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Neurosciences de l education Trad Française2020Préfce

2020

Les raisons de cette traduction partielle. Jérôme Alain Lapasset Psychomotricien D.E. Unité Socio-Cognition, C.H. le Vinatier, Bron Les neurosciences de l'éducation occupent un terrain extrêmement polémique dans les sociétés occidentales. Portées au nues par les uns, décriées par les autres, elles génèrent un enthousiasme quelque peu outrancier chez ses partisans et hommes ou femmes politiques actuels d’un côté et de l’autre une inquiétude ou un rejet de la part de certains enseignants, qui se sentent remis en cause dans leur professionnalisme, ou les instigateurs d’un complotisme souvent représentant d’un populisme en quête de pouvoir... C'est aussi le résultat de mouvements de balancier médiatiques qui correspondent à des prises de positions affectives radicales, l’écart entre une science responsable et consciente de ses limites et l’imaginaire alimenté par les vulgarisations de bas niveau, peut-être également le fruit du règne de la médiocratie que dénonce le philosophe Québécois Alain Deneault. Nous proposons ici une traduction du chapitre introductif de l’ouvrage sous la direction de Michael S. C. Thomas, Denis Mareschal et Iroise Dumontheil « Educational Neuroscience ». Ce premier chapitre de Michael S. C. Thomas et Daniel Ansari pose la question de : « Pourquoi les neurosciences sont-elles pertinentes pour l’enseignement ? » Ils y répondent de façon claire, compréhensible malgré la complexité de ce vaste champ d’une importance sociétale et humaine cruciale. Ce faisant, ils posent également les limites quant au crédit dont elles peuvent bénéficier en ce domaine, précisent les bases BIO-PSYCHO (cognition, émotion et affect)-SOCIALES nécessaires à un dialogue commun qui ne peut qu’être fructueux pour les trois parties : les neurosciences, l’éducation, les enfants et leur famille. Certes, le livre va à l’encontre de bien des croyances ainsi que de la doxa qui voudrait que le développement soit un processus tellement naturel et par voie de conséquence facile, que l’accumulation de savoirs serait nécessairement meilleure que le savoir être  trop souvent, revendiqué comme une apparence ou un droit plutôt que comme une réalité authentiquement pensée et réfléchie (métacognitive) ou une conquête  et le savoir-faire en toute conscience. Le cadre une fois posé, les auteurs présentent un survol général des chapitres qui constituent l’ouvrage réunissant de nombreux collaborateurs et nous donnent les moyens de comprendre et de stimuler la dynamique de perspectives nouvelles dans le monde de l’éducation…. De quoi nourrir l’esprit (critique) de chacun. Bonne lecture !

[Traduction et adaptation française Jérôme Alain Lapasset] 22 juin 2020 Unité Socio-Cognition, C.H. Le Vinatier, BRON Page 1/21 [Traduction et adaptation française Jérôme Alain Lapasset] 22 juin 2020 Les raisons de cette traduction partielle. Jérôme Alain Lapasset Psychomotricien D.E. Unité Socio-Cognition, C.H. le Vinatier, Bron Les neurosciences de l'éducation occupent un terrain extrêmement polémique dans les sociétés occidentales. Portées au nues par les uns, décriées par les autres, elles génèrent un enthousiasme quelque peu outrancier chez ses partisans et hommes ou femmes politiques actuels d’un côté et de l’autre une inquiétude ou un rejet de la part de certains enseignants, qui se sentent remis en cause dans leur professionnalisme, ou les instigateurs d’un complotisme souvent représentant d’un populisme en quête de pouvoir... C'est aussi le résultat de mouvements de balancier médiatiques qui correspondent à des prises de positions affectives radicales, l’écart entre une science responsable et consciente de ses limites et l’imaginaire alimenté par les vulgarisations de bas niveau, peut-être également le fruit du règne de la médiocratie que dénonce le philosophe Québécois Alain Deneault. Nous proposons ici une traduction du chapitre introductif de l’ouvrage sous la direction de Michael S. C. Thomas, Denis Mareschal et Iroise Dumontheil « Educational Neuroscience ». Ce premier chapitre de Michael S. C. Thomas et Daniel Ansari pose la question de : « Pourquoi les neurosciences sont-elles pertinentes pour l’enseignement ? » Ils y répondent de façon claire, compréhensible malgré la complexité de ce vaste champ d’une importance sociétale et humaine cruciale. Ce faisant, ils posent également les limites quant au crédit dont elles peuvent bénéficier en ce domaine, précisent les bases BIO-PSYCHO (cognition, émotion et affect)-SOCIALES nécessaires à un dialogue commun qui ne peut qu’être fructueux pour les trois parties : les neurosciences, l’éducation, les enfants et leur famille. Certes, le livre va à l’encontre de bien des croyances ainsi que de la doxa qui voudrait que le développement soit un processus tellement naturel et par voie de conséquence facile, que l’accumulation de savoirs serait nécessairement meilleure que le savoir être  trop souvent, revendiqué comme une apparence ou un droit plutôt que comme une réalité authentiquement pensée et réfléchie (métacognitive) ou une conquête  et le savoir-faire en toute conscience. Le cadre une fois posé, les auteurs présentent un survol général des chapitres qui constituent l’ouvrage réunissant de nombreux collaborateurs et nous donnent les moyens de comprendre et de stimuler la dynamique de perspectives nouvelles dans le monde de l’éducation…. De quoi nourrir l’esprit (critique) de chacun. Bonne lecture ! Unité Socio-Cognition, C.H. Le Vinatier, BRON Page 2/21 [Traduction et adaptation française Jérôme Alain Lapasset] 22 juin 2020 Neurosciences de l’éducation, Développement sur la durée de la vie Sous la direction de Michael S. C. Thomas, Denis Mareschal, Iroise Dumontheil Thomas, M. S. C., Mareschal D., Dumontheil, I., (Eds.), (2020). Educational Neuroscience, NEW YORK : Routledge, First Published, 570 pages. Pages de l’original Textes Neurosciences de l’éducation Le champ des neurosciences de l’éducation a recourt à de nouveaux éclaircissements sur les mécanismes neuronaux de l’apprentissage pour améliorer les pratiques d’enseignement et leurs résultats. Premier volume à rassembler les toutes dernières connaissances sur le développement des neurosciences de l’éducation à partir d’une perspective sur la vie entière, ce texte important offre un état de l’art, les résultats de recherches qui font autorité en neurosciences de l’éducation avant de fournir des recommandations basées sur des données probantes pour la pratique en classe. Thomas, Mareschal, Dumontheil et l’équipe d’experts internationaux, rassemblés dans ce volume, explorent en profondeur quatre thèmes principaux tout au long du livre. Le premier thème porte sur les différences individuelles, ou ce qui fait que les enfants réussissent mieux ou moins bien en classe. Le second thème aborde la nature des différences individuelles à différents niveaux de développement, depuis les premières années jusqu’à l’âge adulte. Le troisième thème se penche sur l’augmentation cognitive, résumant la recherche qui a exploré les activités susceptibles d’apporter des bénéfices généraux à la cognition. Le quatrième thème enfin considère la traduction des données de la recherche au cœur même des pratiques en classe, discute les questions éthiques plus larges que les neurosciences de l’éducation soulèvent, et ce que les enseignants ont besoin de savoir au sujet des neurosciences pour améliorer leur pratique quotidienne. Les thèmes spécifiques explorés comprennent les perspectives neuropsychologiques sur les disparités socioéconomiques dans les accomplissements éducatifs, les difficultés de lecture, les habiletés phonologiques, les fonctions exécutives, et le développement émotionnel. Michael S. C. Thomas a obtenu son PhD à l’Université d’Oxford et l’a complété avec un post-doctorat à l’UCL Institute of Child Health. Ses recherches en neuroscience cognitive du développement se centrent sur les origines de la variabilité cognitive, y compris les troubles développementaux. Denis Mareschal est directeur du Centre for Brain and Cognitive Development1, Université de Londres au Royaume-Uni (UK). Il a largement publié sur tous les aspects de l’apprentissage et du développement au cours de l’enfance et de la petite enfance, et il a reçu le Prix Marr (Cognitive Science Society2, USA), celui du jeune chercheur (International Society on Infant Studies3, USA), et le prix Margaret Donaldson (British Psychological Society4, UK). 1 Centre du développement cognitif et cérébal, (NdT). Société des Sciences Cognitives, (NdT). 3 Société Internationale des Études Pédiatriques, (NdT). 