-12438 : Rev. Crit. DIP 1964, p. 344, note H. Batiffol.
4 L’arrêt Bachir (Cass. 1re civ., 4 oct. 1967, n° 66-10294 : Rev. Crit. DIP 1968, p. 98,

note P. Lagarde) a supprimé le contrôle de la régularité de la procédure à l’étranger et


l’arrêt Cornelissen (Cass. 1re civ., 20 févr. 2007, n° 05-14082 : Rev. Crit. DIP 2007, p.
420, note H. Muir Watt) a supprimé le contrôle de la compétence de loi appliquée.
4

déloyale en utilisant clandestinement tous les éléments mis à leur


disposition par la société Jani-King.

Cette dernière s’est donc prévalue des agissements


frauduleux de la société et de chacun de ses associés pour réclamer
une compensation devant le tribunal du district de Dallas qui s’est
reconnu compétent à l’égard des défendeurs et les a condamnés à
payer diverses sommes. Parmi les associés, l’un d’eux, M. F., était
domicilié en France. Ceci explique pourquoi la société Jani-king a
sollicité l’exequatur du jugement texan en France.

Quoi qu’il en soit, tant le tribunal de grande instance que la


cour d’appel de Paris ont ordonné l’exequatur. M. F. se pourvoit alors
en cassation en arguant du fait que les juges du fond n’ont pas
correctement apprécié la compétence internationale du juge texan. Il
leur reproche notamment de ne pas avoir réexaminé certains faits qui
avaient fondé la compétence du juge étranger.

Or, la cour d’appel s’y était précisément refusée en retenant


que le tribunal de Dallas avait déduit sa compétence de la
commission des fraudes alléguées dans l’État du Texas et qu’il «
n’appartient pas au juge de l’exequatur de réviser au fond la décision
étrangère en remettant en cause la réalité des faits » dont le juge
étranger a déduit sa compétence. Mais ce faisant, la cour d’appel
mettait en œuvre une conception erronée du contrôle de la
compétence indirecte du juge étranger.

Par ailleurs, il sied de noter qu’à vrai dire, le demandeur au


pourvoi avait déjà soulevé une exception d’incompétence devant le
tribunal du district de Dallas et la question de savoir si le juge texan
était compétent pour juger des « non-résidents » avait fait l’objet d’un
arrêt de la cour d’appel du Texas5.

La plupart du temps, aux États-Unis, les tribunaux d’un


État se reconnaissent compétents à l’égard des défendeurs qui
résident dans l’État en question, mais il y a aussi des exceptions

5
Jani-King Franchising, Inc. c/ Falco Franchising, SA 2016 WL 2609314 (Tex. App. May
5, 2016). V. aussi le Memorandum Opinion Before Justices Lang, Brown, and
Schenck/Opinion by Justice Schenck (https://lext.so/nw7lRC).
5

prévues par des lois spéciales. Ainsi, le Code de procédure civile du


Texas6 admet qu’un tribunal texan se déclare compétent à l’égard
d’un non-résident lorsque ce dernier entretient un flux d’affaires au
Texas ou qu’il est à l’origine d’un fait dommageable qui se réalise au
moins partiellement au Texas et que la compétence ainsi reconnue
n’est pas incompatible avec les garanties procédurales dues au
défendeur. À cet égard, il convient de vérifier que le défendeur
entretient un minimum de contacts au Texas et de s’assurer que cela
permet une bonne administration de la justice.

Cette règle avait été appliquée par le juge texan qui avait
constaté, à l’égard de M. F. notamment, que les fraudes dont la société
Jani-king se plaignait s’étaient matérialisées au Texas où le défendeur
s’était rendu plusieurs fois. Il en résultait que le délit s’était au moins
partiellement réalisé au Texas où le défendeur avait entretenu des
contacts effectifs avec le demandeur, et qu’il était dans l’intérêt de la
bonne administration de la justice que le tribunal du district de Dallas
soit compétent7.

