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Anthropologie et religions amérindiennes au Canada

1994, Studies in Religion/Sciences Religieuses

© 1994 Canadian Corporation for Studies in Religion / Corporation Canadienne des Sciences Religieuses Anthropologie et religions amérindiennes au Canada MARIE-FRANÇOISE GUÉDON Marie-Françoise Guédon est professeure d'anthropologie de la religion au Département des sciences religieuses de l'Université d'Ottawa, Ottawa, ON K1N 6N5. Ces chants, ces dances, ces mythes, ces c6r6moniels, ces images auxquels nous nous r6f6rons lorsque nous voulons parler de «religions am6rin

Anthropologie et religions amérindiennes au Canada MARIE-FRANÇOISE GUÉDON Ces chants, nous nous ces dances, r6f6rons mythes, ces c6r6moniels, ces images auxquels lorsque nous voulons parler de «religions am6rinces diennes» nous permettent d’entrevoir d’autres faqons de vivre et de penser. Un monde diff6rent? Non! Des mondes diff6rents, et sur lesquels ces documents ne peuvent nous offrir qu’une vision limit6e, en pointille; d’autant plus qu’ils exigent du chercheur un travail de reconstruction de leurs contextes culturels, linguistiques et philosophiques sans lequel ils gardent une opacite d6concertante. Ils nous seraient, pour la plupart, inaccessibles aujourd’hui, n’6tait l’oeuvre d’anthropologues et de leurs collaborateurs am6rindiens, d’ailleurs conscients de leurs limites. La premiere realisation de 1’anthropologie est sans doute de nous faire prendre conscience du fait que les soci6t6s am6rindiennes, au Canada seulement, sont compos6es de centaines de communaut6s culturellement et linguistiquement distinctes, plus de 80 dialectes regroup6s en une dizaine de familles linguistiques, aussi differentes les unes des autres que le Japonais 1’est de 1’Espagnol, chacune supportant sa propre s~rie de philosophies, de visions du monde, de systemes de valeurs et de pratiques rituelles : Algonkin (des Mikmaks et des Ab6nakis aux Pieds-noirs, en passant par les Montagnais, les Cris et les Ojibwais), D6n6, Inuit, Iroquois et Hurons, Kutenai, Sioux (repr6sent6s par les Dakota), Salish, Tlingit, Tsimshian, Wakashan 1. Si 1’anthropologie des amerindiens doit s’enorgueillir d’une chose, a mon avis, c’est d’avoir r6ussi a prendre conscience de cette richesse, de cette immense distance culturelle qui s~pare non seulement les europeens des amerindiens mais 1 Regna Darnell, «A Linguistic Classification of Canadian Native Peoples : Issues, Problems and Theoretical Implications», dans Bruce Morrison et Roderick Wilson, eds, Native Peoples: The Canadian Experience, Toronto, McClelland & Stewart, 1986, p. 22-24. est professeure d’anthropologie de la religion religieuses de l’Université d’Ottawa, Ottawa, ON K1N 6N5. Marie-Françoise Guédon sciences © 1994 Canadian Corporation for Studies in au Département des Religion / Corporation Canadienne des Sciences Religieuses 266 aussi les amerindiens les uns des autres. Des cultures ext6rieurement semblables, comme chez les Cris et les D6n6s, tous deux peuples du subarctique, n’ont linguistiquement rien en commun, et vivent dans des mondes spirituels a part. Anthropologie et «religion» : les orientations fondamentales Remarquons des maintenant que les theories anthropologiques vont avoir des cons6quences directes sur la facon dont les ethnologues abordent les religions am6rindiennes ou, plut6t, ce que d’autres appellent les religions am6rindiennes. En particulier, ils vont faire montre d’une certaine reticence dans 1’emploi du terme «religion» quand il s’agit de l’appliquer a des soci6t6s o6 le domaine religieux n’est pas n6cessairement s6par6 du reste du contexte culturel, et ne donne pas naissance a des institutions particuli~res2. L’anthropologie en general est extrêmement sensible au voile que pose sur les autres cultures 1’emploi de termes et de categories issus du conintellectuel euro-am6ricain et, entre autres, de son insistance sur le et 1’6criture. Les anthropologues pr6f~rent donc parler de vie c6r6moniale, de rituel, de mythologie, de pratique chamanique, de vision du monde, de valeurs ou bien de representations collectives, de systemes symboliques, de philosophie naturelle ou de syst~me de pens6e, voire de texte texte syst~me s6mantique. De plus, les anthropologues considèrent toujours le contexte culturel local dans lequel les pratiques religieuses sont enracin6es et sur lequel elles s’appuient. En consequence, la personne qui vient des sciences religieuses ne trouvera que rarement un ouvrage sur «la religion kwakiutl» ou «la religion d6n6- et devra au contraire chercher des donn6es cach6es dans les monographies, aussi bien parmi la description des techniques de chasse que dans 1’exposition d’un syst~me de parent6, ou 1’etude de m6thodes chamaniques. Mais 