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Trente ans d’images dans Mappemonde

2019, Mappemonde

Mappemonde Revue trimestrielle sur l’image géographique et les formes du territoire 127 | 2019 Varia Trente ans d’images dans Mappemonde 30 years of images in Mappemonde Treinta años de imágenes en Mappemonde Clarisse Didelon-Loiseau et Hervé Théry Édition électronique URL : http://journals.openedition.org/mappemonde/2451 DOI : 10.4000/mappemonde.2451 ISSN : 1769-7298 Éditeur UMR ESPACE Référence électronique Clarisse Didelon-Loiseau et Hervé Théry, « Trente ans d’images dans Mappemonde », Mappemonde [En ligne], 127 | 2019, mis en ligne le 01 juillet 2019, consulté le 29 mars 2020. URL : http:// journals.openedition.org/mappemonde/2451 ; DOI : https://doi.org/10.4000/mappemonde.2451 Ce document a été généré automatiquement le 29 mars 2020. La revue Mappemonde est mise à disposition selon les termes de la Licence Creative Commons Attribution - Pas d’Utilisation Commerciale - Partage dans les Mêmes Conditions 4.0 International. Trente ans d’images dans Mappemonde Trente ans d’images dans Mappemonde 30 years of images in Mappemonde Treinta años de imágenes en Mappemonde Clarisse Didelon-Loiseau et Hervé Théry Introduction 1 Mappemonde a fêté en juin 2018, avec quelques mois de retard, ses trente ans de publication. À cette occasion nous nous sommes plongés dans les archives papier et électroniques de la revue pour analyser l’évolution des illustrations parues dans Mappemonde1 pendant ces trois dernières décennies. Compte tenu de son positionnement revendiqué, celui d’une revue sur l’image géographique, nous nous demandions comment la revue avait accompagné, voire anticipé les changements dans nos rapports à l’image en géographie, et plus largement dans les disciplines de sciences humaines productrices ou utilisatrices d’illustrations mettant en lumière les formes des territoires, les paysages et leur évolution, etc. Nous cherchions à savoir également si les images publiées dans Mappemonde laissaient paraitre l’existence d’une « marque de fabrique » propre à la revue, mais aussi comment la place de l’image a évolué dans la production de savoirs en géographie. 2 Pour ce faire nous avons constitué une base de données en libre accès 2, répertoriant chacune des illustrations parues dans Mappemonde depuis le tout premier numéro du début de l’année 1986 et jusqu’au numéro 123, soit 6 469 illustrations à ce jour. Toutefois pour la synthèse que nous présentons ici, seules les trente premières années de publication sont prises en compte dans l’analyse, soit 6 057 images. Pour chacune d’entre elles, nous avons classiquement créé un code d’identification et recueilli les informations sur l’article (auteur, titre, type de rubrique, inclusion ou non dans un numéro spécial et lequel le cas échéant) dans lequel l’image est insérée. Ensuite, nous avons renseigné un certain nombre d’informations géographiques et thématiques (échelle, région du monde, pays, lieu représenté, thème) ainsi que des informations Mappemonde, 127 | 2019 1 Trente ans d’images dans Mappemonde d’ordre plus techniques propres à l’image (couleur, type d’image (carte thématique, modèle, photographie, etc.). 3 L’analyse de ces illustrations sur trente ans montre le chemin parcouru par la revue depuis sa fondation par R. Brunet et R. Ferras pour accueillir « les chutes » 3 des ouvrages (Atlas de France et Géographie universelle) du GIP Reclus produits à la Maison de la Géographie de Montpellier. L’analyse des images parues dans Mappemonde montre qu’après des débuts foisonnants et quelque peu anarchiques, la revue semble s’assagir au fur et à mesure qu’elle gagne une reconnaissance nationale. Elle garde toutefois une spécificité, liée au poids des illustrations et aux types d’images produites, notamment celles mettant en lumière la structuration de l’espace géographique. Elle est également un témoin privilégié des mutations de la géographie en tant que discipline autant que de la société dans son ensemble, avec la place de plus en plus importante accordée aux outils numériques. Une revue qui « s’assagit » en gagnant une reconnaissance nationale Diminution et uniformisation des types d’articles 4 La place des images a toujours été centrale dans Mappemonde, c’est même l’une de ses raisons d’être : « Au début, R. Ferras avait placé la barre très haut : les articles devaient comporter 50 % de texte et 50 % d’images » (Eckert, no 81, 2006-1). La place des illustrations dans la revue montre, dans les premiers temps de la publication, une sorte de foisonnement un peu anarchique. Chaque numéro accueille alors un grand nombre d’articles, généralement autour d’une demi-douzaine (et jusqu’à 23 pour le numéro 1993-4), mais certains de ces « articles » n’en sont pas vraiment à l’aune des critères contemporains. Des rubriques sont créées comme « jeux de cartes » à partir du numéro 1986-3, ou « carto-humeur, carto-humour » à partir du 1988-1, mais elles n’ont pas l’apanage des textes courts. Ainsi, dans les premières années on trouve parfois quelques images juxtaposées sans véritable texte pour les accompagner et parfois sans texte du tout. Un certain nombre d’articles sont construits autour d’une ou deux illustrations seulement, notamment quand il s’agit de cartes complexes à produire qui sont alors mises en valeur. Mappemonde, 127 | 2019 2 Trente ans d’images dans Mappemonde Figure 1. Évolution du nombre d’articles et d’illustrations 5 Au fil des années, comme le montre la figure 1, le nombre moyen d’articles par numéro (rubriques comprises) se réduit sensiblement tandis que le nombre moyen d’illustrations par article augmente pour atteindre 6,2 images en moyenne dans la période 2011-2015. Malgré cette plus forte présence des illustrations, leur poids au sein des articles diminue au profit de celui du texte. Avec les années, les articles