1G6 Descriptif Bac Et Textes 2022

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1G6

La littérature d’idées du XVIe siècle au XVIIIe siècle


Œuvre intégrale : Parcours associé :
Déclaration des droits de la femme et de la citoyenne, Ecrire et combattre pour l’égalité
Olympe de Gouges, 1791
Textes
explication n° 1 : Adresse aux hommes  explication n° 1 : « Femmes, soyez soumisse à vos maris »,
Voltaire, 17.. (extrait)
explication n° 2 : Préambule suvi des articles 1 à 3 explication n° 2 : L’île des esclaves, Marivaux, 1725, scène 10
(extrait)
explication n° 3 :Postambule (extrait)
Lecture(s) cursive(s) 
Moi, Malala, Malala Yousafzai, 20...

Le théâtre du XVIIe siècle au XXIe siècle


Œuvre intégrale : Parcours associé :
Le Malade imaginaire, Molière, 1673 Spectacle et comédie.
Textes
explication n° 1 : acte I, scène 5, (extrait) explication n° 1 : Le Mariage de Figaro, acte I,
scène 1 Beaumarchais, 1784 (extrait) : de «
Suzanne - Apprends qu’il la destine à obtenir de
moi «  à « Mais… (On sonne de l’intérieur.) »
explication n° 2 : acte III, scène 5 (extrait) explication n° 2 : Les Fourberies de Scapin,
explication n° 3 : acte III, scène 10, (extrait)
Lecture(s) cursive(s) 
L'Ile des esclaves Marivaux, 1725 ou L’Avare, Molière, 1668

Autres œuvres intégrales / lectures cursives des élèves :


Eldorado (Laurent Gaudé)
Paroles (Jacques Prévert)
La princesse de Clèves (Mme de Lafayette)
Objet d’étude : la littérature d’idées du XVI° au XVIII° siècle.
Oeuvre intégrale : DECLARATION DES DROITS DE LA FEMME ET DE LA CITOYENNE
Extrait n°

1/ Homme, es-tu capable d’être juste ? C’est une femme qui t’en fait la question ; tu ne lui
ôteras pas du moins ce droit. Dis-moi ? Qui t’a donné le souverain empire d’opprimer mon sexe* ?
Ta force ? Tes talents ? Observe le créateur dans sa sagesse ; parcours la nature dans toute sa
grandeur, dont tu sembles vouloir te rapprocher, et donne-moi, si tu l’oses, l’exemple de cet empire
5/ tyrannique.

Remonte aux animaux, consulte les éléments, étudie les végétaux, jette enfin un coup d’œil
sur toutes les modifications de la matière organisée ; et rends-toi à l’évidence quand je t’en offre les
moyens ; cherche, fouille et distingue, si tu peux, les sexes dans l’administration de la nature.
Partout tu les trouveras confondus, partout ils coopèrent avec un ensemble harmonieux à ce chef-
10/ d’œuvre immortel.

L’homme seul s’est fagoté* un principe de cette exception. Bizarre, aveugle, boursouflé de
sciences* et dégénéré, dans ce siècle de lumières et de sagacité*, dans l’ignorance la plus crasse, il
veut commander en despote sur un sexe qui a reçu toutes les facultés intellectuelles ; il prétend jouir
de la Révolution, et réclamer ses droits à l’égalité, pour ne rien dire de plus.

15/ Olympe de Gouges.

Objet d’étude : la littérature d’idées du XVI° au XVIII° siècle.


Oeuvre intégrale : DECLARATION DES DROITS DE LA FEMME ET DE LA CITOYENNE
Extrait n° 1 texte bac n°….

