VALOIS Nicolas - La Clef Du Secret Des Secrets
VALOIS Nicolas - La Clef Du Secret Des Secrets
VALOIS Nicolas - La Clef Du Secret Des Secrets
PREMIRE PRATIQUE
selon les Philosophes
Il est une Pierre de grande vertu, et est dite Pierre et n'est pas
Pierre, et est Minrale, Vgtale, et Animale, qui est trouve en tous
lieux et en tous temps, et chez toutes personnes, laquelle il faut
putrfier au fumier neuf jours, puis en distiller les Elments;
de laquelle naistra un sperme multiplicatif de toux Mtaux, c'est
dire une semence minrale qui se perptuant de soy mesme,
atteindra la perfection d'une gnration infinie.
Prends 8 onces de ce que les Philosophes te commandent, que tu
broyeras sur le marbre, puis l'imbiberas avec 12 onces d'huile
commune des Philosophes, tant qu'elle soit comme paste,
laquelle tu mettras sur le feu et la dissoudras. Et quand tu verras
l'escume rouge monter, oste la du feu, puis la remets sur le feu,
et tant ritre que tout soit fait pois comme Cire fondue. De
laquelle il faut extraire ton Laict virginal par voye de philosophie ;
puis spareras les Elments et les conjoindras ensemble, projettant
sur l'Argent vif, tu le remettras en autant de fine Lime; puis
continuant ton Magistre sera aussy fait Pierre rouge qui aura
mesme Vertu sur le rouge que sur Je blanc.
Mais garde toy de l'obscurit d'aucuns, lesquels trompent plus qu'ils
n'enseignent, principalement aux prparations te commandant d'user
de ce dont Nature ne sait rien, et t'enseignent matires non requises
nostre uvre; mais ils parlent aux entendus, et non aux ignorants ;
car sous ces nigmes tout est compris; mais il faut rassembler le bon
grain du mauvais, et ne te dcourage si tu entends parler de cette
sorte.
SECONDE PRATIQUE
Prenez deux parties de Saturne, s'il est besoin, au Soleil ou la Lune
de Jupiter, et trois parties de Mercure pour faire amalgame, qui
devient Pierre frangible, laquelle broyeras plusieurs fois sur le
marbre, et imbibe de vinaigre trs aigre et Eau de sel commun bien
prpar, imbibant et seichant souvent jusqu' ce qu'il contienne en
soy une trs grande substance des Cieux. Alors imbibe derechef
cette Eau d'Alun, jusqu' ce qu'elle soit paste mole, et la mets
dissoudre, puis la congelle, et tu auras une poudre qui convertira
Jupiter en Lune.
Mais pour le Soleil, prends Vitriol de pierre et calcin rouge, et le
dissous en l'urine des enfants, et distille tour, et le faits tant de fois
jusques ce que l'Eau soit bien rouge. Alors conjoincts cette Eau
avec la susdite Eau, avant qu'il soit congel et mets ces deux Eaux
sur le fumier par quelques jours, afin qu'il soit mieux incorpor. Et
distille ensemble ces Eaux et congelle tout, tu auras une pierre rouge
comme une Hyacinrhe, de laquelle tu projetteras une partie sur sept
de Mercure ou Saturne purg, et sera Soleil rouge. Lulle et autres
enseignent tout ce qui est requis au surplus; mais comme dit sous
Figures et Allgories, car saches que toutes les matires par eux
dclares, ne sont pas les matires en leur Essence, mais figuratives
des effects que produisent ces deux et uniques matires en l'uvre
des Philosophes.
La Pierre des Philosophes n'est rien que l'Or trs parfait, c'est dire
amen tel degr de perfection qu'il puisse parfaire tous les Corps
imparfaits. L'or est donc cette Pierre, mais non le vulgaire, car il
est mort, et le nostre vif. C'est celuy l qu'il faut prendre, mais
sache quel est cet Or vif. Quand les fruits sont mrs ils apportent
semence, par laquelle ils peuvent estre multiplis jusqu' l'infiny ;
ainsi l'Or est un fruit qui n'a jamais acquis cette maturit dans les
minires, et par consquent est dit mort; car sa semence est la chose
qui le peut faire vivre et vgter comme les deux autres reignes.
Mais nous luy pouvons imaginer cette semence, laquelle est desj en
luy potentiellement, car il est cr pour multiplier, ainsy que ses
deux autres frres, autrement, pourrait estre dit l'impuissant de la
Nature. Il a vrayment cette semence imagine, que Nature a tch par
tous moyens de luy faire mettre effet; mais ses forces n'ont pas est
assez grandes et demandent le secours de l'Artiste. C'est pourquoi il est
dit : Ayde moy et je t'ayderay Tiens donc pour trs certain que l'Or est
le commencement de nostre grand uvre. Mais non pas en l'estat qu'il
est, parce qu'il est dur, solide et trs uni en toutes ses parties; mais
il le faut rompre, puis aprs faire oprer Nature. Aussy est dit, qu'il
faut le rduire en sa premire matire, qui n'est autre chose que Vif
argent, duquel ledit Or a est premirement cr et engendr; mais
LAUS DEO
LIVRE SECOND
Mon cher Enfant, quoy que je doutasse trop de divulguer la
Sainte Science et Philosophie, pour laquelle crainte je me serais
arrest aux deux Principes prcdents, si es ce que meu de bonne
volont, et me confiant en ta prudence, je n'ay fait difficult de te
donner encore ce petit Sommaire, par lequel tu pourras estre plus
amplement clair sur les principes, et spcialement de la premire
Eau mystique des Philosophes, qui est la Mre de tous les Mtaux,
et de toutes les choses qui sont au Monde, laquelle je te dis
n'estre autre chose qu'une Eau ardente, dans laquelle tout Corps doit
estre rompu et mis en pices, pour aprs estre conduit par les degrs
de la digestion, jusques une sublimation parfaite. Cette Eau est
donc vrayement une Eau de Vie, laquelle il faut subtilement extraire
d'une pure et vierge Terre, puis la revivifier, tant qu'en elle ne reste
ny terre, ni Eau estrangre ; mais soit claire comme pur Argent, de
laquelle il en faut avoir une bonne quantit.
Or si par mes Chapitres prcdents, je ne te l'ay donne entendre
assez clairement, n'accuses point mon Livre, mais toy mesme, car tu
n'es point en grce, t'ayant au vray dclar la vrit de la chose; et
afin de te donner toute occasion et moyen de venir ce poinct qui
ouvre les yeux et les curs des hommes, je te veux encore ritrer les
mesmes mots, pourveu que tu sois secret et que l'avarice ny la
convoitise ne te fasse rechercher richesse; car c'est l'uvre de
Dieu, et cette lumire tant cele des Anciens, c'est le Sceau des
Sceaux, lequel ouvre et ferme le Livre de Vie, auquel sont escrits
les noms des Esleus, et de ceux qui ayment Dieu et leur prochain.
Saches donc, Fils de Doctrine, et le plus cher de mes Enfans, que
le Soleil, la Lune et les estoiles jettent perptuellement leurs
influences dans le centre de la Terre, pour auquel parvenir, il faut
premirement passer par les moyennes rgions de l'Air, dans
lesquelles sont assembles lesdites influences; lesquelles mesles et
jointes l'une l'autre, sont puis aprs distiles dans les pores de la
Terre, jusques au centre d'icelle, se dpurant de sable en sable, jusques
la dernire goute de leur humidit arienne; l'Air est donc tout
plein de ces influences, la Terre en est aussy toute fourmillante, et il
n'y a rien dans le Monde qui n'en soit remply ; parce que c'est le
centre de toutes choses, et l'Ame universelle de tous les Corps; mais
cette semence est grandement abondante en deux qualits, savoir
chaleur et humidit, desquelles on void sortir toutes choses qui sont au
Monde, par lapprochement toutefois du premier Masle qui est le
ferment qui se joint ladite semence, lequel attire et convertit icelle
sa Nature; divisant ainsy les espces et les ordonnant suivant la
volont et premire ordonnance du tout Puissant, afin que rien ne soit
confondu, et que chaque chose produise des fruicts de sa Nature.
