Pour cause de fin de bail
Par Alphonse Allais
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À propos de ce livre électronique
- Monsieur, vous donnez à vos ouvrages des titres qui n'ont aucun rapport avec la matière qui constitue le livre, comme par exemple On n'est pas des Boeufs, Le Parapluie de l'Escouade ou Amours, Délices et Orgues. Cette façon d'agir n'est point l'indice d'une mentalité bien sérieuse.
À la longue, ce reproche me piquait au vif et bientôt je m'efforçais à ne plus l'encourir.
Je n'y suis qu'à mi parvenu ; pourtant il y a du progrès, jugez plutôt :
J'ai intitulé ce livre Pour cause de fin de bail, non pas qu'il y soit question de rien qui effleure ce sujet, mais simplement parce que je vais déménager au terme d'avril prochain.
Je devais cette explication au lecteur, je la lui ai donnée.
Nous sommes quittes.
Alphonse Allais
Alphonse Allais est le cadet d'une fratrie de cinq enfants, de Charles Auguste Allais (1825-1895), pharmacien, 6, place de la Grande-Fontaine de Honfleur (aujourd'hui place Hamelin) et d'Alphonsine Vivien (1830-1927). Jusqu'à l'âge de trois ans, il ne prononce pas un mot, sa famille le croyait muet6. À l'école, il semble plutôt se destiner à une carrière scientifique : il passe à seize ans son baccalauréat en sciences. Recalé à cause des oraux d'histoire et de géographie, il est finalement reçu l'année suivante. Il devient alors stagiaire dans la pharmacie de son père qui ambitionne pour lui une succession tranquille, mais qui goûte peu ses expériences et ses faux médicaments et l'envoie étudier à Paris. En fait d'études, Alphonse préfère passer son temps aux terrasses des cafés ou dans le jardin du Luxembourg, et ne se présente pas à l'un des examens de l'école de pharmacie. Son père, s'apercevant que les fréquentations extra-estudiantines de son fils ont pris le pas sur ses études, décide de lui couper les vivres.
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Aperçu du livre
Pour cause de fin de bail - Alphonse Allais
Pour cause de fin de bail
Pages de titre
(Oeuvres anthumes)
Ce livre
respectueusement dédié
la patronne
Café de la Poste
Titre
(Orne)
Préface
Un point d’histoire rectifié
Georgette s’est tuée !
Triste fin d’un tout petit groom
Gaudissart s’amuse
De l’inutilité de la matière
La sécurité dans le chantage
Sentinelles, veillez !
Un bizarre accident
Pénibles débuts
Titre - 1
Le droit de bouchon
Une étrange complexion
Sceptique enfance
Au pays de l’or
L’incorrigible snob
Fâcheuse erreur
Morales relatives
Nouvelles et graves complications diplomatiques
Les hôtes de Castelfêlé
Le petit garçon et l’anguille
Le théatre de M. Bigfun
Clara ou le bon accueil princièrement récompensé
De quelques réformes cosmiques
La question des chapeaux féminins au théâtre
Le pauvre gendre 1
Titre - 2
Titre - 3
Le talent finit toujours par trouver son emploi
Domestiquons
Autre mode d’utilisation de la baleine
Black and white
Résultat inespéré
Nouveau traitement du ver solitaire
Titre - 4
Souris myophages
Titre - 5
Titre - 6
Le cambriolage de l’Obélisque
Grande intelligence d’une toute petite chienne
Conte de Noël
La maison vraiment moderne
Titre - 7
Sauvegarde des bicyclettes
Astuces d’un pêcheur
Charcutage esthétique
Chacun son métier
L’Eden-Boat
Le nouveau recrutement
Titre - 8
Réformes importantes dans le régime postal
La fable « Le Singe et le Perroquet »
Ingénieux touring
Vengeance funèbre
Table
Page de copyright
Alphonse Allais
(Oeuvres anthumes)
Édition de référence :
Paris, Éditions de la Revue Blanche, 1899.
Ce livre
est
respectueusement dédié
à
la patronne
du
Café de la Poste
à
Titre
Luzarches ¹
Luzarches n’est pas dans l’Orne mais bien en Seine-et-Oise.