se font plus longs, ils sont plus structurés et construits sur le modèle classique des publications scientifiques. Cela est particulièrement sensible à partir de 1996, date à laquelle les conditions d’édition de la revue connaissent un premier changement avec la fin du GIP Reclus et la prise en charge de l’édition par Belin. À cette occasion, le comité de rédaction prend une dimension nationale et les articles apparaissent de plus en plus normés. À partir du 43e numéro (1996-3), la rubrique « images » est mise en place et quelques mois plus tard, dans le 45e numéro (1997-1), apparaissent deux rubriques « lieux » et « Internet ». Cette dernière est évidemment concomitante à l’émergence d’Internet en 1995-96. Ces rubriques accueillent des articles aux formats moins standards et elles prennent de plus en plus de poids dans la publication des images comme l’illustre la figure 2. La tendance à la normalisation que connait la revue à la fin des années 1990 se confirme avec le soutien du CNRS à la publication à partir de 2001. À partir de cette date, les processus d’évaluation devenant plus contraignants, le nombre d’articles par numéro ne cesse de diminuer. On observe également une « normalisation » des rubriques ces dernières années avec désormais des formats qui sont bien plus structurés d’un point de vue scientifique que certains des premiers textes considérés comme articles à part entière dans les tout premiers numéros de la revue. Mappemonde, 127 | 2019 3 Trente ans d’images dans Mappemonde Figure 2. Poids des rubriques dans la publication des illustrations Une variabilité des illustrations qui diminue 6 Pour décrire les illustrations, nous avons identifié 26 types d’illustrations, certains pouvant être cités en même temps. Parmi les types, nous avons identifié des illustrations qui relèvent des outils classiques du géographe et en particulier différents types de cartes (thématiques, historiques, de localisation, conceptuelles, animées, en anamorphose…), des modèles et des chorèmes, des graphiques, des schémas, des graphes, des photos au sol ou aériennes, des images satellites… mais on trouve également des illustrations de types plus originaux comme des dessins, des logos publicitaires, des captures d’écrans de logiciels divers ainsi que des tableaux d’artistes. 7 Dans les premières années de publication, on note un foisonnement et une forte diversité des illustrations au sein des numéros. Sur les 26 types d’illustrations identifiés, nous en trouvons 24 dans les numéros publiés entre 1986 et 1990. Tout au long des 30 ans de publication, ce chiffre ne cesse de décroitre pour atteindre 18 entre 2011 et 2015, montant ainsi une perte relative de la richesse iconographique, tempérée toutefois par les rubriques (Lieux, images, Internet…), où semble se réfugier la diversité. 8 Les cartes thématiques dominent l’ensemble des publications puisqu’elles représentent environ 40 % des illustrations tant en début qu’en fin de période. Toutefois, si l’on se considère que les « articles » à proprement parler, les cartes thématiques accroissent leur domination. On note en revanche une nette diminution de l’utilisation de cartes historiques, de cadastres ou de plans et cartes topographiques, notamment comme objets de l’analyse des articles. Elles représentaient 8 % des illustrations en 1986-90 et seulement 0,1 % entre 2011-15. Disparaissent également les commentaires de sources cartographiques ou illustratives diverses, comme les cartes parues dans la presse, les illustrations sur l’utilisation de cartes en contexte scolaire ou administratif, les reproductions d’œuvres d’art (de 11,7 à 2,0 %). Le poids des illustrations ayant pour objet de mettre à jour les structures spatiales (comme les chorèmes, les cartes conceptuelles ou les modèles) connait la diminution la plus importante passant de 21 % dans les premières années de publication à 6,6 % au bout de 30 ans. Mappemonde, 127 | 2019 4 Trente ans d’images dans Mappemonde 9 Avec les progrès technologiques de la fin du XXe siècle (les premiers « Mac » en 1984, postcript en 1982), deux types d’illustrations connaissent au contraire un fort taux de croissance. Premièrement, celles qui présentent des outils, notamment les SIG et les logiciels de cartographie. Grâce à la diffusion de l’informatique « grand public », les ordinateurs entrent massivement dans les laboratoires et les géographes créent de nombreux logiciels d’analyse et de représentation de données géographiques. On illustre l’utilisation de ces logiciels par des captures d’écran, dont la part s’accroît nettement (de 1,44 % à 14,4 %). Dans le même temps, l’utilisation de la photographie explose à partir de la période 1996-2000, passant de 2,6 % à une moyenne de 13 % ensuite. Cela correspond parfaitement au calendrier des mutations qui ont eu lieu dans le monde de la photographie à la fin des années 1990 avec la multiplication rapide des modèles grands publics d’appareils photo numériques. Le coût de la photographie chute (on est plus obligé d’imprimer pour pouvoir la visualiser) et corrélativement le nombre de photographies prises par les individus explose. Pour les géographes, la photographie prend dès lors une place de plus en plus importante dans l’analyse et la démonstration et, avec sa publication en couleur, Mappemonde est alors très bien positionnée par rapport à d’autres revues. Créée pour faire connaitre les avancées en cartographie du GIP Reclus, Mappemonde a été, en effet, la première revue de géographie à publier en couleur. Un style cartographique qui s’uniformise 10 En même temps que leurs types semblent perdre en diversité, le style des illustrations publiées dans Mappemonde tend à l’uniformisation. C’est d’abord visible par la domination progressive des illustrations en couleurs. Dans les débuts de la revue papier, trois types de couleurs étaient possibles : des nuances