Toxiques Domestiques

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Chapitre XVII

17. TOXIQUES DOMESTIQUES


A. BENSAKHRIA

17.1. Introduction
Les intoxications aiguës par les produits domestiques représentaient plus de 6,6% du nombre
totale des intoxications en Algérie en 2013. Elles sont, presque toujours, accidentelles, les
victimes les plus touchées sont de jeunes enfants âgés entre 1-3 ans, les garçons plus que les
filles.

Les produits ménagers sont responsables de plus de 10% des intoxications aigues chez
l’adulte qui sont accidentelles dans 80% des cas (plus fréquemment des femmes que des
hommes), elles sont généralement dues au déconditionnement des produits commerciaux. En
cas d’intoxication, il faut toujours prendre la précaution de s’informer de la toxicité des
composants du produit commercial en question.

17.2. Principaux produits incriminés


17.2.1. Eau de javel
Composition : hypochlorite de sodium, de potassium ou de calcium, agents de blanchiment et
des désinfectants, elle présentée en solutions concentrées (berlingots 48° cl) ou diluées
(bouteilles à 12° cl).

Toxicité et traitement : L’eau de javel diluée est un irritant qui provoque des troubles digestifs
mineurs, avec sensation, de brûlures buccales et épigastrique. On utilise dans ce cas des
pansements gastriques. Concentrée, c’est un caustique majeur et peut provoquer en cas
d’ingestion, une ulcération, perforation et hémorragies digestives et à terme sténose
œsophagienne avec risque de cancérisation.
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Dans ce cas l’hospitalisation est obligatoire, avec un bilan endoscopique des lésions et
évitement total de toute évacuation. Les prises massives d’eau de javel peuvent, en, outre,
être responsables d’hyperchlorémie et hypernatremie ou hyperkaliémie. Les projections
oculaires peuvent causer une hyperhémie conjonctivale, douleur locale immédiates. Si le
contacte est prolongé, l’eau de javel, même diluée peut être responsable d’ulcérations des
muqueuses oculaires. Le traitement consiste à réaliser un lavage abondant à l’eau.

Remarque : le mélange d’eau de javel et des produits acides (HCl) entraîne un dégagement de
gaz caustiques tels que le Cl2 responsable d’irritations bronchiques et d’œdème aigu
pulmonaire (OAP) retardé (24-48 heures) qui peut être mortel, il est favorisé par certains
facteurs de risque tels que le tabagisme, l’asthme, et l’insuffisance respiratoire.

17.2.2. Caustiques bases


Ceux sont des produits pour la lessive en machines, ils sont composés de tensioactifs
anioniques ou non anioniques, des sels basiques de sodium (perborates, silicates, sulfates et
/ou polyphosphates), des additifs divers : colorants, parfums, agents de blanchiments. Leur pH
en solution aqueuse à 1% est voisin de la neutralité.

Toxicité et traitement : les caustiques basiques possèdent un pouvoir irritant modéré surtout
en cas de projections oculaires. Dans ce cas, il faut faire un lavage abondant à l’eau et procéder
à un examen.

L’ingestion peut causer des nausées, vomissements et diarrhées, dans ce cas, administrer un
pansement gastrique sans faire vomir.

17.2.3. Décapants et détachants


Décapants pour four

Ceux sont des caustiques majeurs à base de soude concentrée. Ils provoquent des lésions au
niveau de la peau, les muqueuses, tractus digestif, parfois des perforations.

Conduite à tenir : il faut éviter l’évacuation digestive. L’ingestion d’eau ou de lait peut aider à
soulager l’intoxication. Pratiquer une endoscopie, si les lésions sont bénignes, faire un
pansement, si les lésions sont sévères, corriger les troubles hydro électrolytiques, appliquer
une alimentation parentérale, antibiothérapie pour prévenir les infections, antalgiques
sédatifs, et si l’état du malade l’impose, il faut faire une intervention chirurgicale.

Remarque : Les détachants et décapants ne doivent jamais être utilisés dans un espace fermé,
en présence d’une flamme ou d’une source de chaleur, car il y a risque de formation du
phosgène (COCl2) par décomposition à haute température des hydrocarbures chlorés, en
particulier du CCl4, HCCl3 et du chlorure du méthylène.

Traitement : Soustraire le sujet à l’exposition au phosgène. Ventilation artificielle en cas de


dépression respiratoire. Oxygéner le sujet. Traiter l’œdème pulmonaire.

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17.2.4. Détergents
Les détergents ont des compositions variables, dont les tensioactifs sont un élément constant
moussants, modérément irritants pour la muqueuse. Certains nettoyants pour la collectivité
qui se rapprochent des désinfectants hospitaliers sont dangereux, ils contiennent des
détergents cationiques, voire des aldéhydes et posent un risque caustique.

17.2.5. Caustiques acides


Esprit de sel

Il s’agit d’une solution aqueuse de l’HCl, acide fort, nettoyant domestique sous forme d’un
liquide incolore, il est très corrosif. La gravité de l’intoxication dépend de la concentration et de
la quantité du produit auquel le sujet a été exposé, ainsi qu’à la durée du temps de contact.

