Aujourd'hui, Ste Geneviève, je vais vous raconter une histoire, une longue histoire....
J'espère que cette tranche de vie ne vous ennuiera pas trop et que vous aurez la patience de la lire jusqu'au bout, en plusieurs fois peut-être...
Vous vous rappelez quand, en quinze minutes, il nous avait fallu lister les auteurs qui nous avaient marqués...?
Dans ma liste, j'avais nommé -tout comme ma fille
Astheval -
Geneviève Bon.
Certains d'entre vous s'étaient interrogés sur cet auteur peu connu, voire inconnu...
J'ai donc décidé de vous parler de cette femme qui a accompagné de son amitié plusieurs années de ma vie.
Le début de mon récit se situe en 1987. Abonnée alors à France Loisirs, je feuilletais mon catalogue quand un livre attira soudain mon attention. Je devrais dire : quand
le nom de l'auteur attira mon attention...
Geneviève Bon ! Des souvenirs de ma collègue me revenaient en mémoire... Geneviève ! Ecrivain !
Quelle surprise... !
Aussitôt j'écrivis aux éditions Robert Laffont, où le livre était édité, pour leur demander l'adresse de ma copine. La réponse arriva quelque temps plus tard assortie d'un refus, mais l'éditeur me proposait néanmoins de lui confier un courrier qu'il se chargerait de transmettre sans, évidemment, garantir de réponse en retour...
Je rédigeai donc une lettre à l'intention de Geneviève dans laquelle je lui rappelai nos discussions autour d'un café noir dans le bar "La Baraka" à Bezons, puis, un sourire aux lèvres, je lui reparlai de cette anecdote : je lui avais prêté un matelas pneumatique qui malheureusement était percé et qu'elle avait été obligée de regonfler plusieurs fois dans la nuit... ;-)
Inutile de vous dire à quel point j'étais excitée à l'idée que ma lettre parvienne à Geneviève et qu'elle s'amuse tout comme moi de ces souvenirs. J'avoue que j'avais cependant un petit doute... Geneviève était-elle bien "ma" Geneviève et aurait-elle gardé un souvenir de moi...??? Il faut avouer que nos routes ne s'étaient croisées que le temps d'un stage de trois mois...
C'est plusieurs semaines plus tard qu'une enveloppe postée de Montpellier et à l'écriture inconnue m'est parvenue...
Ci-dessous un extrait du courrier...
Oups !.... Je m'étais trompée... Geneviève n'était pas "ma" Geneviève, mais elle avait eu la gentillesse de me répondre. Je me devais de répondre à mon tour, ce que j'ai fait en m'excusant d'avoir usé du "tu" comme si nous nous connaissions...
A cette époque, je n'avais pas l'assurance que donnent les échanges bloguesques aujourd'hui. Si quelques copinautes conservent le vouvoiement, j'avoue pour ma part user et abuser du "tu" avec beaucoup de facilité et de plaisir aussi...
Ces premiers échanges ont été suivis de nombreux autres.
Comme tout était différent d'aujourd'hui...
Une "vraie" lettre se préparait, se peaufinait. Il fallait s'appliquer pour que l'écriture soit belle, ne pas faire de ratures, ni de fautes... Il fallait trouver une enveloppe, un timbre... Parfois faire peser la lettre car bavarde à l'oral, je le suis aussi sur le papier et les feuilles 21X27 se succédaient ... Il est plus rare aujourd'hui de rédiger de telles lettres...
Au fil des mois, nos échanges sont devenus plus amicaux, plus profonds, plus complices...
J'attendais impatiemment les lettres de Geneviève. Je crois qu'elle appréciait les miennes aussi.
Quand je lui demandai pourquoi elle écrivait, elle me répondit ceci.
"J'écris parce que j'aime écrire...
Bien sûr j'ai acheté tous ses livres. Elle m'en a offert beaucoup aussi.
Romancière de talent, Geneviève qui avait été reçue par Bernard Pivot dans son émission "Apostrophes" pour "La saison des bals" était aussi poète. Elle a publié 6 romans et 2 recueils de poésie :
- Eté de cendres (1985)
- Traversée du désir (1986)
- La saison des bals (1988)
- La poupée du loup (1990)
- Chronique d'un été sans orage (1992)
- L'année du bonheur (1994)
et
La Vénitienne (Seghers 1990)
D'amour et de terre (L'Harmattan 1996)
Geneviève me racontait la joie et le stress de l'écriture et de la sortie d'un roman, elle me disait ses bonheurs et ses inquiétudes de femme, de mère de famille... Ses lettres dont le papier sentaient le tabac et le parfum me ravissaient.
Un jour alors que j'assistais en Normandie à un concert en plein air, un effluve de parfum m'atteint et mit aussitôt un nom à mes lèvres... Ce parfum... J'étais certaine qu'il s'agissait du même que celui de Geneviève.
Aussitôt je lui racontai cette "rencontre" étonnante...
Quelques jours plus tard, elle m'envoyait un flacon de son parfum...
Sa générosité était immense et la disponibilité dont elle savait faire preuve pour répondre à mes questions, à mes angoisses aussi était exceptionnelle. Elle savait que ma fille aînée avait des problèmes de santé et se souciait toujours de son état. Le jour où, enfin, mon aînée a pu se débarrasser du corset qui la contraignait et la blessait depuis tant d'années, Geneviève s'est associée à notre joie en lui faisant parvenir un magnifique bouquet de fleurs...
Nous avons correspondu pendant 10 ans sans jamais passer au tutoiement... Parfois Geneviève me disait "Sautez dans un train et venez..."
Je n'ai jamais osé le faire et je le regrette amèrement aujourd'hui. Je prétextais le travail, les enfants, l'éloignement... J'avais un peu peur, je n'étais pas indépendante... Depuis, j'ai pris de l'assurance et certaines d'entre vous savent que je ne crains plus les rencontres avec des inconnues... ;-)
Au dos d'une carte de voeux, Geneviève me proposait une nouvelle fois d'aller la voir...
Un jour, Geneviève m'a annoncé qu'elle était malade, très malade. Elle souffrait d'une tumeur au cerveau. Toujours, elle me disait "C'est très grave, mais ce n'est pas cancéreux". Elle m'a raconté ses chimios, ses cheveux qui tombaient. Elle gardait force et courage et trouvait toujours un mot gentil pour parler d'autre chose que sa maladie.
Son courage pour lutter contre cette "saloperie" n'a pas suffi.
Un triste jour de juillet 1997 j'ai reçu dans ma boîte à lettre une enveloppe cernée d'un liseré gris.
Il n'est pas utile que je vous raconte la peine que j'ai eue à ce moment-là....
Dans l'enveloppe, il y avait ce poème de Geneviève
Ce très long article était un hommage à mon amie disparue. Elle me manque encore aujourd'hui...
N'hésitez jamais à dire à vos amis et à vos proches que vous les aimez, n'hésitez pas comme moi à sauter dans un train...
La vie est courte.... Sachez profiter de chaque instant...