Academia.eduAcademia.edu

Buffalos and zebus in the ancient Near East

I N S T I T U T U M T U R C I C U M S C I E N T I A E A N T I Q U I TAT I S Cum Collaboratione Societatis Anatolicae TÜRK ESK‹ÇA⁄ B‹L‹MLER‹ ENST‹TÜSÜ Societas Anatolica’nın ‹flbirli¤i ile COLLOQUIUM ANATOLICUM ANADOLU SOHBETLER‹ V (OFFPRINT / AYRIBASIM) 2006 INSTITUTUM TURCICUM SCIENTIAE ANTIQUITATIS TÜRK ESK‹ÇA‹ B‹L‹MLER‹ ENST‹TÜSÜ COLLOQUIUM ANATOLICUM ANADOLU SOHBETLER‹ V ISSN 1303-8486 ISBN 975-92507-3-X © 2006 Türk Eskiçağ Bilimleri Enstitüsü Her hakkı mahfuzdur. Bu yayının hiçbir bölümü kopya edilemez. Dipnot vermeden alıntı yapılamaz ve izin alınmadan elektronik, mekanik, fotokopi vb. yollarla kopya edilip yayınlanamaz. Bu Sayının Editörleri/Editors of this Volume Hasan Peker Gürkan Ergin Yapım/Production Zero Prodüksiyon Ltd. Tel: +90 (212) 249 0520 - 244 7521-23 e.mail: [email protected] www. zerobooksonline.com Dağıtım/Distribution Ege Yayınları Tel: +90 (212) 249 0520 - 244 7521-23 e.mail: [email protected] www.egeyayinlari.com TÜRK ESK‹ÇA⁄ B‹L‹MLER‹ ENST‹TÜSÜ Ekrem Tur Sokak, No. 4 34435 Beyoğlu-İstanbul Tel/Fax: + 90 (212) 292 09 63 www.tebe.org İçindekiler / Index Generalis Konferanslar / Colloquia Perspektiven im Rückblick: deutsch-türkische Kooperation im Bereich der Archäologie Adolf Hoffmann ......................................................................................................................................................................................... 1 Toroslardan Akdeniz’e Çukurova Eski Çağ Tarihi ve Tarihî-Coğrafya Araştırmalarına Yeni Katkılar 1990-2005 Mustafa H. Sayar ............................................................................................................................................................................... 25 Makaleler / Commentationes Kuyumculuk Merkezi Lampsakos Yıldız Akyay Meriçboyu ........................................................................................................................................................... 45 Buffles et zébus au Proche-Orient ancien Olivier Casabonne ............................................................................................................................................................................ 71 Brèves remarques sur un torque achéménide au musée Miho (Japan) Olivier Casabonne – Marcel Gabrielli ............................................................................................................... 85 Waffen aus Metall von ihren Anfängen bis zum Ende der Frühen Bronzezeit aus dem inneren Westanatolien M. Erkan Fidan ..................................................................................................................................................................................... 91 À propos de trois bas-reliefs de Cilicie Trachée Emmanuelle Goussé ................................................................................................................................................................... 107 An Ethno-Archaeological Approach to the “Monumental Rock Signs” in Eastern Anatolia Erkan Konyar ....................................................................................................................................................................................... 113 Phrygie maritime, Phrygie hellespontique, satrapie de Phrygie hellespontique face au Pseudo-Skylax § 93-96 Frédéric Maffre ................................................................................................................................................................................... 127 New Results on Middle Bronze Age Urbanism in South-Eastern Anatolia: The 2004 Campaign at Tilmen Höyük Nicolò Marchetti .............................................................................................................................................................................. 