Kyste Osseux Anevrismal
Kyste Osseux Anevrismal
Kyste Osseux Anevrismal
Le kyste osseux anévrismal est une lésion bénigne qui naît souvent en position excentrée de la métaphyse
des os longs et qui en grandissant, peut souffler l’os. Cette pseudotumeur peut également concerner le
bassin et la colonne vertébrale. La lésion peut occasionner des douleurs d’intensité variable et provoquer
une tuméfaction qui devient apparente si la tumeur est soufflante. Aux os longs, la fracture pathologique
est rare sauf pour les kystes de localisation centrale, mais au niveau vertébral les tassements ne sont pas
rares. Bien que la radiographie standard puisse parfois suffire à porter le diagnostic, l’imagerie par
résonance magnétique (IRM) est plus performante pour le diagnostic différentiel. Une biopsie s’impose
car le kyste anévrismal est parfois secondaire à une lésion maligne telle que l’ostéosarcome
télangiectasique. La théorie étiopathogénique la plus répandue est celle d’un processus réactionnel à une
malformation veineuse mais la théorie néoplasique est actuellement évoquée depuis la découverte de la
translocation t(16;17)(q22;p13) qui est récurrente dans les kystes anévrismaux primaires. Des cas de
guérison spontanée ou de guérison après biopsie ont été rapportés mais sont rares. Le plus souvent, un
traitement est nécessaire. Étant donné que le kyste anévrismal est une tumeur bénigne, le traitement ne
doit en aucun cas être trop invasif. De nombreuses techniques mini-invasives sont maintenant
disponibles et ont montré leur efficacité.
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Mots clés : Kyste osseux anévrismal ; Lésion primaire et lésion secondaire ; Tumeur bénigne ;
Traitement mini-invasif
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46 %
54 %
Figure 1. Kyste osseux anévrismal classique occupant la métaphyse Figure 3. Répartition en fonction du sexe (en pourcentage), en colli-
d’un os long et constitué de multiples logettes séparées par des cloisons. geant 1 096 kystes dans les grandes séries de la littérature. Il existe une
légère prédominance féminine.
Épidémiologie
Figure 2. Ostéosarcome télangiectasique mimant l’apparence d’un Fréquence : le KOA est une lésion rare. L’incidence serait de
kyste osseux anévrismal. Il existe des cloisons et des logettes multiples. La 1,4 par million d’individus chaque année d’après Leithner et
biopsie démontrera qu’il s’agit d’un ostéosarcome. al. [20]. Le KOA représente 1 % des tumeurs osseuses. Il est
environ deux fois moins fréquent que la TCG [21]. Il semble y
avoir une légère prédominance féminine (sex-ratio de 1,17)
• KOA secondaire [1-9] . Le KOA peut être secondaire à un (Fig. 3) [20].
traumatisme ou à une lésion préexistante comme un kyste Âge : le KOA peut survenir à tout âge mais surtout durant les
osseux essentiel, une dysplasie fibreuse, une tumeur brune deux premières décennies de vie et rarement après 30 ans [22]
d’une hyperparathyroïdie primitive. Il peut être secondaire à (Fig. 4).
35 %
30 %
25 %
20 %
15 %
10 %
5%
0%
0-5 6-10 11-15 16-20 21-25 26-30 > 30
Âge (ans)
Figure 4. Répartition en fonction de l’âge (en pourcentage) en colligeant 437 kystes osseux anévrismaux (KOA) dans les grandes séries de la littérature. Le
KOA peut survenir à tout âge mais surtout durant les 2 premières décennies de vie et rarement après 30 ans.
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■ Localisation
Le KOA est en général une lésion unique bien que de très
rares cas de localisations multiples aient été décrits [23, 24]. En
revanche, le KOA peut envahir l’os adjacent. Ceci a le plus
souvent été décrit au niveau des vertèbres avec transmission à
une côte par l’apophyse transverse ou à une vertèbre adjacente
par une apophyse articulaire [25, 26].
Le siège le plus fréquent se situe aux os longs du membre
inférieur puis du membre supérieur, puis sur le squelette axial
et enfin sur les os plats (Fig. 5). Les localisations aux mains et
aux pieds sont plus rares et souvent limitées aux os tubulaires.
Os longs
Le KOA siège habituellement dans la métaphyse (Fig. 1) ou
dans la zone métaphysodiaphysaire, en position souvent
excentrique. Le KOA peut plus rarement se situer dans la
diaphyse. Le KOA n’est jamais épiphysaire de façon primaire,
c’est par extension d’un KOA métaphysaire qu’un KOA peut
devenir épiphysaire [25].
