Cahiers Du Cinema 064
Cahiers Du Cinema 064
Cahiers Du Cinema 064
DU CINMA
64
R E V U E M E N S U E L L E DU CINMA .
NOVEMBRE
1956
64
font
UN
and
MAGNIFIQUE
V i s t a V isiojy,
mis
SALAUD
en
scne
en
(The
par
Prou d
George
sc n e
une
Seaton,
d aprs
cralion
Profane),
l un
gu err e.
film
des
inoubliable
P aramont
meilleurs
clans
en
meUeurs
Cahiers du Cinma
NOTRE COUVERTURE
T O M E X I No 64.
N O V E M B R E 195G.
SOMMAIRE
F ran ois T n iffa u t
C lifford O dets et Jam es Poe ...............
R o la n d M onod
.............
Le sty lo de M ac Arthur (T h e B ig K n fe
ex tra it d es d ialogu es) .......................................
12
...........
16
J o se f von Sternberg: . .
P lu s de lu m ire (II)
.............................................
21
H ernian G. Weinberg;.
32
34
H erm an G. W cinberg .
L ettre de N ew -Y ork
57
.............................................
Les Films
.................
E ric K ohm er
Y on viile-en -K an sas
Claude de Giv.ray
Louis M areoreles
...
....... ........................42
..
44
Charles Bitsch . . .
Le G .I. in con n u
Jacques Siclier . . .
(P icn ic)
(A ttaque)
.............................. ....51
52
.....................................................................' 59
61
62
RENCONTRE
AVEC ROBERT
ALDRICH
par
F ran o is T ru ffa u t
Robert Aldrich.
Consacrant une Photo du Mois * Robert Aldrich (N 53) je concluais : Robert Aldrich
sera lou le plus souvent possible, dfendu chaque fois qu'il sera ncessaire et entretenu
la premire occasion. L'interview que l'on va, peut-tre, lire, ne constitue en aucun ca s un
Entretien , puisque le magntophone n'y eut aucune part, hlas. /I s'agit moins d'un diaiogue
que d'un uesiionnoire administr par moi Robert Aldrich, m es questions tant traduites en
anglais, et les rponses traduites en franais par mon excellant confrre ef ami amricain,
Gene Mosfrowiiz, que je remercie trs vivement ici.
Jobert Aldrich, interrompant la prparation de Garment Center, ne vint Venise que pour
quarante-huit heures. Sur Ja plage, je Jui fus prsent ; il tait soucieux, car Jes ractions du
public devant Attack l'avaient du. Aldrich ressem ble aux photos de lui qui ifiusfrent ce texte,
ceci prs que, passant cfe temps autre la langue entre le s lvres, il at penser un gros
poupon, dans la mesure o Fernand fiaynaud nous a appris regarder les nourrissons. Ce qui
frappe chez Aldrich, c'est videmment la franchise.
Des mains de fobert Aldrich une bouteille de Coca Cola passa dans celles d'une forte,
grande et belle dam e blonde, Mrs. Harrlet Aldrich que le soleil vnitien caressait de se s rayons.
Elle portait un maillot faune, celui du champion, murmurais-je part moi.
Par trois fois en deux jours, Robert Aldrich voulut bien me rejoindre sur la plage d e v a n t la
cabine d'Unifrancej coutant scrupuleusement mes questions, fout en jouant enterrer se s p ieds
dans le sable. Nous esprons bien rencontrer de nouveau et plu s longuement Robert Aldrich,
l'anne prochaine Paris, n attendant donc l'inluc(ab2e * Entretien avec Robert Aldrich ,
cette modeste interview n aspire qu' tromper votre im patience.
Vos biographies indiquent que vous vous tes install H ollywood en 1341. Aviez-vous
dj l'intention de devenir m etteui en scne ou dsiriez-vous plutt vous insinuer dans la pro
duction ?
Je savais seulement que je travaillerais dans le cinma et c'esi lorsque je me suis
rendu compte que le metteur en scne est le seul patron sur le plateau, ' le seul responsable
et le vritable auteur d es films que j'ai su que je ferai de la mise en scne.
Ce qui nous a surpris lorsque nous avons vu vos cinq premiers films l'anne dernire
en l'espace de six mois, c'est que vous ayez d attendre douze ans pour pcrsser Ja ralisa
tion alors que professionnellement vous tiez manifestement capable d'tre director s depuis
longtemps.
En fait Jaurais d commencer cinq ans plus tt mais ce n'est p a s si facile de progresser
et puis il y a eu la T.V. Lorsque j'ai commenc tourner j'ai tout accept pour rattiappei
mon retard, j'ai fait des films, n'importe lesquels, pour dire Je fais d es fiJms ; prsent je
choisis les sujets que je tourne.
Voire exprience T.V. ?
'
J'ai appris la T.V. la ncessit d'tre rapide et inventif. Et puis c'tait mieux pay que
l'assistanat...
Vous esf-il arriv au cours de votre assisianai d e participer d'assez prs Ja conception
ou Ja ralisation d'un film au point d'avoir d e s responsabilits cratrices ?
Oh I non. vous savez les metteurs en scn e ont peur des assistants ; je n e s a i s pourquoi
ils se miient el s e gardent bien de recourir eux pour rsoudre des problmes esthtiques.
Dans ce cas gueJ fut votre travail sur un Hlm comme The Prowler par exem ple ? (1).
- Dans ce cas prcis ce fut diffrent car Joseph Losey tait un nouveau venu dans la
mise en scne ; nous avons travaill en amiti et il acceptait mes suggestions ; mais le film
est bien de lui ; c'est un film de Losey avec quelques ides d'Aldrich, de mme pour M.
QueJs sont les metteurs en scne qui vous ont Je plus influenc dans vos travaux ?
J'ai travaill avec un certain nombre de ralisateurs. Ce sont les annes les plus
importantes de rtion ducation hollywoodienne. Chacun de ces metteurs en scne a quelque
caractristique personnelle et j'ai eu la possiblit d'apprendre et d'assimiler assez de leur
technique pour arriver obtenir une vision beaucoup plus large des problmes de la mise eu
scne que n'ont en gnral les jeunes metteurs en scne. Je voyais en. eux cette petite lumire
de gnie qui distingue les crateurs des simples techniciens et j'ai essay d'apprendre de
chacun d'eux ce quelque chose de spcial qui le distinguait de tous les autres metteurs en
scne. De Renoir dans L'Homme du Sud, un des plus grands chefs-d'uvre de tous les temps,
j'ai appris l'importance de l'authenticit et de la prcision dans la reprsentation du milieu et
des coutumes ; de William Wellman, j'ai appris la ncessit de se concentrer sur son travail
de production, excluant toute intrusion extrieure; de Milestone, j'ai appris l'art de traiter les
acteurs avec diplomatie. Et plusieurs annes plus tard, travaillant pour Charlie Chaplin dans
LimeJigft^ j'ai appris coiftbien sont importants, pour un film, l'nergie et l'enthousiasme.
Gardez-vous
un
bon
souvenir
de
votre
travail
avec
Renoir ?
Certes ou, toutefois il m'tait difficile de travailler troitement avec lui car nous som
mes trs diffrents ; il procde par ttonnements, il tourne autour de la m ise en scne alors
que personnellement je prfre arriver directement sur un plan, foncer dessus. Je n'ai travaill
avec Renoir que pour The Southerner, mais j'admire presque autant Sw am p Water.
Le seuJ fi'Jm de vous que nous ignorions Paris est voire premier The Bg Leaguer.
- Il ne sortira pas en F ian ce parce qu'il traite dun sujet typiquement amricain, le b a se
ball ; c'est un film que je nai pas choisi de faire mais dont je ne suis p a s mcontent ; je l'ai
tourn trs honntement quoique pour la M.G.M. La vedette en est Edward G. Robinson. Il
sagit de jeunes garons qui jouent au base-bail el ambitionnent de passer en premire division
Vous J'avez tourn en dcors naturels ou en studio ?
Extrieurs et intrieurs rels, Melbourne dans le camp d'entranement des New-York
Giants. Bonnes critiques, recettes moyennes.
( ! ) T h e P r o w l e r e s t un film m c o n n u , le m eill e u r s u n s d o u te de s o n au te u r : Jo s ep h L o s e v .
In t e r p r t par E v e l y n K e y e s et V an Heflin, T h e P r o w l e r a t p r o je t en F r a n c e s o u s le ti t r e d e ' :
Le R d e u r . (D is tr ib u t io n A R T I S T E S A S S O C I E S .)
i
Votre second film est World for Ransom (Alerte Singapour) que nous aimons beaucoup.
A-t-il t rellement tourn en dix Jours ?
Onze jours avec une bonne prparation, une bonne quipe et Joseph Biroc comme chef
oprateur. Il a cot moins de cent mille dollars. Ce qui n'est pas courant.
Ds World for Ransom on trouve les thmes qui reviendront dans vos autres films et
hier, en voyan t Attack, j'ai beaucoup pens World for Ransom.
Oui, mais je crois que pas mal .de choses ont saut au montage. Dans World for Ransom,
la fille Marian Carr est lesbienne. Aviez-vous compris cela Paris ?
Oui, puisqu'elle nous apparat la premire fois en smoJcing et qu'elle dit dans son dia
logue, en parlant de son mari Dan Duryea Je l'aimais de m'aimer telle que j'tais... *
Oui, mais c'tait plus clair dans la version intgrale puisque le film s'ouvrait sur le
gros plan d'un baiser ; on reculait et l'on dcouvrait qu'elle embrassent une autre femme sur
la bouche. Avez-vous vu ce plan ?
Hlas, non !
'
'
Relativement ; la fin nest pas celle que je voulais ; j'ai tourn la mort de Lancaster,
tu dans le dos par Hondo. Elle n'a pas t retenue dans le montage final.
Dans Je dernier plan lorsque Lancaster remonte vers la maison et que l'on entend les cris
du nouveau-n ?
.
Oui, lorsqu'il remonte Hondo le tue dans le dos.
Mais c'est un plan en hlicoptre. Alors vous l'avez film d es deux manires ou bien le
film se continuait aprs ?
,
Oui, c'est un plan en hlicoptre ; il tremble un peu hlas
Il e st quan d m m e trs beau (1). De mme que Apache, Vera Cruz fut tourn par vous
pour Je compte de Jecht-Lancas/er ?
Oui, il it plus d'argent encore q u e .Apache. J'ai eu beaucoup de difficults avec Lan
caster producteur mais des satisfactions avec Lancaster acteur. Je ne suis pas content du tout
de Denise Darcel qui m'a t impose et que je n'ai pas russi rendre bonne, ni mnle
acceptable.
Lorsque nous avons vu Kiss me deadly, nous avon s cru dceler un grand m pris d e
votre part l'gard du personnage Mike Hammer et, travers lui, de Mickey SpiJIane...
le suis trs content que vous ayez su voir cela, car lorsque j'ai demand m es amis
amricaine de me dire si l'on sentait mon dgot pour toute cette salade, ils m'ont rpondu
qu'entre les bagarres et les baisers ils n'avaient rien remarqu de pareil. A vrai dire je regrette
d'avoir accept Kiss me deadly. Il y avait dj eu deux films excrables de la mme srie
d'aprs le mme auteur et j'aurais d refuser. Mickey SpIIane est un esprit antidmocratique...
Fasciste ?
Exactement. Ceci dit, il est indniable que jai pris un certain plaisir le tourner ; j'ai
voulu avoir Ralph Meeker, je l'ai eu, j'ai fait tourner des amies qui faisaient du thtre, mais
qui n'avaient jamais parues au cinma.
Elles sont foutes les trois extraordinaires (2). Pour tous ceux qui n'avaient p a s eu la
( 1 ) Ald ric h n a s a n s d o u t e p a s co m p r i s e x a c t e m e n t ma q u e s t i o n : je ne su s p a s a s s e z en n e m i
d e s m a l e n t e n d u s p our m ob stin c r e n p areil cas .
( 2 ) Le r le de V e ld a , s e c r t a i r e - m a t r e s s e de Mike H a m m e r -est te-nu par M a x n e C o o p e r ( q u e
l'o n r e t r o u v e la fin de A utu m n L c a v e s ) , C h r is tin a, la u t o - s t o p p e u s e h a le t a n t e c e t in t e r p r t e p a r
Cio ris L e a c h m a n , e t l a p e t it e f r lle -o ise au trop cu r i e u se ne s t a u tre q ue G a b y R o d g e r s , Q u a n t
la q u a t r i m e f e m m e , la n y m p h o m a n e qui ne s a i t p a s dire n on, M aria n Carr, e lle ta i t la v e d e t t e
d 'A le r t e S i n g a p o u r .
D an D uryea dan s W o r ld F o r R a n so m
chance de voir pralablem ent The Bg Knie, Kiss me deadly fui une rvlation ; c'est le iilm
qui nous a le plus excit et il me semble que vous avez trs bien su transformer le livre en
gommant tout ce qui tait m auvais, en rem plaant par des effets 'potiques Jes grossirets
policires du roman.
