Le Livre Noir Medecretrae
Le Livre Noir Medecretrae
Le Livre Noir Medecretrae
ISBN : 978-2-226-38983-1
Préface
Lisez cet ouvrage. Il est écrit avec le cœur et la passion d’un homme
qui a fait de sa vie un combat pour que la santé soit juste et accessible à
tous.
Julien Courbet
Avant-propos
Le suicide de la médecine française
La maladie est déjà en soi une épreuve. Alors que dire quand s’y ajoute
la tragédie de l’erreur médicale ? Être malade de la médecine est la pire
des choses. C’est le désespoir dans l’espoir. Pendant trop longtemps, la
situation juridique des victimes d’erreurs médicales a été insupportable
face à des médecins tout-puissants. Heureusement, elle s’est améliorée à
la faveur de procès longs, difficiles, humiliants, épuisants. Des principes
nouveaux, hier encore inconcevables, ont été élaborés, conquis de haute
lutte. Et grâce à l’action tenace d’associations de victimes auprès du
gouvernement, la loi sur les droits des malades et la qualité du système de
santé a été adoptée définitivement en mars 2002. Le malade a enfin un
véritable statut ; et surtout des droits, non plus simplement des devoirs.
Il reste encore beaucoup de chemin à parcourir. Certes, on peut
toujours faire un catalogue des échecs d’une profession, car aucune
n’échappe à la critique. Il existe dans le monde médical autant de
personnes sans scrupule, sans moralité, avides de pouvoir et d’argent que
dans n’importe quel autre corps de métier. Mais nous savons aussi ce que
nous devons au dévouement de nombreux médecins. Chaque année, plus
de 450 millions d’actes médicaux, c’est-à-dire des consultations et des
visites, des examens et des interventions chirurgicales, sont réalisés par
des hommes et des femmes qui se battent pour sauver des vies.
Cependant, nous devons aussi dire la vérité sur cette médecine des
temps modernes, que le monde entier nous envie : une médecine robotisée,
soumise aux exigences du marché, pressée de passer d’un patient à l’autre,
et qui trop souvent dans sa surhumanité se trompe, blesse et tue, faisant de
plus en plus de victimes. Et quand survient une erreur médicale, c’est la
loi du silence qui s’applique, laissant le patient seul et désemparé dans un
dédale d’obstacles juridiques…
Depuis trois ans, les scandales de santé publique se succèdent :
Mediator®, prothèses P.I.P., pilules contraceptives, amiante… Et ce,
malgré la mise en place d’organismes de contrôle. Et l’avenir risque de
nous réserver encore bien d’autres mauvaises surprises : téléphones
portables, lignes à haute tension, cigarettes électroniques, médicaments
hautement toxiques…
L’offre de soins est, par ailleurs, répartie sur le territoire de façon très
inégalitaire. 92 % des personnes interrogées pour le compte de la
Fédération hospitalière de France pensent que les patients qui ont le plus
d’argent ont aussi plus de chances de se faire soigner. Dans les zones
rurales, un nombre croissant de nos concitoyens sont touchés par des
difficultés d’accès aux soins. À la campagne et dans les banlieues, les
délais de prise en charge s’allongent, les déserts médicaux se multiplient.
Et ces disparités, records en Europe, s’accroissent. Toujours selon une
enquête de la Fédération hospitalière de France, les plus favorisés, c’est-à-
dire ceux qui habitent dans les zones urbaines, sont en meilleure santé et
ont une et demie à deux fois plus de chances de guérir que les autres. Les
inégalités sont aussi le fruit des différences de revenus, ce qui explique
l’engorgement des urgences hospitalières, puisqu’on n’y débourse pas
d’argent pour se faire soigner. Reste à espérer que la généralisation du
tiers-payant permette un meilleur accès aux soins, même si celui-ci
rencontre actuellement une grande réticence de la part du corps médical,
qui craint une inflation des actes et une étatisation rampante de la
médecine. Pourtant, on ne consulte pas par plaisir, mais parce que l’on est
malade. Gageons que les patients respecteront ce principe et ne vont pas
multiplier les consultations et les actes sous prétexte qu’ils paraîtront
gratuits.
Ce n’est que trois mois plus tard, soit presque quatre ans
après ma première prise de Mediator®, que je me retrouve
dans la salle d’attente du cardiologue. Je n’avais que 30 ans
et j’étais entourée de personnes âgées. Mon tour vient et me
voilà assise devant le cardiologue qui va anéantir le reste de
ma vie. Il réalise une échographie cardiaque qui le laisse
perplexe et l’incite à refaire l’examen. Sur l’écran de
l’échographe, il me montre alors que mes valves cardiaques
aortiques et mitrales se ferment mal, provoquant des fuites
de sang et obligeant mon cœur à travailler davantage. Il est
très étonné par l’état de mes valves compte tenu de mon
âge, et évoque diverses maladies de l’enfance qui
pourraient avoir entraîné leur dégradation. Mais je n’ai
jamais eu de telles affections. Je suis effondrée.
Au fil des années, mon état de santé s’aggrave. Les valves
cardiaques deviennent de moins en moins souples, laissant
passer de plus en plus de sang lors des contractions de mon
cœur. Je suis licenciée et je deviens un véritable poids mort
pour toute ma famille. Je dois me résoudre à entrer à
l’hôpital pour me faire opérer le 11 juin 2007, soit
pratiquement vingt ans après ma première prise de
Mediator®. L’opération dure cinq heures et consiste à
remplacer la valve aortique dégradée par une valve
mécanique. Je dois désormais prendre des anticoagulants et
surveiller régulièrement différents paramètres sanguins.
Comment peut-on en arriver à ce stade de déchéance
physique, simplement pour avoir avalé quelques petits
comprimés blancs dont la vertu présumée était de faire
maigrir sans efforts ?
Comment expliquer qu’il ait fallu attendre plus de dix ans pour obtenir
un retrait qui s’imposait à l’évidence dès 1997 par analogie avec les autres
fenfluramines ? C’est une question qui sera au cœur d’un futur procès
pénal mettant en accusation les dirigeants de Servier, mais aussi
l’A.F.S.S.A.P.S. ainsi que des professeurs de médecine ou de pharmacie
ayant conseillé le laboratoire alors qu’ils étaient partie prenante sur des
décisions de santé publique dans le domaine du médicament. Les chefs
d’inculpation vont de tromperie aggravée, escroquerie, blessures et
homicides involontaires ou négligence, jusqu’à des qualificatifs de trafic
d’influence, prise illégale d’intérêts et même corruption.
