ARBITRAGE
ARBITRAGE
ARBITRAGE
Propos introductifs :
1
Cass. Civ 1er, 22 novembre 2005 DMF janv. 2006 page 16
2
Cass. Com., 21 février 2006 navire Pella DMF mai 2006 page 379
3
16 février 2009 DMF mars 2009 page 2011
1
La contrepartie de cette jurisprudence est à l’encontre des effets recherchés en matière
maritime car elle a pour conséquence la fuite des arbitrages à Londres et dessaisissement des
juges judiciaires français.
Le moyen de contourner cette difficulté est de promouvoir l’arbitrage maritime en France,
notamment en matière de conflit du droit du travail opposant les gens de mer à leurs
armateurs, particulièrement dans le domaine de la grande plaisance.
En conclusion, il est urgent d’améliorer le droit français de l’arbitrage maritime et d’en
étendre son domaine d’application à des domaines d’activité en pleine expansion alors que
d’autres domaines d’activités tels que l’affrètement ou le transport maritime connaissent une
forte baisse de contentieux.
Je laisse la parole à Me le Prado, Avocat à la Cour de cassation et au Conseil d’Etat et
membre de la section maritime de la SLC.
2
1
Certains, dont Philippe Delebecque et, à mon avis, à juste titre, s’en émeuvent.
C’est sans doute cette question qui a conduit les organisateurs de cette rencontre à
retenir le thème suivant : « droit maritime et arbitrage font-ils encore bon ménage ? ».
Henri Motulsky, dans son traité sur l’arbitrage, resté malheureusement inachevé,
définissait ainsi l’arbitrage : l’arbitrage est une justice, une justice privée, une justice
privée d’origine normalement conventionnelle1.
L’origine de cette justice privée est soit une clause d’arbitrage, une clause
compromissoire figurant au contrat qui lie les parties, soit un accord ex post de
soumettre le litige opposant ces parties à l’arbitrage.
1 H. Motulsky, Ecrits, Etudes et notes sur l’arbitrage, préf. B. Goldman et Ph. Fouchard, Dalloz 1974,
p. 5 s.
2
J’aurais, à dire vrai, si j’avais défini moi-même le titre de mon intervention, ajouté un
point d’interrogation à ce titre.
Dans un second temps, ensuite, je m’interrogerai sur les inquiétudes que pourrait
susciter cette jurisprudence (2).
Il était posé indirectement par l’article 1458 ancien du code de procédure civile : « si
le tribunal arbitral n’est pas encore saisi, la juridiction doit également se déclarer
incompétente, à moins que la convention d’arbitrage ne soit manifestement nulle ».
« si devant l’arbitre, l’une des parties conteste dans son principe ou son étendue le
pouvoir juridictionnel de l’arbitre, il appartient à celui-ci de statuer sur la validité ou les
limites de son investiture ».
2
Civ. 2ème, 6 mai 1971, pourvoi n° 70-10592, Bull. II, n° 171.
3
La Cour de cassation y a jugé que « toute juridiction même d’exception, étant juge de
sa propre compétence, l’arbitre a le pouvoir et le devoir, avant tout examen des
demandes des parties, de vérifier si, au regard de la convention d’arbitrage, il est
compétent pour connaitre du différend qui lui est soumis ».
C’est ensuite la première Chambre civile, dans un arrêt du 5 janvier 1999 qui a cité le
principe « selon lequel il appartient à l'arbitre de statuer sur sa propre
compétence »3.
Et notre première Chambre civile, dans le même arrêt, a également abordé la face
négative du principe : elle a censuré la cour d'appel qui avait annulé une clause
compromissoire ; elle a jugé qu’elle n'était pas saisie du litige soumis au tribunal
arbitral et qu’elle devait laisser l'arbitre statuer sur sa propre compétence en vertu du
principe.
La deuxième Chambre civile l’a affirmé dans un arrêt du 27 juin 20026 ou encore, la
première chambre civile, dans un arrêt plus récent du 12 février 20147.
3
Civ. 1ère, 5 janvier 1999, pourvoi n° 96-21430, Bull. I, n° 2.
4
Civ. 1ère, 26 juin 2001, pourvoi n° 99-17120, Bull. I, n° 183.
5
Civ. 1ère, 28 novembre 2006, pourvoi n° 04-10384, Bull. I, n° 513.
6
Civ. 2ème, 27 juin 2002, pourvoi n° 01-13935, Bull. II, n° 146.
7
Civ. 1ère, 12 février 2014, pourvoi n° 13-10346, Bull. I, n° 23.
4
« Lorsqu'un litige relevant d'une convention d'arbitrage est porté devant une
juridiction de l'Etat, celle-ci se déclare incompétente sauf si le tribunal arbitral n'est
pas encore saisi et si la convention d'arbitrage est manifestement nulle ou
manifestement inapplicable ».
