Stéréotypes Au Maroc
Stéréotypes Au Maroc
Stéréotypes Au Maroc
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L’identification des stéréotypes au Maroc fait ressortir un large
spectre de victime au sein de la population.
D’abord, les stéréotypes les plus fréquents sont ceux qui touchent au
genre. De ce point de vue, le sexe féminin constitue la première victime.
D’une part, les femmes sont considérées comme incapables de diriger et de
commander, particulièrement émotives et moins productives que les
hommes dans des postes similaires. D’autre part, les femmes marocaines au
travail sont jugées comme étant honnêtes, appliquées et sociables par
rapports à leurs collègues masculins.
Ensuite, d’autres préjugés visent les populations dont l’âge est
avancé ou dont la capacité physique est réduite. Dans les deux cas, « les
seniors » et les « handicapés » sont qualifiés d’« incapables », de « faibles »
voire de « non-productifs ». Dans des cas moins répondus, des stéréotypes
positifs peuvent exister. D’aucuns penseraient que cette population est « doté
d’un potentiel » supposé. Il s’agit de l’ « expérience » pour les plus âgés et la
« force de caractère » pour les personnes à mobilité réduite.
Par ailleurs, en fonction de leurs origines sociales, nationales et
raciale, des idées préconçues sont de nature à pré-dépeindre les personnes
concernées. La polarisation sociale tend à se répercuter et se reproduire sur
le lieu de travail. A ceux qui appartiennent à une couche sociale supérieure,
le stéréotype accorde, un « capital culturel particulièrement élevé » dans les
domaines de l’éducation, de la maîtrise des langues étrangères, du savoir-
vivre et surtout des réseaux familiaux. Aussi, on a tendance à juger les
moins favorisés, à l’aune des caractéristiques de leur propre groupe
populaire. Ainsi, ceux-là héritent, généralement, de clichés dépréciatifs et
d’analyses simplifiées à l’extrême à l’exact opposé de caractéristiques
susmentionnées relatives au groupe socio-économique supérieur. Par
ailleurs, lorsqu’il s’agit de personnes de différentes nationalités, les
stéréotypes touchent essentiellement les expatriés. Dans un autre registre, la
« supériorité » supposée des occidentaux n’est contrariée que par l’idée
préconçue selon laquelle les concernés sont « arrogants », « cupides » et
« exploiteurs ». Cependant, quand l’étranger a la « peau mate », les
stéréotypes virent au mieux à la critique acerbe injustifiée: « fainéantise »,
« violence », « malpropreté »; au pire au racisme primaire. Cette même
communauté peut être jugée positivement comme étant « solide
physiquement » ou « obéissante » car peu regardante sur ses droits.
Le physique est l’autre domaine dans lequel les stéréotypes jouent un
rôle non négligeable dans le domaine professionnel au Maroc. L’apparence
n’est pas exempte de tout reproche ou louange systématiques. Selon la
physionomie en question, une batterie de stéréotype a le pouvoir de
stigmatiser ou au contraire de bonifier. Les « gros » pourraient être vus
comme « loser » ; les « barbus » peuvent être jugés comme « vertueux »; « la
femme libérale » est susceptible d’être considérée comme « facile » et
« arriviste ».
Enfin, d’autres stéréotypes concernent les populations qui assument
certaines orientations sexuelles et politiques. Au Maroc, l’homosexualité ne
bénéficie que des stéréotypes dévastateurs. Cependant, ceux qui assument
un militantisme politique ou syndical sont vus tour à tour comme
« engagés », « profiteurs » ou « simulateur ».
Ainsi, si les stéréotypes, positifs comme négatifs, touchent une large
partie de la population qui souffre des conséquences induites par le
phénomène et ce au même titre que les organisations dans lesquelles elle
œuvre.
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Les conséquences des stéréotypes au Maroc sont négatives et
impactent la santé des employés et de l’organisation.
D’abord, subissant de plein fouet le poids des stéréotypes, les
victimes souffrent de la dégradation de leurs états de santés mentales et
physiques. En effet, quand elles sont négatives, les idées préconçues
touchent la fierté et l’amour propre de la victime. Cette dernière, sombrerait
dans la résignation, le doute et le repli. Autant de traumatismes qui
pourraient conduire à la dépression voire au suicide. Par ailleurs, combien
même positifs, les stéréotypes sont, par effet pygmalion, lourds de
conséquences. En réalité, celui qui est préjugé « très positivement » aurait
tendance à se mettre à la hauteur de l’idée que l’on se fait de lui au risque de
s’épuiser.