2 Unité Socio-Cognition, C.H. Le Vinatier, BRON Page 3/21 [Traduction et adaptation française Jérôme Alain Lapasset] 22 juin 2020 Iroise Dumontheil a obtenu son PhD à l’Université de Paris VI et effectué son post doctorat dans des laboratoires à Londres et à Stockholm. Elle s’est vue décerner la médaille Spearman (British Psychological Society, UK) et le prix Elizabeth Warrington. (British Neuropsychological Society5, UK). Sa recherche porte sur le développement typique du cerveau, de la cognition et du comportement lors de l’adolescence, et sur les applications de ces découvertes dans l’éducation. Pour la traduction française 4 5 Société Britannique de Psychologie, (NdT). Société Britannique de Neuropsychologie, (NdT). Unité Socio-Cognition, C.H. Le Vinatier, BRON Page 4/21 [Traduction et adaptation française Jérôme Alain Lapasset] 22 juin 2020 Sommaire Contributeurs Introduction 3 1 Neurosciences de l’éducation Pourquoi les neurosciences sont-elles pertinentes pour l’enseignement ? Michael S. C. Thomas and Daniel Ansari Les neurosciences de l’éducation sont un champ en émergence dont l’objectif est de traduire de nouveaux éclairages, recueillis à partir de l’étude des mécanismes neuraux qui sous-tendent l’apprentissage, au sein même d’applications pratiques en classe pour améliorer les résultats de l’enseignement. Le champ s’est ouvert dans les années 1990, la fameuse « décennie du cerveau » (Jones & Mendell, 1999) lorsque les avancées technologiques en imagerie cérébrale ont encouragé à des progrès dans la compréhension scientifique de comment le cerveau étaye l’esprit et ses dispositions à apprendre. Le champ renvoie aussi à « esprit, cerveau et éducation » et à « neuroéducation », et comprend aujourd’hui un éventail de sociétés savantes, de centres de recherche, des conférences et des journaux spécialisés. Il se range sous la bannière plus large des « Sciences des apprentissages ». Alors que les neurosciences de l’éducation se fondent sur l’intuition que les nouvelles découvertes sur les mécanismes neuronaux de l’apprentissage pourraient être utiles aux enseignants dans la classe, elles ne se veulent pas réductionnistes elles ne prétendent pas que les explications du niveau cérébral sont les meilleures, ni qu’il faille réduire la nature intrinsèque de l’éducation à une entreprise culturelle et sociétale. La contribution des neurosciences de l’éducation procède d’une intention beaucoup plus modeste : une compréhension des mécanismes de l’apprentissage pourrait aider à améliorer nombre de résultats de celui-ci. Nous croyons que les diverses contributions contenues dans ce volume le montrent, les neurosciences de l’éducation présentent un grand potentiel pour propulser des progrès dans les pratiques éducatives ou d’enseignement. Cependant, le contexte culturel habituel présente des défis à relever. Les enseignants sont souvent enthousiastes vis-à-vis de techniques qui sont établies « sur le cerveau », mais certaines de ces techniques sont défendues, préconisées, par des entreprises où les neurosciences ne sont que de l'habillage d’un produit commercial, et les techniques ne sont pas étayées par des données scientifiques (Simons et al., 2016). Au cœur d’une compréhension du public de la façon dont fonctionne le cerveau des mythes se sont fait jour (e.g., que nous n’utilisons que 10 % de notre cerveau, ou que certains enfants apprennent avec leur cerveau gauche alors que d’autres apprennent avec le droiti). Ces « neuromythes » ont fréquemment conduit à des pratiques en classe, une nouvelle fois dénuées d’un étayage scientifique (e.g., les styles d’apprentissage visuel-auditif-kinesthésique ; Pashler, McDaniel, Rohrer, & Bjork, 2009). En outre, tandis que les bâtisseurs de politiques éducatives se sont révélés désireux d’éclairer leurs décisions à l’aide des données probantes issues des Unité Socio-Cognition, C.H. Le Vinatier, BRON Page 5/21 [Traduction et adaptation française Jérôme Alain Lapasset] 22 juin 2020 4 neurosciences (e.g., Thomas, 2017; Willetts, 2018), les chercheurs doivent veiller à s’assurer que les recommandations n’outrepassent pas le niveau habituel de compréhension scientifique (Bruer, 1999). De plus, bien qu’il soit important d’éduquer le public sur les neuromythes ou les approches éducatives inefficientes, on devrait également reconnaître qu’en dépit des traductions de connaissances, des méthodes sans effets pourraient bien se voir utilisées. Ce volume présente les recherches les plus récentes en neurosciences de l’éducation. Au travers des dix-sept chapitres, il existe quatre domaines d’intérêt principaux. Le premier porte sur les différences individuelles : qu’est-ce qui fait que les enfants réussissent mieux ou moins bien en classe ? Remarquez qu'il s'agit là d'une question légèrement différente du casse-tête théorique de l'acquisition de compétences pertinentes à l'éducation. Il s’agit de la distinction entre demander, dire, ce qui rend les élèves meilleurs ou pires en mathématiques, par rapport à la question de savoir comment les humains peuvent apprendre quelque chose comme les mathématiques. Le second centre d’intérêt considère cette question aux différentes étapes du développement— depuis les premières années, en passant par la moyenne enfance et l’adolescence, et à l’âge adulte. Chaque tranche d’âge peut poser des défis différents aux enseignants et offre diverses opportunités de modifier les approches. Notre prise en compte des différences individuelles considère leurs origines respectives dans les causes génétiques et environnementales (les dernières se centrent en particulier sur la contribution du statu socioéconomique). Les chapitres qui suivent abordent les différences individuelles en termes de capacités spécifiques à une discipline, comprenant l’alphabétisation-lecture, la numération-calcul, les sciences, et ensuite en termes de capacités disciplinaires générales, englobant fonctions exécutives, développement social et développement émotionnel. Le troisième centre d’intérêt du livre, que représente un ensemble de six chapitres, considère l’augmentation cognitive, en résumant les recherches qui ont exploré les activités susceptibles d’apporter des bénéfices généraux à la cognition. Celles-ci englobent les jeux vidéo d’action, l’entraiment à la pleine conscience, le rôle du sommeil dans l’apprentissage, les exercices en aérobie, l’apprentissage d’une seconde langue, et celui d’un instrument de musique. Ces chapitres évaluent quelles sont parmi ces activités celles qui ont, le cas échéant, démontré engendrer des bénéfices généralisés qui s’étendent à la réussite scolaire. Le quatrième point de centration du livre porte sur la traduction des résultats de recherche dans la pratique en classe, et les questions éthiques plus larges que soulèvent les neurosciences de l’éducation. Adoptant la perspective des enseignants, l’un de nos contributeurs argumente : Nous sommes des professionnels, et la compréhension de l’apprentissage et de ses implications sur notre enseignement devraient être à la base de notre pratique. Tout juste comme nous nous attendrions des médecins qu’ils comprennent comment fonctionne le corps et se tiennent à jour des nouvelles techniques, par exemple dans le traitement du cancer, les enseignants doivent comprendre comment l’apprentissage se met en place. (Bell & Darlington, Chapitre 19) Pourtant que doivent exactement savoir des neurosciences les enseignants qui changera réellement leur pratique quotidienne —par exemple, comment planifier une Unité Socio-Cognition, C.H. Le Vinatier, BRON Page 6/21 [Traduction et adaptation française Jérôme Alain Lapasset] 22 juin 2020 leçon ? Ont-ils besoin de savoir comment fonctionne un scanner cérébral ? Que font les neurotransmetteurs ? Comment le cerveau consolide-t-il les souvenirs ? C’est ce à quoi la section finale de ce livre cherche à répondre. Comment fonctionnent les neurosciences de l’éducation ? 5 Les neurosciences interagissent avec l’éducation suivant deux voies, illustrées dans la Figure 1.1. Elles peuvent interagirent indirectement via la psychologie ; les données probantes issues des neurosciences sont utilisées pour faire avancer la théorie psychologique. Figure 1.1 Deux voies bidirectionnelles liant les neurosciences et l’éducation Source: Reproduit avec la permission de Thomas et al., 2019. 6 Suivant cette perspective, en tant que discipline isolée, la psychologie produit des théories de l’apprentissage qui sont aussi non contraintes, en spéculant sur comment les systèmes cognitifs pourraient fonctionner plutôt qu’en se focalisant sur comment marche le système cognitif existant compte tenu des contraintes liées à sa production en temps réel via la fonction cérébrale (Thomas, Ansari et Knowland, 2019). Neurosciences et éducation peuvent également interagir directement, en vertu du fait que le cerveau est un organe biologique et par conséquent qu’il est sujet aux contraintes métaboliques. Les facteurs tels que réserve énergétique, nutrition, réponse aux hormones du stress et à la pollution environnementale, peuvent influencer potentiellement le fonctionnement du cerveau, y compris lorsqu’il apprend. Ainsi, tandis que les neurosciences de l’éducation placent généralement la psychologie en son centre, la recherche sur l’impact des facteurs non psychologiques sur les résultats d’enseignement, tels que la capacité aérobie, le régime alimentaire, et la qualité de l’air, relèvent également de sa compétence. Nous pouvons envisager la voie directe en termes de «santé cérébrale» - placer l’organe dans l’état optimal pour maximiser l’apprentissage de l’individu lorsqu’il entre en classe. Même si les neurosciences de l’éducation peuvent fournir des éclaircissements sur les mécanismes de l’apprentissage, il conviendrait de reconnaître que l’apprentissage n’est qu’une partie de l’éducation. Nous devons considérer les accomplissements scolaires en fonction des contraintes de niches qui englobent l’individu, la classe, l’école, la famille et la société. Par exemple l’effet des conditions à domicile exerce Unité Socio-Cognition, C.H. Le Vinatier, BRON Page 7/21 [Traduction et adaptation française Jérôme Alain Lapasset] 22 juin 2020 une influence bien plus puissante sur les résultats scolaires que ce qu’il se passe à l’école, suggérant que les pratiques scolaires ne sont pas toujours le facteur limitant des performances. Figure 1.2 : Facteurs proximaux et facteurs distaux qui soutiennent et contraignent les changements de résultat d’un apprentissage, suivant les influences stratifiées sur le changement comportemental tels que proposent Michie, van Stralen, and West (2011), et les relations interactives entre un individu et son environnement selon Bronfenbrenner (1992). La flèche blanche reflète les influences bidirectionnelles entre les couches. Source: Reproduit avec l’autorisation de Thomas et al., 2019. Légende : Learning Outcomes = Pronostics de l’apprentissage Facteurs gouvernementaux National curriculum = Programme national ; Education policy = Politique de l’éducation ; Education Budget = Budget de l’éducation ; Facteurs sociétal et familial Technology = Technologie ; Cultural influences = Influences culturelles ; Socioeconomic status = statut socioéconomique ; Facteurs scolaires School policy = Politique scolaire ; Classroom environment = Environnement de la classe ; Teaching materials = Matériel d’enseignement ; Facteurs de l’enfant Motivation & attention = Motivation & attention ; Nutrition = Nutrition ; Ability = Aptitude ; Health = Santé. 