de gris, une bichromie (orange et noir par exemple, ou bleu et noir), et une quadrichromie. Seul un certain nombre de documents étaient publiés en couleurs, dont la carte « vedette » de la double page centrale dans les premiers numéros. Plus de 50 % des illustrations étaient — pour des raisons évidentes de coût — publiées en bichromie. Avec les progrès techniques survenus dans les années 1990, puis le passage à une publication en ligne en 2003 4, le recours à la couleur ne pose plus de problème de coût (figure 3). Mappemonde, 127 | 2019 5 Trente ans d’images dans Mappemonde Figure 3. La domination de la couleur 11 Au-delà de l’uniformisation par la couleur, on note une tendance forte à l’uniformisation du style cartographique au cours des années. Plusieurs facteurs peuvent être mobilisés pour expliquer cette tendance. Premièrement la diffusion des outils de cartographie automatique qui proposent des styles de cartes (notamment en termes de dégradés de couleurs et de mise en page) qui sont rarement très retravaillés par les auteurs. Dans les premières années de publication, les outils de cartographie informatique étaient plus artisanaux, peut-être plus nombreux et moins largement diffusés, ce qui contribuait à illustrations aux qualités visuelles hétéroclites. On peut peut-être également évoquer la diffusion d’une certaine esthétique cartographique inspirée des deux publications majeures du GIP Reclus, l’Atlas de France et la Géographie universelle, qui ont fait date. Enfin, il ne faut pas sous-estimer la dimension humaine et surtout le rôle de Guérino Sillère, cartographe de la revue depuis les années 1990 jusqu’en 2015 qui, menant une réflexion sur la cartographie, a repris l’ensemble des illustrations proposées par les auteurs. Il a contribué à donner à Mappemonde son identité visuelle, tâche reprise aujourd’hui par Mathieu Coulon. Un lieu d’innovation en cartographie 12 Si le style des illustrations de Mappemonde tend à une certaine uniformisation, il faut reconnaître que, dans le même temps, elle a perdu un peu de sa spécificité, par rapport à d’autres revues qui ont opté pour la publication (intégrale ou non) en ligne. Alors que beaucoup d’entre elles ne publiaient pas ou peu d’illustrations, et encore plus rarement en couleur, leur capacité à prendre en charge les illustrations et — qui plus est — des illustrations en couleur s’est très nettement accrue. Toutefois, la revue a été un lieu de diffusion d’innovations majeures dans deux domaines au moins. Elle a contribué à diffuser l’utilisation des chorèmes et plus largement des modèles graphiques dans l’analyse des structures de l’espace géographique. Et elle a aussi été le lieu de publication et de mise en œuvre de bien des innovations en lien avec les représentations de l’espace géographique Mappemonde, 127 | 2019 6 Trente ans d’images dans Mappemonde Innovations théoriques et méthodologiques : la modélisation graphique. 13 En 1986, dans le premier numéro de Mappemonde, le premier article, de Lise Forton, « Structures et dynamiques de l’espace en Espagne et en France », donne le ton, Mappemonde ne sera pas uniquement une revue de cartographie, elle accueillera également des articles, tant théoriques que thématiques qui mettront en valeur les principes et méthodes de la modélisation graphique de l’espace géographique, notamment les chorèmes (voir encadré 1). Cette approche est particulièrement associée à Roger Brunet, fondateur de la revue, autour de qui s’était créée une équipe de recherche sur ce thème, qui se réunissait périodiquement pour tester la méthode sur divers espaces pour voir dans quelle mesure convergeaient les modélisations des uns et des autres. Encadré 1 : Éditorial, « M@ppemonde : 20 ans et au-delà ». D. Eckert, n o 81, 2006-1 Mais, bien que Mappemonde se présentât alors comme « revue trimestrielle de cartographie » (dénomination conservée de 1986 à 1995), elle n’a jamais été centrée sur les seules techniques cartographiques. Les auteurs ont immédiatement proposé des contributions sur les formes du territoire révélées par la carte, le (bon) usage des cartes et modèles graphiques. L’idée était donc bien, en explicitant les conditions de production de la carte et en décrivant les évolutions rapides des techniques, d’enrichir le débat sur l’apport spécifique de la carte à la connaissance des territoires, à la représentation de leurs dynamiques, et d’amener ainsi le lecteur à une réflexion sur l’espace géographique. D’où notamment l’attention portée à la modélisation graphique qui est, depuis 1986, l’une des spécificités de la revue. Le numéro 1986-4 « Chorèmes et modèles » marque de ce point de vue une date dans la production de la discipline. 14 Pourtant, si la part de la modélisation graphique (modèles et chorèmes étant ici considérés ensemble) représente plus de 20 % des illustrations dans les premiers temps de la publication, cette part diminue régulièrement, avec un recul accru à partir de 2006-2010 (figure 4). C’est également la période où la modélisation graphique et la chorématique, qui était auparavant intégrées à certains enseignements de la géographie en licence, commencent à disparaître des maquettes. Souvent mal comprise et appauvrie dans son utilisation, la chorématique doit faire face à de nombreuses critiques. Après avoir été — trop ? — à la mode, elle « passe de mode » au fur et à mesure que l’outil informatique devient accessible au plus grand nombre et que des formes de modélisation plus mathématiques deviennent plus faciles d’accès. Cela lui nuit doublement, à la fois parce que beaucoup pensent que ces modèles informatiques peuvent la remplacer, sans percevoir que, par définition, ils supposent des données quantitatives et abondantes, alors qu’elle est bien plus qualitative et conceptuelle. Et parce que faute de trouver « le logiciel qui fait les chorèmes » d’autres — ou les mêmes — n’osent pas assumer le degré de généralisation et d’abstraction qu’elle suppose. C’est sans doute pourquoi on la trouve désormais plus souvent pratiquée dans Mappemonde par des historiens ou des agronomes, plus habitués que les géographes à raisonner sur des données partielles et/ou qualitatives, ou dans des pays ou l’appareil statistique est moins développé. Mappemonde, 127 | 2019 7 Trente ans d’images dans Mappemonde Figure 4. Évolution de la part de la modélisation graphique Un espace d’innovation cartographique 15 Mappemonde est plus largement le lieu de la diffusion des innovations dans le très large domaine de la cartographie. Ces innovations concernent aussi bien les aspects techniques avec l’irruption de nouveaux logiciels parfois très éphémères, des modes de représentations, des méthodes d’enseignement ou d’utilisation de cartes dans le contexte scolaire. Les illustrations ayant directement trait à la cartographie et à la sémiotique et s’inscrivant dans des articles théoriques ou méthodologiques représentaient 17 % des articles en 1986-1990 et encore 11 % en 2011-2015, conformément à l’esprit de la revue (encadré 2). Encadré 2 : Éditorial « Mappemonde, le monde des cartes ». R. Brunet, 86-1 (…) donner des cartes, et leur mode d’emploi. Là est l’idée, élémentaire et pourtant inédite : faire une revue de cartographie qui se fonde sur la carte, et non sur le discours. (…). Mappemonde s’efforcera de suivre l’actualité du Monde et de la recherche par la carte ; de faire découvrir les nouvelles représentations de territoires et des activités ; de fait, découvrir par la carte des phénomènes mal connus, des liaisons inattendues. 16 Les innovations techniques sont essentiellement liées aux progrès de l’outil informatique (ergonomie, puissance de calcul) et à sa diffusion de plus en plus large. On trouve ainsi dans les pages de Mappemonde, et ce dès les premiers numéros, des essais de logiciels illustrés par des captures d’écran (figure 5). Certaines de ces innovations sont peu à peu intégrées dans les pratiques « normales » de la cartographie, comme les SIG. Dans le premier article sur ceux-ci paru dans Mappemonde, dans le numéro 89-1, Sylvie Rimbert montre leur utilité pour les chercheurs et aménageurs français. Les illustrations tirées d’articles spécialisés sur ce thème fleurissent dans la période 1991-95 puis disparaissent, alors qu’ils restent bel et bien utilisés pour produire un grand nombre des illustrations qui paraissent dans la revue. D’autres innovations techniques disparaissent corps et biens quand elles sont remplacées par d’autres outils plus diffusés, ou plus faciles d’utilisation. C’est le cas de la « cartographie interactive sur Minitel », présentée P. Waniez dans le premier numéro de 1986 (figure 6). En tant qu’outil et ressource, Internet a droit à sa propre rubrique à partir de 1997 faisant de Mappemonde une pionnière dans ce domaine (voir encadré 3). Sur le web, les innovations dans le domaine de la cartographie sont constantes : la rubrique existe toujours et ne souffre guère de problèmes d’alimentation. Toujours en lien avec Internet, les auteurs de Mappemonde se sont investis dans la mise en œuvre de solutions pour la géovisualisation sur Internet avec notamment un soutien de la revue Mappemonde, 127 | 2019 8 Trente ans d’images dans Mappemonde au concours de géovisulation du FIG et des réalisations comme le dossier « cartographie animée » coordonné par Guérino Sillère en 2007-08. Figure 5. Illustration extraite de « CARTGRL : Un logiciel de cartographie thématique pour microordinateurs » P. Dumolard, no 86-1 Mappemonde, 127 | 2019 9 Trente ans d’images dans Mappemonde Figure 6. Illustration extraite de « La cartographie interactive sur minitel ; l’Atlas télématique des villes françaises » Mappemonde no 86-1 Encadré 3 : Éditorial de R. Brunet, « Numéro 50, et après ». 1998-2 Les nouvelles rubriques annoncées ont été effectivement créées et régulièrement alimentées : « ces lieux dont on parle », « images géographiques », « le monde d’Internet ». Mappemonde est la seule revue du genre à explorer les ressources d’Internet et à en tirer des images publiées, tout en restituant ces traitements sur le propre site Internet de Reclus. 17 Mais les innovations ont également lieu dans le domaine des représentations. La fin des années 1980 et les années 1990 sont l’époque de nombreux progrès dans la récolte, l’analyse et la représentation de données permises par l’augmentation de la puissance des outils informatiques. Mappemonde publie ainsi un grand nombre d’articles autour d’une carte spectaculaire souvent une carte thématique pour laquelle la récolte des données est particulièrement difficile ou le traitement particulièrement « lourd » en termes de puissance de calcul. La carte est alors parfois mise en double page dans la version papier comme la carte des densités de population à l’échelle communale construite à partir des données du recensement de 1982 et publiée dans le numéro 89-1 par Daniel Noin (figure 7). Mappemonde publie ainsi, très tôt des cartes en 3D, des cartes en anamorphose, des cartes subjectives, des graphes… (encadré 4). Avec le dernier numéro papier et le passage à la publication en ligne, en 2003, alors que Mappemonde quitte les éditions Belin et que l’accès à la revue devient entièrement gratuit, la revue se saisit de l’occasion pour innover encore (encadré 5) et notamment en publiant des cartes animées, qui sont même l’objet d’un numéro spécial dans le n o 86 publié en 2007 (encadré 5). Mappemonde, 127 | 2019 10 Trente ans d’images dans Mappemonde Figure 7. Un exemple de carte « vedette » : la densité de population à l’échelle communale en 1989 Encadré 4 : Éditorial. R. Brunet. 