Ensuite, les stéréotypes s’avèrent dangereux pour l’organisation car
pourrait nuire à ses valeurs et son image de marque. Dans ce cadre, les
stéréotypes produisent l’inégalité à tous les niveaux. Il en résulte un
véritable cloisonnement des sous-groupes dans une logique fratricide. Ainsi,
il n’est pas surprenant de constater l’avènement répété des conflits internes,
l’augmentation des crises sociales et l’explosion des problèmes relationnels
dont l’écho se ferait aux tribunaux, aux inspections de travail et dans les
médias. Ce passif peu glorieux handicape les équipes de recrutement pour
attirer les talents (perles rares) qui ne choisiront pas forcément des
organisations rangées par le racisme, le sexisme, l’âgisme et autres maux
(notamment s’ils font eux même partie des catégories stigmatisées). La
situation peut dégénérer davantage quand des agences de notation s’en
mêlent et dégradent le classement d’une organisation.
Enfin, les stéréotypes étudiés dans le milieu professionnel national ne
sont pas sans conséquences sur le rendement. A cet égard, frustrés et
travaillant dans un cadre anxiogène, les personnes stéréotypées sont
démotivés ou n’assurent que le service minimum quand ils ne sont tout
simplement pas absents. Parallèlement, la mauvaise qualité des relations
interpersonnelles se répercute négativement sur la qualité du travail en
équipes, le team-building et la synergie du groupe rendant ainsi les objectifs
de l’organisation plus difficiles à atteindre.
Ainsi, nuisant aux personnels et aux organisations, les stéréotypes
peuvent pour autant être circonscrits à la faveur d’un plan d’action
opportun.
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Sans un véritable plan d’action basé sur la loi et la communication,
les stéréotypes au Maroc continueront à empoisonner le climat social au sein
des organisations.
De prime à bord, amorcer une action de transformation structurante
en échafaudant un plan nationale est indispensable. De ce point de vue, les
autorités à travers la volonté politique, relayée en cela par les médias et
l’éducation nationale, peuvent jouer un rôle salutaire dans la lutte contre les
stéréotypes. Le règne de la loi doit être réaffirmé avec force en mobilisant les
inspecteurs de travail. Aussi, « re-toiletter » le code de travail, en adéquation
avec les contraintes étudiées, sera nécessaire.
Par ailleurs, l’entreprise aura aussi à élargir le périmètre de sa
responsabilité sociale (RSE) en y intégrant plusieurs acteurs. Côté maison,
les représentations syndicales peuvent jouer le rôle de relais entre personnel
et direction sur les questions culturelles par la formulation de propositions
constructives. Côté jardin, les cabinets de conseil spécialisés sont également
des partenaires privilégiés grâce à leurs expertises à leurs recules. Dans
tous les cas, l’intégration des acteurs exogènes ne peut avoir de sens que si
l’organisation s’engage délibérément en tant qu’élément constructeur dans
son environnement social. Les valeurs de l’entreprise prennent ainsi un
tournant stratégique dans la construction d’une identité vertueuse qui
rompt, entre autres, avec les discriminations.
Enfin, le rôle de la direction des ressources humaines est l’un des
piliers sur lequel reposerait toute politique à l’effet de détricoter les
stéréotypes. Les équipes RH seront donc les premières concernées car les
domaines inhérents à une telle ambition relève de leurs compétences à
l’instar du recrutement, de la gestion de carrière ou encore des promotions.
A cet effet, l’instauration de quotas dans le cadre d’une « discrimination
positive » est l’une des solutions les plus robustes. A cela pourrait s’ajouter
d’autres actions de sensibilisation et de formation au profit du personnel
quant à l’importance de la diversité. Le décloisonnement des relations
hiérarchiques par leur duplication, (communication, réunions, lettres
anonymes à l’attention du DRH) est aussi de nature à circonscrire le
phénomène. Cependant, la mobilisation des cadres RH devra élargir son
champ car la question des stéréotypes est transversale. Ainsi, le reporting
social et la médecine de travail sont à actionner parallèlement aux
interventions requises.
Ainsi, les stéréotypes peuvent être combattus à travers des actions
complémentaires et volontaristes combinant les échelons nationaux et
entrepreneuriaux.
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Au terme de cette étude, force est de constater que les stéréotypes au
Maroc sont une réalité patentée qui affecte une large portion de la
population aux premiers rangs desquelles les femmes. Ce phénomène
culturel produit des effets dévastateurs sur les personnels et les
organisations. D’un côté, la santé psychique et physique des victimes se
dégradent à l’instar de leurs motivations. D’un autre côté, les organisations
pâtissent car les stéréotypes affectent négativement la cohérence collective,
diminuent sensiblement le rendement voire éclaboussent la réputation, les
valeurs et l’image de marque de la boîte. Enfin, éviter ces écueils ne peut se
faire sans un plan d’action structurant mené par des cercles concentriques.
Sur le plan national, les médias devront sensibiliser et relayer le droit du
travail qui doit faire la promotion de la diversité en instaurant des quotas au
profit des minorités. Sur le plan des organisations, la responsabilité sociale
de l’entreprise doit être réaffirmée avec force et étendue en intégrant les
« parties prenantes ». Au niveau « tactique », la DRH aura à assumer
pleinement et entièrement son rôle en le « réinventant » notamment en
matière du management de la diversité.