Dans le même ordre d’idée, l’article 1465 du code de procédure civile prévoit que « le
tribunal arbitral est seul compétent pour statuer sur les contestations relatives à son
pouvoir juridictionnel ».
Encore une fois, ce principe dans son aspect positif consacre la compétence de
l’arbitre pour statuer sur sa propre compétence ou plus exactement sur son
investiture.
Mais négativement, ce principe interdit au juge étatique de statuer sur cette même
compétence ou cette même investiture.
A dire vrai, le terme de compétence ne me semble pas tout à fait exact pour
expliquer l’éviction du juge national ; il ne s’agit pas tant de la compétence de l’arbitre
que de son pouvoir juridictionnel.
Et le contrôle par l’arbitre de sa propre compétence porte non seulement sur son
étendue, au regard de la convention de l’arbitrage, mais également sur la licéité, sur
la validité de cette même convention.
« Le droit de l’arbitrage, non seulement autorise les arbitres à vérifier les limites de
leur investiture, c'est-à-dire l'étendue de leurs pouvoirs par rapport à la convention
d'arbitrage, mais aussi, et c’est là la nouveauté, la validité de leur investiture, c'est-à-
dire soit l'existence même de la convention d'arbitrage, soit sa licéité ou sa nullité ».
Tempéraments que l’on trouve dans l’article 1448 du code de procédure civile
puisque la compétence du juge étatique est écartée, sauf nous dit-il, si la convention
d’arbitrage est manifestement nulle ou manifestement inapplicable.
8
E. Loquin, J.-Cl. Procédure civile, fasc. 1034, n° 54.
5
Dans un arrêt de la première Chambre civile du 1er décembre 19999, elle a ainsi jugé
que « la nullité manifeste de la convention d'arbitrage est seule de nature à faire
obstacle à l’application du principe compétence-compétence ».
Il existe, il est vrai, un malaise lié à la mise en œuvre par la Cour de cassation de ce
tempérament qu’elle a elle-même admise dans un premier temps, puis qui a été
consacré par l’article 1448 du code de procédure civile.
Malaise qui a conduit sans doute les organisateurs de notre rencontre à qualifier
d’« inquiétante » la jurisprudence de la Cour de cassation sur la mise en œuvre de
ce principe dans son aspect négatif.
Rares, voire rarissimes sont les arrêts dans lesquels la Cour de cassation a accepté
d’admettre qu’une convention d’arbitrage pouvait être manifestement nulle ou
manifestement inapplicable.
9
Civ. 1ère, 1er décembre 1999, pourvoi n° 97-21488, Bull. I, n° 325.
10
Civ. 1ère, 16 mars 2004, pourvoi n° 01-12493, Bull. I, n° 82 ; Civ. 1ère, 30 mars 2004, pourvoi n° 01-
17800, Bull. I, n° 96 ; Civ. 1ère, 8 novembre 2005, pourvoi n° 02-18512, Bull. I, n° 402 ; Com. 23 avril
2013, pourvoi n° 12-12101, Bull. IV, n° 67.
11
E. Loquin, JCl. Procédure civile, fasc. 1034, n° 99.
6
En réalité, la Cour de cassation censure la plupart du temps les cours d'appel qui
admettent le caractère manifeste de la nullité ou de l'inapplicabilité de la clause
d'arbitrage.
Réciproquement, elle rejette la plupart du temps les pourvois faisant grief à ces
mêmes juges d’appel d’avoir refusé de retenir la nullité ou l’inapplicabilité manifestes
de la clause d’arbitrage.
Une péniche avait endommagé un ouvrage géré par l’établissement voie navigable
de France.
La cour d'appel avait jugé que la juridiction étatique était incompétente pour
connaitre de la demande indemnitaire formée par Voie navigable de France en
raison de la clause d’arbitrage stipulée dans la police d’assurance souscrite par le
propriétaire de la péniche.
Le pourvoi reprochait à la cour d'appel d’avoir opposé au tiers lésé cette convention
d’arbitrage à laquelle il n’était pas partie.
La Cour de cassation a rendu sept arrêts sur la validité au sens large de la clause
d’arbitrage.
Parmi ces sept arrêts, celui du 19 décembre 2018 que je viens de vous citer.
Les six autres arrêts ont, soit censuré des cours d'appel qui avaient retenu la
compétence de la juridiction étatique, soit rejeté les pourvois contre des arrêts de
cours d’appel qui avaient fait application des clauses d’arbitrage.
12
Civ. 1ère, 19 décembre 2018, pourvoi n° 17-28951.
7
Cassation car la cour d'appel n’a pas caractérisé que la convention d'arbitrage était
manifestement nulle ou inapplicable.
La Cour de cassation a approuvé une cour d'appel qui avait soumis à la clause
d’arbitrage un litige afférent à l’évaluation de parts sociales.