199 Kult und Prunk im Herzen Hattis – Beobachtungen an frühbronzezeitlichem Zeremonialgerät aus der Nekropole von Kalınkaya/Toptaştepe, Provinz Çorum Thomas Zimmermann ........................................................................................................................................................... 213 Kitap Eleştirileri / Recensiones Çokay-Kepçe, S., Antalya Karaçallı Nekropolü – The Karaçallı Necropolis Near Antalya, Suna-İnan Kıraç Akdeniz Araştırmaları Enstitüsü, Antalya, 2006 (Bilge Hürmüzlü).............................................................................................................................................................................. 225 Colloquium Anatolicum V 2006 71-84 Buffles et zébus au Proche-Orient ancien1 Olivier Casabonne pour l’ami Marcel Le buffle (Bubalus bubalus), originaire d’Inde et plus globalement de l’Asie du Sud-Est, se reconnaît, entre autres, par ses cornes de section triangulaire dirigées vers l’arrière, formant demi-lune et pouvant avoir jusqu’à deux mètres d’envergure. Il affectionne les grasses prairies herbeuses comme les milieux humides et marécageux où il passe de longues heures. Pour des populations agropastorales, c’est ainsi un élément facilement isolable. Le buffle s’accommode d’herbes grossières, de roseaux et autres plantes ligneuses. De plus, les qualités de lactation des bufflonnes sont supérieures à celles des vaches : lait plus gras et lactation hivernale plus prolongée (Planhol 1958 : 164 et 295). Pour certains, si les buffles ont bien été implantés en Mésopotamie à la fin du IIIe millénaire av. J.-C. par Sargon d’Akkad qui les aurait reçus en don de populations de la vallée de l’Indus avec qui le Grand Roi entretenait d’étroites relations2, ils n’ont pu s’y acclimater et y être domestiqués. Il faudrait attendre les Sassanides (au plus tôt) pour voir ces animaux s’installer durablement au Proche-Orient (Zeuner 1963 : 250-251 ; Boehmer 1974). Reprenant cette hypothèse, Astour a ainsi nié la présence de buffles au Proche-Orient ancien. Pour lui, dans le poème ougaritique II AB (infra), les r’umm ne peuvent être des buffles mais des aurochs ou autres taureaux sauvages (Bos primigenius) : « Il n’y a jamais eu de buffles sauvages en Asie antérieure et en Afrique du Nord ; et quant aux buffles apprivoisés, ils n’y sont apparus qu’à partir du VIIe siècle apr. J.-C. » (Astour 1995 : 61). Certes, ce sont essentiellement des 1 Cet article est une version remaniée d’un texte initialement proposé pour les Mélanges Neu, toujours pas publiés (à paraître dans la collection Hethitica), et accessible sur le site www.achemenet.com. Je remercie chaleureusement René Lebrun (Université catholique de Louvain, Louvain-la-Neuve, et Institut catholique de Paris) pour ses remarques. 2 C’est sur des sceaux d’époque sargonique qu’apparaissent clairement des buffles : cf. Collon 1993 : n° 528, 529 et 908 = ill. 1. 72 Colloquium Anatolicum V 2006 ossements de bisons et de bœufs domestiques qui sont « notés régulièrement dans les faunes archéologiques », mais « seuls le crâne, les dents inférieures (les prémolaires sont un bon critère de différenciation Bos/Bubalus) et les chevilles osseuses (…) permettent une identification plus aisée ». Or, ces vestiges (sont) trop souvent absents ou fragmentés dans les faunes archéologiques » (Vila 1998 : 112). Dès lors, « la question » de la présence du buffle « et de sa distribution au Proche-Orient reste ouverte » (id. : 113). Dans un poème para-mythologique ougaritique, des r’umm sont clairement mis en rapport avec un milieu marécageux : brkt –šbšt k r’umm hm ‘n k dd ‘aylt, « (ma gorge) s’attache à l’étang comme les r’umm, même à la source comme un troupeau de biches » (Pardee 1988 : 153-164, lignes 6-8 du texte étudié ; c’est Môtu qui parle). Ainsi, contrairement à l’opinion d’Astour, le terme r’umm peut être traduit par « buffles », ces animaux pouvant difficilement se passer d’un milieu marécageux contrairement aux bœufs, taureaux et autres aurochs qui n’ont besoin d’eau que pour boire. Il pourrait donc exister non loin d’Ougarit, dans la deuxième moitié du second millénaire av : J.