Oui, niais n'oubliez pas non plus qu'il s'agit dans le livre d'un gang de la drogue et
qu'avant L'Homme au Bras d'Or, il ne pouvait tre question de drague dans un film amricain;
d'o la ncessit de supprimer toutes les prcisions.
Coinmenf faut-il comprendre la iin de Kiss me deadly ? Est-ce la Un du monde ? M ite
et V elda s'abritent-ils dans la mer ou sont-ils condamns ?
A vrai dire, je n'en sais rien. l'ai tourn cette fin ambigu pour viter de faire inter
venir la police.
Dans la rue, avant que Mike ne se bagarre a v e c le typ e qui le suivait aprs qu'il ait
achet du papcorn, on voit dans e cadrage, une horloge lumineuse indiquer successivem ent
2 h. 10, 2 h. 15 et 2 h. 20; est-ce dire que vous avez tourn trois plan s en un quart d'heure
ou bien vouliez-vous le iaire croire : est-ce une faute de script ou un gag professionnel ?
Voire premire dduction est la bonne ; nous avons tourn les trois plans en un quart
d'heure en sachant que nous allions au-devant de deux faux raccords mais il tait impossible
de changer les aiguilles de l'horloge puisqu'elle tait l'intrieur d'une boutique, derrire la
vitrine ; nous avons frapp la parte de la boutique tant que nous pouvions, nous avons
rveill la maison mais le propritaire n'habitait pas l'immeuble.
Dans Jes scnes de ia g a rre vos plan s sont volontairement monts * trop longs , c'est-dire que vous reprenez Je plan avant le raccord comme pour dilater lcc dure de tel ou tel
geste.
Oui, el cela cre un effet quelque peu irrel mais trs salutaire, me semble-t-il, pour le
rythme du film.
A part l'appartem ent de Mike/ y a-t-il du studio dans Kiss me deadly ?
.
Aprs avoir tourn trois films en 1954, vous avez renouvel votre prouesse en 1955;
a p r s Xiss me deadly, The Big Knife dans lequel on retrouv le sym pathique Nick Dennis et
cet acteur excellent W esley A d d y (1).
Nick est un trs bon ami moi; le personnage qu'il joue dans The Big Knie n existait
p as dans la pice ; nous l'avons invent pour lui. Quant W esley Addy, c'est un trs bon
acteur de T.V. qui fait assez peu de cinma, trop peu.
Quelles sont les principales diffrences entre la pice et Je film ?
Dans la pice les rapports entre Charlie Castle et s a femme sont trs tendus d s le
dbut et ne font qu'empirer, au lieu que dans le film nous les avons montrs fort pris l'un
de l'autre, malgr tout ; dans le film en somme, ils ont des rapports amoureux.
On a dit de la pice qu'elle tait clefs ; on l'a dit galem ent du film mais avec
le temps les fameuses clefs n'taient peut-tre plus les m m es ?
Si, si ; le producteur Stanley Hoff est une synthse, dans le film comme dans la pice,
de Louis B. Mayer, Jack Warner et H ariy Cohn ; par ailleurs, il est bien vident que Rod Steiger
et moi nous sotrimes amuss en remettre un peu.
Certains specfafeurs, pris de logique, ont t choqus par le fait que Charlie Castle
ne sem ble pas rellement oblig de signer le contrat; puisqu e le studio a t m l au scan
d a ^ Je chantage est presque impossible, non ?
Poiir'bien comprendre ce chantage, il faut connatre la mentalit amricaine et mme
la mentalit hollywoodienne ; on a pardonn Errol Flynn, on a pardonn Mitchum ce
qu'ils ont fait Mitchum a mme t emprisonn quelque temps mais on ne pardonnerait
pas Palance- ce qu'il a fait. Comprene2 -moi bien ; l'accident n'est pas grave ; il a cras
un enfant, on p asse l-dessus ; ce qu'on n e lui pardonnerait jamais c'est d'avair laiss un
autre aller en prison sa place.
( 1 ) iNlck D e n n i s , ce s t le m a g n if iq u e V a v a v o u m d e K i s s m e d e a d l y et te s o ig n e u r d e P a l a n c e
d a n s T h e B i g Knife . \ V e s l e y A d d y e s t P a t , le flic d e K iss m e d e a d l y e t le so u p ir a n t l i t t r a i r e
d 'I d a Lu pin o d a n s Tlhe B i g K n if e .
La vrit est que je rpugne montrer des personnages mprisables sans nuancer un
peu leur personnalit, leur caractre; il s'agit moins de trouver des excuses que des explications;
rappelez-vous que Mike Hammer dans Kiss me deadly n'est pas toujours inhumain; aussi dans
A ttack le capitaine Cooney a t lev trs durement par son pre qui voulait absolument en
faire un grand homme ; je ne vois pas ce qu'il y a d'artificiel l-dedans et la confession du
capitaine est justifie par l'ivresse ; maintenant il y a dans Attack des scnes que je crois
avoir rates : celle-ci est peut-tre du nombre. Par exem ple je n'aime pas la fin, un peu
trop conventionnelle.
*
Vous auriez prfr que le lieutenant Woodruff accepte le march propos par le
colonel et signe la dclaration affirmant que Cooney est mort en hros ?
Oui.
Peimetiez-moi de ne p a s tre de votre avis. Je pen se que la logique commandait Je
geste hroque de Woodruff; puisqu'il a accompli le meurtre justicier que s'tait promis de
commettre Costa i'exalt, Costa le pur, ii doit ensuite agir 1er m anire de Costa, lequel aurait
d e toute vidence rejet le march du colonel et dcroch le tlphone.
.
Vous a v e z raison, niais ce qu'il y a d'un peu ridicule dans la fin c'est la rapidit
de l'action et la promptitude .du geste : il saute littralement sur le tlphone. L'idal aurait
t de terminer lorsque le' lieutenant Woodruff regarde les deux cadavres ; on aurait supprim
le tlphonage mas' le public "aurait su que le lieutenant tlphonera un peu plus tard.
J'ai appris que 1Arm e amricaine vous a refus son aide ; selon vous le ilm en
souffre-t-il ?
.
O u i/ parce que j'aurais tourn des scnes de bataille plus amples et sans doute plus
convaincantes il est' difficile avec un petit budget de se passer de figuration et de matriel ;
les deux tanks que vous avez vu passer et repasser sont encore dans mon garage ; j'ai
d les acheter ^moi-mme ainsi que deux motocyclettes ; j'ai lotie deux halftraks et une
camionnette japonaise que j'ai fait maquiller en. ambulance amricaine ; il a fallu que je
m'arrange *priie montrer tout ce matriel la fois que dans une seule scne.
Personnellement je prfre cette guerre sty lis e e t mme potise au grand dploie
ment de forces armes du genre Baltle Cry; ef puis indpendamment de l'originalit du sujet,
ce dnuement aide le film ne pas ressem bler aux films de guerre .hollywoodiens.
Kazan
Dans ce c a s les meilleurs cinastes amricains selon votre jugement sont W yler, W ilder,
et Stevens ?
.
Oui, j'ajouterais John Ford, quand il veut et Nick Ray, quand il veut galement.
Et Brooks ?
Hum ! Il devrait d'abord quitter la M.G.M.
Que reprochez-vous Huston ?
Il ne devrait pas tourner ses films hors de Hollywood. Afzican Queu tait amusant.
Moulin Rouge et Beat the Devil sont trs mauvais. Huslon a tort d'crire lui-mme se s dialogues.
Voyez par exemple : M oby Dick ; la premire demi-heure est magnifique, elle est muette ;
et puis ds que cela commence parler c'est pouvantable.
Et Mankiewicz ?
C'est pareil ; loin de Hollywood il perd ses racines ; Guys and Dolls est fort m auvais ;
de mme que Hossen, Mankiewicz ne devrait pas crire lui-mie ses dialogues, car il lui faut
cinquante mots o douze suffiraient. La Comtesse aux Pieds Nus est beaucoup trop parl. Tou
tefois il faut reconnatre que A va Gardner dans ce film est extraordinaire ; c'esf son meilleur
rle.
Que pensez-vous d'Hitchcoock ?
,r
Il fait des films pour divertir le s gens; ils sont trs bien fabriqus, mais ils n'ont rien
dire.
Chaplin ?
,
C'est'un trs grand artiste, m ais il nglige un peu trop la technique.
Preminger ?
le passe.
Lang ?
. ..
C'est un trs grand metteur en scne qui n'a pas eu de chance; il a t oblig de tour
ner de mauvais scnarios avec de mauvais acteurs ; depuis Big Heat, que. j'ai beaucoup aim,
il n'a pas eu un bon scnario. Mais c'est un grand * director .
||
ffawfcs ?
... t .
le passe.
'
Samuel Fulier 7
Il est le plus grand ennemi de soi-mme, il ne sait plus trs bien o il en est ; il avait
trs bien commenc; maintenant, il parpille ses forces ; il avait tourn Chicago un trs bon
film, Pick up on South Street. Il n e devrait pas crire lui-mme le s scnarios qu'il tourne.
Minnelli ?
scne.
.
'
Oui, mais ce n'est que la moiti du problme. Je peins des caractres hroques. Je
suie contre l'ide du destin tragique. Chaque homme doit agir mme s'il est bris. Mes per
sonnages ont une attitude sucidale parce que le sacrifice volontaire de sa vie est le
conible d l'intgrit morale. Le suicide est un geste de rvolte. Il est bien vident que si on
lutte jusqu'au bout, cela peut coter la vie, c'est normal; il faut payer le prix de la lutte, mme
d e sa propre vie. Selon moi, Burt Lancaster dans Apache devait mourir comme Palance dans
Big Knife. Pour le reste, nous sommes d'accord.
Y a-t-il d e s sujets qui vous tiennent cur ef que vous ayez d renoncer tourner ?
Oui,les banques vous refusent l'argent pour des sujets trop originaux. Et puis il y a le pro
blm e des vedettes. Si Michle Morgan avait accept de jouer dans Kinderspiel, j'aurais trouv
l'argent pour faire ce iilm qui raconte l'histoire dune rvolte de tous les enfants du monde,
Mais ne pensez-vous pas que la situation a beaucoup voiu H ollyw ood depuis trois
ans ?
Si, mais pas encore assez. C'est trs lent. La production amricaine est toujours contr
l e par les Dix. La rvolution n'est pas tellement avance.
Et quieJJe est prsent votre situation personne/Je dans J'indusfrie ?
10
The Big Knife tait ma premire production indpendante, c'tait un film budget
conomique : 458 mille dollars; il n'en a rapport que 300 mille ; j'ai donc perdu 150 raille
dollars avec ce film.
Autumn Leaves est surtout une affaire pour la Columbia, d e mme que G arment Center,
mais Attack, tout comme Big Knife, est produit par THE ASSOCIATES AND ALDRICH, c'est-diie p a r vous seul ?
Oui, de mme que le western que je raliserai au dbut 1957 : 310 Yum a pour lequel
je dois trouver deux grands acteurs, comme pour Vera Cruz.
Est-il exact que vous ayez l'intention de produire galem ent d'autres iilms que Jes
vtres ?
Oui, le programme de THE ASSOCIATES AND ALDRICH est de produire cinq films
par an ; deux budgets moyens mis en scne par moi-mme et trois films petits budgets
qui seront tourns par de nouveaux venus en qui j'ai confiance. Le premier de ces films
est commenc depuis quelques jours; il s'agit d'un western dont Anthony Quitta est la
vedette : The Ride Back que ralise Allen Miner, un jeune dont un court mtraget N aked Sea,
est pass au Festival de Cannes cette anne.
En somme, vous se re z bientt a ssez puissant pour tourner ce qu'il vous plaira et m me pour
influencer profondment la production hollywoodienne ?
On ne peut pas encore trouver l'argent pour faire les films auxquels on tient le plus;
j'y arriverai certainement, mais av ec l'chec de The Big Kne cela prendra du temps : j'ai
calcul que si je puis avoir, pour le compte de THE ASSOCIATES AND ALDRICH, trois grands
succs financiers conscutifs, je pourrai sortir de leur tiroir les scnarios que l'on me refuse
aujourd'hui; alors je ferai ce que je veux.
in terview recueillie par FRANOIS TRUFFAUT.)
Juch sur la grue, R ob ert A ldrich rgle les p lan s d e n sem b le de V A ttaque
VI
LE S T Y L O D E
M acARTHUR
(The Big Knife : extrait)
par Clifford Odets
et James Poe
12
STANLEY. Charlie, voulez-vous nous faire le plaisir de nous accom pagner aux courses
cet aprs-midi ?
CHARLIE. Je crois que je n'aurai pas le temps, Stanley.
SMILEY. - Je vais faire le barman, a v e c l'accord du syndicat. Stanley ?
STANLEY. Donnez-moi un peu d'eau minrale, je vous prie, Smiley. N e jouez p a s les
vieux fossiles, Charlie. 11 y a du soleil, on verra une jolie course e t nous aimerions que vous
nous accompagniez.