5 6 La figure 1.2 emprunte la théorie des systèmes écologiques de Bronfenbrenner (Bronfenbrenner, 1992) pour identifier de nombreux facteurs de niche qui contraignent les accomplissements éducatifs. Elle place les résultats de Unité Socio-Cognition, C.H. Le Vinatier, BRON Page 8/21 [Traduction et adaptation française Jérôme Alain Lapasset] 22 juin 2020 l’apprentissage au cœur de l’éducation, mais illustre la gamme des autres facteurs internes à l’enfant, sociétaux, institutionnels et gouvernementaux qui composent un tableau plus large. Dans la continuité de la perspective de Bronfenbrenner, les facteurs qui influencent l’état final de l’apprentissage d’un enfant opèrent à des degrés de proximité très largement différents avec le processus d’apprentissage ; nous devrions les considérer comme relevant d’un système interactif et interconnecté. L’impact potentiel des neurosciences de l’éducation est d’améliorer le pronostic éducatif en changeant les facteurs les plus proches des résultats d'apprentissage comme la Figure 1.2 le montre : aptitude, motivation & attention, santé et nutrition. Cependant, sa portée pour le faire dépend de la gamme des obstacles au changement qui peuvent se rencontrer au-delà de l'apprentissage luimême. La mission des neurosciences de l’éducation est difficile 7 Une part du défi propre aux neurosciences de l’éducation est qu’il est difficile de traduire des connaissances issues des sciences de base en applications pratiques, même pour une discipline mature telle que la psychologie. Roediger (2013) a observé qu’en dépit d’une centaine d’années de données probantes en psychologie de l’apprentissage et de la mémoire, des techniques sont encore utilisées bien qu’un corpus de preuves ait montré leur inefficacité (e.g., surligner / souligner du texte pour en faciliter la mémorisation) alors que d’autres, ayant démontré leur efficacité, ne l'ont pas été en classe (e.g., l'apprentissage par le biais de tests) (voir Dunlosky, Rawson, Marsh, Nathan et Willingham, 2013). Il n'est pas simple de traduire une compréhension de la façon dont se produit l'apprentissage dans le cerveau en moyens d'améliorer son pronostic par l'entremise d’instructions. Une telle traduction nécessite un investissement dans des structures et des mécanismes qui peuvent la faciliter. Un deuxième défi est le fait que, même si «l’apprentissage» peut sembler une construction unitaire quelque chose qui, pouvons-nous l’espérer, se produit en classe ou à travers l’étude sa réalisation dans le cerveau est hautement complexe. En tant que produit de l’évolution, le cerveau humain présente un certain nombre de priorités. Sa première est de maintenir les mouvements moteurs en intégrant l’information perceptive. Sa seconde consiste en la poursuite des objectifs de base inscrits dans sa structure même au sein des systèmes qui sous-tendent les émotions, dans ce que l’on pourrait appeler le système des huit Fs (fear [peur/Frayeur], fight [combat/aFfrontement], flight [Fuite], freeze [Figement], feed [alimentation/Fringale], fun [amusement, Futilité, Frivolité), frolic [batiFolage], and forty-winksii [quarante clignements/Flasher des yeux]6. En tant que cerveau de primate social, sa troisième priorité porte sur autrui, qu'il s'agisse de parents, de frères et sœurs, de compagnons, d'amis ou d'ennemis. Il dédie de nombreux système au traitement de l’identité, des actions, des émotions et de l’intention des autres personnes. Sa quatrième priorité seulement la quatrième est la cognition de haut niveau, le type de connaissances et les habiletés de raisonnement qui sont les cibles de l’éducation. Il y a beaucoup de choses, par conséquent, qui pourraient entraver 6 Les auteurs ont cherché des synonymes pour établir un moyen mnémotechnique (les 8 Fs) pour caractériser le système des émotions impliquées ; en français, la tâche n’est pas simple non plus, mes propositions ne sont qu’approximatives ; [NdT]. Unité Socio-Cognition, C.H. Le Vinatier, BRON Page 9/21 [Traduction et adaptation française Jérôme Alain Lapasset] 22 juin 2020 8 l’apprentissage. Figure 1.3 Schéma de huit systèmes neuronaux pour l’apprentissage, dont l’interaction produit le phénomène de «l’apprentissage» en classe (du Centre for Educational Neuroscience Resource www.howthebrainworks.science). Voir le chapitre 2 de ce volume pour un aperçu des régions et réseaux cérébraux réels. Légende : Cerveau Social  Imitation Cerveau Linguistique  Instruction Control Strategies = Stratégies de contrôle Reward system = Système de la récompense Snapshot memory = mémoire d’instantanés 7 L'apprentissage lui-même résulte de l'interaction de peut-être huit systèmes neuronaux différents (Thomas et al., 2019iii). La figure 1.3 (voir le chapitre 2 de ce volume pour un aperçu des régions cérébrales et des réseaux fonctionnels réels) schématise ces derniers. Les huit systèmes sont : Unité Socio-Cognition, C.H. Le Vinatier, BRON Page 10/21 [Traduction et adaptation française Jérôme Alain Lapasset] 22 juin 2020 8 1. Un système de mémorisation de moments individuels, qui produit une mémoire épisodique ou autobiographique. L'hippocampe et les structures qui l'entourent en assure la maintenance. Ce système peut modifier ses connexions très rapidement pour enregistrer des instantanés. 2. Un système d'apprentissage de concepts. Le cerveau apprend les associations entre les informations perceptuelles et les réponses motrices, en repérant des patrons spatiaux et temporels complexes. Cela se produit dans le cortex, où les changements dans les connexions prennent quelques secondes, minutes et heures. 3. Un système de conditionnement classique. Certaines associations sont inconscientes et impliquent les structures émotionnelles (limbiques) plus à l'intérieur du cerveau. Ce sont des associations entre le stimulus et la réponse, comme lorsqu'un aliment particulier vous a rendu malade et vous en a écarté par la suite. Ces associations peuvent se former en quelques secondes ou minutes. 4. Un système de contrôle. Le cerveau apprend à contrôler les systèmes à contenu spécifiques dans le cortex postérieur afin qu'ils soient activés dans les contextes appropriés. Ce système apprend les stratégies et quand les appliquer. Le contrôle implique le cortex préfrontal, qui interagit également avec les structures limbiques pour intégrer la planification à l'émotion. 5. Un système pour apprendre comment obtenir des récompenses. Ce système détermine ce que nous devons faire pour obtenir ce que nous voulons, faire en sorte que de belles choses se produisent et éviter que ce n’en soient de mauvaises. Il fonctionne en quelques secondes et minutes. Le système est ancré profondément dans le cerveau (la zone tegmentale ventrale du mésencéphale). Les neurones y libèrent un neurotransmetteur appelé dopamine qui suit la présence ou l'absence de récompenses et à son tour ce système influence le fonctionnement d'autres systèmes. 6. Un système d'apprentissage procédural pour des activités d'apprentissage que nous effectuons fréquemment et souvent inconsciemment, comme d’attacher des lacets, lire ou conduire une voiture. Ces compétences automatiques peuvent prendre des dizaines ou des centaines d'heures de pratique. Les structures impliquées sont le cervelet et les circuits en boucle de l’extérieur-à-l’intérieur qui relient le cortex à travers les noyaux gris centraux au thalamus et retour. 7. Le système d'apprentissage social. Le cerveau peut profiter de ses circuits étendus pour percevoir, comprendre et imiter d'autres personnes, de sorte que les compétences peuvent être acquises simplement en regardant faire les autres. 8. Le système linguistique. Le cerveau peut tirer avantage de ses vastes circuits pour recourir au langage et construire de nouveaux concepts et plans, de façon à pouvoir apprendre par instruction des compétences. 