Le dossier d’instruction est aujourd’hui clos. Ce sera ensuite au
tribunal de déterminer s’il y a eu dissimulation constante et délibérée de la
part de Servier sur la nature du benfluorex, et par là même sur ses dangers,
aux médecins qui auraient pu en constater les effets, ce que les différents
acteurs mis en cause contestent. Le dossier d’instruction pointe aussi un
nombre important de « doubles casquettes » au sein des experts influents
dans le monde de la santé, laissant suspecter que ces derniers ont
volontairement occulté des alertes sur le Mediator® afin de ne pas
contrarier les intérêts d’une firme puissante et reconnaissante à bien des
égards envers ses « bons serviteurs ».
Comment se fait-il toutefois que les cardiologues, même s’ils
ignoraient le risque cardiovasculaire du Mediator® et sa parenté avec
l’Isoméride®, n’aient pu découvrir la cause de ces valvulopathies, si
nombreuses durant trente-trois ans, alors qu’il aurait suffi d’interroger
avec soin les patients pour découvrir l’élément commun : le Mediator® ?
La réponse est simple : lorsque les fenfluramines ont été mises sur le
marché à partir des années 1960, les services de cardiologie et de chirurgie
cardiaque français étaient saturés de patients souffrant des conséquences
cardiaques, et notamment valvulaires, d’une maladie de l’enfance, le
rhumatisme articulaire aigu (R.A.A.), contracté à partir d’une angine ou
d’une scarlatine non traitée par antibiotiques. Les valvulopathies dites
post-rhumatismales étaient donc légion. Or, les lésions valvulaires
générées par l’exposition aux fenfluramines miment par certains aspects
les lésions post-rhumatismales. La prescription massive après-guerre
d’antibiotiques pour traiter les angines a eu raison du R.A.A., disparu
après 1960. Les conséquences cardiaques à long terme ont commencé à
décliner, remplacées insensiblement par des valvulopathies
médicamenteuses. Les cardiologues n’y ont vu que du feu pendant des
années, assimilant de façon un peu dogmatique l’étiologie de ces
valvulopathies à un « équivalent » de R.A.A. en l’absence de tout R.A.A.
identifié… et pour cause ! Cette confusion historique, dont on retrouve
aisément la trace aussi bien dans les manuels de cardiologie que dans les
dossiers de patients souffrant d’authentiques valvulopathies causées par le
Mediator® (ou l’Isoméride®) et qualifiées de façon abusive dans
l’ensemble des documents médicaux de « rhumatismales », a pesé lourd
dans la méconnaissance du risque médicamenteux.
La course à la rentabilité
L’obligation de sécurité
et le principe de précaution mis en cause
Le rôle de la justice
Tout médicament, pour être efficace, comporte des risques qu’il faut
connaître et évaluer. Médecin, pharmacien, patient, chacun de ces acteurs
de santé doit prendre ses responsabilités pour arriver à une utilisation
rationnelle et raisonnée des médicaments. Le 15 octobre 2015 a éclaté un
nouveau scandale, celui de la Dépakine®, dont il est à ce jour impossible
de déterminer l’importance. Ce médicament, produit par le laboratoire
Sanofi depuis 1967 et dont le principe actif est le valproate de sodium, est
utilisé en particulier pour le traitement de l’épilepsie. Pourtant, dès 1982,
une étude, parue dans la revue scientifique The Lancet, accuse la
Dépakine® d’avoir des effets indésirables sur le fœtus, provoquant
notamment des malformations et des atteintes neurologiques. En 1996, des
documents confidentiels font apparaître les premiers cas de déclarations
de pharmacovigilance concernant des malformations de nouveau-nés. Le
scandale arrive aujourd’hui sur la place publique, alors que
80 000 femmes en âge de procréer prennent de la Dépakine®. Toujours les
mêmes questions se posent : pourquoi avoir attendu autant d’années pour
transmettre l’information aux parents et aux médecins prescripteurs ?
Pourquoi les neurologues ont-ils continué à prescrire de la Dépakine® à
des femmes enceintes alors que les risques étaient connus depuis 1982,
date à laquelle la littérature scientifique (cf. The Lancet) a commencé à
aborder ses efforts secondaires ? Combien d’enfants sont nés avec des
complications liées à ce médicament ? Nous sommes peut-être à la veille
de voir apparaître une « génération Dépakine® », après celle du
Distilbène®. La ministre de la Santé, Marisol Touraine, a demandé à
l’A.N.S.M. et à l’assurance maladie de recenser les enfants qui ont pu être
victimes des effets indésirables de cet antiépileptique et à l’Inspection
générale des affaires sociales (I.G.A.S.) d’ouvrir une enquête. L’affaire est
donc grave et touche des enfants, par centaines, voire par milliers.
Chirurgie esthétique :
quand le rêve devient cauchemar
Quelle femme n’a pas rêvé un jour d’être plus belle, plus désirable, de
paraître plus jeune, d’avoir une peau lisse et sans rides disgracieuses, des
courbes harmonieuses et de surcroît à la bonne place ? Ceci est d’ailleurs
aussi de plus en plus valable pour les messieurs. Malheureusement, la
réalité n’est pas si simple et le rêve peut vite virer au cauchemar.
Lors d’une opération à visée esthétique, le médecin a une obligation de
résultat sur ce qu’il s’est engagé à obtenir. Toutefois, certains experts
refusent cette obligation de résultat mise à la charge du chirurgien,
considérant que, dès l’instant où il intervient sur le corps humain, il existe
un aléa. Celui-ci serait inhérent à toute intervention pratiquée sur le corps
humain et lié aux réactions imprévisibles de ce dernier. Aussi préfèrent-ils
alors parler d’« obligation de moyens renforcée », c’est-à-dire une
obligation de moyens qui est appréciée beaucoup plus strictement que
celle du chirurgien traditionnel. Néanmoins, les tribunaux tendent à se
rapprocher d’une obligation renforcée proche d’une obligation de résultat.
Vous devez toujours aborder avec beaucoup de sérieux une intervention de
chirurgie esthétique (lifting, rhinoplastie, liposuccion…), même si elle
peut vous paraître minime, voire anodine (injection de silicone, de botox,
peeling…).
En cas de complications ou d’échec, le chirurgien vous proposera
souvent une « reprise gratuite ». Cependant, il est difficile d’accepter cette
solution car il y a fort à parier que vous ne souhaiterez plus être opéré par
un chirurgien en qui vous n’accordez plus votre confiance. Certains
peuvent aussi proposer le remboursement de tout ou partie des honoraires
perçus. Si vous acceptez cette transaction amiable, il vous sera difficile de
continuer une action quelconque par la suite, car vous devrez signer un
document dans lequel vous vous engagez à interrompre toute poursuite en
échange du remboursement. En l’absence d’un accord amiable, vous avez
la possibilité d’engager une procédure devant les tribunaux. Ne perdez
jamais de vue que le résultat obtenu peut être différent de celui que vous
attendiez et que le chirurgien vous a montré sur son écran d’ordinateur.