Derniers arrêts de l’année 2018 que je vous citerai, des arrêts du 11 avril15.
La Cour de cassation a censuré les cours d’appel qui avaient condamné une société
cessionnaire d’actions à garantir la société cédante des condamnations prononcées
au bénéfice de ses salariés en réparation de leur préjudice d’anxiété lié à l’amiante.
La cour d’appel avait refusé d’en faire application au motif que ce traité réglait
seulement les conditions et les garanties de la vente et de l’achat du capital social.
Cassation dans la mesure où notre Cour suprême considère que cette clause
d’arbitrage stipulée dans le purchase agreement n’était pas manifestement
inapplicable en l’occurrence.
En somme, tout au long de l’année 2018, aucune clause d’arbitrage n’a paru aux
yeux de la Cour de cassation manifestement nulle ou inapplicable.
13
Com. 14 novembre 2018, pourvoi n° 17-10184.
14
Com. 10 octobre 2018, pourvoi n° 16-22215, publié au bull.
15
Civ. 1ère, 11 avril 2018, pourvois n° 17-17999 et a. (série de 11 arrêts identiques).
8
La cour d'appel refuse d’appliquer la clause compromissoire, aux motifs que le sous-
traitant n’est pas contractuellement lié au donneur d’ordre principal.
Ce n’est que dans un arrêt du 1er juin 201717 que la Cour de cassation a admis
qu’une clause d’arbitrage était manifestement inapplicable.
Puis, les parties ont conclu un contrat tripartite, lequel ne stipulait plus de clause
d’arbitrage, mais une clause de compétence.
La cour d'appel a retenu que les clauses d’arbitrage des deux premiers contrats
étaient opposables au dernier cessionnaire, dans le litige l’opposant au cédant, ayant
conclu le premier contrat.
Essayons l’année 2016 au cours de laquelle huit arrêts ont été rendus.
16
Civ. 1ère, 13 septembre 2017, pourvoi n° 16-22326.
17
Civ. 1ère, 1er juin 2017, pourvoi n° 16-11487.
9
Je citerai le professeur Clay, dans une chronique parue au Recueil Dalloz 201718,
faisant la recension de tous les arrêts de la Cour de cassation ayant admis la nullité
ou l’inapplicabilité manifeste d’une clause d’arbitrage :
Je vous citerai encore le professeur Clay, dans sa chronique cette fois-ci parue au
Dalloz 201819 :
Tel un talisman, il suffit qu'il figure dans le contrat pour que la convention d'arbitrage
n'apparaisse pas manifestement nulle ou inapplicable.
Et Thomas Clay continue en ajoutant que le simple mot arbitrage suffit pour basculer
dans la justice arbitrale et qu’il s’agit bien d'un mot magique.
Or, faire d’une règle de droit une formule magique n’est peut-être pas de bonne
pratique.
Et le refus d’écarter une clause d’arbitrage peut aboutir à des situations inextricables
pour les parties.
Cette application, trop systématique, revient à appliquer à des parties des clauses
d’arbitrage, pourtant sans doute inapplicables, au seul motif que leur inapplicabilité
n’est pas suffisamment manifeste.
18
T. Clay, D. 2017. 2559.
19
T. Clay, D. 2018.2448.
10
On peut donc se demander si l’arbitre pourra désigner lui-même l’expert, pouvoir que
ne lui reconnait pas l’article 1843-4 du code civil.
En définitive, des clauses d’arbitrage peut-être inapplicables sont donc opposées aux
parties, pour la seule raison que leur inapplicabilité n’est pas manifeste.
Il est alors renvoyé au tribunal arbitral pour statuer sur sa propre compétence.
Mais si une clause est inapplicable, sans l’être manifestement, on fait subir aux
parties une saisine inutile de l’arbitre, ce qui recule d’autant la solution du litige.
J’ajouterai, pour en terminer, qu’on peut s’interroger sur l’articulation que la Cour de
cassation devra opérer entre cette mise en œuvre du principe compétence-
compétence et le nouvel article 2062 du code civil, issu de la loi du 18 novembre
2016 de modernisation de la justice du 21ème siècle, dont je rappellerai les termes :
Lorsque l'une des parties n'a pas contracté dans le cadre de son activité
professionnelle, la clause ne peut pas lui être opposée ».
Introduction
La conférence aujourd’hui me fait particulièrement plaisir : D’une part, je suis ancien élève de
l’Institut de Droit Comparé de Paris et membre de la Société de Législation Comparé, et,
d’autre part, depuis longtemps avocat en droit maritime, ce qui me permet de pratiquer
quotidiennement le contentieux et l’arbitrage. Le sujet de notre conférence réunit
parfaitement ces deux aspects.
