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Clou d'éclat à Étretat
Clou d'éclat à Étretat
Clou d'éclat à Étretat
Livre électronique195 pages2 heures

Clou d'éclat à Étretat

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À propos de ce livre électronique

UNE FEMME A ETE RETROUVEE MORTE AU PIED DE LA FALAISE A ETRETAT. UN SUICIDE ? L'AUTOPSIE REVELE QU'ELLE A ETE TUEE AVANT D'ETRE PRECIPITEE SUR L'ESTRAN, D'UN CLOU DANS LA NUQUE. ELLE NE SERA PAS LA SEULE... MEME LA GLOIRE LOCALE, LE VIEIL ÉCRIVAIN MAURICE LEROUX, PASSE L'ARME A GAUCHE DE MANIERE IDENTIQUE. UN CRIMINEL EN SERIE SEVIRAIT-IL ? LE COMMANDANT GEORGES FAIDHERBE EN DOUTE MAIS IL A FORT A FAIRE POUR DEMELER LE VRAI DU FAUX PARMI LES HISTOIRES DES PERSONNAGES HAUTS EN COULEUR QU'IL RENCONTRE SUR PLACE.
ECRIT DANS UN STYLE ALERTE ET SUR UN RYTHME ENLEVE, VOICI LE PREMIER ROMAN POLICIER DE ROBERT VINCENT, PARODIQUE DU GENRE. D'ABORD PUBLIE PAR LES EDITIONS C.CORLET, EN 2007, LE TITRE SE TROUVAIT EPUISE. POUR CETTE NOUVELLE PARUTION, LE TEXTE A ETE REVU ET ILLUSTRE.
LES AMOUREUX D'ETRETAT Y RETROUVERONT AVEC PLAISIR LES LIEUX ET DES ALLUSIONS A L'HISTOIRE DE LA VILLE ET A CERTAINS DE SES ESTIVANTS ILLUSTRES.
LangueFrançais
Date de sortie21 nov. 2018
ISBN9782322150151
Clou d'éclat à Étretat
Auteur

Robert Vincent

Robert Vincent is the author of several screenplays, novels, and dramatic works. He is also the writer and illustrator of a children’s book. Robert and his wife, Kathy, live in Los Angeles California.

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    Aperçu du livre

    Clou d'éclat à Étretat - Robert Vincent

    l'auteur

    1

    Casse-tête étretatais

    Le commandant de police Faidherbe avait décidé de considérer la Taverne des Trois Bénédictins comme le ventre d’Étretat. Sa silhouette encore élancée pour son âge – estomac excepté – de belle stature mais légèrement voûtée, s’était reflétée dans les grandes vitres du restaurant, avant de passer entre les deux fontaines de cidre qui en animaient l’entrée. Il s’était installé à la dernière table du fond. De là, il pouvait voir toute la salle en enfilade, les passants dans la rue, la place des halles, sans être dérangé par des voisins. A sa gauche la vitre, à sa droite le mur. Les clients ordinaires évitaient cette table, la plus reculée. Elle ne pouvait accueillir que deux personnes. On s’y sentait à l’étroit et exclu de l’ambiance du restaurant. Seuls des couples d’amoureux dans le début de leur passion se dirigeaient spontanément vers cette partie de la salle.

    Georges Faidherbe n’était ni ordinaire ni amoureux. Ses capacités, sa passion du travail bien fait, sa courtoisie et son charme naturels lui avaient valu d’appartenir longtemps au corps de protection des voyages de la Présidence de la République. Inexplicablement, trois ans avant sa retraite, on le remercia, le promut et le relégua en Normandie, de retour à la police judiciaire, sa jeunesse. Le commandant avait fait les frais, avec d’autres, d’une de ces révolutions de palais inavouées et insidieuses qui ponctuent les fins de règne et anticipent les changements de politique par des changements d’hommes. Le policier n’en gardait aucune amertume. Par moments, un peu le regret de Paris. Célibataire, il aimait sortir, fréquenter les théâtres, les salles de spectacle et avoir le plus grand choix de films à découvrir ou à revoir. Pour autant, il ne s’ennuyait pas dans son dernier poste, sachant partout apprécier les surprises de la vie.