Devant le juge de l’exequatur, M. F. s’était placé sur le


terrain de l’incompétence indirecte du juge étranger. Or la cour d’appel
de Paris s’était contentée de constater que le tribunal du district de
Dallas avait relevé un certain nombre d’éléments qui lui avaient permis
d’en déduire que les fraudes contre le défendeur relevaient bien de sa
compétence.

Autrement dit, les juges du fond s’étaient assurés que le


tribunal de Dallas s’était déclaré compétent en application de ses
propres règles de compétence, et refusaient de remettre en cause
cette application. En soi, une telle position est logique dans la mesure
où le juge français serait bien mal placé pour donner des leçons de
droit étranger au juge étranger.

C’est d’ailleurs pour cela que le courant jurisprudentiel qui


s’était attaché au contrôle de la compétence du juge étranger au

6
Texas Civil Practice and Remedies Code, § 17042.
7
Sur la protection des franchiseurs, s’agissant de la compétence juridictionnelle aux
USA, voir le rapport International Franchise Association 50th Annual Legal Symposium
May 7-9, 2017 JW Marriott Washington (https://lext.so/1KinBU).
6

regard de ses propres règles de compétence8 n’a pas été suivi par la
Cour de cassation.

Cette dernière s’est en effet inspirée des travaux de Dominique


Holleaux9, partisan d’une appréciation autonome de la compétence
internationale indirecte du juge étranger dans le cadre du contrôle de la
régularité des jugements étrangers.

Ainsi, l’arrêt Simitch10 a consacré le principe selon lequel «


chaque fois que les règles de compétence françaises n’attribuent pas
de compétence exclusive aux tribunaux français, le tribunal étranger
doit être reconnu compétent si le litige se rattache d’une manière
caractérisée au pays dont le juge a été saisi et si le choix de la
juridiction n’a pas été frauduleux ».

Il faut noter que les cas de compétence exclusive sont très


réduits. En effet, la Cour de cassation considère que les articles 14 et
15 du Code civil ne confèrent plus une compétence exclusive aux
juridictions françaises lorsque le demandeur ou le défendeur est
français. Cette position résulte, pour l’article 14, de l’arrêt Fercométal
du 22 mai 200711 et pour l’article 15, de l’arrêt Prieur du 23 mai 200612.

Il serait donc vain en l’espèce de mettre en avant, le cas


échéant, la nationalité du défendeur, à supposer qu’il soit français.

Parallèlement, on remarque que la formule employée par la


Cour de cassation dans l’arrêt commenté est plus épurée que celle de
l’arrêt Simitch. Elle ne fait nullement référence à l’absence de saisine

8 V. not. CA Paris, 16 déc. 1959, Hohenzollern : D. 1961, p. 239, note G. Cornu ; JDI 1960,
p. 1038, note
A. Ponsard.
9
D. Holleaux, Compétence du juge étranger et reconnaissance des jugements, vol. IX,
1970, Dalloz, Bibliothèque de droit international privé.
10 Cass. 1re civ., 6 févr. 1985, n° 83-11241, Simitch : Rev. Crit. DIP 1985, p. 243, note P.
Francescakis ;
D. 1985, p. 469, note J. Massip.
11 Cass. 1re civ., 22 mai 2007, n° 04-14716, Fercométal : Bull. civ. I, n° 195 ; JDI 2007,

comm. 17,
p. 956, note B. Ancel et H. Muir Watt.

12Cass. 1re civ., 23 mai 2006, n° 04-12777, Prieur : Bull. civ. I, n° 254 ; JCP G 2006, II
P. Callé ; JDI 2006, p. 1377, note C. Chalas.
10134, note
7

frauduleuse du juge étranger. Cette simplification n’est pas nouvelle 13.


Cela dit cette omission ne prête pas à conséquence. La Cour de
cassation l’a rappelé sous le visa de l’article 509 du Code de procédure
civile, le contrôle de la régularité du jugement étranger passe aussi par
la vérification de l’absence de contrariété à l’ordre public et l’absence de
fraude. À vrai dire, la fraude à la compétence est plutôt envisagée
comme une condition autonome.