1’enthnographie se reconnait aussi etre une rencontre entre deux sujets plutot que 1’etude d’un objet, a product shaped by shared expenences3; et si 1’ethnographe veut entrer en contact avec les membres d’une communaute autre que la sienne, il lui faut postuler la possibilite 2 3 Jérôme Rousseau, «Quel est l’objet de l’anthropologie religieuse?», Recherches amérindiennes au Québec, 8, 2 (1978), p. 105-106, et Rémi Savard, «Nature, culture et religion : réflexions d’un anthropologue», Studies in Religion /Sciences Religieuses, 3, 3 (1973-1974), p. 260-270. Bruce Morrison et Roderick Wilson, «On the Study of Native Peoples», dans Bruce Morrison et Roderick Wilson, eds, Native Peoples: The Canadian Experience, Toronto, McClelland & Stewart, 1986, p. 14 et 17. 267 d’une compr6hension mutuelle et admettre que alors peut dépasser les frontieres culturelles4 ce qui lui est transmis Histoire des etudes amerindiennes L’anthropologie, a tous les niveaux, depend d’abord du travail ethnographique. Au Canada, celui-ci s’amorcera tres t6t, dans la poussee des grands programmes de recherche nord-americains : les programmes du Bureau of American Ethnology (fond6 en 1879), ceux de la Smithsonian Institution, la Jesup North Pacific Expedition, la cinquième exp6dition de Thule.5 Les grandes dates de 1’histoire de 1’anthropologie au Canada sont, au d6but, en ce qui concerne les cultures am6rindiennes, reparties autour du developpement de la division d’anthropologie (Geological Survey of Canada), qui deviendra plus tard le Mus6e canadien des Civilisations), a partir de 1909 avec Edward Sapir, puis apres 1924 avec Diamond Jenness. La croissance parall~le des premiers d6partements d’anthropologie dans les universites donnera une base locale suppl6mentaire aux etudes amerindiennes canadiennes : 1’Universite de Toronto, 1’Universite de Colombie-Britannique (les indiens de la c6te du Pacifique), l’Universit6 McGill (et le centre d’6tudes nordiques), 1’Universite de Montr6al, 1’Universite Laval (Montagnais et Inuit) et 1’Universite du Nouveau-Brunswick (Mikmak et Maliseet); les recherches universitaires se poursuivront en general suivant les debats theoriques amorc6s aux ttats-Unis, avec, pour les universites francophones, 1’apport du structuralisme et de 1’anthropologie symbolique europ6enne; l’Universit6 Saint-Paul apportera une contribution particuli~re, celle des experiences des missionaires Oblats. Ces institutions seront suivies plus tard par les universites de provinces de l’ouest (etudes des Cris, des D6n6s et bien sur des indiens des Plaines), et du nord de 1’Ontario. Enfin les associations d’anthropologues canadiens (en particulier la Societe canadienne d’anthropologie et de sociologie et la Societe des ethnologues canadiens - CESCE devenue CASCA en 1991) oeuvreront a la fois pour supporter la recherche et defendre les interets des communautes avec les- 4 5 Dennis Tedlock et Barbara Tedlock, Teachings from the American Earth : Indian Religion and Philosophy, New York, Liveright, 1975, p. xiii. Voir aussi Dennis Tedlock, The Spoken Word and the Work of Interpretation, Philadelphia, University of Pennsylvania Press, 1983, p. 285-301. Pour un résumé de l’histoire des études amérindiennes, voir Raymond Fogelson, «History of the Study of Native North Americans», dans Lawrence Sullivan, ed., Native American Religions, New York, Macmillan, 1989, p. 147-154; voir aussi Douglas Cole, «The Origins of Canadian Anthropology: 1850-1910», Journal of Canadian Studies, 8 (1973), p. 35-45; Regna Darnell, «Toward a History of the Professionalization of Canadian Anthropology», dans Proceedings of the Canadian Ethnology Society, 1975, p. 399-416. Pour un survol de la recherche sur les traditions religieuses amérindiennes au Canada, voir aussi Earle H. Waugh et K. Dad Prithipaul, eds, Native Religious Traditions, Waterloo, ON, Wilfrid Laurier University Press, 1979. 268 quelles travaillent les anthropologues. Une premi~re conclusion se presente : les am6ricanistes qui s’int6ressent aux sujets qui touchent au domaine religieux sont en general, dans la grande et bonne tradition de Franz Boas et d’Alfred Kroeber, c’est-A-dire de 1’anthropologie culturelle am6ricaine, des generalistes qui en viennent a d6crire le mental et le spirituel apr~s avoir analyse le technologie et le social. Une bibliographie anthropologique des pratiques religieuses et para-religieuses des amerindiens nous permettrait de mettre en relief les chercheurs et chercheuses, canadiens et autres, dont les oeuvres sont devenues des classiques, depuis les pionnniers comme Marius Barbeau, Franz Boas (et son assistant George Hunt), Viola Garfield, Walter Hoffman, Diamond Jenness, T. F. Mclllwraith, Knud Rasmussen, Verne Ray, Edward Sapir, Alanson Skinner, Frank Speck, William Swanton, James