13-1 Matip
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INTRODUCTION................................................................................................................................................................ 2
I. LES CONDITIONS D’OBTENTION DU BREVET EN DROIT DE L’OAPI ....................................................... 5
A. LES CONDITIONS DE FOND ............................................................................................................................................ 6
1. Les inventions contraires à l’ordre public ou aux bonnes mœurs ......................................................................... 7
2. Les conditions de brevetabilité ................................................................................................................................ 9
a. La Nouveauté .......................................................................................................................................................................... 9
b. La condition d’activité inventive.......................................................................................................................................... 11
c. La condition d’application industrielle ................................................................................................................................ 12
B. LES CONDITIONS DE FORMES DE LA DEMANDE DE BREVET EN DROIT DE L’OAPI .................................................... 13
II. LES PROBLÈMES DE MISE EN ŒUVRE DES NOTIONS DE NOUVEAUTÉ, D’ACTIVITÉ
INVENTIVE ET D’APPLICATION INDUSTRIELLE PAR LES PAYS DE L’OAPI........................................... 14
A. LES PROBLÈMES DE MISE EN ŒUVRE DU FAIT DE L’ADPIC....................................................................................... 14
1. La durée de vie du brevet....................................................................................................................................... 14
2. L’obligation d’exploiter......................................................................................................................................... 15
B. LE RENFORCEMENT DES PRÉROGATIVES DU BREVETÉ DU FAIT DE L’ACCORD DE BANGUI DE 1999 ........................ 19
1. L’élargissement de la notion d’exploitation du brevet aux actes de contrefaçon par le droit de l’OAPI.......... 19
2. L’adoption par l’OAPI d’un système d’épuisement qui n’est toujours pas à l’avantage de ces pays ............... 19
3. L'absence d’un dispositif suffisant de contrôle des pratiques anti-concurentielles ............................................ 21
4. Les problèmes liés à la mise en œuvre de l’annexe X de l’Acte de Bangui de 1999 ........................................... 24
5. L'absence d’infrastructures pour la mise en œuvre des flexibilités de l’ADPIC................................................. 26
CONCLUSION................................................................................................................................................................... 27
+
Stagiaire postdoctorale. Courriel: [email protected].
1
P. MALAURIE, L. AYNES, Droit civil - Les biens, La publicité foncière, 5ème éd., Paris, Cujas, 2002, p.66.
Nicole MATIP, « La révision du droit des brevets de l’Organisation Africaine de la Propriété Intellectuelle » 2
service doit publier un bulletin périodique contenant certaines informations relatives aux
demandes déposées.
La deuxième règle implique que les Etats Membres ont l’obligation de traiter le ressortissant d’un
Etat Membre de l’Union comme leurs propres ressortissants et ce, en vertu de l’article 2(i) de la
CUP qui indique que :
[l]es ressortissants de chacun des pays de l’Union jouiront dans tous les pays de l’Union, en ce
qui concerne la protection de la propriété industrielle, des avantages que les lois respectives
accordent actuellement ou accorderont par la suite aux nationaux, le tout sans préjudice des
droits spécialement prévues par la présente Convention. En conséquence, ils auront la même
protection que ceux-ci et le même recours légal contre toute atteinte portée à leurs droits, sous
réserve de l’accomplissement des formalités imposées aux nationaux.
Enfin, la troisième règle permet au ressortissant d’un Etat Membre de l’Union de disposer d’un
an pour les brevets d’invention et les modèles d’utilité, et de six mois pour les dessins et modèles
industriels ainsi que pour les marques de fabrique et de commerce suivant la date du premier
dépôt, pour établir la protection internationale de son droit de propriété industrielle. Cette priorité
naît d’un dépôt régulier d’un titre de propriété industriel dans un autre pays de l’Union et permet
ainsi de sécuriser les dépôts multiples. L’article 2(1) CUP prévoit l’assimilation des unionistes
aux nationaux. Selon ce principe, un étranger membre de l’Union bénéficiera dans n’importe
quels pays membres de l’Union des mêmes droits et obligations qu’un ressortissant de ce pays.
La CUP a pour but principal de renforcer la coopération entre les Etats membres afin d’assurer
une protection appropriée des droits de propriété industrielle. De plus, la CUP permet aux Etats
membres de prendre séparément, entre eux, des arrangements particuliers pour la protection de la
propriété industrielle à la condition que ces arrangements ne contreviennent pas aux dispositions
de l’article 19. C’est ainsi qu’ont été conclus divers arrangements comme l’Arrangement de
Madrid pour l’enregistrement international des marques (1891) modifié par le Protocole de
Madrid (1989) ainsi que l’Arrangement de Lisbonne pour la protection des appellations
d’origine et leur enregistrement international (1958).
Outre ces arrangements, la CUP permet la conclusion d’accords regroupant un certain nombre
d’Etats qui délèguent à un organisme supranational le rôle de service de propriété industrielle
prévu à l’article12. C’est ainsi que l’Accord de Libreville (1962) a créé un Office Africain et
Malgache de la Propriété Industrielle (OAMPI) regroupant douze Etats. Cet accord modifié à
Bangui (1977) a abouti à la création de l’Organisation Africaine de la Propriété Intellectuelle
(OAPI) qui regroupe actuellement seize Etats2. Toutefois, la CUP ou le Traité de Coopération en
matière de brevet ne prévoyaient aucune harmonisation des législations entre les Etat membres.
Le demandeur d’un brevet (sous entendu un titre de propriété industrielle) devait connaître les
législations de chacun des pays dans lesquels il revendiquait un brevet.
Le lien entre le système de la propriété intellectuelle et le commerce mondial a été mis en relief
par l’Accord sur les aspects des droits de propriété intellectuelle qui touchent au commerce
(ADPIC), par lequel de nombreux pays dont la majorité des pays en développement (PED) sont
liés. Cet accord conditionne l’accès au système de préférences commerciales établi dans le cadre
de l’Organisation Mondiale du Commerce (OMC). La plupart des PED qui sont Membres de
2
Au nombre de ces États, on retrouve: le Bénin, le Burkina Faso, le Cameroun, le Congo, la Côte d’Ivoire, le
Gabon, la Guinée, la Guinée Bissau, la Guinée Equatoriale, le Mali, la Mauritanie, le Niger, la République
Centrafricaine, le Sénégal, le Tchad et le Togo.
3
M. DIAS VARELLA, « L’organisation Mondiale du Commerce, les brevets, les médicaments et le rapport
Nord-Sud», (2004) 1 R.I.D.E. à la p.92.
4
Id, p.80.
Nicole MATIP, « La révision du droit des brevets de l’Organisation Africaine de la Propriété Intellectuelle » 4
pays ont donc intérêt à avoir un système de propriété intellectuelle moins rigide, permettant une
certaine concurrence entre les entreprises capables de produire ces médicaments5.