Quoi qu’il en soit, ici la Cour de cassation n’a pas pris


parti sur l’existence ou l’absence de lien caractérisé, il reviendra à la
cour d’appel de renvoi de le faire. Néanmoins, l’exigence du
rattachement du litige au pays d’origine de la décision n’implique pas
que l’ensemble des éléments du litige soit localisé dans ce pays.
D’ailleurs, il a déjà été jugé à propos d’une action en responsabilité
contre un dirigeant que le siège de l’entreprise victime de ses
agissements frauduleux en Arizona rattachait le litige de manière
caractérisée à cet État alors que tous les autres éléments du litige,
et notamment la nationalité et le domicile du défendeur, étaient
localisés en France14.

En réalité, c’est surtout la maladresse de la cour d’appel qui


a été sanctionnée car, si l’on s’en tient au lieu de réalisation du délit,
nul doute que cela puisse constituer un lien caractérisé. D’ailleurs,
en droit français, l’article 46 du Code de procédure civile retient ce
chef de compétence en matière délictuelle.

Mais évidemment, encore fallait-il trancher la question de la


nature contractuelle ou délictuelle du litige, et la cour d’appel s’est
opposée à tout contrôle de la qualification opérée par le juge étranger
sous couvert du principe d’interdiction de la révision de la décision
étrangère. C’était là méconnaitre son office.

3. LA PERCEPTION CONGOLAISE SUR LES JUGEMENTS RENDUS A

13V. not. Cass. 1re civ., 20 févr. 2007, n° 05-14082 : Bull. civ. I, n° 68 ; JCP G 2007,
act. 107, obs.
C. Bruneau – Cass. 1re civ., 29 janv. 2014, n° 12-28953 : Rev. Crit. DIP 2014, p. 609, note C.
Chalas.
14
Cass. 1re civ., 11 févr. 2015, n° 14-10074.
8

L’ÉTRANGER

Le droit de l’exécution en ce compris les voies


d’exécution des décisions de justice a subi peu à peu, dans la
plupart des législations, des réformes sans doute lentes mais bien
concrètes.

Ces réformes issues des textes souvent anciens voire


obsolètes sont généralement le fruit d’une lente évolution liée à de
profondes mutations économiques et sociales telles que
l’immatérialisation progressive des patrimoines, l’instabilité de l’emploi,
le pouvoir d’achat, la crise économique, le poids et la complexité des
procédures, etc.

Par ailleurs dans le système juridique traditionnel écrit René


Lauba, il était admis que le juge ne devait pas s’intéresser à
l’exécution de ses décisions qui relevaient essentiellement de la
sphère privée des parties, même s’il fallait parfois recourir à la force
publique. La décision de justice se suffisait à elle-même et le juge, en
rappelant la règle de droit avait définitivement joué un rôle de « bouche
de la loi »15.

Cette conception, poursuit l’auteur, a prévalu tout au long du XIX ème


siècle et jusqu’il y a près de quatre décennies. L’évolution des
législations a donné lieu à la mise en place d’un corpus juridique
cohérent en matière d’exécution, du moins au sein des Etats car au-delà
de ses frontières étatiques, une telle exécution soulève encore de
nombreux questionnements et d’innombrables difficultés.

En effet, il est apparu que la complexité, la lenteur et le


caractère désuet des voies d’exécution existantes constituaient un frein
à la mise en œuvre des titres exécutoires, en particulier lorsqu’il
s’agissait de recouvrer des impayés du crédit de consommation ou nés
des rapports commerciaux face à la massification des contentieux, liée
à l’extraordinaire développement de la société de consommation puis à
l’état de crise économique structurelle dans lequel nous évoluons

15 LAUBA R., Le Contentieux de l’Exécution, Paris, 12ème éd, Lexis Nexis, 2014, p.1.
9

désormais.

Par ailleurs la diversité des systèmes et la particularité des


règles qui président à la mise en œuvre de la justice, depuis la saisine
du juge jusqu’au prononcé et à l’exercice des voies de recours
rajoutent me semble-t-il à la difficulté d’appliquer dans un Etat, une
décision rendue dans un autre Etat.