-C., un « pays Yman où les buffles (sont) par milliers » (texte ugaritique II AB 1, 43β ; également Virolleaud 1936 : 38). Si l’on réserve donc la traduction « buffle » pour le terme ougaritique r’um, il convient de s’arrêter ici sur un passage du texte Ba‘al et les Voraces, désigné par Virolleaud (1935) sous le signe BH. Aux lignes 30-32, on lit : bhm qrnm km trm wgbtt km ’ibrm. On en a proposé la traduction suivante : (description des Voraces/Ravageurs) « Ils auront des cornes comme des taureaux (trm) et des bosses (gbtt) comme des buffles (’ibrm) » (Caquot-Sznycer-Herdner 1974 : 341). Si le terme gbtt doit bien être traduit par « bosse(s) », dès lors les ’ibrm ne peuvent être des buffles mais des zébus ou un genre de bœufs Watussi (infra). Toutefois, pour ce qui est des zébus, il ne s’agit pas d’animaux spectaculaires. Si l’on rapproche gbtt de l’akkadien gabâšu, « être en masse », il est possible de traduire le terme ougaritique par « massif(s), puissant(s) ». Ceci ne vient pas fondamentalement contredire la signification des verbes gâbaš (hébreu post-biblique) et gebaš (araméen) qui est « entasser »3. Mais ne pourrait-on proposer « amasser, mettre en masse » ? Dès lors, les buffles étant d’ordinaire des animaux massifs, il faudrait les voir sous le terme ’ibrm. Il serait toutefois étonnant que la caractéristique de ces bovins ne soit pas leurs cornes bien plus impressionnantes que celles des taureaux justement mentionnés (qrnm km trm). Je propose donc, à titre d’hypothèse, une traduction présentant l’avantage d’expliquer la proximité, 3 D’après le dictionnaire des racines sémitiques de Cohen et alii (information transmise par André Lemaire – EPHE, Paris – à qui j’exprime toute ma gratitude). Olivier Casabonne / Buffles et zébus au Proche-Orient ancien 73 dans le texte, de deux animaux très semblables dans la réalité : « Ils auront des cornes comme des taureaux et seront massifs/puissants comme des aurochs (’ibrm) ». Nous gardons ainsi le terme r’um pour « buffle ». Étudiant les terres cuites zoomorphes cappadociennes du second millénaire, Dupré constate que le buffle apparaît sur des attaches d’anses et sur un fragment d’Alişar. Il conjecture que le mammifère a été implanté durablement en Anatolie par Sargon d’Akkad à la suite d’une expédition militaire le menant jusqu’à la ville de Burušhattum, au Sud du Tuz Gölü (Cappadoce méridionale). Les buffles du train de l’armée de Sargon auraient pu alors pénétrer l’Anatolie (Dupré 1993 : 144). Pour le premier millénaire av. J.-C., les textes assyriens feraient état de buffles parmi la faune des marais, dans la réserve de Sennachérib, ou importés d’Égypte par Šalmanazar III (Lion 1992 : 358-360). Il est vrai que l’on peut parfaitement restituer la présence de buffles dans certaines régions marécageuses du Proche- et du Moyen-Orient, qu’il s’agisse du delta du Nil, de la Babylonie ou des plaines anatoliennes. Aujourd’hui, on peut voir des buffles dans la région de Sivas, en Turquie. Récemment, ces bovins s’accommodaient parfaitement des marais de résurgences de la plaine d’Antalya et des prairies humides de basse Pisidie (Planhol 1958 : 164). Au XIXe siècle, Langlois, traversant la Çukurova, l’ancienne Cilicie Plane, précisait : « C’est au milieu de ces marais et au Nord de deux lacs salés (…) que se trouvent à l’état sauvage les buffles si renommés de la Karamanie » (Langlois 1861 : 414). Les buffles ciliciens sont utilisés après la Première guerre mondiale pour le transport, vers le naissant Musée d’Adana, de certains vestiges de la région (Normand 1921 : 201). Mais il s’agit ici de témoignages modernes. Pour en revenir à l’Anatolie antique, un passage des Métamorphoses d’Ovide atteste de la réputation de certains bovins lyciens de la basse plaine du Xanthe, régulièrement envahie de marécages dès l’époque achéménide 4 : « J’ai vu de mes yeux l’étang et le lieu que le prodige a rendu célèbre : mon père, déjà âgé et incapable de supporter le voyage, m’avait chargé de ramener de là-bas des bovins (boues) bien choisis » (Ovide, Métam. 