La chaleur de ladite semence est cache en son entre, et partant est
invisible. Mais ladite humidit est le Corps ou le Sperme d'icelle,
lequel s'engrossissant dans l'Air, requiert une sparation et
purgation physique, qui est la prparation des extrmes; laquelle
doit estre considre murement sur l'opration de Nature en cette
manire. Ladite semence appell par Herms, Mercure
point icelles Eaux, non plus qu'au Mercure vulgaire, sur lequel tant
de personnes se sont abuses.
Un Philosophe comme Raimond Lulle, dit a qu'il faut tant en
prparation qu'en l'uvre, tant de vaisseaux et de manires d'oprer,
que c'est mettre les disciples en confusion, s'ils ne savent sparer le
bon du mauvais, afin de ne point semer l'yvroye avec le bon grain.
Comme aussy un autre dit a, tant de feux et de fourneaux, ausquels
on ajouste foy, sans considrer que four de Nature et son feu est
unique, qui n'est autre chose qu'une Montagne ronde, dans laquelle
une chaleur continuelle montant du centre vers la circonfrence et
passant travers des Terres minrales, va s'enfermer et offusquer dans
icelles Montagnes, o par laps de temps, elle cuit la matire par divers
degrs toutefois. Mais les degrs peuvent estre imagins par un bon
Esprit.
Car qui serait si ignorant qui ne jugeroit pas, qu'aprs avoir mis
deux matires ensemble, dont l'une est fixe et l'autre est volatile,
lesquelles on veut faire prendre comme un fromage, si on fait un feu
trop fort le volatil s'eslvera, et le fixe demeurera seul; ainsy se fera
point de conjonction. Car celuy l serait bien ignorant, qui ne
jugeroit pas qu'il faut retenir doucement le fugitif par une chaleur
tempre, jusqu' ce qu'il soit pris avec le fixe; car alors ils
s'embrasseront, et l'un ne pourra plus quitter l'autre; et je t'asseure
que tu verras bien au signe dont tu es averty par tant de bons
autheurs, quand il sera temps que les petits Corbeaux quittent leur
Nid ; car sache que ton travail te sera un Enseignement, pourveu que
tu travailles sur matire convenable, cat ton Esprit trouvera nouvelles
choses, et ne fera plus d'estime de ceux qui par leurs escrits,
dtournent plus qu'ils ne profitent.
Je te donneray encore un exemple pour le deviner.
Tu trouveras dans leurs Escrits, que la Projection fait un poids sur
dix, lautre sur quinze; mais n'est-ce pas abuser, puisque dans
toutes les pratiques qui se sont jamais faites, il y a eu tousjours
quelque diffrence, la premire composition des matires, soit
l'avancement ou retardement de l'uvre, ou soit l'avoir plus ou
moins concoctionn ; nul ne peut asseurer le poids de la
projection, parce que tous ne sont enseigns d'un mesme Maistre. Et
par consquent on travaille tousjours diffremment. Ainsy les
Projections diffrent: mais qui sera l'ignorant qui ne jugerait qu'il
faut tousjours projeter jusques ce que la matire ne soit plus
frangible, mais demeure ferme sous le Marteau; c'est la raison et le
jugement qui nous fait tout connoistre, pourveu qu'icelle grande
lumire ne nous dfaille point. Crains Dieu, dit le Sage et sois
constant le reste est facile, et ayant ces choses, on peut aisment
venir l'uvre, de laquelle je feray encore un peu mention la fin de
ce Sommaire. Prends de tes deux Matires, que ce soit assez, et
la prpare comme il t'est enseign, l'exemple des deux dpurations
et distilations naturelles. Car ton Esprit dissoudra ton Corps, et
ouvrant iceluy, se mesleront ensemble les deux Esprits, savoir le
libre et le prisonnier, qui sont appelles par aucuns l'Aigle et le Lion, puis
l'Ame suivra l'Esprit abandonnant le Corps, lequel de son cost
retournera au limon terrestre et sulfureux avec lequel il avoit si
longtemps languy, puis aprs sera redonn audit Corps l'Esprit sus dit
sien, qui en attirera soy plusieurs autres, qui partageront entr'eux
LIVRE TROISIESME
Nicolas Valois ses Enfans, Salut
Mon cher Fils quand dabord volont me prit de te donner lumire,
pas je ne croyais pas l'Amour d'un Pre si fort envers son enfant que
force me fust de te dclarer plus outre ; mais comme croyant ton
naturel bnin et meu de bonne volont je veux dposer sur ta
conscience les Secrets occultes de mon cur, pour estre moult
conservs dans le tien sans qu'aucun puisse iceux usurper au
pril de ta conscience, sur laquelle je te les laisse, afin qu'aprs
cette vie, aucune nuisance j ne m'advienne, et croy que plus grand
T r s o r t o y n e p e u r d o n n , car n u l ne peut estre compar iceluy.
Je tay desj donn les primordiaux Principes p a r m e s p r c d e n t s
C h a p i t r e s , e t s u i v a n t m o n propos, chef viendras de ton
entreprise, si le crateur de toutes choses le permet. Sinon je te
commande sur peine d'anathmatisation, toi ou tel autre qui les
voudra ensuivre, de les parpiller et mettre en cendres, afin que
profanement n'en soit fait et echec n'en advienne, car mes propos sont
simples; mais Vrit y est mise, tant que connoissance m'en a est
donne. Car par autre manire ne pouvons pas pratiquer icelle, bien
que les Anciens ont eu autre manire d'ouvrer, tousjours leur
besogne n'est qu'une et ne va qu' une mesme fin, et tout enfant
simple et de bonne vie ne peut errer, comme dit est, ayant les susdits
Principes, et sachant ce qu'il cherche, quoy qu'il puisse prendre un
chemin pour l'autre et errer quelque fois, comme j'ay fait.
Mais nul n'est au monde vivant, qu'au plus simple mestier ne se
fourvoye, si par aucun Maistre n'est introduit, et pour cela n'en doit
retirer sa main; car cet Art qui passe tous les autres, est bien de plus
grand prix que patience ne doive accompagner tous ceux qui iceluy
cherchent; et quand ce Trait ne te serait baill qu'au prix de tous les
biens que je te laisse, pourveu que tu prennes soins a s s e z a u r a s d e
c h a n c e ; a y a n t , c o m m e dit est , icelles vertus et sachant quelle
chose tu cherches. Car la Pierre n'est pas ce que tant d'imposteurs
assurent, expliquant plus subtilement le dire des autres, que la chose
ne le requiert. Et sans appeler tant de fatras, o tant de personnes se
sont abuses, croy seulement que l'homme engendre l'homme, et le
mtal le mtal, car l'Or, combien qu'il soit dit mort, a pourtant en
luy sa semence, par laquelle il peut estre multipli l'infiny, et est
ledit Or compos de trois choses, dont deux sont superficielles, et une
essentielle. Car l'Or et l'Argent ne sont que terre rouge et blanche,
par icelle essentialit anims, sans laquelle iceux mtaux seraient de
peu d'estime.
Les deux superficiels sont la Terre qui nous apparat en vie et
l'Eau qui jointe a est icelle, laquelle ne se void que quand le
mtal est en fusibilit; mais ladite essentialit est l'Ame ou Feu
d'iceluy mtal, qui luy donne moult de Vertu, pourveu qu'il soit
dpouill d'icelle Terre c'est dire qu'elle soit purge; car sans le
Corps l'Esprit ne peut agir, et sans l'Esprit, en vain le Corps
dsirera l'Ame. Advise donc ce que tu cherches, et tu trouveras
que ce n'est que sparation de ces trois, afin de les disposer mieux
qu'ils n'estoient auparavant, parce que Nature n'avait du temps
suffisant pour les concoctionner; mais par nostre Art nous les
perfectionnons, et pour y parvenir, mestier nous est de tirer en
premire instance le lien des deux autres, qui est l'Esprit moult
condens, lequel party, nulle accordance ne peut demeurer en iceux;
mais l'Ame dsirera de suivre l'Esprit, et ainsy dpouill le Corps
sera moult blanchy comme tel par calcination convenable, auquel
par aprs sera baill l'Esprit petit petit, tant qu'il soit fondant
comme Cire, et iceluy Esprit sera alors dit Menstrue vgtable,
parce qu'il revivifiera la Pierre, et aydera icelle putrfier, afin qu'il
soit ferment de son me.