Ainsi se comprend aisément la nécessité, mieux la


pertinence du thème proposé à la réflexion de tous dans une époque
où de plus en plus l’on sent une sorte de dynamique propre à la
judiciairisation de l’exécution.

Deux écueils méritent d’orès et déjà d’être évacués. Le


premier tient à ce que ces quelques développements ne visent que les
décisions justice, mettant hors champ les décisions émanant d’autres
instances non étatiques mais qui ne soient pas des juridictions au sens
d’instances chargées de vider les différends et dont les décisions
s’imposent aux parties (Sentences arbitrales, accord de médiation,
compromis etc.)

Car et en pareille occurrence, des instruments juridiques


existent afin de régler les problèmes posés par les sentences rendues
à l’étranger (Convention de New York de 1958).

Le second écueil, résulte de ce qu’il sera essentiellement


fait allusion aux décisions émanant des contestations civiles,
commerciales ou prud’hommenales, à l’exclusion du contentieux pénal
qui lui, obéit à un régime d’exécution propre.

L’intitulé du thème suggérera le cheminement de notre


exposé qui s’articulera sur la reconnaissance des décisions étrangères
(A) avant d’examiner leur mise en œuvre ou exécution au sein des
Etats(B) et atterrir sur l’examen de quelques cas jurisprudentiel (C).
10

3.1. La reconnaissance des décisions étrangères


3.1.1. Notion
En règle générale, les jugements étrangers (on peut y ajouter
à juste titre les sentences arbitrales et les actes publics) constituant titres
exécutoires ne peuvent devenir exécutoires, plus exactement ne
peuvent trouver application au sein d’un autre Etat qu’après avoir subi le
contrôle de l’autorité judiciaire et notamment l’apposition de l’exéquatur,
c’est-à-dire la reconnaissance par un juge de leur caractère exécutoire en
cet Etat.

En d’autres termes, cette procédure permet de donner force


exécutoire à une décision ou un acte déjà exécutoire dans son pays
d’origine.

Concrètement chaque Etat précise dans sa législation


(généralement le code d’organisation judiciaire) les conditions, la
procédure et la juridiction compétente pour statuer sur les demandes
en reconnaissance et en exequatur les décisions judiciaires et actes
publics étrangers.

A ce sujet, Matadi Nenga, écrit : « Les jugements, arrêts et


ordonnances sont revêtus de la formule exécutoire. Les jugements rendus
à l’étranger (sauf convention internationale) n’obtiennent la force
exécutoire qu’au terme d’une procédure d’exequatur conduite devant le
Tribunal de Grande Instance (…) »16.

L’auteur poursuit, les jugements étrangers soumis à


l’exequatur et rendus exécutoires en République Démocratique du
Congo sont des titres exécutoires.

Il va de soi que cette reconnaissance obéit à une


procédure réglée par la législation interne de l’Etat exécutant.

3.1.2. Conditions de validité et procédure

A l’instar de plusieurs autres législations, la loi organique du


11 avril 2013 portant organisation, fonctionnement et compétences des

16 MATADI NENGA GAMANGA J., Droit Judiciaire privé, Bruxelles, éd. Bruyant, 2006,
p.550.
11

juridictions de l’ordre judiciaire en République Démocratique du Congo


prévoit en son article 119 que les décisions des juridictions étrangères
sont rendues exécutoires en République Démocratique du Congo,
selon le cas, par les tribunaux de grande instance, les tribunaux de
commerce et les tribunaux de travail, si elles réunissent les conditions ci
– après :

1° Qu’elles ne contiennent rien de contraire à l’ordre public congolais ;

2° Que d’après la loi du pays où les décisions ont été rendues, elles
soient passées en force de chose jugée ;

3° Que, d’après la même loi, les expéditions produites réunissent les


conditions nécessaires à leur authenticité ;

4° Que les droits de la défense aient été respectés ;

5° Que le tribunal étranger ne soit pas uniquement compétent en raison de


la nationalité du demandeur ».