320-324). Le poète romain narre alors le mythe de Lètô qui transforme en grenouilles des paysans xanthiens, coupables de lui avoir refusé la possibilité de se rafraîchir (Métam. VI.343 sqq.). Au risque d’un néologisme hasardeux, ne pourrait-on pas qualifier de buffliers ces Lyciens qui, à l’arrivée de la déesse, cueillaient « l’osier fertile en rejetons, le jonc et l’algue chère aux marais » xanthiens (Métam. VI.344-345) ? Car enfin, à part des buffles, quels bovins, réputés de surcroît, pouvaient se plaire dans la plaine insalubre de Xanthos ? 4 Sur la formation de la basse plaine du Xanthe et ses marécages, voir Bousquet-Péchoux 1984. Colloquium Anatolicum V 74 2006 Ainsi, il n’est pas exagéré, sur la base de rares textes, malgré bien des lacunes iconographiques et les hésitations dans l’étude des vestiges ostéologiques, de restituer la présence de buffles dans les nombreuses étendues d’eau du Proche-Orient après Sargon d’Akkad et bien avant les Sassanides. Au-delà de la zoo-histoire, ce sont les milieux marécageux qui sont réhabilités parce qu’utilisés : des populations locales ont pu profiter des possibilités offertes par les terrains pour développer à moindre frais (nul ou faible besoin d’étable et de fourrage) un élevage bovin original. Sur l’exemple des remarquables travaux menés par Gabrielli sur le cheval à l’époque achéménide, entre autres à partir des tablettes de Persépolis (Gabrielli 2006), il sera sans doute judicieux d’étudier de près les textes proche-orientaux mentionnant différents types de bovins (ainsi que l’usage que l’on en faisait) et surtout livrant pour chacun les rations de fourrage et d’eau nécessaires. Ainsi, pourrait-on distinguer le cas échéant les buffles d’espèces bovines apparemment plus classiques et répandues. *** À côté des bœufs (boues) d’Inde – probablement des buffles – qui « passent pour être de la taille des chameaux, et leurs cornes pour avoir jusqu’à quatre pieds d’écartement », Pline l’Ancien (Hist. Nat. VIII.70)5 mentionne d’autres bovins : « Quant aux (bœufs) syriens (Syriacis) ils n’ont pas de fanon, mais une bosse sur le dos. Ceux de Carie (Carici), région de l’Asie Mineure, sont affreux à voir : une bosse par-dessus les épaules qui surgit de la nuque, les cornes de travers, on les dit pourtant excellents à l’ouvrage ». Plus tôt déjà, Aristote (H. A. 499a.3-5 et 606a.14-16) attestait de la réputation des bovins (boes) syriens, qualifiés d’agrioi, qui, avec leur bosse, ressemblent aux chameaux. Il faut probablement voir dans ces descriptions la preuve de l’existence de différentes races de zébus au Proche-Orient ancien. Le zébu est, à l’instar du buffle, originaire d’Inde comme son nom savant l’indique – Bos indicus. C’est un animal au squelette assez gracile – à l’opposé du buffle qui est bien plus massif – et avec de longues jambes. On le reconnaît aisément par son fanon sous la gorge et, surtout, par la bosse au-dessus du garrot, masse musculo-graisseuse, résultat de la domestication de l’animal. Ce fait pose le problème du terme agrioi qu’utilise Aristote pour qualifier les bovins syriens (supra). Faut-il traduire ce terme par « sauvages » ? Ou bien un sens premier renvoyant tout simplement à un usage agro-pastoral ne doit-il pas plutôt être retenu ? La bosse du zébu peut prendre de grandes proportions 5 Le fait que Pline mentionne des buffles prouve qu’il les connaît. Mais ils restent des animaux exoti- ques. Olivier Casabonne / Buffles et zébus au Proche-Orient ancien 75 à la fin de la saison humide tandis qu’elle devient