9 En plus de ces multiples systèmes, un principe plus vaste opère : rendre tous les processus automatiques, de sorte qu’ils surviennent rapidement, en douceur et sans qu’ils fassent appel à un effort cognitif ou même à l’attention consciente. Plus on utilise de connaissances / habiletés, plus elles deviennent automatiques. Avec des compétences automatisées, il y a une implication croissante des noyaux gris centraux et des structures cérébelleuses avec une moindre implication du cortex préfrontal. En revanche, moins on a recourt aux compétences ou aux connaissances, plus elles sont susceptibles d'être perdues. L'oubli se produit à un rythme différent dans différents systèmes d'apprentissage : par exemple, les connaissances factuelles s'effritent plus rapidement que les habiletés motrices, comme faire du vélo. Tous ces systèmes fonctionnent de manière intégrée. Ils réagissent différemment au fil du temps et préfèrent différents régimes d’entraînement. Des facteurs tels que les états motivationnels er émotionnels peuvent de façon différentielle les moduler. Devant cette complexité, comprendre les implications de cette constellation de mécanismes sous le terme «apprentissage», tel qu’il est interprété par les éducateurs, représente un énorme défi. Unité Socio-Cognition, C.H. Le Vinatier, BRON Page 11/21 [Traduction et adaptation française Jérôme Alain Lapasset] 22 juin 2020 Les neurosciences de l’éducation sont toujours controversées 10 Les neurosciences de l'éducation restent controversées dans certains milieux. Certains chercheurs estiment que les données des neurosciences sont tout simplement trop éloignées de la salle de classe pour avoir une valeur éducative, et que les approches qui se concentrent plus ouvertement sur le comportement, comme la psychologie, sont plus appropriées (e.g., Bowers, 2016). D’autres ressentent comme surestimées les affirmations que l’on peut utiliser les données neuroscientifiques pour diagnostiquer les troubles du développement ou prédire les résultats individuels, et que ces méthodes ne sont actuellement ni pratiques ni viables au quotidien (e.g., Bishop, 2014). Encore récemment, de nombreux débats sur ces questions furent animés dans des revues de psychologie de premier plan (e.g., une critique de Bowers, 2016, et une réponse de Howard-Jones et al., 2016, dans Psychological Review; ou une critique de Dougherty et Robey, 2018 et une réponse de Thomas, 2019, dans Current Directions in Psychological Science). Les neurosciences de l’éducation constituent un domaine naissant, et il peut en effet y avoir des critiques légitimes. Par exemple, ces neurosciences doivent se résumer à bien davantage qu'un simple ré-étiquetage de phénomènes déjà bien connus de la psychologie comportementale avec les noms des structures cérébrales comme le ré-étiquetage de «fonctions exécutives» par «cortex préfrontal», ou «mémoire épisodique» avec «hippocampe». Les neurosciences de l’éducation doivent faire progresser la théorie psychologique et indiquer les moyens d'améliorer la santé du cerveau. Bishop (2014) a raison d'affirmer que les méthodes des neurosciences sont encore limitées dans leur sensibilité et leur spécificité en tant qu'outils de dépistage ou de diagnostic des déficits. Elles ne peuvent que compléter les marqueurs de risque comportementaux et sociaux plus traditionnels. Cependant, on pourrait disposer de certaines mesures neuroscientifiques plus précoces, telles que les mesures électroencéphalographiques infantiles du traitement auditif pour prédire le risque de dyslexie ultérieure (Guttorm, Leppänen, Hämäläinen, Eklund et Lyytinen, 2009); ou, dans le futur, disposer de mesures ADN dès la naissance pour prédire de possibles résultats scolaires (Plomin, 2018). Une disponibilité précoce augmente les opportunités d'intervention ou tout simplement d’un suivi plus ciblé des marqueurs de risque traditionnels dans l’accompagnement des progrès de chaque enfant. Enfin, les neurosciences de l’éducation doivent améliorer la qualité du dialogue entre les enseignants, les psychologues et les éducateurs pour garantir que la discussion soit véritablement bidirectionnelle, par exemple, en Co-concevant des études avec les enseignants pour améliorer la pertinence de la recherche et augmenter les chances d’amélioration des pratiques en classe. Il est impératif que le dialogue porte autant sur les enseignants qui stimulent les orientations de la recherche et réfléchissent à la façon dont les nouvelles découvertes peuvent être utiles en classe que sur les chercheurs qui communiquent les résultats de leurs études en neurosciences cognitives. Il y a aussi des critiques distrayantes mais fallacieuses. La première est que pour contribuer à l'éducation, les connaissances en neurosciences doivent être flambant neuves et révolutionnaires (sinon la réplique est : «Mais nous le savions déjà!»). Bien qu'il puisse exister des théories folkloriques préexistantes sur, disons, l'importance du sommeil (« ma vieille grand-mère a toujours dit qu'une bonne nuit de sommeil était bonne pour vous ! »), cela ne compromet en rien la contribution possible que les neurosciences du sommeil peuvent apporter à travers, par exemple, son étude des effets de consolidation sur l'apprentissage lors des interactions entre les structures hippocampiques et corticales (voir Sharman, Illingworth & Harvey, ce volume). Les neurosciences peuvent nous dire non seulement que le sommeil est bon, mais combien de sommeil est nécessaire (e.g., Wild, Nichols, Battista, Stojanoski et Owen, 2018). Même lorsque les effets comportementaux sont déjà connus, on peut les améliorer en comprenant les mécanismes à des niveaux de description inférieurs. Une autre critique fallacieuse est que les explications en neurosciences sont dangereuses parce qu'elles ont un « pouvoir d’attraction séduisant » (Weisberg, Keil, Goodstein, Rawson Unité Socio-Cognition, C.H. Le Vinatier, BRON Page 12/21 [Traduction et adaptation française Jérôme Alain Lapasset] 22 juin 2020 et Gray, 2008) ; c'est-à-dire qu'elles rendent les psychologues et les enseignants plus enclins à croire que de nouvelles propositions de techniques d'enseignement sont indépendantes des preuves à l'appui. Bien que cela puisse (malheureusement) être vrai, lorsque les neurosciences sont utilisées uniquement comme habillage de façade, il s'agit d'un effet de cadrage contextuel, et non d'une réflexion sur les progrès de la discipline des neurosciences de l’éducation elles-mêmes (Farah et Hook, 2013; Scurich et Shniderman, 2014 ). Un survol des chapitres 11 Voici comment se structure le volume. A l’intention de ceux qui ouvrent ce livre sans être familiers avec les neurosciences, le chapitre qui suit de Dumontheil et Mareschal introduit aux concepts clefs et aux méthodes des neurosciences l’anatomie générale et le fonctionnement du cerveau, comment il se modifie au cours du développement, les principales régions auxquelles se réfèrent les chapitres subséquents, ainsi que les méthodes d’imagerie cérébrale de pointe telle que l’imagerie par résonnance magnétique cérébrale ou l’électrophysiologie. C’est l’endroit où vous familiariser avec la terminologie clef et avec ce que signifient les abréviations IRM et EEG. La section 1 comprend deux chapitres sur les facteurs génétiques et environnementaux, abordant les contributions génétiques et environnementales aux différences individuelles dans les résultats scolaires. Dans le chapitre 3, Donati et Meaburn expliquent comment on a appliqué de plus en plus les méthodes génétiques aux capacités académiques. Le centre d’intérêt porte ici sur la mise en lumière que toutes les différences entre enfants et adultes ne sont pas d’origine environnementale. L’accomplissement scolaire, l’intelligence, et les dimensions de la personnalité possèdent dans une certaine mesure une composante familiale comme le révèle la traditionnelle méthode en génétique du comportement chez les jumeaux qui fait apparaître l’héritabilité de ces traits. Les découvertes capitales en génétique moléculaire permettent désormais de mesurer les variations réelles de l'ADN entre les individus et comment celles-ci sont corrélées aux variations des habiletés de haut niveau telles que la lecture ou les mathématiques. Donati et Meaburn discutent de la façon d’utiliser dans l'éducation les résultats de ces études d'association à l'échelle du génome, en établissant par exemple des pronostics éducatifs via des scores de risque polygénique à partir de l'ADN. Ils déclarent notamment que les pronostics génétiques ne sont pas inévitables (les effets génétiques peuvent changer d’ampleur dans différents environnements) et que «les gènes pour l’éducation n’existent tout simplement pas» (p. 70) ! Dans le chapitre 4, Hackman and Kraemer considèrent le côté formation culturelle de l’équation, et comment les facteurs d’environnement contribuent aux différences individuelles d’accomplissement éducatif. L’une des mesures les plus prédictives et les plus aisément disponibles est le statut socioéconomique (SSE) de la famille dans laquelle l’enfant est élevé. Hackman and Kraemer passent en revue les recherches en cours sur les effets du SSE sur le cerveau et le développement cognitif. Ils concluent que «bon nombre des mêmes aspects de performances neurocognitives associés au SSE sont également prédictifs des résultats scolaires» (p. 99). Bien qu’il s’agisse de facteurs au niveau de l’individu, Hackman et Kraemer soulignent comment les résultats obtenus pointent le rôle central des facteurs sociaux et systémiques dans l’éducation. Cependant, le SSE est un intermédiaire à de multiples voies