PRÉAMBULE
1/ Les mères, les filles, les sœurs, représentantes de la Nation, demandent à être constituées en
Assemblée nationale. Considérant que l’ignorance, l’oubli ou le mépris des droits de la femme sont
les seules causes des malheurs publics et de la corruption des gouvernements, ont résolu d’exposer,
dans une déclaration solennelle, les droits naturels, inaltérables et sacrés de la femme, afin que cette
5/ déclaration constamment présente à tous les membres du corps social leur rappelle sans cesse
leurs droits et leurs devoirs, afin que les actes du pouvoir des femmes et ceux du pouvoir des
hommes, pouvant être à chaque instant comparés avec le but de toute institution politique en soient
plus respectés, afin que les réclamations des citoyennes, fondées désormais sur des principes
simples et incontestables, tournent toujours au maintien de la Constitution, des bonnes mœurs et au
10/ bonheur de tous. En conséquence, le sexe supérieur en beauté comme en courage dans les
souffrances maternelles reconnaît et déclare, en présence et sous les auspices de l’Être suprême, les
droits suivants de la femme et de la citoyenne :
Article 1 La femme naît libre et demeure égale à l’homme en droits. Les distinctions sociales ne
peuvent être fondées que sur l’utilité commune.
15/ Article 2 Le but de toute association politique est la conservation des droits naturels et
imprescriptibles de la femme et de l’homme. Ces droits sont : la liberté, la prospérité, la sûreté et
surtout la résistance à l’oppression.
Article 3 Le principe de toute souveraineté réside essentiellement dans la Nation, qui n’est que la
réunion de la femme et de l’homme ; nul individu ne peut exercer d’autorité qui n’en émane
20/expressément
Objet d’étude : la littérature d’idées du XVI° au XVIII° siècle.
Oeuvre intégrale : DECLARATION DES DROITS DE LA FEMME ET DE LA CITOYENNE
Extrait n°

POSTAMBULE (extrait)
1/ Femme, réveille-toi ! Le tocsin* de la raison se fait entendre dans tout l’univers ; reconnais tes
droits. Le puissant empire de la nature n’est plus environné de préjugés, de fanatisme, de
superstition et de mensonges. Le flambeau de la vérité a dissipé tous les nuages de la sottise et de
l’usurpation*. L’homme esclave a multiplié ses forces, a eu besoin de recourir aux tiennes pour
5/briser ses fers. Devenu libre, il est devenu injuste envers sa compagne. Ô femmes ! Femmes,
quand cesserez-vous d’être aveugles ? Quels sont les avantages que vous avez recueillis dans la
révolution ? Un mépris plus marqué, un dédain* plus signalé. Dans les siècles de corruption vous
n’avez régné que sur la faiblesse des hommes. Votre empire* est détruit ; que vous reste-t-il donc ?
La conviction des injustices de l’homme. La réclamation de votre patrimoine fondée sur les sages
10/ décrets* de la nature ! Qu’auriez-vous à redouter pour une si belle entreprise ? Le bon mot du
Législateur des noces de Cana* ? Craignez-vous que nos Législateurs français, correcteurs de cette
morale, longtemps accrochée aux branches de la politique, mais qui n’est plus de saison, ne vous
répètent : « Femmes, qu’y a-t-il de commun entre vous et nous ? » — Tout, auriez-vous à répondre.
S’ils s’obstinaient, dans leur faiblesse, à mettre cette inconséquence* en contradiction avec leurs
15/principes ; opposez courageusement la force de la raison aux vaines prétentions de supériorité ;
réunissez-vous sous les étendards de la philosophie ; déployez toute l’énergie de votre caractère, et
vous verrez bientôt ces orgueilleux, non serviles adorateurs rampants à vos pieds, mais fiers de
partager avec vous les trésors de l’Être Suprême. Quelles que soient les barrières que l’on vous
oppose, il est en votre pouvoir de les affranchir ; vous n’avez qu’à le vouloir.