molle et flasque à la fin de la saison sèche. Ce mammifère est particulièrement adapté aux zones steppiques et, contrairement au buffle, peut résister longtemps à la privation d’eau. Il habite surtout dans les pays chauds, son fanon et ses longues oreilles assurant une plus forte déperdition thermique. Des vestiges ostéologiques de zébus, remontant au Bronze Récent, ont été retrouvés au Proche-Orient, en Anatolie comme au Levant. Ainsi, l’archéologie vient confirmer les renseignements fournis par les sources littéraires classiques. La documentation iconographique atteste également de la domestication de l’animal dès l’âge du Bronze. Sur un sceau-cylindre de la première moitié du second millénaire av. J.-C., provenant de Karahöyük, près de Konya (Turquie), est représenté un bovin avec une bosse au-dessus du garrot6. Certes, celle-ci est de forme très angulaire, mais sa place au-dessus des épaules et juste derrière la tête de l’animal me semble empêcher toute hypothèse de rapprochement avec certaines empreintes de sceaux découvertes à Kültepe-Kaneš où apparaît, souvent au-dessus de la croupe de bovins, un triangle interprété comme une représentation de conifère ou de montagne sacrée « on which Anatolian weather gods stand » (Teissier 1984 : 68)7. La seule représentation d’un zébu provenant de Kültepe pourrait apparaître sur une bulle où une bosse est clairement indiquée derrière le cou8. Par ailleurs, ce pourrait être des zébus, identifiables à leur bosse, qui tirent des chariots à deux roues sur les murs de Medinet Habu en Égypte9. Bien plus tard, à l’époque achéménide, le zébu apparaît sur les sceaux10 et sur les murs de Persépolis. Ici, c’est un animal qu’apportent en tribut au Grand Roi les délégations gandarienne et babylonienne11. Le fait que les représentants de ces peuples, identifiés à leurs costumes, conduisent des zébus atteste de l’implantation probablement ancienne de l’animal en Mésopotamie et en Afghanistan. On considère alors le bovin comme l’une des plus importantes richesses de ces régions : « Tout peuple croyait se discréditer s’il n’envoyait 6 Alp 1968 : 122 ; Alp 1994 : 115-116, Şekil 13 ; Erkanal 1993 : 14, n° I-B/03, Lev. 2 et Lev. 6 (l’animal est qualifié de « taureau », boğa) ; Collon 1993 : n° 686 = ill. 2. 7 Leinwand (1992 : 145-146) hésite entre la représentation d’une montagne et celle de la bosse d’un 8 9 10 11 zébu pourtant bien mal placée. Notons que parfois un oiseau est perché au sommet du triangle. De plus, sur une empreinte, le triangle est clairement séparé du corps (Özgüç-Tunca 2001 : 94-95 et 221-222, n° 91/k 113b). Enfin, sur un autre exemple, le triangle est remplacé par une forme symétrique galbée (id. : 110 et 238, n° 93/k 814). Je remercie Ekin Kozal (Université de Çanakkale) d’avoir attiré mon attention sur ces sceaux de Kültepe-Kaneš. Özgüç-Tunca 2001 : 64 et 189, n° 73/t 30 = ill. 3. Combat contre les « peuples de la mer » : e.g. Pritchard 1975 : ill. 44 = ill. 4. E.g. Porada 1948 : n° 837e ; Boardman 1970 : n° 871 ; Collon 1993 : n° 907. E.g. Briant 1992 : 51-52 ; Dutz-Matheson 2000 : 55 (14e délégation) et 58 (5e délégation) = ill. 5-6. Colloquium Anatolicum V 76 2006 pas à Cyrus [le Grand] les plus belles productions de sa terre, de son élevage ou de son art » (Xénophon, Cyropédie VIII.6.23). Animal de trait, le zébu servait aux travaux agricoles : sur un sceau-cylindre du musée du Louvre (n° inv. AO 2282)12, un personnage en costume iranien conduit un araire tiré par deux bovins bossus. J’ai, après d’autres, rapproché ce sceau, qui n’est pas un cas isolé13, d’un monnayage tarsien du premier quart du IVe siècle av. J.