1996-1 (…) Le paysage a cependant changé depuis 1986. Les techniques se sont affinées ; Mappemonde a évolué avec elles. La revue est apparue en même temps que les Macintosh ; les progrès successifs apportés par le langage Postscript, les imprimantes à laser ou la saisie d’images par Photoshop, comme par les logiciels de dessin et de cartographie modernes, ont été tour à tour intégrés sans retard. La revue a pu montrer des images originales, voire inattendues ou jusqu’alors impensables — les 36 500 communes de France sur une seule page, ou les banques en Russie... Elle a scruté les possibilités des représentations en trois dimensions (« 3 D »), des anamorphoses, des systèmes d’information géographique (« SIG »), comme les champs ouverts par la modélisation des formes spatiales, et d’autres images que la carte : photographie, tableaux de peintres, télédétection, etc. Encadré 5 : Éditorial. R. Brunet, « De Mappemonde à M@ppemonde » 2003-4 Mappemonde change maintenant de forme : elle sera accessible par Internet, et seulement par Internet (http//:mappemonde.mgm.fr). Là encore, nous allons essayer d’innover. (…) la revue s’efforcera d’utiliser au mieux les ressources graphiques qu’offre l’image électronique : nous (rédaction, auteurs, lecteurs) aurons à trouver de nouvelles formes d’expression dans le dessin et l’animation du dessin, comme dans le rapport entre texte et image. Une seule règle : des images inédites et pas d’image sans légende, explication, commentaire, sources. 18 Toutes ces innovations ne sont pas sans faire grincer quelques dents, surtout dans les premiers temps de la publication et le courrier des lecteurs, parfois acide, a suscité la création d’une rubrique appelée « carto humeur/carto humour » dans laquelle des Mappemonde, 127 | 2019 11 Trente ans d’images dans Mappemonde universitaires réagissent aux cartes publiées. C’est le cas de Philippe Pinchemel, qui a « eu mal à la France, mal pour la France » (encadré 6) en découvrant les cartes en anamorphoses (Cauvin, ballon rond, ballon ovale » du 1 er numéro de Mappemonde) ou Yves Guermond dans le 88.3 (encadré 7) qui semble craindre « un déferlement de postmodernité » du fait de la multiplication des thèmes » et surtout d’une carte tirée du « nouvel Atlas rural de la région Provence-Alpes-Côte d’Azur » présentée dans le numéro 87-2 par Christiane Lees (figure 8). Figure 8. Carte extraite du nouvel Atlas rural de la région Provence-Alpes-Côte d’Azur Christiane Lees, no 87-2 Encadré 6 : Ph. Pinchemel, Carto-humeur, carto-humour (rubrique). No 87-1 « J’ai eu mal à la France, mal pour la France, en arrivant aux pages 32 et 33 du premier numéro de Mappemonde. Quels outrages, mon bel hexagone, la figure équilibrée, harmonieuse de mon pays avait-il subis ? Page 31, la moitié nord de la France était à peu près normale, mais la moitié sud était toute gonflée, déformée par je ne sais quel épanchement, surtout le quart Sud-Ouest. Sur la page 32 la France apparaissait chiffonnée, comme si une main l’avait froissée dans un mouvement de colère. Sur ces deux surfaces déformées, une grille de carrés, dont les dimensions et les altérations accompagnaient celles de l’hexagone ; aucune autre indication, aucun nom, aucun lieu. » Encadré 7 : Y. Guermond, Carto-humeur, carto-humour (rubrique). N o 88-3 Mappemonde foisonne d’idées, et c’est là son charme : mais il ne faudrait pas, sous prétexte de chercher de nouvelles pistes et d’entrer par n’importe quel côté dans l’ère post –moderne, tourner comme une boussole affolée dans tous les azimuts. Mappemonde, 127 | 2019 12 Trente ans d’images dans Mappemonde Les progrès matériels de l’impression en couleurs n’autorisent pas à reprendre ce qui était vieux il y a vingt ans pour en faire du neuf. Un témoin des « modes » dans la géographie 19 Si la revue rend compte des innovations théoriques et méthodologiques dans le domaine de la cartographie, elle est aussi, comme toute publication scientifique, le témoin privilégié de l’évolution des thèmes auxquels s’intéressent les géographes et des espaces qu’ils analysent. L’analyse des thèmes des illustrations publiées dans Mappemonde et de leur localisation permet de suivre cette évolution. Des modes thématiques… 20 Conformément aux objectifs de la revue à sa création, on observe une domination forte des thèmes des illustrations liées aux structures spatiales (12 % des illustrations sur l’ensemble de la période) et à la cartographie et la sémiotique (9 %). Toutefois les deux thèmes sont moins présents aujourd’hui que dans les cinq premières années ou elles représentaient respectivement 19,3 % et 17 % contre 10,4 % et 11 % en 2011-2015. Le thème « cartographie » est toutefois enrichi par d’autres thèmes proches liés à la présentation de logiciels, dont le poids dans les illustrations ne cesse de croitre pour atteindre 6,8 % en 2011-2015 et des méthodes (10 %). 21 Moins dominants, mais stables dans les proportions d’illustrations qu’ils représentent, on trouve certains thèmes classiques de la géographie et notamment l’agriculture, l’analyse de paysage, la dimension économique des territoires, la démographie et l’histoire. Ces thèmes sont souvent présents dans des articles relativement généraux sur un espace, dont on va présenter plusieurs cartes thématiques avant de produire une carte de synthèse ou un modèle des structures spatiales. Chacun de ces thèmes représente entre 3,5 et 4 % des illustrations sur l’ensemble de la période avec une variabilité relativement faible. Tout aussi stables, mais peu représentés sont les thèmes liés aux domaines de la géographie physique et en particulier la climatologie (0,5 %), la géomorphologie et l’hydrographie (2,3 %) alors que ces domaines sont riches en représentations cartographiques. Cela illustre assez bien les fortes différences qui existent dans les stratégies de publication entre les géographes « humains » et « physiciens ». 