causales potentielles de l’influence environnementale, et le chapitre décortique soigneusement comment les effets du SSE pourraient agir sur les résultats de l’éducation —soulignant que même si leur impact est mesurable dans le cerveau, les effets du SSE ne sont en aucune façon immuables ou déterministes. La section 2, Capacités spécifiques à une discipline, examine la contribution des neurosciences de l’éducation à la compréhension des capacités pertinentes à des disciplines particulières. Il s’agit notamment de l’alphabétisation-lecture, la numération-calcul et des sciences. Les chapitres 5 et 6 se penchent sur la lecture. Dans le chapitre 5, Tong et McBride-Chang proposent un large aperçu de l'évolution de la lecture dans le cerveau étant donné que la lecture, invention culturelle récente, implique nécessairement de réaffecter, pour façonner un système dédié à l'alphabétisation, d'autres systèmes neuronaux Unité Socio-Cognition, C.H. Le Vinatier, BRON Page 13/21 [Traduction et adaptation française Jérôme Alain Lapasset] 22 juin 2020 12 assignés à la reconnaissance d'objets, au langage oral et à la signification. Tong and McBride-Chang montrent comment on a utilisé différentes méthodes d’imagerie du cerveau pour mettre à jour ces voies cérébrales. Ils montrent comment structure et fonction diffèrent toutes deux à la fois en cas de dyslexie, et comment le langage (et la rédaction) que les enfants apprennent modifient les voies cérébrales, tel que dans une comparaison de l’anglais et du chinois. En particulier, des mesures de l’activité électrique cérébrale chez le nourrisson en réponse à des stimuli auditifs peuvent prédire les compétences langagière et d’alphabétisation-lecture huit ans plus tard ; ceci révèle l’origine précoce des différences en habiletés de lecture. Au chapitre 6, Goswami approfondit une compétence sous-jacente au langage et à l'alphabétisation, une compétence particulièrement impliquée dans la dyslexie: la phonologie. Comprendre les mécanismes cérébraux qui sous-tendent cette compétence pointe une possible voie inattendue de remédiation de la dyslexie : s’entraîner à jouer des tambour de bongo et réciter de la poésie. Comment cela se peut-il ? L’apprentissage précoce de la phonologie chez l’enfant au travers d’un environnement domestique ou préscolaire implique de construire une hiérarchie de l’information linguistique disponible dans le flux de la parole. Une grande partie des informations clefs concerne le rythme. On peut explorer le traitement du rythme par le cerveau à travers la tendance du système auditif à entraîner son activité aux différents rythmes présents dans le langage. Les neurones déchargent en fait suivant des rythmes différents! Dans la dyslexie, il semble qu’il existe un problème de détection non pas seulement des mots mais de la phrase entière, compromettant la capacité ultérieure de l’enfant à faire correspondre la phonologie avec la forme écrite du langage. Goswami soutient que des interventions qui se centrent sur des activités métriques du langage, telles que les comptines et la musique rythmique, peuvent aider la construction cérébrale de la phonologie appropriée pour préparer l'acquisition de la lecture. Étant donné que ces activités conviennent au préscolaire, elles permettent une intervention précoce pour les enfants qui sont signalés comme étant à risque de développer des problèmes d'alphabétisation. Au chapitre 7, de Smeth se centre sur les mathématiques et se demande pourquoi les apprendre est si aisé pour certains et plus dur pour d’autres. De Smedt considère les vertus et les inconvénients de comprendre au niveau biologique des compétences enseignées à l'école. Les mathématiques impliquent l'intégration cérébrale de nombreux mécanismes différents, et les problèmes mathématiques supposent souvent de nombreuses étapes. Ceci rend difficile d’étudier les habiletés mathématiques par des méthodes habituelles d’imagerie cérébrale, qui soit moyennent ensemble l'activité sur plusieurs secondes, soit la décortiquent à la milliseconde. De Smedt se concentre sur le développement arithmétique additionner, soustraire, multiplier et diviser des nombres entiers. Ici, il s'avère que l’on peut appliquer différentes stratégies pour résoudre un même problème, et celles dont disposent les enfants dépendent de la façon de les leur enseigner, ainsi que des préférences individuelles. Il apparaît souvent que la stratégie, et non le type de problème (par exemple, l'arithmétique à un chiffre ou à plusieurs chiffres), module les régions du cerveau qui sont corrélées à la pratique de l'arithmétique. Mais il y a aussi un changement de nature développemental par exemple, le cortex temporo-pariétal permet la récupération des faits chez l'adulte (conceptuel) mais est plus hippocampique (épisodique) chez l'enfant. De Smedt examine s'il existe des compétences de base particulières qui servent de facteurs contraignants à l'apprentissage de l'arithmétique. Il conclut que le traitement de la grandeur symbolique (c'est-à-dire comprendre comment les symboles numériques, tels que les chiffres arabes, représentent des quantités / ensembles d'objets numériques), est important pour l'arithmétique comme la conscience phonologique l’est pour la lecture » (p. 176). Au chapitre 8, Tolmie et Dündar-Coecke examinent l'enseignement des sciences et le développement tout au long de la vie des compétences conceptuelles qui sous-tendent les connaissances scientifiques, dès les premières années, la moyenne-enfance et la fin de l'enfance, l'adolescence et jusqu'à l'âge adulte. Ils notent que dans l'enfance, la connaissance perceptive de la façon dont le monde physique se comporte semble distincte de la Unité Socio-Cognition, C.H. Le Vinatier, BRON Page 14/21 [Traduction et adaptation française Jérôme Alain Lapasset] 22 juin 2020 13 14 connaissance conceptuelle: « au moment où ils ont atteint l'âge de 11 ans, les enfants montrent une conscience perceptive aiguë des variables qui affectent véritablement les résultats, même si cela se confond avec de fausses croyances au sujet d'autres facteurs » (chapitre 8, p. 197). Ils soutiennent que de parler en classe de sciences est crucial, car le langage constitue la clef pour combler l'écart entre compréhension perceptive et conceptuelle les idées mécanistes provoquées par le langage attirent l'attention sur les propriétés perceptuelles pertinentes pour comprendre le fonctionnement des systèmes physiques. Cependant, des concepts élaborés émergent à des rythmes différents dans différents domaines (par exemple, cristallisation opposée à sublimation), selon l'étendue et la nature des entrées environnementales. L'adolescence est marquée par l'ajout de détails, la mise en relation des connaissances et la connexion aux procédures et applications. À l'âge adulte, il existe de multiples systèmes de connaissances, utilisés de manière flexible, mais l'expertise est désormais plus importante que l'âge. Notamment, il est toujours possible de séparer les habiletés de prédiction et d'explication  Tolmie et Dündar-Coecke ont décrit une étude chez des étudiants de premier cycle, portant sur la trajectoire des objets en rotation ; cette dernière a révélé que la corrélation entre la prédiction et l'explication était proche de zéro. L'implication est que les compétences et les connaissances scientifiques sont dissociées, et qu’un aspect clef de l'apprentissage des sciences est l'intégration des connaissances et leur application correct. La Section 3, Capacités Générales aux Disciplines, se concentre sur les différences individuelles de compétences pouvant affecter les performances de toutes les disciplines. Dans le chapitre 9, Peters explore les fonctions exécutives et leur évolution au cours de l'enfance et de l'adolescence. Elle prend en considération les composantes principales du contrôle cognitif, comprenant la mémoire de travail, l’inhibition et la flexibilité, et jusqu’à quel point on peut entraîner ces habiletés. Peters fait valoir que les substrats cérébraux qui sous-tendent les fonctions exécutives prennent beaucoup de temps pour parvenir à maturité, ce qui explique les faibles compétences des jeunes enfants en matière de fonctions exécutives. Surtout, elle met en exergue que les salles de classe et les programmes d'éducation ne sont actuellement pas tous adaptés au niveau de développement neuronal et aux compétences du fonctionnement exécutif que les enfants possèdent à cet âge. À l'adolescence, en revanche, ces dernières sont bien plus avancées, mais les changements pubertaires ont un impact sur la prise de décision concernant la prise de risques, en particulier dans un contexte social, avec en association des effets néfastes sur la santé. Cependant, Peters identifie également des opportunités à l’adolescence, y compris la sensibilité accrue des systèmes de la récompense au retour d’information (feedback) et aux environnements sociaux. Les années d’adolescence peuvent être une fenêtre d'opportunités d'apprentissage, mais aussi une période où les différences individuelles sont exacerbées car le contexte affectif et social influence davantage le cerveau. Au chapitre 10, Immordino-Yang et Gottleib se focalisent sur les émotions. Ils abordent la question du pourquoi l’apprentissage est-il un processus aussi dépendant des émotions, et qu’est-ce que cela signifie pour les enseignants et les établissements scolaires. Ils répondent : capacités des élèves à reconnaître, comprendre et gérer leurs émotions; pour développer ; construire et maintenir un sentiment d'intérêt et de curiosité; persister malgré les défis et l'incertitude ; embrasser de nouvelles expériences; imaginer des futurs alternatifs pour eux-mêmes et leurs communautés; et éprouver leur résolution. . . tous ces éléments influencent puissamment la réussite personnelle et scolaire. (p. 242) En dépit du rôle clef des émotions dans l’apprentissage et en effet le récent gouvernement US se focalise sur l'apprentissage social des émotions Immordino-Yang et Gottleib soutiennent que les enseignants interprètent souvent mal le message ; par exemple, que de se centrer sur les émotions en classe est un luxe si on en a le temps, ou consiste simplement à s’assurer que les élèves « s’amusent ». Ils avancent que l’émotion est une clef Unité Socio-Cognition, C.H. Le Vinatier, BRON Page 15/21 [Traduction et adaptation française Jérôme Alain Lapasset] 22 juin 2020 de l’apprentissage mais qu’il est nécessaire qu’elle soit congruente avec ce que l’on apprend, sinon elle va interférer avec la réalisation final dudit apprentissage (comme c’est le cas avec l’anxiété vis-à-vis des mathématiques, par exemple). Immordino-Yang et Gottleib expliquent comment les systèmes cérébraux dévolues aux sensations viscérales (y compris l’insula) sont cooptés pour les expériences émotionnelles, mais que les « sensations du ventre » reflètent l’étendue de l’apprentissage plutôt que de naïves intuitions. Même lorsque les gens éprouvent une émotion complexe comme l'admiration, cela semble toujours impliquer l'activation de l'insula ! Enfin, les auteurs prennent en considération les différences interculturelles, en particulier la façon dont les individus rapportent des sentiments d'émotivité en réponse à une activation par ailleurs équivalente des systèmes sensoriels du corps dans le cerveau. La section 4, Principales méthodes d’augmentation cognitive, contient six chapitres qui évaluent diverses formes d’augmentation cognitive. Sur l’ensemble, entraîner la cognition produit ce qu'on appelle un « quasi-transfert » (near transfer) des gains sur la tâche que l’on entraîne, des gains plus faibles à des tâches similaires, mais peu ou pas d'amélioration sur des tâches très différentes, appelées transfert distant (far transfer) (e.g., Sala et al., 2019). Cependant, les chercheurs continuent leur quête de données probantes en faveur de techniques qui bénéficieraient de façon générale à la cognition. Cette section rassemble de façon unique en un seul endroit les évaluations de plusieurs de ces approches, comprenant les jeux vidéo d’action, l’entraiment à la pleine conscience, le rôle du sommeil dans l’apprentissage, les exercices en aérobie, l’apprentissage d’une seconde langue, et celui d’un instrument de musique, que l’on affirmé, à un moment ou à un autre, produire des bénéfices généraux à la cognition ou améliorer les pronostics éducatifs. Il faut rester prudent en ce domaine : de nombreux chercheurs expriment des réserves quant à la véritable notion « d’augmentation cognitive », à la fois dans l’objectif que cela implique et la nécessité de mesures des aspects de l’éducation qui ne sont pas aisément quantifiables (Cigman & Davis, 2009). Par exemple, Cigman (2009, p. 174) fait valoir que : le programme d'amélioration ne consiste pas simplement à améliorer les performances des enfants. Il s'agit de les amener à se sentir mieux plus motivés, plus confiants, plus heureux et à l'idée que de se sentir bien mène ainsi à réussir à l'école et dans la vie en général. Mais Cigman remarque qu’« il n’y a rien d’évident à ce que l’on puisse identifier des sentiments particuliers comme inconditionnellement bons, de sorte que davantage est nécessairement meilleur » (p. 174). Néanmoins, dans la mesure où l’on peut mesurer les capacités cognitives, nous pouvons dire que l’enseignement en tant que tout agit comme un exhausteur cognitif, avec une méta-analyse qui montre un gain approximatif de un à cinq points de QI pour chaque année supplémentaire d’enseignement suivi (Ritchie & TuckerDrob, 2018). 15 Au chapitre 11, Altarelli, Green and Bavelier considèrent l’impact d’une pratique soutenue des jeux vidéo d’action informatisés sur la cognition. Ces jeux présentent des tempos élevés et sont prenants, impliquant des réponses motrices instantanées à des scènes visuelles à évolution véloce. Certains adolescents et jeunes adultes y consacrent beaucoup de temps, et il s’avère que l’on a trouvé que les jeux avaient la capacité de puissamment altérer le cerveau et le comportement. Des méta-analyses révèlent des effets inégaux sur la cognition, qui influencent principalement l’attention du haut vers le bas (top-down), la cognition spatiale et l’attention visuelle. Altarelli et ses collègues révèlent les propriétés clefs que doivent présenter ces jeux pour être efficace : Rythme enlevé pour forcer à la prise de décision sous contraintes de temps, pression pour diviser l’attention et superviser de multiples sources d’information, une exigence de basculer souplement entre des états d’attention divisé et d’attention focalisée, calibrage adaptatif des difficultés (ni trop facile, ni trop dur), et variabilité et richesse des expériences. Du fait du caractère si attrayant des jeux vidéo d’action, des éducateurs ont ambitionné d’exploiter ces propriétés à des fins Unité Socio-Cognition, C.H. Le Vinatier, BRON Page 16/21 [Traduction et adaptation française Jérôme Alain Lapasset] 22 juin 2020 16 éducatives de «gamifier» l’enseignement. Cependant, Altarelli et ses collègues font le commentaire que la plupart de jeux éducatifs se focalisent sur les contenus sans parvenir à capturer les mécanismes du jeu déclencheurs de l’engagement. Ils remarquent également qu'il existe encore peu de données probantes sur les effets cognitifs des jeux vidéo d'action chez les plus jeunes enfants (où il existe également le risque d’un contenu inapproprié pour l'âge, tel que de la violence). Pourtant, il demeure des résultats intrigants, tels que la possibilité que le jeu vidéo d'action puisse améliorer les compétences en lecture de certains enfants dyslexiques. Au chapitre 12, Semenov, Kennedy et Zelazo considèrent l’entraînement à la pleine conscience chez l’enfant et l’adolescent, et son impact potentiel sur les habiletés du fonctionnement exécutif en classe. La méditation est souvent liée à la pratique religieuse, plus remarquablement au Bouddhisme, mais on a plus récemment exploré cette méthode séculaire pour accroître la santé et le bien-être. Comme le dit Ven. Ajahn Sumedho, au sein du Bouddhisme « tous les enseignements visent à encourager et à diriger notre attention, à explorer et examiner l’expérience du moment présent. Pour ce faire, vous avez besoin d’être pleinement éveillé. Vous devez faire attention à la vie telle qu'elle se produit » (Panahong Green, 2001, p. 8). Semenov et ses collègues envisagent le rôle de l’entraînement à la pleine conscience pour améliorer à la fois les aspects chauds (régulation des émotions) et froids (contrôle cognitif) des fonctions exécutives telles que l'attention. Ils mettent en lumière sa potentialité d’amélioration de la régulation interne en prévenant que les influences ascendantes bottom-up (telles que les réponses émotionnelles) l'emportent et interférent avec les objectifs et l'attention. Alors que l’entraînement ne produit généralement qu’un quasi transfert, Semenov et col. avancent que l’entraînement à la pleine conscience présente la potentialité d’un transfert distant parce qu’il soutient la métacognition par la réflexion : la conscience métacognitive des compétences et de leur champ d'application peut être un vecteur de transfert lointain. Les neurosciences de l’entraînement à la pleine conscience principalement chez l’adulte pointent l’importance du cortex cingulaire antérieur (CCA), un système cérébrale qui supervise les performances actuelles par rapport aux objectifs. En particulier, les études signalent que le CCA est plus actif lorsque des méditant experts pratiquent la pleine conscience, mais qu’il l’est moins que chez des non-méditant lors d’une cognition régulière ce qui suggère que le filtrage des distractions puisse s’automatiser avec la pratique. Dans un contexte éducatif, Semenov, Kennedy et Zelazo considèrent les bénéfices potentiels de la pleine conscience non seulement pour les enfants mais aussi pour les maîtres ; ce pourrait être utile dans le cadre d’un travail stressant. Dans le chapitre 13, Sharman, Illingworth et Harvey se penchent sur les neurosciences du sommeil et leur relation aux pronostics éducatifs. Ils passent en revue comment le sommeil fonctionne dans le cerveau comment l’activité électrique cérébrale révèlent les cycles du sommeil et comment le sommeil est lié aux cycles circadiens. Une attention particulière est portée au changement de rythme circadien d’environ trois heures à l’adolescence, avec des jeunes qui restent éveillés plus tard dans la nuit et se réveillent plus tardivement le matin. Pour l’heure, la cause de ce changement demeure inconnue. Mais la combinaison d’une heure de couché plus tardive avec l’heure fixe de départ au collège se traduit par une moindre quantité de sommeil pour les adolescents. Le sommeil est associé au fonctionnement psychosocial et à la régulation comportementale / émotionnelle ; de telles réductions