N’oubliez pas cette phrase qui peut expliquer bien des échecs et des
rancœurs : « Le chirurgien fait les sutures, mais c’est le patient qui fait les
cicatrices. »
Compléments alimentaires :
bénéfiques ou dangereux ?
L’amiante mortel
Après avoir connu ses heures de gloire, l’amiante fait désormais peur.
Pour s’en convaincre, il suffit de se rappeler le périple du porte-avions
Clemenceau, renfermant des tonnes d’amiante dans sa coque, et dont
plusieurs pays ont refusé de voir le « désamiantage » s’effectuer dans leurs
ports entre 2003 et 2009.
L’amiante est un matériau qui possède des propriétés physiques et
chimiques spécifiques et dont le prix de revient est peu élevé.
Incombustible, il constitue un bon isolant thermique et électrique et résiste
à la traction et à l’action corrosive des produits chimiques. Grâce à ses
propriétés, il a trouvé de multiples applications dans l’industrie, en
particulier dans le bâtiment (agent ignifuge, isolation des tuyaux et des
chaudières, gouttières et joints d’étanchéité, revêtements de sol…) et dans
l’industrie automobile et ferroviaire (garnitures de freins, pots
d’échappement, joints et garnitures de fenêtres…).
L’utilisation intensive de l’amiante a débuté vers 1930. À partir de
cette date, des milliers de tonnes d’amiante ont été posés, tant au sein des
bâtiments publics que des habitations privées. Après la constatation de
nombreuses maladies graves dues à l’amiante, l’utilisation de ce matériau
a diminué à partir de 1970. Malheureusement, même si l’amiante n’est
plus utilisé aujourd’hui, il en reste de grandes quantités dans les bâtiments
au niveau de leur structure ou de leurs équipements (tuyaux, chaudières,
isolation…). Les différentes maladies induites par l’inhalation des fibres
d’amiante apparaissant après un délai de vingt à cinquante ans après
l’exposition au matériau, cela signifie que nous sommes au début de
l’apparition massive des cancers et autres maladies liés à l’amiante.
Plombiers, électriciens, maçons, chauffagistes, couvreurs…
900 000 professionnels sont potentiellement exposés à l’amiante dans le
cadre de leur travail. Et beaucoup en sous-estiment le risque. Or, la
situation est inquiétante : tous les bâtiments dont les permis de construire
ont été délivrés avant le 1er juillet 1997 sont susceptibles de contenir de
l’amiante. Selon les prévisions du Haut Conseil de la Santé publique,
« l’amiante devrait être responsable de 100 000 décès jusqu’en 2050 ». La
France devrait donc connaître dans les prochaines années une épidémie de
cancers dus à l’amiante, dont le point culminant est attendu entre 2020 et
2025. Pour le dire autrement, un tiers des retraités français seront
concernés !
De graves maladies
Afin de tenter de réparer les préjudices subis par les victimes, le Fonds
d’indemnisation des victimes de l’amiante (F.I.V.A.) a été créé. Il est
réglementé par la loi du 23 décembre 2000 et le décret du 23 octobre 2001.
Le F.I.V.A. est un établissement public administratif dont le conseil
d’administration est présidé par un magistrat de la Cour de cassation et
composé de représentants de l’État, de partenaires sociaux, d’associations
de victimes et de personnalités qualifiées. Les victimes de pathologies
liées à l’exposition à l’amiante ainsi que leurs ayants droit peuvent obtenir
du F.I.V.A. la réparation de leurs préjudices. Cette indemnisation complète
celle réalisée par ailleurs, notamment par les régimes de Sécurité sociale,
pour assurer une réparation intégrale. Le F.I.V.A. permet ainsi d’éviter aux
victimes une procédure contentieuse. Chaque victime reçoit une offre
d’indemnisation pour tous les postes de préjudices reconnus par les
tribunaux.
Peuvent être indemnisées par le F.I.V.A. toutes les personnes qui,
pendant leur activité professionnelle, ont subi une exposition certaine à
l’amiante et ont développé une maladie induite par l’inhalation des fibres
d’amiante, ainsi que leurs ayants droit, généralement les membres de la
famille (conjoint, enfants, frère, sœur, parents…). Cette indemnisation est
aussi étendue à ceux qui se sont trouvés à proximité de l’amiante, même
en dehors de leur travail (victimes environnementales). Nous avons par
exemple rencontré des femmes victimes de maladies pour avoir nettoyé
pendant des années les vêtements de travail souillés d’amiante de leur
mari.
Où en est-on aujourd’hui ?
Principe de précaution
et principe de prévention
Face aux nouveaux dangers potentiels qui grondent telle une menace,
mais dont nous ne connaissons pas encore avec certitude les risques réels,
deux principes essentiels s’imposent : le principe de précaution et celui de
prévention.
Le principe de précaution est une notion qui préconise l’adoption de
mesures de protection avant que des preuves scientifiques complètes
démontrent l’existence d’un risque. Une action ne devrait pas être différée
parce que l’existence d’un danger n’est pas encore prouvée
scientifiquement. C’est pourquoi, dans le doute, des dispositions sont
prises pour éviter les dangers et les complications liés à un risque
potentiel sur la santé ou l’environnement.
La prévention consiste, quant à elle, à prendre des mesures pour éviter
qu’une situation ne se dégrade, ou qu’un accident, une épidémie ou une
maladie ne survienne. Dans le cas où le danger est démontré, l’objectif de
la prévention est de réduire la probabilité d’apparition de ce risque. Il
existe alors une action de prévision et de protection pour tenter d’écarter
le risque ou, au moins, en limiter l’étendue et les conséquences. Par
exemple, nous connaissons tous les mesures de prévention des accidents
domestiques, de la route, du travail, ou encore des suicides et des risques
concernant la santé (maladies cardiovasculaires, cancers ou maladies
infectieuses).
Les champs électriques et magnétiques ont donc des effets sur le corps
humain qu’ils traversent. Mais qu’en est-il pour la santé ? Pour de
nombreux scientifiques, il n’y aurait « vraisemblablement » pas de risque.
Mais le terme « vraisemblablement » laisse planer le doute… Trois types
de maladies font débat : l’électrohypersensibilité, les pathologies
neurodégénératives et les leucémies.
L’électrohypersensibilité définit un ensemble de symptômes variés et
non spécifiques d’une pathologie particulière (maux de tête, problèmes
digestifs, nausées, douleurs articulaires, vertiges, irritabilité, fatigue,
difficultés de concentration, perturbations du sommeil, picotements,
brûlures, perte de mémoire, perturbations auditives et visuelles…).