À cet égard, la mise en œuvre de ces concepts par les pays de l’OAPI au travers de l’Accord de
Bangui de 1999 (Accord de Bangui) montre que ces ouvertures ont été utilisées de façon
optimale, du moins en théorie, aussi bien pour le développement industriel et commercial des
Etats Membres que pour favoriser l’innovation technologique. Dès lors les termes de nouveauté,
d'activité inventive et d'application industrielle ont été définis de manière restrictive dans
l'objectif d'atteindre les buts précités.
Toutefois, ces dispositions sont difficilement applicables sur le plan pratique car l'OAPI délivre
les titres « sans garantie de gouvernement » selon la formule consacrée de Roubier6. Les raisons
principales sont les moyens limités dont dispose l'Organisation pour instaurer un tel système :
cela nécessite un apport financier très important pour qu'il soit véritablement opérationnel
(beaucoup d'examinateurs, de matériels documentaires). Mais l'OAPI manque aussi bien de
personnels qualifiés, que de la documentation technique dans certains domaines. Pour une
meilleure efficacité du système, il faudrait une nouvelle analyse des objets de brevets, plus
minutieuse c’est-à-dire opérée par des techniciens des bureaux de brevets de ces pays et non pas
simplement l'homologation des brevets délivrés par les pays du nord, l’engagement d’un
personnel qualifié ainsi que la mise en valeur de l'OAPI.
Il nous appartient donc de mettre en exergue dans une première partie la mise en œuvre des
conditions de brevetabilité par les pays de l'OAPI qui se veut assez restrictive et ce, dans le but
d'une meilleure industrialisation de ses Etats Membres. La deuxième partie de notre travail
consistera à démontrer que cet objectif est difficilement atteignable sur le plan pratique car
l'OAPI se heurte à plusieurs problèmes juridiques. Ces problèmes sont aussi inhérents à l'ADPIC
lui même (élargissement de la notion d'exploitation, la durée de vie du brevet, la notion
d’obligation d'exploitation qui a changé avec l'avènement de l'ADPIC) qu'au système actuel de
l'OAPI, à savoir l'adoption par l'OAPI d'un système d'épuisement qui n'est pas toujours à son
avantage, l'absence d'un dispositif suffisant de contrôle des pratiques anticoncurrentielles dans les
licences contractuelles, les problèmes liés à la mise en œuvre de l'Annexe X relative aux
obtentions végétales de l'Accord de Bangui et enfin, l'absence d'infrastructures pour la mise en
œuvre des flexibilités offertes par l'ADPIC.
5
Id., p. 90.
6
P. ROUBIER, « Le droit de la propriété industrielle », (1952) Recueil Sirey - Partie générale, p. 94.
Nicole MATIP, « La révision du droit des brevets de l’Organisation Africaine de la Propriété Intellectuelle » 6
définir de façon très précise la nouveauté, l’activité inventive et l’application industrielle ainsi
que les contours de la notion d’ordre public et de bonnes mœurs. Les PED pourraient à notre avis
saisir cette opportunité pour exclure de la brevetabilité certains produits ou procédés. Dans le
domaine des médicaments, cela est d’une importance vitale car il pourrait copier les inventions
et les vendre à des prix accessibles aux populations de leurs pays. Cela leur permettrait de faire
de la recherche sur ce qui existe déjà, et les breveter toujours dans le sens d’une meilleure
accessibilité de ces produits à leur population ou dans le sens du développement de la capacité
technologique et industriel des Etats Membres. Tel est le cas des pays de l’OAPI qui ont œuvré
dans ce sens comme nous allons le voir dans les développements ultérieurs toujours dans le but
d’une meilleure industrialisation de ces pays et dans le sens d’une dépendance moindre à l’égard
des technologies étrangères.
Conformément aux dispositions prévues à l’article 27 de l’ADPIC en matière de brevetabilité,
l’alinéa 1 de l’article 2 de l’annexe 1 de l’Accord de Bangui définit une invention brevetable
comme celle qui est nouvelle, implique une activité inventive et est susceptible d’application
industrielle. De même, selon l’article 2 de l’Annexe 1 de l’Accord de Bangui, « peut faire l’objet
d’un brevet d’invention (ci-après dénommé « brevet ») l’invention nouvelle, impliquant une
activité inventive et susceptible d’application industrielle. ».
En outre, selon l’article.6 de l’Annexe 1 de l’Accord de Bangui,
[ne] peuvent être brevetés : (…)
b) les découvertes, les théories scientifiques et les méthodes mathématiques ; (…)
d) les plans, principes ou méthodes en vue de faire des affaires, de réaliser des actions purement
intellectuelles ou de jouer ; (…)
g) les programmes d’ordinateurs ; (…)
Pour certaines inventions, l’Accord de Bangui a fait une distinction entre les activités purement
intellectuelles et celles qui, bien qu’intellectuelles, ont une application concrète et sont donc
brevetables. Au rang de ces exclusions partielles, on note, les simples présentations
d’informations (art. 6 (1)f) Annexe 1) et les créations de caractère exclusivement ornementales
(art. 6 (1)h) Annexe 1). Toutefois, les notions d’ordre public de bonnes mœurs, ainsi que
l’exclusion des végétaux de la brevetabilité prévue par l’article 27.3(b) de l’ADPIC nous
intéressent plus particulièrement et mérite de plus amples développements car ces exclusions
utilisées de manière efficace peuvent favoriser de manière optimale l’exclusion de certains types
de brevets.
1. Les inventions contraires à l’ordre public ou aux bonnes mœurs
Ainsi, pour ce qui est la notion de l’ordre public ou de bonnes mœurs, l’exclusion de certaines
formes de brevets pour non-conformité à ces notions est traditionnelle dans le droit des brevets de
la plupart des pays.
En droit africain, elle était déjà prévue aux termes des dispositions de l’art. 3-1° de l’Annexe I de
l’Accord de Libreville, disposition reprise par l’Accord de Bangui en son article 5a) Annexe 1.
Actuellement, elle figure à l’art. 6(1)a) Annexe 1 de l’Accord de Bangui qui indique qu’est exclu
de la brevetabilité :
[l’] invention dont l’exploitation est contraire à l’ordre public ou aux bonnes mœurs, étant
entendu que l’exploitation de ladite invention n’est pas considérée comme contraire à l’ordre
public ou aux bonnes mœurs du seul fait que cette exploitation est interdite par une disposition
7
Décision T353/93, J.O. 1995, 545.
8
R.C. MBA, La protection des inventions en droit de l’OAPI, Thèse de Doctorat, Université Jean MOULIN
LYON III, 2004, p. 99.
Nicole MATIP, « La révision du droit des brevets de l’Organisation Africaine de la Propriété Intellectuelle » 8
relève de la législation interne des Etats Membres. Une application très restrictive de ces notions
leur permet d’en exclure un grand nombre d’objets ou de produits pharmaceutiques de la
brevetabilité.
