La peinture du new-yorkais David Diao (né en 1943) s'apparente à une exploration de l'histoire de l'art moderne ainsi que de certains enjeux sociaux liés à sa propre biographie. Il mène cette exploration à partir de matériaux...
moreLa peinture du new-yorkais David Diao (né en 1943) s'apparente à une exploration de l'histoire de l'art moderne ainsi que de certains enjeux sociaux liés à sa propre biographie. Il mène cette exploration à partir de matériaux essentiellement documentaires (photographies, plans, cartes, diagrammes…), ou bien à partir d'oeuvres d'autres artistes (Malevitch, Newman, Palermo…). De la même manière apparemment que bien des artistes « postmodernes », il assume la copie plutôt que l'originalité. Diao construit des images à propos de l'art, des peintures critiques, minutieusement et patiemment élaborées, couche après couche, souvent de grand format. Diao s'empare de traces. Traces d'une réalité enterrée. Menée depuis 1985, cette quête historique le mène sur le terrain de formes, de figures artistiques et de postures disparues. Mais pour autant, chez Diao, disparition ne rime pas avec romantisme, ni culte des « ruines » du modernisme. Pas de nostalgie, mais plutôt un regard ironique ; ironique tout en étant partie prenante lui-même. Car à l'origine, dans les années soixante-dix Diao est un peintre abstrait très marqué par les théories de Greenberg sur la peinture. Ses professeurs, puis ses collègues lorsqu'il est artiste invité dans les universités américaines constituent ce courant moderniste américain. Dans sa peinture, il se concentre sur la forme, sur le medium, avec souvent des processus mis en oeuvre pour questionner le rôle des outils du peintre : il utilise des matériaux de construction (dalles de plâtre, enduits…), il place sous sa toile des briques avant de peindre afin de marquer le geste de quelque chose de concret et d'abrupt. Au courant des années soixante-dix sa peinture se fait de plus en plus géométrique et par ce biais il rejoint les préoccupations des artistes des avant-gardes européennes abstraites : Malevitch, Lissitzky, Van Doesburg… Ces questionnements essentiellement formels finissent par lui poser problème : comment faire une peinture qui articule un discours plus critique ? Comment faire une peinture qui porte à conséquence, à un niveau théorique, social, historique ? Comment revenir au contenu ? Après une période de quelques années où il abandonne toute pratique artistique, il reprend la peinture en 1984 en partant de là où une certaine abstraction a commencé : en Europe, avec le Suprématisme. Diao se tourne vers l'image que l'on trouve dans n'importe quel ouvrage sur l'histoire de l'abstraction, sans doute la plus reproduite : la photographie de l'exposition de Malevitch, 0.10 à Saint-Petersbourg en 1915. Cette photographie incontournable que l'on ne regarde plus vraiment, Diao va entreprendre de lui donner à nouveau du contenu. Il isole les formes présentes dans les tableaux, réduit l'image au noir et blanc contrasté, fait flotter ces formes géométriques dans un vide en supprimant toute indication du lieu d'exposition à part une chaise posée dans un coin…