Teit, Lucien Turner, Clark Wissler et quelques autres moins connus, suivis, dans la p6riode post-boassienne de la deuxième moiti6 du xxe s18de, par Catherine McClellan, Philip Drucker, Wilson Duff, Ruth Landes, June Helm, Eleanor Leacock, Richard Preston, Robin Bernard Saladin d’Englure, Remi et Bruce Trigger, entre autres. avec L’anthropologie psychologique, Irving Hallowell et John Honigmann, nous aura donn6 un petit coup de pouce vers une orientation plus intensive avec des concepts comme ceux de vision du monde et d’ethos. Mais ce n’est que vers 1960 que nous verrons vraiment se dessiner les esquisses d’une specialisation th6matique «religieuse» suivant la pouss6e du structuralisme en France et en Grande-Bretagne, ainsi que le d6veloppement de 1’anthropologie cognitive, de 1’anthropologie symbolique et de 1’anthropologie linguistique, autant de domaines dont les notions marqueront le travail de la generation montante et qui confirmeront l’importance de la langue dans la construction et la transmission du contexte culturel, importance pressentie d’ailleurs par Edward Sapir. Ridington, Edward Rogers, Savard, Adrian Tanner, Elizabeth Tooker L’etat des connaissances du monde amerindien dans le monde universitaire faut maintenant avouer que les chercheurs que nous venons de repr6sentent le quasi totalite des ressources dont nous disposons! Nous pourrions ajouter une dizaine d’auteurs contemporains a notre liste. Une quarantaine de noms au total, depuis les d6buts de 1’anthropologie! Le travail accompli est magnifique et t6moigne de la qualite des relations entre ethnographes et communaut6s am6rindiennes. Mais la liste des chercheurs et chercheuses, comme la liste des ouvrages consacr6s au domaine religieux chez les am6rindiens, est remarquablement courte. Elle est d’autant plus courte que les anthropologues ont produit et continuent a produire la grande majorite des etudes dans ce domaine, et la presque totalite des donn6es de premi~re main. Nous avons certes acc6s aux descriptions Il nous nommer 269 de voyageurs, missionnaires et autres temoins, mais elles restent rares et sommaires. Quant a 1’histoire des religions, jusqu’a tout recemment, ses recherches ont ete timides, centr6es sur des syntheses generales souvent illusoires lorsqu’elles reinterpretent, a la lumière de concepts europ6ens, des donn6s ethnographiques deja acquises, sans les critiquer ou sans en percevoir les limites6. Enfin, nous n’avons presque pas de temoignages provenant d’auteurs autochtones; la voix am6rindienne commence tout juste à se faire entendre 7. Le travail n’est pas complet; il est meme tres loin d’etre suffisant, alors que la majorite des travaux r6cents representent des analyses et des reinterpretations de donn6es anciennes. Aucun groupe autochtone canadien ne dispose a pr6sent d’une representation adequate, 6crite, orale ou visuelle de ses pratiques religieuses, une representation qui permette a ces pratiques d’~tre, sinon transmises ou comprises, du moins accessibles a ceux, autochtones et autres, qui ne font pas partie de la communaut6 linguistique dont elles sont originaires. La collaboration actuelle entre les peuples des forets de 1’est (Montagnais, Cris, Mikmak, Algonquins et autres), qui cherchent a revitaliser des connaissances severement atteintes par le processus d’assimilation culturelle et les ethnologues (voir Preston, Savard, Tanner, entre autres), y compris des cinéastes comme Arthur Lamothe, ne fait qu’att6nuer le problème d’un nombre insuffisant de chercheurs (une dizaine) et de la pauvret6 des ressources. Les peuples du bloc iroquois (y comprise les Hurons) sont mieux servis, a cause de leur situation historique particuli~re, du travail accompli par les 16suites au d~but de la colonisation~, des recherches sur les Iroquois des Etats-Unis et du fait qu’ils disposent de versions 6crites du Code de BeauLac et des rituels de la Longue Maison qui sous-tendent une grande partie de leurs traditions religieuses (voir Trigger). Pour les Ojibwais des grands lacs, et leur voisins cris, les travaux d’Hallowell, de Hoffman, de Landes et, plus r6cemment, de Black et de Preston, 6 7 8 Les recherches sur les traditions chamaniques ont particulièrement souffert de cette tendance à universaliser les données et à construire de grandes synthèses théoriques qui ne tiennent pas compte de la diversité — et de la précision — des traditions en cause. Malheureusement, ces synthèses sont ensuite manipulées par les institutions et les médias pour le bénéfice d’intérêts étrangers; voir, entre autres, Peter Nabokov «Unto These Mountains : Toward the Study of Sacred Geography», dans Gordon Brotherston, ed., Voices of the First America : Text and Context in the New World, numéro spécial New Scholar, 10, 1-2 (1986), p. 479-489. Pour un échantillon des oeuvres écrites en tout ou en partie par des autochtones, voir la bibliographie d’Éric Navet, «Bibliographie critique des principaux ouvrages relatifs aux Indiens du Canada parus de 1967 à 1973», Inter-Nord, n° 13-14, décembre 1974, p. 357-362. La liste s’accroît heureusement chaque jour. Reuben Gold Thwaites, ed., The Jesuit Relations and Allied Documents... , 1610-1791, 73 vols, Cleveland, Burrows Brothers, 1896-1901. 