Certaines personnes attribuent spontanément ces symptômes à une
exposition aux champs électromagnétiques. Pour le professeur Dominique
Belpomme, cancérologue et président de l’Association pour la recherche
thérapeutique anticancéreuse (A.R.T.A.C.), les malades appelés
électrosensibles (E.H.S.) sont difficiles à comptabiliser, mais
représenteraient de 1 à 10 % de la population. Ils pourraient augmenter
jusqu’à 25 % à la fin du siècle. Officiellement, il n’a pas été démontré de
lien causal à ces différents troubles et certains scientifiques parlent d’un
effet « nocébo », c’est-à-dire d’une nuisance imaginée, mais qui peut
engendrer des effets réels sur la santé. Un concept qui renvoie le patient
électrosensible tant à une maladie avérée qu’à une forme de paranoïa ! Des
diagnostics préliminaires ont été posés en France alors que
l’électrohypersensibilité est déjà reconnue comme un handicap en Suède.
Une anecdote illustre bien cet effet nocébo. En avril 2009, plusieurs
médias ont évoqué une plainte collective des habitants de la ville de Saint-
Cloud, en banlieue parisienne, suite à l’installation de deux antennes-relais
à proximité de leurs logements. Ces victimes faisaient état de symptômes
graves, comme des saignements de nez, des maux de tête, des vertiges…
Pourtant, ces antennes n’étaient pas encore branchées et donc inoffensives.
Un rapport de l’Office parlementaire d’évaluation des choix
scientifiques et technologiques (O.P.E.C.S.T.) suggère par ailleurs la
possibilité d’un lien entre certaines maladies neurodégénératives, en
particulier la maladie d’Alzheimer, et les champs électromagnétiques,
hypothèse concernant les conducteurs de trains en Suisse.
Quant à la leucémie, il s’agit d’une maladie qui se caractérise par la
production d’un trop grand nombre de globules blancs immatures qui, en
quittant la moelle osseuse, vont circuler dans le sang et envahir tous les
organes. À partir d’une étude réalisée en France entre 2002 et 2007, les
chercheurs ont observé une augmentation du risque de leucémie chez
l’enfant de moins de cinq ans, habitant à moins de 50 mètres d’une ligne à
très haute tension. Cependant, si l’on admet l’existence d’un lien entre la
leucémie de l’enfant et les champs électromagnétiques, précisons que le
risque est faible (moins d’un cas de leucémie aiguë de l’enfant de moins
de 15 ans par an). Néanmoins, des recherches supplémentaires doivent être
menées en ce qui concerne la leucémie lymphoïde aiguë chez l’enfant.
On peut donc penser que le courant électrique a des effets sur les êtres
vivants. Le Centre de recherche et d’information indépendant sur les
rayonnements électromagnétiques (C.R.I.I.R.E.M.) a réalisé en 2008 une
étude sur les conséquences sanitaires des lignes à très haute tension. Il a
comparé des personnes exposées à une ligne à très haute tension et des
personnes non exposées. Les conclusions de cette étude nous laissent
perplexes :
Apparition de troubles de la mémoire, de l’audition et du sommeil,
maux de tête et états dépressifs chez les riverains proches des lignes à
haute tension ;
Augmentation des découvertes de leucémies, de cancer du sein et de la
thyroïde chez les riverains exposés aux champs électromagnétiques ;
Apparition de courants électriques parasites dans les structures
métalliques (portails, abreuvoirs, clôtures…) pouvant perturber les
animaux ;
Perte de poids, nervosité, agressivité, hésitation, ralentissement de la
croissance, modification de la production de lait chez les animaux ;
Augmentation des anomalies de fonctionnement des appareils
électriques et électroniques.
Une étude britannique mettant en vis-à-vis les lignes à haute tension et
les cas de leucémie chez l’enfant a été publiée en 2008 par des chercheurs
de l’université d’Oxford. Portant sur plus de 29 000 enfants souffrant de
cancer, dont 9 700 de leucémie, elle a montré que le risque de leucémie
augmente de 69 % pour les enfants dont le domicile se trouve à moins de
200 mètres de lignes à haute tension au moment de leur naissance. Et ceux
domiciliés à une distance comprise entre 200 et 599 mètres voient le
risque augmenter de 23 % par rapport aux enfants nés à plus de 600 mètres
d’une ligne.
Mais les scientifiques cultivent l’ambiguïté ! D’après le Centre
international de recherche contre le cancer (C.I.R.C.) de l’Organisation
mondiale de la santé (O.M.S.), « ce n’est pas l’exposition aux lignes à
haute tension qui serait possiblement cancérogène, mais le champ
magnétique, quelle qu’en soit l’origine, et dans des circonstances aussi
précises que rarement rencontrées ». Pour le C.I.R.C., les lignes de
transport de l’électricité ne représentent que 20 % des expositions les plus
élevées aux champs magnétiques d’extrême basse fréquence. Les autres
expositions proviennent des transports et des applications domestiques de
l’électricité. Le C.I.R.C. a classé les champs électromagnétiques émis par
les lignes à haute tension comme cancérogène possible, à un niveau
identique à celui du plomb et de l’essence. Selon un inventaire de
l’ensemble des publications scientifiques internationales effectué par le
Comité scientifique sur les risques émergents et nouvellement identifiés
pour la santé (S.C.E.N.I.H.R.) de la Commission européenne, « s’il existe
une association, dans certaines études épidémiologiques, entre les courants
électromagnétiques émis par les lignes et une forme rare de leucémie chez
l’enfant, aucun élément nouveau n’est intervenu et l’éventuelle relation de
cause à effet reste indéterminée ». De la même façon, des liens
existeraient entre les champs électromagnétiques et la maladie
d’Alzheimer, mais aucune relation de cause à effet n’a pu être démontrée.
Outre les lignes à haute tension, vous pouvez être confronté à des
ondes électromagnétiques :
Si vous résidez dans une agglomération de plus de 2 000 habitants ;
Si vous empruntez les transports en commun (T.G.V., R.E.R., T.E.R.,
métro, tramway) ;
Si vous fréquentez les centres commerciaux, les aéroports (portiques
de détection) ;
Si vous utilisez des appareils alimentés par des prises électriques
(aspirateur, four, appareils électroménagers, radio-réveil, cumulus
électrique…).
Les activités professionnelles, mais aussi de loisirs (sport en plein air,
pêche…), peuvent présenter des risques si vous les pratiquez sous les
lignes de transport d’électricité. Et si vous portez un dispositif médical
(stimulateur cardiaque, défibrillateur implantable, implant cochléaire…),
parlez-en à votre médecin et redoublez de vigilance. Il est en effet
impossible d’éliminer toute interférence entre les dispositifs médicaux et
les champs électromagnétiques. Cependant, selon les scientifiques, le
risque est faible.