Le principe de « Kompetenz-Kompetenz» de l’arbitre se prête, à mon avis, particulièrement
bien à une approche de droit comparé : Nos ordres juridiques, et particulièrement le droit
français et le droit allemand, partent, comme on le verra, de principes communs, et en droit
français on utilise même le terme allemand de « Kompetenz-Kompetenz » – mais nous
arrivons tout de même à des résultats bien différents.
Par le principe de « Kompetenz-Kompetenz » on entend généralement le principe selon lequel
un tribunal arbitral a compétence – et il faut ajouter : au moins provisoire – pour statuer sur
sa propre compétence, principalement donc sur la validité et l’opposabilité de la convention
d’arbitrage ou clause compromissoire. Cette compétence de l’arbitre constitue l’« effet
positif » du principe. L’éventuel « effet négatif », en revanche, décrit l’autre côté de la
médaille : c’est la question de savoir dans quelle mesure les juridictions étatiques peuvent
encore se prononcer sur la validité ou l’opposabilité d’une convention d’arbitrage – ou s’ils
doivent toujours renvoyer les parties devant les arbitres pour répondre à ces questions.
L’objet de ma présentation est la position des juridictions allemandes. Evidemment, les juges
étatiques allemands sont constitutionnellement liés par la loi. Avant d’analyser, dans une
deuxième partie, quelques arrêts de cours allemandes, il convient donc de vous présenter,
dans une première partie, le cadre législatif sur lequel est fondé cette jurisprudence.
1
Première partie : Le cadre législatif de la jurisprudence
En droit allemand, l’arbitrage fait l’objet du 10ième livre du code de procédure civile, la
« Zivilprozessordnung », dite « ZPO ». Ce 10ième livre de la ZPO, donc la loi allemande
concernant l’arbitrage, a été profondément reformée il y a à peu près 20 ans. Cette réforme
de 1997, entrée en vigueur en 1998, concernait aussi le principe « Kompetenz-Kompetenz ».
L’un des objectifs de la réforme était de mieux aligner le droit allemand au niveau
international. Avant de regarder de plus près les règles de la ZPO, il convient donc de dire
quelques mots sur les instruments internationaux qui ont une influence sur le droit allemand.
2
b.) La convention de Genève (1961)
Mais voyons d’abord la deuxième convention internationale en matière d’arbitrage en vigueur
en Allemagne, c’est la convention européenne de Genève de 1961. Elle est généralement
d’une moindre portée puisqu’il n’y a que des Etats européens qui y adhèrent et la convention
ne s’applique, en matière de commerce international, que si les deux parties ont leurs sièges
dans deux Etats membres différents.
Mais pour la question concernée ici, cette convention de Genève est importante, puisque son
article VI alinéa 3 prévoit expressément le suivant :
« Lorsque […] les tribunaux judiciaires des États contractants, saisis […] d'une demande
portant sur […] une demande en constatation de l'inexistence, de la nullité ou de la
caducité de la convention d'arbitrage, surseoiront, sauf motifs graves, à statuer sur la
compétence de l'arbitre jusqu'au prononcé de la sentence arbitrale. »
On notera la différence avec la convention de New York.
Et on se rappellera que les deux conventions sont en force en Allemagne.
Ceci dit, les deux n’étaient plus tellement « nouvelles » quand la réforme de 1997 a été
entreprise. Ce qui était beaucoup plus récent, à l’époque, c’est la loi type de la CNUDCI.
3
2ième section : Les règles de la ZPO allemande
Le législateur allemand, dans sa réforme de 1997, a respecté les conventions internationales
et s’est aussi servi de la loi type comme modèle. Mais il a expressément voulu reformer la
situation concernant le principe Kompetenz-Kompetenz.
Il y a plusieurs articles (« paragraphes ») dans le nouveau 10ième livre de la ZPO qui traitent de
la « répartition des pouvoirs » entre les arbitres et les juges. Regardons d’abord ce que la loi
reformée attribue aux arbitres (« l’effet positif ») et puis ce qu’elle attribue aux juges
(l’éventuel « effet négatif »).
4
d’arbitrage est nulle, inopposable ou impraticable. Mais regardons donc la jurisprudence
allemande et sa façon d’appliquer cette loi et le degré de contrôle nécessaire.
Comme nous l’avons vu, la codification actuelle repose sur une réforme de 1997, et le
législateur s’est aussi clairement prononcé sur le principe Kompetenz-Kompetenz. Il faudra
alors distinguer la jurisprudence avant la réforme que je présenterai dans une première
section, et la jurisprudence après la réforme qui fera l’objet de la deuxième section.
• un contrat
• avec une clause compromissoire (désignant la chambre de commerce de Genève
comme arbitre)
• ainsi qu’une clause supplémentaire par laquelle les parties déterminaient que ce serait
uniquement au tribunal arbitral de statuer sur sa compétence.
De telles clauses étaient très répandues à l’époque.