Car note que toutes les choses du Monde sont composes de cinq
choses, dont la premire est flegmatique, qui est une humidit
superflue; la seconde est mercurielle, qui est substance d'icelle; la
troisiesme est olagineuse, qui est l'Ame vivifiante; la quatriesme
terrestre, qui est le Corps; et la cinquime, la superfluit de la Terre,
qui est convertie aux individus, qui est appele teste noire; mais
nostre Composition n'est pas flegmatique, mais charge de cette Terre
damne, laquelle est la prison de nostre Pierre. Et par ainsy icelle
maligne spare avec intelligence de l'autre Terre pure, sera
nostredit Compos, la matire de la Pierre sans retardation et
empeschement. Ainsy plus clairement ne peux-tu est renseign. Car
d'autres rgimes ne t'en faille, sinon de dissoudre ton Mtal petit petit,
ainsy que Nature opre et non htivement; puis ce Corps estant
dissous, fait sparation d'iceluy Corps dans les Eaux, et le subtil bien
spar, lave la fondrire, tant que blancheur y arrive; puis boute'
l'Esprit sur le Corps et pourris iceux, et lors apparoistront plusieurs
couleurs. Car ces deux Matires appteront nouvelles formes et le
Dragon non encore spar, et le Feu et l'Eau combattront; puis
tnbres viennent sur la Terre; puis la lumire apparoistra et sera fait
un baume, que mestier sera de multiplier volont.
Car autant en un mot qu'en un mil, l'Or est nostre Corps, lequel il faut
moult subtiliser et pourrir dans l'Eau, et de cette putrfaction naistra
la Salamandre persvrante au Feu. Et en mon Dieu, j'admire la
diversit des Labourans et la conduite d'iceux, car ils condamnent sans
voir, et nul n'est vivant, que s'il avoit acquis ce pourrissement, soit par
une manire, soit par une autre, pourveu qu' icelle pust parvenir, ne
trouvast chose miraculeuse; car il est dit maintes choses de ce
pourrissement, dont Livres sont faits, qui semblent aux fols signifier
autre chose; surquoy ils perdent leur temps et leurs biens.
Car note que le Feu et l'Azoth te suffisent; c'est dire, la Matire
prpare comme dit est, et le Feu administr par lintelligence et
subtilit du fournel, a cette fin de mener cette matire pourrissement.
Car estant une fois pourrie, il est impossible qu'il n'en arrive plus
parfaite chose. Mais note que tout Agent requiert le Patient, qui sont
j dclars en une seule matire, par l'ayde de la chose mdiante. Et
bien que les uns parlent plus clairement que les autres, voire si au vray
que tout est dit; on ne croit pourtant vrit en icelles paroles, parce
que les poids, le temps, ny les matires (si comme mestier leur
estoit), n'y sont j littralement dduits, ainsi significativement, et
les ruraux ennemis de Philosophie, qui ne quirent que recettes
courtes et faciles de telle Philosophie n'ont soins; mais prouvent tout
ce qu'ils trouvent escrit, sans considrer que la Science est bien escrite;
mais non pas enseigne entirement, et que par raisons et signifiances,
CHAPITRE 2
Du Fournel
Auparavant que d'aucune chose traiter, mestier est de dire du
Fournel, lequel doit ressembler Nature en son Feu gal et
proportionn digrant la matire, telle qu' la minire tu l'auras
apperceue, dont encore sont de tels plusieurs en divers lieux de
France, comme Paris, o tout l'uvre a est achev. Mais le mien
sera fait en globe rond et entier ayant diamtralement u n p i e d o u
e n v i r o n , o u c o m m e l a q u a n t i t d e ta matire dsirera, fait d'une
bonne Terre rsistante au Feu, et faire ce globe de quatre doigts
d'espaisseur. Au milieu sera un petit cercle de fer rond attenant aux
costs des parois, dans lequel sera suspendu un vaissel de bon bois
de chesne vieil, sec et nullement poreux, tranch par le milieu rond
en deux hmisphres, dont c e l u i d u h a u t s e r a p e n d u u n f i l
d e l a i t o n q u i passera par la souveraine partie du fournel, pour lever
ces hmisphres quand mestier sera de voir le vaissel de verre
semblablement suspendu au centre dudit vaissel de bois; puis sera
ledit premier globe au fournel aussy suspendu entre forte et poisse
muraille estoupe dessus et dessous et de tous costs, hormis la
souveraine partie, en laquelle il y aura une fenestre ronde de la
grandeur dudit vaissel de bois pour le passer, et aussy la matire,
laquelle sera estoupe bien justement, et aux deux costs opposites
deux autres fenestrages, la premire de quatre pouces, tant pour voir
les couleurs que pour passer la main exprimentant la chaleur dudit
fournel; l'autre opposite sera de deux pouces seulement, pour donner
jour icelles couleurs paroistre, laquelle sera bien vitre et toutes
deux bien estoupes de deux tampons, ausquels il y aura comme
celuy d'en haut de petites anses pour les tirer quand on voudra : au
dessous dudit globe sera un astrier fort et pais, o il y aura
quatre fenestrages aux quatre coings, o seront quatre ventailles ou
layettes de fer ou de terre, dont les queues passeront lesdites murailles
pour ouvrir et estouper icelles fenestres quand on voudra. Au
dessous d'iceluy astrier, il en faut encore un plus espois et plus fort,
spars l'un de l'autre de quatre pouces, au milieu du quel sera une
fenestre quarre droit sur le Feu, par o passera la chaleur pour aller
aux quatre le dessus, puis aprs circuler autour du grand globe qui
par le moyen de cette chaleur s'eschaufant, causera une chaleur
estouffe la matire, laquelle chaleur sera si lente que voudras,
estoupant icelles fenestres, comme dit est , puis au dessous d'iceux
deux astriers sera le foyer, tant grand que mestier sera, autour duquel
seront les registres pour donner ou aster l'Air, o au dessous de ce
foyer sera le Cendrier, le tout bien ferm justement, sinon quand tu
osteras la cendre ou mettras du charbon, qui sera de 24 heures en 24
heures. Et doit estre tout le charbon fait d'une mesme faon, et de
menu bois.
Autre manire est audit fournel; c'est une Tour d'Athanor de mise au
cost dudit fournel, de laquelle la chaleur sortant par le pied encrera
dans ledit fournel au dessous d'iceux atriers et ira passer par le
fenestrage, et au passage de l'Athanor tu pourras mettre encore une
layette.
CHAPITRE 3
Prparation de l'Eau
CHAPITRE 4
Prparation de l'uvre
Or mon Fils, d'autant que mon principal dessein n'a pas est de te
dduire par le menu toutes les choses ncessaires l'uvre, qui
apporteraient confusion et rompement de cervelle, mais te dclarer
simplement quelle est ladite uvre, de quelle manire elle se
commence, par quelle voye elle se parfait.
Je laisseray arrire toutes les autres choses assez connues des
vulgaires oprateurs, desquels tu pourras prendre leon pour
lesdites oprations, et non de ces miens Chapitres; lesquels jamais ne
furent escrits, mais sont obscurcis sous allgories et rptitions
inutiles; et parce que en iceux, confier on ne se doit, opre en
cette manire.
Quand tu auras bonne quantit de l'Eau susdite, met la en deux
vaisseaux bien ferms ce fait, prendras Or ou Argent bien purg
par le Cment et en poudre impalpable, que laveras et desseicheras,
puis mettras en une Cucurbite et verseras dessus de ton Eau tant
qu'elle surnage d'un doigt, puis ferme le vaissel de l'Alambic sans bec,
digre un jour naturel, puis distille chaleur lente les Esprits plus
volatils. Ce fait remettras sur ton Mtal autre Esprit comme
devant est dit, et distilleras, et ainsy ritreras tant que ton mtal
retienne la moiti de son poids des Esprits plus fixes, en ayant
chass tout le flegme dans le bain bouillant; ce fait, spare d'avec
les Cendres ledit esprit joint au Mtal, puis recommenceras tout de
nouveau remettre sur ledit Mtal d'autre Eau, comme devant est
dit, jusqu' ce que ce Mtal soit chang de la moiti de son poids
des Esprits plus fixes de ladite Eau, et tu tireras tous lesdits
Esprits, et demeurera l'Eau simple et sans acrimonie. Ce fait,
prends toutes ces Eaux, que tu mettras goute goute sur ton Mtal,
que mettras inhumer tant que ton Eau soit teinte, puis la tireras par la
Cendre, et mettras autre Eau comme dessus, et continueras tant que
ton Mtal soit dcolor. Ce fait, mettras toutes tes Eaux ensemble
que tu feras digrer, puis tireras l'Eau de dessus ton huile d'Or. Ce
fait, recommenceras tout ton labeur sur ladite huile, avec tes Eaux,
comme il a est pratiqu, tant que ladite huile aura toute pass par
icelles Eaux.