Une préconisation avait néanmoins été proposée lors du Grenelle de
l’environnement. Il s’agissait d’imposer une limite de 100 à 200 mètres
entre chaque ligne à haute tension et les constructions qui l’entourent.
Malheureusement, cette recommandation n’a pas été retenue… Pourtant,
l’Agence française de sécurité sanitaire de l’environnement et du travail
(A.F.S.S.E.T.) a récemment mis en cause les lignes à haute tension et
recommande « de ne plus augmenter le nombre de personnes sensibles
exposées autour des lignes de transport d’électricité à très haute tension et
de limiter l’exposition ». Des habitations ne devraient pas être construites
à proximité des lignes et l’implantation de nouvelles lignes devrait en
tenir compte. Il ne faut pas ignorer que les terrains proches des lignes
électriques ont un prix d’achat plus bas et attirent une population à faible
revenu. Pour éviter tout risque sanitaire, l’option serait l’enterrement des
lignes à haute tension, mais le coût est dix fois plus élevé que pour les
lignes aériennes et il existe aussi des contraintes techniques.
Les antennes-relais
Plusieurs institutions ont conduit des études sur les rayonnements émis
par les téléphones portables. À l’université de Clermont-Ferrand, un plant
de tomate a été exposé à un champ électromagnétique pendant dix
minutes. Dans les feuilles, les chercheurs ont évalué les variations de
l’expression de trois gènes intervenant dans les réponses aux stress
environnementaux : après l’exposition, l’expression de ces gènes est trois
à cinq fois plus importante qu’en temps normal. Même si le reste de la
plante est protégé, l’exposition d’une seule feuille provoque le même effet
sur l’ensemble de la plante. Ces résultats nous interpellent, mais ne sont
pas transposables à l’homme et ne permettent aucunement d’en déduire
l’existence d’un risque sur les tissus humains.
Une équipe de l’université Purdue, en Indiana, aux États-Unis, a
découvert qu’après deux heures d’exposition, l’expression de 221 gènes de
cellules humaines a augmenté. Après 6 heures d’exposition, c’est 759
gènes qui sont concernés. Les gènes liés à la mort cellulaire sont
particulièrement concernés, au contraire de ceux liés à la réaction aux
chocs thermiques. Le problème réside dans le fait qu’il ne suffit pas de
détecter de tels effets génétiques pour en déduire des conséquences
biologiques majeures.
Des scientifiques de l’université de Los Angeles, en Californie, ont
étudié les impacts de l’utilisation du téléphone portable pendant la
grossesse. L’éventualité d’un lien entre l’usage du portable pendant la
grossesse et des troubles du comportement chez l’enfant a été évoquée.
D’après cette étude, les fœtus exposés aux ondes auraient 54 % de risques
supplémentaires de présenter des désordres du comportement, comme une
hyperactivité ou des perturbations émotionnelles. Cependant, les auteurs
de cette étude ne peuvent expliquer les raisons de cette association, ni le
mécanisme biologique sous-jacent.
Des chercheurs de l’université de Vienne ont soumis des cellules de
tissu humain à une exposition continue ou intermittente d’hyperfréquences
pendant plusieurs heures. Ils ont constaté des effets sur l’A.D.N. : les brins
simples et doubles étaient lésés. L’exposition continue aurait moins de
conséquences néfastes que l’exposition intermittente, ce qui permet
d’éliminer l’impact thermique. Ces résultats ont fait l’objet de critiques
acerbes, allant jusqu’à l’accusation de manipulation des données.
De vrais dangers
Comment se préserver ?
La notion de préjudice
Notre médecine est malade. Tous ses acteurs ont failli. Les médecins,
les laboratoires pharmaceutiques, les organismes de contrôle, les
gouvernements successifs : tous ont contribué à son déclin. Nous, les
« consommateurs de médecine », sans être exempts de tout reproche,
sommes peut-être les seuls à pouvoir la sauver.
Le corps médical doit être respecté. Ces hommes et ces femmes de
savoir nous consacrent en effet une grande partie de leur temps, souvent au
détriment de leur vie de famille. Cependant, rien ne doit nous empêcher de
mettre en cause le responsable dès que survient une erreur médicale ou un
dysfonctionnement hospitalier, et d’obtenir la reconnaissance de la faute
et une juste indemnisation de nos préjudices.
Il est impératif que le patient du XXIe siècle devienne un lanceur
d’alerte. Dans les différents scandales évoqués, ce sont les médecins, les
chirurgiens, les directeurs de cliniques ou d’hôpitaux, les laboratoires
pharmaceutiques, les organismes de contrôle qui, par omission ou volonté
délibérée, ont fait peser un risque sur la santé des malades. Dans certains
cas, des centaines de patients sont morts. Dans d’autres, des milliers de
femmes ont dû subir des opérations chirurgicales en urgence. Mais à
chaque fois, un dénominateur commun existe : le profit. Devant cette
attitude scandaleuse, il nous revient de nous constituer en un contre-
pouvoir face au corps médical et aux laboratoires. Ainsi, nous deviendrons
des acteurs attentifs de notre santé, n’hésitant pas à questionner notre
médecin ou à faire une déclaration de pharmacovigilance.
Bien des périls nous guettent encore, même si les risques potentiels
sont difficiles à évaluer à l’heure actuelle. Il faut garder à l’esprit que
toute avancée technologique, si bénéfique pour l’homme soit-elle, peut
avoir des effets pervers. Nous devons rester vigilants, prôner la prudence
et exiger l’application du principe de précaution, c’est-à-dire l’adoption de
mesures de protection même si le risque n’est pas encore prouvé de
manière scientifique.
Aux erreurs médicales s’ajoutent ce que l’on appelle les « accidents de
la vie ». Personne n’est à l’abri de connaître un jour le drame du dommage
corporel. Ainsi, pour les victimes et leur famille, l’accident fait basculer
en une fraction de seconde toute une vie dans l’horreur et le désespoir.
Aucune indemnisation financière, aussi importante soit-elle, ne viendra
effacer un handicap ou remplacer la perte d’un être cher. Et s’il s’agit de
faire reconnaître la souffrance de la victime, c’est aussi une façon de
respecter sa mémoire en cas de décès.
Notre médecine souffre. Elle crée ses propres victimes. Et se défendre
n’est pas aisé. Aussi est-il nécessaire de comprendre comment résister
face à un corps médical qui refuse de reconnaître un acte fautif, et aux
compagnies d’assurances qui font passer leur intérêt financier avant celui
des victimes.
Annexe pratique
Que faire en cas de suspicion
d’erreur médicale ?