CHARLIE. Vraiment je regrette, Stanley... Mais... le tait est que d e s am is qui viennent
de loin,., des amis de Marion... ont promis de passer.
NAT. Vous connaissez CharJie. Toujours prt faire plaisir...
STANLEY. Marion.., a c'est une femme m erveilleuse. De tout m on'c ur, je souhaite
une rconciliation entre vous, car vous tes comme de m a famille (Coy lui p asse un verre).
Merci bien. Sans vous, je n'aurais jam ais eu la joie de voir m es cts un couple paraissant
uni seJon la Volont Divine. Ne m 'enlevez pas cette joie et pardonnez tous deux mon gosme.
CHARLIE. C'est vraiment gentil de votre part, Stanley.
STANLEY. Et puisque nous som m es cordialement runis... si nous pariions de notre
contrat ? Il sommeille depuis assez longtem ps !
CHARLIE. Eh bien, il me... il me proccupe beaucoup.
STANLEY. Vous proccu pe? Quelles sont vos proccupations, dites-moi. Je peux tout
entendre, Charlie, on peu t parler trs ranchement a v e c moi. Votre position vous donne Je
droit d'avoir de trs grandes prtentions mais au moins confiez-moi Ja cause de vos soucis.
CHARLIE. Je ne veux p a s signer Je contrat;
STANLEY. Vous en avez discut avec Marion ?
CHARLIE. Oui... (Coy apporte un verre Charlie). Merci.
STANLEY. Hum, hum... Eh bien, vous tes toujours mari et femme. Oui, Je Seigneur vous
a unis ef rien ne saunait dtruire ce lien, je le comprends. Mais que reproche Marion ce
contrat ?
STANLEY. Eh bien , ce n'est... ce n'est pas seuJemenf Marion. On en a parl, naturel
lement... Mais c'est moi qui refuse de signer.
NAT. StanJey, CharJie pense que... .
STANLEY. Non, non, non, non, non, non, non. Laissez-le rpondre... Pourquoi ?
CHARLIE. Eh bien... il y a foutes sortes de raisons, Sfanly... Ne serait-ce que l'ide de
signer de nouveau pour une si longue dure.
NAT. Stanley, vous dites que l'on peut toujours vous parler trs franchement et c'est
exactement ce que CharJie veuf faire.
STANLEY. CharJie... que ferez-vous de vos loisirs ?
CHARLIE. Eh bien ! je... j'ai envie de quitter H ollywood. Je vous signerai un accord
mengageant ne plus jam ais faire de films ailleurs. Je n'ai rien contre vous ou contre votre
Socit. Ce qu'il y a, c'est que je suis... fatigu, je veux m'en aller.
STANLEY. Bien sr, je comprends. Si ce n'est que a, prenez six m ois de vacances, un
an au besoin.
CHARLIE. Nont je veux m'en aller pour de bon.
STANLEY. - Oh, oh ! Oh ! je vois... Charlie Castle, j'ai encore prsent J'esprjf notre
prem ire rencontre, il y a bien des annes. Vous vous rappelez peut-tre ce que je vous ai
dit l'poque ?
CHARLIE. Oui. En partie, oui,..
STANLEY. ]e vous en prie, voulez-vous m'excuser si je parle en fermant les yeux,
mais cela m'aide mieux voir... Je vois un jeune homme inexpriment, plein de cette mer
veilleuse vitalit qu'est le talent. Et je lui dis, si m a mmoire est fidle : Charlie Castle,
vous deviendrez l'une d es plus grandes vedettes de l cran. Et aussi vrai que le monde est
monde, vous rencontrerez bien des obstacles. Et voici pourquoi je suis l, disais-je. Mes conseils
sont gratuits et je vous les donnerai avec plaisir. Je ne pourrai peut-tre pas toujours applanir toutes vos difficults, m ais il est fort probable que bien souvent je vous rendrai- service.
Et, Charlie Castle, vous tes venu me voir plus d'une fois... non ?
13
fouf fait
NAT.
Charlie, Stanley ne...
CHARLIE. Non, fais-toi/
STANLEY. Oh / Charlie, Charlie... Je vais tre forc de me montrer mchant. Je vous
ten ds la main et vous xn<> crachez au visage.
NAT. Non, non, Stanley. Charlie ne veut...
CHARLIE. Stanley, vous devez me rendre ma libert. Nous n'avons aucune sy m
pathie l'un pour l'autre. Je le sais. Vous le savez. Mais je vous promets de faire ce que
vous voudrez si vous me rendez ma Jiberf.
.
NAT. Stanley, je vous en prie, coutez-le. Je vous le dem ande du fond du cur,
exaucez-le. II...
STANLEY. ...Silence I Charlie, je suis un homme essentiellem ent raliste. J'ai besoin
de votre prsence physique au Studio. J'ai besoin de votre corps, non de votre sy m p a
thie. Maintenant, Charlie, il faut que vous signiez ce papier a v e c l'une des plum es qui mit
fin Ja seconde guerre mondiale. Elle a servi un grand Amricain : le gnral Douglas
MacArfhur. Char fie, cet instant reprsente l'aboutissement d e bien d e s mois de m es rves
Jes plus ambitieux et je n'admettrai jamais que vous ou qui que ce soit veniez dtruite ce
rve I
CHARLIE. - Je vous en conjure, pour Ja dernire fois, faites que je sois libre.
STANLEY. N'ai-je pas un moyen de vous forcer signer ? Alors ? Alors ? {Charlie
signe les quatre exem plaires du contrat).
.
SMILEY. Mes flicitations, mon vieux. Ce double est pour Charlie.
14
CHARLIE. Je garde le stylo. Je n'ai p a s d autre preuve que la guerre soit termine.
Ou qu'elle ait mme eu lieu.
STANLEY. ...Charlie, nous vous aimons tous. Vous tes n grand artiste et Von peut
attendre d'un homme comme vous de pareilles sautes d humeur, hein ? A h ! Ah ! Dsormais
Charlie, v o s problm es sont mes problmes... Je n ai jam ais eu l'intention de vous forcer la
main. Mon cceur saigne l'ide que vous ayez pu me souponner d'une pcrreie duplicit...
N'hsitez jam ais venir me trouver au moindre ennui, Ja moindre difficult ; je serai tou
jours i pour vous. (Il sort).
SMILEY, Que faites-vous ce soir, mon vieux ? Une certaine personne m'a dif qu'elle
vous trouvait son got...
^
CHARLIE. MaiSj je vous l'ai dj dit, je ne suis pas libre.
'
(/
NAT. Non, merci, je dois passer Culver City (Coy sorl son tour).
CHARLIE. Au revoir, Nat.
NAT. Ecouie, tu fais une montagne d'une simple petite taupinire. Sept ans de scu
rit financire. Darling, pense l'avenir... Que... que pouvais-je faire ?
>
CHARLIE. Nat!.. N at!(Nat sort tandis que le tlphone sonne).
Clifford ODETS et James POE.
De gauche droite : Rod Steiger, Wendell Corey, Everett Sloane et Jack Palance
15
EN TRAVAILLANT
AVEC
ROBERT BRESSON
16
devait proposer le rle un pasteur de l'Eglise de l'Annonciation, Trop tenu par se s devoirs
paroissiaux, celui-ci dclina l'offre, mais regret, Bresson le sentit Alors, pouss par cette
habilet dmoniaque, obstine et lgrement narquoise qui le caractrise, notre ralisateur
revient la charge : comment un pasteur convaincu de sa mission d'vangliste, refuse-t-il de
venir porter tm oignage dans un milieu le cinm a qui, presque par dfinition, lui est
habituellement ferm et qui pour une fois miracle ! lui ouvre ses portes et se s bras... ?
Le pasteur huma sans doute l'astuce charmante de cette tentation. Il maintint son refus mais
signala mon existence Bresson. Appartenant une grande famille protestante j'avais moimme autrefois entrepris des tudes de thologie. Devenu journaliste, j'assurais alors la criti
que dramatique d'un nouveau quotidien du soir.
A notre premire entrevue, Bresson me dit son dsir de manifester par quelque signe
extrieur mon nouvel tat de pasteur. Il pensait pingler sur le revers de ma veste (une veste
bleue et non pas noire et sans col ecclsiastique romain, comme le public ignorant peut s'y
attendre) une de ces petites croix d'argent que portent les membres de la Fdration des
associations chrtiennes d'tudiants et que certains pasteurs continuent porter bien aprs
la fin de leurs tudes. Mais il ignorait la taille de ces croix et craignait qu' l'cran elles
ne manquent de discrtion. < Rassurez-vous, lui dis-je, elles mesurent quatre millimtres .
Et Bresson, dans une bouffe de scrupule, de raffinement et de paradoxe, laisse tomber :
J'ai peur que ce soit un peu grand... Finalement il fallut en faire faire une autre d'un bon
centimtre et demi !
Bresson m'apprit aussi que la force de ce pasteur rsidant dans l'intensit de sa vie
intrieure, plus je me refermerais sur moi, moins je me donnerais, et plus cette vie profonde
aurait l'cran de puissance et de rayonnement. Enfin il me remit comme tous se s interprtes
une p age du dialogue des A nges du Pch, une scne entre deux surs que je devais pr
parer pour mon prochain bout d'essai.
Je ne sais pas de devinette m ais je sais une nigme. Vaut-il mieux avoir de la pous
sire sur ses m eubles ou sur son m e ?
17
2
18
Fontaine et Jost
nous naissons un monde nouveau o le bruit sera roi. Les bruits, eux, tmoignent de la vie
des hommes. Les dialogues enregistrs en direct aux studios ne se mariaient pas assez, au
gr de Bresson, ces silences et c es bruits. 11 le s trouvaiVit encore trop humains, trop anecdotiques, Il nous fit tous revenir pour les renregistrer en auditorium. L, phrase par phrase,
presque mot par mot, nous avons redit nos rpliques la suite de l'auteur, dix fois, vingt fois,
trente fois, cherchant pouser au maximum les intonations, le rythme, presque le timbre de
sa voix. Tous les rles sont dsormais tenus par Bresson, il n'y a aucun paradoxe l'affirmer.
Si l'ide bizarre venait un jour un jury quelconque de dcerner un prix d'interprtation un
personnage de ce film, c'est Bresson qu'il faudrait le donner.
.
Autre chose admirable et effrayante chez Robert Bresson, la facult qu'il a de
s'isoler au milieu du remue-mnage enchevtr, fbrile et bruyant des plateaux. 11 est bien rare
qu'il lve la voix et tout clat, il le regrette aussitt comme une brche faite la tour d'ivoire,
de civilit et de secret l'intrieur de laquelle, pas pas, il poursuit solitaire son uvre cra
trice.
Robert Bresson travaille seul. L'quipe qui l'entoure techniciens et acteurs doit accepter
cet impratif * phnomnal de son caractre et de son talent. Tous ne sont l que comme
instruments. Lui seul cre. Voil sans doute pourquoi comdiens professionnels et lui ont paral
llement senti l'inutilit absolue d'une collaboration. Et les profanes que nous tions ont compris,
ds le tournage de leur premier plan, qu'en franchissant la porte du studio ils avaient apport
d'eux tout ce que le ralisateur en attendait. Ils lui fournissaient la matire premire d e leur
physique, de leur visage surtout, du timbre de leur voix. Il n'tait mme pas ncessaire qu'ils
s e sentent models. Le iilm lui-mme n'en aurait rien gagn. II aurait plutt risqu de s'inflchir
en roman d'aventures, chacun, consciemment ou non, recherchant pour son personnage une
certaine vrit de situation. Les rapports entre les membres de l'quipe non plus, contrairement
ce qu'on pourrait croire, ne profiteraient pas tellement d'une plus grande complicit. Car Bres
son secrte une civilit jam ais obsquieuse - qui suscite chez se s collaborateurs une sym
pathie aveugle sans doute plus efficace qu'une comprhension toujours relative. Et cette
civilit dont il s'entoure comme d'un filet est le plus habile rempart qui protge, des yeux des
curieux et des mcnjs de se s excutants, les fluctuations secrtes de sa dmarche obstine. Une
civilit dont les rouages tournent vide, et qui ne l'accrochant jam ais vraiment aux autres, le
rend aussi infatigable qu'invulnrable.
Tout Bresson est dans l'od ysse du titre d e son. iilm. Le scnario d e Bresson (enrichi de quel
ques dtails du * Journal de cellule * du Pasteur de Pury) suivait presque la ligne le rcit
d'Andr Devigny. C'est donc sous le titre provisoire du rcit que le film fut annonc. Un
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Condamn mort s'est chapp . Puis en cours de tournage, de soir en soir la projection des
ush es, on s'aperut que cette fidlit littraire n'tait au fond pour Bresson qu'un merveilleux pr
text et que. survolant cette aventure exceptionnelle , il composait une uvre < ternelle la
gloire de la Grce et de la Volont. Devigny devenait Fontaine, ie Pasteur le v isa g e de cette foi
apparemment passive o l'actif vient puiser s a propre nergie agissante. Bresson l'a dit lui
mme : Je voudrais montrer ce mracie : une main invisibJe sur la prison dirigeant Jes v n e
ments ef faisant que telle ou feiie chose russira pour l'un ef non pour l'autre... Le film est un
mystre... Le vent souffle o il veut. Et c'est tout naturellement, alors que depuis des sem aines
son entourage s'vertuait imaginer un titre dfinitif dont la yertu premire tait d'tre
public qu'il retint pour titre son film cette phrase du Christ Nicadme que le pasteur
g lisse Fontaine recopie sur un petit papier et dont la mditation dans la solitude d'une cel
lule nue fera autant qu'un manche de cuillre aiguise sur le sol pour venir bout d'une porte
t a r d e de fer : Le vent souffle o il veuf.