Objet d’étude : la littérature d’idées du XVI° au XVIII° siècle


Parcours : Ecrire et combattre pour l’égalité texte bac n°…

1/ – Il fallait que sa femme fût une bien bonne créature: si j'avais été la femme d'un pareil
homme, je lui aurais fait voir du pays. Soyez soumises à vos maris! Encore s'il s'était contenté de
dire: Soyez douces, complaisantes, attentives, économes, je dirais: voilà un homme qui sait vivre;
et pourquoi soumises, s'il vous plaît? Quand j'épousai M. de Grancey, nous nous promîmes
5/d'être fidèles: je n'ai pas trop gardé ma parole, ni lui la sienne; mais ni lui ni moi ne promîmes
d'obéir. Sommes-nous donc des esclaves? N’est-ce pas assez qu’un homme, après m'avoir
épousée, ait le droit de me donner une maladie de neuf mois, qui quelquefois est mortelle?
N'est-ce pas assez que je mette au jour avec de très grandes douleurs un enfant qui pourra me
plaider2 quand il sera majeur? Ne suffit-il pas que je sois sujette tous les mois à des
10/incommodités très désagréables pour une femme de qualité, et que, pour comble, la
suppression d'une de ces douze maladies par an soit capable de me donner la mort sans qu'on
vienne me dire encore: Obéissez?
Certainement la nature ne l'a pas dit; elle nous a fait des organes différents de ceux des
hommes; mais en nous rendant nécessaires les uns aux autres, elle n'a pas prétendu que
15/l'union formât un esclavage. Je me souviens bien que Molière a dit:
Du côté de la barbe est la toute-puissance.
Mais voilà une plaisante raison pour que j’aie un maître! Quoi! Parce qu'un homme a le menton
couvert d'un vilain poil rude, qu'il est obligé de tondre de fort près, et que mon menton est né
rasé, il faudra que je lui obéisse très humblement? Je sais bien qu'en général les hommes ont
20/ les muscles plus forts que les nôtres, et qu'ils peuvent donner un coup de poing mieux
appliqué: j'ai peur que ce ne soit là l'origine de leur supériorité.
Ils prétendent avoir aussi la tête mieux organisée, et, en conséquence, ils se vantent d'être plus
capables de gouverner; mais je leur montrerai des reines qui valent bien des rois. On me parlait
ces jours passés d'une princesse allemande3 qui se lève à cinq heures du matin pour travailler à
25/ rendre ses sujets heureux, qui dirige toutes les affaires, répond à toutes les lettres,
encourage tous les arts, et qui répand autant de bienfaits qu'elle a de lumières. Son courage
égale ses connaissances; aussi n'a-t-elle pas été élevée dans un couvent par des imbéciles qui
nous apprennent ce qu'il faut ignorer, et qui nous laissent ignorer ce qu'il faut apprendre. Pour
moi, si j’avais un État à gouverner, je me sens capable d'oser suivre ce modèle.»
L'abbé de Châteauneuf, qui était fort poli, n'eut garde de contredire Mme la maréchale.