22 L’analyse des illustrations permet d’identifier ensuite des thèmes dont la présence varie fortement pendant les 30 années étudiées. On note d’abord le thème « représentations subjectives », qui est bien représenté en 1986-90 (11 %), dont la présence s’effondre jusqu’à pratiquement disparaître pendant la première décennie des années 2000 pour atteindre à nouveau 5,4 % en 2011-15, illustrant ainsi la « redécouverte » ou la réactualisation constante de thèmes ou des méthodes au sein des sciences humaines. Au-delà des effets de mode, le thème « représentations mentales » semble prendre un nouvel essor du fait de l’irruption de nouveaux outils d’analyse dans le domaine. On observe une variabilité identique avec le thème du sport très présent en 1986-90 (7,3 %), puis pratiquement absent (autour de 1 % pendant 15 ans) pour revenir ensuite (6 % en 2006-10). Au lieu d’une variabilité sous forme de « retour » certains thèmes, au cours de la période, connaissent des pics. C’est le cas des thèmes « villes », Mappemonde, 127 | 2019 13 Trente ans d’images dans Mappemonde « transport », « tourisme », « risques » et « conflit géopolitique » comme l’illustre le tableau ci-dessous (tableau 1). C’est également le cas de « l’environnement » qui connait un pic dans la dernière période. Tableau 1. Pic de fréquence de la part de certains thèmes dans les illustrations Thème Fréquence des illustrations sur la période Date du pic Fréquence des illustrations pendant le pic Tourisme 2,7 % 1996-2000 6,8 % Villes 4,2 % 1996-2000-01-2005 7,4 à 9,5 Transport 2,8 % 2001-2005 6,9 % Risque 3% 2006-2010 6,3 % Conflit géopolitique 2,6 % 2006-2010 7,2 % Environnement 3,2 % 2011-2015 7,7 % … aux terrains à la mode Hot spots et zones d’ombre du monde 23 Compte tenu de la nationalité de la revue et de son fort ancrage dans la géographie française, le pays sur lequel portent le plus souvent les illustrations est évidemment la France (2 449 sur 4 499 illustrations publiées, soit plus de 54 %). Les cartes et analyses suivantes l’ont donc, dans un premier temps, laissée de côté pour mieux observer leur distribution dans les autres pays (figure 9 et tableau 2) et montrer que les illustrations publiées dans Mappemonde couvrent une large partie du monde. 24 Les pays qui font l’objet du plus grand nombre d’illustrations (tableau 2) sont globalement les plus grands, que ce soit en surface, en population ou en richesse, mais elles se concentrent cependant sur les terrains de prédilection de la géographie française. L’Europe et le bassin méditerranéen sont ainsi largement couverts, à l’exception d’une large partie de l’Europe de l’Est, des pays baltes aux Balkans. En Afrique, c’est essentiellement l’Afrique francophone qui est l’objet des illustrations, alors qu’une grande partie de l’ex-Empire britannique en Asie est laissée dans l’ombre (Pakistan, Bangladesh, Birmanie, Papouasie-Nouvelle Guinée…). Enfin, les zones de steppe de l’Asie centrale ne semblent guère susciter d’illustration (Mongolie, Turkménistan, Ouzbékistan, etc.) à la maigre exception du Kazakhstan (1 illustration en 1996-2000). Mappemonde, 127 | 2019 14 Trente ans d’images dans Mappemonde Figure 9. Distribution des illustrations sur l’ensemble de la période et zones d’ombre Tableau 2. Les pays concernés par au moins 50 illustrations (France non incluse) 25 Total Pays 1986-1990 1991-1995 1996-2000 2001-2005 2006-2010 2011-2015 Total 323 363 286 356 353 371 4 499 Brésil 51 34 25 62 34 4 210 Espagne 20 8 16 0 15 48 107 Liban 0 4 0 31 33 36 104 États-Unis 11 11 9 40 7 10 88 Russie 4 7 27 26 5 0 69 Chine 19 9 19 1 9 12 68 Inde 1 6 14 24 0 15 60 RoyaumeUni 12 13 3 13 14 0 55 Équateur 12 25 0 10 6 0 53 Suisse 9 16 3 0 0 24 52 Canada 6 2 6 8 18 11 51 Chili 7 7 0 4 1 32 51 général Les cartes illustrant la localisation par pays des illustrations publiées dans Mappemonde montrent plusieurs phénomènes (figure 10). Premièrement dans les premières années une forme de dispersion de la localisation des illustrations publiées. En effet, le nombre de pays concernés par des illustrations s’accroît (44 pays pendant les 5 premières Mappemonde, 127 | 2019 15 Trente ans d’images dans Mappemonde années, 49 et 47 les années suivantes) et le niveau de concentration est moins élevé : le Brésil qui concentrait 16 % des illustrations en 1986-90, n’en compte plus qu’autour de 9 % les années suivantes. Cela s’explique probablement par la diffusion de la revue auprès de nouveaux auteurs spécialistes d’autres espaces au-delà des spécialités qui étaient déjà représentées à la Maison de la Géographie à Montpellier. Mais dans un deuxième temps, malgré la mise en place des rubriques qui contribuent pourtant généralement à un maintien d’une forte diversité quand il s’agit des types de représentations ou des thèmes, on observe un processus contraire de concentration. Le nombre de pays couverts diminue pour atteindre 34 dans la dernière période et les niveaux de concentration sont à nouveau relativement élevés. Le principal facteur explicatif est la multiplication sur cette période des numéros spéciaux liés à des aires géographiques en particulier. Avant 2000, la majorité des numéros spéciaux portent sur des aspects méthodologiques, théoriques ou thématiques (« Enseigner la carte » ou « Espaces du sport » par exemple) et seul un numéro spécial sur cinq est lié à une aire géographique (« Amérique latine », « Asie »). Après 2000 près de la moitié des numéros spéciaux sont directement liés à une aire géographique, parfois encore plus circonscrite que dans les années précédentes (« Espagne », « Syrie-Liban » par exemple). Une deuxième explication peut être liée à l’accroissement des conflits, des menaces et des risques dans le monde dans un contexte « post 11 septembre », mais aussi à la multiplication de situations insurrectionnelles dans certaines régions du monde. Les « conseils aux voyageurs » se durcissent sur de nombreux pays coupant certains géographes de leurs terrains de recherche (comme ce fut le cas au Népal au tournant des années 