de sommeil peuvent influencer le bien-être des étudiants, leur capacité à s'entendre avec leurs pairs et leurs enseignants, et leur comportement dans l’établissement scolaire (bien que l’on ait pas encore clarifié le sens de la causalité). Les adolescents peuvent non seulement se sentir plus « fatigués et émotifs », mais la cognition peut en être affectée et ainsi la qualité des apprentissages de même. Sharman et collaborateurs considèrent le rôle du sommeil dans les processus cérébraux de mémorisation et d’apprentissage, avec ses cycles de répétition, de consolidation, de réorganisation et d’intégration des souvenirs. Ils notent que l’efficacité du sommeil peut se montrer plus importante que la durée les enfants ont besoin de bien dormir ! Les auteurs évaluent alors les possibilités parallèles de modification des heures de début d’enseignement pour mieux Unité Socio-Cognition, C.H. Le Vinatier, BRON Page 17/21 [Traduction et adaptation française Jérôme Alain Lapasset] 22 juin 2020 17 coïncider aux rythmes circadiens de l’adolescent, ou d’éducation au sommeil, d’amélioration de la compréhension des comportements qui incitent à un bon sommeil (tels que d’éviter l’usage de média à écran aux alentours du couché, voir e.g., Mireku et al., 2019) pour maximiser l’efficience du sommeil. Au chapitre 14, Wheatley, Wassenaar and Johansen-Berg se penchent sur les bénéfices possibles de l’exercice en aérobie pour améliorer les pronostics éducatifs. Il semble évident que l'exercice est bon pour tous, en cette période de préoccupations autour de l'obésité. Mais, ici, l’objet d’intérêt porte moins sur les bénéfices dans le domaine de la santé et davantage sur les effets potentiels sur la cognition, en particulier sur les habiletés des fonctions exécutives telles que l’attention. Wheatley et collaborateurs examinent soigneusement les études transversales, en évaluant si ceux qui entreprennent plus d’exercices en aérobie obtiennent de meilleurs résultats éducatifs, et ensuite les études d’intervention, ou on cible l’amélioration des niveaux existants de forme physique. L’histoire devient complexe : l’exercice engendre-t-il des améliorations immédiates, « aiguës » de sorte que, disons, les enfants obtiennent de meilleures performances en classe de mathématiques après un cours d’EPS (éducation physique et sportive) ? Ou est-ce que le maintien d’un meilleur état de forme physique durable engendre des améliorations «chroniques» ? Y a-t-il des améliorations à apporter à la capacité cardiovasculaire ou de meilleurs habiletés motrices (e.g., meilleure souplesse, équilibre et vitesse) ? Quels sont les mécanismes cérébraux qui sous-tendent les progrès observés ? Les études sur l’animal pointent l’implication d’une meilleure connectivité cérébrale, la croissance de nouveaux vaisseaux sanguins, l’expression plus prononcée de « facteurs de croissance » chimiques, tels que le facteur neurotrophique dérivé du cerveau (BDNF7), et même la genèse de nouveaux neurones dans l’hippocampe. Quel est le meilleur type d’exercice ? Une activité physique de modérée à vigoureuse (APMV8) semble remporté les faveurs. Certains suggèrent que l'activité d’entretien physique aérobie pourrait être plus efficace pour les années de primaires que pour les adolescents, et les rendements pourraient se révéler décroissants pour les enfants déjà en forme. « Au bout du compte », Wheatley et ses collègues concluent que, « l'activité physique peut améliorer les fonctions exécutives des jeunes » (p. 376), avant d’en venir à considérer les modalités pratiques d'intégration de celleci dans la journée scolaire ; activité qui devrait être pris en charge (il s'avère que les enseignants spécialisés en éducation physique ne sont pas nécessaires !). Au chapitre 15 on en vient à considérer les bénéfices (et les désavantages) cognitifs possibles du bilinguisme et du multilinguisme. Phelps and Filippi abordent cette question à la fois pour les enfants et sur la durée de la vie également étant donné l’évidence suggestive que l’apprentissage d’une seconde langue pourrait représenter un facteur protecteur contre le déclin cognitif associé à l’âge. La recherche sur bilinguisme et cognition ressemble aux montagnes russes dans la première moitié du vingtième siècle, on considérait que le bilinguisme avait un effet négatif sur le QI, dans la seconde on le pensait accroitre la cognition. Cette conclusion est à présent contestée ; en même temps, dans le secteur éducatif (au moins au Royaume-Uni) on conçoit l’Anglais en tant que Langue Supplémentaire (ALS9) comme un facteur de risque d’un pronostic médiocre avec les élèves en besoin de soutien. Le tableau est flou par manque d’affectation aléatoire aux conditions. Puisque il n’est pas décidé au hasard qui sera monolingue et qui sera bilingue, il peut y avoir des différences systématiques entre ces groupes qui dépendent de facteurs historiques et culturels par exemple, dans certaines régions ou certains pays des groupes bilingues peuvent présenter un SSE plus élevé (ou plus bas) que des groupes monolingues ; comme nous l’avons vu, le SSE s’associe lui-même à des différences en cognition. Phelps et Filippi passent au crible les éléments de preuves comportementales et cérébrales: il y a des données probantes plus solides que le bilinguisme soit bénéfique au plan attentionnel dans le traitement du langage, alors que l’évidence est plus mitigée quant au fait que les exigences 7 Pour « Brain Derived Neurotropic Factor » (NdT). Dans l’original : (MVPA) = Moderate to vigorous physical activity (NdT). 9 Dans l’original : (EAL) = English as an Additional Language (NdT). 8 Unité Socio-Cognition, C.H. Le Vinatier, BRON Page 18/21 [Traduction et adaptation française Jérôme Alain Lapasset] 22 juin 2020 18 de contrôle de deux systèmes linguistiques apportent des bénéficies généraux à la cognition. Une partie du problème est que les bilingues présentent une telle variabilité dans leurs capacités et leurs expériences, et que des bénéfices plus larges peuvent ne faire surface que chez les enfants et les populations vieillissantes, plutôt que chez les jeunes adultes dont les compétences cognitives sont à leur plus fort. Cette diversité incite Phelps et Filippi à soutenir que le temps est venu d’un nouveau cadre conceptuel théorique. Leurs messages les plus puissants sont qu’il n’y a aucune preuve en faveur d’une « surcharge mentale » pour les enfants qui apprennent deux langues (même pour ceux avec un trouble du spectre de l’autisme ou un trouble déficitaire de l’attention avec ou sans hyperactivité) en fait, le contact culturel plus large inhérent aux deux langues offre de plus grandes opportunités de soutien. Et que le profile ALS n’est pas atypique il ne relève pas d’un trouble développemental du langage et les enseignants devraient abandonner les connotations négatives associées au statut ALS . Dans le chapitre 16, dernier de la section augmentation cognitive, Schellenberg examine si l’entraînement musical peut élever les niveaux de QI. Il se demande si une telle formation présente des conséquences systématiques qui s’étendent au-delà de la capacité et des connaissances en musique à des aptitudes cognitives non musicales. Une fois de plus, un manque fréquent de répartition aléatoire aux conditions pose des problèmes. Schellenberg observe que des enfants qui prennent des cours de musique appartiennent à un groupe choisi, et qu’il n’est pas réaliste d’affecter aléatoirement des enfants à un groupe d’enseignement musical dans le cadre une étude d’intervention, puisque il est nécessaire de s’engager à pratiquer en dehors de la classe pour progresser. Schellenberg conçoit les déclarations positives en faveur de l’entraînement musical face à ces défis expérimentaux comme une « sorte d’environnementalisme radical » (p. 414) : une focalisation sur la plasticité cérébrale a conduit les chercheurs et les éducateurs à ignorer les différences individuelles préexistantes entre les enfants qui font et ceux qui n’entreprennent pas de formation musicale ; cela a encouragé une tendance à interpréter des corrélations obtenues comme des preuves de causalité. Ce en quoi, il considère les neuroscientifiques de l’éducation comme particulièrement coupables. Depuis qu’ils étudient le cerveau un mécanisme il est bien trop facile à ces chercheurs de voir la preuve de l’existence de corrélations comme une relation de causalité. Mais Schellenberg met en exergue que des facteurs communs peuvent faire que des enfants persévèrent à s’entraîner musicalement et aient des QIs supérieurs : Par exemple, des familles soutenantes de classe moyenne, ou des différences génétiques d’intelligence et de bonne volonté pour maintenir la pratique. Schellenberg passe en revue les données probantes et trouve peu de soutien convainquant en faveur d’améliorations de la cognition à la suite de l’entraînement musical. Cependant, il existe des résultats intrigants, tels la possibilité d’améliorations dans le traitement du discours et de lecture chez les dyslexiques une hypothèse que nous avons vue mise en avant par Goswami (voir le chapitre 6). À la fin du chapitre, nous bouclons la boucle sur les réserves concernant le programme d'amélioration cognitive. Pourquoi faudrait-il que l’objectif soit d’atteindre des améliorations mesurables du QI ?, se demande Schellenberg. La formation musicale améliore les habiletés musicales, la musique promeut les liens