Le Bundesgerichtshof, dans son arrêt de 1988, statua les deux principes suivants :
5
2ième section : Depuis la réforme de 1997
Depuis la réforme de 1997, il y a eu quelques arrêts de Cours d’appels (Oberlandesgerichte,
OLG) ainsi que du Bundesgerichtshof qui touchent le sujet. Il y a notamment eu un arrêt de
principe du BGH du 13 janvier 2005, et puis une multitude d’arrêts qui traitent de détails et
enfin un arrêt qui fait exception au principe.
6
b.) L’arrêt de la Cour d’Appel de Munich qui admet une exception au principe
Contrairement à la jurisprudence susmentionnée, la Cour d’Appel de Munich a récemment
trouvé une solution différente.
Les faits étaient les suivants : Une société hongroise avait introduit une procédure d’arbitrage
à Munich contre son cocontractant, une société autrichienne. Cette dernière demandait à la
Cour de Munich de dire qu’à défaut d’une clause d’arbitrage valable, le tribunal d’arbitrage
n’avait pas compétence.
L’arrêt qu’a rendu la Cour d’Appel de Munich dans cette affaire, un arrêt du 24 novembre
2016, peut surprendre un peu car il semble contredire la jurisprudence susmentionnée du
BGH : La Cour de Munich a effectivement renvoyé les parties devant l’arbitre afin que celui-ci
décide en premier s’il a compétence ou non.
Pourtant, le raisonnement de la Cour de Munich était net : En l’occurrence, c’était la
convention de Genève de 1961 qui s’appliquait, et l’article VI alinéa 3 de cette convention
prévoyait, d’après la Cour, que le tribunal judiciaire doit attendre la décision de l’arbitre.
On peut ajouter que la Cour de Munich avait permis la révision devant BGH, mais je n’ai pas
pu trouver de trace d’un tel moyen. L’arrêt de Munich semble donc être devenu définitif et
avoir acquis force de chose jugée.
Conclusions
Je me permets de juste brièvement répéter les trois « résultats » de ma recherche :
(1) Au niveau international, il n’est pas sûr si les textes de la convention de New York et la
loi type CNUDCI confèrent une compétence provisoire ou définitive à l’arbitre, il y a
des avis différents sur cette question.
(3) Une exception doit pourtant être faite pour les cas d’espèce dans lesquels s’applique
la convention de Genève de 1961 : Dans de tels cas, les juridictions étatiques acceptent
plus facilement l’effet négatif du principe Kompetenz-Kompetenz.
1er avril 2019
* * *
7
Quelle place pour l’harmonisation internationale de l’arbitrage maritime?
______________
Gaël Piette
______________
Le groupe de travail avait pour mission d’examiner si le CMI a encore un rôle à jouer en
matière d’arbitrage maritime, et dans l’affirmative, de déterminer quelle doit être l’étendue de ce rôle.
Pour ce faire, le CMI a procédé selon sa méthode habituelle, à savoir en diffusant un questionnaire
aux associations nationales de droit maritime, afin de recueillir leurs sentiments sur cette
problématique.
Le questionnaire soulignait bien qu’il ne s’agissait pas d’envisager la création par le CMI d’un
nouveau centre d’arbitrage, qui viendrait concurrencer les institutions arbitrales nationales. Le
questionnaire commençait par exposer ses objectifs, en proposant 3 pistes, 3 champs d’investigation:
- une analyse comparée des règles et pratiques d’arbitrage, avec l’idée que le CMI, par
son site internet, pourrait servir de centre d’informations sur toute question relative à l’arbitrage
maritime.
- déterminer si l’arbitrage est une option valable de résolution des litiges maritimes
dans les pays dans lesquels le système juridictionnel étatique n’est pas techniquement satisfaisant. Le
CMI se proposait ici de fournir une assistance et faciliter le règlement des différends pour lesquels le
recours à un centre d’arbitrage serait considéré comme trop coûteux ou trop éloigné culturellement
ou géographiquement, et d’étudier la question de l’arbitrage à distance (e-arbitration)
- élaborer ses propres Règles modèles, si celles existantes (par exemple celles de la
CNUDCI) ou si les règlements des principales institutions d’arbitrage ne sont pas suffisamment
adaptés aux spécificités de l’arbitrage maritime.
1
- Dans l’affirmative, dans quelle mesure pensez-vous que le CMI devrait s’engager ?
- Avez-vous d’autres suggestions ? (question qui permet des réponses assez ouvertes)
La lecture du questionnaire laissait apparaître que le CMI se posait lui-même une importante
question, celle de savoir s’il faut harmoniser ou unifier l’arbitrage maritime (I) ? Les réponses
fournies montrent que la majorité s’est prononcée en faveur d’une fonction résiduelle du CMI en
matière d’arbitrage maritime (II).