2. Les conditions de brevetabilité
a. La Nouveauté
Comme on l’a souligné ci-dessus, l’ADPIC ne définit pas la nouveauté. Autrement dit, la
définition relève de la législation interne de chaque Etat Membre ou de chaque région. La
nouveauté peut être absolue ou relative. Elle est absolue lorsqu’elle peut être détruite par toute
antériorité sans aucune restriction ; elle est relative lorsqu’elle ne peut être détruite que par des
antériorités répondant à des conditions déterminées liées soit à une limite temporelle, soit à une
limite territoriale. Le législateur africain exige la nouveauté absolue pour les demandes de brevet.
Pour ce qui est du brevet, l’article 2 de l’Annexe I de l’Accord de Bangui révisé pose comme,
l’art.54 de la Convention sur le Brevet Européen, le principe d’une nouveauté objective et
absolue de l’objet de la demande de brevet : une invention est considérée comme nouvelle si elle
n’est pas comprise dans l’état de la technique à la date de dépôt de la demande. Quant à l’article 3
al.1 de l’Annexe 1 du nouvel Accord de Bangui « une invention est nouvelle si elle n’a pas
d’antériorité dans l’état de la technique ». La nouveauté se définit ici par rapport à l’état de la
technique lui-même défini par ce qui a été rendu accessible au public. Il s’agit d’une nouveauté
objective opérant non seulement pour l’individu, mais aussi pour la collectivité9. Ainsi la
nouveauté est définie de manière négative c’est-à-dire par ce qu’elle n’est pas ce qui est positif
c’est l’antériorité qui la détruit.
La technique quant à elle est généralement définie comme l’ensemble des procédés et des
produits fondés sur des connaissances scientifiques et employés à la production dans les
différentes branches de l’industrie10. Mais l’expression « état de la technique » désigne de façon
large, un ensemble donné de connaissances, considéré à un moment donné11, «l’état de la
technique est constitué par tout ce qui a été rendu accessible au public, quel que soit le lieu, le
moyen ou la manière, avant le jour du dépôt de la demande de brevet ou d’une demande de brevet
déposée à l’étranger et dont la priorité a été valablement revendiquée », texte repris intégralement
par l’art.3-2 de l’annexe 1 de l’Accord de Bangui révisé. En fait, l’état de la technique comprend
«tout » ce qui permet de détruire la nouveauté d’un actif intellectuel. Il est fixé jusqu’à la date de
dépôt de la demande. Ainsi le législateur africain fait remonter les antériorités jusqu’à l’infini
quelle que soit la protection requise. Toute divulgation antérieure au jour du dépôt de la demande
de brevet détruit la nouveauté de l’invention objet de la demande déposée. Le système de priorité
s’applique. En effet, l’Accord de Bangui retient également cette date de dépôt de la demande
comme point de départ du délai de revendication du droit de priorité prévu par la CUP et
l’ADPIC.
Pour ce qui est du terme «public » il désigne toute personne non tenue au secret. C’est la position
9
J.M. MOUSSERON cité par F. VALANCOGNE, L’invention, sa brevetabilité, l’étendue de sa protection,
Paris, Litec, 1968, p.223
10
D. EKANI, D. LACHAT, l’Accord de Bangui pour la protection des actifs intellectuels dans la sous- région
subsaharienne, créations industrielles et signes distinctifs, Paris, L’harmattan, 1998, p.124.
11
J.M. MOUSSERON, Traité des brevets, Tome 1, Paris, Litec, 1984, p.249.
12
Cour d’appel de Paris, 17 septembre 1997, (1999) JCP, E, p.414, observations Mousseron.
13
P. MATHELY, « Le nouveau droit français des brevets d’invention », (1992) Journal des notaires et des
avocats, p. 44.
14
P. ROUBIER, loc. cit., note 6, p. 145.
15
J.M. MOUSSERON, op. cit., note 11, p. 44.
Nicole MATIP, « La révision du droit des brevets de l’Organisation Africaine de la Propriété Intellectuelle » 10
L’on sait que pareille option s’inscrit dans le cadre d’un renforcement de la valeur économique
du brevet. C’est dans ce sens qu’abondent Hiance et Plasseraud16,
dans la mesure où le brevet constitue un monopole entravant l’exploitation d’une invention par
toute personne autre que le breveté, il importe que sa délivrance soit véritablement justifiée par la
nouveauté absolue de l’invention. Cela est encore plus vrai dans les pays sous–développés que
dans les autres, puisque la plupart des brevets sont d’origine étrangère. Par ailleurs les lourdes
charges qui sont imposées par les brevetés pour l’exploitation de leur invention doivent avoir une
contrepartie dans la nouveauté absolue de l’invention. De ce double point de vue, un pays est en
principe d’autant mieux protégé des monopoles abusifs que l’exigence de la nouveauté est plus
rigoureuse.17
Ces arguments méritent approbation : l’OAPI n’aurait aucun intérêt à protéger des inventions
déjà rendues publiques à l’étranger. Par ailleurs, du fait que nombre de nationaux africains
commencent à prendre des brevets dans des pays exigeant la nouveauté absolue, il est intéressant
que pareil critère leur soit familier dans leur propre système de brevets. La nouveauté absolue
constitue une garantie du défaut d’antériorité pour les inventions africaines. Elle empêcherait si
une analyse plus minutieuse des objets de brevet est faîte, d’octroyer des brevets sur des
médicaments ne présentant pas un niveau de nouveauté considéré comme suffisant18.
b. La condition d’activité inventive
Comme pour la nouveauté, la définition de l'activité inventive est laissée par l’ADPIC à la seule
appréciation des Etats Membres de l’Organisation. Encore une fois, les pays en voie de
développement et notamment les pays de l’OAPI peuvent saisir cette opportunité afin d’exclure
de la brevetabilité, un certains nombre de produits en interprétant de façon très restrictive cette
notion. Les pays de l’OAPI l’ont fait comme nous allons le voir dans les développements qui
vont suivre toujours dans le sens du développement technologique de ces Etats Membres.
Ainsi, la définition de l’activité inventive est donnée par l’Accord portant révision de l’Accord de
Bangui, lequel reprend intégralement les anciennes dispositions du texte de 1977 à l’article 3 de
l’Annexe 1 selon lequel :
[u]ne invention est considérée comme résultant d’une activité inventive si, pour un homme du
métier ayant des connaissances et une habilité moyenne, elle ne découle pas d’une manière
évidente de l’état de la technique à la date du dépôt de la demande de brevet ou bien, si une
priorité a été revendiquée, à la date de la priorité valablement revendiquée pour cette demande .