Ce film qui relate l'pisode victorieux de la vie d'un homme, Bresson en a fait une ode la
vertu humaine qu'il prne le plus et connat le mieux parce qu'il Ja puse en lui : l'obstination.
C'est presque un film autobiographique. Ce qui explique que le Commandant Devigny, alors Chef
du Service des Sports de l'Arme, ayant demand sur les instances de Bresson, une permission
prolonge pour assister l'ensemble du tournage afin d'en vrifier i'aufhenficf quotidienne
jusque dans le s moindres dtails n e fut gure consult que deux ou trois fois... Ce qui nous
valut dans ia cour du Fort Montluc d'interminables et joyeuses parties de ptanques.
Il est significatif aussi que Bresson ait demand la musique de ce film... Mozart. Il y a l
une de ces indications qui devraient aider lever Je malentendu Bresson sur lequel tous
les amateurs de cinma vont se repencher ds la sorti du film, malentendu cr d'ailleurs
non par Bresson mais par ceux qui ttonnent la recherche de son mystre, quitte le fixer
pour le cerner, le dformer pour le saisir. Bresson lui s ren sert, plutt am us, pour sauvegarder
s a libert. Il est certain que Bresson tire le meilleur de ses collaborateurs aprs les avoir
passablem ent drouts. II manie jusque dans la dtente le paradoxe avec une virtuosit qui le
rend tout la fois attirant et tranger. Son grand ami le peintre Charbonnier qui a fait,
comme jadis pour Le Journal d'un Cur de Campagne, les dcors du Condamn avec d'autant
plus d'art et de got q u e probablement personne n e les remarquera m e dit un jour cette
boutade foute juteuse de vrit : dites Bresson le producteur n'a plus d'argent ; il faut ce
soir dblayer le studio ; Je contrat d es comdiens expire aujourd'hui . il sem blera rflchir
une seconde puis dclarera : Eh bien / parfait, alors on tourne demain ; sur ce, il s'loignera,
l'air trs anglais... Et Je lendemain ? ai-je demand Charbonnier. Le len dem ain? Tout
le monde est J...
x
Un jour a Lyon, nous tournions dans la cour un plan devant le robinet des cuisines de la
prison. Premire, deuxime, troisime... sixime prise (on ne sait jam ais trs bien quand et pour
quoi on s'arrte puisque, Bresson ne croyant pas l'infaillibilit de cette bte noire qu'on
appelle camra, chaque fois qu'un plan est jug excellent le refait pour plus de scurit !)
< Encore une fois demande Bresson. * IJ n'y aura p a s Je tem ps , intervient Burel le chef
oprateur qui scrutait le ciel un verre fum sur l'il, il v a y avoir un nuage . Sans un regard
au ciel Bresson affirme : < Mais si, il y aura Je temps. Moteur. Partez. Et il se met diriger
le plan un train d'enfer, travelling-express, dfil acclr des prisonniers, trois gouttes d'eau
dans chaque seau... * Coupez J > Et de s e retourner triomphant vers Burel : < Alors, qu'est-ce
que je vous disais... l
Tout est contraste dans Robert Bresson. Ses cheveux gris, la jeunesse de sa dmarche
souple ; la douceur de ces yeux clairs un peu froids, la pntrante et calme autorit de s a voix
grave et chaude ; la grce presque molle de certaines attitudes, la force virile d e ses larges
mains de sculpteur ; ses airs de souvent retomber sur terre, son inaltrable tnacit souterraine.
Tout est contraste jusque dans ses indications se s interprtes. Et c'est l leur lot de libert
et d'intelligence consentie que de comprendre que donner... en retenant ou plus v ite... en
ralentissant peut vouloir dire quelque chose.
Voil, je crois, un des aspects de ce jeu de chat et de souris, un gain sadique, fait d'obsti
nation travers le dsarroi des autres, que Franois Leterrier a baptis entre nous du nom de
bressonnite >. Il est vrai que riv Bresson pendant cent jours (le temps de dtention de
Devigny Montluc) il a eu l'occasion d'en goter et d'en souffrir autrement plus que moi.
Avec Robert Bresson j'ai enfin trouv un homme qui applique dans sa vie sans provocation
et avec une souveraine aisance les trois prceptes de la morale de Prvert : N e te plains
jamais. N e t'excuse jamais. Ne t'explique jamais.
'
Roland MONOD.
20
P LUS
DE
LUMIRE
II
par
Josef von Sternberg
J o se
von
21
soufle. Quand j'tcris assistant metteur en scne, je travaillais pour Sam uel Goldw yn ;
il vint un jour voir le film produit par lui. Dans le silen ce qui suivit la projection,
s'leva sa voix, encore fluette alors : Que] est Je metteur en scn e de ce fi/m ? Un
hom m e du nom de Windon se leva. Qui en a crit i'histoire ? Un autre se leva.
Quel est l'assistant ? Je m e levait mon tour. Qui a fait la photo ? Un autre se
dressa- Qui a m ont cette b elle u v re ? Je relevais firem ent la tte. Qui a choisi
le s acteurs pour ce film ? Mon vieil am i M aclntyre sauta sur se s pieds. Vous tes
tous balancs 1 dclara Mr. Goldwyn, d un ton profondment dgot, en quittant la
salle. Il y a une rciproque ce faux diagnostic : quand un film est un succs, m m e
e balayeur du plateau est rapidement en g a g par un studio rival dsireux de
trouver son tour la bonne formule. Mais si l'on m e dem andait mon avis, je m e
"hasarderais remarquer qu'une an alyse scientifique rvlerait que le seul insecte
dont la peau se soit d'abord dilate tait le metteur en scne, et p eu importe le temps
pendant lequel la peau fut im merge pour la rendre m onstrueuse, seul le metteur
en scne en tait le locataire primitif.
Il y a quelques metteurs en scne, dont moi-mme, qui peuvent assurer la prise
de vu es de leurs films. Pour m a part, j'ai souvent prfr travailler sans oprateur,
et, lorsque j'en avais un, je lui donnais d es instructions prcises pour les lum ires et
la position de la camra, m m e quand par la suite il acceptait qu'un O scar couron
nt son talent. Je trouve que c'est gcher du tem ps que surveiller un travail que je
peux faire en fournissant un petit effort supplm entaire ; j'ai par consquent souvent
cum ul le s fonctions techniques de metteur en scn e et de chef oprateur, c e qui
rpugnait fort aux com pagnies pour lesqu elles j'ai travaill : elles m'ont d'ailleurs
plus d'une fois som m d'arrter d e badiner avec la cam ra.
Ce genre de badinage pargne temps et nergie, puisque autrement metteur
en scn e et oprateur doivent deviner ce que l'un attend de l'autre et gaspiller un
tem ps apprciable synchroniser leur travail. Les grandes com pagnies pensent
le contraire dur comme fer; au ssi mon travail fut-il chronomtr pour vrifier m a
folle dclaration, savoir que je pouvais aller deux fois plus vite en m e substi
tuant au chef oprateur, plutt que de m e vautrer sur une ch aise en attendant
qu'il ait fini se s clairages, c'est--dire qu'il ait rgl sa lumire pour toutes les
positions possibles des acteurs plutt que pour leurs dplacem ents dont je suis seul
responsable.
D e plus cet usinage de la photographie de film (auquel je ne reproche rien si ce
n'est d'tre extravagant et autodestructeur} est contrl de nos jours non par le m et
teur en scn e, m ais; a) par le laboratoire surtout soucieux de faire respecter une
exposition uniforme, plutt que d'exposer le s vritables responsables, et b) ce qui
est encore plus absurde, par d es individus ap pels producteurs a ssocis ou supervi
seurs, p ays de 150 7.000 dollars par sem aine pour doubler et se mettre dans les
pattes de tout spcialiste sous prtexte d'organiser son travail.
Je fus un jour interpell par un de ces experts : mon grand tonnement, il
m 'expliqua comment filmer un gros plan d'une star en vogue, allant jusqu' m e
montrer un photogramme du visa g e d'une autre vedette pris dans un autre film ; et
il m'intima de copier cadrage et clairage, peu convaincants, ainsi que de respecter
l'esp ace vide au-dessus de la perruque dans un but de ventilation qui m e demeurait
incomprhensible. Il m'expliqua que c'tait le style de photo d e la com pagnie ,
que je n'avais qu' m 'y plier, et, quand je le prvins que j'aim ais voir le s cadrages
prsenter un intrt autre q u e cet air inutile au-dessus d es ttes destin uniquement
au confort visuel d'un producteur, il bougonna que je n'avais qu' lui laisser faire
ce plan. le lui en laissais quelques autres, si bien que le tournage fut interrompu
pendant plusieurs jours et que le film ne put tre montr avant qu'une cinquantaine
d e scnaristes, metteurs en scn e, producteurs, oprateurs et monteurs arrivent
coller la suite quelque chose que n'importe lequ el d'entre eux aurait facilem ent
fait mieux tout seul.
Cette faon dnaturante de se servir d es principes de la photographie est, pour
la nommer de mon indulgente m anire dfectueuse. Par contre, le bon em ploi d e
22
23
24
Pendant longtemps, notre profession fut soum ise la tyrannie de la cam ra, avant
qu'elle soit confronte a v ec le m icrophone ; la tendance naturelle de celui-ci contre
carrer la cam ra fut reconnue par quelques-uns. Le point de vue de l'artiste s'tait
rendu matre de la photographie bien avant l'avnem ent du son, qui ram ena le
film son point de dpart : enregistrer le s im ages au hasard. La cam ra devint
m m e un ennemi, puisqu'elle faisait du bruit ef, pour la punir, on l'enferma d an s
une c a g e d o elle n e pouvait regarder dehors qu' travers de lourdes plaques d e
verre. Il fallut deux ou trois an s pour permettre la cam ra de reconqurir son
ancienne libert.
Avant l'arrive du microphone, d es hom m es avaient jou de l'instrument opti
que ; certains plus talentueux que d'autres n'en usaient qu'avec austrit : leur
univers n'tait p as tellement com pos d e ce qu'ils voyaient que de ce qu'ils vou
laient nous faire voir. Ils avaient entran'leur cam ra combattre la tentation de
la pure et sim ple imitation qui conduit l'im passe de la reproduction. La p lein e
similitude, quoi qu'elle vaille, est un dangereux adversaire de l'art.
A son entre dans notre cercle intime, le microphone veilla tout notre in t
rt, com m e l'aurait fait un haricot sauteur m exicain . Il se prsentait sous la
forme d'un petit canon noir tenu par un technicien qui s'agitait de son m ieux pour
chapper l' il de la camra. Chaque fois qu'il bougeait, il faisait du bruit ; ch a
que fois que n'importe qui bougeait, cela faisait du bruit. On prta plus d'attention
aux planchers grinants qu'aux scnarios grinants et, d s qu'un assistant ternuait
ou toussait, on le priait soit de surveiller son nez et sa gorge, soit d e partir. Un
avion au loin terrorisait le plateau comme pendant un raid arien. Et, pour un
bon bout de temps, on oublia la camra.
Les ingnieurs se servaient d e l'instrument acoutisque avec le souci d e
reproduire fidlement ce que l'on entendait, sans tenir compte du moindre conseil
d e profane. La voix hum aine o u v r san s doute des perspectives sur les qualits
et le s dfauts d'un homme, m ais une b elle voix n'est pas toujours l'apanage d'un
corps harmonieux. En outre, elle doit porter l'empreinte d'une grande exprience
intime. Cependant, la cam ra, du fait de ses ambitions, avait cr une n ouvelle
Tour de Babel a vec les acteurs rassem bls devant elle. Il n'y avait pas deux
voix assorties en accent ou en intelligence, encore m oins en beaut.
Personnellement, d'tre p lac devant ce nouveau problme m e laissa perplexe.
Me rservant jusqu' ce que le microphone soit aussi bien contrl que la cam ra,
j'essayais de ne faire du dialogue et de la m usique qu'un contrepoint ou un
complment au travail d e la cam ra, vitant que le son et l'im age rem plissent la
m m e fonction m ais cherchant au contraire provoquer des associations d 'id es
propres donner une dimension supplm entaire ce dont chacun de ces instru
m ents tait capable seul. Si m alheureusem ent m es efforts aboutirent plus souvent
un rsultat artificiel plutt qu'artistique, je n'en persistai pas moins tenter
de faire de la parole hum aine un schm a acoustique, considrant tout son com m e
venant d'une source inanim e et chappant aux lois m usicales.