270 font place aujourd’hui a des developpements modernes (les ceremonies de Midewiwin sont a nouveau en pleine expansion) qui donnent aux anciens, parmi les autochtones, une autorit6 et une visibilite sociale nouvelle. Des artistes et auteurs comme Norval Morrisseau et Thomson Highway articulent les 616ments d’une vision qui d6passe le monde autochtone et appelle au dialogue, un appel auquel nous n’avons, semble-t-il, pas les moyens de et comme dans la des debats parfois cr6e, r6pondre, qui region suivante, virulents sur les questions d’appropriation9 par les euro-am6ricains des rituels autochtones. Les Dakota, sur lesquels les recherches se poursuivent de part et d’autre de la frontiere avec les Etats-Unis, et qui disposent des donn6es recueillies par et pour les autres groupes de langue Sioux, sont eux-mêmes activement engag6s dans le d6bat religieux. Pour les autres peuples des grandes plaines, il n’existe aucun ouvrage de synthese et peu d’information factuelle, bien que la reprise et 1’expansion des rituels que nous connaissons sous le nom de Danse du Soleil d6montre la vitalite d’un enseignement dit «traditionnel» (voir entre autres Hungry Wolf, Kehoe, Snow, Tarasoff).1O Nous arrivons au meme constat pour les D6n6s ou la recherche souffre de la raret6 des etudes linguistiques, faiblesse temperee par les recherches a long terme de Robin Ridington sur les Indiens du Castor, et les,6tudes chamaniques en voie de d6veloppement dans le d6partement des sciences religieuses de l’Universit6 d’Ottawa (voir aussi Christian et Gardner, Darnell, Cruikshank, Goulet, Gu6don et McClellan). Pour les sept familles linguistiques et culturelles du plateau et de la c6te du pacifique, seuls les Kwakiutl (a partir de Boas) et les Tsimshian (a partir de Barbeau) ont fait l’objet de recherches de longue duree incluant en partie le domaine religieux, encore que nous n’ayions pas les moyens de rassembler les diverses etudes disponibles en quelque chose de coherent puisqu’il nous manque ici encore la base linguistique et philosophique n6cessaire... mais au moins nous y travaillons; alors que les Haida, les Salish et les Nootka demeurent dans l’obscurit6 (voir Bouchard et Kennedy, 9 Le terme appropriation dénote à la fois les situations où des personnes qui ne sont pas amérindiennes prétendent que leurs produits, leurs oeuvres ou leurs enseignements sont d’origine autochtone et, de façon plus ambiguë, toute utilisation d’une tradition autochtone par quelqu’un (amérindien ou autre) qui n’a pas été mandaté pour ce faire par une autorité reconnue par la ou les communautés autochtones directement ou indirectement 10 en cause. autres, Raymond de Mallie et Douglas R. Park, eds, Sioux Indian Religion : Tradition and Innovation, Norman, OK et Londres, University of Oklahoma Press, 1987. Lame Deer, Vine Deloria, Arthur Amiotte et Beatrice Medecine constituent un quadruple exemple de l’engagement des Dakotas dans l’ethnographie de leur propre culture religieuse. Le livre d’Adolph Hungry Wolf, adopté par les Gens du Sang, une tribu des Piedsnoirs, à la suite de son mariage avec une autochtone, apporte un témoignage tout aussi précieux : The Blood People, New York, Harper & Row, 1977. Voir, entre 271 Jilek et Seguin). En Alaska, cependant, les Tlingit ont ete Georges Emmons et par Frederica de Laguna dans des etudes precises qui ont pose une fondation solide pour des recherches futures. Pour 1’arctique canadien, enfin, depuis Knud Rasmussen, Saladin d’Englure est 1’un de seuls qui ait os6 s’attaquer avec succ~s, sur le terrain, et en inuktitut, aux systemes de pens6e Inuit. Partout, le travail linguistique est lent, alors que les efforts locaux pour ralentir la baisse du nombre de personnes parlant leur dialecte maternel ne recoivent que tres peu d’encouragements. Nous disposons aussi des recherches effectu6es aux ttats-Unis o6 la situation peut paraitre relativement meilleure... Les introductions generales que nous offrent Ruth Underhillll et Sam Gi1112, comme d’ailleurs les oeuvres de Ake Hultkran tZ13, sont n6cessairement construites sur des categories d’origine europ6enne et ne pr6tendent pas refleter les modes de penser et les visions du monde amerindiens encore moins les sp6cificites philosophiques de chaque societe. Des anthologies regroupant des articles scientifiques comme celle de Lawrence Sullivanl4, ou des