Quand les Français se décideront-ils à apprendre la géographie?
(Note de l’éditeur.)
(Orne)
Préface
Beaucoup de personnes, lesquelles feraient, d’ailleurs, bien mieux de se mêler de leurs propres affaires, m’ont souvent objecté :
– Monsieur, vous donnez à vos ouvrages des titres qui n’ont aucun rapport avec la matière qui constitue le livre, comme par exemple On n’est pas des bœufs, Le parapluie de l’escouade ou Amous, délices et orgues. Cette façon d’agir n’est point l’indice d’une mentalité bien sérieuse.
À la longue, ce reproche me piquait au vif et bientôt je m’efforçais à ne plus l’encourir.
Je n’y suis qu’à mi parvenu ; pourtant il y a du progrès, jugez plutôt :
J’ai intitulé ce livre Pour cause de fin de bail, non pas qu’il y soit question de rien qui effleure ce sujet, mais simplement parce que je vais déménager au terme d’avril prochain.
Je devais cette explication au lecteur, je la lui ai donnée.
Nous sommes quittes.
L’auteur.
Un point d’histoire rectifié
À la prochaine réunion de l’Automobile Club, je me lèverai pour proposer une timide motion qui ne manquera pas d’ahurir, tout d’abord, les membres présents du comité.
Je demanderai qu’on élève, dans le jardin de notre nouvel hôtel, une statue, ou plutôt un groupe à Diogène, le regretté philosophe.
Vous aussi, graves lecteurs, vous aussi, frivoles lectrices, vous écarquillez vos pupilles en gens qui ne voient pas bien le rapport...
Suit l’explication :
De nos longs travaux sur la civilisation grecque au temps d’Alexandre le Grand résulte ceci qu’on peut considérer à bon droit le vieux Diogène comme père de l’automobilisme, ou, pour parler plus juste, de l’autoneaumobilisme, ou encore du tonneautomobilisme.
Le tonneau qui servait de demeure à Diogène peut être admis comme la première roulotte connue, une roulotte sans chevaux, bien entendu¹.
Quant au mode de traction, ou, pour être tout à fait exact, de propulsion, c’est là que j’apporte ce qu’il y a de plus fraîchement débarqué en fait de documents.
Dans tous les traités d’histoire, mesdames et messieurs, il est question du cynisme de Diogène.
Ce mot cynisme, jusqu’à l’heure présente, fut interprété dans le plus faux des sens.
Un grand nombre de personnes et même de professeurs sont persuadés que Diogène était surnommé le Cynique parce que, n’ayant pas plus de pudeur qu’un chien, il se conduisait comme un cochon, si j’ose m’exprimer ainsi.
Biffez, bonnes gens, cette erreur, de vos tablettes.
Le mot cynisme, en ce qui regarde Diogène, doit être interprété dans un esprit purement sportif, comme, par exemple, hippisme, cyclisme, etc.
Le vieux philosophe grec pratiquait le cynisme comme le comte de Dion la voiture à vapeur, et Jacquelin le vélo, c’est-à-dire que, dans ses déplacements, il faisait rouler son tonneau par deux de ces molosses de Rhodes si réputés pour :
Leur vigueur à la fois et leur docilité.
Les bons toutous prenaient, si j’en crois mes documents, un vif plaisir à pousser de leurs pattes agiles la roulante demeure de leur très sage patron, cependant que le philosophe cheminait derrière eux avec, entre les dents, la pipe morale du mépris de l’humanité.
.......................................
Ce patriarchal appareil ne rappelle évidemment que de très loin les moto-cars de chez Comiot, mais pour l’époque !...
.......................................
Dans une prochaine causerie, car je crains, aujourd’hui, d’abuser de vos instants, je parlerai de la fameuse lanterne de Diogène, et je vous démontrerai, clair comme le jour, que l’acétylène n’est pas de création si récente qu’on le croit généralement.
N’existe-t-il pas de nos jours une voiture fort à la mode qui répond au propre nom detonneau.
Georgette s’est tuée !