Et si aprs icelles passes, comme dit est, au fond du vaisseau
demeure quelque impuret, comme la premire Terre, faut icelles
Terres mettre ensemble, et ce jusqu' ce que ladite huile ne fasse
plus de terre. Ce fait, tire toutes les Eaux de dessus ladite huile, mets
les dans un vaisseau de verre bien estoup, alors prendras le Marc,
ou terre qui est party de l'huile, et tireras d'elle sa substance, puis la
calcineras Feu fort.
Ce fait, prends l'autre Eau garde et recommence ton labeur sur
ladite terre, mettant de l'Eau dessus, comme j a est dit, puis
faisant digrer et retirant ton Eau, avec ce qu'elle pourra emporter de
substance. Il faut ritrer ce travail, et qu'il se tire de cette Terre ce
Car ces choses bien nattes font beaucoup savoir, qu'il faut
premirement croire, estre baptis de Feu et d'Eau, et porter
patiemment les afflictions de ce Monde, si l'on veut avoir la Vie
ternelle. H, mon Enfant, la chose n'est pas si difficile que les
mcrans de la foy jugent, car en bref tu sauras la Vrit, si patience
est avec toy, pourveu que tu ayes ces quatre choses en mmoire.
Car sans la foy jamais tu ne pourras croire telles merveilles; sans la
patience, mettre rien en croyance, ny sans les mesures du Feu et de
l'Eau, mener rien fin.
Le peu d'humidit est bien retardation la Pierre, mais le trop est le
dgastement d'icelle, et ainsy du Feu. Car en ce, l'Esprit et
l'Entendement avancent avec l'ayde du fournel, car en vain tourne-ton les chevilles de la Harpe, qui ne sait quel ton prendre. Vray est
que l'on peut se remettre au pensement la chose que l'on cherche,
soit siccit, frigidit, chaleur ou humidit, car tempration sert excs
est nuisible. Et quand mestier est d'aller d'un extrme l'autre,
comme il a r r i v e e n l u v r e c e n e p e u t e s t r e s a n s d e
grands changements qui n'arrivent pas tous la fois, mais peu peu;
ainsy les plus rudes impositions sont exerces sur les peuples, et les
plus fiers Lions sont adoucis, le tout par modration; car ce qui se
fait par saut, court risque de bruslement.
Deux choses sont en nostre Matire, qui doivent estre nostes
: la
premire est la duret et compactibilit d'iceluy Corps, lequel ne
peut estre amoly que par sa mesme substance, laquelle luy est
rendue; la seconde est la conservation de son Espce, o toutes telles
paroles ne sont entendues qu'en la Putrfaction, o les deux parties du
Corps sont ramasses, et est une femelle, et l'autre d'autre sexe,
tant que par son humidit, elle attire la siccit de l'autre
putrfaction, qui est le grand Secret; car l sont contenus tous les
mystres de la Pierre.
Et en cette partie, pourras considrer le degr de chaleur par la
chaleur d'un fumier, ou de quelque autre chose putrfaite, mais
comme une chaleur lente et mortifie. Et cela considre avec la
mesure de l'Eau, qui coutumirement n'est que de dix contre un;
moult grand meschef tard arrivera; car si une fois meschef
arrive, l'autre se rparera, car ne t'en soucie autre chose enqurir, si
icelle uvre veux entendre, faut deslier le Corps de son impuret,
puis le parfaire selon Nature : et desligature ne se fait qu'en la
prparation et putrfaction.
Et en tout l'uvre, n'y a que deux dissolutions parfaites, savoir
ladite putrfaction et la projection, qui ne sont aydes que de mesme
nature. Mes paroles sont claires, et pourtant douteras-ru de leur
vrit jusques ce que connaissance t'en soit donne ds la premire
exprience que tu en tireras, pourveu que tu sois un peu Thoriquant,
ainsy qu'apprendre je t'ay fait; mais que la corruption du Monde ne
t'aye gast.
Aprs, cherche le maniment des vaisseaux, et agencement des
matires, car cela convient; et en suivant ces prsents Traits de mot
mot, moult de merveilles paroistront devant tes yeux. Et par ces
mesmes erreurs te feras sage; ayant, comme dit est , la
CHAPITRE 5
De Luvre
Tout inquisiteur d'aucun Art doit estre Thoriquant, avant que de
mette la main la Pratique; car qui moult n'entend ce qu'il cherche,
tard peut chef venir, comme tant de labourans ineptes, qui sont
simples sophistiques, perdent leur temps et leur bien, sans rien
trouver de ce qu'ils cherchent; mais au contraire celuy qui chemine en
quelque lieu qu'il connoist, quoy qu'il puisse s'garer, arrive pourtant
tt ou tard au lieu o il dsire : et quand connaissance n'aurait de la
situation du lieu o il tend, autrement que vers le Levant ou le
Septentrion, tousjours viendra-t-il la fin ; car force de marcher
vers ce climat, trouvera en fin finale quelqu'un qui luy enseignera la
Cit, si il en sait le nom.
Ainsy est-il de nostre uvre; car celuy qui ne sait quel chemin
prendre, pourra consommer tout son temps sur le Plomb, sur
l'Estein, ou quelqu'autre matire qu'il dsirera, par quelque
conformit de nom ou de qualit qu'il trouvera escrite ; mais au
contraire celuy qui s'estudiera sur le plus noble, pourra bien attendre
une plus noble issue. Car quand on n'auroit autre avertissement, que
chaque chose ne peut donner que ce qu'elle a, n'est-ce pas
sufisamment pour nous faire chercher perfection dans la perfection,
et non dans limperfection; encore que sans icelles choses
imparfaites, la Pierre ne pourrait estendre Sa Vertu : car c'est la
Terre, o mestier est de jeter notre semence, pour la convertir en
icelle semence,
Ainsy l'Or est donc la Matire, lequel doit estre ramen sa
premire Matire, savoir en Souffre et Mercure, par la sparation
et purgation d'iceux; c'est dire de leur Terre impure, qui tient ce
Corps ensevely comme dans un spulchre, qui est la cause pourquoi
l'Esprit ne peut agir, comme il fera aprs qu'il en sera dpouill, non
que mestier soit de sparer toute icelle terre, mais la purifier et la
nettoyer, comme dit est ; car elle est le Corps, comme l'Eau est
l'Esprit, et le Feu, l'Ame et la splendeur, qui rend illumin ce Corps,
Mais d'autant qu'en mes petits Chapitres, tant de dtours ne sont
trouvs qu' cause de Rass et autres; n'entre en doutance, que
Vrit n'y soit, car obscurit ne sert qu' desvoyer. Et je te veux au
clair mettre.
Car si en iceux n'est trouve chose suffisante selon ton opinion,
cherche la o je te l'ay enseigne, encore que je t'aye tout dit; mais
quantit d'opinions confortent les rsolutions. Et si tu croy que je
n'aye dit choses suffisantes, pourtant n'ay je dit choses inutiles :
mais sur tout garde silence, et si profit ne t'advient d'iceluy mon
Trait mince le, comme dit est ; car tel ne sait profit mettre, ce
qu'autres recueillent bien, donc quelque fois arrivent inconvnients,
et contre opinions d'aucuns investigateurs ruraux, mes dicts veuillent
estre natts puisqu'en iceux est mis le plus grand Trsor de la Terre.
