Bosquin Caroz 15 Version 02
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Patricia Bosquin-Caroz
Ce texte est la relation crite dune confrence donne le 17 dcembre 2011, dans le cadre de la Section
clinique de Bruxelles, dans le cours d'introduction la lecture de Lacan assur par Monique Kusnierek et Gil
Caroz.
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Freud S., Nouvelles remarques sur les psychonvroses de dfense , Nvrose, psychose et perversion, Paris,
PUF, 1973, p. 61-82.
3
Freud S., Les psychonvroses de dfense , op. cit., p. 2-14.
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Ibid., p. 4.
Lacan J., Le Sminaire, livre XI, Les quatre concepts fondamentaux de la psychanalyse, Paris, Seuil, 1973,
p. 53-54.
10
Miller J.-A., Lorientation lacanienne, Choses de finesse en psychanalyse , enseignement prononc dans le
cadre du dpartement de psychanalyse de luniversit Paris VIII, 2008-2009, indit.
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Lacan J., Le Sminaire, livre XXIV, Linsu que sait de l'une bvue saile mourre , leon du 18 avril 1977,
indit.
12
Miller J.-A., Lorientation lacanienne, Ltre et lUn , enseignement prononc dans le cadre du
dpartement de psychanalyse de luniversit Paris VIII, 2010-2011, indit.
3
Miller J.-A., Lorientation lacanienne, Lexprience du rel dans la cure analytique , enseignement
prononc dans le cadre du dpartement de psychanalyse de luniversit Paris VIII, indit.
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Miller J.-A., Lorientation lacanienne, Choses de finesse en psychanalyse , op. cit.
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certaine valeur de fixit. Mais de quelle fixit sagissait-il ? Si le processus analytique vise
fracturer la fixit de la signification fantasmatique orientant le mode de jouir dun sujet, peuton, dans ce cas, parler de fixit sinthomatique ? Celle qui ne se traverse pas, ne se fracture
pas, mais sisole au terme dun procd de rduction ?
Je fais ici rfrence un nonc maternel : il ny avait pas de place pour toi , lequel
indexait une modalit du ravage maternel. Cette phrase, prononce par ma mre bien aprs
lvnement traumatique auquel cet nonc se rfrait, avait jailli la suite dun rve rapport
lanalyste, mettant en scne le laisser tomber maternel. Ce qui mavait bouleverse dans ce
rve concernait essentiellement la voix de ma mre, voix qui mavait dans le rve laisse
mon tour sans voix. En effet, il y avait dans cette voix quelque chose dinqualifiable,
dinnommable que je cherchais dans la sance nommer. Cest dans ce fil que cette phrase
simposa, comme une vidence, comme un cest a, au moment o je la profrai haute
voix ! Cet nonc Il ny avait pas de place pour toi se rapportait une scne de mon
enfance o javais, dune certaine faon, t laisse en plan. Il fut cueilli par lanalyste qui fit
ce constat : cest un trauma.
Cette mergence permit ensuite une dsactivation, un dsamorage dune jouissance se
prsentant comme un reste symptomatique, soit une forme de bovarysme que je cultivais
depuis mon adolescence, susceptible de reconfiguration. Javais dailleurs repris une toute
dernire tranche danalyse (la troisime), car je restais aux prises avec ce reste intouch par
une longue analyse o le fantasme avait t travers et le mode de jouir oral pulsionnel isol.
Le surgissement de cet nonc avait surtout fait retentir cette fois une valeur de jouissance que
drainait lalangue maternelle et que je dnommais dsinvolture.
Cette dsinvolture tait le mot trouv lors de mon premier tmoignage de passe pour qualifier
une jouissance indicible, qui stait manifeste dans ce rve et que condensait la voix
maternelle. Ce mot dnommait ce qui, de lalangue, avait percut, marqu le corps du parltre.
La dsinvolture dsignait une faon de faire, une faon de dire quauthentifiait cette phrase
dite la lgre dune mre sa fille : Il ny avait pas de place pour toi . Si cet nonc fait
dune certaine faon cho au drame de la position typique de lexclusion hystrique nous
allons y revenir il nen est pas moins pour autant corrl un vnement de corps, le laiss
tomber. Cest cet vnement de corps qui a fini par sisoler la fin de lanalyse, comme
dtach de tout sens dipien, mais comme corrl ce simple nonc contingent condensant
la dsinvolture de lAutre ayant marqu le parltre, en lui imprimant un mode de jouir sur le
versant de lhumeur dallure mlancolique. Cest cette percussion du corps par lalangue qui
allait tre isole comme telle, comme reste irrductible susceptible dtre dsactiv. La
dsactivation obtenue mautorisa franchir le pas de la passe.
De la phrase fantasmatique impersonnelle au trauma singulier
Aujourdhui, je vous propose de revenir plus prcisment sur cet nonc maternel isol en fin
de parcours analytique. tait-ce un nonc que javais mconnu durant toutes ces annes
danalyse et qui se rvlait enfin au bout dun long processus de leve du refoulement ?
Certainement pas. Cette phrase mavait toujours accompagne comme une ombre. Elle faisait
bel et bien partie de mon histoire, une histoire banale dune mre qui prfre ses garons sa
fille. Seulement, cet nonc changea de valeur au cours de lanalyse pour finalement porter
une charge libidinale nouvelle.
Au cours dune premire analyse, javais souvent voqu le souvenir dune scne marquante
de mon enfance laquelle cette phrase il ny avait pas de place pour toi , se rapportait.