Le jour du Grand Prix, à Deauville, il fut convenu qu’on se rendrait le lendemain aux courses de Pont-l’Évêque, dans l’auto de Roseburn.
On partirait de bonne heure, dix heures au plus tard, et on déjeunerait en route, à la petite auberge du Douet de la Taille.
Un mot, en passant, sur ce modeste établissement dans lequel on savoure, soit dit sans reproche, la meilleure cuisine de tout le Calvados.
Située sur la route de Trouville à Caen, à l’intersection d’une autre voie dont j’oublie la provenance et la destination, tenue par les braves époux Morel, l’auberge du Douet de la Taille s’intitula d’abord : « Au rendez-vous des jockeys », pour cette raison qu’il existe, tout près de là, une vaste piste d’entraînement dont la clientèle constituait aussi celle de ladite maison.
Plus tard, beaucoup d’herbagers et de bouchers, qui se rendent chaque jeudi au marché de Beaumont-en-Auge, ayant pris l’habitude de s’arrêter chez Morel pour y boire un verre ou y déjeuner, l’enseigne s’allongea et devint : « Au rendez-vous des jockeys et des marchands de bestiaux. »
Plus tard encore, l’enseigne subit l’adjonction de MM. les cyclistes et, en ce moment, Constant Morel, grattant fièrement sa tête, se demande s’il ne siérait point d’adopter cette formule définilive alors : Au rendez-vous des jockeys, des marchands de bestiaux, des cyclistes, des automobilistes et autres.
Au rendez-vous de tout le monde, quoi !
Brave Constant Morel !
.......................................
Nous dîmes à Roseburn :
– Tu emmènes Georgette !
– Jamais de la vie, par exemple !
Roseburn adore Georgette et jamais il ne l’emmène avec lui, nulle part ! Expliquez cela.
Georgette adore Roseburn et, alors, dam ! elle rage de ce que Roseburn ne l’emmène pas partout où va Roseburn.
Les scènes qui résultent de cette situation, vous les contemplez d’ici, n’est-ce pas ?
Roseburn n’allègue qu’un motif pour expliquer son attitude, mais c’est un mauvais motif :
– Je ne t’emmène pas, parce que là où nous allons, ça n’est pas la place d’une femme.
– Les courses de Pont-l’Évêque, pourtant ?
– Raison de plus !
Allez donc raisonner avec un tel dialecticien !
.......................................
On avait pris rendez-vous chez Deschamps, au bar, et comme tout le monde était en retard, chacun en attendant les autres s’était vu contraint d’absorber plus de « John Collins » qu’il ne convenait réellement.
Et puis, il y avait aussi la chaleur !
Bref, quand nous arrivâmes au Douet de la Taille, la bonne Mme Morel ne put s’empêcher de remarquer :
– Voilà des messieurs qui ont l’air de prendre la vie par le bon bout !
On se mit à table.
Le canard au sang (oh ! ce canard !) ne fut qu’une bouchée pour nous, qu’une bouchée de petit enfant.
Nous allions passer à la suite quand, nageant dans sa sueur, un jeune groom cycliste de l’Hôtel de Paris apporta une lettre à Roseburn, une lettre de Madame.
– Oh ! la raseuse ! fit notre ami. Vous permettez....
Décachetant la missive, Roseburn y jeta un regard distrait.
Soudain, nous le vîmes se lever, pâlir, chanceler...
– Ah ! mon Dieu !
– Quoi ? Qu’y a-t-il ?
– Il y a que Georgette s’est tuée ! Pauvre enfant ! Et c’est moi qui suis cause de sa mort !... Georgette s’est tuée !
– Que racontes-tu là ?
– Lisez plutôt.
Et du doigt, nous désignant un passage de la lettre, il lut : « ... L’existence m’est devenue impossible, je me tue... »
– Peut-être y a t-il encore de l’espoir ? (Au jeune groom.) Qui t’a remis cette lettre ?
– Madame elle-même.
– Comment était-elle habillée ?
– En mousseline blanche.
– C’est bien cela ! Romanesque comme elle est, la pauvre enfant a voulu se vêtir de blanc pour attendre la mort !
.......................................
Cependant l’un de nous ramassait