Objet d’étude : la littérature d’idées du XVI° au XVIII° siècle


Parcours : Ecrire et combattre pour l’égalité texte bac n°…

1/ CLEANTHIS : Expliquez-moi donc ce que je vois ; il semble que vous lui demandiez pardon ?
ARLEQUIN : C'est pour me châtier de mes insolences.
CLEANTHIS : Mais enfin notre projet ?
ARLEQUIN : Mais enfin, je veux être un homme de bien ; n'est-ce pas là un beau projet ? je me 5/
repens de mes sottises, lui des siennes ; repentez-vous des vôtres, Madame Euphrosine se
repentira aussi ; et vive l'honneur après ! cela fera quatre beaux repentirs, qui nous feront
pleurer tant que nous voudrons.
EUPHROSINE : Ah ! ma chère Cléanthis, quel exemple pour vous !
IPHICRATE : Dites plutôt : quel exemple pour nous ! Madame, vous m'en voyez pénétré.
10/ CLEANTHIS : Ah ! vraiment, nous y voilà avec vos beaux exemples. Voilà de nos gens qui
nous méprisent dans le monde, qui font les fiers, qui nous maltraitent, et qui nous regardent
comme des vers de terre  ; et puis, qui sont trop heureux dans l'occasion de nous trouver cent
fois plus honnêtes gens qu'eux. Fi ! que cela est vilain, de n'avoir eu pour mérite que de l'or, de
l'argent et des dignités ! C'était bien la peine de faire tant les glorieux ! Où en seriez-vous
aujourd'hui, si nous 15/ n'avions point d'autre mérite que cela pour vous ? Voyons, ne seriez-
vous pas bien attrapés ? Il s'agit de vous pardonner, et pour avoir cette bonté-là, que faut-il
être, s'il vous plaît ? Riche ? Non ; noble ? non ; grand seigneur? point du tout. Vous étiez tout
cela ; en valiez-vous mieux ? Et que faut-il donc ? Ah ! nous y voici. Il faut avoir le cœur bon, de la
vertu et de la raison ; voilà ce qu'il nous faut, voilà ce qui est estimable, ce qui distingue, ce qui
fait qu'un homme est plus qu'un autre. 20/Entendez-vous, Messieurs les honnêtes gens du
monde ? Voilà avec quoi l'on donne les beaux exemples que vous demandez et qui vous
passent. Et à qui les demandez-vous ? A de pauvres gens que vous avez toujours offensés,
maltraités, accablés, tout riches que vous êtes, et qui ont aujourd'hui pitié de vous, tout
pauvres qu'ils sont. Estimez-vous à cette heure, faites les superbes, vous aurez bonne grâce !
Allez ! vous devriez rougir de honte.
L’île des esclaves, Marivaux, 1725
Objet d’étude théâtre – Molière, Le Malade imaginaire – Acte I, scène 5. EL n°1
1/ARGAN: Ma femme, votre belle-mère, avait envie que je vous fisse religieuse, et votre petite
sœur Louison aussi, et de tout temps elle a été aheurtée à cela.

TOINETTE, tout bas: La bonne bête a ses raisons.

ARGAN: Elle ne voulait point consentir à ce mariage, mais je l'ai emporté, et ma parole est donnée.

5/ ANGÉLIQUE: Ah! mon père, que je vous suis obligée de toutes vos bontés.

TOINETTE: En vérité, je vous sais bon gré de cela, et voilà l'action la plus sage que vous ayez faite
de votre vie.

ARGAN: Je n'ai point encore vu la personne; mais on m'a dit que j'en serais content, et toi aussi.

ANGÉLIQUE: Assurément, mon père.

ARGAN: Comment l'as-tu vu?

10/ ANGÉLIQUE: Puisque votre consentement m'autorise à vous pouvoir ouvrir mon cœur, je ne
feindrai point de vous dire que le hasard nous a fait connaître il y a six jours, et que la demande
qu'on vous a faite est un effet de l'inclination que, dès cette première vue, nous avons prise l'un pour
l'autre.

ARGAN: Ils ne m'ont pas dit cela; mais j'en suis bien aise, et c'est tant mieux que les choses soient
de la sorte. Ils disent que c'est un grand jeune garçon bien fait.

15/ ANGÉLIQUE: Oui, mon père.

ARGAN: De belle taille.

ANGÉLIQUE: Sans doute.

ARGAN: Agréable de sa personne.

ANGÉLIQUE: Assurément.

20/ ARGAN: De bonne physionomie.

ANGÉLIQUE: Très bonne.

ARGAN: Sage, et bien né.

ANGÉLIQUE: Tout à fait.

ARGAN: Fort honnête.

25/ ANGÉLIQUE: Le plus honnête du monde.

ARGAN: Qui parle bien latin, et grec.

ANGÉLIQUE: C'est ce que je ne sais pas.


ARGAN: Et qui sera reçu médecin dans trois jours.

ANGÉLIQUE: Lui, mon père?