Vos droits
La chirurgie
La transaction amiable
Une transaction amiable peut aussi être tentée dans le cas d’une faute
survenue en milieu hospitalier, où il existe des médiateurs et des
commissions de conciliation dont le rôle est de vous expliquer les causes
et les raisons d’une faute éventuelle, en cherchant le plus souvent à
minimiser les séquelles ou tout simplement à nier toute notion d’erreur, de
faute ou de négligence de la part de l’établissement. Si vous choisissez
cette voie, il est conseillé de vous faire assister par un médecin dans toutes
les démarches.
La voie judiciaire
La juridiction civile
• La procédure du référé
Il s’agit d’une action rapide (entre huit et quinze jours) permettant au
tribunal de décider la nomination d’un expert. En principe, si votre avocat
présente un bon dossier et si vos arguments en faveur d’une erreur de votre
médecin sont importants, vous obtiendrez la nomination de l’expert (et
cela d’autant plus que les honoraires de l’expert ainsi désigné seront à
votre charge).
• La procédure au fond
Si votre rapport d’expertise est favorable, votre avocat peut alors
engager une procédure « au fond » devant le tribunal de grande instance,
afin d’obtenir réparation de vos préjudices sur la base du rapport
d’expertise. Le délai entre cette démarche et le jugement peut varier de
quelques mois à plusieurs années en fonction de l’encombrement des
tribunaux. Bien entendu, la partie adverse (ou vous-même, si vous estimez
que les juges n’ont pas accédé de façon satisfaisante à vos demandes) a la
faculté de faire appel de cette décision.
• La cour d’appel
Le fait de porter l’affaire devant la cour d’appel entraîne la suspension
de l’exécution du jugement de première instance. Mais, dans bon nombre
de cas, les juges, s’ils reconnaissent la réalité de la faute de votre médecin
et estiment votre démarche légitime, peuvent vous accorder tout ou partie
de votre indemnisation avec la mention « exécution provisoire ». Dès lors,
la partie adverse devra vous verser le montant indiqué par le tribunal.
Mais la procédure repart néanmoins devant une nouvelle juridiction, la
cour d’appel. N’oubliez pas que celle-ci peut confirmer la décision de
première instance, l’aggraver en votre faveur, mais aussi l’annuler
totalement et émettre une nouvelle décision qui peut vous être totalement
défavorable. Il est donc conseillé, par prudence, de ne pas utiliser les
indemnités que vous aurez peut-être reçues.
• La Cour de cassation
Si le jugement du tribunal de grande instance vous a été défavorable et
que la cour d’appel a confirmé ou aggravé le premier jugement, vous avez
la possibilité de saisir la Cour de cassation, qui ne juge pas le fond de
l’affaire, mais contrôle le bon respect des règles de droit.
Pour accéder à la Cour de cassation, vous devez faire appel à un avocat
auprès de la Cour de cassation, seul habilité à intervenir devant cette
juridiction. C’est une démarche souvent coûteuse ; faites-vous conseiller
par votre avocat sur vos chances d’aboutir.
Soit la Cour de cassation rejette votre pourvoi et l’arrêt de la cour
d’appel deviendra définitif, soit elle « casse » tout ou partie de l’arrêt de la
cour d’appel et votre affaire sera à nouveau jugée, par une autre cour
d’appel que celle qui s’est déjà prononcée.
• Le recours préalable
Avant de s’adresser au tribunal administratif, vous devez, dans un délai
de 10 ans maximum après la date des faits incriminés ou de la
consolidation de vos séquelles, adresser un recours préalable auprès du
directeur de l’établissement mis en cause. Celui-ci pourra prendre acte de
votre recours, en reconnaître le bien-fondé, et déclencher une procédure
d’indemnisation amiable sur la base d’une expertise de la compagnie
d’assurances de son établissement.
Le directeur peut aussi ne pas donner de réponse à votre demande, ou
refuser une telle démarche et vous en tenir informé. C’est la situation dans
la majorité des cas. Vous disposez alors d’un délai de deux mois après
l’envoi de votre lettre recommandée avec accusé de réception pour vous
adresser au tribunal administratif ou pour saisir la Commission de
conciliation et d’indemnisation.
• Le tribunal administratif
Le tribunal administratif a pour vocation de régler les litiges survenant
entre les administrés et l’administration ou les services publics. Vous
devez adresser un mémoire écrit au président du tribunal administratif de
votre ville en indiquant clairement les griefs formulés contre
l’établissement hospitalier. Comme dans le cas d’une erreur médicale
commise dans un établissement privé, l’aide d’un avocat spécialisé dans le
dommage corporel est vivement conseillée.
Le tribunal administratif nomme un expert qui vous convoquera à une
réunion d’expertise avec toutes les parties mises en cause. Il fera parvenir
son rapport directement au tribunal administratif. Lorsque l’instruction de
votre dossier sera close, le tribunal fixera la date de l’audience publique.
Vous pourrez vous présenter seul à l’audience et défendre vous-même
votre dossier. Dans ce cas-là, vous n’avez pas de frais à engager (pas
d’honoraires d’avocat).
Sachez que le tribunal suivra dans la très grande majorité des cas les
conclusions du médecin expert qu’il a désigné. Le jugement vous sera
signifié par lettre recommandée quelques semaines plus tard. Comme dans
la juridiction civile, vous (ou la partie adverse) pouvez faire appel si le
jugement ne vous convient pas.
• Le Conseil d’État
Le Conseil d’État est une juridiction administrative qui a des pouvoirs
plus étendus que la Cour de cassation (qui est une juridiction civile)
puisqu’il possède à la fois la qualité de Cour suprême de l’ordre
administratif par sa possibilité de cassation, mais aussi de juge de droit
commun en appel. Pour saisir le Conseil d’État, vous devez faire appel à
un avocat au Conseil d’État.
La juridiction pénale
Dans le cas d’une faute très grave, la voie pénale recueille aujourd’hui
la faveur des victimes ou des ayants droit. La juridiction pénale s’applique
à tous les modes d’exercice de la médecine, quelle que soit la spécialité,
dans le public ou dans le privé. Elle permet d’obtenir à la fois la sanction
pénale du praticien mais aussi la réparation des différents préjudices subis
si ce dernier exerce à titre libéral.
Mais sachez qu’il s’agit d’une solution qui ne permet d’obtenir un
jugement qu’après de longues années. Et dans un très grand nombre de
cas, votre plainte ne sera pas retenue par le procureur de la République,
sera classée sans suite ou fera l’objet d’un non-lieu après instruction de
l’affaire par un juge d’instruction.
Il convient donc de réserver la voie pénale pour les faits d’une extrême
gravité, et lorsque votre désir d’une sanction exemplaire est plus fort que
la demande d’une indemnisation financière.