-C. où une scène semblable apparaît14. Il ne convient pas de penser, comme j’ai pu le proposer dans un premier temps (Casabonne 1996 : 133-134), que ce motif renvoie, y compris en Cilicie, à l’idéologie monarchique du Roi-agriculteur, pourvoyeur de richesses. Je me range désormais à l’hypothèse prudente de Briant qui a étudié ces documents iconographiques en livrant d’autres parallèles (Briant 2003) : si, en Cilicie, la scène de labour a pu être interprétée comme un motif emprunté au répertoire du centre de l’empire perse, elle n’était pas nécessairement perçue comme le reflet de l’idéologie royale achéménide15. Même si le costume iranien que revêt le personnage conduisant l’araire atteste de l’impact culturel perse en Cilicie, la scène de labour sur le monnayage tarsien révèle surtout une réalité agro-pastorale – l’usage de zébus pour les travaux des champs – et la grande fertilité de la Cilicie Plane. Notons que plus tard, à l’époque de Mazday (ca. 360/350-333) et au début de l’époque hellénistique, l’araire apparaît régulièrement en symbole sur des monnaies frappées à Tarse (Le Rider 1994 : 14)16. Des contremarques apposées à Tarse sur des monnaies pamphyliennes et ciliciennes à partir des environs de 380 portent l’image de bovins : sur certaines l’animal est représenté marchant de profil, sur d’autres il est vu de ¾ face17. Elayi et Lemaire (1998 : 161-164) considèrent que dans le premier cas il s’agit d’un taureau domestique (Bos taurus) à l’encolure puissante, dans le second d’un zébu. Mais ils relèvent fort justement que les représentations du bovin sur ces contremarques ne sont pas réalistes : les graveurs « n’ont pas toujours respecté les proportions du corps de l’animal, soit par maladresse, soit par parti-pris de stylisation » (Elayi-Lemaire 1998 : 164). Dès lors, 12 E.g. Briant 1992 : 103 ; Collon 1993 : n° 619 ; Casabonne 2004 : 130-131, fig. 10 = ill. 7 (dessin : Hélène Poncy). 13 Voir ainsi dans Briant 2003. 14 Casabonne 1996 : 133, fig. 9 = ill. 8 (dessin : Hélène Poncy). 15 Briant fait référence à la première version de cet article (voir la note 1 supra). 16 François Rebuffat (Université de Nice), que je remercie, a attiré mon attention sur le fait qu’à l’épo- que romaine impériale le thème de la scène de labour avec zébus se retrouve sur des monnaies de plusieurs cités anatoliennes. C’est notamment le cas, sous les règnes de Gordien III et de Valérien, à Ikonion (Konya) et dans d’autres villes de Lykaonie, dans cette même région où, bien des siècles plus tôt, le zébu apparaissait déjà (sceau-cylindre de Karahöyük, supra). 17 Voir les excellents dessins de ces contremarques dans Callataÿ 2000 : pl. XV, figs. a, b et d = ill. 9-10. Olivier Casabonne / Buffles et zébus au Proche-Orient ancien 77 l’identification n’est pas toujours aisée. C’est également le cas sur des bas-reliefs néo-assyriens de Balawat, Ninive et Nimrud18 : une bosse apparaît bien au-dessus du garrot des bovins représentés, mais elle est très faiblement proéminente. De plus les cornes sont diversement représentées, comme à l’époque achéménide19, de face ou de profil : est-ce la conséquence d’un effort de réalisme ou d’un style propre à chaque époque et artiste ? Il se pourrait donc qu’il s’agisse de simples bœufs, relativement massifs de surcroît. L’identification du bovin sur une plaquette égyptienne n’est pas moins délicate20 : monté par un Égyptien, il possède une bosse très proéminente par-dessus les épaules qui fait songer à un zébu, mais la massivité du corps et l’écartement des cornes empêchent une telle identification. Nous pourrions avoir là en fait, à supposer que la scène soit réaliste, la représentation d’une sorte de bœuf Watussi. Ce bovin, issu du croisement ancien entre le zébu et le bœuf du Nil (un genre de buffle), possède de larges cornes formant croissant, un fanon sous la gorge, une bosse au-dessus du garrot et un corps massif. Docile, à l’instar du zébu, il est utilisé pour les travaux agricoles en Afrique sub-saharienne notamment où il est également sacré, comme le zébu en Inde, et fait l’objet d’un véritable culte chez le peuple Watussi, d’où son nom21. Somme toute, il n’y a rien d’osé à considérer que les Anciens