30/ ARGAN: Oui. Est-ce qu'il ne te l'a pas dit?

ANGÉLIQUE: Non vraiment. Qui vous l'a dit à vous?

Objet d’étude : le théâtre - Oeuvre intégrale : Le Malade imaginaire, Molière, 1673 EL n° 2


Acte II, scène 5 (extrait)

1/MONSIEUR DIAFOIRUS.
(...)(Il se retourne vers son fils et lui dit :) Allons, Thomas, avancez. Faites vos compliments*.
THOMAS DIAFOIRUS est un grand benêt*, nouvellement sorti des Écoles, qui fait toutes choses
de mauvaise grâce et à contretemps.  N’est-ce pas par le père qu’il convient de commencer ?
5/ MONSIEUR DIAFOIRUS.
Oui.
THOMAS DIAFOIRUS, à Argan.
Monsieur, je viens saluer, reconnaître, chérir et révérer en vous un second père, mais un second père
auquel j’ose dire que je me trouve plus redevable qu’au premier. Le premier m’a engendré ; mais
vous 10/ m’avez choisi. Il m’a reçu par nécessité ; mais vous m’avez accepté par grâce. Ce que je
tiens de lui est un ouvrage de son corps ; mais ce que je tiens de vous est un ouvrage de votre
volonté ; et, d’autant plus que les facultés spirituelles sont au-dessus des corporelles, d’autant plus
je vous dois, et d’autant plus je tiens précieuse cette future filiation, dont je viens aujourd’hui vous
rendre, par avance, les très humbles et très respectueux hommages.
15/ TOINETTE.
Vivent les collèges d’où l’on sort si habile homme !
THOMAS DIAFOIRUS, à Monsieur Diafoirus.
Cela a-t-il bien été, mon père ?
MONSIEUR DIAFOIRUS.
20/ Optime*
ARGAN, à Angélique.
Allons, saluez Monsieur.
THOMAS DIAFOIRUS, à monsieur Diafoirus.
Baiserai-je*?
25/ MONSIEUR DIAFOIRUS.
Oui, oui.
THOMAS DIAFOIRUS, à Angélique.
Madame, c’est avec justice que le ciel vous a concédé le nom de belle-mère, puisque l’on…
ARGAN, à Thomas Diafoirus.
30/ Ce n’est pas ma femme, c’est ma fille à qui vous parlez.
THOMAS DIAFOIRUS.
Où donc est-elle ?
ARGAN.
Elle va venir.
35/ THOMAS DIAFOIRUS.
Attendrai-je, mon père, qu’elle soit venue ?
MONSIEUR DIAFOIRUS.
Faites toujours le compliment de Mademoiselle.
THOMAS DIAFOIRUS.
40/ Mademoiselle, ni plus ni moins que la statue de Memnon rendait un son harmonieux lorsqu’elle
venait à être éclairée des rayons du soleil, tout de même me sens-je animé d’un doux transport* à
l’apparition du soleil de vos beautés ; et, comme les naturalistes* remarquent que la fleur nommée
héliotrope tourne sans cesse vers cet astre du jour, aussi mon cœur dores-en-avant* tournera-t-il
toujours vers les astres resplendissants de vos yeux adorables, ainsi que vers son pôle unique.
Souffrez 45/ donc, mademoiselle, que j’appende* aujourd’hui à l’autel de vos charmes l’offrande de
ce cœur qui ne respire et n’ambitionne autre gloire que d’être toute sa vie, mademoiselle, votre très
humble, très obéissant, et très fidèle serviteur et mari.
TOINETTE, en le raillant. Voilà ce que c’est que d’étudier ! on apprend à dire de belles choses.