2000) et les « conseillers à la sécurité » du CNRS et des universités semblent de plus en plus frileux pour signer les ordres de mission. L’hypothèse de l’accroissement des conflits limitant les déplacements des chercheurs dans certains pays serait une piste de travail pour aller plus loin, il faudrait chercher à voir s’il y a une corrélation entre les pays concernés par les « interdictions » et les pays sur lesquels portaient et portent les articles avant et après celles-ci. Figure 10. Illustrations par pays et par période 26 Ce média ne peut être affiché ici. Veuillez vous reporter à l'édition en ligne http:// journals.openedition.org/mappemonde/2451 La France : diffusion depuis le foyer languedocien 27 Pour mieux comprendre la distribution des très nombreux documents portant sur la France, on a d’abord distingué ceux qui portaient explicitement sur des régions et des départements. Parmi les régions (figure 10), alors que le Languedoc-Roussillon (où se situait le siège du GIP Reclus) était très présent dans la première période, sa place diminue ensuite au total sur les 30 années, la Bretagne et la Normandie sont les plus représentées que lui, et il est suivi de près par l’Île-de-France, le Nord–Pas-de-Calais et la Corse. Parmi les départements (figure 11), on peut être surpris de constater que le plus représenté est La Réunion probablement parce qu’il se prête particulièrement bien à la modélisation graphique. Il est suivi par les Alpes-Maritimes et les Hautes-Alpes, tandis que l’Hérault ne vient que bien plus bas dans la liste, après Mayotte et la Guadeloupe. Mappemonde, 127 | 2019 16 Trente ans d’images dans Mappemonde 28 Si le Languedoc vient encore en tête de ce que l’on a appelé les sur- et sous- régions (c’est-à-dire les ensembles plus larges ou plus étroits que les régions politiques), ses villes ne sont pas très présentes au total sur les 30 ans (figure 13). En tête des villes les plus étudiées (figure 13 et figure 14) vient — sans surprise — Paris, suivie de Bordeaux et de Tours, principalement en raison des travaux de modélisation historique menés sur ces deux villes, et Montpellier n’apparaît que derrière Besançon (mais juste avant Marseille). Le reste de la liste, classée en ordre décroissant, des villes citées plus de dix fois, correspond sensiblement à la hiérarchie urbaine française, à trois exceptions près : les villes languedociennes de Lunel, Sète et Millau, qui se glissent à un rang que ne justifie pas le volume de leur population. Le Languedoc est moins présent encore parmi les lieux précis (figure 13) cités par les articles (qui sont en général des ensembles naturels ou des ensembles ruraux), qui se concentrent soit dans l’ouest de la France (en Bretagne en Normandie), soit dans sa partie orientale (Alpes, Jura, Bourgogne). Si l’on prend en compte l’évolution dans le temps (pour les villes, mais cela vaut aussi en grande partie pour les régions, départements et lieux) on constate dans les premières années une forte concentration des illustrations portant sur la moitié sud de la France, et en particulier sur le quart sud-est, autour du siège du GIP Reclus, dont les collaborateurs étaient parmi les contributeurs les plus fréquents de la revue. Il s’est ensuite produit un mouvement de diffusion au reste des régions françaises à mesure que Mappemonde se « nationalisait ». Figure 11. Illustrations par région et par période Mappemonde, 127 | 2019 17 Trente ans d’images dans Mappemonde Figure 12. Illustrations par département et par période Figure 13. Illustrations par région et par département Mappemonde, 127 | 2019 18 Trente ans d’images dans Mappemonde Figure 14. Illustrations par région et par ville, lieu, sur et sous-région Figure 15. Illustrations par ville et par période Mappemonde, 127 | 2019 19 Trente ans d’images dans Mappemonde Le Brésil 29 Le deuxième pays en nombre d’illustrations (mais loin derrière la France) est le Brésil qui en totalise 210. Cela s’explique en partie par le fait que ce pays est marqué par de très forts contrastes, qui se prêtent particulièrement bien à une analyse cartographique ainsi et à des modélisations graphiques. Mais une autre cause est que plusieurs des chercheurs du GIP Reclus ont travaillé sur ce pays, parmi lesquels on peut citer Hervé Théry, qui a consacré l’essentiel de sa carrière à ce pays, et Philippe Waniez qui non seulement a produit des publications sur ce pays, mais est aussi l’auteur d’un logiciel de cartographie, Philcarto, très utilisé au Brésil. La carte (figure 15) qui recense les terrains les plus souvent représentés à l’intérieur du Brésil reflète donc leurs orientations, avec la présence du Rondônia, de la vallée du São Francisco, étudiés par le premier chercheur cité, et des cerrados (savanes arborées), premier objet de recherche du second. On y trouve également des lieux sur lesquels ont travaillé certains de leurs collaborateurs les plus fréquents, comme Omar Barros, à Londrina et dans le Paraná, ou des chercheurs du CIRAD comme Jean-Philippe Tonneau et Patrick Caron, à Massaroca. Figure 16. Illustrations par lieu au Brésil Conclusion 30 Plusieurs dimensions influent sur la destinée d’une revue, dans le cas de Mappemonde elles sont au moins trois, humaine, technique et institutionnelle. L’exemple du Brésil montre que même pour un pays qui est le deuxième par le nombre d’illustrations (sur les 30 ans d’existence de la revue analysés dans cet article) la dimension humaine compte fortement, c’est la production de chercheurs travaillant sur ce pays, et contribuant régulièrement à Mappemonde, qui explique le nombre élevé d’illustrations Mappemonde, 127 | 2019 20 Trente ans d’images dans Mappemonde portant le Brésil dans la revue. Le rôle des cartographes de la revue et notamment celui de Guérino Sillère dans la création d’une identité visuelle a lui aussi été déterminant. La dimension technique est tout