C'est pourquoy sur tout ayes les yeux fichs Sur cette noble matire,
dans laquelle est ce que nous cherchons; mais il la faut dpouiller par
un rgime trs lent et doux; que son humidit radicale n'en reoive
dommage, mais hastivet est fuir, et mestier est que les Saisons
apportent feuilles, fleurs et fruicts. Car les plus hauts sapins n'ont
est levs tout d'un coup, mais petit petit, goute goute; ainsy
faut que le Corps soit men en sa nature par mesme manire qu'il a
est fait Corps; savoir par dpurations, car l'Esprit sortira du
Corps, et dsirera de suivre l'Eau, et l'Ame semblablement.
Ainsy demeurera la Terre seule, laquelle sera aussy esleve par
l'Eau, jusques ce que rien ne monte; et ce qui restera au fond sera
inutile, puis faudra retraire sa terre, c'est dire la sparer de l'eau. Et
recommencer ce dernier labeur tant de fois qu'il n'y demeure plus de
fondrire, alors sera la Terre purge, sur laquelle petit petit tu
rebouteras l'Esprit, et quand iceux seront ainsy assembls, mets tout le
feu dans un rond vaisseau, d'o il ne sortira que tu ne voyes ta
Matire sortie en Mercure clair, qui s'attachera au cost du
vaisseau; alors amalgameras ce Mercure avec l'Or des
Philosophes, qui est l'Ame susdite que mettras dans un matras
au fourneau que je t'ay enseign.
Et l sera 40 ou 50 jours, avec un feu trs doux que tu rgleras,
boutant souvent la main dans le f our nel, ou jugeant de ton il
la matire; qu'elle ne soit point trop viste mene. Car note
qu'en icelle matire est un feu enferm, tant petit qu'en bref
temps il peut estre suffoqu. Et iceluy feu avons besoin de
conserver; car pourveu que mort ne luy arrive, ayant pris gr nostre
feu, il se resjouira en iceluy, et de luy s'augmentera si fort qu'il
dominera l'humidit de la Matire; alors force sera que
putrfaction arrive de toute la Matire pesle-mesle, et sera
tourne en la couleur du Verd lzard, qui petit petit se tournera
sur le bazann, puis en noir, .que tu regarderas souvent par les
fenestrages en levant la moiti du vaissel de bois avec le fil de
laiton. Icy est la grande difficult de l'Art, figure par tant
d'allgories des Philosophes; c'est aussy leur mer, leur forest et en
un mot tout l'uvre; car par icelle putrfaction, la Nature se
convertit et change de forme, et nul changement ny mutation ne
se peut faire d'aucune chose qui soit au Monde que par la
putrfaction. C'est l'Eau mystique des Philosophes, qui est vile
en toutes choses, et sans laquelle rien ne s'engendre. Et si l'on te
demandait le moyen de faire la Pierre, comme aussy toute
autre chose, tu le pourras enseigner par icelle parole : Putrfie.
Car sans icelle putrfaction rien ne se fait, et icelle seule
suffit. Ainsy ne cherche autre chose, mais qu' icelle tu
puisses parvenir; car pour garder brivet, comme dit est , autre
long procd ne te veux faire, ny de Dragons ny de Lions, ny de
Chiens, ny autres animaux, ny de sparations d'Elments, ny
toute autre chose; car qui croireoit que pour convertir la Terre
en Feu, il faut premirement conversion d'Elments; car
premier, la Terre se f a i t E a u , p u i s s e f a i t A i r , e t l ' A i r e s t
f a i t Feu, plus prochain en voisinet de l'Air que la Terre; mais
ce procd est long et brouille plus qu'il n'enseigne.
Nostre Compos donc estant noircy, il faut qu'il vienne
blanchissement, et blancheur n'y peut venir sans se faire gris,
mais le Feu continue son opration jusques blanchissement
CHAPITRE6
De la Multiplication
CHAPITRE 7
De la Projection
LIVRE QUATRIESME
Cecy est mon dernier propos en forme d'Epilogue auquel l'uvre est
rpett et moult bien enseigne, qui suivre la voudra de mes Enfans,
bien qu'avec peu d'obscurit, en quelque lieu Vrit y est pourtant
mise, et plus grande lumire ne peut estre donne
Quand il est question qu'aucun s'adonne un mestier, o il croie passer
sa vie, iceluy trop ne sauroit bien entendre; pourquoy en iceluy
apprentissage n'est jamais le temps inutilement employ, ny le
tardement j l'ouvrier n'est nuisible; car en quelques petit Art que ce
soit, moult doit-on s'esprouver avant nulle besogne esposer. Ainsy
qu'en nostre Science, Thorie doit avant marcher, puis doit Pratique
suivre.
Car icelle nostre Philosophie, qui onc par nule autre Science ne se
mesura, mrite bien que celuy qui la quiert, icelle tout fait s'adonne,
sans temps ni occasion perdre, ny en ses opinions varier jusqu'
l'exprimentation dernire; toutefois qu'elle soit fonde sur raison, et
non pas croire que cet Art nous vient sans le qurir, veu que la moindre
Science consomme les jeunes ans des Estudians sans beaucoup savoir
ny acqurir profits par leurs tudes, non plus que les flateurs de Cour,
qui auprs des Grands meu rent ruins. Ces avares marchands et
artisans, aussy tous lgistes et autres officiers, consomment leurs ans et
leurs Corps, premier qu' grand avoir puissent parvenir, tant sont les
choses du monde peu profitables; mais en iceluy noble Art de
Philosophie gist le Trsor des Rois, la faveur des Peuples, et la gloire
des Cieux; car moyennant iceluy, l'homme n'est rien impossible.
Ainsy, mon Enfant, l'enqurir tout autre chose dlaisse, non que je
veuille qu' mes Enseignements seuls tu obtempres; mais ceux de
tous les bons autheurs qui nous ont prcds, et desquels je ne suis
qu'imitateur, comme Lulle, j par moy tant recommand; car iceluy
bien entendu ne doute pas d'entrer en labeur; mais encore que par cy
devant je t'aye baill l'uvre entier en laquelle peu de choses est
obscurcie. Si est-ce que le regret que j'ay de n'oser parler plus
dcouvert, me fait encore donner ce petit Abrg, auquel sera plusieurs
fois rpett le Magistre, que tu noteras avec bon Engin, comme chose
de grand prix; car encore qu'il semble diffrer de parole, nantmoins
l'intention n'est qu'une, quoy que l'un puisse dire ce que l'autre omet. Et
que si la diffrence y est trouve, ce n'est que la diffrence des
oprations, selon la diffrence des Magistres.
Car il est plusieurs Magistres, dont les uns sont simplement appels
Minires, desquels je ne parle point; les autres sont dits Pierres, dont il
est deux sortes : c'est savoir que l'opration de l'une ne gist tant
seulement qu' bien laver le Corps, tant par Eau que par Feu.
L'opration de l'autre est de faire l'Or de l'Azoth vif; la facture et la
gnration duquel ensuit Nature en la procration des Mtaux, et pour
icelle bien composer, moult convient savoir la fabrique des fours, ce
qu'ils n'excdent point tant en augmentation qu'en diminution selon les
degrs ncessaires, desquels nous parlerons tantost; car les Feux sont
noter, aussy bien que la faon et qualit du vaisseau de l'uvre.
Laquelle uvre consiste en quatre parties, savoir en solution,
congellation, albification et Rubification; lesquelles quatre parties je
dclareray selon l'intention des Philosophes, et non par des ignares
ruraux, qui prennent les syllabes pour l'intention.
Car il est deux solutions en l'uvre, dont l'une est mystique et l'autre
philosophique. Il est aussy deux Conjonctions ou Mariages, l'un
rustique et l'autre philosophal. Le rustique n'est qu'assemblement des
parties, mais le philosophique est la conjonction qui se fait sur le Feu,
savoir en la dissolution naturelle du Corps, et en la congellation de
l'Esprit; car ce Corps et cet Esprit se rencontrent l'un l'autre et se
joignent ensemble, savoir l'Eau paissie jusques un certain poinct, et
le Corps amolly en mesme degr.
Car la partie gnrative met sa vertu dans le subtil qui est l'Air, et par
ainsy sont joints, et est la solution, congellation, division, composition
et putrfaction des Philosophes musse jusques huy, et laisse la
diversit des mots, toutes ces choses ne sont qu'une mesme opration,
aprs laquelle vient l'imbibition de la moiti du poids de la matire par
l'Eau d'icelle jusqu'au blanchissement, aprs lequel autre imbibition est
faite, et puis vient le compost Rubification, et sont les quatre parties
j dclares.