L’on retrouve dans cette définition les notions d’ « état de la technique », « d’évidence », et
« d’homme du métier » nécessaires à l’appréciation de cette condition.
Le personnage de référence au regard de qui la condition d’activité inventive est appréciée est
désigné comme «l’homme du métier ». Ce personnage n’est pas inconnu, puisqu’il ne s’agit en
réalité que d’une certaine transposition au domaine industriel du « bonus pater familias » du droit
civil. En outre, l’article 3 ne donne qu’une indication générale sur l’homme du métier, en le
définissant comme une personne qui a des compétences techniques ordinaires, un technicien
moyen qui possède des capacités professionnelles dans le domaine concerné par l’invention.
16
M. HIANCE, Y. PLASSERAUD, Brevets et sous-développement, la protection des inventions dans le tiers
monde, Paris, Litec, 1972.
17
Id., p. 215.
18
M. DIAS VARELLA, loc. cit., note 3, p. 100.
19
Ch. Rec. Tech. OEB 21 septembre 1995, T.422/93, JO.OEB 1997, p. 24.
20
Cass. Com.17 octobre 1995, (1995) JCP, G, IV, 2558.
21
T/009/1986, JO 1988, p. 12
Nicole MATIP, « La révision du droit des brevets de l’Organisation Africaine de la Propriété Intellectuelle » 12
industriel »22. Le caractère que doit présenter l’invention correspond d’ailleurs à la définition de
l’invention brevetable : une solution technique à un problème technique. L’invention doit donc
pouvoir être fabriquée ou utilisée industriellement ou artisanalement, car le mot « industrie »
couvre à la fois l’artisanat, la pêche, l’agriculture, les services. Il s’agit de « toute action de
l’homme pour façonner et utiliser la nature et la matière ». Un brevet peut donc être délivré pour
un produit et pour un procédé, car l’application est réalisée dès lors que l’ « objet de l’invention
peut être fabriqué ou utilisé », ou lorsque, selon le tribunal de région de Dakar dans un jugement
du 13/12/198023, le procédé qui produit un effet technique et immatériel est nouveau et implique
une activité inventive.
Nous partageons l’opinion de Kiminou selon laquelle,
[l]’OAPI ne devrait point se satisfaire d’une simple possibilité d’utilisation ou de fabrication
industrielle, encore faut-il que l’invention soumise à la brevetabilité puisse être réellement
applicable à l’industrie africaine, ensemble de secteurs dont le développement doit permettre de
satisfaire les besoins fondamentaux et une véritable base d’industrialisation24.
L’OAPI elle-même s’en est peut-être avisée en élaborant une «liste de domaines prioritaires »
ayant trait à l’alimentation et à l’agriculture, à l’industrie et aux ressources naturelles, secteurs
considérés comme prioritaires par le plan d’action de Lagos. Cette liste par ailleurs constituée au
vu de l’analyse des plans nationaux de développement économique, a pour but d’informer des
opérateurs économiques des domaines de développement technologique intéressant au premier
rang les Etats membres de l’OAPI. l’on sait que, dans le programme 3-2 du plan d’action de
Lagos, l’OUA met l’accent sur la nécessité d’identifier les domaines présentant un intérêt
commun aux Etats africains25. Dès lors devrait-on s’efforcer de faire en sorte que l’invention
s’applique au maximum à ces domaines.
Outre les conditions de fond, certaines conditions de forme sont requises en droit de l’OAPI pour
l’obtention d’un brevet. Il y a lieu de préciser que nous en parlerons d’une manière assez
sommaire car les conditions de forme de la brevetabilité relève beaucoup plus d’une démarche
administrative que juridique.
22
J. M. MOUSSERON, op. cit., note 11, p. 237.
23
R. KIMINOU, Le brevet africain, Thèse de Doctorat en droit, Université de Montpellier I, 1990, p. 36.
24
Id, p. 37.
25
A. PAPA THIAM, Identification des besoins des utilisateurs de l’information brevet dans les pays membres
de l’OAPI, la liste des domaines prioritaires, Séminaire de Brazzaville, 13-17 juillet 1981, p. 115.
26
Article 9 Accord de Bangui révisé 1999.
Nicole MATIP, « La révision du droit des brevets de l’Organisation Africaine de la Propriété Intellectuelle » 14
l’invention protégée faisait l’objet d’une exploitation industrielle sur le territoire de l’un des Etats
membres. Le brevet délivré couvrait une période de dix ans et ensuite, deux prolongations du
titre était possibles par fractionnement de cinq ans sous condition d’une exploitation locale du
brevet.
Comme nous allons le voir, l’obligation locale d’exploitation des titres de propriété industrielle a
été mis en œuvre par la plupart des pays en voie de développement et notamment les pays de
l’OAPI pour favoriser le développement industriel et technologique de ces Etats. Ceci pouvait se
faire par le biais d’un transfert de technologie efficace. Même si les résultats escomptés n’ont pas
été atteints, la protection du brevet pour une période de vingt ans, peut être un frein au transfert
de technologie et à la maîtrise des technologies nouvelles pour les PED. En fait, comme les
titulaires des brevets ne sont pas tenus d’exploiter ces derniers dans les Etats les octroyant,
l’appréhension des PED semble fondée particulièrement dans les secteurs de la technologie de
pointe qui peut devenir rapidement obsolète.
2. L’obligation d’exploiter
Le système de coopération de l’OAPI était basé sur la promotion et le développement des droits
de propriété industrielle, qui protègent la plupart des technologies modernes. L’organisation
soucieuse du développement technologique des Etats Membres, préoccupation grandissante des
pays en voie de développement a fait de l’exploitation industrielle des titres de propriété
industrielle dans les pays de l’OAPI son cheval de bataille. Selon la conception du législateur de
l’OAPI, les droit exclusifs par le biais de l’exploitation industrielle, s’avéraient être une voie
d’accès aux technologies modernes. Afin de parvenir au développement technologique des Etats
Membres de l’OAPI, l’Accord de Bangui de 1977 a exigé l’exploitation locale des titres de
propriété industrielle et, en l’occurrence, du brevet pour un renouvellement de la protection.
Autrement dit, selon l’article 6 Annexe 1 de l’Accord de Bangui de 1977, la protection par brevet
était accordée pour une période de dix ans. Toutefois l’OAPI pouvait prolonger deux fois la durée
de protection pour une période de cinq ans. Le titulaire devait rapporter la preuve que l’invention
avait fait l’objet d’une exploitation industrielle sur le territoire de l’un des Etats Membres de
l’OAPI. On ne pouvait pas sous l’ancienne législation satisfaire à l’obligation d’exploiter par
l’importation. En outre, l’article 58 paragraphe 2 Annexe 1 de cet Accord déclarait irrecevable à
l’action en contrefaçon, le breveté qui n’exploitait pas ou ne faisait pas exploiter son invention
pendant une période de cinq ans à compter de la délivrance du brevet, à moins pour lui
d’invoquer une excuse légitime. De plus, il était précisé dans cette disposition que l’excuse
légitime ne pouvait être constituée par l’importation. Le non–respect de ces dispositions était
sanctionné par l’octroi d’une licence obligatoire. De même, de nombreux brevets de médicaments
pouvaient être libres d’exploitation dix ans après leur dépôt à l’OAPI, si les titulaires de ces
brevets n’apportaient pas la preuve de leur exploitation sur le territoire d’un Etat Membre de
l’OAPI.