Si la question se pose, c’est parce que l’objet du CMI est « l’unification du droit maritime
dans tous ses aspects »2. Mais l’unification est un degré supplémentaire d’harmonisation:
l’harmonisation vise à mettre en accord des choses différentes quand l’unification rend les choses
uniformes, les standardise. Une harmonisation des systèmes juridiques intervient donc sur certains
points seulement, pour rendre ces systèmes compatibles, en les mettant en accord, en équilibre.
L’unification peut modifier les systèmes juridiques en profondeur, en vue de n’aboutir qu’à un
système juridique.
Or, l’harmonisation de l’arbitrage maritime est déjà considérable de par le monde (A). Les
réponses au questionnaire du CMI montrent que l’idée d’une unification est diversement appréciée
(B).
1
Argentine, Australie, Canada, Finlande, France, Allemagne, Grèce, Italie, Malte, Pays-Bas, Pologne, Roumanie,
Espagne, Royaume-Uni et USA.
2
Article 1er de ses statuts.
2
Le droit de l’arbitrage maritime n’est pas le droit maritime. Donc, la question de
l’harmonisation du droit de l’arbitrage maritime est indépendante de celle de l’harmonisation du droit
maritime.
Le droit de l’arbitrage maritime est une variété de droit de l’arbitrage. Il est le droit de
l’arbitrage spécialisé dans ce secteur d’activité économique qu’est le droit maritime. Or,
l’harmonisation du droit de l’arbitrage est déjà réalisée, dans une certaine mesure, par le biais de
textes internationaux ou régionaux. La Convention de New-York de 1958, malgré un périmètre bien
précis (reconnaissance et exécution des sentences étrangères) permet une certaine harmonisation. Il
en est de même de l’acte uniforme de l’OHADA sur l’arbitrage, de 2017, dans la limite de sa
compétence territoriale.
Outre ces textes, il faut souligner que l’arbitrage doit respecter un certain nombre d’exigences,
celles concernant les grands principes du procès, qui sont communes à de nombreux systèmes
juridiques, ce qui est également une forme d’harmonisation.
Il découle de tout ceci que de nombreuses règles relatives à l’arbitrage sont largement
partagées à travers le monde: impartialité et indépendance des juges, respect du contradictoire,
principe compétence-compétence, modalités de constitution du tribunal arbitral, motivation de la
sentence notamment.
Le CMI, au travers de son questionnaire, se demandait s’il était nécessaire d’aller plus loin
vers une harmonisation de l’arbitrage maritime, voire une unification. Les réponses nationales
montrent à quel point une telle unification est diversement appréciée.
Sur les 15 associations nationales ayant répondu, seules 3 sont vraiment favorables à une
unification: la Grèce, la Roumanie et l’Espagne. Ces 3 associations se déclarent favorables à
encourager le CMI à jouer un rôle important en matière d’arbitrage maritime. Elles souhaitent
notamment que le CMI établisse ses propres règles-modèles, estimant par exemple que « plus il y a
d’options disponibles pour la résolution des litiges maritimes par arbitrage, mieux c’est pour
3
l’industrie en général » (réponse grecque). Dans le même ordre d’idée, l’association roumaine
souhaiterait que le CMI étudie les règles procédurales des principaux centres d’arbitrage, afin de faire
des recommandations lorsque ces règles ne sont pas bien adaptées aux spécificités de l’arbitrage
maritime.
L’association espagnole va même beaucoup plus loin, en indiquant que le CMI devrait créer
un système d'arbitrage spécialisé, qualifié et neutre, soit en fournissant des règles, des listes d'arbitres,
des lignes directrices, soit en agissant comme une institution d’arbitrage. L’association grecque, sans
aller aussi loin, estime que le CMI pourrait envisager de créer une liste d’arbitres parmi ses membres,
établir des honoraires d’arbitres, et même établir un secrétariat.
Les associations roumaine et espagnole encouragent également le CMI à constituer une base
de données des sentences, et de commentaires des sentences, un peu sur le modèle de ce que fait déjà
le CMI avec l’Université de Singapour pour la jurisprudence.
Outre ces 3, il faut tout de même relever que 5 autres associations se montrent favorables à ce
que le CMI conduise une analyse comparée des règles et pratiques d’arbitrage. Il s’agit de
l’Allemagne, l’Australie, la Finlande, l’Italie et Malte. Certes, une telle analyse n’aboutit pas
directement à l’unification, mais elle peut aller indirectement en ce sens. La publication des résultats
de cette analyse pourrait inciter certains systèmes juridiques ou certaines institutions d’arbitrage à
modifier leurs règles, leurs règlements, leurs pratiques.