Ingestion entraîne une irritation du tractus digestif, simple érosion buccale lésions graves de
l’épithélium gastrique avec ulcérations qui peuvent être hémorragiques, évoluent vers une
nécrose extensive, inhibition du péristaltisme, et une perforation œsophagienne.

Traitement : il faut pratiquer une fibroscopie oeso-gastro-duodénale pour déterminer la gravité


et l’étendue des lésions. L’évacuation digestive est proscrite. Il faut appliquer une alimentation
parentérale et administrer des antisécrétoires gastriques tels que la ranitidine. La Chirurgie est
indiquée dans les cas graves : oesophagectomie.

En cas de projection cutanée et d’apparition d’érythème, œdème et des ulcérations,


débarrasser la victime des vêtements contaminés et procéder un lavage abondant à l’eau
pendant 10-15 minutes.

En cas de projection oculaire et de lésions sévères de la cornée, la conjonctive et la sclérotique,


il faut procéder au lavage à grande eau pendant 10-15 minutes. Si la douleur empêche
l’ouverture de l’œil on administre un anesthésique local tel que la Novécine. Consulter un
ophtalmologue.

17.2.6. Produits de lavage pour linge et vaisselle


Les produits pour la lessive à la main ont la même composition par rapport aux produits pour
la lessive à la machine mais la teneur en sels basiques de sodium est plus faible. Le pH en
solution aqueuse est voisin de la neutralité. Ils sont relativement moins irritants. Si ingestion
ou projection oculaire, la symptomatologie observée est peu différente et le traitement à mettre
en œuvre est le même.

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17.2.7. Les assouplissants textiles


Ceux sont des tensioactifs cationiques (ammonium quaternaire), responsable de troubles
digestifs. Si la dose est élevée, un coma convulsif est possible.

17.2.8. Liquide pour vaisselle à la main


Composition : tensioactifs anioniques et non anioniques, additionnés de chlorures de sodium,
parfums, colorants, leur pH est voisin de la neutralité.

Toxicité : Peu toxiques, mais doués d’un pouvoir moussant. Ils sont irritants pour la muqueuse
digestive après ingestion avec risques de diarrhées.

Conduite à tenir : Ne pas faire boire ni manger pendant quelques heures. Ne pas faire vomir.
Administrer des pansements gastriques. Compenser les pertes hydriques (surtout chez
l’enfant) en cas de diarrhées.

17.2.9. Autres produits domestiques


Cires et encaustiques :

Il existe des cires naturelles, minérales (paraffines) ou synthétiques (silicones). Le risque est
lié aux solvants : white spirit, essences de térébenthine parfois le xylène. Un risque de
pneumonie grave est aussi présent.

Décapants pour peinture

Dichlorométhane, du méthanol, un solvant pétrolier, des acides forts ou de simples détergents.

Alcool à brûler : mélange d’éthanol et de méthanol. Si la proportion de ce dernier dépasse 5%,


sa toxicité propre (oculaire en particulier) devra être prise en considération.

Les colles : elles ont une composition très diverse, elles peuvent être d’origine animale (os,
poisson) végétale (amidon) ou résine synthétique en solution ou en suspension dans un
mélange de solvants, monomères ou prépolyméres (cyanoacrylates) éventuellement associés
à divers adjuvants (durcissants, plastifiants).

Toxicité : les colles causent des intoxications aigues et chroniques sévères chez les « sniffers
». L’inhalation procure une expérience sensorielle agréable. Les substances inhalées sont des
neurodépresseurs.

Produits phytosanitaires domestiques

Composition : Même composition que ceux utilisés en agriculture à savoir les


organophosphorés (OP), organochlorés (OC), et les carbamates. Le risque est moindre, car la
concentration est beaucoup plus faible. Le risque est lié au solvant pétrolier qui lui sont souvent
associées les irritations respiratoires.

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Autres

Engrais pour plantes : Peu toxiques aux concentrations utilisées.

Boules antimites :(paradichlorobenzène) risque anodin.

Raticides : le plus souvent à base d’antivitamine K très faiblement dosée. Il faut surveiller les
taux de prothrombine TP, procéder au traitement par la vitamine K.

17.3. Prévention
La prévention est indispensable, elle porte notamment au niveau des fabricants la
commercialisation de produits moins dangereux, présentés sous des volumes plus réduits,
avec un étiquetage approprié, des bouchons spéciaux. Au niveau du consommateur, ranger
soigneusement les produits ménagers hors de portée des enfants. Eviter le dessous de l’évier,
préférer les placards situés au-dessus de l’évier. Ne pas transvaser les produits ménagers dans
un flacon alimentaire même étiqueté. Rincer et déboucher les flacons de détergent avant de
les jeter.

17.4. Références
- Fatima Hadj-Ahmed Chelouah (2009). Les accidents domestiques chez l'enfant de 0
à 5 ans. Editions Publibook. pp. 82–83. ISBN 978-2-7483-4946-7.
- Frédéric Baud; Philippe Hantson; Hafedh Thabet (22 May 2013). Intoxications aiguës.
Springer Science & Business Media. pp. 251–252. ISBN 978-2-8178-0301-2.
- Jean-Louis Vincent (28 June 2006). Le manuel de réanimation, soins intensifs et
médecine d'urgence. Springer Science & Business Media. pp. 535–536. ISBN 978-
2-287-59754-1.

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