s’essayaient à croiser les différentes races d’animaux afin d’en tirer mieux profit pour l’exploitation des terres et en fonction des réalités des terrains. Les fameux parcs royaux (paradis) mésopotamiens et perses étaient non seulement des jardins botaniques et des réserves animalières, mais peut-être également des laboratoires d’expérimentations de nouvelles techniques. Buffalos and Zebus in the Ancient Near East Despite the quasi absence of representations and the uncertainty of the faunal remains, and against a common opinion, it is possible to suggest the presence of buffalos (Bubalus bubalus) in the Near East during the Middle and Late Bronze Ages and the Classical periods. Buffalos could appear as r’umm in Ugaritic texts. Moreover, buffalo could have been installed and domesticated in Anatolia after a military expedition by Sargon of Akkad, and according to a passage of Ovid’s Metamorphoses, confronted with the archaeo-geographical situation of the territory, have existed in the coastal low valley of Xanthos in Lycia. 18 E.g. Pritchard 1973 : ill. 43 ; Michel 1991 : 64 ; Hrouda 1992 : 204-205. 19 Comparer ainsi les zébus sur les bas-reliefs de Persépolis et ceux dans les scènes de labour. 20 Pritchard 1975 : ill. 6 = ill. 11. J’ignore totalement, et malheureusement, tout de la datation et de la provenance de cette plaquette. 21 On trouvera aisément sur internet de nombreuses représentations de bœufs Watussi : e.g. ill. 12. 78 Colloquium Anatolicum V 2006 Like the buffalos, but totally different in aspect and nature, zebus (Bos indicus) come from India and South-Eastern Asia. Their presence and different races (in Syria, in Caria) are well attested in the ancient Near East at different periods. The zebus were often used for agriculture as the iconography shows. It seems there were important in Afghanistan as in Babylonia during the Achaemenid period. Some iconographical interpretations are difficult to put, and we can hesitate sometimes between zebus and simple bulls (Bos Taurus). An Egyptian document could show a kind of Watussi bull, result of the inbreeding between zebu and Nile bull (a kind of buffalo). It is not exaggerated to advance as a hypothesis that the ancient peoples used to create new races for a better exploitation of lands. The famous Mesopotamian and Persian Royal parks (paradises) were not only botanical gardens and wildlife reserves, but also experimental laboratories of new techniques. Olivier Casabonne Societas Anatolica Centre d’études syro-anatoliennes (Institut catholique de Paris) Center for Anatolian Civilizations (Koç University, Istanbul) [email protected] c/o Ekin Kozal Arkeoloji Bölümü, Fen-Edebiyat Fakültesi Çanakkale Onsekiz Mart Üniversitesi Terzioğlu Kampüsü, 17100 Çanakkale / Türkiye Olivier Casabonne / Buffles et zébus au Proche-Orient ancien 79 Bibliographie Alp, S. 1968 1994 Astour, M.C. 1995 Boardman, J. 1970 Boehmer, R.M. 1974 Zylinder- und Stempelsiegel aus Karahöyük bei Konya, Ankara. Konya Civarında Karahöyük Kazılarında Bulunan Silindir ve Damga Mühürleri, Ankara. « La topographie du royaume d’Ougarit », dans M. Yon, M. Sznycer et P. Bordreuil (éd.), Le pays d’Ougarit autour de 1200 av. J.-C. Histoire et archéologie, Actes du Colloque international de Paris (juin-juillet 1993), Ras Shamra-Ougarit XI, Paris : 55-71. Greek Gems and Finger Rings, London. « Das Auftreten des Wasserbuffels in Mesopotamien in historischer Zeit und seine sumerische Bezeichnung », ZA 64 : 1-19. Bousquet, B. – P.-Y. Péchoux 1984 « La plaine du Xanthe (Turquie) », Actes du 106e Congrès international des sociétés savantes (Perpignan, 1981), Section de Géographie, Études géographiques des Pyrénées, Paris : 33-44. Briant, P. 1992 2003 Callataÿ, F. (de) 2000 Darius, les Perses et l’Empire, Découvertes/Gallimard, Paris. « À propos du roi-jardinier : remarques sur l’histoire d’un dossier documentaire », dans W. Henkelman et A. Kuhrt (éd.), A Persian Perspective. Essays in Memory of Heleen Sancisi-Weerdenburg, Achaemenid History 13, Leiden : 33-49. « Les monnayages ciliciens du premier quart du IVe siècle av. J.