Les autres associations se montrent opposées à l’unification. Leur position est très
remarquablement résumée par la réponse française: « l’objet du CMI est de contribuer à l’unification
du droit maritime, et non le règlement des litiges. Il est utopique de penser que les règles procédurales
d’arbitrage, dans les différents centres d’arbitrage, pourraient être uniformes. Ce n’est pas
souhaitable ». L’association australienne expose que la prolifération de règles ne serait pas un
progrès, l’association canadienne affirme ne pas voir l’intérêt de règles modèles du CMI, l’association
allemande souligne que le rôle du CMI ne doit pas être d’ajouter un nouveau jeu de règles, encore
moins de créer un centre d’arbitrage. Les associations italienne et néerlandaise remarquent également
que l’arbitrage maritime n’est pas si différent de l’arbitrage dans d’autres domaines.
En ce qui concerne la possibilité d’une analyse comparée des règles et pratiques d’arbitrage,
la réponse française met en évidence le danger que pourrait présenter une telle analyse. Le risque
serait en effet de créer une compétition entre les centres d’arbitrage concernés. Certains pourraient
être tentés d’être très actifs dans leur auto-promotion. Le CMI pourrait, in fine, être amené à faire une
évaluation des qualités et performances respectives, ce qui irait évidemment au-delà de son objet
statutaire.
4
II. Une fonction finalement résiduelle pour le CMI en matière d’arbitrage maritime
Les réponses des associations nationales s’accordent majoritairement sur une fonction: celle
d’information (A), certaines associations souhaitant également une fonction d’étude (B).
Seules 3 associations nationales de droit maritime ont rejeté toutes les idées avancées par le
CMI dans son questionnaire: l’Argentine, les Pays-Bas et le Royaume-Uni. Leurs réponses sont assez
spéciales, revêtant importante une dimension auto-promotionnelle. Ainsi, l’association argentine
explique qu’elle dispose d’un comité d’arbitrage depuis 2005 (même s’il n’a à ce jour statué que dans
un dossier). L’association anglaise explique quant à elle que le droit anglais est pleinement
satisfaisant depuis l’Arbitration Act de 1996 et que la LMAA (London Maritime Arbitrators
Association) suffit. Enfin, nos amis néerlandais soulignent que leur système juridictionnel est plus
que satisfaisant, étant classé numéro 1 du World Justice Project Rule of Law Index, que le droit de
l’arbitrage néerlandais est moderne, datant de 2015, et que TAMARA (Transport and Maritime
Arbitration Rotterdam-Amsterdam) offre un excellent service, notamment en arbitrage électronique.
La réponse des USA s’inscrit dans une ligne proche, en manifestant très clairement le souci
de ne pas concurrencer certains centres d’arbitrage. Leur réponse précise que la LMAA et la SMA
(Society of Maritime Arbitrators) sont les centres les plus importants et qu’à l’heure où Singapour,
Houston et d’autres centres tentent d’accroître leur part de marché, « la dernière chose dont on a
besoin est un autre modèle concurrent ».
Hormis ces 3 réponses, les autres s’accordent à reconnaître l’intérêt que le CMI joue le rôle
d’un centre d’informations, d’un « hub d’informations » pour reprendre la formulation australienne.
La plupart des associations estiment que le CMI, à travers son site internet, pourrait fournir des
informations utiles. L’association états-unienne relève ainsi que des informations accessibles
permettraient aux sociétés de gagner du temps et de l’argent puisque leurs conseils passeraient moins
de temps à trouver les informations pertinentes dont leurs clients ont besoin. L’association canadienne
insiste sur un point très important: le fait qu’il est primordial que ces informations soient
régulièrement mises à jour. Effectivement, l’information ne vaut rien si elle n’est pas fiable.
Demeure néanmoins la question de savoir quelles seraient les informations qui devraient
figurer sur le site du CMI. Les associations ne répondent pas sur ce point (d’ailleurs non posé par le
questionnaire). Soit elles n’envisagent même pas la question, soit, pour 4 d’entre elles (réponses
allemande, italienne, maltaise et roumaine), elles se contentent de mentionner que l’information
pourrait porter sur tous les sujets d’intérêt concernant l’arbitrage maritime. C’est plutôt imprécis…
5
L’association française apporte un élément supplémentaire: le site du CMI pourrait fournir
une liste de tous les centres d’arbitrage disponibles, ainsi que leur règlement. Mais à le condition que
cette information soit neutre et objective, c’est-à-dire qu’elle ne s’accompagne d’aucun commentaire
ou jugement de valeur.
Outre les associations qui soutiennent l’idée précédemment évoquée d’une analyse comparée
des règles et pratiques d’arbitrage, 2 associations aimeraient confier au CMI la tâche d’étudier des
points précis de l’arbitrage maritime. L’association canadienne fait un lien très intéressant, dans sa
réponse, avec les problématiques relevées par l’ICMA, le Congrès International des Arbitres
Maritimes (judiciarisation de l’arbitrage, augmentation des délais et des coûts de l’arbitrage, etc.).