temoignages personnels comme ceux de Dennis et Barbara Tedlock 15 permettent un acces plus pr6cis au monde amerindien sans donner 1’illusion d’une d6finition globale. Par ailleurs, certaines cultures ou communaut6s am6rindiennes des ttats-Unis ont, pour une raison ou pour une autre, suscite l’int6r~t des anthropologues. Une litt6rature relativement importante existe pour les peuples des pueblos du Sud-Ouest, par exemple. Les Indiens Navahos font eux aussi l’objet de toute une serie de recherches qui Duff, Holm, decrits par 11 12 13 14 Ruth Underhill, Red Man Religion : Beliefs and Practices of the Indians North of Mexico, Chicago, University of Chicago Press, 1965. Sam Gill, Native American Religions : An Introduction, Belmont, CA, Wadsworth, 1982, et Sam Gill, Native American Traditions : Sources and Interpretation, Belmont, CA, Wadsworth, 1983. Åke Hultkrantz, Conceptions of the Soul among North American Indians : A Study in Religion, Stockholm, The Ethnographic Museum of Sweden, 1953; Åke Hultkrantz, The Religions of the American Indian, Berkeley, University of California Press, 1979; Åke Hultkrantz, Belief and Worship in Native North America, Syracuse, NY, University of Syracuse Press, 1981; Åke Hultkrantz, The Study of North American Indian Religion, New York, Crossroad, 1983; et Åke Hultkrantz, Native Religions of North America : The Power of Vision and Fertility, San Francisco, Harper & Row, 1987. Lawrence Sullivan, ed., Native American Religion : North America, Religion, History and Culture, Selections from The Encyclopedia of Religion, Mircea Eliade, editor in chief, New York, Macmillan; London, Collier Macmillan, 1989. Voir aussi Epes Brown, The Spiritual Legacy of the American Indian, New York, Crossroad, 1982, et Åke Hultkrantz et al., Seeing with a Native Eye: Essays on Native American Religion, sous la direction de Walter Holdens Carp, New York, Harper & Row, 1976. Tedlock et Tedlock, Teachings from the American Earth. Voir aussi Elizabeth Tooker, Native North American Spirituality of the Eastern Woodland: Sacred Myths, Dreams, Visions, Speeches, Healing Formulas, Rituals and Ceremonials, New York, Paulist Press, 1979. Joseph 15 272 autant a la cosmologie dite traditionnelle 16 qu’aux mouvechretiensl7, et vont de la traduction detaillee des textes des rituels de cure (et des fameux dessins rituels de sable colore) 18 a la description des relations de travail entre les hommes-m6decine Navahos et les psychiatres des centres m6dicaux locauxl9, et incluent des analyses linguistiques et s6mantiques d6taill6es. Dans ce dernier domaine, il a fallu a Rik Pinxten une 6quipe de trois linguistes et de plus d’une dizaine d’informateurs avec une connaissance approfondie de leur langue maternelle travaillant ensemble pendant quelque trois ann6es pour élucider la fa~on dont les Navaho concoivent la notion d’espace2°. C’est ce genre de connaissance de base qui est absente pour la presque totalite des autres cultures. Une nouvelle g6n6ration de chercheurs comme Inez Talamantez2l, une anthropologue apache, et Alfonzo Ortiz22, un anthropologue tewa, combine identite amerindienne et appartenance au milieu universitaire; la qualite de leurs travaux, comme de 1’etude de Pinxten, pourrait nous servir de jauge dans 1’6valuation des s’adressent ments besoins et la formation d’un programme de recherche satisfaisant. Le travail ethnographique, c’est-a-dire la collecte des donnees de base et leur transformation en outils de recherche, en particulier en ce qui a trait aux pratiques religieuses, n’est donc qu’amorc6. En dehors des omissions les plus flagrantes, comme par exemple I’absence d’6tudes sur les traditions chamaniques, sur la spiritualite f6minine, sur la situation religieuse apr~s la christianisation, sur le christianisme tel que vecu par les diverses communaut6s culturelles, sur les diverses formes de syncr6tisme, sur le proph6tisme autochtone contemporain et la pouss6e millenariste actuelle, sur la resurgence et la construction de formes de spiritualite adaptees aux conditions de vie des autochtones dans les villes, les prisons et les centres th6rapeutiques, nous faisons face a une absence d’information quasi-end6mique 16 17 18 19 Gladys Reichard, Navaho Religion: A Study of Symbolism, 2 vols, Princeton, Princeton University Press, 1990 [1950]. David Aberle, The Peyote Religion among the Navaho, 2 e éd., Chicago, Aldine, 1982 [1966]. Leland C. Wyman , Blessingway, with Three Versions of the Myth Recorded and Translated from the Navaho by Father Bemard Hailey, Tucson, University of Arizona Press,1970; Leland C. Wyman et Flora Bailey, «Idea and Action Patterns in Navaho Flintway», Southwestern Journal of Anthropology, 1 (1945), p. 356-377; Leland C. Wyman et Clyde Kluckhohn, «Navaho Classification of Their Song