L’article 121 de la loi prérappelée dispose : « Les actes


authentiques en forme exécutoire qui ont été dressés par une autorité
étrangère sont rendus exécutoires en République Démocratique du Congo
par les tribunaux de grande instance aux conditions suivantes :

1° Que les dispositions dont l’exécution est poursuivie n’aient rien de


contraire à l’ordre public congolais.

2° Que d’après la loi du pays où ils ont été passés, ils réunissent les
conditions nécessaires à leur authenticité ».

L’article 509 du code de procédure civile français précise


à cet égard que les jugements rendus par les tribunaux étrangers et
les actes reçus par les officiers étrangers sont exécutoires sur le
territoire de la République de la manière et dans les cas prévus par la
loi.

Il convient de préciser écrit René Lauba, que pour


bénéficier de l’exequatur, la décision étrangère ne doit pas heurter la
conception française de l’ordre public international. Tel est le cas
lorsque cette décision n’est pas motivée, à moins que les pièces de
fond et de procédure (conclusions ou comptes rendus de débats), ne
12

viennent suppléer cette motivation défaillante. Cette exigence est la


garantie que la partie condamnée à l’étranger a bénéficié d’un procès
équitable17.

La cour de cassation française a jugé qu’un jugement


interprétatif de la décision dont la reconnaissance est demandée peut
suppléer l’absence de motivation à condition qu’il ait été rendu avant
la saisine de juge de l’exequatur18.

Ainsi, dans sa description, l’exequatur d’un jugement


étranger n’est pas un acte de procédure contentieuse à proprement
parler au sens que les points de vérification que le juge doit effectuer
rapprochent son acte de celui de l’homologation.

Cependant, et c’est à ce niveau que le problème apparait, au


plan de procédure, la vérification dont allusion ci avant se fait de façon
contradictoire au cours d’une audience publique et pour laquelle les
parties concernées sont dûment appelées. La procédure donne ainsi à
l’exequatur un régime mixte.

En effet, la procédure d’exequatur requiert l’assignation de


la partie contre laquelle on veut exécuter.

Au reste, l’exequatur est accordé en forme d’un jugement


dont l’exécution doit en toute logique être poursuivie.

3.2. De l’exécution des jugements d’exequatur

Revêtu de la forme exécutoire, le jugement étranger reconnu


par la juridiction de l’Etat exécutant constitue un véritable titre
exécutoire.

Il importe de savoir que, la formule exécutoire n’est pas à


elle seule suffisante pour l’exécution. Elle doit, en outre, être notifiée
par voie de signification aux personnes contre qui l’exécution sera
poursuivie. Il arrive cependant que la décision soit exécutoire au seul

17
LAUBA R., Le Contentieux de l’Exécution, Op.cit, p.37.
18
Cass. 1 Civ 22 oct. 2008, n°11- 23-871 ; JCP G2012, P.2086 n°1231, obs E. Cornet.
13

vu de la minute, sans que l’on ait besoin de lever l’expédition et de


signifier la décision. En tel cas, la décision est exécutoire dès le
prononcé.

En somme, le jugement exéquaturé est exécuté comme


tout jugement émanant des juridictions de l’Etat dans lequel l’exécution
est poursuivie. Ceci implique que le bénéficiaire peut mettre en œuvre
tous les mécanismes prévus dans l’arsenal juridique dudit Etat, en
l’espèce recourir aux voies d’exécution forcée en cas d’inexécution
volontaire, notamment par le biais du greffe ou l’huissariat selon le cas.

Il apparait utile de signaler à ce stade que les décisions de justice


et les actes authentiques rendus ou établis dans un Etat membre de
l’Union Européenne, sont reconnus et exécutés dans les autres Etats
membres, selon un régime simplifié adopté à l’origine par la convention
de Bruxelles du 27 septembre 1968, laquelle se trouve aujourd’hui
remplacée par le règlement (CE) du 22 décembre 2000 (n° 44/2001)
dénommé règlement Bruxelles I.

Selon les articles 32 et suivants de ce règlement, les


décisions rendues en matière civile et commerciale dans un Etat
contractant, sont reconnues dans les autres Etats contractants, sans
qu’il soit nécessaire de recourir à une procédure.