Objet d’étude : le théâtre - Oeuvre intégrale : Le Malade imaginaire, Molière, 1673 EL n° 3


Acte III, scène 10 (extrait)

1/ TOINETTE.- Je suis médecin passager, qui vais de ville en ville, de province en province, de
royaume en royaume, pour chercher d’illustres matières à ma capacité, pour trouver des malades
dignes de m’occuper, capables d’exercer les grands, et beaux secrets que j’ai trouvés dans la
médecine. Je dédaigne de m’amuser à ce menu fatras de maladies ordinaires, à ces bagatelles de
rhumatismes et de fluxions, à ces fiévrottes, à ces vapeurs, et à ces migraines. Je veux des maladies
d’importance, de bonnes fièvres continues, avec des 5/transports au cerveau, de bonnes fièvres
pourprées, de bonnes pestes, de bonnes hydropisies formées, de bonnes pleurésies, avec des
inflammations de poitrine, c’est là que je me plais, c’est là que je triomphe ; et je voudrais,
Monsieur, que vous eussiez toutes les maladies que je viens de dire, que vous fussiez abandonné de
tous les médecins, désespéré, à l’agonie, pour vous montrer l’excellence de mes remèdes, et l’envie
que j’aurais de vous rendre service.
ARGAN.- Je vous suis obligé, Monsieur, des bontés que vous avez pour moi.
10/ TOINETTE.- Donnez-moi votre pouls. Allons donc, que l’on batte comme il faut. Ahy, je vous
ferai bien aller comme vous devez. Hoy, ce pouls-là fait l’impertinent ; je vois bien que vous ne me
connaissez pas encore. Qui est votre médecin ?
ARGAN.- Monsieur Purgon.
TOINETTE.- Cet homme-là n’est point écrit sur mes tablettes entre les grands médecins. De quoi,
dit-il, que vous êtes malade ?
ARGAN.- Il dit que c’est du foie, et d’autres disent que c’est de la rate.
15/ TOINETTE.- Ce sont tous des ignorants, c’est du poumon que vous êtes malade.
ARGAN.- Du poumon ?
TOINETTE.- Oui. Que sentez-vous ?
ARGAN.- Je sens de temps en temps des douleurs de tête.
TOINETTE.- Justement, le poumon.
20/ ARGAN.- Il me semble parfois que j’ai un voile devant les yeux.
TOINETTE.- Le poumon.
ARGAN.- J’ai quelquefois des maux de cœur.
TOINETTE.- Le poumon.
ARGAN.- Je sens parfois des lassitudes par tous les membres.
25/ TOINETTE.- Le poumon.
ARGAN.- Et quelquefois il me prend des douleurs dans le ventre, comme si c’était des coliques.
TOINETTE.- Le poumon. Vous avez appétit à ce que vous mangez ?
ARGAN.- Oui, Monsieur.
TOINETTE.- Le poumon. Vous aimez à boire un peu de vin ?
30/ ARGAN.- Oui, Monsieur.
TOINETTE.- Le poumon. Il vous prend un petit sommeil après le repas, et vous êtes bien aise de
dormir ?
ARGAN.- Oui, Monsieur.
TOINETTE.- Le poumon, le poumon, vous dis-je. Que vous ordonne votre médecin pour votre
nourriture ?