Ceremonials», Memoir of the American Anthropological Association, vol. 50, Menasha, 1938; et Gladys Reichard, Navaho Medicine Man : Sand Paintings, New York, Dover Publications, 1977. Bert Kaplan et Dale Johnson, «The Social Meaning of Navaho Psychopathology and Psychotherapy», dans Ari Kiev, ed., Magic, Faith and Healing, New York, Free Press of Glen1974 [1964], p. 203-229. Rik Pinxten, Ingrid Van Doreen et Frank Harvey, Anthropology of Space: Exploration into the Natural Philosophy and Semantics of the Navaho, Philadelphia, University of Pennsylvania Press, 1983. Inez Talamantez est professeure d’anthropologie à l’Université d’Arizona. Alfonzo Ortiz, The Tewa World : Space, Time, Being and Becoming in a Pueblo Society, Chicago, University of Chicago Press, 1969. coe, 20 21 22 273 qui concerne les philosophies et cosmologies vehiculees par les langues autochtones. Nous n’avons meme pas les ressources n6cessaires pour aborder une formation linguistique rudimentaire. Les systemes de pensee am6rindienne sont donc occultes. Et parce que nous, les «Blancs», y compris les anthropologues d’origine euro-americaine, n’avons par les informations n6cessaires, une connaissance suffisante des cultures dont c’est notre m6tier de parler, nous disseminons ou nous aidons a diss6miner des representations fausses de ce qui constitue le coeur des cultures en question. Nous donnons par exemple a nos lecteurs et lectrices, a nos 6tudiants et 6tudiantes, l’impression que nous venons de decrire «la religion des Inuit» alors que nous avons parl6 de «notre impression de certains rituels chamaniques tels que pratiques par trois chamanes netsilik decrits par Rasmussen en 1921 ». Les immenses besoins en mati6re de recherche ne sont cependant 6vidents ni pour le grand public ni pour nos collegues. Ils sont dissimules ou excus6s par une s6rie d’arguments que tout chercheur qui se specialise dans 1’etude des religions am6rindiennes... ou tout simplement des am6rindiens... rencontre quotidiennement. A 1’ignorance qui fait dire qu’il n’y a plus rien a 6tudier, que les autochtones sont tous chr6tiens, ou que, de toute fa~on, leurs pratiques religieuses ne sont interessantes que lorsqu’elles sont «authentiquement am6rindiennes», c’est a-dire vécues en dehors de tout contact avec d’autres soen ce il est possible de repondre concrete des traditions amerindiennes. par dynamique Aux prejuges qui, dans leur version primitive, voient dans les pratiques am6rindiennes, des traditions paiennes qui ne sont pas vraiment des «religions» et, dans leur version sophistiqu6e, leur attribuent toutes les vertus du «bon sauvage» (ce sont des «religions naturelles», «simples», construites sur le respect de 1’environnement, la reconnaissance de Notre Mere la Terre, la communion avec la nature, une connaissance intuitive, primaire, sinon originelle), nous pouvons opposer les expos6s sophistiqu6s des penseurs am6rindiens, ou la densite complexe des cycles mythologiques. La pauvret6 des chercheurs, le manque de support financier, et institutionnel, et l’isolement intellectuel qui en d6coule, end6miques depuis les d6buts de 1’anthropologie et des etudes am6rindiennes offrent, une autre s6rie d’excuses. II est vrai que la spiritualite am6rindienne n’est pas consid6r6e comme un domaine prioritaire; son etude demande des mois de pr6paration pour apprendre des langues qui ne sont parfois meme pas encore 6crites, et des ann6es pour s’int6grer a des communautes, rencontrer des informateurs et des collaborateurs qui ont leur propres pr6occupations, et pour comprendre des concepts etrangers qui exigent souvent du chercheur une transformation intellectuelle radicale. Et puis il y a la peur, la peur de travailler avec des gens qui sont nos voisins etjugent nos 6crits et la societe a laquelle nous appartenons; la peur ci6t6s (vision utopique et r6ductrice s’il en est), une vision et 274 du refus, la peur d’etre envoy6 de conseil de bande en conseil de bande sans r6ussir a convaincre les gens de notre competence, de notre bonne foi et de 1’utilite de nos travaux; la peur d’empi6ter alors sur un territoire d6fendu, la peur du m6pris ou meme de la colere de nos coll~gues, 6tudiants et concitoyens amerindiens qui sont fatigu6s de lire des rapports ineptes sur leurs «traditions» et leurs «croyances». Contre cette peur nous n’avons que notre curiosite personnelle, la conscience de la necessite ou se trouve notre societe de dialoguer avec les diverses communaut6s qui la constituent, et la certitude que la connaissance vaut mieux que l’ignorance. La majorite des probl~mes d’appropriation auxquels nous faisions allusion ci-haut sont dus a l’ignorance et s’6vanouissent lorsqu’on met a la disposition des personnes que cela int6resse des informations ad6quates. La visibilite accrue des premieres