Toutefois, comme souligné, l’inexploitation locale des inventions ne favorise pas un transfert
efficace de technologie et ce, pour plusieurs raisons :
[d]ans la philosophie de base du système de brevet, l’octroi de tels privilèges se justifiait (…) par
deux motifs d’intérêt général : d’une part, la divulgation de l’invention, d’autre part, le bénéfice
que devait tirer l’industrie nationale de son exploitation27.
27
M. HIANCE, Y. PLASSERAUD, op. cit., note 16, p. 228.
28
OMPI, Cours d’introduction générale à la propriété industrielle, Yaoundé, OMPI/IP/YA/87/8, p. 12
29
Id, p. 129
30
Id, p. 129.
31
Article 46 alinéa 1 de l’Annexe 1 de l’Acte de 1999.
Nicole MATIP, « La révision du droit des brevets de l’Organisation Africaine de la Propriété Intellectuelle » 16
fine de l’ADPIC semble être en contradiction par les objectifs assignés par l’Accord et en
particulier par l’article 7 de l’Accord qui stipule que lesdits droits « devraient contribuer (…) au
transfert et à la diffusion de technologie ». Certes, il est difficile pour une entreprise détentrice
d’un brevet dans plusieurs pays d’exploiter de manière locale ce brevet surtout si le marché est
étroit, mais l’assimilation de l’importation à l’exploitation peut entraîner des abus de la part des
titulaires de brevets. En effet, l’importation peut avoir pour effet néfaste d’inhiber la concurrence
et permettant ainsi au breveté de se réserver les marchés en empêchant la fabrication du produit
breveté dans le pays de délivrance du brevet. L’on peut aussi noter au rang des effets néfastes de
l’importation, la hausse des prix parfois arbitraire des produits approvisionnés par cette voie ; Du
coup, ces produits deviennent difficilement accessibles pour les populations issues de ces pays
qui ne disposent pas d’assez de revenus32.
Au vu des développements précédents, le maintien de la disposition de l’obligation de
l’exploitation locale aurait été plus avantageux pour les pays en voie de développement et
notamment pour les pays de l’OAPI. En effet, en contrepartie du monopole que le titulaire reçoit
de la société pour exploiter son brevet, il a une obligation de divulgation et d’exploitation de
l’invention. Cette analyse rejoint d’ailleurs la conception traditionnelle du brevet, le non respect
de cette disposition étant sanctionné par l’octroi d’une licence obligatoire. D’ailleurs, très
récemment encore pour plusieurs pays développés y compris les Etats-Unis, le fait de ne pas
honorer l’obligation d’exploiter était sanctionnée par l’annulation du brevet. Quand ceux-ci
étaient un pays en voie de développement33, ils avaient un système de propriété intellectuelle qui
était fort soucieux des intérêts de ses citoyens. En fait, de 1790 à 1836, il était impossible à un
étranger d’obtenir un brevet aux Etats-Unis. Et lorsque cette pratique est devenue possible à partir
de 1836, les étrangers se sont vus frapper de taxes 10 fois supérieures à celles supportées par les
déposants américains. L’égalité de traitements entre les nationaux et les étrangers n’est
intervenue qu’en 1861. C’est aussi le cas de la France où il a été considéré pendant longtemps
que l’exploitation implique la fabrication et non la simple importation de l’invention brevetée.
Déjà, dans la loi française de 1844 sur les brevets d’invention il y était mentionné que
l’obligation d’exploiter a pour but « d’empêcher que le brevet ne serve à créer en faveur de
l’inventeur un monopole à l’aide duquel il puisse, sans concurrence et au préjudice du travail
national introduire et débiter en France des produits fabriqués à l’étranger ». Cette conception a
prévalu jusqu’à très récemment c’est-à-dire sous l’empire des lois de 1968 et de 1979. A
l’époque, la notion d’exploitation était assimilée à la fabrication de l’invention sur le territoire
français, l’importation en France des produits brevetés ne pouvant être considérée comme une
exploitation suffisante. Ils considéraient que le brevet était un moyen efficace pour promouvoir
l’expansion industrielle et leur niveau actuel de développement industriel le prouve. Très
récemment, la Corée et de Taiwan se sont développés en copiant les innovations des pays
développés et une fois qu’ils sont parvenus à un stade appréciable de développement, ils ont alors
intégré les règles de protection des droits de la propriété intellectuelle34. Pourtant ces plus ardents
défenseurs de la protection de la propriété intellectuelle au niveau mondial actuellement sont
aussi ceux qui ont su ignorer celle-ci à l’aube de leur développement industriel, parce que, ils ont
32
B. REMICHE, H. DESTERBECQ, « Les brevets pharmaceutiques dans les accords du GATT: l’enjeu? »,
(1996) 68-1, R.I.D.E . p. 17.
33
J.L. GOUTAL, « Propriété intellectuelle et développement : la remise en cause de notre modèle », (2003) 11
Propriété industrielle, p. 11.
34
Id., p. 9.
35
Id, p. 9.
36
Id, p. 9.
37
S. NGO MBEM, L’intérêt général et la protection des médicaments par le brevet dans les pays en voie de
développement, Mémoire de DESS, Université Robert Schuman Strasbourg III, 2002-2003, p.49.
38
B. REMICHE, H. DESTERBECQ, loc. cit., note 32, p. 16.
39
S. NGO MBEM, op. cit., note 37, p. 50
40
B. REMICHE, H.DESTERBECQ, loc. cit., note 32, p.17.
Nicole MATIP, « La révision du droit des brevets de l’Organisation Africaine de la Propriété Intellectuelle » 18
B. Le renforcement des prérogatives du breveté du fait de l’accord de Bangui
de 1999
Ce renforcement se traduit, par l’élargissement de la notion d’exploitation aux actes de
contrefaçon, l’adoption d’u système d’épuisement qui n’est pas toujours à l’avantage des pays de
l’OAPI, l’absence d’un dispositif de contrôle des pratiques anticoncurrentielles , les problèmes
consécutifs à la mise en œuvre de l’Annexe X relatif à la brevetabilité des obtentions végétales et
enfin, l’absence d’infrastructures notoire dans les pays de l’OAPI pour la mise en œuvre des
flexibilités de l’ADPIC.