EL Molière, Les Fourberies de Scapin, II, 7, 1671


SCAPIN. Monsieur…
GÉRONTE. Quoi ?
SCAPIN. Monsieur votre fils…
GÉRONTE. Hé bien ! mon fils…
SCAPIN. Est tombé dans une disgrâce la plus étrange du monde.
GÉRONTE. Et quelle ?
SCAPIN. Je l’ai trouvé tantôt, tout triste, de je ne sais quoi que vous lui avez dit, où vous m’avez
mêlé assez mal à propos, et, cherchant à divertir cette tristesse, nous nous sommes allés promener
sur le port. Là, entre autres plusieurs choses, nous avons arrêté nos yeux sur une galère turque assez
bien équipée. Un jeune Turc de bonne mine nous a invités d’y entrer, et nous a présenté la main.
Nous y avons passé, il nous a fait mille civilités, nous a donné la collation, où nous avons mangé
des fruits les plus excellents qui se puissent voir, et bu du vin que nous avons trouvé le meilleur du
monde.
GÉRONTE. Qu’y a-t-il de si affligeant en tout cela ?
SCAPIN. Attendez, Monsieur, nous y voici. Pendant que nous mangions, il a fait mettre la galère en
mer, et, se voyant éloigné du port, il m’a fait mettre dans un esquif, et m’envoie vous dire que, si
vous ne lui envoyez par moi tout à l’heure cinq cents écus, il va nous emmener votre fils en Alger.
GÉRONTE. Comment ! diantre, cinq cents écus ?
SCAPIN. Oui, Monsieur ; et, de plus, il ne m’a donné pour cela que deux heures.
GÉRONTE. Ah ! le pendard de Turc ! m’assassiner de la façon.
SCAPIN. C’est à vous, Monsieur, d’aviser promptement aux moyens de sauver des fers un fils que
vous aimez avec tant de tendresse.
GÉRONTE. Que diable allait-il faire dans cette galère ?
SCAPIN. Il ne songeait pas à ce qui est arrivé.
GÉRONTE. Va-t’en, Scapin, va-t’en dire à ce Turc que je vais envoyer la justice après lui.
SCAPIN. La justice en pleine mer ! Vous moquez-vous des gens ?
GÉRONTE. Que diable allait-il faire dans cette galère ?
SCAPIN. Une méchante destinée conduit quelquefois les personnes.
GÉRONTE. Il faut, Scapin, il faut que tu fasses ici l’action d’un serviteur fidèle.
SCAPIN. Quoi, Monsieur ?
GÉRONTE. Que tu ailles dire à ce Turc qu’il me renvoie mon fils, et que tu te mets à sa place,
jusqu’à ce que j’aie amassé la somme qu’il demande.
SCAPIN. Eh ! Monsieur, songez-vous à ce que vous dites ? et vous figurez-vous que ce Turc ait si
peu de sens que d’aller recevoir un misérable comme moi à la place de votre fils ?
GÉRONTE. Que diable allait-il faire dans cette galère ?
SCAPIN. Il ne devinait pas ce malheur. Songez, Monsieur, qu’il ne m’a donné que deux heures. 

EL Beaumarchais, Le Mariage de Figaro, I, 1 (extrait)


1/Suzanne
Apprends qu’il la destine à obtenir de moi secrètement, certain quart d’heure, seul à seule, qu’un ancien droit du
seigneur… Tu sais s’il était triste !
Figaro
5/ Je le sais tellement, que si monsieur le Comte, en se mariant, n’eût pas aboli ce droit honteux, jamais je ne
t’eusse épousée dans ses domaines.
Suzanne
Eh bien, s’il l’a détruit, il s’en repent ; et c’est de ta fiancée qu’il veut le racheter en secret aujourd’hui.
Figaro, se frottant la tête.
10/Ma tête s’amollit de surprise, et mon front fertilisé…
Suzanne
Ne le frotte donc pas !
Figaro
Quel danger ?
15/ Suzanne, riant.
S’il y venait un petit bouton, des gens superstitieux…
Figaro
Tu ris, friponne ! Ah ! s’il y avait moyen d’attraper ce grand trompeur, de le faire donner dans un bon piège, et
d’empocher son or !
20/Suzanne
De l’intrigue et de l’argent, te voilà dans ta sphère.
Figaro
Ce n’est pas la honte qui me retient.
Suzanne
25/La crainte ?
Figaro
Ce n’est rien d’entreprendre une chose dangereuse, mais d’échapper au péril en la menant à bien : car d’entrer
chez quelqu’un la nuit, de lui souffler sa femme, et d’y recevoir cent coups de fouet pour la peine, il n’est rien
plus aisé ; mille sots coquins l’ont fait. Mais… (On sonne de l’intérieur.)

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