Mais avant toute chose, faut que le Corps, comme dit est, soit dissout,
afin que la chaleur entre en sa profondit, pour aprs le redissoudre et
le congeler, comme dit est, avec la chose qui s'en est approche. Car
ainsy que les vers sont produits d'une seule matire, le bled seul
engendre autre bled, dont le Soleil et l'humidit de l'Eau cause la
germination, qui produisent son semblable, est la fin iceluy bled
converty en la chair et sang de l'Homme. Ainsy nostre Feu, qui en ce
ressemble le Soleil, est la vie et la mort de nostre Pierre, par un certain
entre-deux en sa spiritualit; et pour bien dire en un mot, quelle est
icelle nostre Pierre, iceluy bled en est l'exemple. Car icelle n'est qu'une
semence mtalique tire de semblable Corps, et seme en Terre
mtalline, pour engendrer une chose de sa Nature par l'approchement
de Nature mtalline.
Or pour icelle uvre venir, maintes choses sont requises,
premirement le temps. Bien qu'en tout temps icelle se puisse faire;
mais le Printemps surtout avance l'uvre, d'autant que la froideur de
une Eau qui est appell l'Eau de rose; et en la quatriesme sont tous les
Elmens fixs. De laquelle procession rend tmoignage Nicolas Flamel
; mais surtout garde que l'extrinsque ne dtruise l'intrinsque, ou luy
manque de garantie; c'est dire, garde le Feu et l'Air ensemble, qui
veulent estre conservs nourrir par icelle digestion, sans que
l'humidit ou frigidit d'icelle Pierre leur fasse dommage. Garde encore
l'Air et l'Eau de la combustion du Feu, en conservant aussy 1e Froid et
le Sec ; car tous ces quatre cherchent leur conservation en nourriture
par les proportions et degrs de la chaleur du fournel ; car le Feu et
l'Azoth suffisent ; mais l'Azoth, qui est la composition qui contient en
soy lesdits quatre Elmens, est Argent vif et non vulgaire, ains celuy
qui est tir des Corps, et non de la minire, dissout par l'Argent vif,
d'autant qu'il est plus cuit que celui vulgal ; car ce Corps est fait Eau
mercuriale, de laquelle vient Azoth, comme Esprit anim.
Et note que la premire composition est faite de trois choses savoir
Eau mtalline ou Mercure sublim du Levain blanc ou rouge, et du
Second Souffre, desquels dans Lulle cherche les poids; car comme
Mercure prend couleur, il la communique aux autres. Il se tire aussy de
la Pierre trois humeurs, en les dissolvant et coagulant l'une aprs
l'autre; savoir celle de l'Eau, celle de l'Air, et la radicale; mais icelle
radicale n'est que Feu, lequel ne veut pas tirer sa Cendre sinon par un
feu doux de nature, et non comme l'humeur radicale du verre qui ne
cde qu' la force du Feu; et c'est icy la diffrence qu'il y a entre l'Art
vitraire et nostre Art.
La Pierre est aussy faite d'une seule chose, laquelle contient deux, trois
et quatre; car les quatre Elmens y sont, les trois Principes, et les deux
Matires, savoir le Souffre et le Mercure, non vulgaires en leur
Nature, ains, les Corps rduits en icelle matire; car estant simplement
parfaits, ils nous sont inutiles sans une ingnieuse mondification et
sparation des choses imparfaites, dissolvant petit petit au fumier
philosophique la lie du Feu, de l'Air et de l'Eau, en sorte que la Pierre
demeure sans ordure, et ce sera la sparation qui est dite. Spare la
Terre du Feu, et le subtil de l'Espois avec Engin, car aprs l'exaltation
de cette Pierre, la convient nourrit avec un Jus qui est sorty d'icelle en
la premire opration, qui est dite Eau de la Pierre. Bien qu'un
vaisseau, une matire, et un rgime suffisent.
Si est-ce que tant au commencement qu' la fin plusieurs rgimes,
plusieurs vaisseaux, Matires et Feux sont requis, mesme jusques
sept Triturations. Mais ayant, comme dit est, plusieurs Mercures, iceux
rgimes causent leur diversit; et pour ce qu'en ce lieu, je veux dclarer
le Menstrual plus voisin de la matire d'icelle Pierre, sache qu'encore
que l'Esprit ne se puisse joindre au Corps, comme dit est, qu'aprs
qu'iceluy Corps sera fait de nature d'Esprit par nostre premier
Menstrue, auquel est le Feu contre nature, autre Menstrue est requis,
lequel est racine de nostre Pierre et en icelle se convertit, ainsy comme
Matrice aux Animaux, o ils trouvent cration et nourriture, et de ce
dernier Mercure sont faites multiplications, mettant une partie de
l'Elixir Sur mil d'iceluy Argent vif et avec luy dans le fournel Feu
lent, puis l'augmentant par trois jours naturels qui est l'uvre de trois
jours; laquelle se peut ritrer jusques une multiplication infinie.
Ainsy l'Art se peur dire en brives paroles, non pourtant comme les
autres Sciences, ains par intelligences philosophiques; car iceluy ne
peut-on autrement expliquer, quand bien on le croirois, sans similitude,
il est noble et admirable.
Aussy ne doit-il estre rvell qu'avec figures et exemples : comme qui
dirait, prends du Sol, broye le avec Eau, le pourrissant en d'autres Eaux
et par divers broyemens le froisse fort avec Sels, et le brle plusieurs
fois pour acqurir puret. Item, prends une part du Corps, et sept ou
neuf, voire jusqu' dix d'Esprit, que tu mettras au vaisseau dans le
fournel, o ils seront quarante ou cinquante jours devenant moult
blancs et rouges, dont l'exprience se fera voir sur la lamine de fer
rouge. Car si elle court sans fume, alors prends trois parts de Levain
rouge et deux parts d'Eau et d'Air, et feras amalgame que digreras par
degrs, dont sortira un cristal rouge et transparent, duquel prends une
part et met au creuset et incrant goute goute de son huile, tant
qu'elle soit fondue et qu'elle coule sans fume. Car alors tu auras
perfection, tant au blanc qu'au rouge, mettant comme dit est, un poids
de cet Elixir sur pareil poids que devant d'Eau rouge ou blanche,
suivant l'Elixir selon la manire j dclare, dont assez soit dit, et te
suffise si recommencer tu ne veux en cette manire. Extraits par
l'Esprit crud l'Esprit digeste du Corps dissout, afin que tu ayes une
Cendre fixe que tu dissoudras en plus outre, puis trouveras en icelle
huile gommeuse de pierre incombustible, qui est appele Ame, qui est
vivifiante les Natures unies, car tu disjoindras les Natures en Esprit, et
les rassembleras en Huiles. Et en ces mots est tout l'uvre, outre ce
que j par moy a est sermon. Pour le fournel, tu en as assez de
connaissance, bien qu'autres encore sont maintenant dont je ne veux
parler, mais par toy seront quis, si mestier en a, et que persvremment
tu daignes mes avertissements retenir; car pas moy ne tiendra qu'
chef ne vienne de cette uvre, ains te conduis icelle autant qu'il
m'est possible; pourveu que l'avarice, ou la paresse, ne te commandent.
Car pour ne laisser rien dire dont tu eusses affaire, je t'augmenteray
encore mon fourne1, si en l'estat qu'il est il ne te suffit, changeant
quelque chose d'iceluy en icelle manire. Savoir, qu'au lieu de le
construire, comme dit a est, tu le fasses seulement semblable au
B.C.D.F.L.M.N. et O. Car tu osteras A.G.H.I. et K. Et au lieu de A.
LIVRE 5
PREMIER CHAPITRE DE THORIE
Mon trs cher et naturel Fils, quoy que par cy devant, l'Amour paternel
m'ayt induit te dclarer moult choses grandement hautes et
merveilleuse lesquels j homme m'avoit tant clairement dit, ains
chaque obscurcissant icelles par similitudes figuratives, afin de
dvoyer les indignes qui ce noble Art quirent, et enseigner les Enfans
de Science, lequel je te commande garder sous silence, et iceluy nul
homme rvel1er sur peine de damnation, comme il nous a est encharg par ceux de qui iceluy tenons. Car toutes choses seroient avilies
sur la Terre; mais iceluy garde en ton cur, autrement ne t'enseignerois
pas; lequel toute signifiance et dclaration te donnera : car bien que par
cy devant aye vrit certaine d'iceluy Art, pourtant en luy sont
plusieurs visages, desquels cette prsente Thorie te gardera, pourveu
que tu sois vray imitateur de doctrine et pieux.