Alors ge de cinq ou six ans, javais t laisse aux bons soins de la dame de mnage de ma
mre durant une longue priode de vacances, pendant que celle-ci effectuait un voyage avec
mon pre et mes jeunes frres. Docile, je nen avais pas fait un drame. De fait, il ny avait pas
de place pour moi dans cette conjoncture, puisque nous tions trois enfants et quil ny avait
de place que pour deux. Ctait une vidence que je navais pas conteste.
Telle tait la logique maternelle, familiale mme, puisque entrine par mon pre qui navait
dit mot. Tout cela avait eu lieu sans faire de vague, mme mon sjour chez cette dame, sauf
un dtail : le rire moqueur dun jeune homme handicap et priv de la motricit de ses jambes,
mavait surprise dans mes jeux denfant solitaire.
On peut dire, quaprs-coup, ce regard moqueur dun homme infirme avait eu limpact de
transformer en dommage rel un vnement contingent. Linfirme, dornavant, ce serait, celle
qui faisait tache dans le tableau familial. En effet, ce regard moqueur eut pour consquence
dexacerber le choix phallique de ma mre dont javais t exclue. La privation fminine se
rvlerait douloureuse. Autrement dit, si javais t carte, ctait parce que jtais une fille,
soit celle qui navait pas ce quil fallait pour faire partie du voyage. Se dvoilait l, de faon
fulgurante, la prfrence phallique de ma mre avec laquelle je naurais plus de cesse de me
confronter. Ma mre prfrait les hommes. Mais aprs tout, quoi de plus lgitime pour une
femme !
Ma premire analyse allait mettre en relief la revendication phallique que javais adresse,
enfant, ma mre, ensuite aux hommes. Quant mon pre, dune certaine faon absent, car
trs occup sauver et restaurer lidal paternel mis mal, je men dtournerai, pour un
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temps. Je madresserai celui que mes prires tenteraient de faire rpondre, choisi sur le
modle paternel du sauveur sacrifi, le Christ. Ainsi, depuis lenfance et jusqu la fin de mon
adolescence, je devins une jeune femme pieuse. Ma premire tranche danalyse me permit de
reprer lidentification christique qui donnerait plus tard son support au fantasme : une femme
est sacrifie. On pourrait dire que ce traumatisme infantile, remmor dans la cure, avait
trouv l se supplanter, se mtaphoriser grce lappui pris sur cette identification
sacrificielle. Ce qui avait fait trauma se prsentait surtout sur le versant de la privation
fminine, que vrifiait dailleurs la version de la fminit qui mavait t transmise : tre une
femme, cest tre une pauvre femme. La construction du fantasme, une femme est offerte en
sacrifice, sous le regard dun pre impuissant, allait ensuite donner son cadre la jouissance
sacrificielle, sublimation de la privation fminine.
Cette construction du fantasme se scellerait au cours dune premire exprience de la passe
par laquelle je devins membre de lcole. Ce fantasme se traverserait ensuite la faveur dune
interprtation du second analyste : Mais bien sr, vous tes ce jeune homme mis mort !
Interprtation qui fit, dans un premier temps, vaciller lidentification phallique au pre
impuissant et qui permit, dans un second temps, de mettre au jour le mouvement pulsionnel
oral qui animait une demande damour insatiable adresse au pre, lhomme aim et ensuite
lanalyste.
propos cette fois de cette phrase, une femme est offerte en sacrifice , ric Laurent
animant un moment denseignement de la passe Bruxelles en mai dernier, faisait valoir la
diffrence entre dune part, la phrase fantasmatique, impersonnelle laquelle condense une
srie dnoncs en souffrance qui ont russi se dire dans lexprience, ce quon nomme le
fantasme fondamental, et dautre part, le trauma fondamental qualifi pour ma part des
termes de dsinvolture maternelle. La dsinvolture est un nom, cette fois singulier, donn au
trauma du laiss tomber. Dans ce mot, on entend, faisait remarquer . Laurent, cette racine de
linvoltura, lenveloppement, dont lenvers serait un laiss tomber. Donc, dune part, au bout
dun premier processus analytique, on a un concept impersonnel, une phrase fantasmatique
qui se construit, se diffracte, puis se traverse, et dautre part, la fin dune seconde
exprience, un trauma singulier qui sisole, ne se traverse pas, mais qui, pour ma part, se
dsactivera.
Le fantasme du sacrifice ou le trauma du dsenveloppement , nont pas la mme valeur de
jouissance. Le sacrifice, prend pour le sujet une valeur phallique, il y a l une rcupration
dun plus-de-jouir, tandis que le trauma, rapport ici la dsinvolture de lAutre, est corrl
au pur vnement de corps, soit au laiss tomber. Cest cet affect que le deuxime
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susceptible de se rpter. La dsactivation obtenue en fin danalyse est une faon de qualifier
le dsamorage dune rptition, itration du mme.
Cet nonc, et dautres noms qui me qualifiaient tels que celui de Cendrillon, mergeaient la
fin du parcours analytique, alors que le sens dipien stait pourtant puis, mais comme
indexant cette fois une jouissance hors sens. Ils se prsentaient comme des S1 dsarticuls,
coups du sens. Le constat de lanalyste, cest un trauma , isolerait leffet dans le corps
dnoncs traumatiques, dsamorant du mme coup leur impact.