nations va nous forcer, de part et d’autre, a revoir nos attitudes, et nous inciter a placer la pens6e amerindienne sur la carte universitaire. Mais les ethnologues sont conscients d’un paradoxe fondamental au sein des etudes de la pens6e et de la pratique spirituelle amerindienne : 1’6criture, 1’etude acad6mique, la traduction et la pr6sentation publique de cette pens6e vont transformer l’objet meme de leur etude23; tout en reconnaissant ce paradoxe, je pense qu’il nous faut des a pr6sent nous preparer a adapter nos fa~ons d’enseigner et de faire de la recherche. Nous devrons respecter, autant que peut se faire, les modalit6s d’une pratique et d’une connaissance enracin6es dans des contextes culturels ou 1’6criture cede aux histoires, le texte a 1’experience. Ce n’est pas seulement le contenu de ces pratiques et de ces connaissances qui constituent notre enjeu; ce sont leurs d6finitions, leurs modalites intellectuelles et sociales, les processus de leur transmission. Les transformer en syst~mes de croyances 6crites et de rituels formels ne ferait que perp6tuer cette «colonisation imprim6e- dont parle Gerald Vizenor24. La situation presente de 1’etude des religions amerindiennes Les etudes am6rindiennes sont sous-repr6sent6es dans les universit,6s 25 Une quinzaine de departements d’etudes am6rindiennes (relativement nouveaux-venus sur la scene universitaire puisque le premier d6partement 23 24 25 et religion»; James Clifford et George E. Marcus, eds., Writing Culture: The Poetics and Politics of Ethnography: A School of American Research Advanced Seminar, Berkeley, University of California Press, 1986; et Tedlock, The Spoken Word. Gerald Vizenor, «Socioacupuncture : Mythic Reversals and the Striptease in Four Scenes», dans Calvin Martin, ed., The American Indian and the Problem of History, New York, Oxford University Press, 1987, p. 180-192. Robert S. Allen et Mary A. T. Tobin, Native Studies in Canada: A Research Guide, Associae éd., Ottawa, Department of Indian tion of Canadian Universities for Northern Studies, 3 and Northern Affairs Canada, 1989. Savard, «Nature, culture 275 était fond6 a Trent University, Peterborough, Ontario, en 1968) offrent aujourd’hui environ 40 % des cours donn6s au Canada sur les peuples autochtones ; leur nombre augmente cependant r6guli~rement. Les departements d’anthropologie qui assumaient autrefois la quasi-totalite des cours, ont pr6sentement la charge d’un peu plus du tiers des cours. Mais les anthropologues oeuvrent aussi dans les d6partements d’6tudes am6rindiennes, et les cours sont souvent jumeles entre les deux d6partements (le nombre total des cours en etudes am6rindiennes et en anthropologie ne s’est donc pas accru de faron aussi significative qu’on aurait pu le penser). Les departements d’histoire, de sciences religieuses, d’etudes nordiques et d’6tudes canadiennes, ainsi que le droit et les etudes infirmières se partagent le reste avec des proportions qui varient de 8 % pour 1’histoire a ,5 % pour les,6tudes infirmi~res. Le nombre total et combine de cours sur les am6rindiens, leurs situations contemporaines, leurs langues et leurs cultures, que les d6partements et programmes des universites canadiennes annoncent dans le guide de recherche des etudes autochtones au Canada, oscille a pr6sent autour de 250, ce qui est tres peu. Sur ces cours, on ne trouve qu’une douzaine de cours ou s6minaires sur des sujets directement ou indirectement lies aux pratiques religieuses amerindiennes; leur nombre a diminu6 de 20 % depuis 1987. Sur une quinzaine de departements et programmes d’etudes amerindiennes (dont seulement deux programmes menant a la maitrise), et 10 programmes de formation des maitres autochtones (dont un seul programme de maitrise), environ 40 d6partements d’anthropologie (16 programmes de maitrise et neuf programmes de doctorat), et une trentaine de d6partements de sciences religieuses au Canada, auxquels on pourrait d6partements et programmes d’6tudes canadiennes, on ne pr6sentement (en 1992) au Canada qu’un seul d6partement qui offre une concentration en etudes des religions am6rindiennes;k tous les niveaux. C’est le d6partement des sciences religieuses de 1’Universite d’Otajouter 34 trouve programme de doctorat ou de maitrise en reliau Canada aucune association devolue, en tout ou en partie, a 1’etude des religions, des cosmologies, des mythologies, des philosophies ou des spiritualit6s am6rindiennes. De fait, il n’existe dans le monde a 1’heure actuelle qu’une seule societe fondee dans ce but; elle est toute jeune, puisqu’elle date de 1988, c’est 1’Association pour 1’etude des traditions am6rindiennes (qui est d’ailleurs en train de changer de nom) et qui est internationale. J’ose penser que cette situation est en voie d’am~lioration, d’autant plus que le nombre d’6tudiants, et le nombre tawa. 11 n’existe aucun autre gion amerindienne26. 