sociaux, « écouter de la musique nous permet souvent de nous sentir mieux, et faire de la musique nous fait souvent nous sentir bien ensemble. N’est-ce pas suffisant ? » (p. 432). La section 5, À l’intérieur de la classe, pénètre dans la salle de cours. Jusqu'à ce moment du volume, les enseignants pourraient légitimement dire: «cette recherche est très intéressante, mais. . . comment l’utiliser en classe? » Dans le chapitre 17, Howard-Jones, Ioannou, Bailey, Prior, Jay et Yau tentent de répondre à cette question. Ils se concentrent sur la qualité de l'enseignement, soulignant que l’«on a estimé qu’un enseignant au top des 16 % d’efficacité les plus élevés produit, comparé à un enseignant moyen, des élèves dont le niveau de réussite se situe entre +0,2 et +0,3 écart-type vers la fin de l’année scolaire (p. 443) ». Cependant, ils soutiennent qu'un bon enseignement ne consiste pas simplement à appliquer les meilleures pratiques, mais à savoir comment et quand appliquer chacune d’elles. Ils argumentent que les sciences de l’esprit et du cerveau enrichissent l’éducation en Unité Socio-Cognition, C.H. Le Vinatier, BRON Page 19/21 [Traduction et adaptation française Jérôme Alain Lapasset] 22 juin 2020 19 informant sur les processus par lesquelles les enseignants réfléchissent et développent une compréhension de leur propre pratique. L’objectif de ces auteurs est de sélectionner des concepts scientifiques centraux qui aideront à cette réflexion et de démontrer leur relation avec les pratiques pédagogiques établies. Howard-Jones et ses collègues s'appuient sur trois catégories clés du processus d'apprentissage: (1) l'engagement dans l'apprentissage, (2) la construction de nouvelles connaissances et (3) la consolidation de l'apprentissage, caractérisés en termes de systèmes cérébraux clefs impliqués. Ces concepts sont ensuite systématiquement mis en relation avec les « principes d’enseignement » en usage et aux « principes d’émotion et d’apprentissage » au sein même de l’éducation. Les auteurs enracinent ce cycle sur des exemples tels que consignes en classe et émotions des enseignants, guidage de la pratique des élèves et révision quotidienne. Surtout, l'utilité pour les enseignants de ces concepts est testée en route lors d’un cours de troisième cycle, en phase de développement dans la propre université des auteurs, qui leur est destiné. Au chapitre 18, Knowland s'attaque aux problèmes éthiques soulevés par la recherche en neurosciences de l’éducation dans la classe, étant donné que la cible de ses interventions est généralement l’enfant. Au sein des neurosciences et de la psychologie, le curseur éthique s’établie plus haut en ce qui concerne l’investigation chez ce dernier. Pourtant, on pourrait soutenir que l’éducation dans son ensemble concerne les figures d’autorité qui changent le cerveau des enfants. Les problèmes sont potentiellement d’ordre émotif. Par exemple, dans le contexte du temps d'écran laissé à disposition des jeunes, Sigman (2019) a plaidé pour le principe de précaution : jusqu’à ce que nous connaissions le plein impact du temps d’écran sur la santé et le développement infantiles, les professionnels de la santé devraient se rabattre du côté de la prudence et recommander des limites basses. Ignorer l’approche prudente des professionnels de la santé infantile, dit Sigman, «promeut une image orgueilleuse des chercheurs en psychologie et en « technologie éducative » sachant mieux que les nombreux professionnels de la santé pédiatrique et publique ce qui conviendrait le mieux pour protéger la santé des enfants» (p. 926). Knowland prend un exemple hypothétique mais austère pour considérer la question de l'amélioration cognitive. Si nous savions que la neuromodulation était efficace pour améliorer la cognition (e.g., via des psychostimulants, tels que le Ritalin utilisé pour traiter le trouble d'hyperactivité avec déficit de l'attention; ou via la stimulation électrique transcrânienne du cerveau), devrions-nous l'utiliser sur des enfants ? N'avons-nous pas le devoir d'améliorer les pronostics scolaires des enfants ? Par souci d’équité, ne devrions-nous pas alors cibler ces interventions sur les moins favorisés de la société, pour uniformiser les règles du jeu ? Qu'en est-il des effets secondaires possibles? Qu'en est-il du fait que ce genre d'interventions fonctionne pour certains enfants mais pas pour d'autres ? À quel âge devons-nous intervenir devons-nous utiliser la neuromodulation chez les nourrissons, puisque leur cerveau est plus plastique ? Ou peut-être que les années préscolaires ne devraient pas du tout être du ressort des neurosciences de l’éducation ? Les problèmes ici sont complexes, tout comme nos intuitions. Dans une étude explorant les attitudes des adultes, toute amélioration pharmacologique visant à améliorer les efforts académiques, l'emploi et les relations personnelles a été jugée moralement inacceptable mais les participants ont jugé une hypothétique «pilule futée» pour améliorer l'intelligence comme étant plus moralement mauvais que de prendre une «pilule de motivation» qui améliorerait la capacité d'un individu à travailler dur. Les systèmes cérébraux ciblés par ces pilules hypothétiques ont altéré le jugement des gens sur leur valeur morale ! Le chapitre 19 présente la vision des enseignants qui pratiquent en classe. Bell et Darlington donnent leur avis sur tous les chapitres précédents. Ils considèrent pourquoi les enseignants devraient essayer de comprendre l’apprentissage en premier lieu : « la première raison de comprendre l’apprentissage et l’enseignement », disent Bell et Darlington, « est que nous sommes des professionnels; les personnes responsables d’une part importante de l’éducation des enfants. . . [nous] devons nous tenir au courant des nouvelles données probantes sur les moyens d'améliorer pour tous les élèves l'expérience d'apprendre » (p. 500). Ils nous font part de la façon par laquelle une compréhension de l'apprentissage pourrait mieux éclairer la pratique, en abordant l'environnement et le contexte de Unité Socio-Cognition, C.H. Le Vinatier, BRON Page 20/21 [Traduction et adaptation française Jérôme Alain Lapasset] 22 juin 2020 20 l'apprentissage, le processus d'apprentissage, ainsi que le bien-être émotionnel et la santé mentale. Selon une perspective sur la durée de vie, ils disent que « chaque milieu et chaque tranche d'âge nécessitent des approches fondées sur des principes et des preuves solides… comprendre les changements développementaux qui se produisent tout au long de la vie a potentiellement des implications différentes pour chaque enseignant à chaque étape de l’éducation » (p. 498). Ils embrassent les trois catégories de processus d’apprentissage de Howard-Jones et de ses collègues : engager, construire et consolider, mais mettent également l’accent sur une quatrième, l’application et le transfert de l’apprentissage. Bien que le patron général de quasi-transfert n'augure rien de bon d’une application automatique de l'apprentissage à de nouvelles situations, les auteurs soulignent la potentialité de développer des compétences métacognitives parallèlement aux connaissances et habiletés spécifiques à un domaine. Ils identifient un rôle pour les enseignants de modélisation des compétences de transfert. Ils cherchent à identifier des activités concrètes en classe qui saisiraient (ici et maintenant) les quatre catégories d'apprentissage. Et finalement, ils identifient une demi-douzaine de caractéristiques d’apprentissage et dressent une liste de questions pour guider les enseignants dans leur réflexion sur la pratique. Dans le chapitre conclusif, chapitre 20, les coordonnateurs extraient les quatre thèmes principaux de ce volume, et se penchent sur le futur des neurosciences de l’éducation. Ils abordent en particulier deux questions. Quelle est la valeur ajoutée des neurosciences ? Une partie du débat autour du champ des neurosciences de l’éducation est la valeur ajoutée des neurosciences elles-mêmes ? Le comportement n’est-il pas la caractéristique la plus importante de l’éducation, autrement dit, les apprentissages réalisés de l’enfant ? Comment la compréhension des mécanismes du cerveau peut-elle aider ? Qu’ajoutent de plus les neurosciences que la psychologie ? Nous avons demandé à tous les auteurs qui contribuent à cet ouvrage de prendre en considération cette question en fin de chapitre. Quelle est l’implication concrète de la recherche dans la classe ? Étant donné que les neurosciences de l’éducation représentent un champ intrinsèquement translationnel, le deuxième défi posé aux différents auteurs était d’identifier les implications concrètes de la recherche et les opportunités de traduction en classe. Jusqu’à quel point les auteurs ont bien répondu à ces deux questions est un bon indicateur des progrès actuels dans le domaine des neurosciences de l’éducation. Notes i www.educationalneuroscience.org.uk/resources/neuromyth-or-neurofact/ (NdA) Forty-winks = sommeil. Il s’avère qu’il y a peu de synonymes commençant par F pour commencer à dormir ! [NdA]. iii www.howthebrainworks.science [NdA]. ii 20 à 22 Références i www.educationalneuroscience.org.uk/resources/neuromyth-or-neurofact/ (NdA) Forty-winks = sommeil. Il s’avère qu’il y a peu de synonymes commençant par F pour commencer à dormir ! [NdA]. iii www.howthebrainworks.science [NdA]. ii Unité Socio-Cognition, C.H. Le Vinatier, BRON Page 21/21