1. L’élargissement de la notion d’exploitation du brevet aux actes de
contrefaçon par le droit de l’OAPI
Pour ce qui est de l’élarligissement de la notion « d’acte d’exploitation », et eu égard à l’article
27 de l’ADPIC, le nouvel Accord de Bangui reprend entièrement en son article 7 Annexe 1 de
l’Accord de Bangui les dispositions dudit Accord en y ajoutant une disposition supplémentaire
qui consiste au fait que le titulaire du brevet a aussi le droit d’engager une procédure judiciaire
devant le tribunal du lieu de la contrefaçon contre toute personne qui accomplit les actes qui
rendent vraisemblable qu’une contrefaçon sera commise. Même si cette disposition41 présente un
risque en matière d’interprétation (elle vise à réprimer des actes qui ne constituent pas encore une
contrefaçon mais qui peuvent le devenir), elle permet néanmoins d’étendre le concept d’acte
d’exploitation à des comportements antérieurs à l’acte lui-même et renforce de ce fait les moyens
de défense du titulaire du brevet. Il peut s’avérer qu’un acte jugé comme tel ne se traduise pas
finalement par l’accomplissement de la contrefaçon, la vraisemblance n’étant pas une certitude et
peut ne pas conduire à la réalisation de l’élément matériel de la contrefaçon42.
2. L’adoption par l’OAPI d’un système d’épuisement qui n’est toujours pas
à l’avantage de ces pays
La théorie de l’épuisement des droits conférés par le brevet a été développée par Kohler, l’un des
pères fondateurs de la doctrine allemande en matière de brevet. La notion d’épuisement peut être
définie comme « une doctrine selon laquelle le titulaire du brevet épuise ses droits après la
première vente en bonne et due forme du produit breveté dans un pays ou une région ou sur le
plan international. L’épuisement des droits justifie sur le plan légal, l’admission des importations
parallèles »43.
Sur cette base, l’épuisement44 signifie que, la marchandise, une fois qu’elle a été mise en
circulation par le titulaire, n’est soumise, selon le droit des brevets, à aucune restriction.
Toutefois, deux conditions doivent être remplies pour que l’on puisse parler d’épuisement à
savoir, que le titulaire du droit ait consenti à cette première mise sur le marché et qu’elle ait eu
41
P. EDOU EDOU, Les incidences de l’Accord ADPIC sur la protection de la propriété industrielle au sein
de l’Organisation Africaine de la Propriété Intellectuelle, Thèse de Doctorat en droit privé, Université Robert
Schuman, Strasbourg III, Faculté de droit, des sciences politiques et de gestion, 2005, p. 17.
42
V.C. LE STANC, L’acte de contrefaçon de brevet d’invention, Paris, Litec, 1977, p. 33-35.
43
C. CORREA, Intégration des considérations de santé publique dans la législation en matière de brevets des
PVD, South Centre, 2001, p. XIV.
44
Ces développements sur la notion de l’épuisement des droits sont tirés de la thèse de P. EDOU EDOU, op.
cit., note 41, p. 221.
45
Id, p. 224.
46
B. BOVAL, « L’Accord des droits de propriété intellectuelle qui touchent au commerce (ADPIC ou
TRIPS) », in La réorganisation mondiale des échanges, Colloque de Nice de la société française de droit
international, Paris, Pedone, 1996, p. 140.
47
D. CARREAU, P. JULLIARD, Droit international économique, Paris, LGDJ, 1998, p. 167-168.
Nicole MATIP, « La révision du droit des brevets de l’Organisation Africaine de la Propriété Intellectuelle » 20
souligne si bien Tankoano48, que l’OAPI n’ait pas saisi l’occasion de la révision de l’Accord de
Bangui pour adopter le principe de l’épuisement international qui est également compatible avec
l’ADPIC.
3. L'absence d’un dispositif suffisant de contrôle des pratiques anti-
concurentielles
Les pays de l’OAPI, à l’instar de certains pays d’Afrique49 et ceux d’Amérique latine en
particulier ceux du pacte Andin, avaient adopté le contrôle administratif des contrats de propriété
industrielle et de transfert de technologie. Le contrôle consistait en un examen du contenu du
contrat. Il portait aussi bien sur les aspects économiques et juridiques de l’accord, que sur les
aspects techniques, en vue d’éviter l’acquisition des techniques inutiles ou inappropriées au
contexte local, ou déjà disponibles ou désuètes50. En conséquence, le contrat de licence devait
être conforme à l’accroissement de la capacité technologique des Etats membres, car le progrès
technique sert aujourd’hui de moteur à l’économie des pays en voie de développement51.
Plusieurs objectifs ont été recherchés par le législateur en 1977 au rang desquels figuraient la
protection des entreprises nationales de la région OAPI, surtout les petites et moyennes
entreprises, des détenteurs de techniques qui leur imposeraient des contrats contenant des clauses
léonines ou plus avantageuses à leur égard, le contrôle de la balance des paiements, c’est-à-dire le
paiement des redevances et les sorties de devises. Il convient de mentionner que les contrats de
licence, les cessions et transmissions des brevets et leurs modifications ou renouvellements
devaient être soumis, à peine de nullité, au contrôle de l’autorité nationale compétente dans les
douze mois après leur conclusion.
Ce contrôle de l’Etat se faisait en vertu de l’art. 31 de l’Annexe I de l’Accord de Bangui de 1977
sur les brevets. Cet article indiquait que :
Les contrats de licence, les cessions et transmissions de brevets et leurs modifications ou
renouvellements doivent, sous peine de nullité, être soumis dans les douze mois après leur
conclusion, au contrôle et à l’approbation préalable de l’autorité nationale compétente avant leur
inscription au registre spécial de l’Organisation, s’ils comportent des paiements à l’étranger ou
s’ils sont consentis ou obtenus par des personnes physiques ou morales qui ne sont pas des
nationaux ou quine sont pas installés sur le territoire national de l’un des Etats membres.
Le contrôle portant sur les contrats de licence visait à vérifier que ces derniers ne contiennent pas
de clauses imposant au cessionnaire de la licence des limitations ne résultant pas des droits
conférés par le brevet ou non nécessaire pour le maintien de ces droits. Autrement dit, il s’agissait
de vérifier si les contrats de licence ne comportaient pas des clauses interdites par le droit de
l’OAPI comme, par exemple, la clause relative aux redevances qui oblige le cessionnaire ou le
concessionnaire de la licence à payer des redevances pour une invention non exploitée ou à payer
48
A. TANKOANO, « La mise en conformité du droit des brevets de l’Organisation Africaine de la Propriété
Intellectuelle (OAPI) avec les prescriptions de l’ADPIC », (2001) 3 Revue trimestrielle de droit commercial et de
droit économique, p. 623
49
Il en est ainsi des pays anglophones comme le Kenya (Industrial property Act de 1990), le Lesotho
(Industrial Property Order de 1989 et Industrial Property Regulation de 1989), le Nigéria (National Office of
industrial Property Decree de 1979), l’Ouganda (Patents statue de 1991), la Tanzanie, par exemple.