11 n’existe 26 Répertoire des universités canadiennes, 28 e Canada, 1991. éd., Association des universités et collèges du 276 d’6tudiants am6rindiens, demandant des cours sur la pens6e autochtone augmente rapidement. Anthropologie, religion et Amerindiens dans le contexte intellectuel actuel L’anthropologie 6tait jusqu’;! r6cemment une science marginale (les anthropologues diraient liminale) peut-être parce que sa d6marche a le defaut - ou 1’avantage - de questionner les postulats sur lesquels sont fondees nos cultures respectives, ainsi que notre connaissance de nousmemes. R6sumant 1’histoire de 1’anthropologie au Canada, Tom McFeat se fait 1’echo de plusieurs de ses collegues quand il demande27: «Who among understand the social worlds of which we ourselves are a part, let alone the social worlds of native communities? I think we are in a very bad shape regarding self-understanding, particularly of what has happened to our us of community». Nos definitions de la sense religion sont elles aussi mises a 1’6preuve par le les cultures autochtones. Comme je 1’ai deja mentionn6, le lien que notre societe nous a appris a faire entre religion, institution et spiritualit6 doit etre re-examine lorsque le religieux est partout et qu’on ne peut le s6parer du reste de la culture sans faire violence aux donn6es. Meme les notions que les anthropologues utilisent pour d6crire ce religieux, des notions pour nous aussi evidentes que «la nature et la culture», «Ie sacre et le profane», «l’individu et la communaut6-, «le masculin et le f6minin-... vont 6tre constamment d6rang6es, d6faites et redefinies pour s’adapter a des modes de penser nouveaux. Que dire alors lorsque nous devons remettre en cause des perceptions fondamentales et qui nous apparaissent universelles, comme celle du temps, de 1’espace, de la conscience... Et ce sont nos propres entreprises acad6miques, tout le tresor intellectuel et philosophique qui a nourri nos recherches anthropologiques, qui perdent une partie de leurs assises lorsque nous remettons sur la table des concepts comme ceux de symbole, de dualisme, ou de representation. On ne peut pas 6tudier les religions sans postuler, au moins implicitement, une certaine prise de position vis-A-vis ces notions; on ne peut pr6tendre d6crire les pratiques religieuses d’autres soci6t6s sans d6finir explicitement- leurs positions vis-avis ces notions. Car nous savons maintenant que les cultures amerindiennes sont fondees sur des exp6riences et des postulats diff6rents des n6tres et qui restent encore pour leur plus grande part a d6couvrir. contact avec 27 Tom McFeat, Three Hundred Years of Anthropology in Canada, Occasional pology, n° 7, Halifax, Saint Mary’s University, 1980. Papers in Anthro- 277 La reconnaissance de la réalité de la diversité culturelle est un premier pas. Les anthropologues n’ontjamais doute de leur ignorance, mais le role de m6diateur culturel qui leur est souvent attribu6 a contribue a voiler le 1’anthropologie ne peut pas tout faire, qu’elle reste limit6e dans ses concepts et ses m6thodes. Mais elle nous a appris que nous ne pouvons rendre compte d’une autre facon de vivre qu’en participant a cette réalité. Et fait que plus échapper a la dimension 6thique de nos travaux - et participation. En tant que traducteurs, nous sommes responsables nos traductions, de la fafon dont nous decrivons les autres, de l’image que nous projetons d’eux. Les discussions th6oriques et les grandes syntheses sont essentielles en tant qu’outils, en tant que moyen pour affiner la critique de nos concepts et de nos m6thodes; elles sont secondaires en tant que but de nos entreprises. Nous servons d’abord 1’objet extraordinaire de notre exploration : une vision autre de la realite humaine. L’anthropologie n’estjamais tres loin de la critique culturelle28. C’est un travail a deux, en meme temps qu’unjeu de miroirs. L’avenir de 1’anthropologie des religions am6rindiennes sera un dialogue29, ne peut etre autre chose qu’un dialogue. Nous ne parlerons pas seulement d’6glise et de mythes, de rituels et d’esprits; nous parlerons de territoire, de pouvoir, d’image et d’intentionalit6; nous parlerons de patience, d’espace int6rieur nous ne de de et pouvons notre ext6rieur, de communaut6, de 1’existence humaine dans ses d6tails les parlerons du mystère qui nous permet d’apprendre et plus les langues les uns des autres. concrets, et 28 29 nous Marcus et Michael M.J. Fisher, Anthropology as Cultural Critique: An Experimental Moment in the Human Sciences, Chicago, University of Chicago Press, 1986. Dennis Tedlock, «The Analogical Tradition and the Emergence of a Dialogical AnthroJournal of Anthropological Research 35 (1979), p. 387-400. pology», , George