Colonne vertébrale
Le KOA vertébral commence en général sur l’arc postérieur
(Fig. 6). Très souvent (71 % des cas) [27], il finit par toucher le
corps vertébral. La transmission à une côte ou à une vertèbre
adjacente est possible [25, 26]. Le cartilage articulaire ne constitue
donc vraisemblablement pas une barrière, au contraire du
disque intervertébral [25]. La fragilisation de la vertèbre peut Figure 6. Kystes osseux anévrismaux de la 4e vertèbre lombaire chez un
mener à un effondrement de la vertèbre (vertebra plana) [28]. enfant de 13 ans.
Pour nombre d’auteurs, la localisation lombaire est la plus A. L’atteinte est initialement limitée à l’arc postérieur (apophyse épi-
fréquente [22, 27, 29] tandis que pour d’autres, c’est la localisation neuse).
cervicale et thoracique qui prédomine [25, 30]. B. Après 6 mois, le processus kystique s’est propagé par les pédicules au
corps vertébral.
4
Figure 7. Au niveau du pelvis, c’est la branche iliopubienne qui est le
plus souvent touchée. Radiographie et scanner d’un kyste osseux anévris-
mal de la branche iliopubienne chez une fillette de 8 ans.
5
2 6
Pelvis
La localisation au pelvis est très fréquente (11,6 %) (Fig. 7).
3 Le kyste se situe en général sur le cadre obturateur puis peut
7 s’étendre à l’acetabulum ou à l’aile iliaque [31].
Sacrum
L’atteinte au sacrum est souvent antérieure et postérieure
(Fig. 8). Plusieurs pièces sacrées peuvent être touchées. Une
extension peut se faire par l’aileron sacré vers l’aile iliaque et le
bassin [32].
8
9
■ Étiopathogénie
10 Différentes théories ont été proposées pour la pathogenèse du
KOA.
Figure 5. Schéma des localisations principales des kystes osseux ané-
La théorie la plus répandue considère que le KOA serait un
vrismaux en colligeant 897 kystes des grandes séries de la littérature.
processus réactionnel à une hémorragie intraosseuse ou sous-
1. Vertèbres : 11,2 % ; 2. bassin : 11,6 % ; 3. main : 4,7 % ; 4. humérus :
périostée. Cette hémorragie serait due à une anomalie circula-
9,1 % ; 5. radius : 3,1 % ; 6. ulna : 3,8 % ; 7. fémur : 15,9 % ; 8. tibia :
toire locale [5, 33] entraînant une augmentation de la pression
17,5 % ; 9. fibula : 7,3 % ; 10. pied : 6,3 %.
veineuse et résultant en une dilatation du réseau vasculaire
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■ Diagnostic différentiel
Un diagnostic différentiel est à faire avec les autres lésions
métaphysaires.
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Aspects microscopiques
Il y a trois composantes histologiques principales dans le
KOA [54] (Fig. 12).
Composante cellulaire
Elle est constituée des cellules stromales et des cellules
géantes. Les cellules géantes sont faciles à reconnaître car elles
contiennent plusieurs noyaux. Les cellules stromales sont
mononucléées avec un noyau rond ou ovalaire et une matrice
intercellulaire absente ou peu abondante.
Composante fibrillaire
Elle est formée de fibroblastes avec un noyau ovale et un
cytoplasme allongé entourés d’une matrice extracellulaire
collagénique. Du collagène dense peut être présent.
Figure 13. Immunomarquage CD68. Les anticorps anti-CD68 mar-
Composante ostéoïde quent les cellules macrophagiques : les cellules géantes (flèche noire) et
les cellules stromales (flèche blanche).
Elle est constituée de matrice osseuse organique déposée par
des ostéoblastes.
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Pour marquer les cellules en phase de prolifération, les Un cas de KOA du bassin a été décrit avec des métastases
anticorps anti-proliferation cell nuclear antigen (PCNA) peuvent pulmonaires, hépatiques et rénales [62].
être employés. Le PCNA est un antigène exprimé par le noyau
durant la synthèse de l’acide désoxyribonucléique (ADN) lors du Trouble de croissance
cycle cellulaire.
Chez l’enfant en croissance, la présence du KOA peut altérer
la croissance osseuse. Lorsque le KOA est proche du cartilage de
■ Histoire naturelle croissance (KOA juxtaépiphysaire), il peut l’envahir (23 % des
cas). Dans 60 % des cas d’invasion, une épiphysiodèse précoce
survient avec différence de longueur ou déviation axiale [47].
Guérison spontanée
Des cas de guérison spontanée ont été rapportés [45, 55]. Ces
cas surviennent plus souvent chez des adultes et dans les ■ Traitement
localisations pelviennes. Cette guérison peut aussi survenir après
biopsie [56] (Fig. 14). Avant tout, il faut garder en mémoire que le KOA est une
lésion bénigne. Afin de ne pas confondre le KOA avec une
tumeur maligne, il est impératif de réaliser une biopsie.
