Interrogation Francaise
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Synergies Pays riverains du Mékong
n°2 - 2010 pp. 141-146
Résumé : De la grammaire-traduction à l’approche communicative en passant
par la méthode directe et les différentes générations audiovisuelles du SGAV,
les méthodes d’enseignement du FLE ont toujours suivi de près et bénéficié des
acquis des recherches en linguistique. Mais quel est l’apport de la pragmatique
à la didactique du FLE ? Peut-on parler, avec les nouvelles tendances en
pragmatique linguistique, d’une nouvelle approche de l’enseignement du FLE ?
En didactique des langues, le rôle de la question est plus complexe : elle est
non seulement un moyen de transmission et d’évaluation comme dans les
autres matières mais encore un but en soi. Savoir poser une question est aussi
un savoir-faire à acquérir.
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Nguyen Viet Tien
Ce n’est que vers la fin des années 70 - début des années 80, période de transition
des méthodes structuro globales audio-visuelles (SGAV) de troisième génération
et la première génération des méthodes dites « communicatives » que le couple
question-réponse fait son entrée dans la conception des méthodes et dans la
pratique quotidienne de l’enseignement du FLE. Mais si l’on soumet l’utilisation
du couple question-réponse dans la didactique du FLE à la lumière des analyses
des valeurs de l’interrogation et des questions, on se rend compte que le couple
question-réponse, même dans les méthodes « communicatives » n’est qu’un
« faux couple » et ce, pour plusieurs raisons:
- D’une manière générale, les exercices sont construits dans des buts précis
(faire acquérir aux apprenants soit un savoir, soit un savoir-faire) et le schéma
le plus fréquent est le suivant:
Consigne : Ex. : Répondez (affirmativement puis/ou négativement) aux questions
suivantes (en employant telle ou telle structure).
Modèle : Ex. : Prends-tu cet avion ? Oui, je le prends.
Prends-tu un avion ? Oui, j’en prends un.
- Dans ces conditions, l’apprenant n’a aucune initiative à prendre. En réalité, au
lieu de « répondre aux questions », il lui suffit de faire machinalement une simple
substitution à partir d’un certain repérage formel (dans l’exemple cité ci-dessus :
ce, cet, cette... dans la question le, la... dans la réponse
un, une....... dans la question ... en… un/ une dans la réponse).
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L’apport de la pragmatique à la didactique du FLE
Le cas de l’interrogation en français pour un public vietnamien
Rien de plus normal : un échange verbal dans lequel Ll, par le biais d’une
question, demande un service à L2 et celui-ci l’accepte. Il n’y a non plus rien
à signaler syntaxiquement. Une approche traditionnelle de l’interrogation ne
va guère plus loin que cette étape. Mais la conversation quotidienne recouvre
des faits que la grammaire ignore. Ainsi, dans [1], la demande de service de
Ll telle qu’elle est présentée, i.e. sous forme d’une question, court un risque:
en répondant négativement à la question de Ll, L2 refuse le service demandé.
Or, le refus est une menace (dans la culture française tout au moins) aussi bien
pour Ll (atteinte au « prestige ») que pour L2 (acte agressif). Pour écarter ce
danger potentiel, Ll peut recourir à une stratégie qui consiste à « préfacer » la
demande de service. Ainsi, par exemple, dans la séquence [2]1 suivante :
Ll : - Dis, tu te sers de ta tondeuse demain ?
L2 : - Euh, non, je ne crois pas
Ll : - Tu pourras me la prêter ?
L2 : - Oui, d’accord, mais il faudra que tu passes la prendre.
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Ainsi, par rapport à [1], [2] a l’avantage de ne pas exposer les interlocuteurs
à un refus éventuel donc ne menace ni l’un ni l’autre des participants. Mais,
d’un autre point de vue, [2] est moins efficace que [1] du fait que la demande
de service, le but principal de la transaction, est préfacée et ne vient qu’en
deuxième temps. Une autre stratégie permettant le compromis est mise en
œuvre dans la séquence [3] :
Ll : - Tu pourrais me prêter ta tondeuse un de ces jours ? Ma pelouse commence à
ressembler à une forêt vierge.
L2 : - Oui, si tu veux. Quand ça ?
Ll : - Je ne sais pas moi, quand ça t’arrange.
L2 : - Bon, eh bien la semaine prochaine ou demain, dans le fond.
Ll : - Demain, ça m’arrangerait bien, d’accord.
[3] a à la fois les avantages de [l] et de [2] sans en avoir les inconvénients, dans
la mesure où la demande de service est directe et passe en premier lieu mais
elle a peu de chances d’aboutir à un refus parce que d’abord elle est atténuée
par le mode conditionnel du verbe « pouvoir » et qu’aucune date n’est fixée
au prêt. La fixation de la date du prêt est laissée par la suite à l’initiative
de L2 mais l’urgence de l’emprunt a été implicitée dans la justification de la
demande de service (« Ma pelouse.. .vierge »).
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L’apport de la pragmatique à la didactique du FLE
Le cas de l’interrogation en français pour un public vietnamien
En guise de conclusion
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Bibliographie
De Gaulmyn, M.-M. (1991), « La question dans tous ses états. Les cinq types de questions
de l’explication conversationnelle », La Question, Kerbrat-Orecchioni C. (Sous la direction
de), PUL, Lyon, 1991.
Diller, A.M. (1984), La pragmatique des questions et des réponses, Türbingen : Gunter
Narr Verlag.
Kramsch, C. (1984), Interaction et discours dans la classe de langue, Crédif – Hatier, Paris.
Nguyên Việt Tiến (2002), Hỏi và câu hỏi theo quan điểm ngữ dụng học (Trên cứ liệu tiếng
Pháp, có so sánh với tiếng Việt), Thèse de Doctorat de Sciences du langage, Nouveau
régime, Université Nationale de Hanoï, Hanoï.
Notes
1
Les séquences [2] et [3] sont prises dans HOLECH, 1982.
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