-C. », dans O. Casabonne (éd.), Mécanismes et innovations monétaires dans l’Anatolie achéménide. Numismatique et histoire, Actes de la Table Ronde internationale d’Istanbul (mai 1997), Varia Anatolica XII, ParisIstanbul : 93-127. Caquot, A. – M. Sznycer – A. Herdner Textes ougaritiques I. Mythes et légendes, Paris. 1974 Casabonne, O. 1996 2004 « Présence et influence perses en Cilicie à l’époque achéménide. Iconographie et représentations », AnAnt 4 : 121-145. La Cilicie à l’époque achéménide, Persika 3, Paris. Collon, D. 1993 First Impressions. Cylinder Seals in the Ancient Near East, London. Dupré, S. 1993 Bestiaire de Cappadoce. Terres cuites zoomorphes anatoliennes du 2e millénaire av. J.-C. au musée du Louvre, Paris. 80 Colloquium Anatolicum V 2006 Dutz, W.F. – S.A. Matheson 2000 Archaeological Sites in Fars : Parsa (Persepolis), Tehran (3rd edition compiled by F. Ghani). Elayi, J. – A. Lemaire Graffiti et contremarques ouest-sémitiques sur les monnaies grecques et 1998 proche-orientales, Glaux 13, Milano. Erkanal, A. 1993 Gabrielli, M. 2006 Anadolu’da Bulunan Suriye Kökenli Mühürler ve Mühür Baskıları, Ankara. Le cheval dans l’empire achéménide (Horse in the Achaemenid Empire), SOAP 1, Istanbul. Hrouda, B. 1992 L’Orient ancien. Histoire et civilisations, Paris. Langlois, V. 1861 Voyages dans la Cilicie et dans les montagnes du Taurus, Paris. Leinwand, N. 1992 Le Rider, G. 1994 Lion, B. 1992 Michel, C. 1991 Normand, R. 1921 « Regional Characteristics in the Styles and Iconography of the Seal Impressions of Level II at Kültepe », JANES 2 : 141-172. « Un trésor d’oboles de poids persique entré au musée de Silifke en 1987 », dans M. Amandry et G. Le Rider (éd.), Trésors et circulation monétaire en Anatolie antique, Paris : 13-18. « La circulation des animaux exotiques au Proche-Orient antique », dans D. Charpin et F. Joannès (éd.), La circulation des biens, des personnes et des idées dans le Proche-Orient ancien, Actes de la 38e Rencontre assyriologique internationale (Paris, juillet 1991), Paris : 357-365. « Guerre et commerce chez les Assyriens », Les Dossiers d’Archéologie 60 : 64-69. « La création du musée d’Adana », Syria 2 : 195-202. Özgüç, N. – Ö. Tunca Mühürlü ve Yazıtlı Kil Bullalar/Sealed and Inscribed Clay Bullae, 2001 Ankara. Pardee, D. 1988 Planhol, X. (de) 1958 Les textes para-mythologiques de la 24e campagne (1961), Ras ShamraOugarit IV, Paris. De la plaine pamphylienne aux lacs pisidiens. Nomadisme et vie paysanne, Bibliothèque archéologique et historique de l’Institut français d’archéologie d’Istanbul, vol. III, Paris. Olivier Casabonne / Buffles et zébus au Proche-Orient ancien Porada, E. 1948 Pritchard, J.B. 1973 1975 Teissier, B. 1984 Vila, E. 1998 Virolleaud, Ch. 1935 1936 Corpus of Ancient Near Eastern Seals in North American Collections, vol. I, Princeton. The Ancient Near East. An Anthology of Texts and Pictures, vol. I, Princeton. The Ancient Near East. An Anthology of Texts and Pictures, vol. II, Princeton. Ancient Near Eastern Cylinder Seals from the Marcopoli Collection, Berkeley-Los Angeles-London. L’exploitation des animaux en Mésopotamie aux 4e et 3e millénaires av. J.-C., Paris. « Les chasses de Baal. Poème de Ras-Shamra », Syria 13 : 247-266. La légende phénicienne de Danel, Mission de Ras-Shamra, tome I, Bibliothèque archéologique et historique, vol. XXI, Paris. Vollenweider, M.-L. Catalogue raisonné des sceaux-cylindres et intailles, vol. I, Genève. 1967 Zeuner, F.E. 1963 81 A History of Domestical Animals, London. 82 Colloquium Anatolicum V Fig. 1 Fig. 2 Fig. 3 Fig. 4 2006 Olivier Casabonne / Buffles et zébus au Proche-Orient ancien Fig. 5 Fig. 6 Fig. 7 Fig. 8 Fig. 8 Fig. 10 83 84 Fig. 11 Colloquium Anatolicum V Fig. 12 2006