• Le dépôt de plainte
Au premier abord, la voie pénale semble plus simple qu’une procédure
classique. En effet, vous pouvez déposer une plainte contre le médecin mis
en cause dans un des commissariats de votre ville, à la gendarmerie ou en
adressant une lettre recommandée avec accusé de réception au procureur
de la République de votre ville. Vous devez expliquer de façon claire et
précise le déroulement des faits incriminés et les préjudices subis, en
apportant des preuves (en particulier par des pièces médicales). Vous
pouvez réaliser cette démarche par vous-même, mais la rédaction du
document ne doit jamais être tendancieuse ni diffamatoire à l’égard du
médecin mis en cause et doit se résumer à l’énoncé des faits.
• L’enquête préliminaire
Votre dépôt de plainte va parvenir entre les mains du procureur de la
République qui va chercher à obtenir des renseignements complémentaires
sur les faits. Pour cela, il demande aux services de police ou de
gendarmerie de réaliser une enquête préliminaire. À la lecture du rapport
d’enquête préliminaire, deux possibilités s’offrent alors au procureur. S’il
estime qu’aucune infraction caractérisée ne peut être retenue à l’encontre
du médecin que vous avez mis en cause, il classera l’affaire sans suite et
vous informera de sa décision par une lettre. N’hésitez pas à le relancer
pour connaître sa décision. Vous ne pourrez contester un classement sans
suite qu’en déposant plainte auprès du doyen des juges d’instruction du
tribunal de grande instance de votre ville, et cette démarche n’est pas
gratuite… Si le procureur a trouvé dans le rapport des éléments probants
qui laissent supposer qu’une infraction pénale a bien été commise, il
déclenchera l’action publique, c’est-à-dire la tenue d’un procès pénal, ou
désignera un juge d’instruction chargé d’instruire votre affaire.
• Le juge d’instruction
Le juge d’instruction est un magistrat chargé par le procureur de la
République (ou par le doyen des juges d’instruction dans le cas d’un
classement sans suite) d’instruire votre affaire. Le juge d’instruction
demandera une ou plusieurs expertises médicales, convoquera les
différentes parties mais aussi tous les témoins qu’il jugera utile
d’entendre, et saisira tous les documents nécessaires au bon déroulement
de son enquête. Il peut aussi décider la mise en examen du médecin
incriminé. Dans la procédure pénale, le juge d’instruction est seul maître
du jeu ou presque… Vous avez en effet la possibilité de demander ou
d’orienter certaines démarches en sollicitant une entrevue pour lui faire
part de vos convictions.
Lorsque les investigations sont terminées, le juge d’instruction vous
convoque pour vous faire part de l’avancée de l’enquête et,
éventuellement, de la décision qu’il va prendre. S’il conclut qu’il n’existe
pas d’infraction caractérisée au code pénal à l’encontre du praticien que
vous avez mis en cause, il peut rendre une ordonnance de non-lieu. Si, au
contraire, il estime que l’enquête a permis de dégager un faisceau de
preuves mettant en évidence une ou plusieurs infractions, il va prononcer
une mise en examen à l’encontre du médecin incriminé. Il décidera alors,
par une ordonnance de renvoi, d’envoyer le praticien devant le tribunal
correctionnel pour y être jugé.
• Le tribunal correctionnel
Si vous voulez obtenir réparation des préjudices subis, vous devez
vous porter partie civile et il est conseillé de prendre un avocat. Si vous ne
vous êtes pas porté partie civile, le tribunal correctionnel pourra rendre
comme jugement une condamnation pénale à l’encontre de votre praticien,
une éventuelle peine de prison (ferme ou avec sursis) et une amende. Si
vous vous êtes constitué partie civile avec l’aide de votre avocat, outre la
condamnation pénale de votre praticien, les juges peuvent décider la
réparation des préjudices que vous avez subis et déterminer le montant de
vos dommages et intérêts. Le calcul se fera à l’aide du rapport d’expertise
demandé par le juge d’instruction.
• La cour d’appel
La partie adverse ou vous-même pouvez faire appel du jugement.
Cependant, en matière pénale, vous ne pouvez pas faire appel des peines
de prison ou des suspensions prononcées par les magistrats ; seule la
personne condamnée en a le droit, ainsi que le Procureur de la République.
En tant que partie civile, vous ne pouvez que contester les sommes qui
vous ont été allouées.
• La Cour de cassation
Si la décision d’appel ne vous convient pas sur l’indemnisation
obtenue uniquement, vous pouvez vous tourner vers la Cour de cassation.
Celle-ci peut confirmer la décision de la cour d’appel, et la procédure
arrive alors à son terme, ou casser l’arrêt en totalité ou en partie, et un
nouveau procès sera possible devant une nouvelle cour d’appel, autre que
celle qui a déjà jugé votre affaire.
Si vous estimez que votre procédure a duré trop longtemps, vous
pouvez déposer un recours auprès de la Cour européenne des droits de
l’homme. La Cour européenne a condamné la France a plusieurs reprises
pour des procédures anormalement longues. Vous recevrez alors des
dommages et intérêts.
Gardez bien à l’esprit que, sauf dans les cas très graves, les jugements
des juridictions ordinales sont souvent décevants. Vous aurez l’impression
que le médecin a été plutôt soutenu par ses pairs que jugé par eux. Si vous
n’êtes pas satisfait de la décision ordinale, vous pouvez toujours, si cela
n’a pas été fait avant, engager une procédure, soit devant le tribunal de
grande instance, soit devant le tribunal administratif.
La loi relative aux droits des malades du 4 mars 2002, dite loi
Kouchner, vise à régler les difficultés rencontrées par les victimes
d’accidents corporels graves en leur permettant d’obtenir une
indemnisation facile et rapide. Cette loi s’applique aux victimes
d’accidents médicaux, mais aussi d’affections iatrogènes (affections liées
à des soins) et d’infections nosocomiales (infections contractées dans un
établissement de soins).
Pour faire appel à une Commission de conciliation et d’indemnisation
(C.C.I.), il est impératif que le dommage que vous avez subi ait eu lieu
après le 5 septembre 2001 et remplisse un des critères requis par la loi,
c’est-à-dire que vous présentiez des séquelles très graves. Sinon, votre
seul recours sera d’engager une procédure devant un tribunal.
En cas d’aléa thérapeutique, c’est-à-dire en l’absence de
responsabilité, l’indemnisation sera versée par un établissement public
appelé l’Office national d’indemnisation des accidents médicaux
(O.N.I.A.M.).
Vous pouvez être indemnisé par l’O.N.I.A.M. dans les cas suivants :
Absence de faute, lorsque vos préjudices sont en rapport avec un acte
de prévention, de diagnostic ou de soins ayant entraîné des
conséquences anormales et très graves par rapport à l’acte pratiqué.