aussi importante, on a vu que le développement de nouveaux types d’illustration dans Mappemonde dépendait en grande partie de la disponibilité de nouveaux matériels et de nouvelles ressources techniques. Elle est née peu après la généralisation de l’informatique personnelle et l’apparition de nouveaux types d’illustration à coïncidé avec la mise sur le marché (commercial ou gratuit) de logiciels de cartographie, la croissante facilité du recours aux systèmes d’information géographique, aux images satellites et à toutes sortes d’images sur Internet. Enfin, la dimension institutionnelle a eu, elle aussi, un rôle essentiel c’est sur la base GIP Reclus que la revue s’est développée dans un premier temps avant de prendre une dimension nationale. C’est dans un premier temps la Maison de la Géographie de Montpellier qui lui a fourni une bonne partie des ressources techniques et des auteurs avant que la revue ne prenne une dimension nationale. Elle a fort heureusement survécu à la fin du GIP, une structure temporaire qui devait de toute façon cesser ses activités après avoir atteint ses objectifs et poursuit aujourd’hui encore sa publication, vingt ans plus tard. Les rôles des éditions Belin puis du CNRS n’ont pas été négligeables dans la « mise aux normes » scientifique des articles publiés dans la revue. Demain c’est dans le cadre d’une autre structure institutionnelle que la revue est amenée à se développer, le portail de ressources électroniques en sciences humaines et sociales et d’édition électronique en libre accès OpenEdition5, que Mappemonde rejoindra en 2019. Elle y gardera cependant toute sa spécificité de recours intensif à l’illustration, notamment à l’innovation cartographique avec le recourt à l’interactivité et à l’animation (voir article M. Coulon dans ce dossier), car c’est celle-ci qui a été une des principales raisons qui ont incité le conseil scientifique d’OpenEdition à l’accueillir, en espérant que la demande du développement de nouvelles formes de cartographie et plus généralement d’illustration que Mappemonde lui apportera bénéficiera à l’ensemble des 490 revues présentes (à ce jour) sur le portail. Beau défi pour les prochaines années. 31 Pour finir, et pour répondre d’avance à ceux qui trouveraient que la constitution d’une base de données de 6 470 lignes sur 46 colonnes (soit près de 300 000 informations) pour les besoins d’un article est légèrement exagérée, nous les informons que – outre que cette base sera mise à disposition d’autres chercheurs – nous n’avons pas la prime de la base de données la plus folle de l’histoire de Mappemonde : un article de J.P. Montalieu en 1990 (Jeux de cartes, les autocollants géographiques ; numéro 90/1) avait pour base le recensement de 92 548 autocollants repérés sur les voitures en stationnement, entre 1975 et 1987, dans 150 villes de tous les départements de France métropolitaine. NOTES 1. Contrairement au titre, qui associe ses deux versions, on utilisera dans cet article le titre original de la revue, bien qu'il soit devenu M@ppemonde en passant en version électronique, et ce d'autant plus qu'elle reviendra probablement à la première version en entrant sur OpenEdition. Mappemonde, 127 | 2019 21 Trente ans d’images dans Mappemonde 2. Ce lien mène vers la page des métadonnées de la base : https://www.nakala.fr/page/data/ 11280/4ffd553e. Pour la télécharger, utilisez le lien sous le titre. 3. Selon l'expression alors employée par Robert Ferras pour proposer – avec sa modestie habituelle – la création de la revue. 4. Pour tous les numéros publiés après cette date, avec un chargement rétroactif des numéros composés sur ordinateur (depuis 1991) puis de ceux des débuts de la revue, de 1986 à cette date, sous forme d'image des pages publiées sur papier, au format .pdf. 5. https://www.openedition.org/ RÉSUMÉS À l’occasion des 30 ans de publication de Mappemonde, les archives papier et électroniques de la revue ont été entièrement dépouillées afin de constituer une base de données référençant et décrivant toutes les images publiées depuis 1986. Son analyse permet de suivre la transformation formelle de la revue au fur et à mesure de son institutionnalisions et de dresser un tableau de l’évolution de la place de l’image en géographie et de l’impact des progrès techniques et méthodologiques. Elle permet enfin de suivre les effets de mode dans la discipline en termes d’espaces ou de thèmes couverts. To celebrate 30 years of publication, Mappemonde has thoroughly analysed both its paper and electronic archives in order to constitute a database referencing and describing all the images published since 1986. This analysis traces the review’s formal transformation as it became institutionalized, summarizes how the role of images has evolved in geography, and measures the impact of technical and methodological progress. It also uncovers trends within the discipline in terms of spaces or themes covered. Con ocasión del treinta aniversario de la publicación de Mappemonde se han revisado todos sus archivos, tanto en papel como electrónicos, para construir una base de datos que recoge y describe todas las imágenes publicadas desde 1986. Su análisis permite seguir la transformación y consolidación de la revista, así como la evolución que ha tenido la imagen en la geografía y el impacto de los progresos técnico y metodológico. Finalmente, según los espacios o temáticas estudiadas, valora las modas de la disciplina. INDEX Mots-clés : cartographie, géographie, images, Mappemonde, publication Thèmes : 30 ans de publication dans Mappemonde Palabras claves : cartografía, geografía, imágenes, Mappemonde, publicación Keywords : cartography, geography, images, Mappemonde, publication Mappemonde, 127 | 2019 22 Trente ans d’images dans Mappemonde AUTEURS CLARISSE DIDELON-LOISEAU Université Paris 1 HERVÉ THÉRY CNRS-Creda/USP Mappemonde, 127 | 2019 23