La voix profane d'un acteur m oyen peut nuire, nuit en ' fait, la vision d e
l'auteur, pour peu que son physique ne s'en soit pas dj charg. Le problm e
de la voix humaine est entirement diffrent l'cran et la scne : au cinm a,
le public ne peut voir le propritaire de cette voix que par l'intermdiaire d e l' il
d e la camra, tandis qu'au thtre l'acteur garde le m asque qu'il porte lorsqu'il
quitte sa loge.
M me la scne la voix hum aine peut tre un danger. Une clbre anecdote
raconte qu'un critique sortit furieux d'un thtre la fin du premier acte ; le
rgisseur courut aprs lui et lui dem anda s'il n'avait p as bien entendu, quoi le
critique rpondit, une flamme de colre dans le s yeux : Voil bien Je dram e !
J'entendais chaque m ot /
Le problme du microphone continue retenir l'attention de l'artiste. Ce fut rela
tivement facile d'habituer tout d e suite le public apprcier la m tam orphose du
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rugissement d'un train ou du son d'une bataille ou d'un bruit sem blable en une
phrase m usicale vidente, m ais il faudra p ins de temps pour rsoudre le problme
de la voix humaine.
Intrinsquement, a vec la cam ra son, du fait presque de sa conception, distor
sion m canique et perception artistique taient possibles. Le systm e actuel du
m ixage, efficace bien que compliqu, d p asse dj de beaucoup les m oyens de tout
technicien s'en chargeant aujourd'hui. J'ai parfois fondu ensem ble une douzaine de
pistes sonores diffrentes, diminuant ou augmentant volont le niveau de chacune
d'elles. Mme dans le pire d es films, on a dsorm ais adopt ce que j'inventai tout
au dbut du parlant : mettre sur le v isa g e de celui qui coute la voix de celui
qui parle, faire entrer dans une pice le monde extrieur, modifier suivant l'intention
l'intensit d'un bruit d e pas (alors qu'aujourd'hui encore le dcorateur peindra du
bois en imitation marbre, oubliant que le son photographie aussi), se servir d'une
conversation ou d'un clat de rire lointains com m e faisant partie d'une trame sonore
au lieu de laisser l'acteur faire un solo dans un m onde vide, dramatiser l'espace
par l'cho, la rsonance (Oscar pour m es techniciens qui protestent par crit
contre ce seul em ploi possible du son), et une douzaine dautres choses, a b c de la
technique sans lequel le son serait sans intrt.
Mais le son, quoique important et plein de possibilits, ne jouera jamais qu'un
rle de complment la vue, la cam ra ayant assez prouv par elle-m m e qu'elle
tait un instrument diabolique transmettant les ides la vitesse de la lumire.
Par cette sorte de curieuse facult inhrente d e raboter toutes lignes puis de les
rendre instantanment saillantes et perceptibles, elle a atteint une proprit
anatomique, analysant chaque traction d e seconde d e mouvement. Elle dvoile
l'imbcillit sans la moindre hsitation et offre notre mpris aussi bien celui qui
s'en sert m al que le m auvais traitement du sujet.
.
Les an nes et, plus encore, le s cam ras d'actualits se sont charges de rv
ler la stupidit d es hom m es publics clbres ou bien ont tant accabl ces m au
vais sujets que d es clats de rire saluaient les apparitions d'un personnage
dont un discours transmis par le seul microphone, ou par la radio, arrivait nous
impressionner. (Winston Churchill devait aux cam ras d'actualits d'tre devenu un
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clown. J'tais assis prs d e lui le soir o Edouard VIII abdiqua pour faire rfl
chir l'Angleterre et, tandis q u e tous attendaient qu e Churchill exprimt son opinion
sur l'affaire, il appela le garon et dit : Ce caf n'est pas digne d'un tel repas. )
La cam ra, abandonne elle-mme, est un instrument incisif, un bistouri d es
tructeur, et les hom m es qui s'en servirent consacrrent beaucoup de leur tem ps
et d e leurs efforts m ousser le s cruelles artes du petit m orceau de verre par
lequel notre travail est canalis.
On a com par tort l'art cinmatographique et l'art pictural : la peinture n'est
p as la consquence d'un effet soudain et ne s'vanouit pas avant d'avoir pu tre
a n alyse de prs et tudie tout loisir. En outre, un tableau reste im mobile, tandis
qu'un film contient en m oyenne d e trois cents mille, plans pris sous d es a n g les
diffrents, com poss leur tour d e m illiers d'im ages fuyantes auxquelles il faut
im poser une continuit un point de vue tandis que le peintre construit son
tableau a v ec son unique im age, pour qu'il rsiste l'exam en critique d es sicles.
Un peintre, com m e n'importe qui d'autre, a le droit d e discuter de la valeur
d'un film ; m ais sa collaboration un film peut tre totalement in efficace s'il n'a
p as une connaissance approfondie de la photographie. Des peintres dous se sont
aventurs dans notre profession pour sJy rvler moins capables qu'un artiste
m oins dou ayant un solide b a g a g e cinmatographique. Au Japon, Foujita m e m on
tra un film qu'il avait ralis pour son gouvernement et, bien qu'il soit un peintre
habile, ses im ages sur l'cran taient celles d'un dbutant.
Afin de tirer parti d e tout, l'artiste doit faire se mouvoir homm es, fem m es et
autres matriaux a vec la grce et l'efficacit de sa vision, les faire parler sur la
m lodie qu'il com pose. Qu'il en soit capable ou non, c'est aux autres d'en dcider.
M ais personne n'a le droit de dcider des principes de l'art. Il y a longtem ps qu'ils
sont dtermins.
Les points cardinaux de la photographie sont identiques ceux d e la
peinture : ce sont le matriel, le sujet, la composition, la lumire et le plus v i
dent de tous le point de vue. Le principe radical en est le mouvement.
En ce qui concerne le matriel, la photographie a sur la cinm atographe un
norme avantage qui cessera un jour : ce sont les m ultiples possibilits dans
le traitement de l'preuve photographique. Le choix du grain ou du contraste du
papier, la manipulation du ngatif, l'agrandissement d'un dtail intressant peuvent
sauver et donner une certaine valeur une photo qui serait autrement sans int
rt. Bnficier de telles possibilits dans notre mtier n'est qu'une question d e
temps.
Le sujet quel qu'il soit, fleuve, ciel, p aysage, rue, m achine ou v isa g e, tre
anim ou nature morte, doit tre regard d'un il impartial pour reflter se s
valeurs intimes et la valeur d e l'artiste. Il faut s'emparer de celles-ci, les m ain
tenir sans dfaillance leur plus haut niveau, et la t ch e.d e l'artiste est non seu
lement de saisir l'im age l'instant de s a grce la plus sublim e m ais d e russir
animer le sujet ; s'il s'agit d'un tre humain, ce n'est p as ais. S'il est relative
ment facile d'inspirer une chaleur m omentane, il est incroyablem ent difficile d e
maintenir cette chaleur d e bout en bout pour l'acteur com m e pour l'artiste.
Le film s'est intress essentiellem ent l'tre humain et a tent de prouver,
non sans justesse, qu'il est le rceptacle de tout ce qui peut nous mouvoir. La
cam ra procda l'exploration sous tous le s angles d e la forme hum aine jusqu'
ce qu'elle se concentre sur son visage.
Le visa g e est en lui-mme un m asque inspirateur, quand on n e le maltraite pas;
tout notre p a ss et nos anctres ont laiss leur marque sur lui suivant d es rseaux
d e lignes toujours changeants si bien que, comme pour nos em preintes d igitales,
il n'y en a p as deux sem blables. Certains peintres n'ont peint que le v isa g e d e
l'homme et, com m e Yawlensky, l'ont finalement ramen un sim ple sch m a n e
variant que par leurs lignes et couleurs lmentaires.
.
28
Lartiste a une grande dette envers le visa g e de l'homme et s'il n'arrive pas
mettre en valeur sa dignit naturelle, il devrait au m oins tenter d e dissimuler sa
superficialit et 'sa btise ; il se peut d'ailleurs qu'aucun homme sur cette terre
n e soit bte ou superficiel m ais ne donne l'impression de l'tre que parce guJil n'est
pas son aise, n'ayant p as trouv ce coin de son univers o il se sentirait bien.
Etant monstrueusement agrandi sur l'cran, un v isa g e doit tre trait cormrle
un paysage, avec son relief de lumire et ses dpressions entnbres, On doit le
regarder comme si les yeux taient d es lacs, le nez une m ontagne, les joues deux
prairies, la bouche un cham p de fleurs, le front un ciel et les cheveux des nuages.
Comme poux un p a y sa g e rel, on doit en modifier les teintes par l'emploi simultan
de la lumire et d es filtres, en se mfiant de ce qui risque d'absorber trop de
lumire. De m m e que je saupoudre d'aluminium les feu illages des arbres pour
donner vie leur som bre verdure, de m m e que l'on filtre le ciel pour attnuer sa
blancheur, de m m e que l'on pointe la cam ra pour saisir un reflet sur un lac,
dans un visage il faut soigner les lm ents de son clair-obscur. La peau doit refl
ter et non brouiller la lumire, et la lumire doit caresser et non aplatir ce qu'elle
frappe.
S'il est im possible d e ressusciter la noblesse du v isa g e d'un sujet en mettant
deux ombres profondes dans se s yeux, m ieux vaut le laisser dans une obscurit
charitable et, dans la gam m e photographique, choisir d e ne faire de ce visa g e ni
plus ni m oins qu'une silhouette mobile.
:------ 1
Quand on photographie un visage, tout c e qui est visible dans le cadrage
compte beaucoup quant au rsultat final. Quand j'claire un visage, je com m ence
par clairer l'arrire-plan et, l'intrieur de mon cadre, j'organise les valeurs de
faon ce qu'elles convergent vers le visage. Pour un personnage, c'est aussi cette
mthode qu'il faut em ployer : sa marche, son dplacem ent dans l'esp ace doivent
se faire en plein accord a v ec la lumire.
29
M ais par dessus tout, le plus grand art dans la cinm atographie est de savoir
donner vie l'esp ace mort sparant l'objectif du sujet. Fume, pluie, n eige, brouil
lard, poussire ou bue dramatisent cet espace mort, de m m e que le s m ouvem ents
d'appareil. La cam ra peut avancer ou reculer en harm onie ou l'encontre de
l'action qu'elle enregistre, elle peut tre et chaque seconde source d'une progression
picturale riche et mthodique. (Cela ne veut pas dire qu'il faut faire d es m ouvem ents
30
pour l'amour d es mouvements, faute que l'on remarque souvent chez ceux qui vien
nent du thtre et qu'excite la dcouverte dans notre profession d'un m oyen de
donner le vertige aux spectateurs; Un mouvement de cam ra n e doit tre dcid qu'en
accord avec la conception rythmique de l' uvre entire). La cam ra peut faire na
tre, en vertu de son mouvement, une force dynam ique qui haussera un film parfait
l'ultime chelon, le lavant enfin de cette honte qui trop souvent prsent est la
sienne : n'tre qu'un auxiliaire d es autres arts dont on pourrait se servir plus intelli=gemment.
Serais-je charg d'apprendre d es lves comment manier une camra, mon
premier cours serait soit de projeter un film l'envers, soit de le passer autant de
fois que ncessaire pour que les acteurs et l'histoire fassent biller m es tudiants, au
ca s o ils n'auraient p as b ill d s la premire vision. Il est trs difficile d'liminer
les facteurs ne contribuant p as l'tude de la cam ra puisqu'un il non exerc
risque de confondre le s m otifs d'chec ou de russite de la cam ra. (Note pour le s
Universits d e l'avenir : la cam ra enregistre toutes russites et checs, m ais sans
les reproduire tous).
Il faut galem ent tudier la vitesse laquelle l il peut saisir une information
visuelle. Les effets spcifiques de la cam ra cinm atographique doivent tre dompts.
Alors qu'un mouvement lent de l'acteur peut veiller le plus grand intrt' chez le
spectateur, un mouvement rapide peut sem bler interminablement ennuyeux. Aucune
limite ne circonscrit les vertus artistiques de la cam ra cinmatographique ; s'il y en
a, ces limites sont celles m m es d e l' il humain.
Le plus grand avoir du cinmatographe -unique et sublim e est le m ouve
ment, non seulement extrieurement visible, m ais intrieurement cach et ressenti ; et
pour se rendre matre d es lois du mouvement, il faut d'abord parvenir dompter
pause et rythme. En d'autres termes : les lois de l'art... et son anarchie, aussi.
lo se f von STERNBERG.
(Traduit de l'anglais par Charles Bitsch. Reproduit avec les autorisations de S i g h t a n d
et de Josef von Sternberg),
*
P.S. Nous rappelons nos lecteurs quune filmographie de Josef von Sternberg a t
publie dans le numro 6 des C a h i e r s d u C i n m a .