C’est ce que l’on appelle l’aléa thérapeutique.
Infection nosocomiale, c’est-à-dire une infection contractée au cours
d’un acte de soins ou d’hospitalisation ayant entraîné une I.P.P.
supérieure à 24 % ou un décès.
Dommage causé par un professionnel de santé ayant exercé en dehors
du champ de son activité professionnelle.
Complications liées à une vaccination obligatoire ou à une hépatite C
post-transfusionnelle.
Si vous êtes victime d’un accident médical fautif, l’assureur du
professionnel de santé mis en cause devra vous indemniser. En cas de
silence ou de refus de sa part, vous pourrez demander à l’O.N.I.A.M. de se
substituer à l’assureur.
Le montant de l’indemnisation
Avantages et limites
Cette expertise est mise en place si vous avez décidé de gérer seul
votre contentieux avec la compagnie d’assurances du praticien ou de
l’établissement mis en cause. Vous serez aidé par un médecin indépendant
de votre choix ou par un médecin mis à votre disposition par votre
assurance si vous en faites la demande. Ce médecin vous assistera au cours
de chacune des réunions d’expertise diligentée par la compagnie
d’assurances adverse, pour veiller à son bon déroulement et défendre vos
droits pour une indemnisation juste de vos préjudices.
Dans le cadre de cette expertise amiable contradictoire, votre médecin-
conseil devra signer conjointement le rapport d’expertise avec le médecin
de la compagnie d’assurances adverse. Détail qui peut avoir son
importance dans la discussion, le médecin de la compagnie d’assurances
ne pourra obtenir le règlement de ses honoraires qu’après la signature du
rapport par votre médecin-conseil. Votre médecin-conseil a les mêmes
compétences et les mêmes prérogatives que le médecin de la compagnie
d’assurances.
L’expertise d’arbitrage
L’expertise judiciaire
• La discussion
C’est la discussion qui conditionne le jugement de votre affaire par le
magistrat. L’expert doit utiliser des termes compréhensibles par tout un
chacun, car son rapport est destiné à des non-médecins. Il doit répondre à
toutes les questions posées dans la mission d’expertise et déterminer s’il
s’agit d’une erreur ou d’une faute, d’une négligence ou même d’un aléa
thérapeutique en donnant des arguments précis. S’il considère qu’il n’y a
pas eu faute, il devra expliquer pourquoi, selon lui, les soins que vous avez
reçus étaient diligents, consciencieux et conformes aux données acquises
de la science.
• La conclusion
L’expert fait un résumé sommaire des chapitres précédents et donne sa
conclusion qui doit être claire, précise et motivée. Il doit établir si votre
état actuel, avec toutes les séquelles décrites au cours de l’expertise, est en
relation directe et certaine avec l’erreur ou la faute commise. Dans la
mission d’expertise, il est souvent précisé que l’expert doit adresser un
pré-rapport aux différentes parties, qui disposent alors de quatre semaines
pour transmettre leurs remarques. Ces remarques, que l’on appelle aussi
« dires à expert », sont d’une grande importance, car d’une part elles
seront annexées au rapport d’expertise, et d’autre part l’expert a obligation
d’y répondre. Profitez-en pour transmettre à l’expert de nouvelles
questions ou des remarques pertinentes, dont vous laisserez le soin de la
rédaction à votre médecin-conseil ou votre avocat.
À la fin de ses conclusions, l’expert judiciaire doit évaluer vos
différents préjudices, poste par poste, en leur attribuant un coefficient
parfaitement codifié (de 0 à 7 pour le préjudice de la douleur ou le
préjudice esthétique, de 0 à 100 % pour le déficit fonctionnel
permanent…). Votre avocat traduira ensuite ces coefficients en euros pour
estimer votre indemnisation. Gardez à l’esprit que l’expert n’est qu’un
« technicien médical » chargé d’éclairer le juge sur la réalité de la faute et
l’importance des séquelles. Le juge reste seul maître de la décision et peut
parfaitement rendre un jugement différent des conclusions de l’expert
judiciaire. Néanmoins, dans la grande majorité des cas, le juge va s’en
remettre aux conclusions de l’expert.
• Après l’expertise
Si votre avocat n’a pas participé à l’expertise, il est souhaitable que
vous lui fassiez un compte rendu circonstancié de la réunion (soit par
écrit, soit au cours d’un rendez-vous). Bien entendu, si vous étiez assisté
d’un médecin, celui-ci devra adresser à votre avocat un « rapport
d’assistance à expertise ».
Ne vous étonnez pas si vous avez constaté au cours de la réunion des
attitudes plus amicales que confraternelles entre l’expert et les conseils de
la partie adverse. Dans ces réunions d’expertise, le tutoiement est souvent
de mise, les experts et les médecins des compagnies d’assurances se
rencontrant très régulièrement. En revanche, si vous avez relevé des
anomalies manifestes dans le déroulement de la mission d’expertise, vous
devez bien entendu en avertir votre avocat.
L’expert doit rendre son rapport dans le délai imparti par le juge.
Toutefois, dans certains cas, l’expert peut demander une prolongation de
quelques mois afin de mener des investigations complémentaires ou de
récupérer des pièces médicales importantes. Les juges accueillent toujours
de manière favorable la requête de l’expert si ses motifs sont légitimes.
Votre avocat et votre médecin-conseil recevront une copie du rapport.
La discussion de l’expert est particulièrement importante pour votre
avocat, qui va rechercher si l’expert reconnaît le lien de causalité entre
l’acte du médecin ou du dentiste présumé fautif et votre état actuel, mais
aussi si la notion de faute ou d’erreur apparaît clairement dans le
document.
La conclusion du rapport est très importante pour vous, l’expert y
répertoriant les différentes séquelles que vous présentez en attribuant à
chacune un coefficient.
Textes de référence
Bellemanière S. de, « Ce savant promet une greffe de tête dans deux ans »,
Interview du Dr Sergio Canavero, Paris Match, 28 février 2015.
Derumeaux G., Ernande L., Serusclat A., Servan E., Bruckert E. et coll.,
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Compléments alimentaires :
bénéfiques ou dangereux ?
Arrêté du 9 mai 2006 relatif aux nutriments pouvant être employés dans la
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Rapport « Les effets sur la santé et l’environnement des champs
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Electromagnetic Biology and Medicine, 2008.
Nous avons écrit ce livre en mémoire de notre fils et frère, décédé dans
un accident de la circulation.
DR DOMINIQUE-MICHEL COURTOIS
Accidents de la route : l’envers du décor,
Jacques-Marie Laffont éditeur, 2004