Risque fracturaire
Le risque fracturaire est faible pour le KOA des os longs Radiothérapie
contrairement au kyste osseux simple. C’est surtout le KOA
central soufflant qui peut entraîner une fracture. À la colonne, La radiothérapie est efficace dans le traitement du KOA [63]
un tassement vertébral peut survenir plus facilement [26, 57]. mais il existe de nombreuses complications dont la plus grave
est le risque de sarcome radio-induit [61]. Le sarcome apparaît de
Transformation maligne 2 à 28 ans après l’irradiation [61] . Les autres complications
rapportées sont les tassements vertébraux, la destruction du
Des cas de transformation maligne de KOA ont été cartilage de croissance, les lésions gonadiques, la nécrose de la
rapportés [58-61]. tête fémorale.
Brindley et al. ont rapporté deux cas de transformation Ce traitement n’est donc réservé qu’à des cas exceptionnels
maligne en ostéosarcome télangiectasique et en ostéosarcome de KOA difficilement accessibles à un traitement chirurgical.
fibroblastique 5 ans et 12 ans après curetage d’un KOA [58].
Kyriakos et al. rapportent un cas de transformation en ostéosar- Embolisation sélective
come pléiomorphe après plusieurs curetages d’un KOA [61] .
Anract et al. rapportent un cas de transformation en histiocy- L’embolisation peut être employée comme traitement unique
tome fibreux malin sur le site d’un KOA préalablement ou comme traitement préopératoire en vue de diminuer le
traité [60]. saignement peropératoire (Fig. 11).
Des cas de guérison après embolisation utilisée comme
traitement unique ont été rapportés pour des KOA touchant des
vertèbres cervicales [64], thoraciques [65] ou le sacrum [66]. De
Cristofaro obtient une guérison dans 17 cas sur 19 (89 %) [67].
L’ossification survient souvent très progressivement et après plus
de 1 an [67] . L’embolisation doit aussi parfois être répétée
(de deux à quatre fois). Le principal danger est l’embolisation de
vaisseaux vitaux avec ischémie de structures viscérales ou
nerveuses (moelle épinière) [29]. Il est donc conseillé d’utiliser
des potentiels évoqués somesthésiques avant de pratiquer
l’embolisation. Il faut aussi signaler que l’embolisation n’est
parfois pas possible parce qu’aucun vaisseau afférent n’est mis
en évidence.
Injection d’Ethibloc®
La substance utilisée est une solution alcoolique de zéine, une
protéine du maïs. Cette substance est thrombosante et fibro-
sante. Elle est introduite sous contrôle scanner ou radioscopi-
que. George et al. sur 33 patients ont obtenu une guérison
complète dans 58 % des cas et une guérison partielle dans des
35,5 % des cas [68]. Après l’injection, une réaction inflammatoire
intense survient avec douleur et parfois de la fièvre. Le risque
majeur de l’Ethibloc ® est un risque d’embolie pulmonaire
multiple en cas de passage du produit en intramédullaire [69, 70].
Topouchian [70] a rapporté dans sa série un taux de complica-
tions très élevé : embolie pulmonaire importante (7 %), fistuli-
sation aseptique précoce nécessitant une reprise chirurgicale
(27 %), réaction inflammatoire transitoire avec température
(33 %). Un cas fatal d’embolisation dans le système vertébro-
basilaire a été décrit après injection d’Ethibloc ® dans une
vertèbre cervicale [71] . Ce taux élevé de complications est
contesté par Mascard et Adamsbaum [72], qui rappellent les
Figure 14. Guérison d’un kyste osseux anévrismal du fémur proximal
précautions d’usage en cas d’utilisation de l’Ethibloc®. Une
après biopsie percutanée chez une jeune fille de 16 ans.
opacification du KOA doit être réalisée et en cas de drainage
A. Radiographie lors de la biopsie.
veineux, il est contre-indiqué d’utiliser l’Ethibloc ® . Il faut
B. Cinq mois après la biopsie : une coque périphérique commence à
réaliser un remplissage lent et éviter un remplissage trop
apparaître ainsi que des cloisons.
complet du KOA. Un traitement antipyrétique doit être donné
C. Un an après la biopsie : l’ossification progresse.
préventivement. Étant donné les complications possibles, de
D. Deux ans après la biopsie : ossification complète.
nombreuses équipes ont abandonné ce traitement.
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P.-L. Docquier.
Cliniques universitaires Saint-Luc, Service de chirurgie orthopédique, 10, avenue Hippocrate, 1200 Bruxelles, Belgique.
C. Glorion.
Hôpital Necker-Enfants malades, 149, rue de Sèvres, 75015 Paris.
C. Delloye ([email protected]).
Cliniques universitaires Saint-Luc, Service de chirurgie orthopédique, 10, avenue Hippocrate, 1200 Bruxelles, Belgique.
Toute référence à cet article doit porter la mention : Docquier P.-L., Glorion C., Delloye C. Kyste osseux anévrismal. EMC (Elsevier Masson SAS, Paris), Appareil
locomoteur, 14-771, 2011.
Appareil locomoteur 11