Sound
31
MOB Y D I C K
EN A V A N T - P R E M I R E
par
H e rm a n G. W e in b e r g
Ernest Hem ingway, lorsquil se vit dcerner l Prix Nobel de Littrature en 1954, dclara
dans son discours de remerciement : * Pour un vritable crivain, chaque livre devrait tre un
nouveau dbut, un nouvel essai vers quelque chose qui est au-del du talent. Il devrait toujours
tenter quelque chose qui n'a jamais t /ait ou que d'autres ont tent et rat. Alors, parfois,
avec de la chance ,i 1 russira... C'est parce que nous avons eu de si grands auteurs par le p ass
qu'un crivain doit s'aventurer au-del d'o il peut aller, v ers un domaine o personne ne peut
i'aider.
Ce qu'Hemingway disait des crivains s'applique aussi bien aux metteurs en scne d'aujour
d'hui, mme si peu d'entre eux osent aller * vers un domaine o personne ne peut les aider .
John Huston l'osa, lorsqu'il entreprit de filmer M oby Dick, d'aprs le roman apocalyptique sur
111077501, Dieu el Je Mal d*Herman Melville, crit il y a plus d'un sicle. Dj fait (le muet The
Sea BeasU et refait (le sonore Moby Dick), chaque fois avec lohn Barrymore dans le rle du
Capitaine Ahab, cette nouvelle version est de loin suprieure, bien qu'en fin de compte e lle ne
russisse pas rendre pleinement le paroxysme dionysiaque, le mysticisme la William Blake
d'un conte qui pourrait bien tre tir du liv r e de Job, qui est une plainte, biblique en s a fureur,
un itinraire infernal au mme titre que l'Enfer, de Dante. Huston a probablement transpos
l'cran, mieux que n'importe qui d'autre, un livre, en dernier ressort, infilraable.
Lorsqu'il ne v a pas * vers un domaine o personne ne peut l'aider , comme dans le cas
du Faucon Maltais, de Quand la Ville dort ou du Trsor de la Sierra Madr, nous le savons
capable de raliser des uvres parfaites. En filmant M oby Dick, il tait seul, comme furent
seuls Stroheim, Dreyer, Griffith et Eisenstein quand ils ilrent l e s (Rapaces, La Passion d e Jeanne
d'Arc, N aissance d'une Nation et le Potemkine. Griffith fut peut-tre le plus seu l de tous, ca r.en
1915, quand il tournait Naissance d'une Nation, il n'y avait pratiquement rien derrire lui dont
il puisse s'inspirer ; il devait mme crer un langage cinmatographique pour faire s'expri
mer s a camra.
C'est donc parce que nous avons eu galem ent de si grands auteurs d e film par le p ass
que l'auteur de film contemporain (je veux parler, bien sr, de ceux, peu nombreux, dont l'int
grit-artistique rduit les compromissions avec les * ncessits commerciales au strict minimum
ncessaire la poursuite de leur carrire dans cet art soumis aux ukases d e s financiers) doit
s'aventurer < vers un domaine o personne ne peut l'aider . Les films de W elles, Fivre sur
.A n a fa h a n de Sternberg, Le Journal d'un Cur de Campagne de Bresson, La Stzada de Fel
lini, Monsieur Verdoux de Chaplin, sont parmi les rcents exem ples d'uvres individuelles
ralises dans la communion solitaire de l'artiste avec son inspiration, sans concessions au
producteur ni au public.
.
La vritable uvre d'art ne doit pas aller au-devant du public, ce sont le s connaisseurs
qui doivent aller au-devant d'elle ; elle existe comme un ouvrage d e la nature, qu'il s'agisse
32
d'un acajou gant de Californie, d'un a igle survolant les Andes ou de l'Everest dans la chane
de l'Himalaya, comme une chose unique, que vous pouvez aimer ou non, m ais qui reste abso
lument indiffrente au fait de vous plaire ou de vous dplaire. Le dfaut du M oby Dick d'Huston
est que, par force, il doit plaire, l'inverse du Moby Dick de Melville, des Rapaces, du /ournaj
d'un. Cux de Campagne ou de Monsieur Verdoux. C'est l'uvre d'un artisan talentueux mais
ingal, d'une honntet certaine mais priv d'inspiration divine, si divine convient propos
de ce livre dmoniaque.
On raconte que les enfants de Florence prenai { la fuite, effrays la vue du visage marqu
de Dante, quand il se promenait par les rues a e cette cit. Examinez le visage de Melville
dans ses derniers portraits, ou ceux de Stroheim, Chaplin et Bresson aujourd'hui, ou ceux de
Fritz Kreisler, Celine et Poudovkue, ou les dernires photographies d'Albert Einstein, ou les
portraits de Van Gogh peints par lui-mme (ne parlons mme pas de Dostoevsky et de
Jonathan Swift), dans ces visages extraordinaires s'exprime toute la condition humaine . Le
visage de John Huston sem ble avoir le regard diabolique qui lui aurait permit d'interprler
lui-mme le rle du Capitaine Ahab... intelligent et implacable, riv sur de lointains horizons.
Mais il manque de passion et, surtout, de compassion.
En rponse ces critiques amricains qui baptisent Moby Dick l'un des plus grands {ou le
plus grand) films amricains, je rappellerai la rplique d'Andr Gide alors qu'on lui demandait
qui, son avis, tait le plus grand pote franais : * Victor Hugo, hJas J De mme on
devrait rpondre lorsqu'on vous demande qui, selon l'opinion la plus rpandue ici, est le plus
grand meiteur en scne amricain : * John Huston, hias !
Herman G. WEINBERG.
LE
PETIT
PAR
JOURNAL
DU
CINMA
J. D O M A R C H I, A.S. L ABARTHE, R. L A C H E N A Y ET A . M A R T I N
R E T R O S P E C T I V E B U N U E L A L A CI
NEMATHEQUE
F R A N A IS E .
O u tre
c e lu i d e p e r m e ttr e la c o n fr o n ta tio n d e so n
d e r n ie r film a v e c s e s p r in c ip a le s u v r e s a n t
r ie u r es, l in trt d e c e t te r t r o s p e c tiv e B u n u e l
a r s id d a n s la p r se n ta tio n d e t io i s f ilm s
in d its e n F r a n c e q u i, d e s titre s d iv e r s,
n e la is se n t p a s d ' tr e fort cla ira n ts su r le
m tie r e t le g n ie p a rticu lier d e le u r a u teu r.
L e s H a u t s de H u r l e v e n t (1952). . T r o i s
b o b i n e s s e u le m e n t n o u s o n t t p r o je t e s,
m a is q u e ll e s b o b in e s
! L e sp rit r o m a n t iq u e
le p lu s d b r id e m p o r te le s im a g e s q u i s e n
fla m m e n t alors c o m m e le s p a g e s d u n livre
m a u d it. L a m u s iq u e d e W a g n e r s a f f o le a v e c
le v e n t, le d c o r jo u e a v e c le s p e r s o n n a g e s ;
v r a im e n t, ic i, ce le- dram e universel et le
drame h u m a in tendent sgale r (R ev er-
A r c h i b a l d d e la C r u z e s t - i l , a u f o n d , m o i n ;
i n q u i t a n t q u e Fra ncisco, le h r o s d e 1 ?
(Dlia G arces e t A r t u r o d e C o rd o va d a n s
El d e Luis B u n u e l)
34
L E S J O U R N E E S D U C IN E M A d e B our
g e s v ie n n e n t d e s e te r m in e r . Il fa u t se
tro u ver d a n s le s s a lle s d e c in m a d e la v il
l e (u n e d if f r e n t e c h a q u e soir) o u I a prsm id i l E x p o s itio n pou r c o m p r e n d r e l e pari
p u is a n t m a is u tile d e s o r g a n is a te u r s, q u i,
d e v ille e n v ille , travers la F r a n c e , p r
p a r e n t c h a q u e fo is, 1 in te n tio n d e s h a b i
ta n ts, u n p e tit F e s tiv a l o r ig in a l, c o n d e n s
et com p os.
O p p o s e r a in si au c in m a co u ran t l e s u
v r es le s p lu s extra o rd in a ir e s, n o n s e u le m e n t
e x c ite l intrt d e s a m a te u r s d if f ic ile s , m a is
p e u t a u s si p r o v o q u e r d e s ra ction s v i o l e n
te s , n o n m o in s a v a n t a g e u s e s p a rm i les a m a
teu rs d e m d io c r it s a n s c o n traste. L a s e u le
c h o s e c ra in d r e est l'in d iff r e n c e e t l e n v o l
v e rs la l th a r g ie d e s im a g e s p a rla n tes d o
m ic ile q u i a c h v e r o n t p a r fa it e m e n t c e q u e
le c in m a q u e lc o n q u e a va it c o m m e n c .
A
l o c c a s io n
des
p r e m i r e s e n F r a n c e q u i
m e m p r e s s e
de
r d ig e r
B o u r g e s . A u F e s tiv a l d e C a n n e s , p e u d e
c o m m e n t a ir e s a c c o m p a g n r e n t la p r o je c tio n
d e c ette oeuvre q u i c o n fir m a it le ta len t a n
n o n c par le s d e u x p r e m i r e s u v r e s d e ce
j e u n e ra lisa teu r: Cellulose et 5 o u s VEtoile
Phrygiene. L a m is e e n s c n e v ig o u r e u s e d e
L Om bre s a p p u ie sur u n c u r ie u x s c n a r io
d e S c ib o r R y ls k , a p p a r e m m e n t nchronolog iq u e , m a is q u i est, e n ra lit , c o m p o s d e
trois rcits c o n v e r g e n t s , tou s r ela tifs et q u i
b o u c le n t d a n s le s tr e n te d e r n i r es s e
c o n d e s a v e c u n brio s tu p fia n t. L e s d m o
c ra ties p o p u la ir e s n e n o u s o n t p a s h a b itu s
u n e te lle a g ilit . E t c e p a s s io n n a n t com ic fait d a v a n ta g e p e n s e r Fritz L a n g
ou
H it c h c o c k
q u
A le x a n d r e
Ford
ou
T c h ia o u r e llt. A c e l a p r s q u u n e s o u r d e et
a u t h e n tiq u e v io le n c e p o li t iq u e v a lo r ise cer
tain s p is o d e s a v e n tu r e u x , leur d o n n a n t u n e
force qu e
le s
in c id e n ts d e
fro n tires et
d a m b a s s a d e s
n o n t p a s c h e z
H it c h .
La
p o u r s u ite fin a le , q u i s e d r o u le d a n s le c o u
loir d 'u n tran e n m a r c h e , d e v a n t d e s f e
n tr e s sa n s tr a n sp a r e n c e s , p ar sa p e r fe c
tion et s o n e ffic a c it fa it p e n s e r a u x m a tre s
d u genre. R . L.
U N A M E R I C A I N A P A R I S . C e st a v e c
plaisir et profit q u e n o u s a v o n s p u C la u d e d e
G iv r a y , C h a r le s B itsch e t m o i b a v a r d e r avec
G e n e K e l l y l'is s u e d e la p r se n ta tio n d a n s
le s lo c a u x d e la M .G .M . d'/niJtfaiion la
Danse. C o n v e r sa tio n b to n s r o m p u s d o n t
j e d g a g e , v a ille q u e v a ille , q u e lq u e s p r o
p o s s u s c e p t ib le s d in tr e sse r le s a m a te u r s d e
c o m d ie m u s ic a le .
K e l l y tout d a b o r d n e
croit p a s a u r le d te r m in a n t d e l q u ip e
d a n s l la b o r a tio n d e s f il m s m u s ic a u x ; s il
e x ist e , il n e p e u t tr e q u e s e c o n d a ir e e t c'e st
u n h o m m e q u e r e v ie n t le m r ite d im p o se r
u n e i d e d ir e c tr ice e t d e la ifaire p a s se r d a n s
la r a lisa tio n . L id e d irectrice est d a b o r d cho
rgraphique e t il reste e n s u ite lu i d o n n e r u n e
s o lu tio n c in m a to g r a p h iq u e .
K e l l y a u n e p r d ile c tio n m a r q u e p ou r O n
ihe Totn { p a r c e q u e c e sf m o n p r e m ie r -n )
q u i in tr o d u is a it d a n s la c o m d ie m u s ic a le d e s
in n o v a tio n s s u ffis a m m e n t p r o b a n te s p o u r q u e
le shou) business s 'e n e m p a r t et le s ft passer
au th tr e , m a is il n e fa it a u c u n e d iffic u lt
po u r r ec o n n a tr e q u e Singin m the Rain est
p e u t- tr e p lu s r u ssi. Q u a n d on l in ter r o g e sur
la part d e S t a n le y D o n e n d a n s c es film s, il
n o u s dit q u ils tr a v a illa ie n t e n tr o ite c o lla b o
ration : c o n n a is s a n t D o n e n d e p u is d e n o m
breuses
annes,
K e lly
l a
fo r m
autant
c o m m e c h o r g r a p h e q u e c o m m e m e tteu r e n
s c n e ( et s aujourd'hui je refaisais un
il
est
am en
dgager
l o r ig in a lit
35
LE
D E SSIN
DU
M O IS
su rvivre q u e s i e lle r e s te f i d l e se s o r ig in e s
( je suis n Pittsburgh, une ville d'usines,
et je dois m e n s o u e n fr ).