50
B. DUTOIT, P. MOCK, Le contrôle administratif des contrats de licence de transfert de technologie, coll.
Comparativa, Genève, 1993, p. 30.
51
M. HIANCE, Y. PLASSERAUD, op. cit., note 16, p. 2.
52
P. EDOU EDOU, op. cit., note 41, p. 233.
53
Id, p. 234.
54
Service de la propriété industrielle et de la technologie du Sénégal, Bulletin d’information de la propriété
industrielle du numéro 8, juin 1997, pp. 6-9
55
A. TANKOANO, « Le projet d’accord relatif aux mesures concernant les investissements liés au
commerce», (1993) 19-2 Droit et pratique du commerce international, p. 283.
56
R. KIMINOU, « La révision du droit des marques de l’Organisation Africaine de la Propriété Intellectuelle
(OAPI) », (2001) 129 Revue de droit de la propriété intellectuelle, pp. 45-46.
Nicole MATIP, « La révision du droit des brevets de l’Organisation Africaine de la Propriété Intellectuelle » 22
Aucune disposition du présent Accord n’empêchera les Membres de spécifier dans leur législation
les pratiques ou conditions en matière de concession de licences qui pourront, dans des cas
particuliers, constituer un usage abusif de droits de propriété intellectuelle ayant un effet
préjudiciable sur la concurrence sur le marché considéré (…) Un Membre pourra adopter, en
conformité avec les autres dispositions du présent accord, des mesures appropriées pour prévenir
ou contrôler ces pratiques, qui peuvent comprendre, par exemple, des clauses de rétrocession
exclusive, des conditions empêchant la contestation de la validité et un régime coercitif de
licences groupée, à la lumière des lois et réglementations pertinentes dudit Membre.
Alors, la suppression du contrôle de licence par le nouvel Accord de Bangui est en compète
contradiction avec l’article 40 paragraphe 2 de l’ADPIC qui légitime pourtant de telles pratiques.
Le dessaisissement du contrôle des contrats de licence qui est à notre avis un moyen efficace de
lutte contre les pratiques anticoncurrentielles ne manquera pas d’avoir des conséquences néfastes
pour ces pays dont les économies sont encore très fragiles57. Toutefois, comme le souligne si
bien Tankoano58 l’on peut regretter l’absence de dispositions anti-trust ayant une portée générale.
Le système actuel de libéralisation mondiale des échanges requiert l’établissement d’une
politique de concurrence qui prenne en considération l’intérêt global, en complément des
politiques nationales de concurrence qui ont vocation à servir prioritairement les intérêts
nationaux59.
Il serait opportun dans le droit de la propriété intellectuelle en général et dans le droit des brevets
en particulier, d’élaborer « des règles de fond détaillées relatives à l’interaction propriété
intellectuelle/concurrence dans le cadre de l’OMC »60. Ainsi, la « solution pourrait être de
formuler dans l’ADPIC une interdiction générale d’abuser des droits de propriété intellectuelle
dans le but de porter atteinte à la concurrence »61, en se concentrant « sur les abus de droits de
propriété intellectuelle qui restreignent l’accès au marché »62. Autrement dit, il s’agira de prévoir
des règles minimales internationales permettant d’éviter ou de sanctionner les comportements
anticoncurrentiels, tels les abus de position dominante, les abus de dépendance économique, ainsi
que les accords horizontaux ou verticaux restrictifs de concurrence, susceptibles d’affecter les
échanges internationaux relatifs au brevet. Une telle réglementation serait bénéfique pour les pays
en voie de développement et notamment les pays de l’OAPI. De même, l’article 9 de l’Accord
sur les mesures concernant les investissements et liées au commerce prévoit la possibilité de
compléter l’Accord par des dispositions relatives à la politique en matière d’investissement et la
politique en matière de concurrence. Tankoano63 y voit là, une opportunité à saisir afin de
proposer et faire adopter des dispositions pour combattre les pratiques commerciales restrictives
et anticoncurrentielles dans le cadre plus global du système commercial multilatéral régi par
l’OMC. Ainsi, comme l’affirme si bien Ngo Mbem64, un consensus international sur l’exercice
des droits de propriété intellectuelle de la concurrence permettait de mieux se prémunir contre
57
P. EDOU EDOU, op. cit., note 41, p. 235
58
A. TANKOANO, précité., p. 624.
59
S.NGO MBEM, op. cit., note 37, p. 60
60
P. GUGLER, I. KRONE-GERMANN, « Cycle millénaire de l’OMC; vers une intégration des règles
multilatérales de concurrence? », (2000) 2 Revue de droit des affaires internationales, p. 65.
61
Id, p. 165.
62
Id, p. 166
63
A. TANKOANO, précité, p. 626.
64
S.NGO MBEM, op. cit., note 37, p. 59.
65
W. A. KERR, «The next step will be harder, Issues for the new round of agricultural negociations at the
WTO», (2000) 34-1 JWT, 136, p. 136.
66
J. ZOUNDJIHEKPON, « L’Accord de Bangui révisé et l’Annexe X relative à la protection des obtentions
végétales», (2002) Commerce, Propriété Intellectuelle et développement durable vus de l’Afrique, p.47
Nicole MATIP, « La révision du droit des brevets de l’Organisation Africaine de la Propriété Intellectuelle » 24
connaissances, innovations et pratiques des communautés autochtones et locales qui incarnent
des modes de vie traditionnels présentant un intérêt pour la conservation et l’utilisation durable
de la diversité biologique et en favorise l’application sur une plus grande échelle, avec l’accord et
la participation des dépositaires de ces connaissances, innovations et pratiques et encourage le
partage équitable des avantages découlant de l’utilisation de ces connaissances, innovations et
pratiques
Ainsi, l’Accord de l’OMC sur les droits de propriété intellectuelle liés au Commerce (ADPIC)
oblige tous les pays membres à reconnaître des droits de propriété intellectuelle sur les obtentions
végétales (article 27.3 (b). C’est dans ce contexte que l’Accord de Bangui a été révisé en 1999,
avec l’addition de l’Annexe X relative aux obtentions végétales au texte en vigueur depuis 1977.
Les droits de propriété intellectuelle n’intégrant pas les droits des agriculteurs pourtant reconnus
par la FAO, et les droits des communautés locales mis en exergue par l’article 8, alinéa (j) de la
Convention sur la diversité biologique, «la biodiversité et le commerce mondial sont alors en
conflit »67 .