Le règlement, à l’article 34, dresse la liste des vices


faisant obstacle à la reconnaissance de certaines décisions.

Selon les articles 38 et suivants dudit règlement, les


décisions rendues exécutoires, peuvent être mises à exécution dans
les autres Etats, après y avoir été revêtues de la formule exécutoire sur
requête de toute partie intéressée.

Il convient de signaler toute fois que ce règlement du 22


décembre a été refondu par le Conseil de l’Union Européenne de 6
décembre 2012, dans un but de simplification et d’accélération des
procédures. Il doit supprimer la procédure de déclaration constatant la
force exécutoire d’une décision dans un autre Etat membre. Ainsi,
selon le nouvel article 39, une décision rendue dans un Etat membre
d’origine, elle le sera dans les autres Etats membres sans déclaration.
14

Les autorités d’exécution de l’Etat membre requis devront donc


exécuter la décision étrangère sur simple communication d’une copie
de celle- ci si elle réunit les conditions nécessaires pour en établir
l’authenticité ainsi qu’un certificat attestant de son caractère exécutoire
délivré par la juridiction d’origine.

Il appartient dès lors au débiteur souhaitant contester la


régularité de la décision étrangère et partant son exécution, d’intenter
un recours dans l’Etat d’exécution qui ne sera pas suspensif. Le
règlement résultant de la refonte doit commencer à s’appliquer deux
ans après son entrée en vigueur19.

3.3. Examen d’un cas jurisprudentiel

Etant donné que nous ne sommes pas à mesure de trouver


un jugement d’exequatur du tribunal de Grande Instance de
Kinshasa/Matete pour compléter notre travail, nous nous sommes
référés à un cas d’un jugement d’exequatur rendu en Allemagne et
exécuté au tribunal de Grandes Instances de Kinshasa Gombe dont la
copie est en annexe du présent travail.

Par sa requête du 25/01/2020 adressée à Monsieur le


Présent du Tribunal de Céans), partie requérante sollicite I'obtention
d'un jugement d'exequatur dont voici la teneur :

Monsieur le Président,

Je soussigné, Monsieur Michel Nya O'leontwa, de


nationalité Allemande ; né le 11.02.1950 à Kinshasa, République
Démocratique du Congo, ayant pour résidence permanente et fixe en
République Fédérale d'Allemagne sur Steinnetzstrasse 26, 85L65
Àugsburg/Bayern et résidant temporairement en République
Démocratique du Congo sur rue Mbomu n°134, Quartier Ngbaka,
Commune de Kinshasa, Ville de Kinshasa ;

19 CINIBERTI G., La Réforme du règlement, Bruxelles I, Dr et Proc 2013, p.26.


15

Ai I'honneur de venir par la présente requête devant votre


auguste Tribunal, solliciter l'exequatur du jugement rendu en matière
du contentieux matrimonial par 1e tribunal de Grande instance de
Cologne-Tribunal de Famille (Amtsgerich, KoIn-Familiengericht) en
République Fédérale d'Allemagne en date du 02.07.2010, sous le
numéro 312 F 73/10 aux motifs ci-dessous énoncés :

Attendu que Ie Requérant et Madame Marie-Louise-


Huguette Nya Ekombo-Tooka, s'étaient unis en contractant un mariage
coutumier à Kinshasa, République Démocratique du Congo, le
25.11.1989 ;

Que ce mariage a été inscrit en date du 11.01.1990 au


registre prévu par l'ordonnance n°21/164 du 16 mai 1949 du
Gouverneur Général sous Ie n°16/90, F°2, Vol.1, au bureau de l'état-
civil de Ia Commune de Kinshasa, Ville de Kinshasa, République
Démocratique du Congo ;

Attendu que par sa décision rendue en date du 02.07.2010


sous le numéro 312 F 73/10, le Tribunal de grande instance de
Cologne-Tribunal de Famille (Amtsgerich, KoIn-Familiengericht),
siégeant en matière du contentieux matrimonial dans la cause
Madame Marie-Louise-Huguette Nya Ekombo- Tooka contre Monsieur
Michel Nya O'leontwa (le Requérant), a dissous ce mariage ;