Car quand par tes mains propres aurois veu tout l'uvre men fin, j
n'en serois pour cela plus savant, si ta conscience estoit souille, parce
que dvoyement arrivera tout homme qui icelle croiera usurper et j
n'arrivera l'effet de ses pratiques, quelque bon engin ayt-il, et quelque
droite voye pust-il tenir. Car assez ont est d'icelles par leurs vices
dbouts, bien qu'ils en eussent expriment. Et pour ce ont les Juifs et
Arabes icelle perdue, comme indignes, lesquels pourtant l'avaient
entr'eux par tradition, comme Cabale traditive ; laquelle fut par le Tout
Puissant donne Moyse sur la Montagne de Sina, et icelle ainsy
gardes de Pre en Fils, sans escriture, jusques Esdras; et puis
d'Esdras David Roy, par certains chiffres caractres, parmy les
sacres histoires des Hbreux, pour par icelle, estre fait et construit ce
moult et merveilleux difice du Temple de Dieu. Mais iceluy Roy
David se corrompant en ses murs par l'impuret, fut, non seulement
destitu d'iceluy Art, mais encore priv de voir la construction de ce
bel difice.
Ce que je te dis, comme il m'a est enseign, par une certaine copie
d'icelle Cabale traditive judaque, laquelle estoit dite Magie, qui est la
Science philosophique, de laquelle Herms, Pythagore, Numa
Pompilius, et plusieurs autres, ont fait escale la jeunesse, non pas
pour icelle Science seulement, ou Art de la Pierre savoir, mais pour
toutes les connoissances de Nature, accord et connaissance d'icelle, et
aussy pour dcouvrir les choses occultes et caches aux hommes, en
joignant les choses suprieures aux infrieures, par vray mariage.
Et appliquant par nature les choses actives aux passives, de sorte qu'il
en naist choses admirables voir et entendre, et d'autres qui sont
cher Enfant, de pareille et bonne affection que devant, toy veux iceluy
petit Trait laisser, par lequel tu seras endoctrin par voye de thorie des
plus principaux points, qui auraient pu estre omis ou obscurcis aux
autres mes prcdens Traits.
CHAPITRE 2
La connoissance de ce noble Art nous est venue par Livres, tant
Thoricaux que Praticaux : ainsy comme le Trait de la Cabale
judaque, que le Seigneur donna Moyse, pour estre chrement gard
entre les Enfans de Dieu, ausquels est donne la connoissance parfaite
de toute la Nature, tant infrieure que suprieure; par laquelle, comme
dit est, sont les Enfans endoctrins conjoindre les choses selon leur
propre genre et espce, pour produire des choses de leur Nature, et
merveilleuses entendre.
Donc plusieurs, comme dit est, par icelles connoissances, ont fait des
miracles, comme les Magiciens de Pharaon contre les miracles de
Moyse, lesquels, selon l'opinion d'aucuns, tiennent icelle science ds le
temps du dluge : mais icelle connaissance naturelle se divise en
plusieurs parties, desquelles la premire est la connaissance astrale et
conjonction des Elmens suprieurs et infrieurs, comme
l'engendrement des pluyes et tonnerres : aussy des reptiles et mouches
par la puissance Vertu naturelle, mais d'icelle n'entendons parler, ains
de la seconde, qui est de nostre intention, laquelle a mesmes principes
et mesmes objets; quoy qu'en partie elle soit restreinte et oblige
quelques Corps naturels, au lieu que la premire est libre et non
affecte autre intention qu' celle de l'ouvrier.
La troisiesme, sont les Venus occultes des Animaux et Vgtaux, que
les ruraux et mondains Mdecins croient moult entendre, laquelle
drive dpend de la seconde. Et par elle peut estre sceue et conceue de
tout Artiste, icelle seconde est la Pierre en toutes ses circonstances,
laquelle qu'elle soit en tous lieux, n'est pourtant trs parfaitement qu'en
l'Or seul. Car en iceluy est enclose toute la puissance de Nature, qui est
dite Souffre, ou Feu. Car c'est une Vertu astrale qui aprs plusieurs
circulations dans la Terre, c'est condense et paissie par double Vertu
avec l'humidit de l'Air, qui mesure lui est adjoint. Ainsy l'Or est la
Mdecine universelle et la fontaine de Vie.
Et pour icelle Mdecine avoir, il faut considrer premirement ce que
tu cherches, et par quelle voye tu veux oprer. Car pour faire un Arbre,
il convient oprer naturellement de Natures vives, savoir qui ayent
vigueur et vertu croissante comme l'Arbre; lequel a en soy une me
attirant de la Terre un nourrissement et multiplication d'Arbres, qui
n'est pas que Terre subtile, mesle avec Eau, laquelle garde en son
occulte quelque peu de Souffre, lequel Feu fait monter icelle Terre et
Eau pour suivre son Compagnon, qui est j dans le bois, par une
certaine Vertu attractive et affinit, et ds qu'icelle Terre acqueuse
entre en iceluy bois par le petit bout de ses racines, commence icelle
prendre ladite nature de bois et se faire bois: car le plus gras de la
Terre porte ainsy par l'Eau demeure au tronc ou branche pour
l'augmentation d'iceluy, le plus subtil va en feuille.
Et lorsque l'Eau n'a plus force de monter, porte une vapeur subtile qui
se fait fleur; puis s'paississant se fait fruict, au centre duquel se
forment de petits grains dans lesquels l'Ame est imagine par la vertu
du Feu, comme dans le tout de l'Arbre. Laquelle par la Vertu du Soleil
se meurissant vient en acte et Vertu d'Ame. Et ainsy, l'espce est
continue par sa semence, et par cette similitude; l'Or a une semence
imagine, par laquelle il peut estre multipli, et fait Mdecine sur les
Corps imparfaits.
Mais l'Or vulgaire est comme mort, et n'a aucune semence en luy : car
il est comme l'herbe arrache avant saison. Mais qui pourrait replanter
icelle herbe et la faire meurir, elle apporterait semence. Car
multiplication d'herbes, ne gist qu'en herbes, et si icelle herbe n'a point
de semence pour n'avoir pas eu assez de nourrissement dans la Terre,
cherchons nous icelle semence en herbe plus crue et plus verte, comme
ceux qui vont aux Mtaux imparfaits, lesquels sont plus cruds et verds,
que n'est pas l'Or et l'Argent; ou bien ceux qui plus subtils que Nature
mesme, vont aux quatre Elmens primordiaux, desquels Nature
pourrait aussitost faire un cheval qu'un Mtal; ou bien croient prendre
la premire Matire de toutes choses, ne jugeant pas que Nature est
impuissante d'aucune nouvelle cration, laquelle Dieu seul appartient.
Car il luy a plu crer toutes les choses du Monde de la premire
Matire, et donner Nature puissance sur la seconde, savoir sur la
semence; bien qu'il apparaisse issir de Terre aucune chose sans
semence, car aucunes fois, aucun lieu, ou matire, a pouvoir de donner
forme nouvelle sans semence; comme les vers au bois; car alors
l'espce peut naistre de la matire, et non pas de l'espce. Mais ce n'est pas
de la seule premire Matire universelle; ains d'un Souffre contenu en icelle Matire qui a
pouvoir et vertu de produire telle espce.
ce n'est pas que meslement ne puisse estre fait d'aucuns Mtaux; mais
sache pour certain, qu'aucun Corps ne se mesle parfaitement,
lesquels ne sont que Terres diffrentielles et impures. Mais les Esprits
ont ingrs ensemble. Et te suffise.
Mais j'ay dit que toutes choses sont engendres de deux, et quoy
qu'en l'Or soient contenues les deux, autre Esprit fait l'entre et ouvre
la porte du souverain Ciel, qui peut estre trouv en tout Corps lement
et s'appelle repupu, Oyseau mridional, plus reluisant que fin Or, et
pourtant fait son nid dans les retraites, comme dans l'Or il est
contenu. Et ainsy il est prcieux; lequel est appel Oyseau de Paradis,
parce qu'il rside aux plus hautes rgions et fait son nid en la Terre
basse.