    Faidherbe était perdu dans ses pensées. Comment avait-on attiré Annabelle Tourte sur les falaises ? Quand des promeneurs avaient trouvé son corps écrasé sur les rochers au pied de la Grotte des Demoiselles, tout le monde avait cru à un suicide, avec un peu d’étonnement cependant. D’habitude les gens venaient d’ailleurs pour se jeter dans le vide. La jeune femme était d’ici. Pas exactement, avaient dit les plus chauvins, elle travaillait ici, elle n’y était pas née, nuance ! Un peu tard, on s’était intéressé à elle. Des bribes de renseignements ramassés çà et là avaient refait son histoire comme un puzzle que les habitués reconstituaient à l’envi dans le pub irlandais où elle travaillait, quelques rues plus loin.

    Ça faisait un passionnant sujet de conversation, ça attirait la clientèle et ça donnait soif de retourner sous toutes les coutures les pans minuscules d’une vie privée achevée de manière si tragique. Le patron, Justin Quenail avait le sens de l’ambiance et du commerce, il offrait donc un bock pour chaque renseignement nouveau car tout ça, c’était incroyable de la part d’Annabelle. Ça ne lui ressemblait pas. Et il la connaissait bien, allez ! On pouvait le croire.

    Annabelle Tourte paraissait quarante ans au moins, mais n’en comptait pas trente-six. Avant d’arriver à Étretat comme serveuse grâce à une association, elle avait fait un séjour en prison. De sa vie d’avant, il lui était resté un petit garçon qui lui avait été retiré – elle avait le droit d’aller le voir au Havre, une fois par mois – et les traits légèrement gonflés des alcooliques. Au mot d’alcoolique, un certain nombre des habitués du pub se seraient récriés qu’on ne l’avait jamais vue ivre et que c’était pas un motif pour se suicider. On en connaissait beaucoup qu’un verre au bon moment aidait à vivre. Mais un enfant dont elle était privée, ça c’était une raison de se jeter de la falaise. Une femme avait alors lancé :

    – Vous les gars, vous n’y entendez rien. Pour une mère, c’est une raison de pas se foutre en l’air.

    – Mado, tu es trop sentimentale, lui envoya Quenail, adressant un sourire entendu à l’assistance.

    Elle haussa les épaules et ajouta :

    – Elle aurait sauté avec le gosse, peut-être, j’dis pas, mais pas sans lui.

    Plus de sourires au-dessus des bières mousseuses.

    Puis la nouvelle arriva, apportée par Adrien Touque, un grand rougeaud blond, commercial dans une grosse concession automobile du Havre.

    – L’Annabelle, elle était déjà morte quand son corps s’est disloqué et écrabouillé sur la rocaille.

    – C’est-i’ possib’e ? s’exclama un employé municipal en retraite.

    – L’autopsie l’a révélé.

    – Et comment tu sais ça, toi ? demanda Quenail, hésitant à offrir son bock à cet habitué un peu m’as-tu-vu qu’il n’appréciait guère.

    – Je l’ai appris d’un client qui travaille au commissariat. Et, tenez-vous bien, le médecin légiste lui a trouvé un clou enfoncé dans le bulbe rachidien ! Il paraît que c’est fatal.

    Une rumeur horrifiée parcourut le pub, et d’autant plus horrifiée qu’on situait mal le dit bulbe rachidien.

    Adrien Touque plongea les lèvres dans la mousse. Quand il abaissa la chope, il arborait un sourire qui en disait long sur le plaisir qu’il ressentait de se rafraîchir gratis en épatant la galerie.

    Les commentaires fusaient. Ça changeait tout. C’était un assassinat. Un assassin avait opéré à Étretat, parmi eux !

    A Joseph Lacorne, ce drame avait donné très soif. Il ne pouvait plus compter ses demis et eut le malheur de faire une plaisanterie entre deux hoquets :

    – Il a pas opéré, l’assassin ! Il a bricolé, nuance !

    Ulcéré, le patron, brave homme mais sanguin et emporté, jeta aussitôt le Joseph dehors sans même encaisser les bières consommées.

    Quand Quenail rentra, personne n’avait plus envie de rire. Il se réinstalla derrière son bar, donna deux coups de torchon sonores sur le zinc avant de déclarer, devenu sombre :

    – Dans un sens, j’aime mieux ça : ça me donne raison. L’Annabelle, c’était pas du genre à sauter dans le vide. D’un autre côté, il va y avoir du soupçon. Tous les gens qui la connaissaient seront cuisinés par les poulets.