Que cette décision cau1ée en force de la chose jugée


depuis le 29.03.2011, fut notifiée Ie 05-05.2011 au requérant-Monsieur
Michel Nya O'leontwa. (Annexe 1- Copie de l’expédition en forme
exécutoire du jugement a quo en langue allemande ainsi que de sa
traduction offiicielle en langue française telle que légalisée, authentifiée
et certifiée conforme à l'original par le Notaire Alexander Sturz de la
ville d'Augsburg, le Président du Tribunal de Instance de la Ville
d'Augsburg en République Fédérale d'Allemagne et par le Chancelier
Yves Patrick Fatrick LiHaau Moleli de l'Ambassade de la République
Démocratique du Congo en République Fédérale d'Allemagne à
Berlin) :
Attendu que conformément aux dispositions des articles
119 et l21 de La loi organique n°13/11-B du 11 Avril 2013 portant
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organisation, fonctionnement et compétences des juridictions de l'ordre


judiciaire en République Démocratique du Congo, il échet de déclarer
cette décision exécutoire en République démocratique du Congo ;
Qu'en conséquence, il y a lieu que cette décision exécutoire
soit assortie d'effet rétroactif à la date de la notification du requérant de
I’expédition en forme exécutoire du jugement a quo ;
PAR CE MOTIFS et tous autres à faire valoir en cours
d'instance ; Qu'il plaise à votre Tribunal :
− de dire recevable et fondé ma requête ;
− de déclarer exécutoire en République Démocratique du Congo le
jugement a quo conformément aux dispositions des articles 119 et
121 de la 1oi organique n°13/11-B du 11 Avri1 2013 portant
organisation, fonctionnement et compétences des juridictions de
l'ordre judiciaireen République Démocratique du Congo ;
− d'assortir cette décision exécutoire d’effet rétroactif à Ia date du
05.05.2011, date de la notification au requérant, de l’expédition en
forme exécutoire du jugement a quo ;
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4. CONCLUSION

Les développements qui précèdent ont pu sans doute vous


faire sentir et comprendre les problèmes que soulèvent la
reconnaissance et l’exécution des décisions étrangères, lesquelles
relèvent du droit international privé. Bien plus, il importe d’attirer
l’attention sur le fait qu’une telle reconnaissance se bute souvent à un
obstacle majeur : la conception de l’ordre public de l’Etat en charge
d’apposer l’exequatur, si tant est que cette notion est bien contingente
et même fuyante.

De même, il convient que le rôle du juge soit bien circonscrit


dans l’exercice de cette sorte de contrôle juridictionnel d’une décision
rendue par le juge de fond, vidant une contestation.

Il se doit à cet égard de rappeler fermement aux parties,


qu’il ne constitue en aucun cas une voie de recours parallèle leur
permettant de vider de sa substance la décision de justice.

Concrètement, le juge de l’exécution se doit d’apporter une


réponse judiciaire qui tient compte de ses exigences posées en
refusant de remettre en cause le titre exécutoire. Il ne peut en pareille
occurrence, ni modifier le dispositif de la décision de justice qui sert de
fondement aux poursuites, ni à suspendre l’exécution (si ce n’est pour
l’octroi d’un délai de grâce), car son rôle est essentiel dans
l’aménagement de la décision de justice pour un contrôle à priori,
souple et évolutif.

Comme l’on peut s’en apercevoir, entre la remise en cause


du titre et l’aménagement de son exécution, la frontière est tenue et la
tentation du juge sera parfois grande de franchir le Rubicon qui sépare
le paradoxe de la contradiction.

Ce qui précède s’observe dans la pratique à travers


l’analyse des stratégies judicaires des acteurs de ce contentieux
(avocats, parties, huissiers, administration, etc.) qui tentent parfois de
passer sensiblement de l’aménagement à l’ajustement puis à
l’effacement du titre exécutoire.

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