L’association canadienne explique que si les associations nationales étaient d’accord pour que le CMI
joue un rôle en matière d’arbitrage maritime, ces différentes problématiques seraient intéressantes à
étudier.
6
SLC
La Chambre arbitrale maritime de Paris a accueilli lundi 1er avril la section arbitrage de
la Société de Législation Comparée qu’anime Me Favarel sur le thème :
Droit maritime et arbitrage font-ils encore bon ménage ?
Une excellente occasion était ainsi donnée pour mieux faire connaître l’arbitrage
maritime dont l’Ordonnance de la Marine de 1681 faisait déjà état et qui a connu un
grand essor tout au long du XXème siècle, tout en étant toujours très actif en ce début de
XXIème siècle. L’arbitrage maritime est, par essence, un arbitrage professionnel et
international. La London Maritime Arbitration Association y occupe une place essentielle,
mais les autres Chambres, dont celle de Paris et de Hambourg, sont encore et toujours
très appréciées dans le monde maritime, celui des armateurs, des affréteurs, des
courtiers, des assureurs, des sociétés de classification, des consignataires, des
transitaires, des manutentionnaires et même, depuis quelque temps, des NVOCC (non
vessel operators common carriers).
M. Delebecque, dans sa synthèse des travaux, est largement revenu sur cet aspect des
choses, en organisant ses propos autour des inquiétudes et des espoirs au cœur du
ménage droit maritime / arbitrage. Les raisons de s’inquiéter existent. Elles viennent, a-
t-il été répété, de cette jurisprudence qui valorise, parfois à l’excès, les clauses
d’arbitrage (le même phénomène étant observé à propos des clauses attributives de
juridiction dont la reconnaissance systématique contribue à assécher le contentieux
maritime français en créant, en conséquence, le risque d’appauvrir le droit maritime
français). Il suffit en effet qu’une clause d’arbitrage se profile à l’horizon pour que celle-
ci soit admise. Les inquiétudes proviennent aussi de ce que les « anti suit injunctions »
risquent de réapparaître avec le Brexit. On sait que ces mesures sont souvent utilisées
par des armateurs dont, sanctionnées pénalement (ce qui renvoie à une période d’un
autre âge) les chartes parties contiennent une clause d’arbitrage à Londres pour
dissuader les affréteurs de contester la clause. Si l’ASI a été très heureusement
condamnée par la CJUE, il n’est pas certain que cette jurisprudence ait un grand avenir,
compte tenu de la probabilité du Brexit. Les inquiétudes dont il a été question tout au
long de la réunion de la SLC s’expliquent, une fois encore, par le fait que l’on voit de plus
en plus le contentieux maritime quitter la France. L’observation se vérifie à travers la
jurisprudence sur les clauses attributives de compétence et celle dont Me Le Prado a fait
état. Aujourd’hui, plus de 80 % des affaires maritimes sont traitées à Londres. S’il n’est
pas question de discuter un seul instant les qualités des Anglais dans le shipping, il est
cependant permis de se demander si le déséquilibre actuel dans la répartition des
compétences est une bonne chose pour les opérateurs économiques et pour le monde
maritime lui-même qui doit rester multilatéral. Plus fondamentalement, la question
posée est de savoir si la jurisprudence qui valorise à l’excès les clauses d’arbitrage n’est
pas contreproductive. Favorise-t-on l’arbitrage lorsque l’on force le consentement des
intéressés qui ne sont qu’impliqués dans une opération et qui n’ont pas clairement
accepté la règle de l’arbitrage ? Il est permis d’en douter.
Malgré ces inquiétudes, les espoirs demeurent. D’abord, parce que l’on se rend compte
que les critiques que l’on peut nourrir sur l’arbitrage sont assez largement partagées, en
tout cas en dehors de l’Hexagone. En Afrique, au Maghreb, en Afrique, nombreux sont
ceux qui font preuve de rigueur et dénoncent le forçage du contrat et le recours à des
concepts ou des raisonnements qui entretiennent le contentieux, à l’exemple du principe
compétence-compétence dans son aspect négatif. D’autres motifs d’espoir viennent tout
simplement de la pratique elle-même qui, dans le monde maritime, a bien compris que
l’arbitrage, dûment accepté, pouvait gagner de nouveaux domaines en accompagnant
précisément les évolutions économiques et sociales : celui de la grande plaisance en est
un bon exemple, les litiges entre l’armateur et les membres de l’équipage étant légion et
appelant certainement un traitement souple et proche des réalités que seul l’arbitrage
peut apporter. Il en est d’autres, comme celui de la logistique qui ne cesse de prendre de
l’importance et dans lequel le savoir-faire continental est reconnu. C’est certainement en
prenant la mesure de ces changements et de ces évolutions que l’arbitrage et le droit
maritime pourront continuer à faire bon ménage.