De plus l’Annexe X de l’Accord de Bangui n’est entré en vigueur qu’au 1er janvier 2006 soit six
ans après l’entré en vigueur de cet accord, ce qui témoigne de la difficulté d’application de cette
disposition de l’ADPIC dans les pays en voie de développement et, notamment dans les pays de
l’OAPI. Soucieux de pallier à cet inconvénient majeur, l’Organisation de l’Unité Africaine
(OUA) devenue Union Africaine en 1999 a proposé en 1997, un modèle sui generis basé « sur la
protection des droits des communautés locales, des agriculteurs, des sélectionneurs ainsi que sur
la régulation de l’accès aux ressources biologiques ». Autrement dit, cette loi est à l’avantage des
pays en voie de développement dans la mesure où, d’une part, elle reprend les principes contenus
dans la Convention sur la Diversité Biologique comme, le refus du brevetage du vivant, le
respect du principe de souveraineté des Etats, la nécessité du consentement des communautés
locales et autochtones, partage équitable des avantages , et d’autre part, elle prend en
considération les vraies préoccupations des populations Africaines à savoir, la sécurité
alimentaire, le partage équitable etc
Toutefois, cette proposition de loi ne fait pas l’unanimité au niveau mondial notamment, au
niveau de l’OMC et de l’OMPI car ces organisations considèrent que le refus du brevetage du
vivant par cette loi n’est pas conforme à l’article 27.3 (b). Les controverses sur cette proposition
de loi vont bon train et les différents protagonistes tentent par le biais des réunions d’apporter des
amendements68 dans le but de trouver la solution la plus opportune pour tout le monde.
En attendant de trouver un système sui generis efficace et adapté à leur environnement, les pays
en voie de développement et plus particulièrement les pays de l’OAPI pourrait et ce pour
contourner la difficulté du brevetage du vivant imposé par l’ADPIC, exclure de la protection, un
organisme dérivée d’un organisme vivant, qui ne serait pas accompagnée d’un contrat de partage
des bénéfices avec le pays d’origine de cet organisme vivant conformément à la Convention sur
la Diversité Biologique (CDB)69. Ainsi, un médicament fait à partir d’une plante utilisée par les
Indiens e l’Amazonie péruvienne et dont la fabrication ne prévoit pas de partage de bénéfices
67
ASSOCIATION GRAIN, « L’Accord de Bangui révisé et l’Annexe X relative à la protection des obtentions
végétales», www.grain.org/briefings_files/accord-de-bangui- octobre 2002-fr.pdf, p. 2.
68
L’UPOV a retravaillé plus de trente articles de cette loi afin de la rendre conforme à leurs standards.
69
M. DIAS VARELLO, loc. cit., note 3, p. 95.
70
Id, p. 95.
71
Id, p. 95.
72
Id, p. 96.
73
C. CORREA, op. cit., note 43, pp. 11-12.
Nicole MATIP, « La révision du droit des brevets de l’Organisation Africaine de la Propriété Intellectuelle » 26
juges ne disposent pas de compétences en la matière. Dicko74 Souligne, à juste titre,
« l’insécurité judiciaire globalement constatée qui se caractérise par des procédures longues, une
jurisprudence instable, de nombreux problèmes déontologiques et éthiques dans le traitement des
litiges ainsi que la formation insuffisante des personnels judiciaires… » lorsqu’il parle du
système judiciaire Africain. Tiger 75 abonde dans le même sens puisqu’il parle pour caractériser
l’insécurité judiciaire qui sévit dans la plupart des pays Africains « de décisions contestables, de
décisions en délibéré depuis plusieurs années, des exécutions impossibles, des négligences
diverses, de la méconnaissance des règles de déontologie, de l’accueil des moyens dilatoires les
plus évidents, des renvois à répétition qui finissent par décourager les demandeurs de bonne foi,
(…) ». Kiminou76 indique que, les litiges relatifs au droit de la propriété industrielle présentant
une difficulté tenant à la spécificité de la matière et au caractère technique de la propriété
industrielle, une spécialisation des juridictions et des juges s’imposent. L’autre difficulté réside
dans le fait que, les pays de l’OAPI ne disposent d’aucune industrie de recherche de base
sophistiquée, d’aucune capacité d’innovation et d’aucune capacité de reproduction des principes
actifs et produits finis77. La mise en œuvre de la licence obligatoire pour la production locale de
médicaments comme l’a fait par exemple l’Afrique du Sud en 1997 est quasiment impossible.
D’où la nécessité pour les pays de l’OAPI de choisir le système d’épuisement international afin
de pallier cet inconvénient.
Conclusion
En dernière analyse, comme nous l’avons précisé ci-dessus l’appréciation de la nouveauté, de
l’activité inventive, et de l’application industrielle se veut assez restrictive et ce dans le sens
d’une meilleure industrialisation de ces Etats-Membres. Toutefois, l’OAPI se heurte à toute une
série de difficultés qui ne permettent pas à son système d’être assez efficace. A notre avis, il
faudrait que l’OAPI revoie son système en matière de contrôle des contrats de licence et en
matière d’importation parallèle et surtout se dote d’une base de capacité technologique viable afin
que l’utilisation de la licence obligatoire pour la fabrication locale entre autres des médicaments
puisse être effective. Il faudrait en outre amorcer ce changement au niveau de la formation du
personnel sur les questions ayant trait à la propriété intellectuelle.
L’OAPI ayant pris acte de toutes ces critiques, a amorcé pour ce qui est de la formation du
personnel qualifié en matière de propriété intellectuelle une solution en janvier 1997, lors de sa
34ème session tenue à Yaoundé (Cameroun). En effet, le Conseil d’Administration approuvait
l’idée de la création d’un centre africain de formation en propriété intellectuelle au sein de
l’OAPI. De plus, lors de sa session suivante tenue à Lomé au Togo les 16 et 17 décembre 2002,
le Conseil d’Administration approuvait-il à la fois les projets de construction d’un centre
Régional de Formation au siège (Yaoundé) et de Centres de documentation en propriété
industrielle dans chacun des Etats Membres. D’ailleurs, la pose de la première pierre du centre a
eu lieu le 24 mars 2004 par le Ministre d’Etat Camerounais, Bello Bouba. Le Centre de formation
projeté devra répondre à plusieurs missions :
74
A. DICKO, « Les procédures et mesures correctives civiles et administratives dans les actes uniformes de
l’Organisation pour l’Harmonisation en Afrique du droit des Affaires (OHADA) », Document
OMPI/PI/COO/OO/14.2, 18juin 2000, p.1.
75
P. TIGER, Le droit des affaires en Afrique, OHADA, coll. « Que sais-je? », Paris, PUF, 1999, pp. 20-26.
76
R. KIMINOU, précité, p. 362.
77
P. EDOU EDOU, op. cit., note 41, p. 362.
Nicole MATIP, « La révision du droit des brevets de l’Organisation Africaine de la Propriété Intellectuelle » 28