Cette chose est donc noble et vile, c'est savoir vile en sa corruption
et noble en sa gnration. Car jamais corruption ne vient, que plus
noble gnration ne suive. Et ainsy Nature amliore tousjours les
choses jusques un certain terme, et puis les laisse. Mais l'Artiste
doit icelle ressembler, et s'il la croie imiter, qu'il l'imite hardiment:
mais s'il la croie parfaire, qu'il avise avec quoy elle parfait les
choses, et il trouvera que c'est tousjours avec choses semblables.
Comme par similitude, qui voudroit pour avoir fruicts bons amender
Nature, il conviendrait enter fruict de telle Nature et non d'autre
espce, ny sur une autre Nature, comme pommier sur pommier. Vray
est qu'en Nature peut naistre Monstres, par terrible commixtion
draisonnables, avec les brutes, comme aux Vgtaux pommier sur
Poirier, mais tousjours pourtant selon Nature, savoir d'Animal
Animal, de Vgtal Vgtal, et ce encore de plus approchante
Nature, comme Poiriers sur Poiriers et non sur Chesnes, ou autres
arbres de nature contraire. Mais les Mtaux sont trs nobles ou trs
imparfaits, et ne croie pas amender le meilleur par le pire, ains le
subtiliant et purifiant de plus en plus par l'ayde et moyen de la
simple Matire, qui soit en Nature, de peur que l'alliance d'une chose
estrangre ne se mesle avec nostre Matire pour l'infecter, au lieu de
la purifier. Car, comme dit est, chaque chose demeure en son reigne
sans passer en l'autre, chacun se multipliant selon son espce.
CHAPITRE 3
CHAPITRE 4
Mais j'ay dit que rien n'est primordialement engendr d'une matire
seule, parce qu'une matire n'a point de mouvement, ny ne peur agir
sur soy mesme, et partant il convient en avoir deux de diverses
natures, qui soient comme Masle et Femelle, quoy, comme est,
qu'aucunes choses soient, qui sont hermaphrodites et portent en eux
masle et femelle, comme Mtaux et Vgtaux; mais pourtant en iceux
convient avoir une matire q u i f a s s e a c t e d e f e m e l l e , e t e s t d i t
m e n s t r u a l, pour ce que la matire se corrompt en iceluy, et
d'icelle corruption naist autre Menstrual plus prochain et voisin la
matire mtalique, que celuy descendu du genre trs gnral, dans
lequel et duquel naist l'Enfant des Philosophes, par la semence du
premier Masle, lequel, comme dit est, attire et convertit toute la vertu
d'iclluy menstrual en sa substance premire.
Mais pour bien entendre l'ordre de la Nature des Mtaux par leur
gnration, je diray par rptition, que toutes les choses du Monde
sont compos de quatre, qui sont calidit, frigidit, siccit, et
humidit, descendues primordialement de calidit et de frigidit, qui
sont selon Parmnides les deux principes de Nature, mais par
moyennes conversions de l'un l'autre; lesquels sont Feu, Eau, Air et
Terre. Le Feu est chaud et sec; l'Air est humide et chaud; l'eau est
froide et humide et la Terre et froide.
C'est pourquoy le Feu peut estre fait Air, pour leur convenance et
cause de la calidit qui est Moyen entr'eux. L'Air fait Eau par
humidit, semblablement Moyen entre l'Air et l'Eau. Et l'Eau Terre
par frigidit, qui est Moyen entre Terre et Eau, qui sont participants
d'icelle frigidit. Le Feu donc, en cette manire, fait alliance avec
l'Air par la perte de calidit, et lAir l'Eau par l'humidit, et
l'Eau la Terre par frigidit. Ainsy celuy Feu descendant de l'un
l'autre est port, comme dit est, jusqu'au centre de la Terre, qui est
comme un poinct auquel tout aboutie.
Et iceluy centre, ainsi de toutes parts agit, regorge ses flames vers
la superficie de la Terre, mais en forme vaporeuse, au lieu qu'en
descendant c'estait en forme d'Eau, et ce par d'autres lieux, pour
n'empescher la circulation naturelle. Et icelle vapeur nettoye et
purifie les lieux par o elle passe, jusqu' ce qu'elle arrive en un lieu
moult purifi par les autres prcdentes vapeurs, et ausquelles s'unit la
Terre moult subtile, chaude et humide, ainsy comme graisse, car alors
icelle vapeur se joint icelle graisse, et ensemblement se corrompent.
De manire que des deux naist une onctuosit glaireuse, laquelle
sortant du genre trs gnral, entre dans le reigne Minral, laquelle
aucuns nomment Calcaduc ou Lzard verd, et puis descend et
parvient en Mercure mtalique coulant, qui contient en soy son
propre Souffre d'Or, d'Argent ou d'autres mtaux, selon la puret ou
impuret de la Terre de ce lieu, et lequel enfin par une parfaite
dcoction se convertit en ilIec Mtal de sa destination.
Mais si jamais icelle vapeur et graisse ne se fussent rencontres,
jamais ne se ft fait Mtal; chacun part n'estant suffisant pour
l'engendrement d'iceluy Mtal, quoy que tous deux primordialement
CHAPITRE 5
Tous ceux qui ont escrit de la noble Pierre, ont plustost embrouill les
Estudians, qu'enseign la vraye opration d'icelle, et pourtant plusieurs
ont est, qui sont parvenus cette Science par Livres. Car aussy les
Sages ont jug qu'il devait sufire d'entendre et savoir sans autre
intelligence, qu'il estoit une Pierre de grande Vertu, parce que tout
homme de bon sens, doit sur les simples dicts des Philosophes,
imaginer choses moult grandes, non seulement par leurs effects, mais
par raisons naturelles. Ainsy comme quand tu n'aurais connaissance
aucune, sinon qu'il est une Vertu sparatrice des choses pures
d'avec les impures et convertissables des impures aux pures.
Laquelle a plus particulirement puissance sur les Mtaux, ne seroitelle point sufisante, pour te faire comprendre que l'origine d'icelle
doit estre d'iceux Mtaux.
Car si tu connais la Nature des choses, tu sauras que chaque Souffre
n'a pouvoir de coaguler que son Mercure, estant chose impossible et
hors de Nature de joindre le Lion l'Homme, ny l'Homme au
Mtal. Et quand quelqu'un dirait que la plus noble Vertu qui soit en
Nature, doit procder de l'Homme, puisque l'Homme est le plus
noble Corps qui soit en Nature. Je rpondrais : Nul Corps n'est
parfait tant que l'Esprit; mais quoy que perfection soit aux Corps,
d'iceux Corps ne cherchons que cette Vertu sparative; et quand
d'iceux nous voudrions extraire icelles, jamais elle n'apparoistroit nos
yeux que par le moyen de son Corps, tant petit soit-il, lequel sera
toujours ferment, pour attirer petit petit toutes choses sa Nature.
Et combien que le parfait Elixir n'ayt que la Vertu sparative,
tousjours a-t-il ingrs et est mestier, ayt aussy Vertu fixative:
autrement le Vif argent ne serait fait Or en sa projection, laquelle
Vertu fixative ne provient que du Souffre terrestre d'Or, qui fixe et
multiplie iceluy Vif argent en nostre Magistre, se mettant et
demeurant au plus profond des Natures imparfaites, pour icelles
donner perfection comme Levain; c'est savoir jusques au terme
que Nature l'avoir accomply, amenant icelle Vertu multiplicative
selon les degrs de digestion de nostre Magistre.
Cela moult bien considr, et sachant que le plus parfait de tous les
Mtaux est Or ou Argent; dans quelque autre matire croirois-tu
chercher cette noble et puissante Vertu que dans l'Or? Et quand tu
ne saurois pas mesme que ce noble Mtal contient en son secret les
deux Vertus ensemble, la fixe et la volatile, desquelles il fut
primordialement engendr, et lesquelles par leurs diverses proprits
et contraires qualits se corrompent l'une l'autre, pour d'icelle
AMEN
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