    Il fit glisser le torchon sur le bar, balayant l’assistance du regard.

    – Vous comme moi. Faut êt’e logique : on est des suspects maintenant. Faut pas que ça dure longtemps avant qu’ils trouvent le coupab’e, sinon ce sera intenab’e ici. Cette histoire de clou, ça m’dit rien qui vaille.

    Voilà pourquoi le commandant Faidherbe finissait son déjeuner à la Taverne des Trois Bénédictins d’Étretat : pour un clou. Rêveusement, il jouait avec son couteau tout en songeant à la jeune femme. Sans y penser, comme par désœuvrement, il fit tinter son verre. La serveuse du rang se dépêcha de venir vers lui. Des clients se retournèrent, une moue désapprobatrice aux lèvres à cause de cette manière grossière d’appeler le personnel.

    – Monsieur désire ?

    Faidherbe la regarda avec surprise. Il n’avait pas pris conscience de son propre geste. La jeune fille, une jolie brune aux yeux bleus, aux cheveux bouclés mi-longs, d’environ vingt ans, attendait une commande qui ne venait pas. Elle commençait à croire que le policier se moquait d’elle. Le commandant comprit soudain.

    – Je vous demande pardon. C’était un geste machinal, je n’ai besoin de rien.

    La jeune fille sourit. Faidherbe se ravisa.

    – Ou plutôt si. Je voudrais vous demander quelque chose, comme ça, entre nous. Vous la connaissiez, Annabelle ?

    – Un peu. C’était une collègue. Ici, dans le métier, tout le monde se connaît, forcément.

    – Est-ce qu’elle était du genre à retrouver un client après le service ?

    La serveuse dévisagea avec méfiance cet homme aux cheveux blond roux, légèrement ondulés mais peu fournis, dont le sourire charmeur accentuait les rides. Il venait d’insinuer quelque chose de déplaisant qui salissait le souvenir de la pauvre morte. C’était un policier, mais tout de même, faut du respect. Le visage avenant de la jolie brunette se ferma. Elle prit un petit air buté.

    – Je ne l’ai jamais vue accompagnée. Elle ne causait pas beaucoup.

    – Je me doutais bien que l’assassin n’avait pas pu entraîner Annabelle Tourte jusque là-haut aussi facilement. Et vous-même, vous y allez bien quelquefois sur les falaises au bras d’un amoureux ; personne n’y a attiré votre attention récemment ?

    – Vous voulez dire un type avec un air d’assassin ?

    – Oh, pas spécialement ; souvent les assassins ont des têtes très ordinaires, vous savez, comme vous et moi.

    La serveuse eut un mouvement de recul.

    Le commandant vit qu’il allait trop loin pour la jeune fille. Il regretta cette dernière remarque et essaya de se corriger. Il s’enferra.

    – Ne vous bilez pas. Je vois bien qu’il n’y a pas plus innocente que vous. C’était une plaisanterie, une bêtise, oubliez-la, dit-il arborant le sourire le plus franc qu’il pût exhiber.

    La serveuse serra le torchon qu’elle avait dans les mains puis lui souffla, d’humeur grognonne :

    – Il ne faut pas plaisanter comme ça avec moi. Je vous apporte votre addition.

    – Ajoutez un café et une Bénédictine, puisque je suis ici. Merci.

    Il la regarda s’éloigner, trottant menu vers le bar. Ravissante, pensa-t-il, mais méfiante désormais. Il n’aurait pas dû la brusquer bêtement. D’autres regards masculins la suivirent. Amusé, Faidherbe observa les mouvements des têtes qui se tournaient les unes après les autres.

    – Que personne ne bouge !

    Tous les visages, empreints de stupeur, firent un huitième de tour vers la porte d’entrée.