/
N o t r e ex ceffen t c o n f r re Le T e c h n ic ie n d u
Film p u b lie , d a n s son d e r n ie r n u m r o , le
d e ssin c i - d e s s u s a v e c c e t t e l g en d e ; Un
cro q uis d u m e t t e u r e n s c n e Gilles G rang ier
au
travail,
s e m b la i t
vu
par
bien e n
A.
H in sk is
Il
n ous
K e l l y s est e x p r im , d u r a n t t o u t e la d is c u s
s io n , s o u v e n t a n im e , d a n s u n fr a n a is c h ar
m a n t, p le in d in v e n t io n s . II est to u t p a r e il
se s film s, ir o n iq u e e t c h a r m e u r , e t c est a v e c
regret q u e n o u s n o u s s p a r o n s u n e h e u r e
a v a n c e d e la n u it. J. D .
e f f e t q u 'i l y e u t q u e l q u e
ch o s e d im p r c is e t d i n a c h e v d an s l u v r e
d e ce c i n a s t e .
36
Il v ie n t d e te r m in e r e n F r a n c e u n e c o m
d i e n o n m u s ic a le , H ap p y R oa d (s c est un
c h a lle n g e ,
la p r e m i r e c o m d i e vraiment
franco-amricaine ) . S e s p rojets ? II a im e r a it
faire u n e a utre c o m d i e d a n s l e g e n r e d e
H ap p y Road, s il tr o u v e Un b o n s c n a r io .
E n s u ite , u n film m u s ic a l c o m m e Invitation
la D a n s e , m a is o le s trois o u q u a tr e g r a n d s
b a llets s e r a ie n t s p a r s p ar d e s n u m r o s p lu s
courts, d e q u e lq u e s m in u t e s . P l u s tard, e n f i n ,
so n r v e , u n e c o m d ie - b a l le t b a s e sur u n a r g u
m e n t u n iq u e . Invitation Ja Danse e st d o n c ,
si l o n v e u t, u n e e s q u is s e d e c e -lu e s er a la
v e r s io n d fin itiv e d u film ballet moderne. E s
q u is s e c o te u s e d a ille u r s si l o n s o n g e q u il
a fa llu d e u x a n s d e ffo r ts p o u r la s q u e n c e
d e d e s s in a n im (d o n t le s d a n s e s a v a ie n t t
fil m e s e n trois jours) e t q u e le s te c h n ic ie n s
on t, m a lg r tout, e u d e s s u r p r is e s d s a g r a b le s
q u a n t a u x c o u le u r s .
R O L A N D T U A L . A p r s u n e lo n g u e
m a la d ie R o la n d T u a i n o u s a q u itt . N !e
10 d c e m b r e 1904 Q u im p e r , K o la n d T u a i
d o n t o n r etro u v e la s ig n a tu r e a u b a s d e s
m a n ife s t e s d u s u r r a lis m e d e la b e l l e p o
q u e , fu t jo u rn a liste e t m m e a c te u r (D o n
Juan et Faust, 1922) a v a n t d e s e c o n s a c r e r
la p r o d u ctio n . S o n n o m reste a tt a c h d e
n o m b r e u x film s d o n t Drle de Drame, M ollenard, E sp o ir , L a Bte Humaine, L a Loi
I n g r i d B e r g m a n e t J e a n M a r a i s d a n s Elena et les H o m m e s d e J e a n
R e n o ir .
37
(1) Rien de moins manichen que le monde de Renoir. Le nombre trois y rgne
comme en l'opra maonnique de Mozart, dont Hegel admirait si fort le livret. Loin de
tendre au renoncement, lauteur du Fleuve cherche une conciliation. Cest pourquoi il y a
toujours dans ses uvres un vnement, un personnage m diateu r. Mdiation toute provi
soire et qui se place aussi bien sous le signe du spiritualisme chrtien (The Southerner,
O rvet) que de la religion de Messer Gaster ou celle des messes noires. Mais coutez la chan
son de Grco...
.
38
39
40
Doris Day et James Stewart dans T h e Mati IVho Kneiv Too Much
de Alfred Hitchcock.
41
Yon ville-en-Kansas
PICNIC, film amricain en CinemaScope et en Technicolor de J o s h u a L o g a n .
Adaptation et dialogues : Daniel Taradash, daprs la pice de William Inge.
Images : James Wong Howe. Musique : George Dunning. Montage : Charles
Nelson et William A. Lyon. Dcors : Robert Priestley. Interprtation : William
Holden, Kim Novak, Rosalind Russel, Betty Field, Susan Strasberg, Cliff Robertson, Arthur OConnell, Verna Felton. Production : Fred Kohlmar. Distribution :
Columbia Films S.A., 1955.
Il y a mille faons de devenir met
teur en scne. Mais les accs les pls
pratiqus en Amrique sont le scnario
et le thtre. Bien que Broadway et
Hollywood se regardent avec toute la
mfiance quautorisent les quarantecinq degrs de longitude qui les spa
rent, nombreux sont ceux qui, ces der
nires annes, ont fait le saut des plan
ches newyorkaises jusqua u x . plateaux
californiens.
.
Lhistoire de Joshua Logan est mme
exemplaire. Ayant, il y a une quinzaine
dannes, tt sans succs de la pelli
cule, il se console de cet chec en mon
tan t des pices et sa gloire dhomme
de thtre lui ouvre nouveau des
portes quil avait pu croire jamais
fermes. Pour le moment, plus timide
que Kazan ou Aldrich, il a pour pre
mier souci de m ettre en bobines ses
succs de la scne, mais son uvre
n en est pas pour autant du thtre
film . A Broadway dj il traitait ses
livrets avec la mme audace que jadis
42
43
44
Marilyn Monroe, Don Mur ray et Arthur O ConnelI d;ms Bus Stop
de Joshua Logan.
45
46
47
La fiance retrouve
KORHINTA (UN PETIT CARROUSEL DE FETE), film hongrois de Z o l t a n
Scnario : Zoltan Fabri et Laszlo Nadasi. images ; Barnabas Hegyi.
Musique : Gyorgy Ranki. Dcors : Zoltan Fabri. Montage : Maria Scecsenyi.
Interprtation : Bela Barsi, Manui Kiss, Mari Torocsik, Imre Sos, Adam Szirtes.
Production : Entreprise Nationale Hongroise de Production. Distribution : Les
Films Marceau, 1956.
F a b ri..
M ari T o r o c sik d a n s
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4
50
Le G. I. inconnu
ATTACK (ATTAQUE), i i l m amricain de R o b e r t A l d r ic h . Scnario : James
Poe, daprs la pice Fragile Fox de Norman Brooks. Images : Joseph Biroc..
Musique : Frank Devol. Montage : Michaei Luciano. Interprtation : Jack
Palance, Eddie Albert, Lee Marvin, Robert Strauss, Richard Jaeckel, Buddy Ebsen,
William Smithers, Jon Shepodd, Jimmy Goodwin, Steven Geray, Peter van Eyck,
Louis Mercier, Strother Martin. Production : The Associates and Aldrich. Dis
tribution : Les Artistes Associs, 1956.
Dans son interview par Franois
Truffaut, Aldrich dclare que Le Grand
Couteau lui cote pour linstant
soixante millions, ce qui prouve que
le modle gant n est pas toujours
plus conomique. Compte tenu que lex
ploitation du film n est pas encore
termine, ce dficit finira certaine
ment par se rsorber. Fort heureu
sement pour Bob le Brleur dta
pes, et aussi pour ses mystrieux As
sociates, si Attack ne sannonce pas
comme lun des deux ou trois grands
succs financiers ncessaires la
ralisation des scnarios chris dAldrich, il n en demeure pas moins
quil attire un public beaucoup plus
nombreux. Probablement parce quil
y a plus danciens combattants que
de vedettes de cinma.
Et pourtant ceux qui firent la
dernire t> ne sortent pas tellement
contents : Je me souviens Sedan.,,
dans un trou, sous une tle... et les
clats dobus qui pleuvaient autour
de moi. Croyez-moi, j tais dans
la 2* D.B... jamais les Amricains
n'avanaient dun centimtre sans se
faire couvrir par laviation. Ici en
effet, pas le moindre duel dartille
rie, pas un seul vrombissement dans
le ciel. Faut-il en tenir rigueur Al
drich ? Je ne le pense pas : priv du
concours de l'arme, force lui tait
de se rabattre sur le seul matriel
humain. On peut par contre louer
une fois de plus son ingniosit : il
a choisi de faire sa guerre trop
calme , comme le remarque CostaJack Palance, en voquant une rpli
que de western; le fracas du combat
nest plus ponctu de silences, mais
cest le silence que vient parfois trou
bler une rafale de mitrailleuse ou
lclatement dun obus. Ingniosit qui
devient confondante lorsqu'on voit le
film dans loptique des deux chars
achets doccasion, la tourelle flan
que de ltoile blanche dun ct, de
la croix noire de lautre. Cette styli
sation pousse jusque dans ses der
niers retranchements fait quAttacJc
51
Le chiffre deux
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n'en avez pas la possibilit, donc le leur union est leur seule chance de
droit ; les gouvernants de Cuchazo survie : ce n'est qu'une plaisanterie,
sont la fois des dictateurs et des le massacre final et les dissensions
faibles, des assassins et des lches, et aprs la dcouverte de lavion, en sont
n ont-is pas raison d'interdire toute la preuve. Mais pourquoi Chark re
prospection prive ? La prospection vient-il sur ses pas pour apporter de
tatise ferait la fortune des indignes, quoi manger ses compagnons affa
plus estimables que ces arrivistes qui ms ? Il aurait pu les laisser pour
n ont d'autre ambition que de sen toujours sans que cela lui en cote.
m ettre plein les poches avant de
Linsolite nest quune forme subtile
repartir chez eux. Quelle scne ton
nante que celle o le peloton des de lambigut, tous deux sont les pro
tirailleurs charge linoffensive masse longements dune mme origine, les
des pleutres ouvriers et se dplace composants de l'univers bunuelien :
pour laisser passer le plus dangereux l'homme ne peut connatre la vrit
de ses ennemis, Chark ! Castin, ce m car elle dpasse toujours son enten
diocre, pris d'une putain et qui passe dement. Lambigut, la dualit comme
tout son temps lglise n a rien linsolite, l'extraordinaire sont par d
envier en complexit ses compa finition ce que nous subissons sans
gnons, Djinn ou Tito Jonco, amateurs parvenir lexpliquer. Le surralisme
de double-jeu ; quant au padre Fer- n a fait que s'ajouter aux influences
nandez, son personnage voque moins bourgeoises et jsuites qui marqurent
Breton, Sade, Artaud... ou Claudel que les jeunes annes de Bunuel, il a attir
Bernanos. Cet espagnol qui passa dix son attention sur les choses de ce
ans de sa vie chez les Jsuites est pro monde qui dpassaient les limites du
fondment attentif au fait religieux, rationnel, jusqu le pousser conclure
mais il n'admet pas lide d'une Pro quil n en est pas dautres. Cette atti
vidence. Notre cur, chaque fois qu'il tude desthte devient chez Bunuel et
se met prdire l'avenir ou donner chez lui seul, une vision du monde, en
sa parole, se trouve tre dmenti par tous points adapte la ralit qui la
les faits. Mais Bunuel .se plat surtout justifie : Les Hurdes est lexemple le
nous montrer lincompatibilit entre plus typique de ce no-ralisme sur
le divin et lhumain. Le premier devoir raliste. Lamour du bizarre nest pas
d'un chrtien est daider ses sembla une attitude esthtique, mais la d
bles et de les sauver de la mort ; marche naturelle la connaissance
comme aucune herbe de la jungle ne du monde et l'apprciation gnreuse
de ce quil contient. Je trouve quil
peut brler, le prtre se rsout d
chirer quelques feuillets de son missel, n y a pas de meilleur moyen dexpres
alors que son premier devoir de prtre sion que le cinma pour nous montrer
est de respecter le livre sacr. Le boa une ralit que nous ne touchons pas
ayant t dvor par les fourmis, il du doigt tous les jours.
remet tranquillement les pages arra
Cet univers na rien de gai ni de
ches leur place. Mais il donne le flatteur. Mais le gessimisme n est pas
ciboire ceux qui ont soif. Le Padre de parti pris, Bunuel aime ses sem
semble agir comme tout bon chrtien blables comme tous les grands ci
devrait le faire mais sa conduite le nastes : son amertume est lie son
met en contradiction avec la thorie impartialit totale qui loblige accep
qu'il professe. Pensez cette scne o ter une ide tragique du monde. A
il essaie de convaincre Castin de se Franois Truffaut qui, trs justement
livrer la police. Castin lui rpond : lui dit : Vous aimez troubler au point
C'est un innocent Qui se livrerait. > que Von pourrait presque vous dire que
Quelques minutes plus tard, il est vous faites des films comme Gide des
oblig de faire croire aux villageois qui livres : pour inquiter, il rpond :
pntrent dans la maison de Djinn Je mefforce de ne rien faire dindigne
que cest lui qui avait recours aux ni de rassurant. Il ne faut pas faire
soins de la prostitue. II aura com
croire aux gens que tout va pour le
pris ce que cest dtre innocent et de mieux dans le meilleur des mondes.