    2

    Moustache clouée à la normande

    Faidherbe continuait de contempler rêveusement la serveuse. Pas plus que lui, la jeune fille n’avait réagi à la menace proférée par le nouvel arrivant. Elle examinait désormais scrupuleusement la propreté d’un verre à la lumière d’une lampe-tempête accrochée au-dessus du zinc, indifférente à l’apparition tonitruante d’un personnage qui s’avançait en virevoltant au milieu des clients vers le policier. Celui-ci avait eu beau baisser la tête, c’était trop tard, il avait été repéré. Seuls les regards médusés de deux ou trois touristes suivirent l’individu s’avancer vers lui en agitant les bras. Il est vrai que le geste accompagnait la parole. Il brandissait ce qui ressemblait à un volumineux pistolet au canon écrasé comme la truffe d’un bouledogue. Cependant, les autres clients, habitués des lieux ou locaux avertis, avaient déjà repris le cours normal de leurs conversations. Hugues Lalouette venait de faire son entrée.

    Lalouette, quarante ans, échotier à L’Echo des Falaises, était ce qu’on appelle une figure locale, au même titre que Nini, la patronne de l’hôtel Au Coup de Norois, dont la coiffe aussi volumineuse qu’ébouriffée semblait avoir subi tous les outrages de la mer, ou Justin Quenail, le patron irascible du Connemara.

    Petit-neveu du célèbre romancier Maurice Leroux, Hugues Lalouette héritait, il est vrai, d’une lourde ascendance en excentricités et bizarreries diverses. Le journaliste semblait incarner à lui seul tous les personnages pittoresques de l’épopée familiale dont le sang aurait été mêlé d’une façon brouillonne aux héros des romans de son grand-oncle – les seuls qu’il eût jamais lus jusqu’au bout – ou des grandes figures policières qu’il avait découvertes dans de vieux illustrés. Maurice Leroux, célébrité discrète, se désolait de savoir que la caricature ambulante de ses plus grands héros parcourait en électron libre les rues d’Étretat et des villes environnantes en la personne de son petit-neveu Hugues.

    Ce jour-là, l’accoutrement de Lalouette tenait autant d’un Sherlock Holmes de feuilleton télévisé en mal de finances que d’un Rouletabille de carnaval : il portait un pantalon de drap pied-de-poule entré dans des chaussettes de tennis aux lignes rouges et bleues apparentes ainsi qu’une veste approximativement du même motif, trop grande et flottant sur une chemise Lacoste de contrefaçon. Il arborait aussi une moustache extravagante qu’on ne lui avait pas connue la veille, vu qu’il adoptait alors un profil Gatzby le Magnifique chez les Soviets, visage glabre et cheveux gominés, lunettes sombres immenses, veste de lin estivale, tennis cirées et parapluie noir en guise de canne.

    Le journaliste sortait à l’instant de l’Auberge des Galets bleus car c’était le jour de son repas dans cet établissement où on lui avait servi comme tous les mercredis son seul plat copieux de la semaine, offert par la maison, à la table réservée maintenant depuis des années à Leroux et descendance. Vue sur mer et crustacés à volonté. Tout ouïe aux les propos des tables voisines, jumelles de théâtre à portée de mains : l’angle d’observation lui offrait de son poste toute la partie du village qui se lovait autour de la place centrale, jusqu’au pied de la falaise d’amont. En tant qu’unique descendant de la lignée, Hugues Lalouette profitait alors pleinement, les doigts dans les bulots, le nez dans le muscadet, de ce privilège familial dont l’origine restait obscure, et ce d’autant plus que son grand-oncle y avait renoncé pour lui-même, ne sortant que rarement de sa villa.

    – Commissaire ! Voici l’arme du crime ! proclama-t-il d’un geste théâtral, perdant sa moustache postiche qui tomba dans l’assiette du policier, encore grasse des reliefs de l’escalope sauce normande à 10 Euros 50, plat du jour, café en sus.

    Georges Faidherbe s’était résigné à ce qu’on s’entêtât à lui donner le grade de commissaire parce qu’il dirigeait une enquête. Il ne prenait plus la peine de corriger. Gâcher sa pause repas en revanche lui donnait d’avance des aigreurs d’estomac. Il regarda un instant avec dégoût cette composition dans son assiette puis leva des yeux de chien battu vers Lalouette.

    – Bricotout, Fécamp. Trois cents francs, marmonna Faidherbe.

    Le commandant s’amusait à compter encore dans l’ancienne devise, et parfois même en anciens francs. Il venait de repérer dans la matinée le même modèle de

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