Se faire passer pour coupable s>, lance Il n est pas ncessaire de tout casser
Djinn. Quant au vieux mythe de la et de faire des films subversifs mais
fraternit humaine loin du monde jaimerais mieux Pain, Amour et Fan
social, il se montre encore plus am
taisie avec un peu moins de fantaisie,
bigu : Castin, Djinn, Maria, Chark et un peu moins $optimisme. Le tem
le Padre ne sont unis que parce que prament de Bunuel est marqu par une
53
54
Jacques SICLIER.
(1) Les conditions de travail de Staudte en Allemagne Orientale semblent assez difficiles.
La ralisation de Mre Courage a t interrompue la suite d'un dsaccord avec Bertold
Brecht. Ciske de R a t (1955) production germano-hollandaise, est un film purement commer
cial, sans liaison vritable avec les proccupations habituelles de Staudte.
55
C O T A T IO N S
in u tile d e se d ra n g e r
*
v o ir l a r i g u e u r .
* *
& v o ir
v o ir a b s o l u m e n t
C ase v id e : a b s t e n t i o n .
LE C O N S E I L D E S D I X
T it b k J
des f il m s
Ele na e t les h o m m e s
Les
d ix
Henri
Agel
W V
(J. R e n o i r ) ...............
P o u r le Roi d e P ru s se . (W, S t a u d t e ) . . . .
-k
Un p e t i t C a rr o u se l d e f t e (Z. Fabri)
..
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*
*
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Jean-P ierre
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Erio
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Clau d e
M a u ri a o
P i erre
K ast
D onolV alcroze
Jac q u es
P ierre
Braunkcrger
En e f f e u i l l a n t la M a r g u e r i t e (M . A l i g r e t )
Andr
Bazin
J e a n de
Baroncell]
LH o m m e qu i e n sa v ait t r o p (A. H i t c h -
I n v i ta t io n la d a n s e (G . K e l l y ) ....................
-k
Sachez que :
Alexandre ABtruc, Louis Chauvet, Jean Domarcii, Claude de Givray, Alex Joft, Andr Lang, Louis Marcorelles, Gene Moskowicz,
Alain Rennais, F r a n c e RocHe, Georges Sadoul, Jean-Louis Tallenay et Mario Verdone t o u s recommandent chaudement A t t a q u e , de
Robert Aldrich.
LETTRE
DE NE W
Y OR K
57
sement photographi, fait grande impression sur le public. Malgr les objections du Pentagone;
il a pu tre ralis et je rte demande dans combien, d'autres pays au monde cela aurait pu tre
possible.
STORM CENTER
Et il y a pourtant beaucoup de ligues puissantes aux Etats-Unis, comme la Ligue Catholique
de Dcence qui s'est attaque Storm Cenfer, film traitant de l'interdiction d es livres. Premire
m ise en scne du scnariste Daniel Taradash, Siorm Cenfer montre le s tristes consquences
qu'entran dans une petite ville amricaine l'exclusion de la bibliothque locale d'un livre sur
le Communisme laquelle s'oppose la bibliothcaire qui considre l'interdiction des livres
comme des squelles de l'Hitlrisme, de l'inquisition, etc... La haine et l'hystrie qu'allument
cette petite tincelle sont bien rendues, encore que le stratagme par lequel toute la biblio
thque flambe sem ble avoir t cherch un peu loin, un enfant, troubl par la haine d e s
honntes citoyens envers l'obstine bibliothcaire, allume l'incendie dans une crise de dlire
hystrique. Mais ce n'est pas plus tonnant que ces histoires d'enfants nazis ou communites
dnonant leurs parents souponns de s'carter de la ligne du Parti. Et si le spectacle de
l'autodaf de tous les grands classiques du monde pouvait faire rflchir le public, cette scne
serait en dfinitive la meilleure. Le film se termine lorsque le Conseil Municipal demande la
bibliothcaire de reconstruire s a bibliothque, ce qu'elle accepte de faire en jurant que * Ja
prochaine fois que quelqu'un voudra bannir un livre de cette bibliothque, i] faudra d'abord
gu'il me tue ! Bette Davis interprte la bibliothcaire avec son talent habituel.
La Ligue Catholique de Dcence voudrait elle-mme bannir ce film qu'elle taxe de sp
cieux et de subversif * : nest-ce pas le plus grand compliment qu'on puisse lui faire,
puisque la Ligue publie un Index des films qu'elle interdit et que rgulirement cette liste est
celle des meilleurs films jamais raliss ? Si Siorm Cenfer se trouve dans la prochaine dition,
il y sera en bonne compagnie.
THE KILL1NG. U.F.O. ET LE ROI ET MOI
Je voudrais encore signaler, parmi les productions rcentes un petit mlodrame de Stanley
Kubrick, The Kiling, sorte de Rifif chez les Hommes amricain, sans le lyrisme de Dassin mais
rvlant chez son jeune auteur un rel talent, et un semi-documentaire, U.F.O. (VnidentUied
Flying Objects) faisant le point sur la question des soucoupes volantes. Frank Scully, journaliste
amricain, prtend qu'il y a trois ans", il vit des films sur les soucoupes volantes tourns en
Californie par l'Air Force et qui tent toute valeur U.F.O. Mais ne parlait-on pas dj de
mystrieux objets volants * quinze cents ans avant Jsus Christ ; Qu'est ceci qui vole comme
un nuage ? > (Isa, 60-B).
Le Roi et Moi, enfin, fait brillamment la preuve d es possibilits du Cinma-Scope 55, qui
accrot considrablement la nettet du procd ; si vous ne rclamez rien de plus qu'une hon
nte transposition, l'cran d'un succs de la scne, vous serez satisfaits.
Herman G. WEINBERG.
CAHIER
S DU C I N E M A
Revue mensuelle du cinma
R d a c t e u r s e n C h e f s : A. B A Z I N , J. D 0 N 1 0 L - V A L C R 0 Z E e t LO D U C A
D i r e c t e u r - g r a n t : L. KEICEL
B oulevard
B onne-N ouvelle
- PARIS
(2*)
Abonnement 12 numros :
F ra n c e , Union F ra n aise . .
E tr a n g e r .....................................
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CINEMA,
Les articles n engagent que leurs auteurs. Les manuscrits ne sont pas rendus.
BIO F IL M O G R A P H IE
DE R O B E R T A L D R I C H
tablie par Charles Bitsch
, Robert Aldrich est n le 9 aot 1918 Evanston (Rhode-Island). A la fin de ses tudes
. l cole Moses Brown {Providence, R .I.), ses parents Edward et Lora Lawson Aldrich
l orientent vers le m onde des affaires, car dans sa famille il y a dj beaucoup de commerants
et .d industriels, ainsi que quelques hommes politiques : son grand-pre, Nelson W . Aldrich
. fut pendant prs de trente ans snateur de l Etat de Rhode-Island et l un de ses oncles,
W inthrap W , Aldrich, est actuellement ambassadeur des Etats-Unis la cour d Angleterre.
O n lenvoie donc tudier les sciences conomiques l'Universit de Virginie. Cest l quil
entre pour la premire fois en contact avec le m onde du spectacle ; prsident du k Gettnan
Club de l Universit, il est charg d engager les artistes venant aux runions du Club.
En 1941, lanne m m e o il obtient son diplme de fin dtudes, le 21 mai, il pouse
Greensboro (Caroline du Nord) Harriet Foster, de Warwick Neck (R.I*) et part immdiatement
pour Hollywood. II entre la R.K .O . comm e stagiaire au service Production , passe au
service a Dcoupage et continue monter en grade : troisime, second, premier assistant
metteur en scne.
Aprs trois ans la R .K .O ., il reprend sa libert et est premier assistant, titre ind
pendant, de Leslie Fenton, Mervyn Le Roy, Jean Renoir (The SoutherriCr, 1945), W illiam A .
Wellman (The Story of G .l, Joe, 1946), F red f Zinneman, Albert Lewn (The Priate Affaire
of B el A m i, 1947), Robert Rossen {Bady and Sou, 947), Lewis Milestone t^rch of Trium ph,
1948 et The R e d Poney, 1949), Richard Flescher (So this is Nett) Yorfa, 1948), Abraham
Polonsky (Force of E&l, 1948), Richard W allace {A Kiss for Corliss, 1949), T ed Tetzlaf (The
W h ite Tower, 1950), Irving Reis (Of Men and Mtisic, 1950 et N ew Mexico, 1951), Joseph
Losey (M et The Prowler, 1951). Il m ne paralllement une activit dassistant-scnariste pour
les Enterprise Studios et de directeur de production (Wen / grow ap, 1951, United
Artists).
^
^
En 1951, il est producteur associ d e Harold Hecht pour Ten Tall Men et, l anne sui
vante, pour T he First Tim e. Il crit aussi un scnario, T he Gamma Peopie, dont lAngleterre
achte les droits. Toujours en 1952, il est assistant metteur en scne de Charles Lamont
(A b b o tt and Costello meef Captain K idd) et de Charles Chaplin iLimelight).
.
En 1953, le producer Marion Pasonnet lui fait faire ses dbuts de metteur en scne la
Tlvision en lui donnant raliser pour la N .B.C . 17 films de la srie The Docior (Aldrich
crit d'ailleurs les scnarios de trois d entre eux). Il tourne encore 4 films de la srie China
Sm ith avec Dan Duryea avant d tre remarqu par la M.G.M, qui lui confie la mise en scne
de T he Big Leaguer.
1953. TH E BIG LEAG UER {M.G.M.).
Sc. ; Herbert Baker, John McNulty et
I nui-? Morh eim
Ph . W n C Mellor.
Mont. : Ben Lewis.
Int. : Edward G, Rohinson, Vera Ellen,
Jeff Richards, Richard Jaeckel, W illiam
Campbell, Cari H ubhell, Paul Langton,
Lalo Rios, Bill Crandal, Frank Ferguson, John McKec, Mario Siletti, A l
Campanis, Bob Trocolor, Tony Ravish.
Prod. . Mathew Rapf.
V?VS* ; P av ,
, ln'
, T
Mont. ; Alan Crosland Jr.
-, B.ur Lancaster. Jean Peters, John
M dntire. Charles Buchmsky John Delvrfr-i * f,
Guilfoyle, Ian Macdonald,
WaI te r Sande,
Prod. : Harold Hecht.
fsf. ; A r t is te s A s s o c i s .
1954. _
V E R A CRUZ ( V e r a C r u z ) (HechtLancaster) Technicolor et SuperScope.
Sc. : Roland Kibbee et fams R. Webb
59
1955. KISS ME D EA D L Y (E h Q u a t r i m e
V i t e s s e ) (Parklane Picturcs - Victor Sa-
ville).
_
5c. .* A . I. Bezzerides, daprs le roman
de Mickey Spillane.
: Michael Luciano.
PROJETS
1
et Joseph
Robertson,
K in d e rs p ie l,
C a n d id a te
fo r
60
'
L I VRE S
DE
CINMA
61
FIL M S A M E R I C A IN S
Traptze, film e n C i n e m a S c o p e e t e n T e c h n ic o lo r d e C a r o l R e e d ,
G in a L o llo b r ig id a , T o n y C u rtis, K a t y J u r a d o . O n s e n b a l a n c e I
62
a v e c B u rt L a n c a s t e r ,
Starker a h d ie Nacht (Plus Fort crue la Nuit), film d e S la ta n D u d o w , a v e c W i l h e l m K o c h H o o g e , H e lg a G o r in g , K u rt O lli g m u lle r . L a b o r ie u s e n a rra tio n d e la v i e d u p arti c o m m u
n is te a lle m a n d p e n d a n t la d e r n i r e g u e r r e . U n p la n d e d e u x p e r s o n n a g e s e t tr a v e llin g a v a n t
'u s q u ca d rer l u n d e s d e u x , p l a n s u iv a n t sur l'a u tr e e t t r a v e llin g arrire j u s q u recadrer
e s d e u x , v o il c e q u e M . D u d o w f a it c e n t fo is d a n s s o n film , n o u s la is sa n t croire q u 'il n e
sait r ie n fa ir e d 'a u tr e .
FIL M S IT A L IE N S
1 F IL M H O N G R O IS
ISRAELIEN
Le 12 Catalogue de Cinma de la L IB R A IR IE D E LA
F O N T A IN E vient de paratre, avec une introduction dH enri Agel.
Nos lecteurs peuvent lobtenir, gratuitement, en crivant de
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Mdicis, Paris-VI.
63
D e v e n e z c riv a in
*
+
^
e cinm a
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